Gorundal se mit à sourire.


«  Prenez votre temps, je vais vous attendre sur les marches. Et toi, Sabbi, amène moi un thé s'il te plaît » demanda t'il à un garçon dans la masse à une dizaine de mètres, alors qu'il ajustait ses vêtements à la bijouterie encombrante pour s'asseoir en l'attendant.

La bâtisse était immense en son centre, le plafond, était stupéfiant, une Anhk de la taille de dix hommes y était gravée. Sur les murs, des anges étaient peints au milieu des hommes, les aidant sur une aile, les combattants sur une autre. Au fond, on pouvait voir l'immense peinture de la déesse luttant pour repousser Rovagug le Destructeur dans sa prison, et rappeler au monde que le pardon n'empêche pas la fermeté, et les décisions lourdes.
Les colonnes en revanche étaient comme le mobilier, simple, et fonctionnel. Plusieurs groupes de pèlerins étaient là, occupés avec d'autres membres du clergé. Alia et Bhaal purent apercevoir un autre aasimar, une femme, présente au fond de la salle, jouant de la harpe sur l'estrade.


«  Venez, allons un peu à l'écart. Vous semblez à la fois étrangers et membres de cette ville, votre âme troublée. Je suis Vechna, disciple de Sarenrae, vous semblez ... je ne saurai dire, on dirait que vous appartenez à ce lieu sans y appartenir. Vous venez de loin? » l'homme, ou la femme, semblait troublé(e), aussi bien par l'aasimar qui lui faisait face que par le tieffelin qui l'accompagnait, et le toisait d'en haut.

Modifié par un utilisateur jeudi 23 février 2017 15:41:24(UTC)  | Raison: Non indiquée

Bhaal pénétra dans le temple à la suite d'Alia et le gigantisme du lieu, aussi bien que sa beauté, riva ses yeux jaunes au plafond et le laissa la bouche ouverte. Pour autant, il ne se sentait pas transporté comme la jeune fille mais était plutôt hanté par un sentiment d'oppression provoqué par ce qu'il percevait aussi comme un étalage de puissance. L'homme bâtit sa maison à l'image de son ambition. Quelqu'un lui avait dit cela un jour. Un gladiateur, un homme mort depuis longtemps. Pourquoi ce dicton lui revenait-il maintenant ? En tout cas, ça promet...

En un éclaircissement soudain, il réalisa qu'Alia avait dit d'où ils venaient mais ne les avait pas vraiment présentés, alors que le prêtre leur avait dit son nom depuis un moment déjà. « Je suis Bhaal, et voici Alia, ma compagne » déclara-t-il en tendant la main vers l'intéressée pour la présenter. « Nous... étions esclaves ici. Mais nous ne sortions pas. Voilà pourquoi nous semblons "à la fois étrangers et membres de cette ville", » dit-il avec un sourire. « Tu sembles voir bien des choses chez les gens d'un simple regard. Mais pourquoi crois-tu... Comment sais-tu que nos âmes sont troublées ? »

Alia regarda le prêtre avec étonnement. « Fort humble ? C'est l'endroit le plus magnifique que j'ai vu. Je ne sais pas comment sont les autres temples, mais j'ai vu beaucoup de palais, ils ruissellent de richesse mais ils sont tellement... vides en comparaison, tellement froids. » Alors qu'elle parlait, les yeux de la jeune fille ne se lassaient pas d'admirer les murs, le mobilier, les peintures, les sculptures, elle se désaltérait à une source qu'on lui avait toujours interdite et que son corps et son âme réclamaient depuis toujours.

Elle écouta ce que dit le prêtre et lui répondit, rougissant légèrement. « Merci pour cet accueil, mon Père, mais je crois que vous faites une légère erreur sur Bhaal et moi. En surface tout semblait nous prédisposer à nous entretuer comme vous dites, mais ce n'est pas une question de volonté, nos âmes étaient vouées à se rencontrer, j'en suis certaine, ça ne pouvait pas être autrement. »
Elle toussota légèrement et reprit : « Kelmarane va reprendre sa splendeur, mon Père, nous avons détruit le mal qui était tapi dans l'Eglise de Sarenrae, il ne pourra plus jamais faire le moindre mal. Et le monastère... il est libéré également, j'espère qu'il retrouvera la splendeur qu'il devait avoir. Vous connaissiez le Saint qui était là-bas ? Vardishal ? »

A peine la dernière question était-elle sortie de sa bouche qu'elle la regretta déjà mais elle n'avait pu s'empêcher de la poser, elle voulait savoir pourquoi la déesse et ses prêtres n'avaient rien fait pour garder son monastère, pourquoi l'avait-ils laissé se faire profaner ?

« Non, elle est restée au palais, mais on n'est arrivés que ce matin,  » répondit Bhaal. « Nous on a quartier libre, alors on fait des courses. A ce propos... » commença-t-il en semblant chercher ses mots, « on a... trouvé une dague sur un prince osirien maudit qui vivait dans un temple de Nethys oublié. On ne l'a pas ici, mais elle s'appelle En-Nebi, la lame du léopard, et elle porte un léopard gravé sur le manche. Elle avait rendu fou son porteur, et ruiné sa vie. Il se transformait peu à peu en léopard, ou plutôt : il s'est transformé en léopard dès qu'il a saisi l'arme. Mais nos magiciens nous ont expliqué que c'était justement sa malédiction. Seulement c'est une arme très puissante, et crois-moi, je sais de quoi je parle : je l'ai prise dans le bide. »

Manifestement embarrassé par ce qu'il avait maintenant à dire, il hésita un petit moment avant de se lancer. « Le... truc, c'est qu'on a besoin d'argent pour quelque chose. Quelque chose de bien. Il va nous falloir probablement beaucoup d'argent. Alors c'est Katapesh ici, tu vois ? On en tirera une grosse somme aux Étals de nuit, si on se débrouille bien. »

Il s'interrompit, soucieux de laisser le temps à son interlocuteur de tirer lui-même les conséquences de ses dernières paroles, avant de reprendre. « Ah moins que... Quelqu'un la rachète pour l'empêcher de nuire. La cache, la détruise, j'en sais rien... La fasse disparaître, » conclut-il en gardant les yeux sur son interlocuteur.

Alia fut extrêmement surprise de la réponse de Vechna, jamais elle n'aurait cru qu'un prêtre pourrait leur conseiller de revendre une dague maudite aux étals de minuit.

« Merci pour vos conseils, mon Père, merci beaucoup et si nous avons besoin d'aide nous viendrons sans faute vers vous. Quand ont lieu les offices, s'il-vous-plait ? J'aimerai énormément assister à une messe, ça serait la première fois... Je viendrai avec deux amis, ils sont liés à la déesse également, ils voudront venir, je n'en doute pas un instant, et je pense que vous pourrez leur être d'une grande aide. »

Vechna baissa la tête

«  Pardonnez moi, j'ai manqué de précisions, quand je dis plus dangereuse, je ne veux pas dire que la mortalité y est plus rapide. Vous comprendrez mieux avec les années ce que j'ai voulu dire, je n'ai pas voulu vous offenser ou sous-estimer la douleur de vos années passées. Je sais précisément ce que c'est. »
Il se tourna vers Alia après avoir baisser la tête vers Bhaal un long moment.

«  Les offices ont lieu en milieu de matinée, en tout début d'après-midi, et en début de soirée. Parfois, il y a aussi une messe au milieu de la nuit. Permettez moi une rapide prière pour vos âmes. » Il ferma les yeux en tendant les paumes des mains vers le ciel.
«  Sarenrae, que tes Saints veillent sur Alia et Bhaal, que la liberté leur amène la rédemption si chèrement acquise des années subies sous le joug des hommes avides, et que ton cimeterre les protège des dangers qui guettent cette région. Puissent ils trouver leur voie, et que leur entreprise aux choix difficiles soit couronnée de succès. Que votre caresse porte jusqu'à Kelmarane, en honneur de Vardishal, votre serviteur. »

Gorundal finit hâtivement son thé et s'étira en baillant avant de reprendre la route.


«  Cet arrêt n'était pas volontairement prévu mais tant qu'à être dans le quoi, ça aurait été dommage pour vous de ne pas y passer. Allons-y. » Continuant à déambuler dans les rues, se rendant vers l'ouest de la cité sur la partie intramuros des étalages de jour. Gorundal faisait la conversation, désignant les lieux devant lesquels ils passaient et les marchands à éviter, jusqu'à ce qu'il s'arrêta devant ce qui ressemblait à un petit restaurant. Fier de son effet, il annonça.
«  Nous y sommes. »

L'acier d'Al-faran était une curieuse, où l'on venait s'asseoir à une table recouverte d'une nappe,où l'on amenait des assortiments de boissons fraîches et d’amuse-gueules accompagnés d’un repas léger, et, plus déroûtant encore
un « menu » constitué de la liste des armes disponibles chez le maître fabricant d’armes Diyab Al’Faran. Chacune
de ses créations était personnalisée selon les spécifications exactes de l’acheteur si ses créations de départs ne suffisaient à contenter ces derniers. Toutes les armes, même les plus exotiques, étaient en leur centre faites d’acier fin
de Druma, qui les rendaient plus résistantes que la moyenne.



Du côté des vêtements, ils firent un arrêt chez Zarko Robane, un couturier Vudrain connu pour mettre en valeur toutes les silhouettes, même les pires. Il prit leur mesure afin qu'ils repassent le lendemain pour récupérer leurs habits, le temps qu'il fasse quelques retouches sur ses tissus, en prenant les couleurs choisies par concertation avec ses deux clients.

Leurs petites affaires faites, ils purent rentrer aux abords de Palais, où ils apprirent que l'audience n'aurait lieu que dans deux jours. Nemlak était parti s'enquérir d'une entrevue qu'il pourrait peut-être bientôt avoir avec Bhaal et la personne qui qu'il avait contacté à son sujet, accompagnée de Gorundal comme caution de voyage. Craignait il que le marchand se rapproche un peu trop des sarenites?

Jyll et Célestin se joignaient à Alia et Bhaal après le repas, alors que la Princesse semblait s'isoler avec le Prince Jawad pour la préparer à son entretien. À la nuit tombée, la ville ne dormait pas, mais alignait à présent des zones bruyantes par les tavernes et musiciens qui y trainaient, quand on ne parlait des Prophètes de l'Apocalypse qui divaguaient à voix haute, avec des coins plus calmes, soient parce que les riches y habitaient et aspirer au repos, soit parce qu'on approchait de zones pas si bien limitées où des commerces nocturnes avaient lieu. Bhaal, le plus à même par instinct de percevoir le danger, avait parfois le sentiment de franchir une barrière invisible comme quand on quittait la route pour un terrain plus hostile malgré son calme apparent.

Errant dans les rues à la recherche d'une approche, et d'un lieu par où commencer, un «  psssssst » en provenance d'une sombre ruelle se fit entendre alors qu'un jeune enfant aux nus pieds s'approcha d'eux.

«  vous z'êtes pas du coin, vous cherchez un queq'chose qu'on trouve pas la journée? Je peux vous guider vers ce que vous voulez, c'est une pièce d'or. Je connais tous les bons coins. »

La visite à la Temple de Sarenrae avait apaisé Alia, elle était toujours inquiète et anxieuse mais ils avaient trouvé un allié dans cette immense ville et c'était plus qu'elle n'avait espéré en revenant à Katapesh.

En suivant Bhaal et Gorundal à travers la ville jusqu'à l'Acier d'Al-faran, elle sentait poindre un début d'espoir dans leur quête. Une fois dans l'arrière-boutique, elle resta en retrait, admirant son amant choisir sa nouvelle arme. Elle ne se lassait pas de le regarder, la force qui émanait de lui la fascinait toujours autant. Lorsqu'il prit en main la bardiche en acier de Druma et fer froid, elle sut qu'il avait trouvé l'arme qui lui fallait. L'harmonie entre le demi-démon et la lame était parfaite, à tel point qu'on aurait pu croire que le forgeron dans un éclair de prescience avait créé l'arme exprès pour le tieffelin.

La visite chez Zarko Robane fut plus compliquée, Bhaal n'était venu que pour faire plaisir à Alia et s'il ne s'était agi que de lui, il serait reparti aussitôt sans rien acheter. Elle réussit néanmoins à lui faire essayer une tunique brodée, il est superbe dedans mais elle renonça à l'acheter devant ses "je déteste", "déguisement" et "j'suis pas Célestin" de Bhaal. Renonçant, elle le laissa choisir lui-même sa tenue, tout en gardant un œil attentif sur son choix, il était hors de question qu'il choisisse quelque chose qui ne lui plaise pas ou qui n'irait pas avec sa fonction de conseiller militaire.
Lorsqu'il apparut dans sa tenue de cuir, elle resta un instant silencieuse.

La tenue mettait en valeur sa musculature, les lanières de cuir sculptaient le torse et magnifiaient la virilité brute de l'ancien gladiateur. Il avait fait le bon choix. Elle hocha silencieusement la tête en signe d'assentiment, le dévorant des yeux.

Réussissant à détacher le regard de la silhouette masculine, elle choisit sa propre tenue. Elle jeta son dévolu sur une robe fluide de soie verte, assortie à ses yeux. La coupe était simple mais raffinée, rien d'ostentatoire mais elle mettait en valeur sa silhouette sans être provocante, elle était parfaite pour une conseillère et ne ferait pas d'ombre à la Princesse.
Une paire de sandale de cuir complétait l'ensemble.
Le regard que Bhaal lui lança quand elle apparut confirma son choix.



Ils rentrèrent au Palais dans leurs nouveaux atours pour le repas du soir, Alia raconta avec enthousiasme leur visite au temple à Célestin et Jyll, leur faisant part de son désir d'assister avec eux à un office dès qu'ils le pourraient et surtout les enjoignant à aller à la rencontre de Vechna, le prêtre si atypique de la Fleur de l'Aube.

Alors que le soleil se couchait, ils se retrouvèrent dans les rues de la capitale dans son endroit le plus dangereux, les Etals de nuit, de nouveau habillés de leur tenue de voyage. Elle ne s'éloigna pas de Bhaal même si elle laissait un espace entre deux, si un danger se présentait il leur fallait pouvoir dégainer leur arme sans se gêner.

Ce n'est que lorsque Bhaal se tourna vers le gamin qu'elle le remarqua, elle fut contente que le gladiateur prenne les choses en main, elle se sentait perdue dans les rues maintenant sombres de la ville.

Le jeune garçon prit sa pièce avec célérité, mais sans joie. Il ne devait pas voir grand chose de cette pièce une fois parvenue à sa réelle destination. Il attrapa, sans peur, la main du géant rouge, et essaya de se faire suivre ainsi, incapable de faire avancer l'ancien gladiateur contre sa volonté. Jyll n'était pas rassurée mais mimait bien une certaine assurance, habituée par son passé à des négociations avec des brigands et autres individus peu recommandables.

Le calme des rues ne s'animait que par quelques badauds et les mouvements fébriles des ombres et lumières crées par la danse des bougies et braséros qui constituaient le peu d'éclairage disponible. Quelques groupes commerçaient aux yeux de tous, l'air tous plus louches les uns que les autres, l'enfant naviguait dans les rues entre eux, jusqu'à un cul de sac où une femme armurée de plaques noirs sur laquelle ondulait une cape bleue nuit recouvrant son dos comme ses cheveux fit barrage entre l'enfant et l'individu qui se trouvait derrière elle.
Le maquillage de ses lèvres était assorti au sang du blanc de ses yeux bleux clairs et à ses boucles d'oreilles en fins cristaux. La main gauche sur l'épée, elle demanda au gamin tout en regardant les arrivants derrière lui :


«  J'espère que tu ne viens pas à nouveau pour nous faire perdre notre temps. »
Malgré sa sensualité, la voix avait une aura de menace palpable à destination du jeune homme, et peut-être des invités. Elle se figea à la réponse derrière elle, avant de se coller au mur pour les laisser passer.




« Varlane, laisse donc passer ceux qui financent ta paye, et surtout, laisse moi en juger. »
La voix était froide comme la tombe, froide comme le teint de son possesseur, qui devait être là tous les soirs, et peu prendre le soleil. Sa longue robe marron foncée, digne d'un habit de cour, laissait présager une silhouette fine, presque rachitique. Assis sur une caisse devant un bureau à la décoration sobre, il fit signe aux nouveaux arrivants d'approcher.
« Bienvenue aux mille malheurs voyageurs, qu'est ce que le bon Dermah peut faire pour vous? »

Surpris par la familiarité touchante du gamin, Bhaal se laissa prendre la main et guider ainsi, jetant simplement un coup d’œil derrière lui de temps en temps pour vérifier que ses amis suivaient bien. L'enfant les mena ainsi, à travers le dédale interlope des Étals, jusqu'à une échoppe gardée par une femme à l'allure impressionnante.

Bhaal jugea tout de suite, à son allure et au timbre de sa voix, qu'elle ne devait pas être prise à la légère. Son instinct de combattant le lui disait, en même temps que naissait en lui le désir d'en découdre avec elle... Juste pour voir lequel des deux était le plus fort. A l'invitation du maître des lieux, il passa devant elle en lui adressant un regard de défi et en jouant de sa masse et de sa stature pour imposer son "aura de menace", cet espace invisible et intangible autour de lui et auquel tous les combattants étaient sensibles, une distance en-deçà de laquelle l'autre ne devait ni ne pouvait se sentir en sécurité.

L'homme devant qui ils se trouvaient désormais était malingre et pâle, et pourtant il semblait exhaler un sentiment de danger aussi fort, sinon plus, que celle qui s'avérait être son employée et sa garde du corps, d'après la façon dont il s'adressait à elle. Deux personnages fort inquiétants, somme toute, et en qui il serait folie de faire confiance. Alia ne s'était pas démontée et entama les négociations en présentant la raison de leur visite. Il revenait maintenant au demi-démon de produire l'arme qu'il conservait dans sa besace, enveloppée dans un linge.

Il la posa donc sur la première surface plane disponible et déroula lentement le morceau de tissu jusqu'à ce que En-Nebi apparaisse. Guettant la réaction de l'homme, il se contenta d'un simple commentaire : « voici l'objet. C'est une arme très puissante, mais elle a rendu fou le prince Haider, au point de ruiner sa vie et d'en faire un paria. Elle l'a transformé en une espèce de monstre, mi-homme, mi-léopard. »

Modifié par un utilisateur dimanche 26 mars 2017 14:58:21(UTC)  | Raison: Non indiquée