Carte de l'île des Os-brisés

Pateba avait écouté Bessel, d'abord sans comprendre. Puis une seconde plus tard, la lumière se fit dans son esprit et un éclatant sourire vint décorer son visage déjà couvert d'un masque blanc traditionnel. « Mais quelle idée de génie ! Attends, laisse-moi t'aider ! On ira plus vite à deux ! » lui lança t-il en l'accompagnant à leur matelas de fortune.

S'épaulant l'un l'autre le plus rapidement possible, le duo commença à remonter un bon tas de feuilles mortes sur le promontoire. Cette tâche n'était pas particulièrement éprouvante. Mais elle était longue car les feuilles prenaient un énorme volume par rapport à la quantité de combustibles qu'elles représentaient. Après quelques allers-retours entre le matelas et le sommet du poing rocheux, le corps de mwangi se couvrit de sueur. « Bon sang, quelle plaie, ce boulot ! Heureusement qu'on a presque fini ! » lâcha t-il une demi-heure plus tard.

Lorsque tout fut prêt, Bessel aidée de Pateba se décida à mettre le feu au bûcher. D'abord timide, les flammèches se décidèrent finalement à engloutir le matelas de feuilles comme un homme affamé se jetant sur un quignon de pain rassi. Ce fut le moment que Bessel choisit pour se signaler au Promesse de l'Homme grâce à sa pierre de tonnerre. La jetant sur un rocher à proximité, le bruit fut aussi soudain que retentissant.

« PrrrrrRRRrrrrrRRRRrrrrrrrr ! »

La pierre explosa au contact du rocher, et le duo sentit la terre trembler tout autour d'eux. Aussitôt, toutes les bestioles à plumes qui résidaient à proximité s'envolèrent de concert en poussant de puissants cris perçants et affolés. De même, Pateba crut entendre des animaux s'enfuir sur leurs quatre pattes à toute vitesse en direction du marais. Légèrement soucieux, il glissa à sa maîtresse : « Bessel-nat, je crois que nous venons de réveiller cette jungle toute entière. J'espère que nous n'aurons rien réveillé de mauvais... »

Pendant ce temps-là, Bessel, ne perdant pas le nord, attisa le feu grâce à sa couverture et tenta de produire de la fumée à force d'insister. Pateba l'aida naturellement et la manœuvre sembla réussir quelques secondes plus tard : les feuilles, sans doute parce qu'elles étaient encore un peu humides ou peut-être parce qu'elles provenaient d'arbres particuliers, se mirent à dégager une odeur âcre et piquante alors qu'une épaisse fumée grise, presque noire, s'éleva dans les airs.

Seulement les feuilles ne permirent au feu de brûler que quelques minutes, le gros bois n'ayant pas pris. Il fallait maintenant espérer que cela suffirait pour que le navire les remarque et qu'il viendrait les récupérer. L'attente commençait pour la commis et le gabier.

«  Nan. Nan ils nous ont pas vu. » Dit-elle alors que sa tête comme sa queue s'abaissaient. Elle se mit en boule un instant, assise, la tête dans les genoux, pour souffler un peu.
Les fausses bonnes idées de Boule-de-poil s'enchainaient sans succès, il fallut attendre l'intervention de Besmara pour que le navire s'approcha d'eux, et qu'un canot se dirigea vers les côtes.
«  Je sais pas si ils nous ont vu mais soit on va aller régler quelques comptes, soit on va aller rejoindre nos amis, cassons nous d'ici tout de suite! » dit-elle en empaquetant ses affaires, descendant avec une précaution difficile à maintenir tant elle se mit ensuite à détaler vers le canot une fois en bas. Elle espérait arriver avant le rafiot pour les accueillir comme il se doit.