L'intérieur du temple était aussi magnifique que l'extérieur, mais il demeurait relativement désert. Les vitraux jetaient une lumière dorée sur l'intérieur du temple, qui ressemblait clairement à une chambre forte. Un acolyte ouvrit la lourde porte, la saluant au passage, mais n'interféra pas en la voyant se diriger vers l'autel. Il y avait bien deux ou trois autres fidèles, tous des marchands à en juger par leurs vêtements, qui discutaient à voix basse ou priaient. L'autel ressemblait aussi à un coffre, et était creusé dans le pied d'une autre statue d'Abadar.

Alors qu'elle déposait les pièces d'argent, un elfe vint à sa rencontre. Il portait les robes blanches et surtout dorées du clergé d'Abadar, une arbalète dans le dos (clairement un symbole de fonction plus qu'une arme), et une clé d'or en pendentif.
« Bonjour, jeune fille. Abadar vous protège. Je suis le père Mhermel Gelestiel. Nous n'avons pas beaucoup de fidèles en ville, je dois avouer que votre présence a piqué ma curiosité. Vous n'êtes pas de la région, je me trompe? »

L'elfe répondit d'un sourire affable.
« Oh, Kintargo est une magnifique cité, c'est certain. Et les arts sont particulièrement développés ici, de même que le commerce. Les bienfaits d'Abadar ici sont nombreux. Mais pour l'instant, assez peu s'en rendent compte, la plupart préfèrent choisir les règles de fer d'Asmodéus, ou à l'opposé, l'anarchie prônée par d'autres dieu, moins conscients des nécessités de défendre la civilisation. »
Il soupira, mais ne se départit pas de son sourire.
« Mais je suis confiant. Un jour où l'autre, ils s'apercevront qu'Abadar est penché sur eux depuis la fondation de cette cité, comme pour toute les cités. D'ici là, je continuerai à aider cette ville et à y maintenir l'ordre. Ces nouvelles de guerre civile m'inquiètent, d'ailleurs...en auriez vous des échos, si vous venez d'ailleurs? »

Le père Gelestiel fronça les sourcils.
« Ce sont de biens sombres nouvelles que vous apportez là. Il semblerait que les fidèles d'Iomedae aient oublié que leur devoir va autant à l'ordre et empêcher le chaos de progresser qu'à leur déesse. Provoquer une guerre civile, vraiment...! Reste à espérer qu'ils reprennent leurs esprits avant que le pays ne soit complètement ravagé par la guerre. Heureusement, le duché de Ravnel semble épargné pour l'instant, comme vous le dites. »

La mention des rumeurs retint son attention, en revanche.
« ...hm? Et de quelles rumeurs s'agit il, jeune fille? »

Le prêtre d'Abadar soupira, l'air un peu abattu.
« Malheureusement, je me dois de vous détromper, jeune fille. Ces deux rumeurs sont vrais. Enfin, la première, en tout cas, n'est pas une rumeur: le décret dissolvant la charte de l'Ordre du Torrent a été promulgué il y a quelques jours par le seigneur-maire Barzillai Thrune. J'ignore pourquoi, et c'est dommage, car l'Ordre du Torrent a toujours défendu cette ville, depuis qu'ils ont sauvé le fils du premier seigneur-maire, Sarini, il y a soixante-dix ans. Mais je suppose que le seigneur-maire doit avoir ses raisons. Quand à la seconde rumeur...et bien, elle est certainement populaire, en tout cas. J'espère que ce n'est qu'une rumeur, cependant. En ces temps de troubles, nous ne pouvons pas nous permettre d'être désunis. »

Psychologie

L'elfe acquiesça.
« Si, et c'est justement ce que j'essaie de faire. De la fermeté, voilà ce qu'il faut pour traverser ces temps difficiles. Mais je pense que nous pourrons nous en sortir. Il est encore trop tôt pour dire si le seigneur-maire Barzillai Thrune a les épaules assez solides pour nous mener sans encombres à travers la guerre civile, mais je pense qu'il fera ce qu'il faut. Avoir requis la présence d'un régiment de l'Ordre du Râtelier est certainement un bon début! J'ignore pourquoi l'ordre du Torrent a été dissout, cependant, mais je pense qu'il y a une bonne explication. Je ne prête pas foi aux rumeurs, mais on parle de corruption au sein de l'Order, par exemple. Déplorable, pour des Chevaliers Infernaux. »

L'elfe la salua, et elle reprit son chemin sans encombres. La colline du temple était...étrangement organisée, mais elle commençait à en discerner la logique. Les temples des autres cultes officiellement reconnus se trouvaient aux coins du district...la Maison des Voiles Dorées qu'elle venait de quitter était dans le coin Nord Est, ce qui restait d'un des temples d'Aroden était au Sud Est, le tempe de Shélyn, nommé le Hall de l'Oiseau Chanteur, au Sud Ouest, et la Pyramide des Ombres au Nord Ouest.
Les autres temples étaient aussi sur les contreforts de la colline, mais étaient loin d'avoir le même prestige ou les même dimensions. Le temple d'Iomedae avait du être un des innombrables sanctuaires dédiés à Aroden, dédié ensuite à son Héritière.

Un autre détail lui sauta aux yeux au cours de ses déambulations. Si la garde dottari assurait la "sécurité" dans les autres parties de la ville, elle n'en croisait plus du tout dans ce quartier, et ce malgré les patrouilles augmentées. Ici, les gardes portaient une cuirasse marquées d'un pentagramme, et certains portaient des robes de bure en fait d'armure: l'endroit était sous la protection de la Garde du Temple.
La Garde du Temple était l'une des trois branches du clergé d'Asmodéus, avec les prêtres et l'inquisition. Le rôle de la garde, dont les membres étaient formés au combat, avait pour rôle de garder les lieux de culte. Rien d'étonnant à ce qu'il soit là, mais cela posait un problème de plus.


Le petit sanctuaire ne payait pas de mine, et si on exceptait la statue d'une jeune chélaxienne en armure, les mains reposant sur le pommeau de son épée, elle aurait sans doute eu du mal à le reconnaître. Plus problématique encore, deux gardes dottari étaient postés à la porte, examinant la foule d'un regard inquisiteur.

Les gardes échangèrent un regard, et celui de gauche répondit le premier.
« Non, vous pouvez allez prier si vous le désirez. Mais par ordre du Seigneur-maire et de son Infernale Majestrix Abrogail Thrune deuxième du nom, de la Trois-Fois Damnées maison Thrune, le culte d'Iomedae ne pourra opérer que sous la surveillance des autorités jusqu'à ce que la crise actuelle soit résolue et que les rebelles de la Glorieuse Réclamation dûment stoppés. »

L'autre grommela, ne stoppant que lorsque son collègue lui décocha un regard noir.
« On d'vrait...arrêter...bandes de traitres... »

L'intérieur du temple était pratiquement vide. L'endroit était modeste, une allée centrale flanquée d'une demi-douzaine de rangées de banc menait à un autel de pierre. Des vitraux s'alignaient le long des murs, chacun représentant une scène particulière, souvent avec une femme en armure au centre de la scène. Sur l'une d'entre elle, elle affrontait une sorte de mort-vivant. Sur une autre, elle se battait avec des créatures informes aux milles visages, tenant les remparts d'une ville contre une horde de ces monstres. Sur une troisième, elle haranguait une troupe de chevaliers.

En fait, il n'y avait que deux personnes dans l'église, une femme rousse portant une chasuble blanche et or, épée longue au côté, plongée dans un lourd volume, assise sur un pupitre proche de l'autel. L'autre personne était impossible à identifier, autrement que par sa fonction. Elle portait une lourde armure noire, qui semblait décorée de manière à ressembler à des muscles et os exposés, et un lourd heaume aux angles acérés, ainsi qu'une lourde lame courbe à la ceinture. Une cape bleu nuit lui ceignait les épaules, s'évasant au niveau de la taille comme les ailes repliées d'un rapace: un Chevalier Infernal.

La femme au niveau du pupitre releva la tête, et adressa à Dyrza un regard surpris.
« Oui? Je peux vous aider, jeune fille? »

Connaissance (religion) DD15

La prêtresse referma l'ouvrage, et se leva, dévoilant au passage la cuirasse qu'elle portait sous son chasuble. Autour de son cou brillait un médaillon en forme d'épée. Elle sourit à Dyrza.
Et bien, je me ferais un plaisir de vous en apprendre plus sur l'Héritière d'Aroden, mais je dois vous avertir que ce n'est peut être pas le moment idéal pour rejoindre notre foi. Ou même pour y être associé...
Elle décocha un regard noir au Chevalier, qui ne bougea pas d'un iota.
« Quoiqu'il en soit, je serais toujours heureuse d'accueillir ceux qui sont curieux à propos d'Iomedae. Je m'appelle Vancia Texis, mais appelez moi Vancia, ou soeur Vancia. Y a-t-il des questions particulières auxquelles vous souhaiteriez que je réponde en priorité? Il y a beaucoup à dire... »

D'après sa tenue, soeur Vancia est Quatrième Epée, un rang assez bas dans la hiérarchie de l'église. Les prêtres d'Iomedae (et certains autres fidèles ayant mérité cette distinction) reçoivent le titre d'Epée d'Iomedae en étant intronisé, et les rangs vont de Cinquième Epée, souvent des prêtres itinérants, jusqu'à la Première Epée, dirigeant toute l'église. Confier une ville de la taille de Kintargo a une Quatrième Epée indique soit un manque d'intérêt de la part du clergé, soit le fait, plus probable, qu'Iomedae ne soit pas très populaire ici.

Quand au Chevalier, reconnaître les finitions de son armure ne fut pas bien difficile. Ces motifs musculaires et osseux, et cette cape évasée étaient caractéristiques de l'Ordre du Râtelier, un ordre presque universellement haï. Les Chevaliers de l'Ordre du Râtelier ont pour mission de détruire les connaissances inutiles et les idéaux futiles avant qu'ils ne nuisent à la simplicité de la vie. Cela se traduit par la traque et la destruction des connaissances interdites et des groupes rebelles diffusant des idées étrangères. Ce sont eux également qui sont chargés de détruire "l'ancienne" histoire lorsque les Thrunes publient une nouvelle version officielle de l'histoire du pays. Le Chevalier porte une armure complète, il n'est donc plus un simple aspirant, mais n'a pas de caractéristique particulière. Il s'agit d'un simple Chevalier, mais cela signifie aussi qu'il a affronté et tué un diable en combat singulier.

Vancia jeta un nouveau regard au Chevalier, mais finit par acquiescer.
« Et bien, je suppose qu'une description basique ne peut pas faire de mal. Ils représentent les Onze Actes d'Iomedae, accomplit quand elle était mortelle, une chevalière chélaxienne au service d'Aroden. »

Le premier vitrail représentait Iomedae, aidant un autre chevalier à sortir du cadavre d'une bête monstrueuse.
« Dans son Premier Acte, Iomedae a aidé ses compagnons d'arme en tuant Narkorshor'mond, et en aidant ses compagnons avalé par la bête à sortir de son estomac. Il s'agit d'une illustration de la loyauté. »

Le second représentait la future déesse en train de se battre avec trois sorcières.
« Le Second acte d'Iomedae fut sa bataille contre les sorcières d'Eleder, en Sargava, qui avaient pris le contrôle sur la ville. Elle démontre la bataille contre des pouvoirs insidieux. »

Le troisième représentait Iomedae, sur le dos d'un griffon, tranchant une aile à une monstrueuse gargouille.
« Le Troisième acte a eu lieu au Chéliax, dans la Forêt des Tumulus. Iomedae a tranché les ailes de Segruchen-Aile-de Fer, le "Roi des Tumulus", et l'a achevé avant qu'il ne puisse se relever du cratère, libérant la région de son règne. C'est une démonstration de courage. »

Le quatrième représentait Iomedae haranguant une troupe de chevaliers, à ses côtés une femme en armure grise, au plumet écarlate, épée batarde à la main. Face à eux était une horde de créature décharnée, des spectres aux yeux vides.
« Iomedae a démontré la pureté de sa foi lors du Quatrième Acte, en appelant Arazni, le héraut d'Aroden, et en insufflant suffisamment de détermination aux chevaliers de la seconde bataille d'Encarthan pour tenir jusqu'au lever du soleil, face à une armée de spectre. »

Le cinquième vitrail représentait Iomedae, auréolée de lumière, forçant une sorte de guerrier squelettique à fuir devant la puissance divine qu'elle dégageait.
« Lors de la bataille des Trois Désespoirs, dans ce que nous connaissons comme son Cinquième Acte, Iomedae a forcé Erum-el, le roi des Mhorgs, et allié de Tar-Baphon, le Tyran qui murmure, à fuir vers les profondeurs d'Ombreterre. »

Le sixième vitrail montrait Iomedae en prière, et son épée en train de se reconstituer d'elle-même.
« Le Sixième Acte a aussi eu lieu durant la bataille des Trois Désespoirs, après que Tar Baphon ait brisé sa lame par magie, Iomedae l'a reforgé d'une prière et d'une promesse, celle de mettre fin aux maléfices du Tyran qui murmure. »

Le septième vitrail représentait une cité plongée dans les ténèbres, envahi par des hordes de morts-vivants, avec pour seule lumière celle qui émanait d'une cathédrale au centre de la ville.
« Au cours du Septième Acte, Absalom a été envahie par une horde de myrmidon, des goules marines, durant une tempête. Iomedae en a appelé à la Pierre Etoile, lui demandant d'illuminer la ville. La Pierre étoile a éclairé les goules d'une lumière bleue, permettant à Iomedae et aux autres défenseurs de les détruire. »

Le huitième vitrail montrait Iomedae, une main sur l'épaule d'un chevalier squelettique, alors que ce dernier se transperçait la poitrine de sa propre épée.
« Le Huitième Acte s'est produit quand Iomedae a convaincu un chevalier de la tombe connu sous le nom du Prince Noir de se jeter sur son épée, en punition pour ses crimes. Cela a permit de racheter ses péchés d'être jugé dans les Halls d'Aroden. »

Le neuvième vitrail représentait Iomedae versant son sang dans un coupe tenue par un homme émacié aux crocs saillants, vraisemblablement un vampire.
« Lors de son Neuvième Acte, Iomedae a offert 9 gouttes de son sang pour neuf chevaliers emprisonnés par le vampire Basilov. Mais lorsque Basilov a trahi sa promesse, elle et les chevaliers l'ont tué. C'est un symbole de droiture et de justice. »

Le dixième vitrail représentait Iomedae, debout sur les murailles d'une cité, repoussant une horde de créature métamorphe.
« Le Dixième acte d'Iomedae était une démonstration de ses vertus de commandante, elle a gouverné la cité de Kantaria pendant un an, et a achevé l'année en libérant les lieux de voleurs de visage qui avaient tenté de l'infiltrer. »

Finalement, le onzième et dernier vitrail montrait Iomedae traversant un pont menant à la même cathédrale qu'au septième vitrail.
« Enfin, elle a utilisé sa cape pour former un pont et entrer dans la cathédrale de la Pierre Etoile, afin de passer le test qui fit d'elle une déesse.
Chacun de ses actes représentant une fondation de notre foi, et des qualités que nous nous efforçons de développer. »