En écoutant les propos de Jask, Hogo se dit que la vie pouvait parfois jouer de drôles de tours. En effet, alors que dans sa Varisie natale, c'étaient les Chélaxiens qui étaient vus comme des envahisseurs par son peuple, il risquait maintenant d'être considéré comme un de ces envahisseurs alors qu'il venait à peine d'arriver dans une ville qu'il ne connaissait pas. Et, à la différence des Chélaxiens, son peuple n'avait massacré personne en ces lieux. Hogo resta plongé dans ses réflexions tout en gardant le silence et appréciant le choix de Jack pour l'endroit où ils allaient pouvoir passer une bonne nuit... dans un vrai lit, du moins fallait-il l'espérer ?

Jask haussa les épaules légèrement en réponse à la question de Sébrysse. « Racistes ou pas… les choses sont ce qu'elles sont à Éléder. Les lois ne sont pas les mêmes pour les descendants des colons et les indigènes. Les opportunités non plus… Certains s'en accommodent et d'autres tentent de se rebeller. »

« De mon point de vue, » ajouta-t-il, « la situation est très complexe. Est-ce que je préférerais pouvoir jouir des mêmes droits que les descendants des colons ? Bien sûr… mais est-ce que le Sargave peut se le permettre ? » Il fit une moue dubitative avant d'éclaircir son propos. « J'en doute… le Sargave tel qu'il est ne survit que grâce aux apports financiers des compagnies. Et ces dernières fonctionnent parce que des Mwangis vont travailler dans les mines de diamants et dans les plantations. Sans ça, le Sargave ne pourrait sans doute pas survivre économiquement. Et, vu le traité passé avec les pirates des Entraves, des problèmes économiques sonneraient tout simplement le glas du Sargave. Sans la protection des pirates, la flotte chéliaxienne aurait tôt fait d'envahir ces terres... et la situation serait alors sans doute encore pire… »

Jask se retourna vers la porte pour rentrer dans l'établissement lorsque l'huis s'ouvrit de lui-même, laissant apparaître une impressionnante demi-orque qui n'avait guère à envier en taille et en musculature à Hogo et à Sven. La demi-orque baissa les yeux pour observer Jask. Celui-ci demanda « Le Club est fermé ? »

La demi-orque scruta du regard les dix personnes qui se trouvaient devant elle avant de répondre en secouant la tête négativement. Son visage se fendit d'un sourire qui dévoila les crocs qui trahissaient son héritage. « Bienvenue au Club du Sargave ! » lança-t-elle en s'écartant de la porte pour laisser entrer les visiteurs. « En fait, je m'apprêtais à fermer la porte, pensant que je n'aurais plus de clients ce soir… mais vous êtes les bienvenus. Vous pouvez m'appeler Briga. Je suis la propriétaire des lieux ! »

Jask en tête, les ex-naufragés pénétrèrent les uns après les autres, sous le regard apparemment bienveillant de Briga, dans le Club du Sargave. L'endroit était plutôt propre, relativement sobre au niveau de la décoration, mais accueillant. En face de l'entrée, on pouvait apercevoir un petit bar-comptoir en bois derrière lequel se trouvaient au moins deux douzaines de tonnelets de bois, chacun marqué de symboles qui faisaient référence à des productions provenant des quatre coins de l'Avistan. À côté du comptoir, on discernait le début d'un escalier qui devait monter à l'étage.

Sur la droite s'étendait une grande salle de forme rectangulaire dans laquelle on avait dispose des tables de tailles diverses et des chaises. Plus loin, dans le fond, des séparations en bois et des rideaux de tissu délimitaient des petites alcôves dans lesquelles il était possible à des petits groupes de tenir des conversations privées. Il devait s'agir du coin "taverne" du Club. À cette heure avancée, l'endroit était quasiment désert ; seul une demi-douzaine d'individus occupaient l'endroit. Ils levèrent les yeux vers les nouveaux-arrivants pendant quelques secondes avant de les ignorer et de reprendre leur conversation... visiblement, un groupe, même aussi hétéroclite que celui-là, n'attirait pas vraiment l'attention ici.

Sur la gauche de l'entrée se trouvait une salle plus petite séparée du reste par des grillages et une robuste porte de métal. À travers les grillages, on pouvait apercevoir diverses tables arrangées en demi-cercle et présentant divers objets : cordages, torches, bâtons de tailles diverses, flèches, quelques pièces d'armure… Les murs de la salle étaient recouverts de râteliers arborant des armes fort diverses. Dans le fond, on distinguait d'autres présentoirs, armoires et coffres qui devaient sans doute renfermer le stock du petit magasin.

Quand Ellawa et Sacha rentrèrent à leur tour, Briga les arrêta un court instant et leur indiqua en montrant les dimorphodons « Ces deux-là peuvent rentrer… mais vous êtes responsables de ce qu'ils font, d'accord ? » La propriétaire des lieux laissa rentrer les autres un par un, mais arrêta à nouveau leur mouvement lorsqu'elle aperçut Hogo. « Par les Terres Cendrées, tu ne serais pas un Shoanti toi ? » lança-t-elle avant de partir d'un rire très peu discret. « Ça fait plaisir de voir des gens du pays par ici ! Même si ça fait une paie que j'ai plus mis les pieds en Varisie ! Kel-grish ! » ajouta-t-elle, terminant par le formule shoantie traditionnelle pour souhaiter la bienvenue.

Une fois tout le monde à l'intérieur, elle désigna une table particulièrement longue située près du mur. « Vous devrez peut-être déplacer une ou deux chaises, mais vous devriez avoir assez de place pour tous vous installer là-bas. » Elle balada son regard sur les habits de ceux qui venaient d'entrer dans son établissement avant de dire « Ben vous semblez revenir de loin, dites-moi... Qu'est-ce que je peux vous servir ? »

Tiriji leva les yeux vers la propriétaire du Club et les leva un peu plus pour observer un peu mieux la maitresse des lieux, « De loin, on peut le dire, même si, en Varisie, Doux Carillon est moins loin que les Terres Cendrées. Et en plus il a fallu que nous fassions un détour... » La gnominette semblait un peu vexée que l'on réduisit la Varisie aux seules terres Shoanti, mais il y avait des priorités à respecter. « Notre dernier vrai repas date un peu, » ajouta t-elle, « Que pouvez vous nous proposer? »

Son cœur s'emballa lorsque la demi orc commença à reluquer et balancer une remarque à quelques de ses compagnons, mais fort heureusement, il ne prit rien pour lui.
Il fila donc accompagné du reste du groupe vers cette table qui leur était destinée et prit place en plein milieu.

L'appel du ventre et du gosier lui fit pendant un moment oublier ses craintes!

Il donna un coup de coude à Sven tout en lui demandant « Et des filles!! Demande lui si y a des filles!!!
C'est obligé dans un endroit comme ça! Hein?? »

La main dans sa bourse, il commença à faire sonner les quelques pièces qu'il avait récupéré!

Modifié par un utilisateur mardi 23 août 2016 13:13:39(UTC)  | Raison: Non indiquée

Pour une première nuit à Eléder, Hogo se sentait serein. Tout d'abord, Jask leur avait trouvé un endroit où la constitution de leur groupe ne poserait pas problème. Ensuite, Briga lui inspirait confiance et ce qu'elle apporta à boire et à manger vint renforcer son opinion. Lorsqu'ils furent tous servis, il leva son verre silencieusement pour trinquer avec ses compagnons. Devant le peu de monde dans la pièce, Hogo se contenta de parler peu et il essaya éviter les regards des autres clients pour ne pas attirer l'attention.

« À votre santé, Briga. Votre accueil va nous aider à nous réconcilier avec ce monde. »

Sébrysse se mit à son tour à boire et manger et ce fût sa satisfaction de retrouver une nourriture qu'aucun d'entre eux n'avait chassé ou préparé et de tenir une chopine de bière fraîche qui lui fit retrouver le sourire et oublier quelques instants leurs soucis récents.

« Quelles sont les dernières nouvelles à Éléder ? » demanda Sébrysse en profitant d'un énième aller retour de Briga. « Y a t-il eu des évènements remarquables ces derniers temps dans cette ville ? Nous venons à peine d'y débarquer. »

Jask se retourna vers Éphrem et secoua la tête. « À ma connaissance, le Club ne prodigue pas ce genre de services. C'est plutôt dans les rues plus proches du port qu'on trouve ce genre de commerces. » précisa-t-il sur un ton neutre.

Briga observa Sven pendant un court instant, une expression de méfiance sur le visage. Visiblement, elle n'avait pas compris ce qu'il lui avait dit. Puis, elle sembla se dire que, vu le ton employé, les propos ne devaient pas être bien méchants et lui rendit un sourire accompagné d'un hochement de tête. « C'est plutôt à la vôtre que vous devriez trinquer ! » répondit-elle à Sébrysse. « Vu votre état et les guenilles que vous portez, vous avez dû passer de mauvais moments récemment. »

Lorsque la prêtresse lui demanda des nouvelles d'Éléder, elle prit une moue pensive pendant quelques secondes avant de secouer la tête négativement. « Rien de bien nouveau… les entreprises chéliaxiennes s'en mettent plein les poches, les Mwangis bossent dur et sont quasiment traités comme des esclaves, Utilinus est toujours à la recherche de sous pour payer les pirates, les taxes font toujours aussi mal, et Daugustana est toujours une pisseuse pas possible. » dit-elle avant de hausser les épaules et de commenter « Le train-train habituel quoi… »

Petit à petit, la salle commune de la taverne se vida. Certains clients repartirent en sortant par la porte que les ex-naufragés avaient empruntée pour rentrer ; d'autres se dirigèrent vers les escaliers qui montaient vers à l'étage. Cela faisait une bonne demi-heure qu'ils étaient arrivés sur place et Aérys n'était pas venue… sans doute avait-elle trouvée le navire qu'elle recherchait ?

« Mais, au fait, qu'est-ce qui vous amène à Éléder ? Vous êtes de retour d'une expédition ou quelque chose dans le genre ? » demanda Briga en amenant un large panier en osier rempli de plusieurs miches de pain et une demi-roue de fromage.

La jeune mwanguie ne se sentait pas à l'aise. Elle ne savait pas vraiment comment faire ni quoi faire, aussi elle observa attentivement ses compagnons de naufrage qui tous paraissaient très à l'aise dans ce havre de civilisation. Elle essaya d'imiter les gestes, les attitudes, de sourire quand quelque chose devait certainement être drôle et que tous riaient, elle toussa, manqua de s'étouffer et de vider le contenu de son estomac en buvant ce breuvage alcoolisé que Sven semblait apprécier et qui répondait au nom de bière. Finalement elle se contenta de l'eau et de tout ce qui lui paraissait identifiable comme nourriture, essayant de donner des petits morceaux à Simurgh, même si ce n'était pas de la viande crue ou du poisson frais.

Mais ce qui la sortit de sa concentration furent les derniers mots prononcés par la tenancière. Les mwanguis, son peuple, était toujours considéré comme une minorité proche de l'esclave. Elle devint nerveuse et se tendit. Se levant d'un seul coup elle prit le chemin de la sortie, invitant Sacha à faire de même - « Nous devons les laisser partir chasser dans la jungle avoisinante. Je les attendrai jusqu'à ce qu'ils reviennent. » - Puis sortit, attendant que la jeune femme sorte avec Cracoucasse et transmit l'émotion de l'appel de la chasse à Simurgh.

Ephrem englouti la totalité de se qu'on lui présentait, de mémoire il n'avait plus mangé comme cela depuis au moins un an. En comptant leur naufrage, les semaines de mer avant et après celui ci, sa très longue captivité et enfin les jours de navigation juste avant sa capture, oui cela devait faire pas loin d'un an qu'il n'avait pas mangé et bu de pareille chose.
Il en profita donc jusqu’à ne plus pouvoir se lever tellement qu'il avait le ventre gonflé.

Le jeune homme n'avait montré aucun signe de déception aux dernières paroles de Jask, la vie était ainsi faite! Et puis c'était peut être une bonne chose, lui qui pour la première fois avait connu une fille sans être obligé de la payer, alors qu'il était sur cette île de leur naufrage, c'était peur être le temps d'une nouvelle ère???

Il regarda son ancienne compagne d'un soir et lui sourit, se souvenant de pourquoi elle lui avait offert une nuit, après lui avoir donné l'œuf qu'allait devenir Cracoucasse « Sasha, tu veux que je te trouve un chien à adopter?? »

Briga avait émis un sifflement lorsque Tiriji avait parlé du naufrage. « Ben dis donc... ça m'a l'air d'une histoire tout ça ! » Après avoir gratifié le compliment de Hogo d'un sourire et d'un hochement de tête, elle avait répondu à Sébrysse. «  Alors, pour le magasin, pas de soucis. Il y a pas mal de gens qui veulent explorer les jungles des environs et partir à la recherche de trésors perdus. C'est tout spécialement à eux que l'échoppe que je tiens » — elle désigna la partie "magasin" que les aventuriers avaient remarquée en entrant — « est destinée. J'ai également un peu d'équipement sur place, mais s'il manque quelque chose, je peux vous envoyer vers des artisans de qualité… ou servir d'intermédiaire si vous préférez. Si vous voulez, on rediscute de tout cela demain matin. »

« Pour les chambres, ça ne devrait pas poser problème. C'est 8 pièces d'argent par personne et par jour, repas compris, et j'ai suffisamment de chambres libres pour accommoder tout votre petit groupe. À vous de voir si le prix vous convient. Et si vous désirez rester plus longtemps, disons au moins une semaine, on peut réfléchir à une petite réduction. » Tout en jetant un coup d'œil à ceux qui allaient prendre l'air, elle ajouta « Je vous laisser en discuter entre vous et prendre une décision. Je vois que certains des pichets sont tristement vides. »

Elle agrippa les pichets vides en question et repartit vers le bar.

Dehors, la nuit était plutôt calme. La température à Éléder était légèrement plus élevée que sur l'île mais les nombreuses allées délimitées par les bâtiments formaient comme des conduits qui facilitaient la circulation de la brise marine. Comme, en plus, le ciel était dégagé, les étoiles bien visibles, et la digestion agréable, cela ressemblait à un moment quasi parfait. Même Ellawa allait sans doute pouvoir faire abstraction au moins une poignée de secondes du fait qu'elle se trouvait au sein d'une ville.

« Un chien ? » répondit Sasha en faisant la moue. Elle secoua la tête puis expliqua « Qu'est-ce que je ferais d'un chien ? À moins qu'il ne s'agisse d'un chien de guerre, particulièrement agressif et sanguinaire, dressé pour sauter et mordre à la gorge. » Il y avait une certaine lueur qui brillait dans les yeux de la jeune femme quand elle abordait ce genre de sujet, une lueur qui était toujours présente quand la conversation portait sur la violence, le combat ou le sang. Une lueur qui faisait quasiment peur… Même Éphrem, dont les pensées étaient majoritairement tournées vers autre chose que les mérites de la race canine, put la remarquer.

Les deux très jeunes dimorphodons avaient encore un peu de mal à maîtriser leur capacité de vol surtout dans des endroits de taille restreinte. Heureusement, la rue qui se trouvait en face du Club du Sargave était assez large et déserte à cette heure de la nuit... ils purent donc déployer leurs ailes et se défouler. Bien vite, leur petit jeu tourna en une imitation de combat, chacun des deux tentant de prendre le dessus sur l'autre afin de pouvoir le mordiller.

Un large sourire se dessina sur la visage de Sasha alors qu'elle observait le spectacle des deux dimorphodons.