Pour Ilse, cette nouvelle confrontation lui glissa dessus comme des perles d'eau sur le plumage d'un canard. Ayant pris son parti que tous les habitants de cette cité présentaient une part de folie d'une façon ou d'une autre, la jeune femme ne se voyait pas intervenir. Surtout si c'était pour prendre la défense de leur nouveau compagnon qu'elle ne pardonnait toujours pas après leur dernier accrochage.

Non. Pour elle, si la vieille pie étaient aussi acariâtre, c'était parce que le gnome lui menait une vie insupportable. C'était l'évidence même. Il n'y avait qu'à voir la réponse qu'il lui avait pondu. Et si le gnome lui faisait montre de si peu de correction en retour, c'était tout bonnement parce que la vieille Mohrss continuait d'attiser et d'entretenir leurs mauvais rapports. En même temps, il fallait bien que quelqu'un lui montre à ce Zorg qu'il sortait des clous, d'une manière ou d'une autre.

De fait, la jeune femme se contenta t-elle de dévisagea la vieille femme tout en suivant l'exemple de leur guide. Se taire était d'or, et Aksana le montrait encore une fois avec brio. Restait que Jormung n'était pas toujours du genre à se taire dans des situations de ce type.

Modifié par un utilisateur dimanche 22 octobre 2017 16:37:45(UTC)  | Raison: Non indiquée

a vieille femme regardait Zorg d'un œil mauvais, sans bouger du perron, quand le manège de Jormung attira son attention. « J'espère que tu ne comptes pas faire entrer ces... animaux... » dit-elle sur un ton dégoûté marquant là toute la répugnance que les barbares lui inspirait, « dans ce logement, vil gnome difforme ! On a déjà assez de toi comme bête de cirque ici ! » Peut-être était-ce son handicap auditif qui l'obligeait à parler fort, voire à presque crier, mais quoi qu'il en fut, quelques personnes du voisinage crurent bon de venir voir de quoi il retournait.

Et parmi elle, un homme si imposant que le regard ne pouvait qu'être attiré par sa masse. Il devait bien mesurer deux mètres de haut - du moins, s'il avait daigné se tenir droit - et sa graisse flasque dansait au rythme de ses pas. « Eh bien, que se passe-t-il madame Mohrrs ? » demanda-t-il d'une voix forte tout en s'avançant. Ses petits yeux porcins enfoncés dans leurs orbites cherchèrent la cause de la hargne de la vieille, et se posèrent sur Zorg. « Ah, t'es là le gnome ? Es-tu encore en train de chercher des noises à ma plus ancienne et fidèle locataire ? En parlant de location, nous sommes le premier, et t'as pas payé ton mois en cours ! » gronda-t-il. Il vint se planter devant ce dernier, le dominant de toute sa masse en se penchant encore plus en avant, tendant sa grosse paluche pour recevoir son dû. « Et ne me dis pas que t'es déjà à court ! » Ses lèvres révélèrent sa dentition jaunie et partiellement manquante en un sourire tout aussi mauvais que l'œil de la veuve.

'ogre du quartier sourit de plus belle, son immonde dentition jetant un relent fétide, alors qu'il empochait l'argent d'une main en tendant au gnome un bout de papier de mauvaise qualité et chiffonné de l'autre. Le reçu, prérempli, comme d'habitude.

Il se détourna et rentra chez lui sans plus de cérémonie, de son pas pesant et chaloupé, tandis que la vieille acariâtre restait sur le pas de la porte, silencieuse. Lorsque Zorg et ses nouveaux compagnons repartirent, elle rentra dans la bâtisse, probablement soulagée que "les sauvages" n'y aient pas mis le pied.

Il ne leur restait que quelques dizaines de mètres à parcourir pour arriver à destination. L'académie, grand bâtiment composé de trois grandes ailes sur leur droite, où étaient dispensés la majorité des cours, et de l'internat en U de l'autre côté de la rue sur leur gauche, était impressionnante. De nombreuses gargouilles semblaient monter la garde au-dessus des grandes portes en bois gravées de runes. Les deux ailes latérales comprenaient quatre étages, tandis que l'élément central en comptait six.

Se dirigeant vers ce dernier, Zorg s'arrêta devant la porte fermée, et sans utiliser le heurtoir, prononça un simple mot : « ánoigma (άνοιγμα) », "ouverture" en draconique. Sans bruit, la porte s'ouvrit en grand vers l'intérieur, révélant un immense hall dont le plafond devait se trouver à hauteur du deuxième étage, garni de larges colonnes de marbre sculptées, ponctuées de statues diverses représentant des élémentaires et des créatures magiques de toutes sortes.

Tout au fond, à un bureau ridiculement petit en regard de son environnement, se tenait une femme au chignon serré, que le magicien ne connaissait que trop bien : pour autant qu'il le savait, Felicity avait toujours été là, à accueillir aussi bien les étudiants que les visiteurs. « Monsieur Zergull ! » l'accueillit-elle. Il ne l'avait jamais entendu appeler qui que ce soit par son prénom. « Que nous vaut l'honneur de votre visite ? Avez-vous rendez-vous avec l'un de vos anciens professeurs ? » Elle était habituée à ce qu'il vienne de temps à autre sur demande de l'un ou l'autre des professeurs qui s'était intéressé à son cas si particulier.

Arrivé devant le minuscule bureau, Zorg s'immobilisa, claqua des talons tout en se redressant brutalement en une sorte de ridicule garde-à-vous. « Guten tag, Fraulein. Oui, je souhaiterais parler aux professeurs Logy. Ces... personnes » fit-il en désignant négligemment les intéressés du pouce et par dessus son épaule, « sont venues avec des informations qui intéresseront au plus haut point les professeurs, mais elles repartent demain matin, alors c'est assez urgent... »

Il se tut, guettant la réaction affirmative ou négative de Felicity, mais ne peut s'empêcher d'ajouter après un court instant... « Dit la baleine. "Cétacé" urgent, hehehehe. Je suis sûr que je vous ai manqué. L'humour gnome, c'est comme le chocolat, une fois qu'on y a goûté, on ne peut plus s'en passer, nicht wahr ? »

Modifié par un utilisateur lundi 23 octobre 2017 09:09:25(UTC)  | Raison: Non indiquée

Lorsque les sœurs Logy entrèrent dans le petit salon, Zorg se leva, ne manquant pas d'observer avec un malin plaisir les réactions des barbares à l'étrange apparence de leurs hôtes. Dans les tribus barbares, des enfants nés ainsi étaient probablement tués à la naissance, ou en tout cas ne survivaient sûrement pas longtemps. Aussi avait-il distillé quelques indices lors de leur conversation du déjeuner, qui n'avaient - semblait-il - pas été relevés par ses interlocuteurs, mais s'était-il bien gardé de les informer pleinement de la condition réelle de ses professeurs. On allait voir s'ils sauraient se tenir face à la vraie vacherie du monde.

« Bonjour mesdames, et merci de nous recevoir. J'ai souhaité vous voir rapidement car ces gens ont des informations très intéressantes en ce qui me concerne. Laissez-moi vous présenter Frau Aksana, chamane du clan des Sangs-Hurlants ; Fraulein Ilse, guerrière du même clan ; Et Herr Jormung, guerrier, euh... du même clan aussi ! » Fit-il en désignant de la main, de façon presque solennelle, les trois barbares.

Aksana n'était pas mécontente de quitter ce qui servait d'habitation au gnome, la promiscuité du voisinage et surtout son agressivité mettaient la jeune chamane mal à l'aise. Venant d'une tribu où l'honneur était la première qualité d'un homme ou d'une femme, se comporter de la même façon que la vieille ou que l'ogre était simplement impossible. On pouvait se détester, certaines rancœurs se transmettaient d'ailleurs de génération en génération, mais à aucun moment on ne pouvait provoquer un pareil scandale, le chef du clan y aurait mis immédiatement fin. Et puis... payer pour pouvoir se loger ? Il fallait bien être natif des villes pour accepter pareille folie. Lorsqu'un membre du clan quittait sa famille pour se marier ou pour tout autre raison, sa famille lui faisait une yourte avec les fourrures choisies et sélectionnées depuis des années en prévision de cet événement, et s'il n'avait plus de famille, c'était le clan qui pourvoyait, nul besoin de payer pour ça, il suffisait d'être utile.
Que des personnes puissent s'enrichir en vendant ce qui était vital lui semblait... obscène.

Ils arrivèrent à l'académie de magie, Aksana regarda avec curiosité ce qui était, semble-t-il, l'endroit renfermant les connaissances de la ville. Elle secoua la tête, légèrement moqueuse, jamais des pierres ne pourrait remplacer les êtres qu'elles renfermaient. Elle était curieuse de rencontrer les magiciennes de Zorg, la façon dont il en parlait était un mélange de respect, d'agacement et de bienveillance. Elles devaient être spéciales pour provoquer cela chez le gnome qui semblait détester tout à chacun.

En effet, elles étaient spéciales.

La chamane ne put empêcher un petit hoquet de surprise à leur vue et sa main se posa sur le collier de colifichets qu'elle portait autour du cou comme pour éloigner le mauvais œil.

Elle se reprit et salua les siamoises : « Salutations à vous et la paix sur votre maison, que les esprits vous bénissent, vous et votre famille. »
Elle interrompit les salutations rituelles, elle ne pouvait leur souhaiter que la nature leur prodigue ses bienfaits et leur apporte prospérité vu comme la nature avait été injuste avec elles. A moins qu'elles ne soient le résultat de quelques expériences magiques ayant mal tournées ?
Mais il était évident, qu'à moins d'un signe fort des esprits, jamais elles n'auraient pu vivre dans un clan, on ne les aurait pas laissé grandir et la famille aurait été désignée comme maudite.

« Vous... vous savez ? Mais comment ?! C'est... » La réponse d'Ilse fusa sans qu'elle put se retenir de prendre la parole.

Si la stupéfaction à la découverte des professeurs de Zorg l'avait rendu muette, leur connaissance des événements venait de la sortir de son silence bien malgré elle. C'était une chose de découvrir un tel être - ou devait-elle dire deux ? - c'en était une autre que de constater que quelqu'un d'autre savait de quoi il en retournait en dehors de Tekta-Soniela, Aksana-kila et des champions qui avaient vécu la vision de première main.

Comme pour se reprendre, Ilse essaya de reformuler sa surprise. Mais incapable d'ordonner sa pensée aussi clairement qu'elle l'aurait voulu, la jeune femme bredouilla un « Aksana-kila... » hésitant en se tournant naturellement vers la samsaran. Elle espérait que cette dernière saurait prendre le relai de manière bien plus efficace qu'elle-même.

Jormung appréciait la vivacité des siamoises.
«  C'est vrai, c'est comme ça que je le ressens. » Jormung avait failli les aborder ainsi, mais ne se sentait pas de se comparer à elles et leurs malheurs. Malgré tout le travail des sangs hurlants, il ne serait jamais un humain, et malgré ses ancêtres, jamais un orque.
«  Mais mon apparence, bien que bâtarde, reste une. Vous, c'est plus compliqué, en tout cas pour ceux qui s'inquiètent de tout ce qui ne leur ressemble pas. »
Il allait continuer quand les sœurs commencèrent à montrer l'étendu de leur savoir, qui le scia sur place. Il se tut, conscient que rien de ce qu'il pourrait ajouter ne serait plus utile ni urgent que ce qu'elles pouvaient leur apprendre.
Plus curieux qu'un jeune de chat, il ajouta malgré lui en se grattant la tête.
«  Vous avez connu d'autres incarnations de la Guide? »

« Ah, mais il n'y a pas de rapport, meine liebe Frauen, » intervint Zorg avec un mélange de moquerie et d'amertume dans la voix, « mes nouveaux amis ont simplement un peu de mal à envisager que quelque chose existe en dehors de leur clan chéri. D'ailleurs, si Frau Aksana-kila-trucmuche avait passé un tout petit peu moins de temps à me raconter par le menu toute l'histoire des quatre druides originels depuis les temps anciens jusqu'à aujourd'hui, et un tout petit peu plus à me demander qui j'étais, d'où je venais et comment j'avais acquis mes pouvoirs, ça lui aurait peut-être évité de dire des bêtises, » dit-il en se tournant vers l'intéressée, tandis que le scorpion sortait du col de sa chemise pour grimper sur sa nuque et se placer au sommet de son crâne, tel un couvre-chef vivant.

« La vérité, c'est que vous vous en fichez. Champion du Feu ! Champion du Feu ! » S'écria-t-il en faisant des gestes grandiloquents avec ses bras, imités dans le même temps par le scorpion avec ses pinces, générant un effet miroir des plus étranges (et des plus comiques). « Vous êtes tellement obnubilée par votre "mission" que ça ne vous intéresse pas du tout, de savoir qui je suis... Ou ce que j'en pense, d'ailleurs. On ne se connaissait pas depuis une heure que l'autre hystérique, là, menaçait de me casser la figure si je ne jurais pas mes grands dieux que j'étais prêt à mourir pour vous ! » Gémit-il en désignant Ilse du pouce, sans se retourner vers elle. « Non mais franchement, est-ce que ce sont des manières ? Hein ? » Zorg, avec son scorpion juché sur sa tête qui imitait chacun de ses gestes à la perfection, se tenait face à la samsaran, les poings sur les hanches, comme s'il morigénait une petite fille qui avait mis ses doigt dans son nez.

« C'est pour ça que je vous ai amenés ici pour parler avec Frauen Logy, » reprit-il sur un ton plus calme. « D'une, elles sont ce qui ressemble le plus, pour vous autres, à des sages, alors vous les écouterez peut-être, à défaut de m'écouter, moi ! De deux, vous avez des choses à leur dire qui intéresseront leurs recherches au plus haut point. Restez assises, mesdames, ça va vous en boucher un coin, » dit-il en se retournant vers les siamoises, ménageant ses effets. « De trois, je vous ai fait venir pour vous déniaiser. Ou pour vous ouvrir les yeux, si vous préférez, parce que là, vous avancez tous avec des œillères et ça ne peut pas marcher. Si vous persistez à me prendre pour un mini-barbare, sans voir ce qui a changé dans votre prophétie, vous courez à l'échec, Aksana. Alors allez-y, bitte, racontez-leur le rêve. Et passez sur l'histoire du clan, je gage qu'elle leur est déjà connue. »

Aksana subit l'attaque verbale de Zorg, les traits impassibles, cela lui était d'autant plus facile que ses yeux blancs sans pupille masquaient parfaitement toute émotion. Elle sentait néanmoins l'agacement monter fortement en elle et dû faire appel à toute la sagesse ancestrale que renfermait son sang afin de garder son calme.

« Pauvre petit Zorg en effet. Depuis notre rencontre, je t'ai montré plus de respect qu'on a dû t'en porter dans toute l'année, voire dans toutes les dernières années. Du moins si j'en crois la scène édifiante à laquelle nous avons assisté avec ta voisine ou celui qui te loue ton logement. Mais peut-être est-ce cela que montrer son respect ? Que tu ne partages pas nos croyances, je le comprend, tout cela te semble légende, la vérité s'imposera à toi bien assez vite.
Pourquoi m'intéresser maintenant ton origine ou à qui tu es vraiment ? Nous allons passer suffisamment de temps ensemble pour m'y intéresser plus tard. Quant à te prendre pour un mini-barbare, ne t'inquiète pas, ça ne risque pas d'arriver. »

Elle s'interrompit brusquement, il ne servait à rien de répondre aux attaques par d'autres attaques, ils allaient être obligés de se côtoyer. Elle commençait à réaliser qu'être Guide n'allait pas être de tout repos, il allait falloir faire en sorte que les Champions œuvrent ensemble et pour l'instant... c'était loin d'être le cas. Elle s'obligea à respirer profondément et reprit :

« Mais merci de nous avoir amené ici, quelque soit vos raisons. En effet, les signes ont changé mais même si les apparences sont différentes, la nature même des choses est constante. »
Elle se tourna de nouveau vers les siamoise : « Pourquoi les Sang Hurlant ? Parce qu'il doit y avoir de notre sang qui coule dans les veines de Zorg, le lien qui unit tous les membres du clan est le sang des deux samsarans chamanes dans les veines de chacun. Notre ami gnome ici est lié au clan, qu'il le veuille ou non, il est l'incarnation d'un de nos Champions, le vaisseau de nos incarnation est le sang. Vous avez étudié les samsarans et notre histoire, vous savez que la transmutation des âmes n'est pas pour nous une chose mystique ou théorique, nous la vivons tous les jours.
Mais vous parliez d'un Amon Zergull ? »