Volundeil prit une moue pensive, réfléchissant aux questions d'Alice, et mettant ses lèvres en valeur.
« Il ne te coûte rien de lui poser la question, mais il va falloir être convaincante. Lady Pearl connaît ce métier, et étant donné qu'elle a besoin de sa réputation, elle n'a pas de raison particulière d'accepter une débutante. »
Un sourire fugitif...et carnassier passa sur son visage.
« Et si tu penses que c'est un jeu, il te reste encore beaucoup à apprendre. »

La question des religions provoqua un frisson chez la demi-drow.
« Nos dieux et les vôtres ne sont pas les mêmes, je le crains. Quand à...Calistria, pour autant que je le sache, son culte est interdit. Je sais que certaines des filles vénèrent Shélyn, mais je n'en sais pas plus. »
Elle sourit à nouveau.
« Mais si tu réussis à faire plier Lady Pearl, tu auras l'occasion de le découvrir par toi même, pas vrai? »



Syla ne redescendit qu'une demi-heure plus tard, portant encore les marques de ces heures de passion, à la recherche de Lady Pearl. Heureusement, cette dernière semblait toujours être au bon endroit au bon moment.
« Sera Emeline. Nos services se sont ils montrés à la hauteur de vos attentes? »

Lady Pearl fut déstabilisée par la demande de Syla. Elle ne s'attendait clairement pas à ça. A son crédit, elle reprit vite le dessus, et se mit à examiner la jeune femme d'un oeil critique. Détaillant son visage, son attitude et réfléchissant intensément. Son regard scrutateur aurait suffit à rendre la plupart des gens inconfortables, mais pas Syla, qui poursuivait son explication avec beaucoup d'assurance.

« Hum. Le physique et un certain talent pour la comédie ne sont pas les seuls talents nécessaire pour ce métier, mais c'est un bon début. D'un autre côté, les affaires sont bonnes ces temps ci, donc un peu d'aide pourrait être la bienvenue. Je peux te prendre à l'essai, avec un demi-salaire jusqu'à ce que j'ai confirmé tes talents. En matière d'apprentissage, les autres employés du Cygne devraient faire des professeurs attentifs.  »
Elle étrécit les yeux, sondant la jeune femme.
« Encore une chose ou deux. D'une part, le Cygne a une réputation à tenir. Si tu nous rejoins, je compte sur toi pour la respecter. D'autre part, une large partie de notre réputation tient à notre discrétion. Je ne tolérerais pas que des ragots viennent mettre en danger mon fond de commerce. Est ce clair? »

Lady Pearl fit la moue.
« Hum... la plupart de mes employés ont une autre activité, je me suis donc adaptée. En pratique, ton salaire est un pourcentage de tes gains, ce qui signifie que la fréquence de ta présence aura un impact direct là dessus. Bien sûr, si tu te révèles aussi douée que tu le prétends, il est possible que tu n'es pas besoin de travailler souvent. Cela dit, cela voudra aussi dire que les clients te demanderont plus fréquemment. Un équilibre délicat, mais rien qui nécessite que tu vives ici.  »
Elle esquissa un sourire.
« En ce qui concerne des considérations plus pratiques, tu es la bienvenue dès demain, mais si tu as besoin de temps pour régler certaines affaires. Arranges toi avec tes collègues lorsqu'elles ne travaillent pas. Oh, et...17 pièces d'or. »

Au cours des jours suivants, Syla revint autant qu'elle le pouvait au Cygne en Pâmoison, ou Swooning Swan, comme l'appelaient les employés avec un accent Taldan plus ou moins réussi. Comme n'importe quel commerce, l'endroit possédait un vernis raffiné et discret, qui se craquelait un peu vu de l'intérieur, car, après tout, il fallait bien que les affaires tournent!

Malgré tout, les employés du Swooning Swan, une vingtaine au total, firent de leur mieux pour que Syla se sente bienvenue. Elle comprit rapidement comment les choses fonctionnaient: outre la douzaine de prostitués qui travaillaient ici, Lady Pearl se chargeait de la gestion de la maison et de ses finances, Valna, la gardienne qu'elle avait rencontré lors de sa première visite, partageait sa fonction avec une gnome du nom d'Ava. Par ailleurs, il y avait un cuisinier et ses deux aides, ainsi que deux "hommes à tout faire" qui se chargeaient de l'entretien, du ménage, du ravitaillement et généralement de toutes les tâches qui ne relevaient pas de la sécurité, de la cuisine ou des plaisirs de la chair.
Mais le joyau de l'endroit était tout de même la douzaine de collègue de Syla, qui l'accueillirent à bras ouverts. Les filles (et garçons) de joie étaient de tous horizons, mais partageaient malgré tout une connexion particulière, comme une étrange famille disparate dont Lady Pearl serait la matriarche. Syla apprit bien vite qu'avant d'en devenir la propriétaire, la femme au regard perçant qui l'avait embauché à l'essai avait elle même travaillé ici.



Les autres étaient tous aussi étranges les uns que les autres. Volundeil, qu'elle avait déjà rencontré, avait presque prise la nouvelle venue sous son aile, l'aidant à trouver sa place et à se sentir bienvenue, tout en lui transmettant ce qu'elle savait sur les points nerveux et leur utilité dans leur travail. Malgré tout, la demi-drow demeurait très discrète sur tous les sujets personnels, comme si elle portait un masque que la plupart des autres laissaient tomber lorsqu'ils n'étaient pas avec des clients. Syla n'arrivait pas à la sonder, mais il était clair qu'elle avait de l'expérience. En revanche, ses vues religieuses et politiques demeuraient obscures, même à la jeune psychique.

Massan, l'Oréade, était lui aussi plutôt discret, mais plus par réserve que par volonté de garder ses secrets. Il était originaire d'une tribu des Monts Ménador, vers l'Est, et avait décidé de parcourir le monde. Il exploitait son exotisme, et sa solidité, sa fiabilité, pour gagner de quoi poursuivre son voyage vers d'autres contrées. Il se souciait peu de la politique locale, espérant juste pouvoir partir avant que la loi martiale n'empire.

La demi-orque, nommée Zelkja, était native de la ville, et si son père était esclave, elle même était une bâtarde, du moins en était elle certaine. Quoiqu'il en soit, elle avait très tôt décidé qu'elle se sortirait des ruelles pauvres de la ville, et louait son corps étonnamment gracile pour financer son intégration à l'Académie pour Filles de Lady Mialari Docur, espérant être la première demi-orque à y entrer. Par ailleurs, c'était une fervente Shélynite, et elle portait un oiseau de paradis tatoué sur l'épaule, n'ayant nul autre moyen de montrer sa dévotion. La situation de la ville l'inquiétait au plus au point, surtout la fermeture temporaire de l'Académie...mais malgré tout, sa déesse prônait le pacifisme, tout comme les prêtres de la ville.

Félis, un autre jeune homme, partageait une partie de ces objectifs! Mais lui espérait pouvoir intégrer l'Académie d'Albâtre. Il possédait un talent pour la magie dont il faisait un usage...intéressant, en particulier son sortilège de manipulation à distance, mais n'avait pas les moyens de payer pour recevoir une véritable éducation. Il espérait attirer l'oeil d'une riche noble qui puisse lui servir de mécène pendant un temps, préférant brûler les étapes. Le nouveau gouvernement ne l'intéressait pas, préférant se consacrer à ses objectifs personnels. Tant qu'aucune loi ne se mettait en travers de sa route...un jeune homme égoïste et amoral, apparemment.

Asamanda, une des humaines, à la peau sombre, était elle aussi Shélynite, mais avait le rang de prêtresse. Elle considérait le métier de courtisane comme un art à part entière, et souhaitait en acquérir la maîtrise. Née à Rahadoum, elle avait du prendre la fuite, de crainte que ses croyances n'attirent l'attention de la Légion pure.

Des jumelles demi-elfe, Tamarie et Elsbeth, partageaient leur travail au Swooning Swan avec une autre existence. Syla ignorait laquelle, mais les deux blondes jeunes femmes faisaient de leur mieux pour garder leurs allées et venues discrètes, allant jusqu'à porter un capuchon pour venir jusqu'à la maison close. Chose intéressante, l'une d'entre elle gardait une certaine croyance en Desna, bien que ne vénérant pas la déesse ouvertement, et pestait régulièrement contre la fermeture de l'Opéra et les nouvelles lois, tandis que l'autre se sentait rassurée et confiante grâce à la loi martiale et à la poigne du nouveau gouverneur.

Shan Jing, une jeune femme d'origine Tian Shu, était fille d'une famille d'immigrés, mais sa famille était tombée dans une mauvaise passe suite à la guerre civile, la forçant à quitter Magnimar. Elle s'était installée à Kintargo, et s'était vite découvert un talent pour charmer les autres, hommes et femmes. En discutant avec elle, Syla avait découvert qu'elle espérait, dans un futur proche, profiter des troubles actuels pour ouvrir son propre bordel. Bien sûr, cela la forçait à rester en termes relativement corrects avec les autorités. Elle cachait autre chose, mais Syla ignorait encore quoi.

Le troisième homme, qui était un peu plus agé, vers la trentaine, avait un certain charme rude, et quelques cicatrices dénotaient un passé mouvementé. Il disait s'appeler Alain, et avoir combattu dans les Croisades Mendeviennes dans sa jeunesse, mais il avait depuis trouvé une carrière plus conforme à ses attentes...et moins dangereuses. Il ne pensait pas rester très longtemps, mais dans l'immédiat, le reste du pays étant en plein conflit, il considérait son rôle au Swooning Swan comme une bonne alternative.

Isabella était une jeune femme enthousiaste, joyeuse, et apportait une étincelle de bonne humeur à elle toute seule à toute la demeure. Elle était native de la ville elle aussi, mais rendue orpheline lors des meurtres du Boucher de la Colline du Temple, près d'un siècle auparavant, ce qui jetait le doute sur son humanité...elle s'était découvert un goût pour ce métier, qu'elle faisait bien, capable d'ajuster son attitude à la perfection pour attirer l'oeil et l'attention de ses clients. Lors d'un moment seule à seule, Syla découvrit un détail intéressant...à la base de la nuque, elle portait un tatouage de guêpe, à demi-effacée. Ce qui aurait expliqué les paroles elfiques qu'elle murmurait de temps à autre dans un moment d'intimité. Une Calistriane?

Svesda, une femme à la peau extrêmement pâle et à l'apparence vaguement inquiétante, était originaire d'Ustalav, de Caliphas plus exactement. Elle ne parlait pas de son passé, mais laissa échapper, par inadvertance, qu'elle se cachait au Chéliax, fuyant quelque chose...en revanche, malgré son attitude distante et hautaine, elle se révélait talentueuse, favorisée par les clients qui cherchaient une partenaire dominante. Elle était également très douée pour percer les intentions de ses interlocuteurs, au point que Syla ne savait pas si laquelle des deux en avaient plus appris sur l'autre au cours de leur unique leçon.

Enfin, venant de Port Péril, Zenovia était sans doute la pensionnaire la plus étrange du Swooning Swan...ancienne pirate, elle avait du changer de métier lorsqu'elle avait eu la malchance de tomber sur une ceinture ensorcelée qui était responsable de son actuelle féminité. Faisant contre mauvaise fortune bon cœur, il...enfin, elle avait changé de nom et pris la route du sud, et mettait à profit sa perspective unique, brouillant les genres et les frontières.


Pendant les premiers jours, Alice ne se joignit pas aux autres lorsque les clients étaient présents, mais terminait sa formation auprès des pensionnaires. Elle prit le temps de faire leur connaissance, et également de les sonder discrètement. La plupart était relativement neutres envers la politique, même si deux ou trois, en particulier Lady Pearl, Shan Jing, Tamarie et Félis demeuraient confiant envers la famille Thrune, et que d'autres, comme Elsbeth, Isabella et Svesda, y étaient hostiles. Il y avait du potentiel, sans aucun doute, mais il allait également falloir marcher sur des œufs...

La jeune femme sursauta à la remarque de Syla, portant instinctivement la main à son cou. Elle retint une exclamation en elfique.
« Je croyais pourtant l'avoir effacé correctement! »
Elle soupira profondément, et braqua un regard inflexible sur la psychique.
« Pas un mot de tout cela à qui que ce soit! Si ça se savait, je risque la potence, ou pire. Et toi aussi, d'ailleurs. Les Inquisiteurs ne sont pas regardant. En fait, ils risquent même d'arrêter tout le monde. »

Elle se mordit la lèvre.
« Ecoute, je ne sais pas ce que tu sais de Calistria, mais il ne fait pas bon lui être associé au Chéliax. Surtout en ce moment. Si j'étais toi, je resterais discrète là dessus. »

Isabella étrécit les yeux, sondant la jeune femme. Elle semblait plutôt convaincue avoir affaire à une de ses coreligionnaires, mais les questions directes de la jeune femme paraissait aussi la mettre mal à l'aise.
« J'en pense que tu n'es pas bien prudente. Qu'est ce qui te prouve que je ne risque pas de te dénoncer? En l'occurrence, nous sommes du même bord, mais si tu ne te montres pas plus prudente, tu n'iras pas bien loin! »

Elle soupira à nouveau, passant une main sur son visage. Contrairement à Syla, son air amusé et enjoué l'avait quitté.
« J'en pense qu'il ne fait pas bon vénérer la Savoureuse Piqûre dans cette contrée. Ni Asmodéus, ni la maison Thrune n'apprécient la concurrente, et le nouveau gouverneur cumule les pires traits des deux. Quand à ce que je suis prête à faire, rester en vie me paraît un bon début. »

Pensées de surface

Modifié par un utilisateur vendredi 24 juin 2016 13:04:37(UTC)  | Raison: Non indiquée

La prêtresse de Calistria étrécit les yeux lorsque Syla mentionna la télépathie, mais décida de ne pas insister. Malgré tout, elle avait du mal à dissimuler sa méfiance.
« Je vois...tu fais partie des Corbeaux d'Argent, pas vrai? J'ai entendu parler de vous...c'est un noble combat, mais je crains qu'il ne soit perdu d'avance. »

Elle réfléchissait tout en parlant, préoccupée.
« Je...vais voir ce que je peux faire, du moment que personne d'autre n'est au courant de mon implication. Qu'est ce que tu attendrais de moi, exactement? »

La Calistriane hésita encore quelques instants, mais Alice/Syla avait l'air sincère, et après tout, si il y avait une chance, aussi mince soit elle, qu'elle puisse à nouveau, un jour, ne plus craindre d'être démasquée par les cerbères des Thrunes, elle ne voulait pas la laisser passer.
« Dans ce cas...d'accord. Je ne te fais ni promesse ni garantie, mais je ferais de mon mieux pour trouver et te transmettre ce que je pourrais glaner. »
Elle ajouta, un peu plus sereine.
« Je dois avouer que personne ne m'avais surpris depuis longtemps. Bien joué, je ne m'y attendais pas. »

Isabella tiqua.
« En général, personne ne s'étonne de l'elfique. Après tout, je suis une sang-mêlée, les gens ne font pas attention aux détails. Pour ce qui est de la marque, je n'ai pas réussi à l'effacer entièrement, mais jusque là, ça a suffi. Je crois que je vais devoir trouver un tatoueur pour travailler par dessus. Pas besoin d'un problème supplémentaire. »

La mention des autres attira son attention, en revanche.
« Hum...je ne me fierais pas à Svesda. Je ne sais pas qui elle est exactement, mais si elle a dû fuir Ustalav, ce n'est une bonne nouvelle pour personne. Et puis, tu as vu sa peau? Si je ne l'avais pas vu marcher en plein jour, j'aurais cru que c'était une vampire. »

Isabella haussa les épaules.
« Je n'en sais rien. Elsbeth est clairement de notre côté, d'un point de vue idéologique, mais beaucoup de gens se plaignent du gouvernement, ça n'en fais pas des révolutionnaires pour autant. A ta place, je serais prudente, si tu l'abordes trop brusquement, tu risques de l'effrayer, et qui sait ce qu'elle ferait? Et puis, sa soeur est un problème, je ne pense pas qu'on puisse se fier à elle. Si elle laisse échapper quoi que ce soit à sa jumelle... »

Lorsque vint la question de ses aptitudes, Isabella fit la moue.
« Tu t'en sors bien. Mais ne pêche pas pas abus de confiance! En étant trop sûre de toi, tu risques l'erreur...et n'oublie pas aussi que certains de nos clients cherchent avant tout de la compagnie et quelqu'un avec qui partager un moment privilégié. Les prouesses physiques ne sont pas tout, il faut savoir écouter également. Quand au reste, non, pas pour l'instant, mais le chaos causé par la Nuit des Cendres commence tout juste à retomber. »