Théobald et Abbaër s'installèrent aussi confortablement que possible et s'apprêtèrent à observer le campement pendant plusieurs dizaines de minutes. Le seul individu qui semblait garder l'endroit passa la plupart du temps assis sur une bûche posée à-même le sol, devant le feu. Pour tromper l'ennui, il extrayait parfois du feu l'une ou l'autre branche et l'utilisait pour réorganiser les autres morceaux de bois qui constituaient le brasier. À un moment, il se leva et disparut une petite minute derrière l'une des tentes, sans doute pour répondre à un besoin naturel.

Une petite heure passa sans qu'aucun autre événement marquant ne survint. L'après-midi était désormais bien entamée et, apparemment, le campement n'abritait qu'un seul individu alors qu'il y avait de la place pour, au bas mot, une quinzaine de personnes. Plusieurs hypothèses étaient possibles : soit les grandes tentes n'étaient pas vraiment destinées à accueillir des personnes mais abritaient autre chose que des lits, soit les autres occupants étaient occupés ailleurs, soit encore le campement avait été préparé pour accueillir des renforts qui devaient arriver plus tard.

Théobald n'était pas forcément d'accord avec le nain, il aurait préférer aider ce dernier avec un peu de magie pour qu'il aille visiter d'un peu plus près.
Mais finalement il le lassa faire tentant de le suivre du regard, tout en étant près à le soutenir s'il y avait un imprévu.

Abbaër rejoignit son compagnon. A son visage bougon, il comprit de suite que le nain n'avait pas trouvé ce qu'il cherchait.

« Je n'ai rien vu de probant.

Soit ils ont prit soin de masquer leurs traces, soit ce campement n'est qu'un leurre. »

Qu'il fut possible qu'il n'ait pas été assez attentif ou n'ait pas choisi le bon coin pour ses recherches n'entrait pas en ligne de compte de son analyse.

Prenant son mal en patience, Kar'Uz proposa à ses compagnons de trouver un endroit un peu en hauteur comme une butte ou une colline afin de pouvoir observer les alentours sur une grande distance, sans pour autant s'exposer à la vue d'observateurs. Puis il proposa de faire des tours de garde, ne sachant trop combien de temps Abbaër et Théobald mettraient avant de revenir. Là si près de la rivière ils ne servaient à rien.

Théobald et Abbaër se rapprochèrent du campement en faisant bien attention à ne pas être vus cependant. L'inquisiteur avait averti le nain que son sortilège d'invisibilité durerait sans doute au moins 5 minutes, mais qu'il n'atteindrait pas les 10 minutes. Il fallait donc ne pas perdre de temps…

Au moment convenu, Théobald se concentra pour invoquer Iomédae et rendre le nain invisible. Ce n'était pas la première fois, ni certainement la dernière que ce dernier allait avoir l'occasion d'utiliser ce type de magie… il en connaissait donc bien les limitations. Il avança à pas rapides en direction du campement, bien décidé à atteindre son objectif avant que le sort ne cesse.

C'est à ce moment-là qu'il commit une imprudence : trop pressé d'atteindre les tentes, ils ne regarda pas avec suffisamment de soin où il posait le pied… et percuta un petit caillou qui s'envola dans les airs avant d'aller percuter le sol un peu plus loin. Abbaër se figea en entendant du mouvement de l'autre côté des tentes, là où le guetteur était positionné. Il se rassura en se rappelant que le sort de Théobald le rendait quasiment impossible à détecter et poursuivit son approche, contournant les tentes par la droite, le côté opposé de celui que le guetteur avait emprunté d'après l'origine des bruits.

En un certain sens, cette petite erreur d'inattention était plutôt bienvenue : le guetteur avait abandonné son poste à l'avant des tentes et, pendant que ce dernier cherchait l'origine du bruit qu'il avait entendu, Abbaër avait tout loisir de soulever légèrement les pans des tentes pour mieux observer leur contenu.

La première était vide à l'exception de quelques caisses contenant des provisions (principalement du pain et de la viande fumée). C'était difficile de juger d'un seul coup d'oeil de la quantité en présence mais, clairement, il y avait là assez pour deux dizaines de personnes. S'assurant que le guetteur était toujours occupé de l'autre côté des tentes, Abbaër se dirigea vers celle du milieu et entre-ouvrit légèrement l'avant. Celle-ci contenait deux couches disposées dans des coins opposés de la tente. Il y avait clairement suffisamment de place pour six ou sept couches de plus à l'intérieur. Finalement, la troisième grande tente était, elle, complètement vide.

Les tentes semblaient destinées à faire croire à la présence d'un plus grand nombre, ce qui n'avait guère de sens… ou peut-être s'agissait-il d'un campement dressé par deux éclaireurs et destiné à accueillir d'autres individus qui devaient arriver plus tard… ce "plus tard" n'étant pas si éloigné, d'après la présence de vivres.

Abbaër avait perdu le compte des minutes mais la durée du sortilège devait sans doute être proche de la fin... il se dirigea donc en direction du relief le plus proche capable de l'abriter des regards curieux et contourna ensuite le campement pour rejoindre Théobald et partager avec lui ses récentes découvertes.

Modifié par un utilisateur lundi 5 décembre 2016 13:44:48(UTC)  | Raison: Non indiquée

L'oiseau n'était pas porteur d'une bonne nouvelle. Bien au contraire, la paranoïa viscérale du chamane Corbeau reprit le dessus.

« C'est sans doute un piège pour nous éloigner du Sénéchal et scinder notre groupe. Peau de Pierre, tu es le plus rapide et le meilleur des cavaliers de nous tous. Rattrape au plus vite Orsini et le Sénéchal afin de les protéger si jamais ils tombaient dans une embuscade. Ça ne peut être rien qu'une troupe en passe de s'installer là dans un futur plan machiavélique de la reine pour imposer sa loi martiale et diabolique dans la région, comme un groupe d'assassins à nos trousses qui ont trouvé un subterfuge pour mettre la main sur le Sénéchal. N'oublions pas qu'elle a les Man,tes Rouges à sa solde et les plus puissants mages de l'Accadamae aussi. Je préfère ne prendre aucun risque. Je renvoie le messager à l'inquisiteur, ils nous rejoindront en chemin. Nous on va lever le camp dès qu'ils arrivent et on te rejoint. »

Kar'Uz renvoi le messager mécanique avec la missive suivante :
Sans doute un piège pour tous nous séparer
Peau de Pierre parti rejoindre Orsini et compagnie
Vous attend pour rejoindre tout le monde

Alors que l'oiseau mécanique filait dans les airs pour rapporter la réponse du chamane à son propriétaire, Peau-de-Pierre lança sa monture au galop à travers les plaines qui bordaient la rivière, en direction de l'endroit où Vencarlo et le maître d'armes étaient censés attendre leur retour.

Le propriétaire — ou plutôt ex-propriétaire — du ranch ne s'était pas moqué d'eux : le Shoanti eut l'occasion de ressentir toute la puissance et l'agilité du destrier qu'on lui avait confié. Celui-ci lui permet de traverser le petit kilomètre qui séparait son point de départ de sa destination en quelques minutes à peine. Et, malgré la fatigue et l'important effort que Peau-de-Pierre exigeait de lui, la fière monture à la robe noire restait extrêmement docile, répondant au moindre mouvement de genoux, au moindre ordre de son cavalier.

En arrivant en vue de l'endroit où Vencarlo, le Sénéchal et Jasan Adriel s'étaient arrêtés, Peau-de-Pierre fut soulagé d'apercevoir les trois hommes rassemblés, avec le jeune messager, autour d'une caisse de bois posée sur le sol. Pour tuer le temps, ils s'étaient apparemment lancés dans un petit jeu de dés. À première vue, vu le sourire triomphant du jeune garçon qui leur avait apporté le message du nain, c'était lui qui semblait remporter la partie.

À une poignée de kilomètres de là, l'oiseau magique termina sa course en se posant dans les mains de Théobald avant de réciter, avec la voix de Kar'Uz, le message que le chamane lui avait communiqué.

Le jeune garçon répondit d'un vif hochement de tête accompagné d'un sourire à la question de Peau-de-Pierre puis montra les deux piécettes d'argent toutes brillantes qu'il venait sans doute de gagner aux dés comme pour appuyer sa réponse. « Et comment… il nous a carrément dépouillés ! » s'offusqua faussement Jasan Adriel tout en tapotant la tête du garçon. « Allez, range tes pièces maintenant. » lui conseilla-t-il.

Vencarlo avait adopté un air plus sombre, songeant à la nouvelle que le Shoanti venait de lui apporter. Il s'éloigna du jeune garçon et se rapprocha de Peau-de-Pierre, le Sénéchal le suivant de près. « Ainsi, il semble que nous puissions faire confiance à notre ami nain. Du moins, son message disait la vérité. Et, dans tous les cas, il vaut mieux ne pas tarder. Plus vite nous serons à Janderhoff et plus vite le Sénéchal sera en sécurité. »

Le Sénéchal intervint à son tour. « Envoyons le jeune garçon avec une réponse et fixons un rendez-vous au nain en-dehors de Harse. Nous serons sans doute un peu juste au niveau des rations pour faire le trajet jusqu'à Janderhoff... mais nous pourrons toujours trouver de quoi manger sur le chemin... ou jeûner. » Le maître d'armes hocha la tête pour montrer son accord avec la suggestion du Sénéchal. « Grâce aux montures de Jasan, nous pourrons facilement couper à travers les plaines et rejoindre la route menant à Janderhoff un peu plus loin au nord ; nous trouverons un endroit propice et discret pour nous positionner et attendre le marchand nain. »

Jasan, qui avait entendu la dernière partie du plan, hocha la tête et rejoignit les montures pour les préparer au départ pendant que Vencarlo alla discuter avec le jeune garçon pour lui confier le message à rapporter au nain.

Un bon quart d'heure plus tard, le reste du groupe apparaissait à l'horizon. Quand ils arrivèrent sur place, le trio constitué de Vencarlo, du Sénéchal et de Jasan était prêt à partir. Le Sénéchal s'avança vers chacun eux tour à tour et tendit la main. « Le moment du départ a sonné. Une fois à Janderhoff, nous ferons notre possible pour vous faire savoir que tout va bien. De votre côté, je vous en prie, gardez à l'esprit que c'est non seulement pour Korvosa mais aussi pour tous ses habitants que vous oeuvrez. » À Kar'Uz et à Peau-de-Pierre, il ajouta « Espérons que, si tout cela se termine bien, chacun d'entre nous en tire les bonnes leçons. »

Le groupe entreprit la dernière partie de son voyage ensemble, coupant à travers les collines et les champs pour rejoindre la route qui reliait Harse à Janderhoff un peu plus loin au nord. Là, ils s'établirent à un endroit où la route traversait une petite forêt, où il était facile de se cacher tout en observant le chemin pour éviter les mauvaises surprises. Ils ne durent pas attendre plus d'une demi-heure avant de voir le chariot du marchand nain à l'horizon. Celui-ci semblait être seul à bord… mais il lui aurait été facile de cacher des individus à l'intérieur, sous la toile.

Les aventuriers s'avancèrent vers le chemin pendant que Jasan, Vencarlo et le Sénéchal restaient tapis. Le marchand nain les salua et arrêta son chariot. Après une vérification sommaire, il était clair que ce dernier était seul à bord. Vaughn Firdigr annonça « Content que vous ayez pu recevoir mon message. Je ne sais pas qui étaient ces types, mais ils avaient l'air louche et ils posaient beaucoup de questions ! J'ai pris quelques provisions supplémentaires... mais nous devrons sans doute nous réapprovisionner en cours de chemin. ».

Comme il n'y avait aucun danger visible, le groupe fit signe aux trois qui étaient restés en arrière pour qu'ils s'approchent et indiquèrent au marchand nain qu'ils ne feraient pas partie du voyage. « Ah… bien. Ce n'est pas un problème. Ça sera plus simple pour les provisions je suppose. » répondit-il en regardant les trois autres voyageurs s'approcher.

Néolandus Kaléopopolis hésita un moment puis il s'approcha du marchand nain. « Vous n'avez rien dit, et vous avez tenté de le cacher mais... vous savez qui je suis, n'est-ce pas ? » Le nain ouvrit la bouche pour répondre puis la referma et fit une grimace qui valait une réponse. Vencarlo réagit rapidement, se rapprochant du Sénéchal tout en posant la main sur la garde de son arme.

Le Sénéchal de Korvosa resta calme et hocha la tête sans quitter le nain du regard. « Malgré tout, vous êtes ici seul et vous ne nous avez pas trahis, malgré la rumeur qui me lie à l'assassinat du roi Éodred II. » continua-t-il. Le nain se contenta de le regarder et, au bout d'une poignée de secondes, ouvrit finalement la bouche. « Les apparences et les rumeurs sont parfois trompeuses. » répondit-il. « Les rumeurs, tout comme les apparences. » confirma le Sénéchal. Vencarlo et Jasan échangèrent un regard étonné et l'ex-propriétaire du ranch haussa les épaules, indiquant que lui aussi semblait un peu dépassé par la conversation qui se déroulait entre le Sénéchal et le nain, comme si celle-ci était emprunte de toutes une série de non-dits.

Le Sénéchal, quant à lui, ne semblait pas du tout déstabilisé par la situation. Il avait l'air complètement à son aise dans ce genre d'échange verbal. « Alors je vais me permettre de m'appuyer sur la confiance que vous m'accordez et vous demander une faveur. Avez-vous un objet de valeur que je puisse vous acheter contre une promesse de paiement ultérieur, au nom de l'amitié entre Korvosa et Janderhoff ? » Le nain hésita un court moment et porta une main à sa barbe, se mettant à la gratter comme instinctivement.

Finalement, sans rien répondre, il se pencha et enleva sa botte gauche et la posa sur ses genoux. Tout en exerçant une pression sur le côté gauche de la semelle — Abbaër identifia facilement le geste : il devait s'agir d'un bouton permettant d'éviter le déclenchement d'un piège —, il saisit l'arrière de la botte avec sa main droite et fit pivoter une partie de la semelle, dévoilant une cache dans laquelle se trouvait une émeraude verte taillée en forme de larme. Le nain sortit la gemme de sa cache et referma sa botte avant de la replacer à son pied gauche.

Puis il tendit la gemme au Sénéchal en disant « Elle vaut au bas mot quatre mille voiles, Sénéchal. Sur votre honneur. ». Néolandus prit la gemme et remercia le nain d'un mouvement de la tête avant de se diriger vers le groupe qui allait se rendre à Kaer Maga. « Au cas où vous auriez à faire quelques achats à Kaer Maga avant de poursuivre votre chemin... » dit-il tout en tendant la larme d'émeraude à Théobald. Un simple coup d'oeil suffit à Abbaër pour s'assurer que le marchand nain n'avait pas menti : ils pourraient facilement tirer 4000 pièces d'or de la gemme en question.

Vencarlo, qui était resté silencieux jusque là, se racla la gorge. « Il est temps de nous mettre en chemin. Plus vite nous serons à Janderhoff et plus vite nous serons en sécurité. » Il s'adressa au groupe et ajouta « Dès que nous serons en ville, nous vous le ferons savoir par magie. Bon voyage… et bonne chance. ». Jasan attacha le cheval du Sénéchal à sa propre monture et le Sénéchal monta à bord du chariot, puis Vencarlo et Jasan prirent position de part et d'autre du véhicule et le convoi se mit en branle, en direction de la ville-forteresse naine de Janderhoff.

D'après Théobald, qui avait déjà voyagé dans les plaines au pied de l'Élévation Storval par le passé, grâce aux excellentes montures procurées par Jasan Adriel, ils devraient pouvoir arriver à Kaer Maga en quatre ou cinq jours s'ils voyageaient à bonne allure.

Théobald avait pris la gemme que lui avait tendu le sénéchal, tout en lui faisant un signe de tête. Il n'avait jamais oublié ce que représentait cette personne et par un geste de respect le remercia de sa confiance.

L'inquisiteur regarda s'éloigner le groupe qu'ils auraient du protéger beaucoup plus longtemps à son gout, mais pour la survie de Korvosa, cette séparation était nécessaire.

Il grimpa sur la monture qu'on lui avait confié et fit un signe pour dire qu'il était prêt. Les ordres du chaman était clair et les prochaines heures n'allaient pas être une partie de plaisir!!!
« Je pense qu'il nous faudra au moins quatre ou cinq jours pour rallier Kaer Maga! »