Eliasia prit un nouveau tireur dans la boîte avec gourmandise. « Suce-le et il fondra ; croque-le et il se brisera, » commenta-t-elle avec flegme en mettant le bonbon en bouche. Elle garda le silence pendant quelques secondes. Peut-être cherchait-elle quoi répondre, ou peut-être profitait-elle simplement du goût de sirop d'érable. « Veux-tu donc voir mourir ta grand-mère ? » Elle rit. « Evidemment, la malédiction du trône écarlate n'est qu'une légende pour amuser la population. Mais il n'empêche qu'aucun des 5 monarques que nous avons eus n'a jamais produit d'héritier pendant son règne, et que tous ont connu une fin brutale et douteuse. Et les Leroung n'ont pas les moyens de supplanter les Arabasti, Sagacius. »

« Oui, notre lignée est ancienne et influente. Nous avons fondé les universités d'Almas, d'Egorian et de Korvosa. Nous avons engendré deux seigneurs-magistrats avant que Korvosa ne devienne une monarchie. Jessa et Dess Leroung ont gouverné la ville en 4488, puis en 4514, et organisé la gestion des déchets par les otyughs, ainsi que l'emploi de halfelins sur les navires. » Elle reprit sa tasse de thé d'un air pensif et but une longue gorgée en silence. « Mais seuls, nous ne sommes rien. Depuis la reine Domina, le sénéchal ne peut même plus chasser le monarque du château, tant que ce dernier est un Arabasti. La loi ne nous protège pas comme elle protège la lignée des Arabasti. »

« Considère maintenant les cinq autres grandes familles, parce que nous ne pouvons les ignorer. La maison Jeggare est deux fois plus riche que la nôtre. Les Arkona contrôlent la plupart des docks, et s'enrichissent de jour en jour depuis que Glorio a pris la tête de la famille ; nous ne pouvons égaler leur commerce avec Vudra. Les Ornelos sont les maîtres incontestés de la plus grande école de magie d'invocation du continent, et Toff jouit encore du prestige de son arrière-grand-oncle Volshyenek. La maison Endrin a produit plus de chefs militaires que toutes les autres réunies : Marcus Endrin est amiral de la Compagnie du Sable et ami personnel du sénéchal. Et Zénobia Zenderholm, la "Juge des Pendaisons" est la plus haute autorité judiciaire de la ville, en plus d'être une prêtresse d'Abadar. »

Elle se pencha au-dessus du bureau et saisit la main de son petit-fils.« Personne ne veut d'une deuxième Guerre des Cousins. Tenter un coup d'état, c'est connaître la même destinée que les anciennes grandes maisons Viamio et Porphyria : l'anéantissement. » La main se resserra autour du poignet du barde avec une force que peu soupçonneraient chez cette mamie affable.

Modifié par un modérateur dimanche 22 janvier 2017 16:50:40(UTC)  | Raison: Non indiquée

Elle demeura assise, le sourire aux lèvres, tandis qu'elle regardait son petit-fils déambuler dans la pièce. Elle lut la note avec intérêt et son sourire se fana. « Alors tu es au courant pour le sénéchal Kalépopolis, toi aussi ? Je l'ai appris tout à l'heure de la bouche d'un étudiant... » Elle glissa à nouveau sa main dans le paquet. Elle saisissait les bonbons un par un, mais avec une régularité qui tenait de la frénésie, et le paquet commençait à diminuer lentement mais sûrement. « Qu'est-ce que c'est que cette histoire de pan de colline, Sagacius ?  » gronda-t-elle, amusée. « J'adore ça, moi, et nous en avons encore cinq kilos aux cuisines, si tu veux en profiter...à moins que tu ne comptes me les arracher sous prétexte que je ne suis pas de la Compagnie du Sable ?! » Elle pouffa. « Boule ! Boule ! » répéta-t-elle en soupirant. « Je l'ai aperçu il y a une semaine, quand je suis allée manger à la Chic Tortue. Comment ce porc infâme peut-il être à la tête de la Société Céruléenne ? Il ne pense qu'à manger ! » En cela, différait-il vraiment d'Eliasia Leroung ? « Enfin, tu me diras, il a sûrement été placé là par feu le père de Glorio Arkona, si les rumeurs disent vrai. » Située entre Pointe Nord et les Hauteurs, non loin de la Grande Tour, la Chic Tortue était située avenue des bras. Elle était réputée être la meilleure auberge et taverne de Korvosa depuis plus d'un siècle.

Elle s'accorda un instant de réflexion, retirant de nouveau ses lunettes. « Et Barvasi...? C'est le type de l'Anguille, c'est ça ? » demanda Eliasia. « Je ne le connais pas. Il est plutôt du genre discret, non ? »

Modifié par un modérateur dimanche 22 janvier 2017 16:50:46(UTC)  | Raison: Non indiquée

« Bien qu'officiellement, ce soit notre monarque qui nomme le sénéchal, la tradition veut que l'amiral de la Compagnie du Sable lui succède...son ami Marcus Endrin, donc. » Elle laissa ce nom flotter dans l'air quelques instants. « Il en a toujours été ainsi, et Iléosa serait bien mal inspirée de nommer quelqu'un d'autre. Mais ce cher Néolandus est peut-être encore vivant, qui sait. Je ne vois pas qui aurait intérêt à se débarrasser de lui. C'est -ou c'était- un bourreau de travail, et il connaissait nos lois les plus obscures comme personne. Il était à son poste depuis plus de quarante ans, déjà du temps de Domina. » Elle remit le paquet de tireurs dans le tiroir et but une dernière gorgée de thé.

« Quant aux Arkonas...ils ont toujours été différents des autres familles. Quand nous avons conquis le continent, ils ont été les seuls à préférer rester sur l'île d'Endrin. » Sagacius savait en effet que les Arkona étaient les seuls nobles résidant dans la Vieille Korvosa...leur palais vudrain détonait avec les maisons décrépites alentour. Il était de notoriété publique que les Arkona tiraient la plupart de leurs ressources de l'important commerce qu'ils effectuaient avec les lointaines terres de Vudra, important et exportant des biens exotiques qui se revendaient à prix d'or aux nobles qui désiraient goûter à d'autres mets, connaître d'autres plaisirs, arborer d'autres décorations ou tout simplement posséder des trésors hors du commun...comme le tapis sur lequel Sagacius déambulait à l'instant-même.« L'actuel seigneur, Glorio, est un jeune type banal, sans aucun charme, » poursuivit Eliasia avec un haussement de sourcils. « Il est très différent de son père... Le vieux Marduk ne venait presque jamais aux réunions de la Pairie, et il était...très secret. Tout le monde soupçonnait la Société Céruléenne de lui manger dans la main. Glorio est différent. Il vient souvent à la cour défendre les intérêts des pauvres, et semble assumer sa position, contrairement à son père. S'il ne butinait pas sa ravissante cousine Melyia, on s'imaginerait presque que c'est Blackjack réincarné ! » Elle pouffa. « Et pour le coup, ce ne sont pas que des rumeurs. Le fils de Valdur Bromathan les a surpris en train de se bécoter dans les jardins en terrasse du château. » Elle esquissa un nouveau sourire. Peut-être avait-elle, dans un lointain passé, embrassé nombre d'hommes dans ces mêmes jardins ?

Modifié par un modérateur dimanche 22 janvier 2017 16:50:56(UTC)  | Raison: Non indiquée

Quand Sagacius redescendit, Osborn était dans son petit bureau, celui réservé à l'intendant de la maison, en train de glisser quelques couronnes de platine dans une enveloppe qu'il cacheta. Les armes, la cape et le sac de Sagacius avaient été déposées sur un fauteuil, non loin. Le halfelin leva la tête vers son interlocuteur. « Notre dû envers la Société Céruléenne, maître Zandu », précisa-t-il. « Ils auraient déjà dû passer tout à l'heure. Tant pis pour eux. »

« Méry de Longoulet ? C'est amusant que vous en parliez, » grinça-t-il, « il est venu ici pas plus tard que ce matin. Il cherchait du travail, et a refusé le poste d'échanson que je lui ai proposé...Il s'inquiétait que les Chevaliers Infernaux ne viennent enquêter à son sujet. Que devrai-je leur dire, maître Zandu ? » Il s'humecta les lèvres, et reprit. « Un sale petit bonhomme sans éducation, si vous voulez mon avis, ô maître Zandu. Rien à voir avec votre serviteur...mais un travailleur efficace, je dois l'admettre. Sans doute tout ce temps passé au soleil du Garund -car j'ai fait mes recherches, maître Zandu, on embauche pas n'importe qui, ici- lui aura grillé le cerveau. »

« Il s'était attaché à une employée d'ici...Martha. Hélas, la pauvrette a été tuée il y a plusieurs mois déjà. Quelle tragédie, maître Zandu. Quelle tragédie. » Il se plaqua la main sur le front et secoua la tête de façon grotesque. « Une halfeline d'Eauvive, belle comme le soleil d'Arodus, avec de petites taches de rousseur... » Une lueur inquiétante, fugace, passa dans les yeux de Gourdebouc, avant de disparaître aussi vite qu'elle était apparue. « Eauvive et Longoulet étaient de petites bourgades halfelines près de Magnimar, dont il ne reste rien aujourd'hui. J'ai peur de ne pouvoir en dire davantage, ô très cher maître vénéré, » ronronna-t-il.

Tu peux évidemment réagir, j'enchaîne avec les indics dans une deuxième partie de post, en tentant de suivre les priorités que tu m'as données par MP.



Une fois la demeure de la famille de son père quittée, Sagacius se mit en quête de ses indics. Sa priorité étant d'obtenir des informations fiables sur le sénéchal Kalépopolis et le chaos engendré, il se rendit à la taverne rustique de l'Ecope (M2), dans le quartier médian. Située non loin des docks et de la Citadelle Volshyenek, la taverne était fréquentée par nombre de prisonniers et de membres des forces de l'ordre.

Bien qu'on fût en soirée, l'établissement était pratiquement désert. Quel homme de la Compagnie du Sable digne de ce nom aurait pu passer du bon temps à la taverne, par les temps qui couraient ? Sans doute personne, à part le dénommé Aetmos. Oh, le petit tieffelin -fort peu intimidant, pour un tieffelin, d'ailleurs- aux pieds de chèvre n'était certes qu'une recrue. Un blanc-bec, encore étudiant à l'Académie militaire d'Endrin, à la Vieille Korvosa.

Sans aucune éthique, le gaillard n'irait sans doute pas bien loin dans la Compagnie du Sable, pourtant accueillante envers toutes les races, au contraire de la garde de Korvosa. Sans doute n'aurait-il jamais le privilège de chevaucher d'hippogriffe. Sagacius savait qu'on pouvait facilement délier sa langue fourchue, tant qu'on y mettait le prix adéquat. Attablé devant un Brûle-gosier, le tieffelin remarqua aussitôt Sagacius quand il entra, et esquissa une mimique déplaisante. « F'sait longtemps que j'avais pas vu ta gueule. M'avait pas manqué. »

Modifié par un modérateur dimanche 22 janvier 2017 16:24:41(UTC)  | Raison: Non indiquée

« Assassinée, maître Zandu ! On l'a assassinée ! » siffla le halfelin sur le ton de la confidence. Il se saisit le front d'une main. « Comme vous dites, quelle tristesse. Il a fallu trouver une remplaçante de toute urgence, mais hélas, Martha travaillait comme nulle autre. » Il en revint au sujet initial, qui intéressait Sagacius. « Nous n'avons pas revu Méry pendant de longs mois. J'imagine qu'il est retourné à sa vie de bâton de chaise. Pourquoi, maître Sagacius ? Il y a un problème ? » demanda le sournois halfelin d'une voix fluette.

Sagacius esquiva la remarque l'air de rien. « Non non, rien de bien méchant. J'ai croisé son chemin et grand-mère m'avait dit qu'il avait travaillé pour nous et que tu saurais peut-être quelque chose à son sujet. Je suis donc venu te voir, voila tout. » Le barde remercia vaguement l'halfelin pour la convenance avant de sortir.


Le tieffelin posa un lourd sabot sur la table en bois brut. « Ça...c'pas moi qui vais dire non à un Brûle-gosier gratis ! Mais t'es sûr que tu vas encaisser, fillette ? » ajouta-t-il alors que Sagacius revenait, deux verres à la main emplis d'un liquide translucide. « J'savais pas que l'alcool gnome, c'était ton kiff. »

Le barde s'assit à sa place après avoir donné son verre à la jeune recrue. « Un verre n'a jamais tué personne. Et je dois dire qu'après ces derniers jours, ça me fera du bien. Par contre, je n'ai pas prévu de me saouler jusqu'à plus soif si ça peut te rassurer. » ajouta t-il en prenant lui aussi une pose plus décontractée.

« Ha, c'est bien dommage ! Tant qu'on s'est pas saoulé au whisky des gnomes de Kalsgard, on a rien compris d'la vie, poupée. »Á ces mots, il trempa ses lèvres violacées dans le breuvage : « Goûte-moi cet arôme... » murmura-t-il avant de rejeter la tête en arrière et de se balancer négligemment le contenu du verre au fond du gosier. « Raaaaaah... » grogna-t-il en secouant la tête. « Paraît qu'elles sont bien frigides, là-bas, dans le nord. Doit bien falloir ça pour que les femmes Ulfes se décident à enlever leurs peaux d'ours et à fricoter avec les gars comme moi. »

Sagacius avala lui aussi une première gorgée de ce breuvage. Bien qu'il ait l'habitude de boire un verre de temps à autre, il ne s'était pas attendu à ce que cet alcool soit si corsé. Il manqua de s'étouffer. Pour masquer sa gêne, il lâcha un grognement pendant qu'il sentait un feu intense se propager le long de son œsophage. « Par Cayden Cailéan, cet *hum hum* alcool est en train de décrasser mon gosier ! » Puis revenant à la discussion, il leva un sourcil en entendant parler des ulfes. « Et pourquoi chercher des femmes frigides quand tu as des korvosiennes moins farouches à portée de main ? »

Le tieffelin s'affala en arrière sur son siège. « J'sais pas. J'aime bien les blondes. Y en a pas beaucoup, par ici. Tu veux pas devenir blonde, des fois, non ? Parce que c'est qu'elle me plaît bien, ta sale petite gueule, tu sais. Y sont pas nombreux, les gars qui viennent payer des coups à Aetmos. » lança la recrue à Sagacius avec un sourire narquois. « Ils disent tous que j'ai une tronche de Morlock...tu trouves toi, que j'ai une tronche de Morlock ? » questionna-t-il d'un air penaud.

« Quoi ? C'est ce que tes camarades te disent ? Que tu as une tronche de Morlock ? Je ne pensais pas que tes rapports dans la Compagnie du Sable étaient si compliqués. Remarque, si tu bois seul, c'est sans doute qu'il y a une raison à ça... »

Aetmos reposa son pied -son sabot- par terre, et s'approcha de Sagacius par-dessus la table...mais ça n'était pas pour lui rouler une pelle. « Ouais, c'est ce qu'ils disent ouais. La Compagnie du Sable fait pas la différence entre les races, qu'ils disent ! Ouais, ben sur l'papier seulement. » Le détective prenait maintenant toute la mesure de la mauvaise haleine de son interlocuteur. « Tu vas continuer à m'regarder comme une pucelle, ou t'vas m'dire ce qui t'amène ? » asséna-t-il soudain, coupant court aux amabilités.

Ne voyant rien à répondre, Sagacius fit signe à la serveuse de les resservir avant de lancer son pavé dans la marre : « T'aurais entendu parler de la disparition de votre sénéchal ? J'ai entendu dire qu'il manquait à l'appel mais j'aimerai savoir si t'avais une idée de quand date sa disparition et si t'avais une idée de l'endroit où il aurait pu trainer pour ça. »

« "Notre sénéchal" ? C'est le tien aussi, poupée, hein. » ricana-t-il entre ses dents aiguisées. « Je l'ai appris aujourd'hui. L'amiral est venu à l'école nous faire un de ses discours dont il a le secret. Kalép' quittait rarement le château, et la chose a pas été ébruitée, mais... ouais, Endrin avait pas l'air jouasse. Il aurait bien mis tous les gradés sur le coup, mais la garde a besoin de nous pour mettre un terme aux émeutes, tu vois. » Il se saisit du nouveau verre que la serveuse -qui n'était pas blonde- venait d'apporter et le descendit de la même façon que le précédent. « L'amiral a dit que ça faisait près de deux semaines qu'il avait pas vu Kalépopolis. Ça commence à faire, hein ? Bizarrement, c'est à peu près le moment où Eodred a plus quitté son lit. Va pas croire que j'accuse le sénéchal de régicide, hein. C'est juste un constat. »

Le barde se doutait que quelque chose clochait. Que la disparition du sénéchal arrive en même temps que la mort du roi paraissait vraiment suspect. Peut être que la mort du Roi n'était pas aussi naturelle qu'on pouvait le croire de prime abord. Mais pour en avoir le cœur net, il faudrait enquêter et là n'était pas sa priorité pour l'instant. Peut-être cela changerait-il une fois qu'ils auraient rencontré la reine. Mais il faudra patienter jusqu'à là. En attendant, Sorina aurait toujours besoin d'aide. Sagacius termina son second verre avec une certaine difficulté - cet alcool cognait fort - mais il se doutait qu'Aetmos n'aurait pas plus beaucoup d'informations à lui filer. Il termina donc en lui posant une dernière question : « Dis-moi, je sais que ce n'est pas vraiment votre domaine de prédilection à la compagnie, mais si tu devais rechercher un jeune fugueur, quel serait le coin où tu enverrais une patrouille en premier ? J'avais pensé au quartier du pont, mais je ne sais pas par quel coin commencer. »

L'autre ricana à la tête du détective. « Bah alors, qu'est-ce qui t'arrive ? Ton ptit frère s'est fait la malle ? »

Hahaha, tu crois pas si bien dire. Mais je crois pas que ce soit pour les yeux d'une belle blonde. Il est encore un peu jeune pour ça. Le détective préféra éviter de donner trop de détails sur le pourquoi de sa question. Mais insista tout de même auprès de la jeune recrue : « Alors ? Pas d'idée ? »


J'sais pas. Ptet que j'en aurais une si j'avais une belle blonde à me mettre sous la dent, va savoir.


Sagacius joua le jeu et sorti vingts pièces d'argent qu'il posa sur la table. « Avec ça, t'as de quoi t'envoyer en l'air avec une belle blonde pendant quelques heures. Mais... je ne vois pas pourquoi je te filerai cet argent si t'as pas une petite idée pour m'aider... » Son sourire se voulait engageant mais il n'était pas prêt à céder cet argent pour rien. Il attendit calmement que son interlocuteur lui donne un os à ronger.

Ses petits yeux sournois fixés sur les écus d'argent, Aetmos se racla la gorge en signe d'approbation. « Difficile à dire. Si c'est un gamin, il survivra pas longtemps tout seul. S'il est pas trop con, il s'trouvera une place dans un orphelinat. S'il est débrouillard, il rejoindra un gang ou un autre, et finira par se faire buter par les céruléens. Et sinon...il ira crever dans les égouts et nourrir les rats-garou. »

Le barde avait aussi pensé aux égouts mais le fait que le gosse soit accompagné de Souriceaugris le rasséréna quelque peu. « Et tu saurais où je pourrai trouver l'un de ces gangs ? Je sais que la plupart sont reliés à la Société Céruléenne ou bien à la Sczarni mais je m'imagine mal aller voir Boule et lui demander s'il a vu mon rejeton de frère... Je préfèrerai autant commencer petit tout d'abord. Est-ce qu'à la compagnie du sable, vous auriez entendu parler d'un petit gang qui monte dernièrement ? »

Le petit tieffelin n'avait toujours pas quitté les pièces des yeux. « Ça, y en a une paire, des gangs, mon pote. Prends les Nobles Félines par exemple...c'est qu'on aurait bien envie de leur retirer leur combinaison moulante pour voir leur joli ptit cul, hein...héhé. Z'ont jamais attaqué personne, elles font que dans le cambriolage. M'étonnerait pas que la Société Céruléenne les envoie chez les nobliaux qui payent pas. Tu d'vrais dire à mamie de faire attention, mon beau. J'peux pas vraiment t'aider. Non, les gangs font ce qu'ils ont toujours fait. Y a ceux qu'obéissent à la Société, et y a les autres. Ceux-là survivent pas longtemps, en général, à part les Cache-poussière, parce qu'y z'auraient l'appui de la Sczarni. »

La recrue avait marqué un point. Il y avait une panacée de gangs. Mais Sagacius se demandait si il ne pouvait pas affiné sa piste de recherche : « Et tu connaitrais le nom d'un gang spécialisé dans la mendicité et le vol à l'étalage ? » Un gang de ce type correspondrait tout à fait aux tâches que les petits Lamm pourraient accomplir.

L'autre commençait à montrer des signes d'agacement, et le ton monta subitement. « Dis donc, tu commences à m'les briser sévère, avec tes questions, tu sais ! Est-ce que je fais partie de la Société ? Si t'as d'autres questions, adresse-toi au gros Boule ou à un de ses papillons, et arrête de m'emmerder. » cracha-t-il. Ses yeux jaunes se posèrent sur Sagacius, et son ton se radoucit soudain : « Aboule l'argent, maintenant. » déclara-t-il sans autorité.

Le barde leva un sourcil devant l'agressivité soudaine de son interlocuteur. « Dis-donc, je savais pas que t'étais si pressé d'aller tirer ton coup ? Bon, soit. Tiens, voila pour ta peine, mon cher. Mais demie information rime aussi avec demie récompense. » fit-il en lui laissant la moitié des pièces sorties. « Bien sûr, si tu retrouves ta mémoire, les dernières pièces seront à toi également. Je ne suis pas malhonnête. » lâcha t-il avec un sourire aimable. Le bâtard attendit encore un instant avant de se lever. Il espérait que l'appât du gain forcerait la langue du tiefling. Mais il savait quoiqu'il en soit qu'il était arrivé au terme de la discussion. Aetmos ne pourrait pas lui apprendre grand chose de plus. Avec un peu de chance, s'il lui restait du temps, il pourrait sans doute le mettre à profit avant la nuit tombée.

Aetmos gonfla les joues devant l'outrecuidance dont le barde faisait preuve. « Espèce de... » commença-t-il, furieux. Le reste de sa phrase s'étrangla dans sa gorge alors qu'il faisait main basse sur la moitié de la somme. Et comme Sagacius, il se leva. Juché sur ses pieds-de-chèvre, du haut de son mètre cinquante, le petit tieffelin n'était guère impressionnant. Il adressa un sourire à la serveuse, bien qu'elle ne fût pas blonde -ni même jolie- et pinça ses lèvres violacées en regardant Sagacius d'un air de défi. « T'es dans l'passage. »

Sagacius s'écarte poliment pour laisser Pied-de-chèvres passer. « Tu sais, d'autres que moi ne t'auraient rien donné pour ce que tu viens de me dire. Essaye d'y repenser à tête reposée, une fois que tu auras vider tes deux bourses. Tu verras que j'ai raison. » Il doutait de revoir Aetmos la prochaine fois dans de bonnes conditions mais ce dernier était un indic' appréciable même si c'était aussi l'un des plus difficiles à traiter... Il attendit de le voir claquer la porte de la taverne avant d'envoyer un clin d'oeil vers la serveuse et de lui faire signe d'approcher.

Modifié par un modérateur dimanche 22 janvier 2017 16:24:54(UTC)  | Raison: Non indiquée

Astredi 14 Pharast 4708 - Matin

Après avoir passé la nuit chez Lorelia, Sagacius se rendit au manoir Leroung de bon matin. Mais cette fois-ci, la voix grinçante d'Osborn ne vint pas l'accueillir : seuls les hurlements de la vénérable Dame Leroung se faisaient entendre dans le hall, depuis l'étage supérieur.
« Pauvre petite sotte ! » hurlait Eliasia avec une fureur que Sagacius ne lui connaissait pas. « As-tu la moindre idée de ce que tu as fait ? Comment as-tu osé ?! Jamais notre famille n'avait connu tel déshonneur ! Tu as jeté l'opprobre sur toute la lignée, et les répercussions se feront sentir jusqu'en Andoran ! Tes passions... tes passions contre-nature nous ont coûté notre alliance avec les Jeggare ! » Un claquement se fit entendre, comme une main giflant un visage. Un cri retentit.


« Arrêtez, grand maman, je vous en supplie ! » répondit la voix haut parchée d'Alysanne agitée de sanglots, couvrant celle de sa grand-mère. « Je vous interdis de me juger, grand maman ! Je suis libre ! Mon corps m'appartient, et je ne suis pas votre jouet ! L'héritage ! Les alliances ! Le prestige ! Vous n'avez que ces mots à la bouche ! Sous vos airs de mamie , vous ne valez pas mieux que les autres ! J'en ai assez de vous et de vos machinations ! » Dévalant le grand escalier dans un déluge de jupons, la jeune femme apparut alors devant son cousin, Sagacius. Les yeux embués de larmes, la joue rougie par la gifle maternelle, elle s'immobilisa devant lui, hagarde.

Modifié par un modérateur dimanche 22 janvier 2017 16:53:55(UTC)  | Raison: Non indiquée

Alysanne avait longtemps été considérée comme une fille à l'esprit fragile durant son adolescence, et la famille avait eu tendance à la surprotéger. Née avec une cuillère d'argent dans la bouche, elle avait souvent affiché un certain mépris pour Sagacius, lors de leurs rares interactions.

Aujourd'hui, c'était devenu une belle jeune femme blonde que Julius Jeggare, premier fils de Mercival, avait manifestement trouvée à son goût. Tantôt euphorique et exaltée, tantôt sombre et déprimée, Alysanne était toujours demeurée un mystère bien gardé par la famille. Si quand elle était enfant, la famille Leroung avait eu tendance à la plaindre et à l'élever dans le cocon de l'Université, maintenant qu'elle était adulte, on attendait d'elle qu'elle se montrât à la hauteur de sa tâche, et son comportement pouvait facilement taper sur les nerfs d'autrui.

Mais sans doute Alysanne n'aurait pas dû espérer meilleure réaction, venant d'un bâtard. Il était vrai que les deux cousins n'avaient jamais été proches. « Silence ! » siffla-t-elle d'une voix suraiguë en toisant Sagacius de ses yeux embués de larmes. Elle étouffa un petit rire des plus étranges, étant donné le contexte.. « Qu'est-ce que tu peux bien comprendre à ma vie, toi qui t'es toujours réfugié dans les jupes de grand-maman !? » demanda-t-elle, un sourire narquois dessiné sur son visage où roulaient des larmes amères. «  Pauvre petit bâtard adoré de la matriarche... tu n'as jamais connu que des avantages à ta double-situation, ne viens pas faire comme si tu avais été éprouvé par la vie ! » Elle se mit à rire. Là encore, c'était un comportement parfaitement inapproprié, au vu du contexte et de la dispute qui avait éclaté. « Allez tous au diable ! Toi, la vieille, et Julius Jeggare, tous autant que vous êtes ! Si tant est qu'Asmodéus trouve quelque chose à faire de vos pauvres âmes ! Seul Rolth m'a jamais aimée, de toute façon ! » Et alors qu'elle semblait de nouveau passer du rire aux larmes, elle tourna les talons et s'éloigna du manoir d'un pas dandinant.

Le silence retomba dans le hall. Eliasia Leroung finit par descendre à son tour les marches du grand escalier. Elle paraissait profondément contrariée. Une expression qui ne lui était pas coutumière, et qui déformait son visage ridé, d'habitude si calme et apaisé. La grand-mère regarda son petit-fils dans les yeux pendant de longues secondes, sans prononcer un mot. Et finit par lâcher un long soupir. « Viens, ne restons pas là, allons dans le petit salon. »

Modifié par un modérateur dimanche 22 janvier 2017 16:54:05(UTC)  | Raison: Non indiquée

Eliasia était toujours furieuse quand elle s'assit face à son petit-fils, dans le canapé vert sauge, le dos bien calé contre de multiples coussins finement brodés. Elle qui était toujours si bien apprêtée était complètement, ce matin-là. Elle avait l'air d'avoir passé une horrible nuit. Elle se saisit avec empressement d'un paquet de tireurs, dont elle prit une pleine poignée ; si elle raffolait de ces bonbons, elle faisait d'habitude preuve d'un peu plus de retenue. « C'est une catastrophe, Sagacius. Ta cousine est allée voir Julius Jeggare hier pour lui annoncer qu'elle ne pouvait pas l'épouser parce qu'elle en aimait un autre, » commença-t-elle. Elle avait manifestement besoin de vider son sac. « Un paria, un bon à rien, de ce que j'ai compris. Un certain Rolth, nécromancien renvoyé de l'Acadamae Ornelos. Te rends-tu compte ? Je ne sais pas comment elle a pu s'amouracher d'un type comme ça, mais je ne peux même pas dire que ça me surprenne. »

Elle lança à Sagacius un regard inquisiteur, tentant de sonder son opinion. « Alysanne a toujours été faible et vulnérable. Nous espérions que ça lui passerait une fois adulte, et nous nous sommes manifestement trompés. Ses égarements ont entaché nos relations avec la famille Jeggare de façon durable, Sagacius. Et quand les Zenderholm en entendront parler à leur tour - car ils en entendront parler - eux aussi nous battront froid. » Elle déglutit et reprit, après un toussotement.

« Il nous faut de nouveaux alliés, mais j'ignore qui. J'ignore qui, » répéta-t-elle, perdue. Son regard se posa de nouveau sur son petit-fils. Sans doute avait-elle pris conscience qu'elle parlait toute seule, car elle arrêta son monologue pour lui demander : « Comment s'est passée ton affaire avec les bouchers, au fait ? »

Modifié par un modérateur dimanche 22 janvier 2017 16:51:38(UTC)  | Raison: Non indiquée

Eliasia poussa un soupir - de fatigue ou d'agacement - et reprit. « Non, c'est trop tard, Sagacius. Le mal est fait, et leurs fiançailles ne peuvent être sauvées. Quant à l'amant d'Alysanne... il a été renvoyé de l'Académie par Toff Ornelos - et le vieux mage n'a pourtant rien d'un inquisiteur d'Iomédae en matière d'éthique - c'est dire à quel point ses expériences devaient être moralement douteuses. C'était il y a des années, et il n'a pas refait surface depuis. D'où ma surprise ; je ne pensais pas qu'il était encore en ville. »

Une jeune servante halfeline - bien qu'il fût difficile de lui donner un âge - vint apporter du thé. Grand-maman la remercia d'un signe de tête et d'un petit sourire crispé, et leur en servit deux tasses. Elle semblait quelque peu se détendre. « Les maux de l'esprit ne peuvent être guéris aussi facilement que ceux du corps, Sagacius. Nous avons fait venir des prêtres de Sarenrae pendant l'enfance d'Alysanne, mais rien n'y a jamais fait. »

Elle porta l'infusion encore brûlante à ses lèvres. « Je sais ce que tu attends, Sagacius. Mais... tu ne peux pas remplacer Alysanne. Je suis désolée, Sagacius. » Elle adressa à son petit-fils un petit sourire contrit, qui paraissait sincère. « Ça n'a rien à voir avec toi... c'est juste comme cela que le monde fonctionne, et à toujours fonctionné. Aucune grande famille ne voudra marier leur héritier à un ...sang-mêlé, Sagacius, surtout quand nous sommes en position de faiblesse », déclara-t-elle, évitant sciemment de prononcer le mot "bâtard". « Nous pourrions te faire épouser la fille d'une famille mineure, peut-être, comme Flora Carowyn, mais guère plus. »

Tout en lissant sa robe d'un air pensif, elle continua à faire part à son petit-fils de ses réflexions politiques : « Les Jeggare ont toujours été les plus riches, et ils se sont souvent montrés partageurs avec leurs alliés... avec nous. Notre bonne entente remonte à avant la Guerre des Cousins. J'aimerais croire que Mercival est suffisamment intelligent pour ne pas la jeter aux orties à cause d'un mot mal placé d'Alysanne, et pourtant... » Elle marqua une courte pause, le temps de reprendre une gorgée de thé. « ...pourtant, il nous faut d'autres alliés parmi les Grandes Maisons, ou notre influence risque de chuter subitement avec la période de tourmente politique qui s'annonce. Zenderholm et Endrin se sont toujours faits les défenseurs de la morale et de la justice. Après les agissements d'Alysanne, ils ne se risqueront pas à nous apporter publiquement leur appui. Historiquement, Ornelos est notre rival de toujours, et je préfère ne rien devoir à Toff. »[/dit]

Finalement, elle parvint naturellement à la conclusion de son propos. « Ne restent que les Arkona. Leur commerce avec Vudra les a rendus presque aussi riches que les Jeggare, et Glorio a la réputation d'être un homme ouvert d'esprit... peut-être même un peu trop. » Elle glissa à Sagacius un regard entendu : ils avaient déjà discuté des rumeurs entourant les rapports incestueux entre les cousins Arkona.

Modifié par un modérateur dimanche 22 janvier 2017 16:51:49(UTC)  | Raison: Non indiquée

« Tu as raison, Sagacius. Évidemment. On ne peut plus compter sur Alysanne, et je ne la laisserai pas remettre les pieds ici, » assura la vieille dame d'un air convaincu. « Mais le problème demeure. Il ne suffit pas de mettre Alysanne à la porte pour nous réconcilier avec les Jeggare, Sagacius. Leur honneur a été bafoué. »

Quand son petit-fils lui raconta en détail l'opération à Toutes les Viandes du Monde, elle ne put retenir un hoquet de surprise. Quand il eut terminé... elle s'accorda un instant de réflexion. « Melyia Arkona... qu'elle avait une forte influence sur les hommes, je n'en doutais pas. Mais de là à persuader un capitaine de la garde de déserter...je me demande si elle a agi de son propre chef, ou si Glorio est au courant. » Elle poussa un soupir. « Peut-être as-tu raison. Peut-être faut-il faire preuve de prudence et laisser voir comment la situation va évoluer. » Elle finit sa tasse de thé, et, le regard dans le vague, réfléchit à haute voix.

« Ou alors, nous pourrions organiser une rencontre avec le seigneur Arkona en terrain neutre - tu pourrais même y aller toi-même, d'ailleurs - et lui faire comprendre que nous avons des informations susceptibles de discréditer sa cousine et sa famille. Même si tu n'as pu - hélas - obtenir aucune preuve, Glorio, lui, l'ignorera. Cela nous mettrait dans une position avantageuse pour toute négociation future avec eux. Qu'en penses-tu, Sagacius ? Ton avis m'importe, et je ne prendrai aucune décision hâtive. »

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