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Offline Dalvyn  
#1 Envoyé le : vendredi 26 février 2016 16:33:25(UTC)
Dalvyn
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l avait perdu la notion du temps. Il ignorait combien de temps il était resté assis là, les jambes croisées, le regard plongé les orbites vides du crâne de buffle qui ornait le petit monticule de cailloux. Un souvenir venu d'il-ne-savait-où s'imposa de lui-même, une voix qui s'insinuait dans ses oreilles sans qu'il ne le désirât.

« Ce sont les éclaireurs ; c'est eux qui ouvrent la voie, qui guident et qui protègent. » Le ton était amical, bienveillant, instructif. « Leur présence tout autour du campement et aux abords des cairns est importante. C'est grâce à eux que les esprits des morts trouvent leur voie. C'est grâce à eux qu'ils peuvent laisser derrière eux les dépouilles mortelles auxquelles ils sont restés attachés si longtemps et s'élever jusqu'à leur destination finale. »

Puis une autre voix, beaucoup plus jeune et plus naïve celle-là, en écho, dans ses souvenirs. « C'est eux qui ont guidé ma mère quand je suis arrivé ? » Et une réponse, accompagnée du sentiment qu'il ne savait pas tout et que le sujet était plus complexe que ce qu'il ne pouvait comprendre. Accompagnée aussi du visage d'un homme à la peau blanchie par l'application de pâte à base de cendres et d'os pillés. « Oui. Ils l'ont menée vers sa destination, alors même que d'autres guides t'amenait vers nous. »

Puis s'ensuivit un silence lourd. Même le vent sec qui balayait normalement les Plaines Cendrées semblait s'être tu. Comme si tout autour de lui s'était donné le mot pour accentuer le sentiment de solitude qui s'était abattu sur lui. Il fixa le crâne muet pendant quelques secondes encore avant de soupirer et de détourner le regard. Ce n'était pas là qu'il trouverait des réponses ou du réconfort. Alors qu'il balayait du regard les terres désertiques qui s'étendaient devant lui, un autre souvenir s'imposa.

Il revit à nouveau le visage blanchi du vieil homme. Celui-ci était désormais bien plus âgé. La voix qui dialoguait avec lui n'était plus si jeune ni aussi naïve que dans la scène précédente. « Vous m'avez bien appris, maître. » disait-elle avec la fierté de celui qui venait de recevoir des compliments sur son savoir-faire. Le vieil homme hocha la tête et répondit « Tant mieux, tant mieux. Car je le sens, le moment est proche où tu devras assumer mes responsabilités à ma place. Ce sera alors à toi, avec les autres chamanes, à guider les cérémonies funéraires, à veiller au bon dépôt des corps et au respect des traditions, à honorer les esprits méritants et à s'assurer qu'ils trouvent leur voie dans l'au-delà. » Puis un court moment de silence. « Maintenant, aide-moi à gagner ma couche. La journée a été longue et mes vieux os ont besoin de repos. »

La gorge du jeune homme se serra de tristesse alors qu'il se revoyait en train d'aider celui qui l'avait éduqué pendant presque vingt années. Le corps de son mentor, Carp, arrivait au terme de son voyage matériel. Celui qui avait été présent de sa naissance jusqu'au jour présent, sa seule famille, ne serait bientôt plus là.

Et ce jour était arrivé plus vite que prévu, pensa le jeune chamane en se relevant. Son regard se tourna vers l'un des très nombreux cairns funéraires qui maculaient les plaines en contrebas du promontoire qu'il visitait régulièrement pour méditer. C'était là que reposait désormais le corps de Carp. Et, comme le vieux chamane l'avait prédit, il était devenu lui aussi chamane du Skoan Quah, du clan du Crâne. C'était désormais à lui d'accueillir les dépouilles amenées par tous les clans, de les traiter et de les honorer pour faciliter leur transition.

Le son d'une corne de buffle résonna dans les plaines. Kar'Uz reconnut immédiatement le signal : c'était celui qui annonçait l'arrivée de visiteurs. Rares étaient ceux qui venaient au campement du clan du Crâne pour le plaisir. Sans doute devait-il s'agir d'un groupe qui escortait un mort à honorer. Le chamane s'imprégna une dernière fois de la vue qui s'étendait devant lui puis il s'éloigna du crâne de buffle et de la pyramide de cailloux, reprenant le chemin du campement.

Modifié par un utilisateur vendredi 26 février 2016 20:11:56(UTC)  | Raison: Non indiquée

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Offline Dalvyn  
#2 Envoyé le : vendredi 26 février 2016 19:50:21(UTC)
Dalvyn
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Cela faisait maintenant presque trois mois que Benor avait rejoint le clan du Crâne, le Skoan Quah, ceux qui menaient les morts à leur dernière destination. La clan était principalement installé dans une région qu'on appelait les Monts Kallow, sans doute à cause des nombreux monticules funéraires qu'on y trouvait. Par rapport au reste des Plaines cendrées, l'endroit était plutôt calme : rares étaient les orques qui s'y aventuraient, et les dangers naturels du climat et de la faune y semblaient moins pressants… un peu comme si tout ce petit monde avait choisi d'offrir un don de tempérance en signe de respect pour les esprits dont les Shoantis du Crâne s'occupaient.

Au cours des dernières années, Benor, comme des centaines de jeunes Shoantis du Shundar-Quah avant lui, avait accompli son pèlerinage rituel. Dans le cas de ce clan dédié à l'unité des tribus shoanties, le rite de passage à l'âge adulte consistait à visiter divers autres clans et d'apprendre leurs coutumes, leurs croyances, leurs besoins et leurs désirs.

Benor avait effectué un séjour au sein de plusieurs autres clans, certains bien plus nerveux et combatifs que les Shoantis du Crâne ; il avait eu de nombreuses occasions d'affiner ses dons martiaux et de mettre sa puissance physique à contribution, que ce soit contre des Shoantis rebelles, des orques d'Urglin ou des créatures plus ou moins dangereuses. C'était loin d'être le cas dans le clan du Crâne, où tout semblait plus paisible… paisible comme la mort ?

Mais, curieusement, Benor, qui préférait généralement se faire appeler Peau-de-Pierre, trouvait ce calme réconfortant. Il voyait dans cette tranquillité l'essence-même de ce qui lui permettait de rester maître du don qu'il avait reçu : la rage. Et, si rager et vaincre ses ennemis étaient une belle et grande victoire, une victoire sur eux, pouvoir maîtriser sa rage et regagner le contrôle de son corps constituait une victoire encore plus glorieuse, une victoire sur soi-même.

Ainsi, au cours des derniers mois, Benor s'était contenté de dédier son temps à de simples tâches comme le déplacement des corps pour aider les chamanes qui les traitaient et accomplissaient toute une série de cérémonies visant à en libérer l'esprit ou encore le transport de rochers pour la construction des cairns mortuaires où les dépouilles étaient placées.

Alors qu'il se reposait dans la yourte qu'il partageait avec d'autres jeunes Shoantis, il entendit le son du cor de buffle retentir. Il était encore bien loin de connaître tous les signaux transmissibles par cette méthode mais celui qu'il entendit faisait partie de ceux qu'il avait appris : c'était l'annonce de visiteurs. Il se leva, vérifia son équipement et se dirigea vers l'entrée du campement. Il y avait de grandes chances pour qu'il s'agisse d'un convoi mortuaire et que ses services soient demandés.
Offline Mandar  
#3 Envoyé le : samedi 27 février 2016 00:47:04(UTC)
Mandar
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Peau de Pierre était vêtu d'une longue tunique blanche et de chausses de peau. L'armure et le briseterre qui lui avaient tant servi quelques mois plus tôt étaient posés dans un coin de la yourte. Son arc s'y trouvait aussi, mais lui au moins était utilisé régulièrement pour la chasse. Le jeune guerrier continuait à entretenir son matériel tous les jours, mais c'était maintenant plus une question de discipline personnelle que de nécessité. Il ne portait qu'une dague à la ceinture au quotidien, c'était suffisant lorsqu'il se trouvait au camp.

Ses bras nus portaient encore les cicatrices de son dernier combat, durant son ultime épreuve de passage à l'âge adulte. Les blessures étaient profondes, mais il avait tenu le coup. L'exploit avait été digne de son père, c'est ce qu'on avait dit au Shundar-Quah. Sa survie miraculeuse. Son nouveau nom tout trouvé.

La nouvelle de la mort de Brise-Crânes, arrivée le lendemain, avait fait l'effet d'une douche glaciale. Et même si plusieurs lunes étaient passées, le deuil de son fils n'était pas terminé. Peau de Pierre sortit sans traîner. Il se sentait vide, mais ce n'était pas une excuse pour retarder ses devoirs. Au moins, il n'avait pas de maux de tête, pour le moment.
Offline Dalvyn  
#4 Envoyé le : samedi 27 février 2016 10:10:59(UTC)
Dalvyn
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Un petit attroupement s'était formé à l'entrée du campement ; principalement des curieux venus voir qui étaient donc les visiteurs pour lesquels on avait fait sonner la corne. Comme beaucoup l'avaient prédits, il s'agissait bien d'un convoi mortuaire, constitué d'un simple traîneau de bois tiré par un cheval harnaché et portant un corps accompagné de trois guerriers à pied, d'un individu à cheval qui semblait profondément attristé par la situation,et de moi.

L'endroit ne me plaisait guère… ceux du Crâne étaient réputés pour leurs excentricités, leur attachement aux coutumes et aux traditions, leurs cérémonies interminables. Pour moi, c'était avant tout du pipeau, de la poudre aux yeux. Mais je n'aurais tout de même jamais osé défier ces habitudes que de nombreuses générations de fiers Shoantis avaient respectées et maintenues.

Comme les hommes qui m'accompagnaient… comme mes hommes, ma peau était ornée de tatouages rehaussés couleur or, un privilège de mon clan, le Sklar Quah, la tribu du Soleil. Il fallait que je me fasse à l'idée : il s'agissait bel et bien de mes hommes désormais. Quand Podack Sans-Pitié était tombé au combat, le commandement du groupe m'était revenu de plein droit. Et même si cela n'avait jamais été dit explicitement, personne n'avait non plus osé le contester.

J'observai l'attroupement de badauds qui s'étaient rassemblés devant moi. Il y avait surtout des enfants, quelques femmes aussi, et une poignée de guerriers prêts à protéger la tribu au cas où les intrus auraient des intentions mauvaises. Mais encore aucun chamane. Je jetai un coup d'œil à la dépouille allongée sur le traîneau de bois et pensai C'est bien pour toi que je fais tout ça, vieux frère.

Je n'étais guère au courant des coutumes du clan du Crâne ; c'était la première fois que je leur amenais un mort. Mais je savais le strict minimum. Je savais qu'il fallait attendre patiemment à l'entrée du campement jusqu'à être accueilli par un chamane, et que le premier chamane à se présenter serait celui qui porterait la responsabilité de guider le mort jusqu'à la fin de la cérémonie. Je savais aussi qu'en tant qu'accompagnateur du mort, j'allais devoir raconter au chamane en long et en large les circonstances de la mort.

Et je me doutais bien que ça allait prendre de longues heures. Des heures de perdues.

Je me retournai vers le petit attroupement au moment où un jeune homme en longue tunique blanche arriva. Contrairement aux autres, ils semblait porter sur son corps les marques de combats précédents… il sortait du lot au sein des autres Shoantis du Crâne... mais ce n'était pas un de ces chamanes au visage peinturluré de blanc. Je tentai de ne pas trop montrer l'impatience qui me guettait, de rester impassible…

J'étais à deux doigts de partir et trouver un endroit où enterrer Podack Sans-Pitié moi-même quand un chamane daigna enfin arriver. Malgré le masque de peinture blanche qui lui recouvrait le visage, il semblait très jeune. Lui-même sembla un court instant étonné d'être le premier à être arrivé sur place… mais les coutumes étaient ce qu'elles étaient. Il s'avança vers moi et le rituel commença…

« Moi, Kar'Uz, chamane du clan du Crâne, accepte la tâche de guider ce mort vers sa destination finale. Qui vient le présenter au portail ? » demanda-t-il d'une voix forte mais relativement mal assurée. Il ne devait pas avoir fait ça bien souvent, pensai-je en moi-même.

Je lui répondis « Moi, Klasek Pluie-de-Flèches, guerrier du clan du Soleil, vient présenter la dépouille de Podack Sans-Pitié, guerrier du clan du Soleil et fils du chef Zan Esprit-Qui-Voit-Loin. »

Le jeune chamane hocha la tête. Apparemment, j'avais suffisamment respecté le rituel à son goût. Il s'avança vers moi et leva le bras pour indiquer une large yourte située un peu plus loin. Il indiqua que c'était là que j'allais pouvoir conter les circonstances de la mort pendant que le corps était préparé pour le voyage final. Pendant ce temps-là, indiqua-t-il, mes hommes pourraient aller se reposer, boire et manger.

Je m'apprêtai à aller détacher le traîneau pour amener la dépouille de Podack Sans-Pitié vers la yourte en question mais le chamane m'arrêta. Désormais, dit-il, le mort est notre responsabilité. Puis il scruta la foule du regard et fit signe au jeune homme en tunique blanche marqué de nombreuses cicatrices, lui indiquant de s'occuper du transport du corps.
Offline mdadd  
#5 Envoyé le : samedi 27 février 2016 10:51:29(UTC)
mdadd
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Vêtu de la tenue traditionnelle, un grand manteau de plumes noires coiffé d'une tête de grand corbeau tout aussi sombre, tel le messager des morts, il était descendu de la colline, quittant le cairn de Carp avec détermination. Désormais il ne serait plus là pour le guider et il lui revenait de poursuivre son office. Il était le Corbeau de Pharasma et devait guider l'âme des défunts vers l'Ossuaire où elle serait jugée par la Dame des Tombes. Celui qui fut sa famille d'adoption, son père d'adoption, son mentor et son maître lui avait maintes fois expliqué qu'un mort n'ayant pas reçu les derniers rituels risquaient de devenir des choses horribles qui servaient la déesse pâle, l'ennemie jurée de Pharasma. Et plusieurs fois il l'avait emmené avec lui dans ses périples pour donner le repos éternel à ces âmes damnées. Une nouvelle âme arrivait sur le sentier de l'Ossuaire, cette fois il allait officier seul.

Il s'était penché vers le défunt tout en plongeant sa main dans une petite sacoche spécialement préparée pour les rituels. Il traça une spirale sur le front du défunt avec cette matière mêlant de la pierre de craie et de la cendre, ainsi il protégeait l'âme de toute intervention de la déesse pâle et il pourra la guider vers l'Ossuaire. Mais avant il devait connaître son histoire car elle devait être chantés durant le rituel funéraire.
Tu sais ce que c'est, être réduit à l'état de pulpe ?
Offline Mandar  
#6 Envoyé le : samedi 27 février 2016 13:47:36(UTC)
Mandar
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Lorsque le regard du nouveau venu croisa le sien, Belor ne put s'empêcher de repenser à son arrivée, quelques mois plus tôt. Lui n'avait pas trépigné d'impatience. Il s'était contenté de suivre le groupe d'hommes plus expérimentés qui avait pris les choses en main. Il n'avait pas pu assister à l'intégralité du rituel d'ailleurs, les chamans ayant ordonné qu'il reste à l'écart pendant la préparation du corps.

Peau de Pierre acquiesça à la demande silencieuse du chaman en se dirigeant vers le cadavre. Il ne put s'empêcher d'y passer le regard, comme pour deviner quel type d'adversaire avait pu en venir à bout. Il souleva le corps lentement et se mit en marche vers la yourte de cérémonie. C'était la première fois qu'il assisterait à cette partie du rituel. Il s'attendait à participer à la purification – certains diraient nettoyage – du corps, en ayant bien conscience qu'il ne ferait qu'exécuter les ordres du chaman.
Offline Dalvyn  
#7 Envoyé le : dimanche 28 février 2016 18:02:03(UTC)
Dalvyn
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Celui qui s'était présenté sous le nom de Klasek Pluie-de-Flèches observa le chamane lorsqu'il vint tracer la spirale rituelle sur le front du défunt. Son visage restait sans expression ; s'il pensait quelque chose au sujet de ce qui se produisait devant lui, il n'en montra rien. Il se retourna vers l'autre guerrier à cheval et lui dit « Vas avec les autres ; mangez, buvez et reposez-vous. Chacun d'entre nous a des devoirs à accomplir pour honorer la mémoire de Podack Sans-Pitié. Nous devons tous nous y conformer. »

Il appuya ses paroles d'un regard tenu. L'homme à cheval croisa ses yeux et maintint le contact pendant quelques secondes avant de hocher la tête. Il descendit de son cheval et fit un signe du menton aux guerriers à pied. Peau-de-Pierre remarqua qu'il était armé d'un simple klar qui n'avait guère l'air d'avoir été utilisé souvent. Par contre, une bourse en peau de buffle bien pleine pendait à sa ceinture, à un endroit facile d'accès. C'était là la marque d'un lanceur de sorts.

Alors que les hommes s'éloignaient, accompagnés par les hôtes du clan du Crâne, celui qui menait le convoi funéraire se tourna vers Kar'Uz et le suivit. La yourte destinée à recevoir le corps n'était qu'à une petite cinquantaine de mètres de l'entrée du campement. Le chamane y pénétra en premier, s'assurant qu'elle était bien libre. Klasek Pluie-de-Flèches s'arrêta près de l'entrée et tint ouverte la peau de bête qui servait de porte d'entrée, laissant Peau-de-Pierre entrer en tirant le traîneau funéraire.

À l'intérieur, la yourte était plutôt vide, à l'exception d'une table de bois avec divers instruments, bassins et pots d'argile contenant sans aucun doute des substances nécessaires au traitement du corps. Au milieu, on avait placé un socle de pierre taillée suffisamment long pour recevoir le corps. C'est là que l'assistant qui avait amené le traîneau plaça le corps, aussi délicatement que possible.

Klasek Pluie-de-Flèches s'avança vers le socle funéraire, ne prêtant guère attention aux diverses sculptures qui ornaient ses flancs. Il observa un instant le visage de son ancien chef. Sa peau était extrêmement pâle… il était quasiment exsangue. Balayant le corps du regard, il s'arrêta quelques instants sur les entailles qui maculaient son torse et ses bras. Voilà toute l'histoire de Podack Sans-Pitié racontée sur sa peau pensa-t-il un instant. Entre les plaies encore toute fraîches, les cicatrices plus anciennes et les marques quasiment invisibles des blessures guéries par le temps, on pouvait facilement se rendre compte de l'impressionnante quantité de combats sanglants dans lesquels Podack s'était lancé.

Il se tint immobile et silencieux, attendant la suite… et tentant de ne penser à quel point il aurait préféré être avec ses compagnons, en-dehors de cette yourte, à ce moment précis. Il prit une profonde inspiration. Chacun d'entre nous a un devoir à accomplir… se redit-il mentalement.
Offline mdadd  
#8 Envoyé le : lundi 29 février 2016 22:53:55(UTC)
mdadd
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« Le passage de ce monde vers l’Autre ne peut se faire sans rituel. L’homme possède deux âmes. La première est libre de toute attache et peut quitter le corps durant le sommeil ou une maladie, elle regagne le monde des esprits de nos ancêtres à sa mort. Les chamanes sont capables d’effectuer ce voyage tout en restant conscient, c’est ce qui nous permet de communiquer avec nos ancêtres, de nous inspirer de leur fureur guerrière et de bénéficier de leur sagesse. Quant à l’autre âme, elle est attachée au corps en attende d’effectuer le voyage vers l’Ossuaire où elle sera jugée devant Pharasma, la Dame des Tombes. Si ce rituel n’est pas effectué, l’âme reste chevillée au corps et parfois elle parvient à le réanimer ou à se libérer de son corps physique sous forme de revenant. Ils deviennent alors des morts qui marchent, des âmes en peine, des esprits hurleurs, des serviteurs de la Déesse pâle et ils hurlent leur haine et leur douleur dans les plaines cendrées, à glacer le sang de leurs proches qui ne les ont pas honorés car ce sont ses proches qui seront en priorité la cible de leur colère et leur malveillance. Le rituel consiste à couper le lien et à guider l’âme vers l’Ossuaire et cela commence par le nettoyage du corps et le respect que lui montre son clan en chantant son histoire. »

Tandis qu’il parlait de sa voix neutre, il exécutait les gestes maintes fois répétés auprès de son maître, débarrassant le corps de ses vêtements et équipements afin de le nettoyer et de le rendre plus digne et présentable avant de le vêtir de la tunique funéraire et de lui rendre son équipement guerrier. Une fois préparé, il s’accroupit non loin du feu, sortant son tam-tam rituel. Il bourra une pipe à long tuyau droit sculpté sur tout le corps, alluma le foyer et tira quelques bouffées afin de rentrer dans sa transe avant de la passer à Klasek Pluie-de-Flèches. Le calumet tournerait durant tout le récit ou le chant du guerrier tandis que le chamane taperait sur le tam-tam selon un tempo lent digne d’une veillée funèbre. Il attendait de sentir l’âme du défunt, le Corbeau allait s’envoler pour le guider vers l’Ossuaire.
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Offline Dalvyn  
#9 Envoyé le : jeudi 3 mars 2016 13:34:53(UTC)
Dalvyn
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Klasek Pluie-de-Flèches se tenait debout à quelques mètres du corps allongé sur l'autel de pierre. Il avait accordé quelque attention aux premières paroles du chamane qui était occupé à préparer la dépouille puis, constatant que ce dernier semblait parti dans un monologue, se détacha peu à peu du moment présent, le ton de la voix du chamane ne devenant plus qu'une sorte de léger bruit de fond indistinct.

Il aurait été bien en peine de dire exactement combien de temps il était resté ainsi, la tête ailleurs. Un mouvement l'avait ramené à la réalité ; c'était le chamane qui lui tendait une pipe sacrée. Visiblement, ce dernier attendait qu'il la prenne. Klasek fronça les sourcils et hésita un court instant puis, intérieurement, il haussa les épaules. Autant en finir au plus vite. se dit-il tout en inspirant une bouffée de fumée. Surtout que, si ses souvenirs étaient exacts, le corps resterait ici pendant deux ou trois jours avant d'être emmené vers un cairn funéraire, le temps que ce dernier soit apprêté et que les proches du défunt puissent venir lui souhaiter un bon voyage.

Il rendit la pipe au chamane. Celui-ci l'observait. Visiblement, il attendait quelque chose… Intérieurement, Klasek se dit que c'était sans doute le moment où il devait se mettre à parler, à expliquer les circonstances de la mort du chef de patrouille.

Il se racla la gorge et réfléchit avant d'ouvrir la bouche. « Podack Sans Pitié est mort comme il a vécu : glorieusement. Il est tombé sous les coups d'une bande d'orques esclavagistes qui avaient attaqué un campement shoanti et avait capturé plusieurs prisonniers. Lorsque notre patrouille est arrivée sur place, Podack a immédiatement décidé de pister les esclavagistes. Pendant deux jours et deux nuits, Podack nous a menés à travers les Plaines Cendrées, et nous avons rattrapé les orques. Ils s'étaient établis pour la nuit dans d'anciennes ruines qui les protégeaient des assauts. »

Klasek hésita encore un moment et poursuivit son récit plus lentement, comme s'il choisissait chacun de ses mots avec un grand soin et une grande prudence. « Toutefois, Podack a mis en oeuvre une stratégie pour les forcer à quitter leur abri. Les orques ont alors lancé une dernière offensive désespérée… se sachant condamnés, ils ont lancé une contre-attaque extrêmement violente… et Podack est tombé sous leurs coups. C'est lui qui s'est tenu en première ligne et qui a reçu la contre-attaque orque de plein fouet. Grâce à son sacrifice, il n'y a eu aucune autre victime parmi notre patrouille. »

Klasek termina son récit en hochant la tête. « C'est comme ça que Podack Sans Pitié a terminé sa vie mortelle. » conclut-il.

Il se racla la gorge, visiblement mal à l'aise dans ce décor — le guerrier qu'il était devait se trouver plus à sa place sur un champ de bataille que dans une yourte funéraire — puis indiqua « Si mes services ne sont plus requis ici, j'aimerais rejoindre mes hommes. »
Offline Dalvyn  
#10 Envoyé le : mercredi 9 mars 2016 20:00:37(UTC)
Dalvyn
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Kar'Uz poursuivit son rituel tout en observant l'homme qui venait de parler. Clairement, le guerrier aurait préféré être ailleurs qu'ici… son attitude, ses regards, ses expressions et même certaines de ses paroles indiquaient clairement qu'il considérait tout cet aspect rituel plutôt inutile mais, qu'en même temps, le respect des traditions et un certain respect pour le défunt aussi peut-être, le poussaient à se plier aux formalités d'usage.

Par contre, son histoire comportait plusieurs trous, plusieurs omissions étranges… Pourquoi rester vague et parler d'une "stratégie" qui avait forcé les esclavagistes orques à quitter leur abri ? Il aurait sans doute été tout aussi simple de décrire les faits. Et qu'était-il advenu des prisonniers des esclavagistes ? Pourquoi passer cela sous silence, alors que c'était pour eux que Podack Sans Pitié avait perdu la vie… peut-être ?

Quelque part dehors, on entendit le croassement d'un corbeau suivi de bruits de battements d'ailes produits sans doute par plusieurs volatiles qui s'envolaient.

Klasek Pluie-de-Flèches se racla la gorge puis il répéta sa question. « Puis-je rejoindre mes hommes ou mes services sont-ils encore requis ici ? » demanda-t-il.

Kar'Uz ne pouvait pas rester dans le flou. Ce n'était pas respectueux d'envoyer les morts vers l'Au-Delà sur base d'une histoire fausse ou incomplète. La Dame de l'Au-Delà, elle, voyait et savait tout ; cet omniscience était nécessaire pour pouvoir passer jugement… et ses disciples, même s'ils n'étaient pas aptes à juger, devaient faire leur possible pour honorer les morts avec la vérité. Restait à voir si les soupçons du jeune chamane étaient fondés... et, dans ce cas-là, s'il pourrait obtenir des informations supplémentaires du lieutenant ou s'il était préférable de mener sa petite enquête, peut-être auprès des autres membres du convoi funéraire…
Offline mdadd  
#11 Envoyé le : jeudi 10 mars 2016 18:23:57(UTC)
mdadd
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Kar'Uz se retourna vers le guerrier qui s'impatientait - « La Dame des Tombe voit tout et sait tout ! Ce que tu ne me dis pas ici et maintenant, j'irai le chercher auprès de tes hommes. Est-ce tout là le respect que tu as envers Podack Sans Pitié ? Si tu veux que le défunt trouve la paix et l'honorer, alors tu dois me dire toute la vérité ! Tout ce que tu ne me dis pas restera comme un poison dans tes veines qui finira par te gangréner et te rendre fou, jusqu'à ce que tu comparaisses à ton tour devant Pharasma ! »

Kar'Uz ne faisait plus dans la dentelle. Carp lui avait montré qu'il fallait de temps à autre secouer les proches afin de dénouer les rouages du mensonge ou des omissions. Il avait développé un certain art à la froideur et à l'intimidation, tel le Corbeau qui était prêt à emporter cette âme encore vivante entre ses serres pour l'emporter devant la Dame de l'Au-Delà afin qu'il réponde de ses mensonges directement devant elle. Son ton était dur et devait faire comme un électrochoc dans la tête du guerrier.
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Offline Dalvyn  
#12 Envoyé le : vendredi 11 mars 2016 11:30:35(UTC)
Dalvyn
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L'imposant guerrier shoanti qui se tenait à quelques pas du socle de pierre sur lequel reposait la dépouille avait tout d'abord paru nerveux puis impatient de changer d'air et de se retrouver ailleurs que sous la tente de préparation funéraire. Par deux fois, il l'avait d'ailleurs exprimé en demandant à pouvoir se retirer. Il semblait même sur le point de faire demi-tour et de quitter la tente lorsque Kar'Uz lui répondit.

L'expression du visage du guerrier changea du tout au tout lorsque Kar'Uz le menaça de tourments spirituels. Il fit même un pas en arrière, comme si cela allait suffire à le protéger de ce dont il avait été menacé. Clairement, les paroles du chamane avaient fait mouche…

Le guerrier posa machinalement une main sur sa ceinture, à l'endroit où pendait son épée, mais il réalisa rapidement que son arme ne lui serait d'aucune utilité. Ses poings se refermèrent, montrant clairement son agitation, et son regard vint se poser sur le corps de Podack Sans Pitié.

Il prit une profonde respiration puis ajouta « J'ai raconté la mort de Podack de la manière dont elle devrait être mémorisée et transmise aux générations futures. Il est le fils d'un chef de tribu, un membre important du Sklar-Quah, une personne qui mérite un certain respect. »

Lorsqu'il releva le regard vers Kar'Uz et vers Peau-de-Pierre, qui se contentait d'observer la scène silencieusement, l'expression de peur était atténuée, remplacée par une sorte de ferveur ou de passion caractéristique des individus persuadés d'avoir fait le bon choix et prêts à endurer des sacrifices personnels pour atteindre leur objectif. Il ajouta « Se concentrer sur d'éventuelles erreurs spécifiques à son dernier combat serait mentir, car cela éclipserait tous les hauts-faits qui ont précédé. »

Il se racla la gorge et dit « J'ai dit tout ce que j'avais à dire, par respect envers Podack Sans Pitié. » Puis il fixa Kar'Uz du regard pendant quelques longues secondes avec une certaine assurance… puis il brisa le contact visuel et se dirigea d'un pas rapide vers la sortie de la yourte, quittant l'endroit avec un empressement qui trahissait le fait que l'assurance en question était sans doute partiellement feinte.

Dans la yourte funéraire, il ne restait plus que le chamane, l'aide-porteur et Podack Sans Pitié, qui conservait pour le moment une partie de ses secrets…
Offline mdadd  
#13 Envoyé le : dimanche 13 mars 2016 13:37:17(UTC)
mdadd
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Le Chamane se rembrunit. Ce jeune guerrier était un écervelé et n'avait pas compris l'importance de la vérité requise. Il sortit derrière le gaillard s'en prendre garde à la différence de morphologie. Le gaillard devait certainement être deux fois plus large, mais Carp lui avait toujours enseigné que ce n'était pas la taille ou la force musculaire qui importait, mais la fermeté et le respect. Kar'Uz devait ne pas faillir et assurer son ascendance morale.

Il rattrapa le guerrier et posa sa main sur l'épaule pour l'arrêter. Il se planta ensuite devant lui pour qu'il soit obligé de s'arrêter et planta ses yeux dans les siens, le visage fermé, les yeux envahis par la rage, le sang chaud des shoantis bouillait en lui et il avait envie d'en découdre - « Que tu ne respectes pas la vérité est une chose, mais devant la Dame des Tombes il n'y a qu'une seule vérité et tu vas me la dire ! L'histoire qui sera chantée dans les veillées sera certainement celle que tu voudras transmettre aux générations à venir en mémoire et en respect pour celui qui fut visiblement un grand chef. Pharasma voit tout et entend tout, tu ne peux pas lui mentir et c'est cette vérité là que je veux entendre sinon je t'emmène avec moi jusqu'à l'Ossuaire lorsque Podack Sans Pitié comparaîtra en jugement devant Elle et ce sera toi qui répondra de ces mensonges. Si toi tu ne me dis pas ce qu'il s'est passé avec ces esclavagistes orques, alors tes hommes parleront, je dote que ce sera plaisant pour eux comme pour toi et personne ne quittera ce campement tout comme aucun cairn ne sera dressé tant que cette vérité ne sera pas connue. Ceci reste entre la Dame des Tombes et ses chamanes, si tu la gardes pour toi, alors elle te hantera jusqu'à la fin de tes jours, ça je peux te le promettre ! Regarde tous ces corbeaux autour de toi, ils sont autant de messagers de la Mort qui attendent cette vérité. Garde là et à chaque fois que tu verras un corbeau ce sera ton pire cauchemar. »

Kar'Uz laissa le guerrier réfléchir quelques secondes, il s'écarta le laissant faire son choix, mais s'il ne prenait pas la direction de la yourte funéraire, alors il irait en personne interroger les hommes venus avec lui, employant tous les moyens dont il disposait pour les faire parler sans autre forme de détours que l'intimidation et la menace d'une vie de cauchemars avec une mort dans d'atroces souffrances à implorer Pharasma, la Dame de l'Au-delà de venir les chercher.
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Offline Dalvyn  
#14 Envoyé le : dimanche 13 mars 2016 22:06:57(UTC)
Dalvyn
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Comme Kar'Uz s'y attendait, le guerrier fut impressionné par son geste, pas tant par la — relativement faible — carrure du chamane que par le ton de sa voix et la manière dont il se comportait. Dans un premier temps, c'est avec une certaine agressivité contenue qu'il réagit. Kar'Uz observa qu'il plissait les lèvres en signe de défiance, comme s'il s'imposait de les maintenir scellées.

Puis le chamane évoqua les autres guerriers de la patrouille, indiquant clairement que tôt ou tard, quelqu'un allait parler. Cela sembla être le déclic qui déverrouilla la situation, comme un coup de lame de klar en travers des fils mentaux avec lesquels le guerrier s'était cousu les lèvres. Le changement s'observa également physiquement : Klasek Pluie-de-Flèches laissa sa bouche s'ouvrir et c'est la bouche béante qu'il laissa son regard se perdre dans la direction où ses hommes étaient partis un peu plus tôt.

Il se retourna vers le chamane, prit une profonde respiration et finit par dit, au bout de quelques secondes « Très bien. Voilà les faits, chamane. Tu en feras ce que tu voudras, mais n'oublie pas qu'il s'agit là d'un fils de chef de clan. »

À quelques mètres de là, à l'entrée de la yourte funéraire, se tenait Peau-de-Pierre. Celui-ci avait suivi le chamane dès qu'il l'avait vu se précipiter à la suite du guerrier. Les choses risquaient de mal tourner… aussi se devait-il d'être présent. Sans doute ne savait-il guère ce qu'il aurait fait si les choses avaient réellement mal tournées… mais sortir de la yourte à la suite du chamane avait été comme un instinct. Il avait perçu les paroles du guerrier : Il s'agit là d'un fils de chef de clan. Oui, et pas le moindre en plus, se dit Peau-de-Pierre.

Comme tout membre du Shundar-Quah, Peau-de-Pierre s'était préparé à sa mission d'ambassadeur et de diplomate entre les clans en en apprenant plus au sujet des us et des coutumes des uns et des autres. Le clan du Soleil, le Sklar-Quah, celui de Klasek Pluie-de-Flèches et du défunt Podack Sans-Pitié, était le plus belliqueux et le plus fier des clans.

Contrairement aux plans de Kar'Uz, le guerrier ne reprit pas le chemin de la yourte funéraire. Il scruta les environs et s'éloigna de quelques pas pour rejoindre un endroit où se trouvaient quelques rochers dont la taille et la forme les rendaient utilisables comme siège. Il s'y installa et attendit que les deux autres Shoantis le rejoignent. Visiblement, s'il devait dire ce qu'il s'apprêtait à dire, il préférait parler en-dehors de la yourte funéraire, à l'écart du mort ?
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#15 Envoyé le : lundi 14 mars 2016 18:02:08(UTC)
mdadd
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Sans la moindre émotion, le chamane suivit le guerrier vers le cercle de pierre - « Tu as toute mon attention. N'oublies pas que je ne suis que le messager et non pas juge et bourreau. Cette tâche revient à la Dame des Tombes. Ce que tu diras ici, le Corbeau l'emportera jusqu'à l'Ossuaire et ici seules les pierres pourront t'entendre et les pierres ne parlent pas » - enfin certains chamanes puissants pouvaient faire parler les pierres, mais ce n'était pas le cas ici et c'est une toute autre histoire.
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Offline Mandar  
#16 Envoyé le : lundi 14 mars 2016 18:13:03(UTC)
Mandar
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Peau de Pierre n'avait pas dit un mot depuis qu'il était entré dans la yourte funéraire, car son aide n'avait pas été requise pour les soins comme le rituel. Voulant éviter un faux-pas, le guerrier préférait observer la situation à distance, d'autant plus que ce chamane semblait... particulièrement perfectionniste.

Lorsque la voix monta, toutefois, il sortit à son tour, se demandant s'il était vraiment bien placé pour désamorcer le conflit si les choses ne se calmaient pas d'elles-mêmes. Il se demanda ensuite si ses services étaient toujours requis, ou s'il devait rester auprès de la dépouille, mais Podack Sans-Pitié semblait l'attendre du regard, et il préféra éviter de le faire attendre. Aussi, il s'installa à un bon mètre des principaux concernés, gardant en tête sa place dans la société, dans un angle lui permettant d'observer l'entrée de la yourte funéraire au cas où, et garda le silence pour le moment.

Le chamane semblait avoir les choses en main.
Offline Dalvyn  
#17 Envoyé le : vendredi 18 mars 2016 10:54:26(UTC)
Dalvyn
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Klasek Pluie-de-Flèches était resté silencieux pendant quelques longues secondes même après que les deux Shoantis se soient approchés. Kar'Uz se contenta de le fixer en restant immobile ; il savait que, parfois, le silence était plus pesant, plus imposant que bien des mots. Surtout dans le cas de ce guerrier qui, malgré son désintérêt vis-à-vis des coutumes funéraires, semblaient conserver au fond de lui-même une crainte et un certain respect… il en allait souvent ainsi pour les adultes qui avaient été éduqués dans un climat de croyance et de coutumes très strict.

Finalement, l'archer avait ouvert la bouche. « Je vous ai dit que notre patrouille poursuivait un groupe d'esclavagistes orques. Plus précisément, il s'agissait d'un groupe qui nous avait déjà échappé auparavant, et ce n'était pas sa première attaque contre un village shoanti. Podack était un bon leader, mais aussi un guerrier fier. En tant que fils de chef de tribu, il n'acceptait pas la défaite. Je pense qu'il aurait été prêt à tout pour mettre la main sur ces esclavagistes qui nous… qui lui avaient échappé avant. »

« Et donc... quand nous les avons rattrapés et qu'il était clair que nous ne pouvions rien faire pour les déloger des ruines… » Klassek s'interrompit à nouveau quelques secondes et son regard se perdit dans le vague, comme s'il revivait la scène. « Podack a ordonné à notre sorcier de les forcer à quitter leur abri en créant une explosion de feu. Il était comme enragé. Je me souviens encore de ses mots : "Et si une explosion ne suffit pas, crées-en une deuxième, puis une troisième !" »

« Le sorcier et moi l'avons regardé, interdits. À l'intérieur des ruines, il y avait les esclavagistes orques, oui... mais aussi leurs captifs. Principalement des femmes et des enfants provenant du dernier village qu'ils avaient attaqués. C'était mon devoir, en tant que second, de lui rappeler ce fait... ce que j'ai fait. Mais il a répété ses ordres. Deux fois. Et le sorcier et moi avons obéi… »

Une fois encore, le guerrier s'interrompit un court instant. « Le bruit de l'explosion fut assourdissant. Puis il y eut les cris. Horribles. Plusieurs des orques en feu quittèrent les ruines en courant. J'ai pu en abattre certains, mais pas tous... les autres n'ont guère survécu plus longtemps et se sont effondrés, carbonisés, un peu plus loin. Mais il n'y avait pas que des orques. Certains des Shoantis eux aussi avaient profité de la confusion pour fuir les ruines. Et… » Klassek s'interrompit mais, cette fois-ci, il ne s'agissait pas d'une pause volontaire. C'était comme si quelque chose s'était coincé dans sa gorge. Il se racla la gorge et déglutit avant de pouvoir poursuivre. « Les prisonniers, eux aussi, avaient subi l'explosion de feu de plein fouet. Ceux qui avaient pu s'enfuir étaient déjà condamnés… comme les orques, ils ne purent guère parcourir plus de quelques mètres avant de mourir, brûlés. Les autres… » Encore une autre pause involontaire... « Les autres, ceux qui n'avaient pas pu bouger,... avaient été carbonisés sur place... mais nous ne les avons découverts que plus tard, après le combat. »

Klassek prit une profonde respiration et chassa une poussière qui semblait s'être logée au coin de son oeil. « Trois des orques semblaient s'être un peu mieux sortis que les autres. Le chef des esclavagistes et deux autres… qui, malgré l'explosion magique, semblaient encore en état de combattre. Ils ont chargé, hurlant, en direction de notre patrouille. Les hommes et moi étions comme figés en place, comme impuissants devant l'horreur de la situation. Podack, quant à lui, laissa éclater un rire tonitruant. Je me souviens encore de ses paroles : Ces trois-là sont pour moi ! Encore une victoire pour Podack Sans-Pitié ! »

« Podack les a chargés à son tour… il a pu terrasser les trois orques mais pas avant que l'un d'eux, le chef des esclavagistes, ne lui porte un coup fatal. Quand il est tombé, je me suis rapproché de lui... son dernier ordre pour moi était de l'amener rapidement à vous, pour qu'il rejoigne au plus vite les halls glorieux où on chante les louanges des guerriers. »

« J'ai ordonné aux hommes de chercher des survivants... je me suis chargé moi-même de l'intérieur des ruines. » Il secoua la tête lentement. « Il n'y avait que des morts. La plupart avaient le visage déformé par les douleurs et la peau carbonisée. Alors… j'ai suivi les derniers ordres de mon chef de patrouille et je l'ai conduit ici au plus vite. »
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#18 Envoyé le : samedi 19 mars 2016 17:54:09(UTC)
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Kar'Uz avait écouté sans mot dire ni exprimer de jugement que ce soit par la parole ou par quelques grimaces que ce soit. Il posa la main sur l'épaule du guerrier et le regarda dans les yeux.

« Klasek Pluie-de-Flèches, te voilà libéré de ton fardeau. C'est désormais à la Dame de l'Au-Delà de porter son jugement et il ne nous appartient pas de dire si Podack a commis un crime. Dans cette histoire, rien n'est simple. Peut-être qu'en sacrifiant quelques femmes et enfants, il a sauvé de nombreux villages qui auraient été la cible des orques esclavagistes. Peut-être encore que s'il ne s'était pas laissé emporté par son orgueil et aveuglé par sa colère, il aurait été patient et aurait attendu un moment plus favorable pour attaquer les orques. Les esclavagistes ne tuent pas leurs prisonniers, ils ont une valeur marchande à leurs yeux, les tuer c'est comme détruire la base de leurs revenus. Enfin peut-être que ces femmes et ces enfants étaient déjà condamnés et que Podack leur a évité de subir des horreurs et dégradations pour finir par mourir dans le déshonneur. L'histoire ne le dit pas et ne le dira jamais, Klasek Pluie-de-Flèches, ce qui importe maintenant, c'est ce que toi tu en tires tes propres conclusions et réflexions et que cela te serve lorsque tu auras à prendre des décisions aussi difficiles dans le feu de l'action. »

Kar'Uz se leva et retourna à la yourte funéraire. Désormais Podack Sans-Pitié était prêt pour son dernier voyage. Il appela les servants pharasmites afin que le corps soit préparé. Il y aurait 3 jours de rituels, des veillées durant lesquelles les meilleurs combats et exploits du défunt seront chantés, tandis que le jour, le corps serait en quelque sorte embaumés et habillé pour son dernier voyage. Puis il y aura aussi la recherche d'un endroit pour dresser le cairn. II fallait faire un trou peu profond et préparer une litière afin d'y déposer le défunt, puis avoir assez de pierres pour monter le cairn par dessus afin que les charognards ne viennent pas se servir. Kar'Uz imaginait sans peine l'âme du défunt comparaître devant la Dame des Tombes. Son dernier acte avait été un crime aux yeux des traditions shoanties. Les enfants représentaient l'avenir des clans, ils étaient plus précieux que tout et le devoir des aînés et des adultes était de les protéger et Klasek Pluie-de-Flèches le savait tout aussi bien que lui. Le chamane s'abstenait de porter jugement, ce n'était pas son rôle. Sa tâche avait consisté à faire éclater la vérité par respect envers Pharasma et afin d'éviter que le mensonge ne soit une source de mal qui ronge les esprits et transforme les âmes en âmes damnées qui viendraient hanter les hauts plateaux et les vivants à commencer par ceux qui avaient été proches. L'âme de Podack serait devant la Dame des Tombes.
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Offline Mandar  
#19 Envoyé le : samedi 19 mars 2016 19:22:25(UTC)
Mandar
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Peau de Pierre réagit sans attendre, presque sans réfléchir.

« Chamane, souhaites-tu que je parte te chercher les dépouilles de ceux qui sort morts durant cette attaque ? »
Offline mdadd  
#20 Envoyé le : dimanche 20 mars 2016 08:59:28(UTC)
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« Bien-sûr. Ces dépouilles n'ont pas droit à des rites grandioses comme un fils de chef de clan ou un chef de clan, mais tout shoanti doit passer les rituels de passage vers l'Au-Delà. S'ils ne sont pas réalisés, alors leurs âmes erreront sur cette terre et viendront hanter les vivants à commencer par ce groupe de guerriers et leur nouveau chef : Klassek Pluie-de-Flèches. Nous avons une fosse pour ces personnes là. C'est le rôle du Corbeau et des ramasseurs de morts. Je vais donc y aller aussi. »

Kar'Uz demanda à Klassek Pluie-de-Flèches où se situait cet assaut et combien il y avait de victimes afin de donner à celles-ci les derniers sacrements. Le temps d'effectuer l'aller-retour avec une charrette à bras sera le temps de deuil pour Podack Sans-Pitié.
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