7 Abadius 4719, milieu d'après midi - Archibanque d'Abadar, les Pétales
Musique - District des Pétales


Après avoir convenu de retrouver les autres à la taverne du Kirin Ivre, en bordure des Routes du Dragon, Yingzi s'engagea dans les rues de la cité. Elle n'avait pas vraiment encore eu l'occasion d'y prêter attention, mais réalisa bientôt que l'échelle de la ville dépassait - de loin! - tout ce qu'elle avait pu connaître à Po Li et durant le long voyage jusqu'à la Cité des Lanternes.

Les rues étaient partout, et la cité s'étendait à perte de vue. Elle occupait toute la vallée, descendant en pente plus ou moins douce vers la mer. Par endroit, elle formait d'immenses terrasses en demi-cercle autour de la Baie de Xu Huong, où se dressaient les îles de l'Echine du Serpent. L'architecture était dans un style décidément Tian Shu, avec ses murs de pierres, ses cours intérieures et ses toits aux tuiles colorées. Mais la ville était trop immense pour se limiter à un seul style, et les bâtiments de toutes origines se mélangeaient le long du labyrinthe des rues.

La gnome savait qu'elle se trouvait dans le discrict des Routes du Dragons, proches des murailles extérieures de la ville; et l'Archibanque d'Abadar se trouvait dans celui des Pétales....et elle ignorait entièrement comment s'y rendre! A force de patience, et en question respectivement une marchandes de fruits elfe, un spadassin tengu, un couple à la peau noire comme le charbon et une créature à l'allure humaine mais aux mandibules arachnéennes, elle finit par obtenir quelques informations sur comment s'y rendre. Il fallait d'abord qu'elle quitte les Routes du Dragon par le Nord Ouest et atteigne le centre des Pétales. L'Archibanque était normalement assez visible grâce aux statues dorées d'Aroden qui l'entouraient.

Se déplacer se révéla aussi un problème intéressant. Les dimensions de la ville et le terrain en pente, parfois assez raide, rendait les déplacements à longue distance à pieds assez...complexes. Yingzi décida tout de même de marcher pour découvrir la ville, mais elle ne manqua pas de repérer de nombreux pousse-pousse; sortes de brouette tirées par un portefaix qui véhiculaient une ou deux personnes à travers la ville. Mais sa plus grande surprise fut le transport des marchandises, qui faisait aussi office de transport en commun.
Elle avait depuis un moment repéré les grands rails de pierre surélevés qui couraient le long des plus grandes rues. Et elle manqua de paniquer en voyant un titanesque scolopendre avancer le long du rail...jusqu'à ce qu'elle réalise qu'il portait des nacelles de bois sur son dos et transportait ce qui devait être plusieurs dizaines de personnes. Le long du rail, plusieurs stations permettaient de monter ou descendre...

Les Routes du Dragon avaient une atmosphère de ville provinciale. Le long des caneaux et des rues, des marchands vendaient fruits, légumes, bouchées à la vapeur, friandises, brochettes, bibelots; et autre produits venant de la campagne environnante et du continent. Tout le discrit ressemblait à un immense marché, les étals étant juste assez espacés pour laisser l'accès aux boutiques. D'immenses barges transportant toute sortes de biens descendaient et remontaient la Rivière du Dragon de Jais, transportant le flux constant de marchandises qui alimentaient la ville. Mais elle gardait malgré tout une atmosphère traditionnelle, où les habitants buvaient un thé sous les hauvents, les anciens comparaient les oiseaux qu'ils avaient élevé eux mêmes, ou jouaient au go. Il semblait y faire bon vivre, malgré ses apparences modestes.

Peu à peu, Yingzi parvint jusqu'aux Pétales, et la cité devint plus imposante. Les Pétales avaient une atmosphère plus calme, presque studieuse, et les passants étaient plus pressés et concentrés. Beaucoup transportaient des documents, certains passants arborant une sorte d'emblême en forme de moineau. D'autres devisaient tranquillement, et si les café étaient aussi présents ici qu'auparavant, ils semblaient être avant tout des lieux d'études et de débat. Les bâtiments étaient eux aussi plus impressionnants, dominant les demeures, et le quartier tout entier avait l'air plus aisé, à en juger autant par la soie portée par les habitants que par la richesse de l'architecture.


L'Archibanque d'Abadar n'était effectivement pas difficile à repérer: l'immense bâtiment fortifié était d'une opulence presque dérangeante, et demeurait malgré tout élégant. Tout autour du temple/banque, des statuts d'Abadar se dressaient, accueillant les visiteurs et représentant le dieu en train de dessiner des plans, d'étudier les étoiles ou d'arbitrer des transactions.


Yingzi entra dans l'Archibanque, à la recherche d'un guichet...et se trouva dans le grand hall, carrelé de marbre blanc, où les acolytes d'Abadar exerçaient leur seconde profession de banquier. Elle s'échina à trouver un guichet à sa hauteur, elle se trouva nez à nez de l'autre côté du guichet avec une nezumi qui la salua poliment en Tien.
« Bonjour et bienvenue à la Banque d'Abadar? Comment puis-je vous aider? »

L'acolyte qui lui faisait face s'éclaira d'un large sourire, en examinant le titre bancaire que Yingzi lui présenta.
« Bien entendu, oracle, c'est un honneur que de vous voir ouvrir un compte dans notre établissement. Je peux convertir une partie de vos titres en liquide, si vous le souhaitez. Mais dans l'immédiat, j'aurais quelques papiers à vous faire remplir pour officialiser votre existence parmi nos clients! »

Elle tira un mince dossier maintenu par une pince de fer dorée, qu'elle tendit à Yingzi.
« Les informations sont assez simple: vos noms et votre statut, une profession éventuelle, et surtout un moyen de vous contacter si nécessaire...ainsi qu'une signature. Elle attestera de votre identité si jamais vous veniez à perdre votre clé. Une fois votre compte ouvert, je vous remettrai la clé de votre coffre. Une autre clé sera conservée ici, les deux seront nécessaire pour ouvrir votre coffre. Ne vous inquiétez pas, nos salles des coffres sont très bien protégées. »

Alors que Yingzi remplissait les documents, elle essaya d'apporter une réponse à la seconde question de la gnome.
« Hum...la ville toute entière est en bonne santé économique, c'est une des raisons de notre présence en force. Abadar sourit à la prospérité, et c'est grace à cette prospérité que Goka est un phare de civilisation sur un continent troublé. Vous pourriez ouvrir un commerce ou une officine, si vous avez les fonds nécessaires, les guérisseurs n'ont pas de guilde. Enfin, tout dépend de vos talents en matière de magie, je dois admettre. Bien sûr, cela vous mettrait en concurrence avec notre église. Vous pourriez sinon fabriquer des objets ensorcelés, si vous savez le faire, mais je vous recommande pour cela d'intégrer la Guilde des Artificiers. »

Une fois les papiers remplis, la nezumi sourit.
« Et voilà! »
Elle tendit une clé de fer incrustée de dorures à Yingzi.
« Voici votre clé. Si vous la perdez, nous pouvons en recréer une, mais cela prend du temps et des ressources, alors faites y attention. Puis-je faire autre chose pour vous? »

L'acolyte acquiesça.
« Eventuellement. Mais selon ce que vous désirez y stocker, cela peut nécessiter des protections supplémentaires et donner lieu au paiement de frais supplémentaires. Je pourrais mieux vous éclairer en sachant exactement ce que vous souhaiteriez protéger. Cependant, de nombreux notables de Goka préfèrent se faire bâtir une chambre forte pour leurs possessions les plus importantes. »

Elle examina brièvement le titre et préleva trentes pièces d'or dans un tiroir verrouillé de l'autre côté du comptoir qu'elle tendit à Yingzi.
« Voici! Et n'hésitez pas si vous avez la moindre question. Bienvenu à Goka! »

Je poste le retour demain!

8 Abadius 4719, dans l'après midi - Coffre du Premier Maître, District des Pétales

Tianchow jeta un coup d'oeil intrigué et légèrement agacé à l'attitude manifestement pas intéressée de Céleste, mais ne s'y attarda pas trop. Ce n'était pas le coeur de son attention, et elle avait bien mieux à faire que de s'intéresser aux excentricités d'une jeune fille aussi étrange.
« Vous avez l'air de connaître votre sujet, dame Moshulong, mais vous n'êtes de toute évidence pas familière avec cette cité. La Société des Eclaireurs ne s'implique pas dans ce genre d'affaire. Ceci étant dit, la Conseillère Li a des ressources personelles et de l'influence, je ne doute pas qu'elle soit capable de vous soutenir dans cette entreprise.

Concernant les modalités et les remboursements: tout dépend, encore une fois, de la somme.

Je ne veux pas de détails sur vos...accords et négociation avec cette...capitaine Jin. Ce que vous faites du prêt n'est pas notre affaire du moment que vous le remboursez suivant les modalités dont nous conviendrons ensembles. Mais sachez que l'église d'Abadar ne sera pas associée à des activités criminelles.

Quand à votre proposition, elle est intéressante. Je ne crois pas que quoi que ce soit d'équivalent ait déjà été tenté, par qui que ce soit à Goka ou ailleurs. Le projet est certes défendable, mais je pense que vous mettez la charue avant les buffles d'eau. Notre église serait disposée à réassurer votre compagnie le moment venue...encore que nous devions discuter des détails...mais pour cela il faut que votre compagnie existe et qu'elle ait commencé à faire des affaires pour que nous puissions évaluer comment nous impliquer. Vous avez mon accord de principe, mais nous ne nous engagerons qu'une fois que la machine sera lancée, pour ainsi dire. »

L'archibanquière écouta avec attention et lista au fur et à mesure les intentions de Yingzi. Elle attendit que la gnome ait terminé avant de poursuivre.
« Une solide évaluation, à condition que vous puissiez trouver quelqu'un disposé à vendre un bâtiment vous convenant à proximité des docks. Mais cela ne concerne pas la banque d'Abadar, cela dit. N'oubliez pas non plus de prendre en compte les frais administratifs pour faire enregistrer votre compagnie auprès des autorités. Ils ne sont pas excessifs, mais tout le monde n'a pas 200 pièces d'or disponibles. Ceci étant dit, je pense que nous pouvons tomber d'accord pour un prêt à 4% d'intérêt annuel, remboursable à partir de la première année.

D'ordinaire, nous ajouterions une close de garantie à cela, mais les 12 000 pièces d'or dont vous disposez sont plus que suffisantes pour couvrir cet aléa.

Si cela vous convient, l'acolyte Wang Yu ici présente rédigera un contrat à ces spécifications, qui pourra être modifié dès que votre compagnie sera officiellement enregistrée. Le contrat sera prêt demain, et nous débloquerons le prêt dès que vous aurez terminé les formalités et que votre entreprise aura une existence officielle. »

Elle tendit la main à Yingzi.
« Avons nous un accord? »

Tianchow sourit.
« Dans ce cas, nous avons un accord. Nous allons nous occuper des détails concernant le contrat, et attendrons de vos nouvelles à ce sujet dès que vous aurez réglé les éléments en suspends de votre côté. »

L'archibanquière la salua.
« A présent, si vous voulez bien m'excuser...je vais laisser Wang Yu vous raccompagner. »

Musique - Le Kirin Ivre


De toutes évidence, le Kirin Ivre était plutôt en bonne santé...et malgré tout, l'examen de Yingzi lui indiquait que la taverne aurait sans doute eu bien besoin d'entretien et de réparations...ou au moins, d'une nouvelle couche de peinture. Sans parler bien sûr des fenêtres ravagées par l'entrée des Danseurs de Soie la veille.
Mais peut être que Minao voulait simplement conserver un air d'authenticité aux lieux? A moins que les recettes ne passent dans autre chose...

En se fondant dans la foule des clients, elle réalisa que les marins n'étaient en fait pas si nombreux. Quelques uns, pour la plupart portant les marques des Enfants du Tonnerre, s'étaient aventurés jusqu'ici depuis le port, mais la plus grande partie des marins qu'on trouvait ici étaient en fait les pilotes et équipages des barges et sampans qui descendaient la rivière du Dragon noir à travers le quartier. Pour beaucoup, ils ne s'arrêtaient qu'une soirée ou deux en ville avant de reprendre la remontée du fleuve vers Lingshen.
Beaucoup d'autres étaient des marchands, des voyageurs ou des camelots arrivés par le fleuve, parmi lesquels beaucoup d'hommes lézards, de Vanara, et même une poignée de Vishkanya venus des jungles de Valashmai...mais eux ne formaient qu'une moitié de la clientèle. Les autres étaient des habitués, vivant dans les Routes du Dragon et les Cryptes. Beaucoup de nezumis, d'humains, de tengus, pour la plupart avec l'allure de criminels. Les gardes n'étaient nulle part en vue, en tout cas, et la taverne était définitivement un lieu plutôt louche, mais au moins à l'air relativement pacifique.

Le Kirin Ivre était plus ou moins un lieu de rencontre neutre entre la plupart des éléments criminels de Goka...parmi lesquels, les Enfants du Tonnerre, qui avaient plutôt bonne réputation, celle d'avoir un certain sens de l'honneur et du panache, mais aussi d'être particulièrement susceptibles et imprévisibles. Leurs talents de marins étaient en tout cas réputés, de l'avis général.

Les Routes du Dragon n'étaient sinon pas particulièrement réputées pour leurs sorciers et autres arcanistes. La plus grande partie des lanceurs de sorts de la cité se concentraient dans les Pétales, où se trouvaient la plupart des écoles enseignant ces arts, et dans les Escaliers de la Lune, siège de nombreux temples, parmi lesquels celui de Tsukiyo. Cependant, quelques guérisseurs, shamans, shugenja et sorcières aux pratiques plus traditionnelles exerçaient dans les allées serpentines des Routes du Dragon...parmi un bon nombre de charlatans.

Musique - Le Kirin Ivre


Le spectacle de Yingzi ne suscita au départ pas beaucoup d'enthousiasme...mais au fur et à mesure que la gnome se prenait au jeu, son jeu gagnait en intensité, et assez rapidement elle avait rassemblé un petit parterre de spectateurs qui battaient des mains et riaient à ses représentations satiriques. Ce genre d'humour avait l'air d'être particulièrement populaire dans ces couches plutôt...et bien, populaires de la société, surtout ceux qui vivaient en dehors de la loi. La gnome avait décidément du talent pour convaincre, et il ne faisait aucun doute que ce spectacle resterait dans les mémoires des clients pendant longtemps!

Musique - Le Kirin Ivre


Minao souffla en s'accoudant au comptoir près de la gnome, en profitant pour faire glisser une chope de bière ambrée vers elle avec un clin d'oeil. La tenancière de la taverne s'arrêta un instant pour observer le chaos qui se déroulait autour d'elles deux.
« On fait avec, mais c'est jamais facile avec une paire de bras en moins. J'espère qu'ils me ramèneront Minao sans trop tarder. Je ne te connaissais pas ces talents d'imitatrice, Yingzi. Tu es définitivement une femme...gnome pleine de surprises. Tiré d'une histoire vrai? »

Musique - Le Kirin Ivre


Minao répondit avec un sourire en coin.
« Pas facilement. Quand je suis arrivée en ville, je faisais partie du Shenshin-gumi, le seul clan Yakuza dans cette partie de Tian Xia. Mais quand j'ai pris ma retraite, j'ai ouvert cette taverne, et comme j'avais quelques contacts, on m'a laissé tranquille au départ. Et en fait, au fur et à mesure, les différentes factions se sont rendues compte qu'il y avait un intérêt à pouvoir conduire ses affaires en terrain neutre. C'est ce que le Kirin Ivre est devenu. Imparfait, mais ça fonctionne...et surtout, la garde ne vient jamais y mettre les pieds, justement parce qu'ils ne veulent pas s'y risquer. Il faut de bonnes raisons pour les amener ici. »