Dyrza était épuisée. La route avait été longue, mais alors que le soleil se couchait, elle avait fini par atteindre la porte nord de Kintargo par la route de minuit. Sur la baie de Kintargo, le soleil sombrait derrière l'horizon, embrasant les eaux d'une lueur ambrée. Cependant, les problèmes n'étaient pas absents. Elle parvint à profiter de l'inattention des gardes et de la foule pour entrer, mais se rendit rapidement compte que les patrouilles de dottari étaient fréquente. Ici aussi, la loi martiale était en place. Pire, elle se rendit compte que les passants se hâtaient de rentrer chez eux, et ne mit pas longtemps à comprendre que la ville était sous le coup d'un couvre feu. Trop fatiguée pour aller bien loin, elle décida d'entrer dans un café proche, le café de la Longue Route.


Elle fut chaleureusement accueillie par la patronne, une halfling qui lui dit s'appeler Laria et lui servit en quelques minutes une tasse de café fumant et un croissant aux amandes, ajoutant que la viennoiserie était offerte par la maison. Au bout de quelques minutes, alors que les clients s'en allaient les uns après les autres.
Laria finit par venir à sa rencontre, l'air curieuse.
« Mademoiselle? On ne va pas tarder à fermer, le couvre feu approche...vous n'avez pas l'air d'ici. Vous savez où dormir ce soir? »

Laria s'assit à sa table, et hocha la tête.
« Je m'en doutais, vous êtes encore couverte de la poussière du voyage. Hum... »
Elle eut l'air embarassée un instant.
« Et bien...pas exactement, le café n'est pas une auberge, mais de toutes façons, je ne vais pas vous laisser dehors avec le couvre-feu, vous allez vous faire arrêter. Je peux vous prêter une des chambres à l'étage, elle est inoccupée pour l'instant. »

Le dernier client franchit la porte.
« J'allais fermer, mais si vous restez, je dois avouer que je suis toujours intéressée par les nouvelles venues d'ailleurs. Qu'est ce qui vous amène en ville? »
Tout en parlant, Laria n'avait pas cessé d'examiner Dyrza d'un oeil curieux...et perspicace.

Laria soupira, se servit une tasse de café et entreprit de répondre.
« C'est une longue histoire...puisque vous venez de loin, vous avez sans doute entendu parler de la guerre civile qui couve ailleurs au Chéliax? Depuis quelques semaines, presque deux mois, la Seigneur-Maire de Kintargo, Jilia Bailinus, a disparu. Juste après, le nouveau Seigneur-Maire est arrivé. Il s'agit de Barzillai Thrune, inquisiteur d'Asmodéus, et il n'a pas perdu de temps. Immédiatement après son arrivée, il a commencer à mettre en place des décrets complètements arbitraires, apparemment pour le simple plaisir d'exercer le pouvoir. Et puis il y a eu les incendies qui ont frappé plusieurs endroits de la ville, et la disparition des adversaires notables de la maison Thrune...et l'émeute du parc d'Aria qui s'est transformé en carnage. Le futur de Kintargo n'est pas particulièrement brillant, je le crains...mais heureusement, il y a tout de même des citoyens Kintargans qui refusent de céder à la tyrannie! On parle beaucoup d'un groupe qui s'appelle les Corbeaux d'Argent depuis quelques semaines. »

Elle descendit sa tasse d'un trait.
« Enfin, j'imagine que les nouvelles du reste du pays ne sont pas meilleures...Malgré tout, comme on dit, il faut toujours être prêts pour les défis du voyage et à rencontrer des amis inattendus! »
Cette dernière et étrange expression était familière à Dyrza: il s'agissait d'une expression fréquemment employée par les adeptes de Desna pour rappeler que les voyages n'étaient pas sans dangers mais qu'il fallait garder l'esprit ouvert! Que faisait elle dans la bouche d'une patronne de café à Kintargo, en revanche...

Laria écarquilla les yeux au cours de la réponse de Dyrza, mais resta silencieuse jusqu'à ce qu'elle ait fini. Même lorsque le silence retomba, elle resta silencieuse pendant quelques minutes.
« Je...ne m'y attendais pas. Êtes vous varisienne, Dyrza...? Les liseuses du Tourment sont rares dans la région, surtout celles qui portent une lame étoile. Je crois savoir qui vous servez, et si tel est le cas, permettez moi de vous dire que vous avez du courage, et que vous venez de trouver une amie inattendue! »

Elle soupira.
« Je m'estime plutôt douée pour juger les gens, et si j'ai bien saisi le sens de vos paroles, il semblerait que vous ne soyez pas particulièrement appréciée du pouvoir. Le Chant des Sphères n'est pas le bienvenu au Chéliax. Pour répondre à votre question, les Corbeaux sont un jeune mouvement, ou plutôt, une jeune incarnation de la résistance ayant défendu Kintargo durant la Guerre Civile, il y a 75 ans, et ils ont bien l'intention de rétablir la justice, même si cela doit passer par une nouvelle rébellion. Ils ont déjà vaincu l'un des gangs qui infestaient les quartiers les moins recommandables de la ville, les Plumes Rouges, mais croyez moi, ils n'en sont qu'au début! »

Elle jeta un oeil aux alentours.
« J'ai rencontré nombre de vos coreligionnaires, vous savez? Avec la loi martiale, les contacts sont coupés, mais à une époque, j'étais en relation avec la Chant Murmuré, qui répandait clandestinement la bonne parole à Nidal. Si vous avez besoin d'aide, sachez que vous pouvez compter sur moi! »

Laria hocha la tête.
« Puisque nous en sommes aux confidences, je pense que je n'ai pas grand chose à perdre. Il y a en fait deux générations de Corbeaux d'Argent. La première était un groupe de rebelle qui a protégé et défendu la ville contre les ravages de la guerre civile, mais le groupe actuel est basé sur le premier. En fait...J'en fait partie. Nous ne sommes pas encore très avancée, mais nous recevons de plus en plus de soutien, et je suis certaine que nous finirons par pouvoir renverser la tyrannie! Mais pour l'instant, nous essayons de gagner du soutien dans la population. Le gouvernement ne nous a encore jamais mentionné officiellement, j'ignore pourquoi ils nous ignorent à ce point...Dans tous les cas, même si nous sommes encore faibles, nous nous renforçons chaque jour! Même si il est vrai que nous avons besoin de toutes les bonnes volontés...
Seriez vous intéressée, par hasard? Je ne souhaite pas vous mettre dans une situation difficile, mais si vous avez l'oreille de Desna, je pense que vos talents pourraient nous aider. Les clergés en ville sont malheureusement du côté des Thrunes, ou refusent obstinément de prendre parti. »

Au crédit de Laria, elle ne l'interrompit pas, et si elle ressentait un choc ou de la méfiance, elle n'en laissa rien paraître. Néanmoins, à l'annonce de ses anciennes allégeance, la halfline étrécit les yeux, la scrutant, cherchant clairement une trace de tromperie ou de duplicité.
« Je...vois...Certes, c'est vrai que cela n'incite pas à la confiance. Mais vous ne seriez pas la première personne ayant abandonné le clergé que j'aide, et il semblerait que Desna vous fasse confiance. Qui serais-je pour ne pas suivre son exemple? Ceci étant dit, il y a d'autres raisons...nous manquons de talents, et si vous avez quitté l'église, cela signifie que vous êtes une hérétique. Ca vous donne toutes les raisons du monde de vouloir mettre fin à l'emprise du clergé d'Asmodéus. Mais je ne suis pas la seule à décider, et je dois vous présenter aux autres avant de prendre une décision. Mais vous avez raison...si vos pas vous ont amené ici, il doit y avoir une raison. »

Laria eut l'air soudain un peu embarassée, mais se reprit rapidement.
« Et bien...c'est un peu délicat, car tous ne souhaitent pas qu'on sache tout sur eux. Ceci dit, je peux vous en dire un peu, sans rentrer dans les détails, mais si vous voulez en savoir plus, il faudra leur demander vous même. Ca vous convient? »

Elle se resservit du café, et entama son récit.
« Nous sommes un ensemble un peu hétéroclite, au final. L'un des principes des Corbeaux sont que toutes les bonnes volontés sont les bienvenues...nous avons au moins un adepte de Milani, protectrice des opprimés et déesse des rébellions, plusieurs membres de l'opéra qui sont actuellement au chômage, d'anciens esclaves, des victimes de l'oppression des Thrunes, d'anciens nobles également, bref, de tous horizons.... Moi même, je dirige également le réseau de la digitale, qui aide les esclaves à échapper à leurs chaînes, mais avec la loi martiale, nous avons du suspendre nos activités. Par contre, je mets à profit mes contacts pour aider les Corbeaux. »

Laria hocha la tête.
« Efficace est encore un bien grand mot, mais je fonde de grands espoirs sur les Corbeaux. Nous n'avons plus beaucoup de recours de toutes façons...Quand à tes motivations...chacun a les siennes, et toutes sont valides. Tu n'es pas la seule qui a eut à souffrir de la tyrannie d'Asmodéus et des Thrunes, et c'est en partie pour libérer le duché de leur joug que nous combattons. »

12 Sarénith - En bordure de Toits-Rouges, milieu de journée
Dyrza retrouva la lumière du soleil avec un certain soulagement après les ténèbres et la puanteur de moisissure de l'Etable de la Bonne fortune. Une chose était certaine, ces lémures ne les troubleraient plus, et elle avait clairement eu l'occasion de prouver sa valeur, les miracles que Desna lui avait accordé s'étaient révélés dévastateur contre les créatures venues des Enfers. A présent, elle, Caliban et Alice allaient se séparer. L'inquisiteur souhaitait retourner voir Laria au Café de la Longue Route, et Alice prendre le chemin de la taverne du Bec et Ongles où elle devait se renseigner sur ce que "la Comtesse", c'est à dire Setrona Sabinus, leur voulait.

Les Corbeaux n'avaient pour l'instant pas prévu de se réunir pour encore quelques jours, ce qui lui laissait le temps de faire le point, et peut être d'entamer ses propres projets. Cependant, il était plus que probable qu'Alice revienne de sa rencontre avec des nouvelles importantes, ce qui signifiait une possible rencontre le jour même.
Dans tous les cas, elle savait avoir au moins jusqu'au coucher du soleil. Pour l'instant, son séjour à Kintargo était un peu précaire, elle n'y connaissait, en dehors des Corbeaux, pas grand monde, et elle vivait au Café de la Longue Route, sur la Rive Nord. Mais cette ville était pleine d'opportunité, si elle savait les saisir.

Fort heureusement, même pour elle qui ne connaissait pas encore bien la ville, les temples étaient plus ou moins tous bâtis sur la bien nommée Colline du Temple, au sommet de laquelle se dressait le grand temple d'Asmodéus, dont les flèches dominaient l'île d'Argos.

Depuis l'Etable de la Bonne Fortune, la Colline du Temple n'était pas bien loin...Mais Dyrza du traverser le quartier de Toits-Rouges, le plus pauvre de la ville, qui entre autre accueillait la majeure partie des tieflings vivant à Kintargo. L'endroit empestait la misère et la crasse, et les immeubles, quand ils n'étaient pas condamnés, débordaient presque tant ils étaient surpeuplés. Dans les rues de Toits-rouges, elle croisa principalement des hommes et des femmes à la peau écarlate, cornus, aux sabots fourchus. Certains avaient une queue, d'autres des écailles, d'autre les yeux jaunes d'un félin, d'autres encore des griffes ou des crocs. Ils portaient des tenues d'ouvriers, rapiécées et élimées. Bien sûr, elle n'était pas la seule "humaine", mais sa présence était tout de même remarquée.
Outre ses étranges habitants, le quartier lui même n'était pas des plus accueillants. Les détritus s'amoncelaient dans certaines des ruelles et les caniveaux. Elle croisa le chemin de plusieurs mendiants, et certains des tieflings lui jetèrent des regards hostiles. Mais d'autres la saluèrent, essayant, malgré la misère dans laquelle ils vivaient d'apporter un peu de joie et d'espoir autour d'eux.

Dyrza finit par atteindre les contreforts de la Colline du Temple. De la où elle était, le temple le plus proche était la Maison des Voiles Dorées, le sanctuaire dédié à Abadar, dieu tutélaire des cités et de la civilisation. Le temple était une construction de marbre, aux épais vittraux jaunes, orangés et dorés. Un grand escalier menait à la porte principal, se séparant à mi hauteur en deux branches, contournant une grande statue du Maître de la Première Chambre. Abadar, son armure de marbre incrustée d'or brillant dans la lumière de l'après midi, posait sur les visiteurs du temple un regard à la fois sévère et bienveillant.
La porte elle même, une lourde porte renforcée d'acier, elle aussi incrustée de cuivre et d'argent, comportait deux lourdes poignées, chacune servant de heurtoir. Les lieux avaient l'air relativement désert, du moins de l'extérieur.


Je t'ai amené au temple le plus proche, mais sinon, les temples de Shélyn, Zon Kuthon, Asmodéus, Iomedae, et un temple d'Aroden se trouvent à proximité.

Modifié par un utilisateur lundi 16 janvier 2017 23:11:52(UTC)  | Raison: Non indiquée