os agents royaux étaient déconcertés par le comportement des prisonniers, et il y avait de quoi l'être... A la demande de Vence, Goodson congédia le nommé Sartel qui sortit tout bonnement par la porte, seul, apparemment pour rentrer dans sa cellule comme le lui demandait le directeur. Ni Vence ni Jean ne remarquèrent de traces de sévices sur Sartel, qui avait d'ailleurs l'air en bonne santé. Il n'avait pas non plus l'air drogué. Une fois Sartel parti, Goodson continua.

« Et bien, Sorghum et Starter ne sont pas vraiment dangereux, comme la grande majorité de nos pensionnaires d'ailleurs. » Les constables remarquèrent l'emploi du terme de "pensionnaires" comme si il s'agissait d'un hospice de convalescence ou d'une pension estudiantine, et non d'une prison. « Les pauvres âmes égarées qui finissent ici ont du être jugées aptes à être... redressées, remises sur le droit chemin. Concernant leurs délits passés, j'imagine que vous en savez autant que moi. Pour ce qui est de leur vie ici, ils ne nous ont pas donné matière à nous plaindre d'eux pour le moment. Voyez-vous, nous mettons un point d'honneur à instaurer un climat de confiance au sein de notre établissement. Si un prisonnier - je n'aime pas ce terme, mais passons - montre qu'il est digne de confiance, il peut bénéficier d'un peu plus de liberté, et d'une meilleure formation. Il aura accès à plus de biens, des sortes d'incitents en somme. Cela fonctionne avec la plupart des pensionnaires.  » Nul besoin d'être un expert en psychologie pour comprendre que Goodson avait détourné la question des constables pour faire son petit speech. Il avait certainement bien besoin d'augmenter la cote de popularité de l'endroit qui avait ses détracteurs.

Jean laissa échapper un petit sourire, une petite flamme joyeuse dansant dans ses yeux rouge sombre. Uktarr avait peut-être l'apparence d'un rocher trapu, mais son esprit était loin d'être figé. Faisant preuve de sagesse, il interrogea leur interlocuteur sans animosité. Il appréciait sa franchise et son style direct mais dénué d'agressivité.

Lui-même continua de rester en retrait. Il croisa les bras, tout ouïe.

Uktar hocha de la tête de façon appuyée et lente.
«  Et c'est fort louable de votre part, nous ne vous jetterons jamais la pierre pour ça. Moins il y a de récidive, mieux le monde se porte. Mais nous sommes en enquête, restons donc dans le concret. Est-ce qu'ils ont des visiteurs? Et si oui, qui? Est-ce que vous avez des visiteurs qui vous paraissent louches et ne viennent que depuis peu, ou même depuis longtemps, les concernant eux, ou d'autres? »

Vence laissait ses collègues poursuivre les questions : il était inutile qu'ils soient à plusieurs à interroger le directeur de la prison, d'autant plus qu'il souhaitait surtout rencontrer les prisonniers. Prenant son mal en patience, il continua à écouter ce qu'il se disait. Qui sait ? Peut-être pourrait-il apprendre quelque chose d'intéressant ?