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Offline Oysterlover  
#1 Envoyé le : vendredi 16 juin 2017 18:46:52(UTC)
Oysterlover
Rang : Habitué
Inscrit le : 27/02/2017(UTC)
Messages : 128
Bonjour à tous

Nous avons commencé la campagne du retour des ténèbres avec un groupe de 3 joueurs récemment.
Je n'ai pas le talent de simonutp pour créer des cartes (d'ailleurs je ne le remercierais jamais assez pour ses CR que je suis avec beaucoup d'attention. J'ai également utilisé ses fonds pour illustrer ma partie), moi mon délire c'est plutôt l'écrit.
J'avais déjà fait ça lors de notre campagne Cthulhu, malheureusement entré en hibernation prolongée (pour els curieux, et pour faire un peu d'auto promo, c'est ici : http://journalduninvestigateur.overblog.com/), mais pour le coup c'était l'occasion de me frotter à un genre que je n'ai jamais abordé, la High Fantasy.
Je sais que je vais avoir quelques soucis (faire ressentir les passages de niveau par exemple) et qu'il me faudra pas mal d'adaptation, mais c'est un joli exercice.
Enfin bref, voici le début, notre première partie. Je vous fais grâce des présentations de personnages, vous devriez comprendre par vous même de quoi est composé le groupe.


LIVRE 1 – UNE OMBRE DANS LE CIEL
Chapitre 1 – Tronpez le Diable et Enpochez son Or

La lourde porte de chêne dominait de toute sa hauteur sa petite stature de gnome, et pourtant l’œil de Newt brillait d’excitation en entendant le bruit qui filtrait au travers : ce soir, si elle manœuvrait habilement, sa vie pourrait changer.
En guise d’adieu à toutes ses années passées avant son arrivée à Riddleport, la jeune femme fit un dernier tour sur elle-même.
Dans son dos, loin au-dessus du port, s’élevait l’immense Porte des Glyphes qui enjambait toute l’anse dans laquelle était construite la ville. Elle faisait dans les 200m de longueur, pour une centaine de mètres de hauteur, entièrement recouverte de glyphes mystérieuses. Elle était un sujet de fascination depuis des siècles, tant et si bien qu’une école de magie particulièrement s’était fondée à son pied pour tenter d’en percer les secrets. Et après toutes ses vies dédiées à son étude, tout ce temps passé en hypothèses, conjectures, etc… ces fameux « Mages des Glyphes » n’avaient tout simplement rien trouvé, si ce n’est qu’ils ne pouvaient même pas déterminer en quel matériau était construite l’arche. Newt eut un petit sourire narquois en y pensant : les mages… ces imbéciles passaient des dizaines d’années à étudier la magie avant de parvenir à répliquer un seul des effets qu’elle pouvait produire naturellement.
La gnome rejeta sa tête en arrière et son sourire s’évanouit doucement. Le ciel était sombre, comme toujours depuis son arrivée. Enfin le ciel aurait beau être d’un bleu resplendissant, elle n’en verrait d’ici. Une étrange tâche obstruait le ciel de Riddleport. De ce que Newt avait pu glaner comme informations, elle était apparue environ un mois avant son arrivée à Riddleport ce matin. Et depuis elle restait là, totalement insensible au vent qui s’engouffrait dans la grande crique où était bâtie la ville, impassible et, presque étonnement, inoffensive. La Tâche était visible de loin, bien avant d’arriver en ville et Newt craignait de trouver Riddleport en proie à la panique et à des débordements violents. Mais les gens semblaient calmes, déjà habitué à cette nouvelle caractéristique incongrue de leur cité déjà connue pour la porte des Glyphes. On soupçonnait les mages d’avoir raté une expérience, ou au contraire d’en avoir pour une fois réussi une, et on en rigolait. Contrairement à Bart, qui regardait la Tâche d’un mauvais œil. Bart était une humaine, une fille du Bois Grognon à l’apparence crasseuse et au regard constamment absent qui avait croisé la route de la gnome lors de son voyage et s’était décidé à l’accompagner car « la Nature le souhaite ». Et aussi étrange que soit le comportement de cette femme, son odeur corporelle particulièrement prenante et la présence continue d’un blaireau irascible à ses coté, Newt avait rapidement appris à l’apprécier. La Nature, apparemment, n’avait pas fait que mettre Bart sur sa route, elle l’aurait également envoyé à Riddleport enquêter sur cette étrange manifestation qui allait avoir des graves conséquences. La Nature lui aurait également dit que quelque chose, ou quelqu’un, dans la cité était lié à la Tâche et que Bart devait la trouver. Pourquoi la Nature avait confié cette mission à ce humaine dépenaillée et d’humeur changeante, par contre, cela restait pour un complet mystère.
Le tour d’horizon auquel se prêtait Newt s’acheva là où il avait commencé : sur l’imposant bâtiment du Gobelin Doré, la maison de jeu qui concentrait toute l’attention de la ville ce soir. A côté de l’imposante porte de chêne se trouvait une affiche figurant une créature diabolique assise sur un tas de pièce, et au-dessus s’inscrivait la date du jour ainsi qu’en lettres majestueuse « TRONPEZ LE DIABLE ET ENPOCHEZ SON OR ! », avec ces deux magnifiques fautes qui lui donnaient ton son charme. Son sourire se raviva à cette vue et la gnome donna à petit coup de coude à son autre compagnon, un imposant humain qui portait une armure rutilante qu’il polissait avec soin chaque soir et deux cimeterres dont un immense qui lui barrait le dos. Au centre de son armure se dessinait la silhouette d’un ange ailes déployées et bras écartés : Sarenrae, la Fleur de l’Aube, déesse du soleil. Cet humain, Edgar de son prénom, était un guerrier entièrement dévoué à son service. Lui et Newt s’étaient également rencontrés sur la route où Edgar, faisant assaut de chevalerie, avait insisté pour l’accompagner, elle et Bart, pour assurer leur protection. A première vue austère et presque illuminé, il s’était pourtant révélé un compagnon de route agréable et serviable. Il disait se rendre à Riddleport en mission pour son ordre, dans le but de pacifier la ville, mais s’était vite trouvé une mission autre plus urgente : veiller à ce que ses nouvelles compagnes de voyage ne finissent pas détroussées dans une allée sombre de la ville. Newt baissa vers les yeux vers le blaireau qui complétait cette troupe hétéroclite et souhaita mentalement bon courage à celui qui viendrait armé de mauvaises intentions à leur égards : entre ses pouvoirs à elle et la rage bestiale de l’animal, le cimeterre d’Edgar faisait presque pâle figure.
« Calme toi Edgar, ces histoires de diable ne sont que de l’enrobage pour attirer les gens
« Je ressens pourtant une aura particulièrement mauvaise dans ce lieu, cela ne me dit rien qui vaille
« Raison de plus pour aller voir à l’intérieur, non ? Bart, il va falloir laisser ta bestiole dehors »
La fille des bois grogna de mécontentement, suivi à l’unisson par son blaireau, et il fallu toute la diplomatie d’Edgar pour la convaincre de laisser son compagnon au dehors. Bart insista cependant pour ne pas l’attacher.
« Reste ici, tu entreras quand le moment sera venu » lui dit-elle en guise de conclusion, et Newt dut calmer son compagnon d’un geste de la main pour ne pas qu’il insiste inutilement. Il était temps d’entrer, de jouer et, elle l’espérait, d’impressionner le gérant et décrocher ainsi son premier travail à Riddleport.

***

Edgar d’Akhan poussa les deux lourds vantaux de la porte. Et devant lui s’ouvrit exactement le lieu de débauche qu’il imaginait derrière elles. Une foule compacte s’agglutinait autour des tables de jeux et l’air sentait déjà la bière et la sueur.
Lui et ses deux compagnons n’eurent même pas le temps de faire deux pas dans la pièce que deux serveuses fort peu vêtues les accostèrent. Elles étaient coiffées d’un serre tête rouge affublé de petites cornes et se déhanchaient lascivement en les accueillant en enfer. Tous les braseros étaient munis d’un pourtour de verre teint qui donnait des reflets rougeoyants à leur lumière. Du décor, du faux, du chiqué. De quoi rassurer ses craintes d’arriver dans une véritable orgie diabolique.
Et pourtant, Edgar ne pouvait détacher son regard du centre de la pièce. Sur une espèce de petite scène circulaire surélevée était posé un imposant coffre bardé de chaînes d’acier. Et suspendu au dessus de celui-ci une petite cage se balançait. Et dans cette cage se tenait une petite créature à la peau noire, affublée de deux cornes d’airain courbées presque aussi grandes qu’elle qui reflétaient la lumière ambiante. Si sa longue queue fourchue, son regard malveillant et ses ailes de chauves souris ne laissaient guère de doutes sur ses origines, Edgar ne s’inquiétait que d’une seule chose : les raisons et causes de sa présence ici. Que pouvait bien faire un diablotin, ces petites mais cruelles créatures issues des Enfers, ici ? C’était sans aucun doute son aura qu’il avait ressenti avant d’entrer, et cela ne pouvait rien présager de bon.
Newt, la jeune gnome qui avait poussé à leur présence ici, le héla avec sa voix enjouée.
« Tu as vu le règlement, j’adore !! ». Elle lui tendit un papier rédigé à la main et couvert de fautes, probablement obtenu des deux serveuses.
« Moi,______, sacrifie mon ame imortelle et une somme de 10 pièce d’argent au diable afin qu’il les garde en sequestre contre sa propre mise de 10 000 pièce d’argent lors du tournoi de jeu du Gobelin Doré de Riddleport ce Juredi, 14 Arodus, 4708 A.R.
Je sais que mon ame est mise en dépot dans la plus profonde fosse du Nessus. De plus, je sais que tous les gains seront catalogués en conformité avec l’ame et seront donc représentés par les dent, les yeux et les cœur des damnés. Tandis que je participe au tournoi et que je me trouve dans la première fosse de l’Avernus, mes gains me permettront de m’enfoncer dans les enfers selon la charte suivante
Dis : 1 œil d’or
Erèbe : 3 yeux d’or et un badge du Dis
Phlégéthon : 25 yeux d’or et un badge de l’Erèbe
Stygie : 10 yeux d’or et un badge du Phlégéthon
Malbolge : 25 yeux d’or et un badge de la Stygie
Cocytus : 50 yeux d’or et un badge du Malbolge
Caïna : 75 yeux d’or et un badge du Cocytus
Nessus : 100 yeux d’or et nu badge du Caïna
Je sais que si je perd toutes mes mise lors du tournoi, je recevrais la marque du Diable et que mon ame sera jeté sur les rives du Styx.
Je sais que si je décide d’endosser mes gains avant d’avoir atteint la fosse du Nessuys, mon ame sera perdue et que je perdrai 50% des gains susmentionné pour avoir quité le jeu.
Si je suis le premier joueur à atteindre le Nessus, j’obtiendrai le salut de mon ame et je pourrai tronper le Diable et enpocher son or en plus de mes gains. Dans ce cas, tous les autre joueurs perdront leur ame et recevront la marque du diable.
Je jure qu’il en est ainsi.
Témoin : le Vieux Gratouille. »
Du chiqué là aussi, les âmes des participants n’avaient rien à craindre. Mais il était étonnant, et inquiétant, qu’ils s’amusent ainsi à prétendre offrir leur âme en gage en même temps que leur argent. Et ce diablotin ne pouvait s’extraire de ses pensées. Etait-ce lui qui apposait cette mystérieuse marque du Diable ?
Le temps qu’Edgar lise le papier et tente de le redonner à la jeune gnome, celle-ci était déjà partie, entrainant dans son sillage la fille des bois. Pourvu que son blaireau ne cause pas de grabuge dehors. Le guerrier rattrapa les deux femmes à la caisse, où elles payaient toutes deux leur droit d’entrée à un nain à l’imposante barbe en échange d’une poignée de jetons. La forestière semblait suivre le mouvement plutôt qu’autre chose, mais son comportement fantasque n’en finissait pas d’intriguer Edgar. Elle semblait persuadée que chacune de ses actions, aussi aléatoire soit elle, était dictée par la Nature et servait un dessein caché même de ses propres yeux. Il comprenait cette dévotion à une cause, lui-même avait embrassé dès son plus jeune âge les préceptes et enseignements de Sarenrae, mais même après des années de formation auprès de ses paladins les plus dévoués, Edgar ne pouvait s’abandonner à ce point dans ses croyances. Après tout, pour protéger les autres du mal sous toute ses formes, il faut accepter que ce mal peut également venir des décisions d’autrui et pas uniquement imaginer qu’une force extérieure dicte le moindre mouvement de chaque créature vivante.
Le nain s’adressa à l’apprenti paladin de sa voix tonnante.
« Et vous, vous jouez ?
« Non merci, très peu pour moi, j’accompagne ces dames
« Ok, pas de souci, le bar est ouvert au besoin. Suivant !! »
Lorsqu’ils revinrent tous trois dans la salle principale, ils virent un petit homme d’un âge déjà avancé s’avancer sur une canne vers le coffre juché au milieu de la salle escorté par deux serveuses déguisées en succubes. Alors que ces dernières le hissaient sur le dessus du coffre, Edgar pu voir qu’il lui manquait sa main droite, remplacée par une coquille de se terminant par une sorte de clé au bout. La main droite tranchée, le châtiment des voleurs.
Le petit homme frappa de sa canne le couvercle du coffre pour obtenir le silence et, après qu’un silence relatif se fit dans l’assemblée, commença à parler
« Bienvenue à tous dans la maison de jeu du Gobelin Doré. Je suis votre hôte, Saul Vancaskerkin, et ce soir, vous tenterez votre chance, tromperez le Diable et empocherez son or.
J’espère que vous avez apprécié l’accueil réservé par ces superbes tentatrices du Diable ! »
Des sifflets et autres manifestations de joie parcoururent la foule et le petit homme attendit patiemment qu’elles retombent pour continuer. Il décrivit rapidement les règles du tournoi pour ceux qui n’avaient pas lu, ou ne pouvaient pas lire, le petit papier donné à l’entrée. Après plusieurs pauses pour laisser ses blagues graveleuses faire leur chemin dans la foule, il en arriva rapidement à la partie qui inquiétait le plus Edgar.
« Vous voulez savoir ce qu’est la marque du Diable, n’est ce pas ? Non, je ne peux pas, c’est quelque chose de trop horrible pour vous le montrer ainsi »
Après une nouvelle pause, en bon bateleur soucieux de ménager ses effets, il reprit
« Bon, j'imagine que je dois quand même vous la montrer. Après tout, je l'ai largement mérité. Allez y les filles, et plutôt deux fois qu'une, même »
Sur ce, les deux serveuses aguicheuses posées à ses cotés lui posèrent un baiser appuyé sur les joues, laissant une marque de rouge à lèvre. La foule éclata de rire à nouveau. Il ne lui en fallait pas beaucoup. Même Newt se laissait porter par l'ambiance. Bart, elle, ne portait aucune attention au spectacle de Vancaskerkin et semblait fascinée par une table de jeu composée d'une roulette sur laquelle était posée une tête d'orc au regard perçant.
« Et voilà terrible marque du Diable ! Alors si vous ne voulez pas subir le même sort, allez-y, trompez le Diable, et empochez son or !! »
La foule éclata de viva et de rire avant de se disperser vers les tables. Edgar lui, se fraya un chemin vers l’imposant coffre. Saul Vancaskerkin le vit arriver et se porta à sa rencontre après qu'une des serveuses l'ait aidé à en redescendre, ce qu'il fit non sans un regard lubrique et appuyé en direction de son décolleté.
« Que puis-je pour vous, mon brave... paladin ? » tenta-t-il en voyant son interlocuteur
« Ca » répondit Edgar d'un ton inquisiteur en pointant du doigt la cage contenant le diablotin. « qu'est-ce que ça fait là
« Le Vieux Gratouille ? Hé bien d'après le papier remis à l'entrée il s'agit du…
« Gardez vos fadaises pour vous clients, je veux savoir qui l'a invoqué et pourquoi »
La réplique claqua comme un coup de fouet, douchant un instant la bonne humeur de Vancaskerkin. Son sourire avenant ne tarda pas à revenir et il répondit sans se départir de sa bonhommie
« Un peu de décoration. Ca allait bien avec l'ambiance. Et puis un invocateur de la Tour des Glyphes me devait un service. Ne vous en faites pas, il a été directement invoqué dans la cage et n'en sortira pas.
« Je l'espère ». la voix d'Edgar trahissait de la méfiance, mais plus envers la malice du petit diable qu'envers ce tenancier dont la décision, stupide et potentiellement dangereuse, était finalement compréhensible
« Si cela peut vous rassurer, gardez un œil dessus, je serais moi même plus rassuré de savoir qu'un serviteur de Sarenrae veille que rien ne vienne gâcher cette soirée. »
Ne sachant si cela était sincère ou sardonique, le paladin préféra garder bouche close.
« Vous jouez ce soir mon brave ? » reprit Saul avec ce sourire carnassier typique du commerçant flairant le client
« Non, les jeux d'argent, très peu pour moi
« Allons bon, c'est pour s'amuser avant tout ». Il sortit deux jetons d'une de ses poches. « Allez-y, jouez ces deux-là, c'est la maison qui offre »
Edgar empocha les jetons d'un geste prudent et s'éloigna. Il devait garder un œil sur Newt et Bart. Et surtout sur le diablotin.

***

« La dernière fois que j'ai vu quelque chose d'aussi moche que ton visage, c'était un cul de babouin ! »
Toute la table éclata de rire lorsque la tête d'orc cracha son insulte au joueur en face d'elle. Même sa victime en rit de bon cœur. D'autant qu'il se fit rapidement payer sa mise. Bart, elle, ne jouait pas pour l'instant, elle observait. Cela faisait bien deux heures qu'elle observait. Elle ne jouerait peut être même pas, si cela n'était pas nécessaire.
Ce n'était pas ici qu'elle allait découvrir ce qui était lié à la Tâche. Mais elle savait qu'elle devait suivre la jeune gnome et l'humain strict. Ils la mèneraient exactement là où elle devrait être, quand elle devrait y être. Bart faisait confiance à la Nature pour ça. Même ici, au cœur de cette ville puante, la Nature guidait ses pas. Elle se sentait un peu démunie sans Maggie, les autres avaient insisté pour qu'elle reste hors de la maison. Ce n'était pas grave, Maggie interviendrait quand elle le devrait, après tout elle aussi était un agent de la Nature.
Des cris se firent entendre derrière la table et Bart put y voir la gnome qui l'accompagnait assise à une table devant une pile conséquente de jetons. Quel que soit le jeu auquel elle jouait, elle battait à plate couture ses adversaires et l'un d'entre eux venait de perdre toute sa pile au profit de la jeune femme. Le bruit provenait de sa bouche et rapidement une serveuse-démone, accompagnée d'un garde, se rapprocha de lui pour lui faire une bise. Le garde le raccompagna dans une arrière-salle, l'homme venait de perdre ses jetons et on lui indiquait la sortie.
« Qui a laissé un gobelin crevé pourrir dans un coin ? Ah non, c'est ton haleine ». La tête d'orc venait de cracher une nouvelle bordée d'insultes et toute la table éclata de rire. Ce jeu était fascinant. Les joueurs pariaient sur des cases et la femme qui tenait le stand faisait tourner le plateau avec la tête d'orc plantée dessus. Lorsque la tête s'arrêtait, elle insultait la personne qui avait misé sur la case qu'elle voyait, et cette dernière empochait ses gains. Puis toutes les mises étaient récupérées par la femme et cela recommençait.
Bart observa le manège encore trois fois, puis elle sut que le moment était venu. Elle pris tous les jetons qu'elle possédait et les posa sur la case numéro 4, sans hésiter une seconde.
La femme du stand la regarda étonnée
« Tu prends beaucoup de risques, tu préfères pas répartir tes mises plutôt que de tout risquer comme cela ?
« Tourne la roue. Je sais ce que je fais. »
Les autres participants rigolèrent en l'entendant et certains se donnaient des coups de coudes dans les cotes « elle aussi elle veut un baiser des serveuses !! ». L'un d'entre eux s'approcha un peu trop près d'elle, surtout sa main. Bart lui écrasa violemment le pied de ses sabots de bois. Son cri se perdit entre les rires des autres et le bruit du plateau qui avait été lancé.
L'orc s'arrêta en face pile de façon à ce que son regard vide croise celui de Bart.
« Pouah... tu sais, t'es pas obligée d'attendre la saison des pluies pour te laver, hein !
« Moi au moins je ne suis pas qu'une tête plantée sur un piquet ». La réplique de la fille des bois fit exploser l'assistance de rire tant et si bien que Bart elle même finit par être elle aussi prise d'un fou rire alors que la fille la payait. Elle rigola de si bon cœur qu'elle buta contre l'homme à qui elle avait écrasé le pied, qui se tenait toujours derrière elle à masser son extrémité endolorie. Déséquilibrée, elle fit tomber ses gains fraichement acquis par terre et se baissa pour les ramasser.
Elle fut surprise de se rendre compte qu'un peu plus loin, une femme avait également fait tomber ses gains et que ses deux voisins s'étaient baissé pour l'aider à les ramasser. Mais eux se baissaient en se protégeant le visage comme s'ils s'attendaient à être aspergés.
Bart se reconcentra sur les jetons qui roulaient au sol mais, intriguée par le mouvement des trois autres derrière elle, regarda dans la direction dont ils semblaient se protéger. Elle vit la porte des toilettes, légèrement entrouverte, et un homme qui en dépassait, déroulant un parchemin et commençant à le lire.
Puis soudain, un des braseros qui illuminait à la pièce explosa en une lumière vive qui aveugla Bart.
Voila pourquoi elle était venue. Elle ne voyait plus rien mais elle le savait : c'était pour ça qu'elle était là. Cela se passerait bien. En plus, c’était maintenant que Maggie était censée entrer.

***

En voyant Bart faire tomber ses jetons, Newt avait souri et l’avait observé. Remarquant son regard vers trois autre clients debout près de sa table, elle les vus également et leur geste de protection déclenchèrent en la jeune gnome un réflexe de survie qu’elle-même semblait ignorer : elle se protégea également la vue. Aussi, lorsque le brasero explosa en une lumière aveuglante, Newt ne fut que marginalement affectée. Alors que sa vision s’encombrait encore de quelques points lumineux, elle entendit une voix féminine lancer d’un ton calme mais assuré
« Mesdames et messieurs, ceci est un hold-up. Veuillez vous coucher à terre, ces messieurs vont passer fouiller vos poches. Ne tentez rien de stupide et personne ne sera blessé, et vous pourrez reprendre tranquillement le cours de votre soirée »
Le sang de la gnome ne fit qu’un tour. Un hold-up ? Et puis quoi encore ? Surement pas ce soir, alors qu’elle était en train de tous les plumer et que le coffre de 10 000 pièces d’argent lui tendait les bras.
Et puisque celle-là semblait tellement aimer parler, elle allait en recevoir, du son. Ca oui. Newt tendit la main vers la femme, veillant à ce que personne ne se trouve sur le chemin et prononça quelques mots étranges. Aussitôt une onde sonore circulaire partit de sa paume tendue droit vers sa cible qui, trop occupée à envoyer ses deux sbires détrousser la foule, ne l’avait pas vu utiliser ses pouvoirs.
La voix de la femme se changea en hurlement et elle se courba en deux en se protégeant les oreilles. Newt eut un sourire en coin en la voyant réagir ainsi. Son pouvoir faisait entendre à sa cible un cri strident qui pouvait vriller les oreilles des plus braves guerriers.
Toujours courbée en deux, la voleuse tenta d’échapper au bruit en se ruant vers la porte de sortie… pour finir par donner un coup de pied malencontreux au blaireau de Bart qui s’était déplacé là par pur hasard. L’irascible animal réagit en accord avec son tempérament et bondit tous crocs dehors vers son assaillante involontaire, plantant méchamment sa mâchoire dans le mollet qui l’avait touché. Newt eut un instant de compassion pour la pauvre femme qui allait subir la fureur de cette petite boule colérique. Le blaireau, Bart l’avait appelé Maggie si elle s’en rappelait bien, ne connaissait que deux humeurs : bougon et enragé. De quoi faire un rapprochement avec sa maîtresse, généralement distante et prompt à grogner envers tout et n’importe quoi. Peut-être elle aussi était-elle sujet à de tels accès de violence.
Une forte voix sortit Newt de ses divagations pour la reconcentrer sur le combat en cours. « Jeter vos armes et rendez vous. Il ne vous sera fait aucun mal. »
Edgar avait dégainé son imposant cimeterre, celui qui faisait la taille de la jeune gnome et s’avançait d’un pas décidé vers l’instigateur de tout cela, un humain à la barbiche taillée en pointe et qui déroulait un second parchemin tout en s’approchant du coffre toujours situé au centre de la pièce. Un des gardes essayait toujours de le protéger tout en se tenant les yeux d’une main. Belle abnégation mais qui ne dura point, un des voleurs l’assommant d’un coup de matraque sur le crâne.
Il y avait désormais trop de monde entre les voleurs et Newt, et toute tentative de réutiliser son pouvoir sonique pourrait certainement affecter un humain, il fallait trouver autre chose.
Une idée germa dans son crâne. Une bonne idée, de celle dont elle était particulièrement fière. Mais le temps d’y penser, le voleur à barbiche venait de faire quelques gestes et la cage du diablotin s’ouvrit. Celui-ci sauta sur le coffre en contre bas et observa le chaos dans la pièce d’un air malicieux.

***

Les grâces de Sarenrae avait rendu Edgar particulièrement résistant et l’éblouissement n’avait pas tardé à se dissiper. Il ne lui fallut qu’un instant pour comprendre ce qui se jouait ici, et après avoir dégainer son arme la plus impressionnante, il se dirigea droit vers les malandrins, dont l’apparent chef se diriger vers le butin de ce hold-up, décidé à les arrêter sans faire couler le sang.
La libération du diablotin changea tout. Cette créature diabolique devait être mise hors d’état de nuire au plus vite. Il fit appel à la force de sa déesse et se rua sur la créature maléfique. Il devait toucher le plus fort possible pour s’assurer que la bête n’ait pas le temps de riposter ou de s’en prendre à quelqu’un d’autre de l’assemblée.
Le coup de cimeterre toucha le diablotin avant même qu’il ne vit Edgar lui foncer dessus, tout occupé qu’il était à maugréer dans sa langue impie en regardant amusé une des voleuses de faire sauvagement attaquer par le blaireau de la fille des bois.
Malheureusement, la tentative de décapitation se solda par un échec dû à la foule et aux résidus d’éblouissement qui parasitaient toujours la vue du paladin. Le coup manqua la nuque de quelques centimètres et un mouvement d’esquive de dernière minute de son adversaire lui permit d’esquiver un coup prévu pour être mortel. La créature infernale s’en tira avec une longue et profonde estafilade en travers du torse qui aurait mis à terre le guerrier le plus courageux. Un infect ichor noirâtre et puant s’en échappa et le diablotin émit un son rauque qui traduisait probablement la douleur ressentie. Puis il disparut, tout bonnement, avant qu’Edgar ne puisse armer un deuxième coup qui aurait mis fin à son existence.
« Retourne de là d’où tu viens et ne réapparait plus jamais par ici, c’est ça », jura le paladin avant de se diriger vers les voleurs en face de lui. Il pouvait lire sur leur visage une peur soudaine devant ce guerrier et son impressionnante arme qui venait de mettre à mal une créature surnaturelle avec aisance. Et au moment où il se décida à avancer vers eux d’un pas décider pour les forcer à la reddition… un énorme dragon rouge, occupant la majorité de l’espace sous plafond de la maison de jeu, apparu brutalement entre Edgar et les malandrins. Il fallut quelques secondes au paladin pour se remettre de sa surprise : les pieds de la créature traversaient une table et il avait fallu un peu de temps avant que les ailes du dragon ne fassent du bruit et qu’il ne se mette à rugir.
Et là, tout s’éclaira dans l’esprit du paladin : Newt. La jeune gnome se vantait souvent de ses talents d’illusionniste et avait matérialisé de petites images fantasmagoriques un soir pour le prouver. Décidément, ses compagnons ne manquaient pas de le surprendre.
Les trois voleurs, eux, n’eurent pas l’occasion de remarquer ces détails, totalement apeurés qu’ils étaient par le formidable opposant qui était apparu devant eux, les menaçant directement. Edgar décida de pousser son avantage au maximum
« Déposez vos armes, mettez genou à terre et rendez vous, c’est votre seule chance ». Le mage sembla hésiter mais finit par poser doucement sa baguette au sol, imité par un des malandrins. L’autre, pris d’une panique incontrôlable, partit en courant et en hurlant, tout comme une partie de l’assistance qui, recouvrant la vue après l’attaque magique, découvrait un monstre gigantesque au milieu du Gobelin Doré. Le fuyard tenta malgré tout d’atteindre la porte mais n’y arriva pas, fauché en pleine course par la faux de Bart qui le fit tomber lourdement sur le ventre.
« Le monsieur a dit à terre, tu n’as pas entendu ? » La fille des bois fermait encore régulièrement un œil pour dissiper les effets de l’éblouissement qu’elle avait subi. Puis repris, le plus fort possible de sa voix rauque identifiable entre mille.
« Maggie, arrête. Et garde la femme. »
Malgré la distance qui séparait la bête furieuse de sa maîtresse, le blaireau lâcha prise et se plant à côté du visage de la voleuse apeurée. Sa jambe était salement déchirée mais elle vivrait.
Et alors que tout se calmait, une porte au fond de la salle s’ouvrit, découvrant Saul Vancaskerkin complétement abasourdi par ce qu’il voyait. A ce moment-là, le dragon explosa en une myriade d’étincelles pour révéler Newt qui avait sauté sur le coffre et qui annonçait, bras écartés et de sa voix la plus enjouée.
« Voila messieurs dames, tout est arrangé ! »

***

Bart n’avait pas vu grand-chose du combat mais comme Maggie s’était fait remarquer par sa sauvagerie et que ses compagnons avaient été plutôt en vue, elle les avait suivis dans le bureau du petit homme manchot à son invitation après la cohue qui avait suivi l’attaque.
Elle n’avait pas tout compris à ce qu’il se passait, le petit homme avait parlé de payer les gains à leur valeur totale, quelque chose comme ça, qui avait un peu calmé les gens et les avait tous précipité vers la caisse. Etrange comportement.
Après être monté dans le bureau, le propriétaire de la maison de jeu avait parlé sans s’arrêté pendant cinq bonnes minutes. Bart n’avait pas tout écouté, ça parlait de félicitation, de doublement des gains, etc… Il parlait beaucoup trop de toute façon. La gnome aussi parlait beaucoup, et l’autre combattant aussi. Une maladie de gens de la ville ça, de trop parler. Dans les bois, Bart et Maggie se comprenaient en quelques mots seulement, et la Nature leur faisait comprendre ce qu’elle voulait sans une seule phrase.
Finalement, seule la fin du discours attira son attention.
« Je vais avoir besoin de monde pour faire tourner le Gobelin Doré après ce soir. Et vous pouvez compter sur tous ces couards pour ne pas revenir demain. Du coup, je ne vous promets pas des richesses folles ni l’aventure ultime, mais juste un travail honnête avec une paie décente et même un logement. Puis-je compter sur vous »
Avant que Bart n’ait pu prononcer le moindre son, avant même qu’elle ait pu penser à une réponse à donner, la gnome avait bondi en criant
« Ouiii !!! Avec grand plaisir !!! »
Bart eut un sourire. Si la Nature, par le biais de sa jeune et enthousiaste amie l’avait amenée jusqu’ici et fait embauché, il y avait forcément une raison. Elle mettrait bientôt la main sur celui ou celle qui était lié à la Tâche.

Modifié par un utilisateur vendredi 16 juin 2017 18:48:03(UTC)  | Raison: Non indiquée

Au nom du Corebook, du Bestiary et du Holy d20
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Offline Oysterlover  
#2 Envoyé le : samedi 1 juillet 2017 13:07:01(UTC)
Oysterlover
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Seconde partie, où l'on digresse un peu pour introduire plus facilement certains événements de la campagne.


Chapitre 2 : Les Forges Empoisonnées

Après l’attaque du Gobelin Doré, la vie de Newt et de ses camarades avait été bien plus calme. Il avait fallu dans un premier temps retrouver du personnel après les démissions en chaîne qui avait suivi la tentative de cambriolage. Ces citadins ne supportaient apparemment pas de subir un braquage et de voir un dragon le même soir. La gnome commençait à se dire qu’elle y avait été plutôt fort pour leur faible tolérance. Mais cela avait marqué les esprits, et le Gobelin Doré était souvent appelé « la taverne au dragon » depuis. Le sujet éclipsait même parfois la Tâche, pourtant toujours visible dans le ciel de la ville. Elle l’avait plusieurs fois entendu en ville, et elle le prenait comme un authentique compliment.

Mais cela n’était pas sans poser souci quand il s’agissait de recruter des gens pour y travailler. Si les habitants aimaient papoter et transformer une simple anecdote en histoire formidable (une des dernières versions qu’elle avait entendu faisait état d’un dragon démoniaque qui avait dévoré deux clients pour voler leurs âmes), cela rendait d’autant plus difficile le fait de les embaucher pour potentiellement côtoyer cette histoire formidable. Newt avait cependant réussi à trouver deux croupiers de plus, sur un entretien d’embauche simple : elle faisait le tour des tavernes, s’installait à une table de golem et proposait un poste à un des joueurs s’il arrivait à la battre intelligemment sur une main.
Cette histoire de dragon avait d’ailleurs provoqué une altercation le premier soir quand trois humains complètement souls étaient entrés dans le Gobelin Doré pour se faire rembourser les jetons de la veille. Edgar, devenu garde dans la maison de jeu, s’était interposé avec son premier degré habituel. A aucun moment, il ne sembla avoir compris que les trois avaient fui la salle à l’apparition du dragon, et il leur opposait un refus franc et obstiné sans même chercher à comprendre leur réaction. Du Edgar classique que Newt commençait à trouver très attachant pour son coté totalement décalé de la réalité. Une éducation à refaire. Mais entre Bart et elle, il avait choisi, bien malgré lui, les bons compagnons pour se dérider un peu. Le ton commençait à monter et vu les vapeurs que les trois dégageaient, cela ne surprit pas la jeune gnome qu’ils finissent par dégainer de petits couteaux pour… pour quoi au juste ? Menacer un homme en armure métallique avec une lame à peine capable de couper un bout de viande ? L’alcool, pire conseiller social possible. Evidemment, Edgar répliqua en sortant son imposant cimeterre qui accentuait d’autant le ridicule de leur acte. Bart, qui observait jusqu’ici la scène d’un œil distrait, s’éloigna en maugréant qu’elle n’avait plus rien à faire ici et ordonna à son blaireau de se replacer là où Saul Vancaskerkin la payait pour le placer : devant l’accès à son bureau. Le déchaînement de la bête sur la voleuse avait elle aussi durablement marqué les esprits, et un simple regard sur cette affreux tas de dents et de ressentiments suffisait à calmer les plus téméraires. Bref, Edgar tenait les trois bourrés en respect sans violence inutile, comme à son habitude quand tout à coup… le cimeterre et la petite lame se collèrent, attirés par une force inconnue. Les deux autres alcooliques, pensant que le paladin passait à l’attaque, eurent la première réaction intelligente de la soirée : s’enfuir. Tant pis pour les jetons finalement. Le dernier essaya tant bien que mal de récupérer son arme, tout comme Edgar, et les deux se lancèrent dans un ballet plutôt ridicule qui accrocha un sourire au visage de Newt malgré l’incongruité du phénomène. Dans la salle derrière elle, des joueurs commençaient à pester, et la roulette tournait follement sans que personne ne puisse l’arrêter. Cela dura une ou deux minutes peut être, avant que tout ne s’arrête aussi brutalement que ça avait commencé, envoyant au passage bouler le dernier alcoolique vindicatif à travers la porte d’entrée. Il finit à terre au milieu de la poussière et des décombres de sa dignité et s’en alla à son tour, non sans une flopée d’insultes à l’encontre d’Edgar, du Gobelin Doré et de tout le reste du monde.

Mais mis à part cet incident plus anecdotique que réellement significatif, il ne s’était rien passé de particulier à Riddleport ces deux dernières semaines et la vie se faisait en une sorte de routine qui pourrait finir par lasser. Edgar s’était bien ému de la visite d’un des seigneurs du crime de la ville au Gobelin Doré un soir, mais eux aussi avaient le droit de boire une choppe et de jouer un peu d’argent. Heureusement, ce matin, Larur, le nain gérant du Gobelin, leur avait proposé un petit boulot. Son cousin Barur, parce que les nains n’ont jamais aucune imagination quand on en arrive aux prénoms, qui travaille aux forges de la ville, lui avait parlé que plusieurs livraisons d’armes avaient capotés car les livreurs se faisaient attaquer. Les assaillants étaient masqués et avaient laissés plusieurs nains grièvement blessés. Bref ils avaient besoin d’une escorte pour leur prochaine livraison et Larur avait pensé à Newt et ses deux compagnons.
Les forges de la ville étaient surnommées les Forges Empoisonnées, et on leur avait expliqué pourquoi. Sauf que les explications n’intéressaient absolument pas la gnome et qu’elle n’en avait rien retenu du tout. C’était des forges, quoi, mais qui crachaient un gaz toxique en plus. Les nains avaient des espèces de masques filtrants et leur en avaient fourni, mais si un masque de nain s’adapte assez bien sur un visage humain, ils n’avaient rien prévu pour les gnomes. Newt avait donc dû se contenter de se recouvrir la bouche d’un linge humide. Ce qui ne faisait que réduire légèrement la puanteur du lieu et qui ne l’empêchait pas de tousser d’une toux grasse et irritante toutes les minutes. Barur était un nain. Qui ressemblait à un nain. Presque aussi haut que large et muni d’une énorme barbe. Un nain, quoi. Il avait une voix éraillée où se mélangeaient régulièrement des quintes de toux qui ne faisait qu’inquiéter Newt sur l’efficacité des masques que tout le monde portait. La mission était simple, Barur suspectait qu’un seigneur du crime de la ville n’attaque les nains pour s’équiper en armes de qualité à moindres frais. Ils restaient masqués pour ne pas être reconnus mais leur carrure et leur odeur indiquait clairement qu’ils étaient demi-orcs, sans qu’il soit possible de le prouver devant la garde. Le prochain convoi partait dans deux jours pour Oreille-du-Loup par la route et serait une aubaine pour ce seigneur du crime indélicat. Si les nains n’avaient pas peur du chemin en lui-même, Barur se doutait que si leur adversaire tentait quelque chose, cela se ferait en dehors de la ville sur la route qui sinuait vers le premier col. Le contrat était donc de renforcer l’escorte des nains jusqu’à ce col puis de les laisser à cet endroit, et les nains se proposaient de payer en ajoutant une arme au convoi que Newt et les siens pourraient récupérer au col. Tout ça pour une arme… Super. Mais apparemment, Edgar jubilait. Protéger le nain et l’orphelin et se faire payer en acier lui semblait être un parfait projet de carrière.
Mais bon, cela changerait de la routine qui s’installait doucement.

***

Enfin une mission digne de son rang. Une mission d’escorte. Protéger les nains sur une certaine distance et leur assurer un bon voyage. Bien plus convenable que son travail de garde dans un tripot, bien qu’Edgar se soit chaque soir appliqué à le mener consciencieusement, avec mesure et fermeté. Le Gobelin Doré était devenu, en deux semaines, un des lieux de perdition les plus sûrs de la ville. Et puis, il ne pouvait le cacher, la perspective d’obtenir une arme des fameuses Forges Empoisonnées de Riddleport n’était pas pour lui déplaire.

Mais la mission pouvait se révéler bien plus périlleuse que prévu. Si Barur avait vu juste et si Edgar avait bien retenu ses conversations avec Saul Vancaskerkin au sujet de la ville, le fait que ce soit des demi-orcs qui aient attaqué leurs précédents convois pouvait indiquer que le seigneur du crime derrière tout ça était Croat, le vendeur de muscle et d’acier comme on aimait le surnommer. Ce dernier n’engageait que ceux de son espèce pour faire son sale travail, et il était peut être peu judicieux de se mettre à dos un personnage aussi nuisible. Surtout après la visite d’un autre seigneur du crime au Gobelin Doré la semaine dernière.

Derrière sa visite d’apparente courtoisie et d’apaisement, la venue de Clegg Zincher ne pouvait signifier qu’une seule chose : la maison de jeu, son propriétaire et ses nouveaux employés étaient dans sa ligne de mire. Le seigneur du racket et du jeu n’avait proféré aucune menace, et ne les avait même pas suggérées, mais sa seule présence étendait une aura malsaine et inquiétante. De plus, cette scène éclaira le passé de Saul Vancaskerkin d’une toute autre couleur. Le petit homme avait eu droit au « pardon » de Zincher, ce qui poussa Edgar à le questionner plus en amont sur les raisons de ce pardon une fois le seigneur du crime parti. Et il apparut alors que Vancaskerkin travaillait jadis pour l'organisation de Clegg Zincher, avant que celui-ci n’exerce sa vengeance sur lui en faisant assiéger sa maison. Au cours de ce siège, un dramatique incendie se déclara, emportant sa femme et le jetant dans les bras de la milice de la ville, qui lui fit subir le châtiment réservé aux voleurs : la main droite tranchée. Saul Vancaskerkin s’était depuis peu à peu reconstruit et s’était juré que sa maison de jeu resterait toujours dans le droit chemin pour racheter ses fautes passées. La voix brisée du petit homme et sa tendresse lorsqu’il évoquait sa femme convainquirent alors le paladin de sa bonne foi et de sa réelle volonté de s’améliorer. Une autre mission digne d’intérêt finalement, que d’assurer sa rédemption à cette âme en peine.
Edgar d’Akhan se morigéna pour ces pensées couardes : il était venu aussi pour pacifier la ville, ou au moins contribuer à sa pacification. Et cette mission d’escorte, si elle pouvait mettre un terme à l’insécurité que faisaient régner les demi-orcs de Croat, allait totalement dans ce sens.

Edgar passa les deux jours suivant à se concentrer sur la mission à venir, tout en effectuant ses tâches au Gobelin Doré de la meilleure façon possible.
Le jour dit, à l’heure dite, le paladin avait traîné ses compagnes d’aventure chez les nains. Si Bart se montra exactement au moment du départ, comme à sa très étrange habitude, faire bouger Newt, qui avait toujours une dernière chose à faire, fut une réelle épreuve. Mais ils arrivèrent à l’heure, pour la plus grande satisfaction des nains.
Barur les accueillis devant les Forges, le visage découvert. Sa barbe oscillant entre brun et roux était maculée de tâches. Très certainement les résultats de ses innombrables expectorations dans ce masque si inconfortable qu’il portait habituellement. Si son regard était toujours aussi perçant, son corps légèrement vouté et son pas lourd mais légèrement retenu ne laissait guère de doute quant à son état de santé général. Larur lui avait parlé de cette fierté qu’avaient les nains à travailler aux Forges, des sommes inimaginables qu’ils y étaient payés, ainsi, malheureusement, que de leur faible espérance de vie, qui justifiait le salaire astronomique, à cause de la toxicité des gaz. Il devrait surement y avoir un moyen d’améliorer ces masques.

Interrompant ses interrogations, Barur donna le signal de départ de la petite carriole à quatre chevaux. L’équipage se composait de quatre nains, dont un cocher. Edgar insista pour s’asseoir à ses côtés, tandis que Newt grimpa sur le toit du véhicule. Bart, elle, maugréa quelque chose et se mit à suivre le convoi d’un pas rapide et décidé, son blaireau trottant à ses côtés.

La route jusqu’aux portes de la ville se fit sans encombres, comme attendu et ils ne tardèrent pas à emprunter la route sinueuse qui remontait vers le col.

***

Même si la Nature l’y avait envoyée, Bart détestait la ville. Les rues étaient sales et encombrées et même après nettoyage, le sol du Gobelin Doré collait encore. Fouler la terre de ses pieds nus lui apparaissait comme une bénédiction.
Le convoi avançait doucement, et la druidesse s'était un temps inquiétée du sort des chevaux, qui semblaient tracter une bien lourde charge. Mais les solides animaux de trait semblaient bien traités et ne paraissaient pas le moins du monde souffrir en avançant. Un bon point pour les nains.

Ils avançaient depuis deux heures maintenant, et il leur restait une grosse heure encore. La fille des bois aurait bien accompagné les forgerons sur l’ensemble du chemin, mais ceux-ci insistèrent pour continuer seuls. Ils tenaient d’ailleurs les pans du convoi bien fermés malgré le soleil à son zénith qui devaient transformer l’intérieur en véritable fournaise.
La végétation s’était lentement clairsemée, et désormais le chemin serpentait dans une sorte de petite cuvette bordée de pentes rocailleuses d’où émergeaient quelques rares herbes. Bart observait un merle arracher de son bec une de ces petites fleurs avant de s’envoler et suivit son vol des yeux. Et c’est là qu’elle le vit. Une silhouette massive affairée sur un rocher massif, surement un demi-orc qui cherchait à le faire tomber pour leur bloquer la route ou leur retraite. La Nature le lui avait montré. Même cette escapade faisait partie du chemin qui devait l’amener à celui ou celle qui était lié à la Tâche.

De sa voix éraillée elle prévînt le convoi
« Sont là. M’occupe de celui en haut »
Elle invoqua les puissances de la Nature et la faible végétation sur la pente se mit à croître dans des proportions folles, s’enroulant autour des jambes du demi-orc qui ne s’y attendait certainement pas.
« Bon, les autres, vous sortez ? »
Un autre demi-orc sortit d’un amas de rocher sur sa droite en brandissant une arbalète, un peu décontenancé d’avoir été appelé de la sorte. De ce qu’elle comprit, deux autres se positionnèrent devant la carriole.
« Bonjour messieurs les nains. Vous avez de la compagnie à ce que je vois. Nous venons pour récupérer votre chargement. Laissez-le nous et rentrez tranquillement à Riddleport vous reposer. On en prendra soin »
Bart perdit rapidement tout intérêt pour ce monologue, et même quand Edgar s’en mêla, elle n’écouta pas plus. Le paladin voulait toujours discuter d’abord, quelle perte de temps. Si la Nature les avait menés ici, ce n’était pas pour parlementer avec des demi-orcs.
Elle entendit le paladin descendre lourdement de son siège, le ton général monter et d’un coup, la voix fluette de Newt couvrir le brouhaha.
« Oh mais tu vas te taire, oui ? » et la gnome incanta quelque chose qui fit se tordre de douleur l’orc.
Enfin un peu d’action.
Bart détacha la sangle de sa faux et se tordit le bassin pour la récupérer par-dessus son épaule. Son mouvement lui permit d’échapper au carreau que l’orc à l’arrière venait de tirer dans la panique. Aussitôt, deux carreaux partirent dans sa direction depuis l’intérieur du chariot, le forçant à reculer.
« Maggie, va aider Edgar. »
Puis levant les yeux vers son adversaire qui semblait ne plus rien comprendre à ce qui lui arrivait
« Moi je me charge de celui-là ».

***

Ceux-là n’étaient pas venus pour négocier, définitivement, et Edgar s’était directement rué sur le chef pour couper court à la scène, profitant de l'attaque de Newt. S’il l’abattait, les autres se rendraient. Il avait tout d’abord dévié un carreau maladroit, et avait chargé son opposant, mais cette distraction lui avait donné le temps de se resaisir. Le demi-orc avait une force prodigieuse et maniait sa grande hache avec puissance. Le paladin avait bloqué le premier coup avec son bouclier et sentait encore l’onde de choc résonner tout le long de son bras. Et l’autre ne s’arrêtait pas, pilonnant son écu comme un forcené.

Edgar cherchait une ouverture, non pas dans la défense de son adversaire, celui-ci n’y pensant même pas, mais dans le formidable déluge de coups qui s’abattait sur lui. Le moindre instant d’inattention et la hache du demi-orc le tuerait à coup sûr.
Il craignait qu’à tout instant l’autre bandit ne le perce d’un carreau et d’un coup, au travers des coups de gong qui lui faisaient bourdonner les oreilles, il entendit un cri apeuré et le son d’une fuite. L’espace derrière le chef demi-orc s’était encombré mais il était impossible de discerner quoi que ce soit tant la masse de son adversaire emplissait toute sa vue.
L’ouverture vînt finalement, alors qu’Edgar sentait son bras faiblir, mais pas de la façon dont il s’y attendait. Une petite boule de haine se jeta sur son adversaire tous crocs dehors, lui déchirant méchamment le mollet.
Le blaireau.
Le paladin lui devait une fière chandelle, mais ne perdit pas de temps de remerciements. Il riposta immédiatement de toute ses forces, en un coup de cimeterre net et précis qui trancha la main droite de son adversaire juste derrière le poignet. Celui-ci s'effondra au sol sur le coup et s'évanouit.

Edgar se remit en position pour faire face à un nouvel adversaire mais à la place, il ne vit qu'un immense mammouth encombrant tout le chemin. Après un mouvement de recul dû à la surprise, il comprit. Newt et ses illusions. Elle aussi lui avait sauvé la vie en effrayant l'autre demi-orc. Finalement il devait une fière chandelle à ses deux compagnes de route.
Un carreau se perdit dans la masse fantasmagorique de la bête. Le dernier bandit, celui que Bart avait enchevêtré en rendant la végétation folle, avait complètement paniqué en voyant le mammouth et, ne pouvant fuir, tirait autant qu'il le pouvait.

Le paladin posa son regard sur son formidable adversaire, désormais au sol dans une marre de sang.
"Bart, tu peux t'occuper de lui ?
"Pas besoin, il va mourir tout seul.
"Justement, pour l'empêcher de mourir. Nous devons le remettre à la garde de Riddleport."
La fille des bois grogna quelques mots de mécontentement mais obtempéra malgré tout, récupérant dans ses sacoches de quoi faire un cataplasme et enroulant le moignon dans un bout de tissu déchiré, avant d'attacher les deux bras ensembles avec une corde.
Edgar, lui, gravit la pente pour se rapprocher du dernier demi-orc encore debout, après avoir demandé à Newt, qui paraissait fort amusée par la réaction de ce dernier, de couper court à son illusion.
"Toi, pose ton arbalète et il ne te sera fait aucun mal"
Encore sous le choc de la scène qui s'était déroulé sous ses yeux, l'oeil hagard et la main tremblante, le bandit obtempéra.
"Bien. Tu vas aller dire à ton chef ce qu'il s'est passé, et que désormais les nains sont protégés. Toute attaque à leur encontre sera sanctionnée avec la plus grande fermeté"
Le malandrin hocha la tête en guise de signe de compréhension et Edgar se retourna vers les autres.
"Bart, libère-le"

***

Le trajet jusqu'au col se termina sans encombres. Bart ne comprenait toujours pas pourquoi le paladin avait absolument voulu sauver et emmener le gros à la hache. Il prenait de la place et comme les nains n'en voulait pas dans la carriole, ils avaient dû le charger sur un cheval, qui avait henni de mécontentement.

Et pourquoi libérer le dernier ? Il aurait été plus simple de tous les tuer, cela aurait pris moins de temps et moins de peine. Edgar était gentil mais il avait tendance à imposer ses idées. Trop optimiste. Ca allait lui jouer des tours, c'est sûr.
Lorsqu'ils arrivèrent au col, les nains s'arrêtèrent et les remercièrent. L'un d'entre eux sortit de la carriole un cimeterre et le tendit au paladin.
"En remerciement de votre aide"
Edgar semblait émerveillé par l'arme et Bart se demanda s'il n'allait pas se mettre à pleurer. Typique. Celui là ne tiendrait pas 2 jours tout seul dans la forêt. Il finirait massacré par un ours auquel il aurait essayé d'expliquer les vertus de la civilisation.

Mais ce que la fille des bois avait vu lorsque les nains avaient entrebâillé les pans de tissus était déjà plus digne d'attention. Les armes entreposées dedans reflétaient la lumière d'une façon particulière, qu'elle n'avait un qu'une seule fois chez un chasseur d'un genre particulier. Des armes tout faites d'argent.
Tandis qu'elle s'interrogeait sur les implications de sa découverte, Edgar récupéra le bandit toujours inconscient. Newt réagit aussitôt
"T'as vu ma taille, je peux pas t'aider à le porter".
Devant le regard de chien battu de son compagnon de route, Bart répondit de la seule manière qu'elle envisageait.
"Tu as voulu le garder en vie, tu le transportes."

Modifié par un utilisateur samedi 12 août 2017 18:26:54(UTC)  | Raison: Non indiquée

Au nom du Corebook, du Bestiary et du Holy d20
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Offline Oysterlover  
#3 Envoyé le : jeudi 10 août 2017 18:42:15(UTC)
Oysterlover
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Troisieme chapitre, qui était vraiment complexe à écrire (ça fait un mois ou presque que je suis dessus, et je le sors plus pour éviter la spirale de la frustration que parce qu'il est pleinement satisfaisant) vu la masse d'informations a y mettre. Une partie sans aucun combat, que du contexte et de la progression narrative. Mes joueurs étant du genre à ne pas foncer tête baissée, j'ai dû pas mal improviser.

Livre 1, chapitre 3 : Inuquietudes
Au cours des jours qui suivirent leur expédition avec les nains, Newt et ses compagnons comprirent le sens des paroles de Saul. Plusieurs fois, des demi-orcs entraient dans le Gobelin Doré avec pour seul objectif de se battre, de casser du matériel et de blesser des employés. Croat leur faisait payer la protection des nains, et trois croupiers et une serveuse en avaient déjà fait les frais. Le service d’ordre, déjà renforcés après la visite de Zincher, avait dû encore être renforcé par Edgar qui prenait son rôle de garde de plus en plus à cœur. Trop peut-être, et sa façon d’évacuer les fauteurs de trouble laissait transparaître une exaspération qu’elle ne lui connaissait pas. L’atmosphère était tendue et tous les employés le ressentaient. Même si Newt tentait de garder le sourire, depuis une semaine, tout était différent : les gestes plus brusques, les remarques plus acerbes, même ses blagues étaient devenues plus de piques que de simples bons mots. L’arrivée de chaque client laissait une seconde de tension sur ses intentions.

Pour ne rien arranger, c’est à ce moment-là que Newt remarqua l’étrange habitude de certains clients, qui disparaissaient de longues heures au sous-sol avant de remonter sans jamais rien consommer. Bart avait également vu ce manège étrange et a finalement envoyé son blaireau voir ce qu’il se passait. Les deux partageaient une sorte de lien qui permettait à la fille des bois de ressentir ce que son animal ressentait et le résultat la mit dans un état de profonde colère. Et si la druidesse était déjà au naturel de même à faire faire un détour au péquin moyen, la voir dans un tel état de rage était à même de souiller quelques chausses. Il fallut à nouveau toute la diplomatie d’Edgar pour l’empêcher le réduire le Gobelin Doré en allumettes et tuer tous ses occupants. Le paladin, déjà poussé à bout par les incursions des hommes de Croat, prit encore sur lui de calmer la fille des bois que Newt préférait tenir à distance. Avec une dizaine de personnes et trois tables entre elles, par sécurité. Une fois Bart calmée, elle s’enquit de comprendre ce qui l’avait mis dans un tel état. Elle ne put que marmonner quelques mots entre ses dents serrées alors que ses tremblements de rage se calmaient à peine.
« Combats d’animaux… enfoirés »

Devançant l’intention de Bart, Edgar monta dans le bureau de Saul à sa place en lui fermant la porte au nez. Il en ressortit quelques minutes plus tard, avec les excuses du petit homme à la main tranchée et la promesse que, s’il ne voulait pas totalement interrompre les combats d’animaux qui étaient l’occupation principale de Bojask et qui permettaient de drainer une clientèle qui rapportait gros, ils seraient limités dans le temps et s’arrêteraient avant la mort d’un combattant, avec assurance qu’ils seraient soignés. Il ne laissa cependant pas Bart examiner les bêtes, ce qui maintient une lueur de colère dans l’œil de la druidesse. Le genre de lueur qui n’a rien pour rassurer. Le genre de lueur qui, en général, est le signe qu’à nouveau, dix personnes et trois tables sont une distance de sécurité à peine satisfaisante.


Mais heureusement dans tout ce marasme qui commençait à attaquer durablement le moral de la jeune gnome au point de lui faire reconsidérer son avenir aux tables de jeu du Gobelin Doré, arriva une lueur d’espoir, sous la forme d’une elfe au visage tatoué de runes.
Samaritha, c’était son nom, était venu à Riddleport pour étudier la magie au sein de l’Ordre des Glyphes et s’était prise de passion pour la Tâche. Elle avait expliqué avec un aplomb désarmant qu’elle attendait qu’un des mages de l’Ordre ne la prenne en tant qu’élève et que, pour mettre un peu d’argent de côté en attendant, elle avait décidé de venir travailler au Gobelin comme serveuse. Un simple coup d’œil en direction de Saul fit comprendre à Newt que l’elfe venait de gagner son embauche sur son simple physique. Tellement masculin comme réaction. Tellement idiot. Mais bon, se dit-elle, cela ferait toujours quelqu’un qui parlerait enfin de magie, un progrès, même avec un mage, même avec un mage en devenir…

Et Samaritha se révéla une serveuse tout à fait capable, à la bonne humeur communicative qui remettait un sourire sur les lèvres de Newt, et capable de répondre aux mains baladeuse par de petites espiègleries magiques qui était tout à fait du goût de la jeune gnome : chute de la pinte de bière posée sur la table sur les chausses, tirage magique de poils de barbe, dévoilement de la main de carte à toute la table,… De quoi redorer l’image des magiciens à ses yeux, et quitte à en côtoyer une, autant en côtoyer une qui ne soit pas de ces types coincés, persuadés que leur savoir les rends tellement supérieurs à tout le reste du monde. Leur savoir… pfff… Newt n’avait pas eu besoin d’études pour obtenir ses pouvoirs. Alors se pavaner d’avoir passé des années à ne serait-ce que les parodier, sérieusement… Mais bon, une qualité de plus à mettre sur le compte de leur nouvelle serveuse.

Et surtout, surtout, Samaritha fascinait Bart. Pas parce qu’elle était l’exacte inverse de la fille des bois, mais par ses connaissances sur la Tâche. Bart pouvait l’écouter en parler des heures, et cela la distrayait de sa haine envers les combats d’animaux, de sa colère envers Saul et de sa mauvaise humeur générale. La citadine elfe était certainement venue par le pouvoir de la Nature ou quelque chose dans le genre. En tout cas, elle était devenue le principal centre d’intérêt pour la druidesse. Elle la pressait, avec son économie de mots habituelle de questions au sujet de la Tâche, questions auxquelles la magicienne répondait avec entrain. Et Newt s’approchait souvent pour écouter. Parce qu’il fallait l’avouer : elle aussi éprouvait une sorte de curiosité pour la Tâche. Rien que le fait que tous les habitants de la ville ou presque aient fini par trouver ça normal était déjà le premier élément étonnant dans tout ça.
Assez rapidement, Samaritha leur parla d’une histoire qui circulait parmi les étudiants de l’Ordre des Glyphes : un des mages avait prédit la venue d’un évènement au-dessus de Riddleport quelques jours avant l’apparition de la Tâche. Ledit mage, qui s’appelait Blaky ou quelque chose approchant, Newt n’avait jamais eu la mémoire des noms, avait fini par s’envoler pour étudier de près le phénomène. Voler. Ce mage devait être bien plus puissant que les grouillots que la gnome avait vu dans sa vie. Peut-être elle aussi pourrait-elle voler un jour. On disait par chez elle que les gens munis de pouvoirs pouvaient les voir évoluer avec le temps, s’amplifier, et de nouvelle capacité surgir au gré des expériences de la vie. Alors voler… Voilà qui serait intéressant et qui ouvrirait des possibilités folles. Perdue dans ses pensées, Newt eut du mal à suivre le fil, et dû redemander à Bart le soir de lui expliquer. Blakely, parce qu’il s’appelait Blakely en réalité, avait traversé la Tâche et avait senti un froid mordant alors qu’il avait l’impression de traverser une immense étendue sombre à toute vitesse. Il était depuis parti vers Magnimar faire part de ses découvertes aux mages de la ville.


Le fait que Bart se soit concentrée sur les histoires de Samaritha n’eut cependant pas que des bons côtés. Son attention s’était relâchée et elle ne tenait plus son rôle de détecteur de triche aussi proprement que d’habitude. C’est ainsi que deux soirs après l’arrivée de l’elfe, un des croupiers que Newt avait embauché, un jeune humain nommé Rickard très gentil et soucieux de bien faire, se fit prendre dans une arnaque bien élaborée par un vieillard volubile.
Le pauvre Rickard se sentait au plus mal d’autant que le même soir Edgar avait dû à nouveau évacuer un homme de Croat de manière musclée, et ce soir-là le Gobelin Doré finit avec un trou de caisse de l’ordre de 50 pièces d’or. Par contre, est-ce que Bart ou même elle auraient pu voir l’arnaque du vieillard, difficile de le savoir. Bart peut être pas, mais Newt était persuadée qu’elle ne se serait pas laissé avoir. Même par un vieux qui agitait les bras partout pour détourner l’attention. Surtout par un vieux qui agitait les bras partout en réalité. Edgar, encore sous le stress de son intervention avec le demi-orc de la soirée, avait pressé le jeune de question pour obtenir une description du vieux, sans se rendre compte que Rickard était sur le point de pleurer pendant tout l’interrogatoire. Les capacités d’empathie d’un mur de pierre celui-là. Et comme Bart s’en foutait totalement et tenait à nouveau la jambe de Samaritha sur son sujet de prédilection, ce fut à Newt qui dut remonter le moral du croupier malheureux. Valait mieux, dans un sens, vu qu’elle était la seule des trois munie de compétences sociales fonctionnelles. Mais quand même, se faire prendre 50 po par un vieillard, ça fout un peu la honte.

*****

La gnome ne semblait pas saisir toute la gravité de la situation. Non seulement un des seigneurs du crime de la ville leur avait clairement signalé qu’il les avait dans sa ligne de mire mais un second leur avait désormais déclaré une guerre larvée. Croat envoyait ses sbires régulièrement pour altérer la réputation du Gobelin Doré. La situation était grave, et Edgar ne savait comment la résoudre pacifiquement. En attendant il devait garder la tête froide. Tous les demi-orcs qui entraient n’étaient pas des envoyés de Croat, mais tous les envoyés de Croat étaient des demi-orcs. Et le paladin finit rapidement par devenir méfiant de tout demi-orc franchissant la porte, les surveillant avec insistance et intervenant au moindre signe de désordre.
Certains, réfutant tout lien avec le marchand de muscles, s’offusquaient et criaient même au racisme, jurant de ne jamais revenir à la maison de jeu dans ces conditions. Mais ils ne comprenaient pas que dans cette situation exceptionnelle, il était normal de suspecter tous ceux correspondant la description des fauteurs de trouble, quitte à les innocenter rapidement. Les autres n’arrivaient pas à saisir l’idée qui dirigeait Edgar dans son maintien de l’ordre au sein du Gobelin. Et si perdre une petite frange de la clientèle était le prix à payer pour en assurer sa sécurité, alors qu’il en soit ainsi.

Rapidement, en plus de Bojask, qui ne pardonnait pas à Edgar d’avoir intercédé auprès de Vancaskerkin pour réduire sa petite affaire de combats d’animaux, Larur, les autres gardes, le petit personnel y compris la nouvelle arrivée elfe qui semblait pourtant bien plus intelligente que le reste, et même certainement ses deux compagnes d’aventure finirent par regarder ses expulsions manu militari d’un mauvais œil. Seul Saul semblait le comprendre et le soutenir, même lorsqu’il expulsa un demi-orc dont le geste de violence supposé ne se révéla être qu’un geste d’humeur après une série de mauvaises mains. Il fallait protéger le Gobelin Doré, quitte à se mettre à dos quelques clients. Si cela décourageait les entreprises de Croat à son égard, cela en valait la peine. Vancaskerkin avait décrété le Gobelin Doré comme étant une zone sûre, et c’était à lui, Edgar d’Akhan, de s’assurer que cette promesse était tenue. C’était sa garantie pour assurer la rédemption de son propriétaire, Sarenrae veillait là-dessus. Et après tout, l’ire de Croat provenait de leurs actions à tous les trois, lorsqu’ils escortèrent les nains. Un geste noble à n’en point douter, mais dont il fallait assumer les conséquences. Et protéger la maison de jeu était l’une d’entre elle.


L’immense tâche d’Edgar fut interrompue par Larur, qui aborda le petit groupe un après-midi avant que le gros de la clientèle n’arrive.
« J’aurais un petit boulot pour vous »
Cela impliquait de laisser le Gobelin Doré avec une équipe sécurité amoindrie, délaisser son poste était une très mauvaise idée, surtout que la veille même il avait fallu évacuer deux demi-orcs particulièrement virulents. A nouveau, ce fut Newt qui provoqua la décision, en imposant sa volonté avant que quiconque ne puisse parler.
« Oh oui, ça nous changera un peu
« Rien de bien compliqué. Je dois finir la comptabilité et il faut que j’aille payer un fournisseur. Vous pouvez aller payer Arnando Rolf à la Maison Du Tavernier ? »
Il sortit une bourse bien pleine et la tendit en direction de la gnome qui s’effaça, laissant le bras tendu du nain pointer droit sur Edgar.
Celui-ci s’apprêter à décliner poliment la proposition du nain lorsque sa décision fut à nouveau forcée, par Bart ce coup-ci.
« Fera pas de mal de prendre l’air, donne ».
Les deux femmes ainsi que l’irascible blaireau se dirigeaient vers la sortie quand le paladin les rattrapa
« Je vous escorte »
Les dangers des rues de Riddleport lui semblait dans l’immédiat une menace bien plus tangible qu’un éventuel demi-orc mal intentionné. Et le trajet ne prendrait pas plus d’une heure.


La Maison du Tavernier était visible depuis les quais à l’arrière du Gobelin Doré, et seule l’embouche du fleuve Velashu les séparait. Ce qui impliquait de faire un détour de quinze minutes pour passer par le bac plus au nord. Durant ce trajet, tout attisait la méfiance. La ville de Riddleport, bien que plus sûre depuis l’ascension de Cromarky au pouvoir, avait gardé sa réputation de coupe-gorge. Chaque passant qui vous bousculait pouvait être un pickpocket ou pire, un assassin adepte du poison. Chaque mendiant pouvait attendre la moindre seconde d’inattention de votre part pour vous voler, chaque enfant pouvait être l’informateur de quelque voleur local. Et en approchant du bac, Edgar repéra un demi-orc qui marchait derrière eux depuis quelques minutes, d’un pas nonchalant. Il ne semblait pas forcément les rattraper ni même se faire distancer. Ce qui était déjà un premier élément louche. Et les plis de sa cape trahissaient de manière évidente la forme d’une arme courte.
Certainement un homme de Croat. Mais il ne pouvait le charger comme cela dans la rue. Cela serait contraire à toute loi. Edgar fit part de ce qu’il avait vu aux deux autres, qui l’ignorèrent copieusement.
« Tu t’inquiètes de trop, Edgar, détends toi »
Le paladin vérifia l’accroche de sa bourse, et la fit passer sous sa cuirasse afin d’empêcher tout happe-bourse de la lui voler aisément.

Arrivé au bac, le demi-orc s’assit dans la même barque qu’eux, sans leur prêter la moindre attention. Edgar ne le quitta pas des yeux de toute la traversée, guettant le moindre mouvement suspect. Mais l’autre était soit totalement innocent, soit tout à fait capable de dissimuler ses intentions car il ne fit aucun geste brusque en leur direction, se contentant de regarder en direction de l’embouche du fleuve. Et du Gobelin Doré, dont on voyait dépasser le dôme.

Une fois sur l’autre rive, ils prirent tous trois la direction du sud, et à nouveau le demi-orc leur emboîta le pas. Cette fois, c’en était trop. Au bout de quelques minutes de ce manège, Edgar s’arrêta brutalement, sous le regard interloqué de Bart et de Newt, prêt à faire face à leur poursuivant s’il venait à s’arrêter également. Mais celui-ci n’en fit rien, et les dépassa du même pas nonchalant en leur adressant un petit signe de tête.
« Tu es devenu complètement parano mon pauvre. »
La remarque de Newt claqua comme un coup de fouet. Et si elle avait raison ? Et si ils avaient tous raisons ? Et si vivre dans la crainte continuelle d’une attaque de Croat l’avait véritable rendu paranoïaque ? Prompt à interpréter le moindre signe comme une menace, et à répondre de manière disproportionnée ?
Pas totalement.
Peut-être avait-il surréagit ce coup-ci, mais sa méfiance avait permis d’étouffer dans l’œuf un nombre incalculable d’esclandre et de bagarres. Sa « paranoïa » avait permis de garder le Gobelin Doré sûr et garanti la santé de tous. Y compris celle de Newt.
Il bredouilla des excuses maladroites en direction de la gnome avant de reprendre sa route jusqu’à leur destination


D’extérieur, la Maison du Tavernier était une solide bicoque aux dimensions impressionnantes dont le porche était surmonté d’un panneau faisant figurer une chope de bière. Difficile de se tromper de lieu. A l’intérieur, c’était un endroit bruyant de chants, de musique et de pintes qui s’entrechoquaient. Un lieu débordant de vie qui tranchait avec la morosité de la ville au dehors.
Edgar se faufila un chemin au travers des clients qui buvaient et dansaient pour atteindre le comptoir, où s’adressa à l’imposant tenancier, un homme dans la force de l’âge aux bras puissants qui s’adressa à lui au travers de sa barbe grisonnante de la voix forte et tonnante qui s’imposait pour travailler dans un tel lieu.
« Qu’est-ce que je te sers, noble paladin ? »
Interloqué de s’être vu démasquer aussi simplement, Edgar se ressaisit pour annoncer le but de sa visite.
« Tu pouvais pas mieux tomber mon gars » rigola le barman « c’est moi Arnando Rolf. Ce bon vieux Larur t’envoie donc payer ses factures donc »
Il prononça les derniers mots en faisant le signe des guillemets de ses doigts, ce qui intrigua au plus au point le paladin alors qu’il tendait la bourse à Rolf. Celui-ci brisa le sceau qui la scellait, l’ouvrit en grand avant de déverser sur le comptoir… un tas de graviers. Rolf les compta méthodiquement.
« En voulez pas au vieux Larur. L’est devenu méfiant. On a un accord quand il veut tester ses coursiers. Il me les envoie avec un sac de 47 gravats pour tester leur loyauté. Fait pas la gueule mon bon paladin. Tu viens de prouver ta valeur »
Vexé que sa probité ait ainsi été remise en question par le nain, Edgar détourna la tête pour apercevoir, à une table non loin de là, une choppe à la main, le demi-orc qui les suivait au niveau du bac.
« T’as l’air soucieux mon gars. Allez, je vous offre une choppe pour la peine. Remerciez Cayden Caileän. »
Rolf tira trois pintes et les posa devant eux avant d’entonner à haute voix un chant dédié au Dieu des Aubergiste et des Voyageurs qu’il avait mentionné. Newt, prise par la mélodie entrainante du chant, se mit rapidement à le suivre en fredonnant. Le demi-orc la chantait aussi avec entrain.

La bière était épaisse et douce, légèrement liquoreuse et sans amertume avec une pointe d’épice qui la rendait délicieuse et dès la première gorgée, Edgar sentit comme un poids s’envoler de ses épaules. Un instant, il cessa de s’inquiéter du demi-orc, de Croat, des doutes sur son honnêteté. Son regard se leva au-dessus du bar où trônait fièrement le même symbole qu’à l’entrée : une immense chope de bière. C’est là qu’il comprit. La Maison du Tavernier n’était pas une taverne. Enfin pas QUE une taverne. C’était un temple dédié à Cayden Caileän, et le chant de Rolf était une prière adressée au Dieu Fortuit. Ce qui faisait de Rolf, à ne point en douter, rien de moins que le grand prêtre du temple.
Ce dernier lui sourit et sitôt la chanson-prière terminée, s’accouda au bar pour s’adresser au paladin
« Je ne connais rien qu’une bonne chope en bonne compagnie ne saurait améliorer, mon p’tit gars. Reviens quand tu veux, tu seras toujours le bienvenu, je vois que tu as besoin de détente. Sur ça je peux faire quelque chose. Mais rappelle à Larur qu’il doit toujours me payer deux tonneaux d’ale. »

*****

Ce culte de Cayden Caileän avait vraiment plu à Newt. Un Dieu que l’on célèbre en chantant et en faisant la fête, au fond, que demander de plus ? Bart avait eu l’air d’apprécier aussi, c’est-à-dire que son visage s’était fendu d’un rictus que l’on pouvait assimiler à une ébauche de sourire. Et dans le référentiel de cette femme, uniquement battue par son blaireau pour ce qui en était de la mauvaise humeur perpétuelle, c’était déjà énorme. Entre cette visite à la Maison du Tavernier et l’arrivée de Samaritha, il y avait de quoi espérer la voir heureuse dans de brefs délais. Disons deux ou trois mois.

Edgar s’était déridé aussi mais sa mine s’était renfrognée dès qu’ils étaient sortis de la Maison. Indécrottable, celui-là. Savoir que Larur avait testé son honnêteté lui semblait presque une insulte. Pourtant c’était normal. Dès leur retour, le paladin s’était dirigé vers le gérant. Newt eu peur une seconde que cela soit pour déverser toute sa frustration et son ressenti, mais non, il était resté calme et avait simplement demandé au nain ce qui l’inquiétait au point de devenir méfiant à ce point…
Un petit miracle tout de même, de voir Edgar retirer à la fois les œillères et le balai qu’il portait à deux endroits diamétralement opposés de son corps. Peut-être que finalement, la visite chez Rolf l’avait plus apaisé qu’elle n’avait pu le croire.

De sa voix grave, Larur répondit, non sans une pointe d’étonnement
« Ca fait quelques temps que je remarque qu’il y a des trous dans la caisse. Pas que les 50po de la dernière fois ou quelques petits vols. Des pertes plus grosses, et mieux cachées. Bref y a quelqu’un ici qui pique dans la caisse. Et pas qu’un peu. Le Gobelin peine à joindre les deux bouts chaque semaine à cause de ça alors qu’on devrait rouler peinard. C’est pour ça que je voulais vous tester. J’ai besoin de personnes de confiances. Me suis dit qu’un paladin devrait faire l’affaire mais, hé ! on est jamais trop prudents »

Newt fit un point mental sur qui pouvait bien avoir piqué dans la caisse : bon, déjà on pouvait enlever Larur des suspects sinon il n’aurait jamais parlé de cela. Saul également, à moins que… s’il cherchait à s’enrichir personnellement après tout, c’était une solution comme une autre. Il avait l’air honnête et sincèrement volontaire dans sa rédemption, si on en croyait Edgar, mais il était impossible de le rayer aussi facilement de la liste des suspects. Par contre, le paladin et Bart on pouvait les oublier tout de suite. Le premier préférerait surement se couper un bras plutôt que de voler une pièce de cuivre. Alors monter une opération de détournement entière, franchement… Bart elle, Newt l’imaginait totalement se servir sans remords dans des caisses mal gardées, mais de façon frontale, sans s’occuper des conséquences et très certainement en étant persuadé que la Nature le lui avait demandé d’une façon ou d’une autre. D’ailleurs, Newt se demandait souvent comment elle comprenait ces « commandes » de la Nature. Voyait-elle des petits signes invisibles qu’elle interprétait à sa sauce ? Ou est-ce qu’elle comptait les puces sur le dos de son blaireau pour y lire on ne sait quel augure ? Parce qu’une chose était sûre, cette histoire de nature n’était pas une justification bien pratique inventée par la fille des bois. Elle y croyait dur comme fer et agissait parfois d’une manière qui lui déplaisait pour se conformer à ce que la Nature lui demandait. Elle ne serait d’ailleurs déjà jamais venue à Riddleport sans cela.

Où en était-elle ? Ah oui, les disparitions d’argent au Gobelin Doré. Pas Bart non plus. Samaritha ? Elle en avait l’intelligence, mais elle n’était pas là depuis bien longtemps et…
« Et depuis combien de temps avez-vous remarqué cela, Larur »
Apparemment, Edgar en été arrivé à la même question.
« J’ai commencé à avoir des doutes il y a trois ou quatre semaines, mais j’en suis sûr depuis peu. C’est pour ça que je voulais vous tester en priorité, vous êtes presque parmi les plus vieux ici, mine de rien »
Bojask était plus vieux. Bojask était désagréable, toujours absent, souvent bourré. Une couverture quasiment parfaite en fait. Le plus crédible comme suspect au final. Il était proche de Saul, présent depuis longtemps, capable de se promener dans le Gobelin discrètement et pouvait se couvrir facilement avec sa détestable affaire de combats d’animaux.
Restait Hans, le seul garde à être resté depuis leur arrivé. La gnome ne pouvait l’imaginer en fourbe voleur trafiquant des comptes mais… elle ne le connaissait pas finalement. Oh et puis bon, à quoi cela servait-il de faire un inventaire des suspects comme cela. Elle était innocente, Edgar, Bart et Larur très probablement aussi, les autres non. Voilà, simple et efficace, du d’Akhan dans le texte.

Mais mine de rien cette histoire de vol dans les comptes devait la tracasser plus que de raison. Sinon elle aurait compris le manège de ce marin tatoué de partout qui était venu à sa table ce même soir. Pas très bavard, assez renfrogné devant sa bière et concentré sur son jeu. Un marin classique. Trop classique en fait. Ce n’était pas un marin, c’était ce qu’elle imaginait en pensant à un marin. Mais ça, Newt ne l’a compris qu’après. Mais il y avait certainement eu des signes qu’elle avait loupé. Personne n’est bon à ce point. Le marin a quitté la table avant un nouveau tour, alors qu’un autre joueur était parti se resservir, ou aux toilettes, peu importe, et s’est dirigé droit vers la caisse pour els échanger avant de partir.
Et au retour de l’autre joueur, la surprise, son compte de jeton avait été amputé d’un bon tiers alors qu’il menait largement le jeu. Vingt-cinq pièces d’or envolées à nouveau. Et Bart ne surveillait pas cette table à ce moment-là. Le temps de prévenir Edgar et que celui-ci se rue dehors, le marin avait disparu. Ou plutôt s’était changé : une partie de ses vêtements et son galurin furent retrouvés jetés dans une contre allée juste à côté du Gobelin Doré par le paladin.

De quoi se sentir bête. D’autant qu’évidement, Edgar est rentré pour la presser de questions auxquelles elles ne savaient pas répondre. Au moins elle savait ce que Rickard avait ressenti, même si son ami était moins inquisiteur dans ses questions. Newt tentait au mieux possible de se refaire une image mentale du voleur mais à part « un marin » elle ne savait pas vraiment le décrire. En même temps elle n’était pas physionomiste, avait une mauvaise mémoire des visages et pour une gnome, désolé, mais rien ne ressemble plus à un humain qu’un autre humain alors vous dire la forme de son nez et la taille de ses oreilles… Jusqu’à ce qu’on en arrive à son tatouage à l’intérieur de l’avant-bras. Un tatouage de pirate, le crâne et les deux tibias, mais les tibias étaient comme marqués au fer rouge. Newt s’en rappelait car elle pensait au début que c’était l’homme qui avait été marqué.
Saul, qui était descendu et assistait à la scène, se prit la tête entre ses mains.
« Il ne manquait plus que ça. Beltias…
« Qui ?
« Beltias, Beltias l’Indigent, un petit escroc très doué pour le déguisement que personne n’a jamais pu attraper. Je sais qu’il pique en général dans les caisses d’Avery Slyeg et qu’il a une troupe de faux mendiants à ses ordres »
Edgar, forcément intéressé par la cartographie criminelle de Riddleport, demanda plus de détails, mais Saul n’en avait que peu.
« Depuis que je suis revenu, j’ai entendu des rumeurs. Slyeg cherche à le débusquer mais n’arrive pas à mettre la main dessus. Je dirais plutôt que Cromarky le retient pour éviter un bain de sang, mais bon… Si on se retrouve avec Beltias sur le dos en plus de Croat et Zincher, on est vraiment mal. Ce gars est une plaie, il est insaisissable. J’ai l’impression que tous les criminels de la ville se sont ligués contre nous. »
Le désespoir de Saul était palpable et Newt, devant la totale indifférence d’Edgar, trop occupé à combattre le crime dans sa tête, et de Bart, qui ne devait pas comprendre assez les gens pour avoir remarqué quoi que ce soit, elle lui tapota doucement l’épaule pour essayer de le réconforter.
« La prochaine fois, on l’attrapera Saul, j’en suis sûre »
Le regard que Saul lui renvoya lui fit bien comprendre qu’il n’en croyait pas un mot, mais appréciait le geste.

La soirée se finit sur un air morose. Plus personne n’avait de cœur à l’ouvrage et la gnome partit se coucher déçue et contrariée. Elle s’en voulait de s’être laissée flouée par l’Indigent et le prenait comme une insulte personnelle. Le sommeil se fit capricieux, et peuplé de cauchemar où toute personne qu’elle croisait se transformait en marin renfrogné au tatouage étrange.

Newt se réveilla le lendemain en espérant que cette nouvelle journée amènerait de meilleures nouvelles et un peu de réconfort. Il en fut tout autrement.
Saul cherchait Larur, mais Larur n’était pas là, et il envoya rapidement les trois compagnons chez le nain pour s’enquérir de son état. Mais son petit appartement était fermé, et ne présentait pas le moindre signe de vie. Edgar décida donc de retourner au Gobelin Doré pour refaire le dernier trajet connu du Larur et tenter d’y trouver un indice. Et le propriétaire de la maison de jeu changea ce plan.
« Il n’est pas rentré immédiatement chez lui hier, il est d’abord passé chez Smeed payer une partie de nos dettes.
« Smeed, le prêteur sur gage ? » Edgar avait mémorisé tous les noms des habitants de Riddleport de toute évidence.
« Celui-là même, j’avais eu besoin de lui emprunter de l’argent, et Larur devait lui remettre notre premier gros remboursement, cinq cent pièces d’or, hier soir. Vous devriez aller voir par là »
Et évidemment, un type qui s’appelle Lymas Smeed vit forcément dans une maison décrépie d’un quartier mal famé situé à distance raisonnable du Gobelin Doré.
Comme à son habitude, Edgar prit l’initiative de toquer à la porte sans demander l’avis de personne et une fente coulissa pour laisser entrapercevoir deux yeux vitreux.
« Vous venez emprunter ou rembourser ?
« Ni l’un ni l’autre mon brave. Voyez vous, nous recherch… »
La fente se referma aussitôt en un claquement, et Newt imagina la même claque se produire sur l’égo délicat du paladin. Qui retoqua de plus belle…. Et se fit rembarrer aussi sec évidemment.
« Défonce pas la porte tout de suite, on a qu’à faire le tour de la maison voir ce que l’on trouve »
Pour une fois que la voix de la raison était la sienne…

Et faire le tour de la maison fut une bonne idée, puisqu’ils trouvèrent, jetée en vrac dans un tas de déchets, une cape ensanglantée ressemblant à s’y méprendre à la cape verte de Larur. Elle y ressemblait jusque dans les initiales brodées sur le revers du col : LF. Une bien mauvaise nouvelle qui se transforma en très mauvaise nouvelle quand le blaireau dénicha non loin de là une sorte de dague très effilée tâchée de sang. Celui de Newt se glaça dans ses veines.
« Vous pensez que… que quelqu’un l’a… »
« Ptet, ouais. Ou alors il est juste salement blessé »
Merci Bart. Toujours la première pour rassurer les gens.
« Mais si la cape est ici…. Alors ça veut dire que…
« Ca ne veut rien dire du tout, Newt. Tout le monde pourrait l’avoir laisser ici, ou Larur s’est fait attaquer en arrivant vers la maison. Mais si Smeed le retient prisonnier, alors nous devons trouver un moyen de rentrer
« On a qu’à défoncer la porte, maintenant.
« Non, la moindre patrouille nous arrêterait, et à raison, surtout si Smeed est innocent. Il faut trouver une solution
« Mouais. C’est plus simple en défonçant la porte quand même»
Malgré son état de panique, Newt esquissa un sourire en voyant la fille des bois perdue dans les méandres des raisonnements d’Edgar.

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Modifié par un utilisateur vendredi 11 août 2017 09:33:11(UTC)  | Raison: Non indiquée

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#4 Envoyé le : jeudi 10 août 2017 18:43:21(UTC)
Oysterlover
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Ndr : vu la taille du chapitre, J'ai dû le scinder en deux posts. Ceci est le second


Les filles étaient perdues, et Edgar tentait de garder une figure droite pour cacher qu’il l’était probablement autant qu’elles. Mais si Newt a eu raison aujourd’hui, ce fut un peu auparavant quand elle l’avait empêché de répondre violemment à l’exécrable prêteur sur gages. En revenir à la violence ne résoudrait rien. Soit Larur était mort, soit il était blessé et probablement retenu captif quelque part. Dans tous les cas, s’en prendre à Smeed sans assurance qu’il y était pour quelque chose ne ferait que jeter de l’huile sur le feu. Surtout si Smeed était en cheville avec un seigneur du crime. Le Gobelin Doré s’était attiré suffisamment d’ennemis comme cela, inutile d’en rajouter.

Alors qu’il réfléchissait, une idée germa dans sa tête.
« Retournons au Gobelin Doré, j’ai une idée
« Tu défonces pas la porte alors ? »
Bart était difficile à dévier quand elle avait une idée en tête. Mais non, cette partie de l’enquête pouvait se jouer sans violence.
« On n’en aura pas besoin »
Si la fille des bois semblait contrariée, Newt elle semblait soulagée que le paladin ait pris les choses en main. Aussi fantasque qu’elle était, cette petite restait impressionnable quand cela touchait une personne qu’elle connaissait.
De retour à la maison de jeu, Edgar fit son compte rendu à Vancaskerkin qui l’écoutait avec attention.
« Vous auriez tout de même dû aller voir à l’intérieur, tant pis pour sa porte. Si Larur est toujours en vie comme vous l’espérez, il ne faut pas tarder. Et sinon… sinon… Sinon il est temps de le venger !
« On aurait dû défoncer la porte »
Bart ne semblait pas avoir digérer qu’après avoir calmé l’ire initiale du paladin, défoncer la porte était devenue la solution la plus simple. Edgar rebondit sur son idée.
« Excusez-moi, M.Vancaskerkin mais…
« Saul. Je vous ai déjà dit de m’appeler Saul.
« Excusez-moi, Saul, mais j’ai une idée qui me permettra de vérifier l’innocence ou la culpabilité de Lymas Smeed sans recourir à une violence inconsidérée. Il me faudra juste un peu d’argent.
« Comment ça de l’argent ? » le visage de Vancaskerkin s’était figé rien qu’à la mention d’une dépense supplémentaire
« Smeed n’ouvre que si on vient payer une dette. Je vais aller payer une dette. Et j’en profiterais pour jeter un œil à l’intérieur. S’il cache Larur quelque part, il sera nerveux et je le verrais. »

Le propriétaire de la maison de jeu marqua un temps d’arrêt. Il semblait perplexe. L’homme semblait peu disposer à poser encore de l’argent sur la table. Mais Edgar le savait, cette solution pacifique était la meilleure. Et si Smeed était complice de la disparition de Larur ou pire s’il se montrait lui-même violent, alors le paladin pourrait agir avec la loi de son côté. Il restait encore un argument qui pourrait convaincre Vancaskerkin.
« Et dans le cas où Smeed est innocent, cela lui apportera un remboursement supplémentaire, une preuve de votre bonne foi et de votre volonté de rembourser votre dette. »
Vancaskerkin eut un soubresaut d’étonnement, puis il releva la tête lentement, toujours en proie à une intense réflexion.
« Je n’ai plus cinq cent pièces d’or pour lui, sinon il les aurait déjà. Mais je vais voir ce que je peux vous donner. Larur vous faisait confiance, et moi aussi. Et peut-être que vous, personne ne vous attaquera, même avec une bourse bien pleine à la ceinture. »
Il remonta vers son bureau avec sa démarche courtaude tandis que Bart maugréait et que Newt se remettait de ses émotions. Peu de temps après, Saul Vancaskerkin redescendit en tenant une petite bourse remplie.
« Deux cent quarante. C’est tout ce que j’ai pu récupérer dans le coffre. Et il va falloir finir la semaine sur les chapeaux de roue si vous voulez votre salaire à temps. »
Edgar soupesa la bourse puis l’entrouvrit et la compléta depuis la sienne.
« Voilà qui fera trois cent environ. Je tiens aussi à ce que vous ne perdiez pas votre maison de jeu, Saul. »
La rédemption passait aussi par le fait de se sentir soutenu et récompensé de faire les bons choix. Et si Edgar y avait mis tout son pécule, à l’exception de quelques pièces pour finir la semaine, c’est parce qu’il était convaincu que c’était la bonne chose à faire.


Si Bart et Newt l’avaient accompagné jusque devant la maison du prêteur sur gage, elles s’étaient ensuite éclipsées pour jeter un œil dans les environs. Edgar s’étonna un temps qu’elles ne l’accompagnent pas, puis se ravisa : le tempérament fantasque de la gnome et l’irascibilité partagée entre la fille des bois et son blaireau n’auraient rien fait pour aider lors de la transaction. Les filles avaient dû en arriver à la même conclusion et préféraient fouiller les environs à la recherche d’indices supplémentaires. Une bonne idée.

Edgar frappa à la porte et la scène qu’il avait déjà vécue se rejoua à l’identique, à l’exception notable que, ayant annoncé qu’il venait rembourser, il eut droit à une réponse autre que le claquement sec du fermoir de bois.
« Attendez là »

Le fermoir se referma brusquement à nouveau et Edgar entendit quelques cris perçants vite étouffés qui l’inquiétèrent au plus haut point. Mais ce n’était pas la voix grave de Larur dont il était question, le son était plus perçant, plus strident. Et pour rassurant que puisse être l’idée que ce cri n’appartienne pas au gérant nain, sa seule existence supposait un danger imprévu auquel il devrait rester vigilant.

Quelques longues minutes plus tard, alors que l’espoir de ne jamais rencontrer Lymas Smeed autrement que par l’intermédiaire de la fente dans sa porte s’amenuisait considérablement, un lourd cliquetis mécanique se fit entendre, les verrous se désengagèrent en un sourd claquement et la porte s’ouvrit en un grincement plaintif. En voyant Smeed derrière la porte qui lui faisait signe de rentrer, il se mit à imaginer ce que Newt aurait dit dans cette situation. Probablement quelque chose comme « le son de la porte servait d’introduction au bonhomme derrière elle », et il réprima un sourire à cette pensée. Lymas Smeed était un vieil homme courbé au teint maladif qui portait l’aigreur sur son visage, son regard fuyant vous toisait rapidement d’un air méprisant avant de se détourner définitivement de vous. Il était vêtu d’une veste élimée cachant tant bien que mal une chemise rongée par les mites, et d’une paire de chausse qui menaçait de tomber en ruine.

Il avança dans la pièce mal éclairée aux fenêtres trop sales pour y apporter de la lumière qui n’était meublée que d’une vielle table vermoulue et de deux chaises qui menaçaient de tomber en morceaux.
Le prêteur sur gage désigna d’une main molle une des deux chaises.
« Attendez ici », et il disparut dans une seconde pièce séparée de celle-ci par un lourd rideau en toile de jute. Aussitôt, les cris qu’il avait entendus au dehors recommencèrent et la voix excédée de Smeed y mit rapidement fin d’un brusque « Silence ! ». Rien d’humain dans ce cri, non. Un cri animal.

Edgar s’assis là où il était censé le faire, et observa la pièce. Elle était au-delà de spartiate, d’une pauvreté confinant presque à l’indigence. Ou en tout cas elle en donnait l’impression. Difficile de croire que le prêteur de gage soit à ce point dans le besoin. Il devait s’agir d’une sorte de ruse pour paraître bien moins aisé qu’il ne l‘était réellement. A moins que la misanthropie affichée de l’homme ait finit par se transformer en dégoût pur et simple pour les choses de ce monde et que même simplement disposer d’une habitation propre et saine ne l’intéressait plus.

Lymas Smeed revînt au bout de quelques minutes avec un lourd grimoire, une plume et un encrier et s’assit en face d’Edgar. Il ouvrit le volume et, toujours sans lui adresser le moindre regard, lui demanda
« Remboursement donc. Quelle dette ?
« Je viens pour rembourser la dette contractée par Saul Vancaskerkin pour le Gobelin Doré et…
« Vancaskerkin… Vancaskerkin… Valyrias, Vanaia, Vancaskerkin. Voila. Saul. Propriétaire de la maison de Jeu Le Gobelin Doré, District du Port. Deux milles pièces d’or empruntées il y a trente jours. Rien de remboursé encore sur les deux milles cinq cents prévus. Vous remboursez combien ?
« Il y a environ trois cents pièces dans cette…
« Rhooo, donnez »
De sa main rendue comme griffue par une sorte d’arthrite, Smeed lui arracha la bourse des mains et la vida sur la table avec un soupir irrité. Il se mit alors à compter le pécule en maugréant
« Environ trois cents pièces… environ… je fais quoi moi avec des environs… »
Essayant tant que possible de garder son calme devant l’insupportable petit homme, Edgar prit son mal en patience en attendant que le prêteur sur gage finisse de compter chaque pièce de la bourse.

****

Pendant que le paladin allait parler au prêteur sur gage, Bart et Newt avaient une autre idée en tête. Enfin l’idée était venue de la gnome, mais Bart l’avait trouvé tout à fait correcte : profiter du rendez-vous d’Edgar pour s’introduire à l’étage chez Lymas Smeed et fouiller sa maison. Rien n’indiquait que l’horrible bonhomme faisait partie du plan de la Nature. Mais il était parfois difficile d’en voir les signes, et qui sait ce qu’elles y trouveraient. Les deux femmes approchèrent la maison par l’arrière après avoir fait un petit détour pour qu’Edgar ne les voie pas. Une idée de Newt. Ca ne servait à rien, selon Bart : le paladin était tellement concentré sur sa prochaine tâche qu’elles auraient pu déambuler à cinq mètre de lui qu’il n’aurait rien vu.

Arrivé à l’arrière de la maison, non loin de là où ils avaient trouvé la cape, Bart avisa la petite porte à l’arrière et s’en approcha. La gnome la retînt le plus fermement possible.
« pas par là, on va griller la couverture d’Edgar. Regarde en haut, ses volets sont mal fermés »
Bart grogna un petit son de mécontentement. Toujours à chercher des solutions compliquées ces deux-là. On ne défonce pas la porte de devant, et maintenant on ne défonce même pas la porte de derrière. Surtout qu’elle commençait à avoir faim et qu’elle aurait préféré en finir vite.

La fille des bois hésita un peu mais leva finalement la tête vers les volets en question.
« T’es trop petite pour les atteindre, attends »
Elle saisit alors sa faux par le bout du manche et tenta de bouger les volets légèrement entrouverts avec l’extrémité, en s’y prenant le plus précautionneusement possible pour ne rien endommager. Ça aurait quand même été plus simple de juste défoncer la porte.
Les volets suivirent lentement la lame de la faux en un grincement léger. Newt se raidit en les entendant.
« T’as entendu le boucan ici ? Personne les entendra jamais grincer.»

La jeune gnome avait vraiment peur de tout. En pleine nature, évidemment que ce bruit se serait entendu au loin. Mais ici, dans ce tas de boue et de crottin qu’ils appelaient ville, personne n’entendait jamais rien de toute façon.
La fenêtre derrière les volets n’avait même pas de vitrage, il fut aisé d’y jeter une corde. Bart pris quelques temps pour donner l’ordre à Maggie de les attendre en bas et les deux femmes se hissèrent en haut, droit dans la chambre de Lymas Smeed.

La pièce était très peu décorée et meublée. Un lit bouffé par les mites, une chaise, une table de chevet et une penderie en sale état et un pot de chambre sous le lit. Rien de plus que le nécessaire, une bonne chose selon la druidesse. Trois portes étaient visibles. La première donnait sur un garde-manger bien rempli, et Bart en profita pour se servir une miche de pain qui ne semblait pas moisie et un morceau de fromage. Autant combler sa petite fringale.
C’est la bouche encore pleine qu’elle voulut ouvrir la deuxième porte, malheureusement fermée à clé.
« Pendant que tu pillais ses réserve, regarde ce que j’ai trouvé planqué sur la table de nuit » dit Newt en exhibant fièrement une clé en laiton. Elle se dandina jusqu’à la porte et la déverrouilla avec un sourire satisfait. Elle faisait moins la maligne tout à l’heure devant la cape couverte de sang de Larur.
Derrière la porte se trouvait un petit réduit qui contenait, entre autres objets bien moins intéressants, un coffre.
« Il doit certainement être fermé à clé. Je regarde si je ne trouve rien »

Pendant que l’illusionniste s’affairait, Bart s’avança tout simplement vers le coffre. Il était temps de savoir si la Nature les voulait ici ou non. Elle s’agenouilla devant l’objet et mis les mains sur le couvercle… qui s’ouvrit sans la moindre résistance. Un sourire satisfait se forma sur les lèvres de Bart. Il était donc prévu qu’elle vienne ici, et Lymas Smeed faisait bien partie du plan de la Nature pour l’amener à ce ou celui qui a provoqué la Tâche.

Le petit coffre contenait des pièces. Un bon nombre de pièces. Sans se préoccuper de compter, elle remplit sa propre bourse d’autant d’argent qu’elle le pouvait. Après tout cela pourrait rembourser Saul, et si elle se faisait un pourboire au passage... cela l’aiderait certainement à avancer dans sa quête.

Pendant qu’elle pillait le coffre du prêteur sur gage, Bart entendit Newt ouvrir la dernière porte. La druidesse se décala pour voir ce qu’elle cachait, mais la porte donnait sur une cage d’escalier et amenait à leurs oreilles les bruits d’une discussion.

« Trois cents quatorze pièces d’or remboursée sur la dette de M.Saul Vancaskerkin. Reste à payer deux mille cent quatre-vingt six pièces d’or dans un délai d’un an avec un minimum de cent cinquante pièces d’or par mois.
« je vous remercie mon br…
« Oui, oui, c’est bon, revenez quand vous aurez de quoi rembourser une autre échéance »
Comment Edgar faisait pour garder son calme devant cet homme odieux était pour Bart un mystère totale. Elle lui aurait lancé Maggie dans les mollets depuis longtemps.
Newt lui indiqua la fenêtre
« Si Edgar s’en va, on ferait mieux d’y aller aussi »

Elle avait raison, il valait mieux s’en aller au plus vite pour limiter les traces. Bart retourna dans la pièce du coffre refermer celui-ci, puis referma la porte à clé avant de jeter cette dernière à la gnome.
« Range-là où tu l’as trouvée. »

Les deux femmes redescendirent ensuite par la corde avant de la détacher, et finalement Bart repris son numéro d’équilibrisme avec sa faux pour refermer grossièrement les volets.
Une fois cela terminé, elle jeta à nouveau un œil sur la porte arrière de la maison.
« Tu veux aller voir, hein » lui demanda Newt « on reviendra ce soir si tu veux, là c’est trop risqué »
La druidesse acquiesça d’un petit signe de la tête. Elle en avait surtout marre de ces rues dégoutantes et de cette maison crasseuse. Le Gobelin Doré lui paraissait un lieu infiniment plus désirable dans l’immédiat.


Le temps que les deux femmes retournent à la maison de jeu, Edgar était déjà rentré et faisait son compte rendu à Vancaskerkin. Le pauvre semblait déjà s’ennuyer.
Bart les interrompit en jetant la bourse au milieu d’eux.
« Voila de quoi vous rembourser »
Saul écarquilla les yeux d’étonnement, mais pas aussi fort que le paladin et les deux femmes éclatèrent de rire devant leurs mines déconfites.
« Comment avez-vous trouvé ça ? » Edgar, évidemment. Et sur un ton qui indiquait clairement qu’il n’approuvait pas avant même de savoir comme ces deux cents pièces avaient été gagnées.
« Pose pas de question, ça t’évitera d’avoir une réponse » la réponse de Bart cingla
« Rien d’illégal j’ose espé…
« Non. Pas pour moi.»

Renversant la bourse sur la table, Vancaskerkin la ragea en petits paquets d’un geste rapide.
« Il y en a pour deux cents pièces d’or. Je ne sais pas où vous les avez trouvées mesdames mais je vous en suis infiniment reconnaissant »
Bart montra le propriétaire de la main en se retournant vers le paladin
« Voilà, comme ça, pas de question. » puis, voyant le visage d’Edgar rougir et pour éviter qu’il ne s’énerve pour rien. « Et on n’a blessé personne pour ça ».

Ca ne parut le calmer qu’à moitié. Difficile à comprendre celui-là. Mais bon, c’était un compagnon loyal et utile et il faisait clairement partie du plan de la Nature.
Le paladin décida de recommencer ses explications. A la mention des cris étranges dans l’arrière salle, tout le monde tiqua. Evidemment la première à parler fut Newt.
« Hé, la porte de derrière doit donner dans cette pièce, on pourrait aller voir »
Enfin une occasion d’aller voir sans faire de détours inutiles.

C’est ce qu’ils firent tous les trois après la fermeture de la maison de jeu. Arrivée à proximité de la maison la gnome les regarda toute excitée à nouveau
« Je suis sûre que je peux crocheter la porte, comme ça y a même pas besoin de la défoncer »
Evidemment, Edgar ne semblait pas ravi à cette perspective mais lorsqu’il voulut lui faire la morale elle reprit avec entrain
« Rho, mais tu vois tout en noir et blanc. J’ouvre la porte : si Larur est là on l’aura sauvé et c’était une bonne chose. S’il n’y est pas, on repart en fermant la porte derrière nous ça prendra cinq minutes et ça n’alertera personne »
Pas mal. C’eut l’air plus acceptable aux yeux du paladin que de simplement défoncer la porte, et même Maggie grogna un petit son de satisfaction. Ou peut-être était-ce un rot de digestion du rat qu’elle avait attrapé à la sortie du Gobelin Doré ? En tout cas, Edgar n’eut plus rien à redire et arrivés sur place, Newt put s’attaquer à la serrure…

Ce qui n’amena aucun résultat pendant bien cinq minutes. Le paladin était mal à l’aise et se dandinait d’un pied sur l’autre, évidemment. Bart, elle, s’impatientait de plus en plus et sentait qu’il en était de même avec Maggie. Il aurait été plus simple défoncer la porte, encore une fois.
Ce moment gênant fut interrompu par un bruit sourd. Newt, qui appuyait de tout son poids sur l’épingle qu’elle utilisait n’avait réussi qu’à casser son outil, ce qui la projeta épaule la première contre la porte.
Et aussitôt derrière la porte un déferlement de cris se déclencha. La Nature venait de leur faire comprendre qu’ils n’avaient rien à faire ici, et qu’il était temps de partir. Bart s’éloigna de la maison de Lymas alors qu’une lueur de bougie se faisait voir entre les volets à l’étage.
« Sert à rien de rester. C’est un singe que t’as entendu, Edgar.
« Et si Larur est…
« Ce genre de bestiole ça ne répond qu’à son maître, mets la avec n’importe quoi d’autre elle va se ruer dessus. Pire chien de garde possible. On dégage. La Nature nous dit que ça sert à rien d’insister. »

****

Les deux jours suivants furent particulièrement éprouvants pour Edgar d’Akhan. Non seulement il avait dû faire une première entorse à son code d’honneur en laissant sa collègue gnome crocheter une serrure, même si au final aucune effraction n’avait été perpétrée ce soir-là, mais son enquête pour retrouver une trace du nain avait lamentablement échoué.
Il avait pourtant l’impression d’avoir utilisé toutes les connections qu’il pouvait avoir dans Riddleport. Saul Vancaskerkin n’avait aucune nouvelle. Aucun cadavre de nain n’avait été découvert par les miliciens. Personne à la Maison du Tavernier n’en avait entendu parler, même son cousin Barur n’avait eu le moindre signe de vie de son parent. Tout au plus avait-il mentionné un artisan du quartier abrité dont il avait souvent entendu parler Larur. Mais là également, chou blanc : l’artisan avait été mandaté par Larur sur ses propres deniers pour rechercher une amélioration des masques de protections des nains des Forges Empoisonnées. Mais aucune nouvelle depuis une semaine.

Cela l’enrageait, et l’attristait également. Tout ce temps passé, et aucune demande de rançon, il n’osait dire aux filles l’évidente conclusion quant à la survie du nain que ces données imposaient dans son esprit.

Et évidemment, tout cela rejaillissait dans son travail au Gobelin Doré, où les gros bras de Croat continuaient de venir causer des soucis. Il n’hésitait désormais plus à dégainer en cas de discussion trop musclée avec un client indélicat et il ne faudrait que peu de temps avant qu’il ne finisse par abattre son cimeterre sur quelque demi-orc mal intentionné. Et qu’importent les conséquences. Il aurait le droit de son coté, et il était trop préoccupé pour laisser une place à toute forme de compassion envers ceux qui ne la méritaient pas. Il ne manquait qu’un retour de ce Beltias pour compléter le tableau. Et son absence faisait planer une aura de menace sur le Gobelin Doré qui provoqua chez Edgar une volonté d’en découdre avec lui encore plus forte, paradoxalement, qu’avec les demi-orcs de Croat.

En ce troisième soir d’absence de Larur, le paladin mis à profit le calme relatif de la soirée pour s’adonner à une profonde introspection en priant Sarenrae de lui venir en aide.
Il restait une personne qu’il n’avait pas contactée. A dessein pour l’instant tant il avait peur des implications que cela aurait.
Gaston Cromarky.
Chef de la ville, principal dirigeant, ancien baron du crime et probablement toujours en cheville avec tous les autres seigneurs criminels locaux. Personne ne saurait mieux que lui dégoter les bonnes informations. Mais à quel prix ? Si Cromarky avait la loi de son coté, c’est parce que c’était lui qui l’édictait et approcher de tels personnes ne pouvaient que vous entraîner dans une spirale criminelle sans fin : de petit service en contrat à remplir, on se retrouvait vite prisonnier de la bonne volonté d’un homme malfaisant.
Mais s’il restait une chance pour que Larur soit toujours en vie, malgré le silence de ses ravisseurs, il fallait la jouer maintenant, avant qu’il ne soit trop tard. Et si Larur avait été tué, il fallait lui apporter la justice et assurer au Gobelin Doré qu’aucun autre employé ne serait la victime de ce mystérieux assaillant.

Edgar en était là de son cheminement intérieur lorsque Newt l’interrompit.
« Edgar, et il on allait sur le territoire de Beltias, plus j’y pense et plus je suis sûre que c’est lui qui a kidnappé Larur.
« Je ne suis pas sûr de cela, mais même comme ça, je ne sais pas où il se terre
« Justement, pendant que tu courrais partout, Bart et moi on s’est renseignées sur lui et on a pu le localiser. Il se sert d’un vieil hospice de la rue du Rat comme quartier général : l’hospice de St Caspieran. La plupart des résidents sont d’authentiques pauvre gens, mais Beltias et les siens se cachent parmi eux. »
Finalement, ces deux-là sauveraient son âme. Le paladin se retînt de ne pas serrer Newt dans ses bras à l’en étouffer.
C’était dit : dès demain, ils délogeraient Beltias de son terrier. Et s’il était bien responsable de la disparition de Larur, ils le sauveraient par la même occasion et châtieraient l’Indigent en conséquence.

*edit probe : tu gagnerais à sauter plus souvent des lignes. Là, comme ça, c'est assez difficile à digérer à la lecture.*
le modo est sagesse

Modifié par un utilisateur vendredi 11 août 2017 08:02:57(UTC)  | Raison: Non indiquée

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#5 Envoyé le : mercredi 4 octobre 2017 19:23:18(UTC)
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La suite, qui m'aura pris aussi pas mal de temps, à tel point qu'à peine finie j'ai déjà la suite à écrire depuis 15 jours.

Finalement la disparition de Larur étant devenu un tel centre d'attention du groupe que j'en ai profité pour y inclure l'aventure annexe. Bonus non négligeable, le paladin s'est pris d'affection pour l'hospice au point de désormais axer tout son développement personnel dessus. Et ça pourra être utile assez vite je pense.
Sinon ce chapitre confirme un état de fait : le pet de la druidesse est la principale force de frappe du groupe. Et l'ensorceleuse adore jouer avec ses illusions, au point que je recherche activement le don lui permettant de les maintenir en action rapide pour inciter ce jeu original et franchement sympa.

Livre 1, chapitre 5 : la rédemption de St Caspiéran

L’hospice de St Caspiéran était réputé être situé dans la pire partie de Riddleport, et Edgar en eut la douloureuse confirmation en l’abordant. La rue était jonchée de détritus et d’excréments, sentait l’urine, le sang et la mort. Le sol était devenu fangeux, et de cette fange semblait surnager des démunis de tous, tendant désespérément une main vide que personne ne pouvait ou ne voulait remplir.
Cette vue lui fit monter un haut-le-cœur, tout comme aux deux filles qui l’accompagnaient, mais le sien n’était pas un haut-le-cœur de dégoût. Le désespoir de la rue lui imposait de voir tout ce qu’il lui restait à faire pour redresser cette cité, avec la certitude qu’il ne suffirait pas, que cent comme lui ne suffiraient pas. Il voyait le résultat de la corruption des uns, de l’indifférence des autres, de l’ignorance de tous.
Il voulait aider chacun de ces miséreux, lui donner du pain, de l’eau et un toit, mais savait pertinemment que cela ne servirait à rien celui a qui il venait en aide s’il se retrouvait dans cette même fange le lendemain. Il se résolu alors à ne donner que peu à chacun, quelques piécettes qui lui permettraient de se nourrir aujourd’hui, lui et les siens.
Au bout de la rue s’élevait l’hospice, comme une sentinelle silencieuse et délabrée. La plupart de ses fenêtres avaient été détruites et moins de la moitié étaient barrées de planches de bois. Les murs semblaient sur le point de s’effondrer à tout instant.
Le bâtiment dépassait les maisons alentour et s’imposait comme l’incontournable de la rue. Pourquoi contenait-elle autant de mendiants, se demanda alors Edgar, si un bâtiment aussi imposant pouvait au moins les tenir à l’écart des miasmes de la rue ?
Derrière lui, Newt et Bart avançaient d’un pas hésitant. Elles avaient choisies de se grimer en mendiantes que le paladin amènerait en lieu sûr sous sa protection. Une couverture qui ne tiendrait pas bien longtemps, mais suffisamment pour se renseigner sur ce Beltias qui semblait opérer d’ici. Utiliser ces pauvres gens comme bouclier, voilà bien un comportement qui révulsait Edgar au plus haut point. Encore plus s’il retenait Larur, arrêter ce Beltias serait une véritable libération pour les lieux.

Edgar et les deux fausses mendiantes gravirent les marches qui menaient aux imposantes portes de bois de l’hospice. La pierre était sale, fracturée en de nombreux endroits, et les portes semblaient vermoulues et sur le point de tomber de leurs gonds rouillés et rongés par la corrosion. Au sein des lourdes portes qui ne semblaient plus avoir servi depuis des lustres, deux poternes permettaient d’accéder à l’intérieur. Chacune portaient un petit écriteau.
Le premier écriteau était de bonne facture, bien qui vieux et usé par le temps, mentionnait « Asile de nuit, montez à l’étage et tournez à gauche ». Le second, bien plus récent, mais griffonné à la main d’un écriture hésitante et couvert de fautes, indiquait « Toute les chambres sons occupé »
Devant la porte se tenait un homme en haillons, aux cheveux gras et à la peau crevassée. Il les arrêta d’un geste de la main.
« Oh là, paladin, qu’fais tu avec ces malheureuses
« Je le amène à l’hospice, qu’elles puissent profiter d’un toit et d’un repas
« Il est plein l’hospice. ‘peut rien faire pour elles » dit-il en montrant du doigt l’écriteau le plus récent.
Edgar s’arrêta un instant, interloqué par l’aplomb avec lequel l’homme l’avait rembarré.
« C’est vous qui êtes en charge ici ?
« Non, c’l’père Padrick qui gère. Mais l’est trop occupé pour tenir la porte. Alors ‘m’a demandé d’le faire. Moi j’y gagne une chambre assurée. Et comme j’vous dis, c’est plein.
« Et où puis-je voir ce père Padrick ?
« A l’intérieur, à la chapelle. Vous gênez pas. ‘Vous dira la même chose : c’est plein. »
L’homme se retourna vers les deux femmes, les regardant à peine.
« Si vous avez faim, y a la mère Garnison qui sert sa rata. C’est une pièce d’cuivre l’écuelle. C’est dégueu, mais c’est chaud. Mais vous pourrez pas rester dormir, sauf dans l’hall si ‘fait froid dehors. »
Malgré tout, Edgar tenta une ultime question
« Et vous n’avez pas de personnes étranges parmi vous habitants ? »
« « ‘sait rien. Bizarre comment ?
« Des personnes se comportant comme des criminels ou qui se cacheraient des autorités par exemple.
« ‘ptet. Mais ça change toutes les nuits. Puis j’pose pas de questions. Y viennent pas ici pour la beauté du coin d’toute façon. «
Excédé par la désinvolture du portier face au drame qui se jouait sous ses yeux dans cette rue, Edgar le dépassa sans ménagement, entraînant Newt, Bart et son animal à l’intérieur.
« Et gaffe-s-y avec c’t’animal. S’y met du grabuge ça va pas être correct
« T’inquiètes pas. Elle fera rien si je lui demande pas. »
La voix rauque de Bart et son ton lapidaire avaient ce pouvoir de ne jamais appeler de réponse. L’homme se tut donc en les regardant entrer dans l’hospice.

Le hall d’entrée de l’hospice exhalait une odeur répugnante, mélange de boue, de sueur, de saleté, de vinaigre et de choux en fermentation. Un vieux symbole en bois représentant Sarenrae trônait en face, mais le temps lui avait fait subir tant d’outrage qu’il fallait s’y attendre pour y reconnaitre le symbole de. Plusieurs banc et tables en mauvais état étaient disposées pour permettre aux vagabonds de passage de se reposer un peu, ou de manger un morceau. Sur la droite, une espèce de cantine de fortune était dressée, et on voyait une énorme marmite que touillait une non moins énorme femme. Enfin, derrière un bénitier en partie fracassé, on reconnaissait sans mal la chapelle dont le portier avait parlé.
Il se retourna vers ses compagnes de route pour leur parler à voix basse
« Allez vous renseigner à la soupe, je vais voir à la chapelle.
« Ca marche. Mais, Edgar… tu parles trop. Et si l’homme à l’entrée était un guetteur de Beltias ? Tu viens de griller ta couverture en une question stupide. »
La remarque que Newt venait de formuler amena le paladin à se morigéner intérieurement. Il voulut un moment s’excuser de sa maladresse, mais la gnome l’arrêta d’un geste de la main.
Elle avait raison, encore une fois : inutile de griller leur couverture avec la sienne en sortant de son rôle de simple accompagnateur.

Edgar se sépara de ses deux compagnes de route et traversa le chœur de la chapelle. Devant lui trônait un symbole sacré de Sarenrae en meilleur état que le précédent, en bois incrusté de verreries jaunes et orange. Aucun office n’était en cours et seules deux personnes occupaient les bancs vermoulus. La première, un manchot avachi sur le banc, semblait péniblement décuver son vin, tandis que la second attira plus l’attention du paladin, principalement car l’homme aux cheveux hirsutes et habillés d’un tac de toile le fixait sans cligner des yeux.
« Vous ! Vous la servez n’est-ce pas !». La voix était haut perchée, le débit rapide et hésitant à la fois. Edgar connaissait cela, il l’avait déjà vu. Un illuminé, un dévot total qui avait abandonné sa raison dans son adoration. Il fallait traiter avec précaution pour ne pas le brusquer.
« Si vous parlez de la déesse ange, Sarenrae, bien sûr, mon bra…
« Elle m’a envoyé ici, vous savez. La déesse. L’ange. Notre patronne à tous. Pour… pour aider ces malheureux. Elle m’a envoyé pour les libérer de leurs maux. »
Le débit de l’illuminé s’accélérait à mesure qu’il s’excitait. Edgar tendit ses mains devant lui, dans un calme geste d’apaisement
« Fort bien, mon brave, nous pouvons certainement nous entraider alors.
« Oui oui. S’entraider. Oui. Vous savez, je ne le leur ai pas dit mais, j’en suis un moi aussi ! Mais chuut ! C’est un secret !
« Qu’etes vous donc ? »
L’illuminé approcha sa bouche édentée de l’oreille du paladin pour lui susurrer son secret
« Un ange. Envoyé ici par Sarenrae. Pour aider. Je suis un ange. »
Il devenait urgent de couper court à la conversation pour ne pas finir avec un illuminé en tant que suivant qui irait s’embrocher sur la première épée venue en se persuadant qu’il était immortel. Edgar lui posa sa main sur l’épaule, forçant juste assez pour le faire se rasseoir et lui répondit sur le même ton de confidence.
« Dans ce cas, votre rôle doit être de veiller sur cette chapelle. Je ne voudrais pas vous retenir dans votre tâche. »
L’homme hirsute sembla se concentrer sur sa tâche et le paladin l’y laissa pour se concentrer sur la porte du cloître où devait se trouver le prêtre. Derrière, le manchot ricanait.
« Mika s’est fait un nouvel ami, hihi ! »
Il semblait trouver cela hilarant.

Edgar d’Akhan poussa la porte pour découvrir le père Padrick, avachi sur une chaise, une bouteille de gnôle devant lui. Le paladin s’agenouilla, faisant le signe de dévotion à Sarenrae et se présenta au prêtre avec tout le décorum attendu. Celui-ci ne répondit que d’un geste amolli de la main et balbutia quelques mots qui semblaient être la réponse rituelle à la présentation.
Son œil était vitreux et sa bouche tombante. Tout dans son air traduisait la dépression d’un homme au bout du rouleau. Le père reporta son attention vers sa bouteille mais son geste maladroit la renversa au sol. Le lourd récipient de verre toucha en sol en un son sourd mais ne se brisa pas. Essayant de récupérer son bien, le père manqua de s’effondrer à son tour, mais Edgar le rattrapa à temps, n’arrachant au vieil homme qu’un gémissement plaintif.
Aussitôt entra dans la pièce un nouvel homme, habillé en diacre, qui se porta immédiatement auprès de l’ecclésiaste. Il semblait jeune, avec ses pommettes rondes et ses cheveux noirs mal coiffés. Son visage transpirait d’inquiétude, mais au moins semblait-il sobre et sain d’esprit.
« Comment allez vous mon père ? Je… mais qui êtes vous ?
« Edgar d’Akhan, paladin de Sarenrae la Fleur de l’Aube et vous.
« Je suis Jhonas, l’aide du père Padrick. Veuillez l’excuser, son dos le fait affreusement souffrir et il s’anesthésie comme il peut dès que j’ai le dos tourné. »
Il avait prononcé cette dernière phrase avec une lassitude évidente.
« Cela fait longtemps qu’il est comme ça ?
« Six mois peut être. Un an ? Trop de temps en tout cas. Il y a tellement de choses à gérer ici, surtout depuis que je dois aussi m’occuper du père, je n’y arrive pas tout seul.
« Il n’y a que vous deux ici ? Mais qui nous a accueillis alors ?
« Balston ? Oh c’est un résident habitué de l’hospice qui a proposé son aide contre une chambre gratuite. Heureusement qu’il s’occupe de cela d’ailleurs.
« Et personne d’autre ne vous aide ?
« Vous imaginiez quoi ? SI nous étions cinq, le bâtiment ne tomberait pas autant en ruines et le père n’aurait pas sombré dans sa bouteille. »
Edgar marqua une pause. Il sentait qu’il avait parlé trop vite et ne voulait pas braquer l’homme. Maintenant que Jhonas avait relevé la tête pour lui faire face, il pouvait voir ses profondes cernes. Il fallait l’aider. L’aider lui à remettre en état ce lieu insalubre, offrir un véritable havre de paix à ces pauvres hères là dehors.
« Ecoutez Jhonas, je vous jure solennellement ici, sous le regard de Sarenrae, de tout faire pour vous aider
« Vous voulez aider ? Faites apparaitre assez d’argent pour remettre en état ce lieu. Et si vous pouvez libérer le père Padrick de ses démons, vous nous sauveriez pour de bon. Je ne fais que l’intendance ici, je veille à ce que la mère Garnison ait de quoi cuire son rata, que les sols restent un peu propres au moins, que le père soit en état de célébrer l’office mais c’est lui l’âme de ce lieu. »
Edgar d’Akhan fouilla un temps sa bourse puis tendit une poignée de pièce à l’intendant.
« Il doit y avoir une trentaine de pièces d’or, cela devrait vous aider pour le moment. Je ferais mon possible pour vous en faire parvenir plus très rapidement »
Les yeux de Jhonas s’embuèrent à la vision de la poignée d’or tendue. Edgar lui aurait bien tendu l’intégralité de sa bourse, mais il préférait des dons réguliers et maitrisés à un brutal et unique afflux d’argent qui ne faisait qu’attiser les convoitises et révéler le pire de chacun.
« Me… merci paladin, vous ne savez pas à quel point vous nous aidez ainsi. Je ne peux rien vous offrir en échange à part ma bénédiction.
« En réalité, si, vous pouvez faire quelque chose en échange si vous le souhaitez. Voyez vous, nous sommes venus ici avec la certitude qu’un bandit de grande ampleur se cache parmi vos nécessiteux. Un certain Beltias. Et nous avons conclus également que ce Beltias détient un de nos amis ici. Avez-vous la moindre information à ce sujet ?
« Un… criminel ? ici ? Non, je ne sais pas, je me contente de veiller à ce qu’il ne reste aucune chambre de vide, mais Balston les remplis tous les soirs. Je ne sais pas… je… je suis désolé. »
Leur conversation fut interrompue par le bruit d’une cloche que l’on sonnait à toute vitesse.
« Vous faites sonner les heures, Jhonas ?
« Non… étrange. On ne sonne que pour les offices, et le dernier s’est terminé il y a moins d’une heure. Pourquoi quelqu’un sonnerait-il maintenant ?
« restez ici, veillez sur le père, je vais voir »
En ressortant du cloître, Edgar ne put s’empêcher de penser à ce que Newt lui avait dit.

***

Lorsque la cloche résonna dans le hall, Newt et Bart étaient attablées devant une écuelle d’un ragoût franchement immonde, à tel point que Newt se demandait quels animaux avaient bien pu servir pour le confectionner et surtout à quand remontait leur décès. Pour ne rien arranger, Bart s’était voler sa bourse, heureusement bien peu remplie, par un gamin venu lui parler.
Bart se faisant baratiner, le concept avait de quoi faire sourire tout de même. Et Newt n’était pas sûre d’avoir retenu un rictus. Alors que Bart se renfrognait, la gnome avait commencé à faire quelques tours de passe-passe pour dérider à son tour une petite humaine recroquevillée sur son siège, qui serait de toute ses forces une poupée de chiffons crasseuse et trouée, mais en vain. La fillette semblait avoir vu la fin du monde et son regard était plus abattu que celui d’anciens combattants revenant de la guerre.

Et sur ces entrefaites, la cloche avait sonnée. Rien de particulier à première vue, jusqu’à ce que Newt voit Edgar sortir en vitesse du cloître et se ruer vers les étages, manquant de renverser un homme visiblement au-delà de saoul qui déambulait vers les escaliers sur une trajectoire que l’on pourrait aisément qualifier de « hasardeuse ».
Le paladin courut vers elle sans plus se soucier de veiller à leur couverture
« La cloche, ils nous ont repéré, il faut arrêter Beltias avant qu’il ne soit trop tard »
La gnome retînt le « Je te l’avais bien dit » qui luttait pour sortir de son gosier.
Bart ne retînt rien.

Edgar se rua dans les escaliers, suivi de la fille des bois et de son animal tandis que Newt fermait la marche. Alors que son ami atteignait le palier, elle entendit clairement la voix de l’alcoolique qui baragouinait
« Ben… qu’est-ce vous foutez tous dehors comme ça ? Hé ! Y z ‘ont pas sorti la gnole hein ! »

Pressant le pas pour y voir plus clair, Newt découvrit la situation préoccupante qui les attendait en haut. Alors que l’homme saoul titubait dans un couloir, un imposant demi-orc, un de plus, à croire que toute l’espèce s’était liguée contre eux, armé d’une masse d’arme se tenait campé sur ses jambes en une posture de défi. Derrière lui, un homme émacié aux cheveux longs et gras tentait de le dépasser en murmurant des demandes polies et un peu paniquée.
Sur la gauche un autre homme tenait une dague d’un air menaçant, mais en même temps trop excité pour rester stoïque. Cela lui donnait un air ridicule, comme une sorte de petite frappe qui braquait une grand-mère avec la certitude de finir assommé à coups de cabas.
Sur la droite arrivait du couloir l’homme qui les avait accueillis à l’entrée, suivi par un autre homme qui semblait plus se cacher derrière lui que le suivre. Les deux semblaient tenir une dague.

Edgar se mit en posture, le bouclier brandi devant lui et le cimeterre en position de repos, jambes écartées et torse droit, comme s’il prenait la pose pour la statue en son honneur qu’il devait espérer voir un jour sculptée à son effigie. Et, pour être tout à fait honnête, Newt devait admettre qu’il était plutôt impressionnant dans cette pose.
« Nous ne sommes ici que pour votre chef, Beltias. Nous ne voulons aucun mal. Déposez vos armes et quitter cet hospice sur l’instant, et aucun mal ne vous sera fait, je le jure devant Sarenrae. »
Difficile de savoir s’il croyait que son discours allait fonctionner ou s’il ne le prononçait que pour s’assurer de la légalité de sa position dans le combat qui allait inéluctablement se déclencher. La gnome se dit que ce grand idéaliste devait être persuadé que cela marcherait.
Un jour.
Peut être.
Un rapide coup d’œil sur le demi-orc semblait clairement indiquait que ce jour attendrait encore un peu.
Le demi-orc s’avança en ricanant toujours suivi par l’homme émacié qui tentait manifestement d’atteindre les escaliers en bredouillant
« Je… je n’y suis pour rien moi, je veux juste y aller… je… je peux passer ? s’il vous plait… »
Il serait contre sa poitrine une petite boîte en bois comme si elle contenait son propre cœur et faisait mine d’essayer de se faufiler entre l’orc, Edgar et Bart qui s’était postée aux cotés du paladin et semblait fascinée par les planches vermoulues des murs du couloir à leur droite d’où arrivaient les deux hommes.
« N’avancez pas plus. Ceci est mon dernier avertissement »
A nouveau, les tentatives de résolution pacifique d’Edgar semblaient totalement vaines.

Lorsque son adversaire se trouva à portée, le paladin asséna un magistral coup du plat du cimeterre dans sa direction qui le cueillit à la joue en un puissant bruit de claquement. Le demi-orc recula sous le choc mais le cimeterre continua sa course finissant en plein visage de l’homme à la boîte. Un craquement sec indiqua un nez cassé et l’homme tomba comme une pierre au bord de l’escalier, lâchant son précieux trésor qui dévala les marches en direction du palier intermédiaire, accompagné de la dague qu’il cachait sous la boîte. Finalement, Edgar était peut être un peu plus perspicace que Newt l’imaginait.
Aussitôt leur principal adversaire brandit sa masse en hurlant pour l’abattre sur le paladin, mais la gnome réagit en premier, incantant rapidement le même sort qu’elle avait plusieurs fois déjà utilisé, avec moins de succès cette fois. Le demi-orc semblait à peine perturbé par le bruit strident qui devait lui vriller les tympans, tant sa colère semblait l’emporter sur tout autre sentiment. Sa masse s’abattit avec un bruit sourd sur le bouclier d’Edgar qui, comme s’il s’attendait précisément à cette attaque, et après tout comment ne pas s’y attendre au souvenir de leur rencontre au niveau du col, imprégna un petit mouvement à son bouclier pour amplifier le rebond de l’arme. Peut être que le sort avait aidé, finalement, puisque le demi-orc, surpris par ce rebond anormal, en perdit purement et simplement son arme !
A ses cotés Bart incantait nonchalamment avant de détacher et d’empoigner sa faux. Aussitôt, la mousse et le lierre qui se forçaient un passage au travers des murs de l’hospice se mirent à grandir hors de tout contrôle, bloquant la sortie du couloir au moment où les deux qui venaient en renfort arrivaient dans la zone.
« Maggie, vient, on va s’occuper de ces deux là »

Et la fille des bois s’éloigna sa même prêter attention au combat qui se déroulait juste à coté d’elle. Le demi-orc, rendu encore plus furieux par la perte de son arme, tenta d’attaquer Edgar aux poings, mais celui-ci esquiva facilement le coup donné et abattit puissamment son arme sur le bras encore tendu, mordant profondément la chair de son adversaire. Un coup à faire tomber dans les vapes toute personne normalement constituée. Pas ce demi-orc là. Lui poussa un cri de haine pure et tenta de répondre au coup en armant un coup de tête. A nouveau, le paladin y oposa rapidement son bouclier. Mais le bruit de gong auquel Newt s’attendait s’accompagna à la fois d’un voilent craquement et de la fin du hurlement de rage de l’autre.
Le corps du demi-orc s’effondra au sol comme un pantin désarticulé, son coup faisant un angle anormal avec le reste de son corps. Sur le coté, la petite frappe qui avait avancé décida de reculer stratégiquement.
Newt jaugeait la situation quand un cri apeuré retentit derrière elle. En se retournant, elle vit la boîte en bois de celui qui avait tenté de passer dans leur dos ouverte dans les escaliers et deux imposants scorpions qui tentaient de s’en échapper. La gnome hésita un instant pour savoir ce qu’il fallait faire, puis un nouveau cri apeuré venant d’en bas la décida. Elle incanta à nouveau sa décharge sonique en direction de la petite frappe ridicule, en espérant que le boucan la convainc de fuir ou au moins de garder ses distances. Un regard au dernier instant lui confirma que l’adversaire était en train de fortement reconsidérer l’idée d’attaque le paladin qui venait de tuer en deux coup son collègue tout en muscles. Il y avait de quoi avoir peur en effet. Et le vacarme tonitruant qui lui était destiné ne fit rien pour arranger sa situation. Vu l’apparent courage de l’homme, il ne serait pas étonnant de le retrouver avec les chausses souillées, bien qu’il semblait avoir abandonné toute idée d’estime de soi des années auparavant.

Il fallait récupérer les scorpions, si possible dans se faire piquer au passage. Le dard de ces créatures était réputé vicieux et venimeux. Et puis de toute façon vu la taille anormalement grande de ces bestioles et la taille de Newt, petite même dans les standard gnome, leur queue pointue lui évoquaient plus une épée qu’un simple dard. En toute logique, les dents puissantes et la rage mal contenue du blaireau auraient été plus judicieux dans cette chasse, mais Maggie avait suivi sa maîtresse dans son attaque et devait être trop occupée à mordre un mollet qui avait eu le malheur d’être attaché à la mauvaise jambe.
La gnome dévala des marches en récupérant la boite en bois qui les abritait initialement et la referma promptement sur le plus lent des deux scorpions en prenant bien garde de mettre le plus de matière possible entre la queue de la créature et ses mains. L’opération se déroula sans encombre mais Newt lâcha un juron en gnome en voyant l’autre scorpion disparaitre dans un interstice de belle taille entre deux escaliers. Il faudrait débusquer celui là avant qu’un malheureux de subisse une piqûre nocturne.

***

Les deux qui venaient en renforts étaient empêtrés dans la végétation rendue folle par la Nature. Des cibles faciles. Il suffisait à Bart de rester en dehors de la zone où la croissance anarchique des plantes rendait tout mouvement difficile et de les attendre.
Elle se mit en place, la faux brandie alors que l’homme de l’entrée se dégageait enfin. Elle s’apprêtait à s’avancer pour donner son coup lorsqu’un mouvement suspect au fond du couloir attira sa curiosité. Un reflet. Bart stoppa son mouvement par reflexe. Une flèche se planta dans le mur juste devant elle. A nouveau un signe de la Nature pour la sauver. Le message était clair : cette histoire d’hospice faisait partie de Son plan. Rassérénée, Bart sourit et s’avança à nouveau pour porter un coup à son adversaire qui ne parvînt à l’esquiver que partiellement. La faux laissa une trainée sanguinolente sur sa cuisse et lui arracha un petit cri.

Maggie s’était postée devant les deux hommes qui se dégageaient enfin des plantes. Celui qui tentait de se cacher derrière son collègue donna un coup de dague en direction du blaireau. Enfin « en direction de » était déjà beaucoup. Le coup passa bien un demi-mètre au dessus de sa partenaire. Et il avait été donné sans aucune motivation. Celui là n’avait pas envie de se battre. Etrange. Normalement les gens en face de Bart et de Maggie se battaient avec l’énergie du désespoir. Il ne devait pas savoir de quoi était capable l’animal. Ou peut-être qu’il en avait marre de vivre. Pour ça, on pouvait l’aider. L’autre s’en prit à Bart avec sa dague, mais ses mouvements étaient encore ralentis par la poussée anarchique du lierre derrière et son coup fut trop lent pour la toucher. Il fit cependant une erreur encore plus grave que de rater la fille des bois. En avançant, il posa son pied sur la patte avant de Maggie et l’écrasa de son poids.
En entendant le cri de l’animal, Bart eut un pincement au cœur pour elle, et jeta un regard d’en dessous à l’homme. Il ne savait pas ce qu’il venait de faire. Tant pis pour lui.

Le cri de douleur de Maggie devînt un grondement de rage. Le blaireau se ramassa sur lui-même et bondit sur le mollet de l’homme de l’entrée, le déchirant violemment de ses crocs. Celui-ci tomba à genoux en hurlant et Bart eut la tentation d’en finir avec lui d’un bon coup de faux, mais Maggie n’en avait pas fini. La druidesse comprit ce que voulait lui dire sa partenaire : ce n’était pas à elle d’intervenir. Après tout, en tant qu’animal, le blaireau était plus proche de la Nature et pouvait mieux retransmettre Ses volontés. Bart recula donc d’un pas avec un petit sourire. Pour un peu, elle serait désolé pour le bandit.
Maggie relâcha l’étreinte de ses crocs et se ramassa pour bondir de nouveau. Elle sauta dans le dos de l’homme, enfonçant profondément ses griffes dans la chair. Le cri de douleur de l’homme devînt un couinement de terreur. Ainsi accroché, le blaireau se hissa jusqu’à la nuque de sa victime et mordit à nouveau, de toute ses forces. Un bruit sec et une gerbe de sang accompagnèrent la chute de l’homme alors que Bart esquivait une nouvelle flèche tirée depuis la porte du fond.
Totalement effrayé, l’autre homme, celui qui se battait avec si peu de conviction, avait lâchait sa dague et était tombé sur ses genoux.
C’était plus malin, en effet, surtout que Maggie semblait vraiment en forme aujourd’hui.


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#6 Envoyé le : mercredi 4 octobre 2017 19:24:35(UTC)
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décidément je suis bavard, c'est peut être pour cela que ça me prend autant de temps...

***

Après sa courte et infructueuse chasse au scorpion, Newt remonta aider ses camarades, juste à temps pour être témoin de l’effroyable carnage perpétré par Maggie, sous le regard impassible et presque approbateur de Bart. Edgar, qui s’était porté au secours de la fille des bois, lui s’était arrêté, horrifié. Il y avait de quoi l’être, franchement, et Newt eut la tentation de retourner chasser le scorpion. Il y avait bien des choses moins dangereuses qu’être à portée de Maggie en ce moment, et chasser à mains nues deux arachnides surdimensionnés et probablement venimeux en faisait indubitablement partie.
Alors qu’Edgar s’était porté au secours de Bart pour une raison qui devait lui être propre, en quoi la fille des bois avait elle besoin d’une protection restant le plus grand mystère à résoudre, le dernier malfrat encore debout sur ses deux jambes qui ne s’était pas encore rendu s’était élancé pour frapper le paladin dans le dos. Sa course était probablement aussi risible que sa pose d’attaque, cet homme était vraiment une caricature de truand de bas étage. Mais bon, même s’il n’avait à peu près aucune chance de porter un coup décent à Edgar, inutile de le laisser faire. Newt jeta d’une main leste le petit sac qu’elle portait à sa ceinture, exposant sa face intérieure à l’air libre. Aussitôt la substance qu’il contenait réagit et se changea en une colle forte et lorsque le sac se prit dans les jambes du malfrat ridicule, celui-ci tomba lourdement au sol.

Le paladin se retourna, alerté par le bruit de chute et somma à l’homme de se rendre sur le champ, ce que l’autre accepta rapidement. Décidément, ce n’était pas le courage qui le tuerait celui-là, mais au vu du sort de ses collègues qui avaient voulu se battre, peut être était-ce là sa décision la plus intelligente du jour.
Voire du mois.

Toujours titubant, l’homme saoul qu’ils avaient suivi jusqu’en haut sortit de sa chambre, probablement alerté par le bruit.
« Vous… vous en faites du boucan ! Comment ? Comment je dors moi ? »
Complètement insensible à la scène d’horreur qui s’étalait à ses pieds, il semblait se diriger d’un pas bien plus qu’hésitant vers les escaliers.
« Puisque c’est comme ça, je… j’vais descendre boire un p’tit coup, moi »
Des rots sonores agrémentaient son discours alors qu’il titubait en direction de Newt, sous le regard interloqué des autres, essayant tant bien que mal de garder l’équilibre en agitant son moignon de bras.

Alors que l’alcoolique arrivait au niveau de la gnome, Edgar se retourna vers la petite frappe qui avait tenté de l’attaquer de dos. Il l’empoigna au col et lui colla son visage contre le sien. Il gronda une seule question en détachant bien les mots
« Où… est… Beltias ? »
L’autre se mit à bredouiller quelque chose d’inintelligible.
Newt, qui avait regardé le paladin interroger le malfrat de carnaval se retourna alors vers le manchot saoul.
Juste à temps. Juste à temps pour voir le rabat de tissu qui cachait son moignon s’ouvrir pour révéler son bras replié en dessous. La gnome plongea en voyant apparaitre une dague dans la main nouvellement apparue, juste à temps pour que l’arme n’atteigne pas sa gorge, comme le faux estropié l’entendait probablement. La lame s’enfonça néanmoins profondément dans son épaule et elle tomba lourdement au sol.
« Ici ! » tonna le prétendu amputé d’une voix devenue brusquement claire et sobre avant de s’élancer dans le couloir que ne gardait pas Bart et son animal meurtrier.
« Newt !!!! » Sans réfléchir une seconde, Edgar s’était jeté à la poursuite de l’homme, mais son armure le gênait dans la course.
En serrant les dents pour soutenir la douleur, Newt savait comment ralentir Beltias. La gnome se mit à préparer les gestes d’un sort et au bout du couloir, semblant sortir de la paroi du fond, surgit une horrible tête démoniaque, sa gueule infecte couverte de dents suintant d’un poison mortel grande ouverte et prête à engloutir celui qui fuyait droit dans sa direction.
Malgré la douleur, la gnome avait pu rendre son illusion la plus effrayante possible et l’ancien estropié s’arrêta net devant, avant de se rendre compte de la supercherie et de s’élancer de nouveau.
Mais cela fut suffisant pour que le paladin ne le rattrape. Celui-ci, hurlant le nom de sa déesse tutélaire, abattit son cimeterre sur Beltias, en y mettant tout son poids et tout son élan. La lame pénétra profondément au niveau de l’épaule de l’Indigent qui hurla brièvement avant de perdre connaissance.

***

A peine le paladin avait-il pratiquement tué Beltias qu’il se mettait à le soigner. Bart ne le comprenait pas vraiment. A quoi cela peut bien servir de soigner une personne que l’on a quasiment tranché en deux la minute d’avant ?
Le temps qu’elle finisse de s’interroger, ils étaient tous retranchés dans une pièce. Beltias, encore inconscient, était ligoté fermement sur le lit. Le membre du gang qui s’était battu mollement était là aussi. Les autres étaient soit morts, soit en fuite. Même l’archer caché dans la chambre du fond s’était enfuit en voyant Edgar, Maggie et Bart foncer dans le couloir abrités derrière le bouclier du paladin. La porte ne fit pas long feu, et l’archer avait déjà sauté par la fenêtre. Son collègue de chambre l’insultait de tous les noms quand la porte vola en éclats.
Bart lui aurait bien envoyé Maggie dans les mollets, mais Edgar réagit plus vite, le faisant basculer par la fenêtre d’un violent coup de bouclier. Totalement inutile.

Le combattant peu motivé s’était présenté comme un homme de Slyeg, infiltré chez l’Indigent.
« On en a fait plus en deux heures que toi en deux semaines. Mauvaise infiltration »
Le commentaire de Bart l’avait apparemment vexé. Mais c’était la vérité. Tant pis pour lui.
Par contre, il n’avait rien vu ou entendu concernant un nain blessé. Mais il promettait de se renseigner en guise de remerciement. Ca restait gentil de sa part. Bart lui sourit de toutes ses dents. Il semblait encore plus effrayé. Etrange.

Edgar chargea Beltias encore inconscient sur son épaule pour le livrer à la garde de la ville, et récolter la récompense. Enfin une bonne idée. Il alla juste voir le père qui gérait l’hospice avant de partir, et il lui dit qu’il allait désormais subvenir aux besoins de l’hospice et assurer sa rénovation. Apparemment il voulait y consacrer toute sa part de la récompense et de ce qu’ils avaient trouvé comme or dans les affaires de Beltias. Newt dû lui rappeler qu’il fallait récupérer ce qu’il avait voler au Gobelin Doré. Et Bart lui rappela aussi qu’il était hors de question qu’il ne touche à SA part à elle.

Ce fut deux jours après que les informations de l’homme de Slyeg (il avait dû leur dire son nom, mais Bart l’avait aussitôt oublié. Quel intérêt ?) leur arrivèrent.
De mauvaises nouvelles. Le corps d’un nain correspondant à Larur avait été retrouvé sur les berges du fleuve, près de son embouchure. Newt semblait dévasté, Edgar jurait de le venger et de châtier ceux qui avaient causé sa mort. Bart elle était surtout énervée d’avoir dépensé tant de temps et d’énergie à tenter de retrouver un mort. Mais elle se calma rapidement. Après tout, l’intervention à l’hospice avait été prévue par la Nature, ça elle pouvait en être sûre. Donc, d’une certaine manière, la mort du nain faisait partie aussi de Son plan. Et donc, le meurtre de Larur devait les mener aux origines de la Tâche.
Voire certainement causée par ceux-là.
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#7 Envoyé le : mercredi 1 novembre 2017 14:12:51(UTC)
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5e chapitre, où notre paladin s'investit au plus possible dans sa nouvelle vocation et où le mystère de la mort de Larur se double d'un autre.

Chapitre 5 : Le creux de la vague

La confirmation de la mort de Larur avait considérablement affecté le personnel du Gobelin Doré, même si la plupart lui soupçonnait un destin funeste. Malgré sa rudesse, tout le monde appréciait le nain et tous louaient son honnêteté et son sérieux. Edgar tentait malgré tout de garder de la hauteur, de ne pas se laisser submerger par l’émotion, contrairement à Newt que la nouvelle avait proprement anéanti. Il tentait de se détacher d’autant qu’il avait pris sur lui de superviser la rénovation de l’hospice de St Caspérian sur son temps libre et qu’il devait garder toute sa tête pour cela. S’il était difficile de se fier au père Padrick que l’alcoolisme rendait inconstant, Jhonas se révélait être un homme capable et digne de confiance. Traiter l’addiction du père fut la première priorité, et le paladin consacra une après-midi à trouver une potion ou quoique ce soit qui puisse rapidement dissiper les effets de l’alcool chez le vieil homme. Il confisqua ensuite les bouteilles restantes, et ne les rendit qu’après les avoir coupées au vinaigre pour assurer qu’elles dégouteraient le vieux prêtre à la première gorgée.
Avec les fonds apportés par Edgar, il fut rapide de recruter deux personnes en plus pour gérer l’accueil, après une enquête de moralité menée par Jhonas et assistée des pouvoirs conjoints du père dans ses moments de clarté et du paladin, qui garantissaient de détecter tout mensonge et toute mauvaise intention. Ils s’attachèrent ensuite à améliorer l’approvisionnement en nourriture du lieu et en quelques jours à peine, le rata de la mère Garnison s’améliora grandement, tant au point de vu nutritif que gustatif.
L’étape suivante fut de rénover les lieux en profondeur pour enfin les rendre salubres. Les fenêtres cassées furent remplacées et les deux scorpions fugitifs traqués, bien que l’on ne retrouvât jamais trace d’eux. La tâche qui s’étendait devant eux était colossale, mais Edgar y trouvait un nouveau but dans sa vie, une vocation. Et aussi un moyen de ne pas rester à s’apitoyer sur le sort de Larur.

Il prit tout de même comme un devoir d’annoncer en personne à Barur le sort de son cousin et de l’assurer qu’il retrouverait l’assassin et le traduirait en justice. La nouvelle ne parut que rassurer superficiellement le nain malade. Et tant qu’à se rendre aux Forges Empoisonnées, Edgar en profita pour leur commander, sur ses propres deniers, la reprise de toutes les ferronneries et serrureries de l’hospice. La facture était particulièrement élevée comparé à ce qu’un petit forgeron aurait demandé, mais obtenir une qualité naine assurerait la sécurité du lieu et de ceux qu’il hébergeait.
Jhonas n’en croyait pas ses yeux : l’hospice qu’il n’avait plus le temps de voir tomber en ruine semblait renaître et en une semaine de temps à peine, le lieu changeait déjà. Le père Padrick, en cours de sevrage, prenait un rôle de plus en plus important et les deux hommes n’avaient de cesse de chanter les louanges d’Edgar d’Akhan, l’envoyé de Sarenrae qui rétablissait le lieu dans une gloire qu’il n’avait jamais connu. Aussi grisant que cela puisse être, le paladin se faisait un point d’honneur à refuser ces louanges et à rester concentré sur sa tâche, qui drainait une grande part de son énergie, d’autant qu’il passait toujours ses soirées au Gobelin Doré, qu’il envisageait de plus en plus également de transformer lentement en maison de jeu éthique et morale. Il avait une tonne de projets pour le lieu, dont il n’avait pas encore fait part à Saul pour ne pas l’effrayer. Mais il appuierait de toutes ses forces le désir de repentance du vieil homme.

Edgar espérait de plus en plus être celui qui arriverait à créer de petits ilots de bonté dans ce coupe-gorge qu’était Riddleport, avec la certitude que ces petits ilots pouvait devenir de vrais haves de paix et s’étendre, pacifiant lentement mais surement la ville.
C’est dans ce contexte que Saul lui demanda un matin d’aller au port récupérer un chargement de liqueurs et de vins fins qu’il avait fait importer de l’Osirion. Cela faisait une semaine qu’il n’avait pas parcouru les rues en compagnie de Newt et Bart et, bien que cela le distraie de ses travaux à St Caspieran, Edgar accepta avec joie.
C’est arrivé sur place là où la frégate osirienne nommée Le Coureur des Vagues attendait que cela se gâta. Les hommes descendaient du navire plusieurs tonneaux et les empilaient dans un coin, près de la rampe qui permettait aux charrettes de remonter au niveau de la rue, où deux hommes les déplaçaient dans un lourd chariot. Les tonneaux étaient marqués de différentes lettres, mais il n’était pas difficile de comprendre que ceux qu’ils venaient chercher étaient ceux marqués « SV »
Malheureusement, ces tonneaux semblaient mélangés à d’autres, marqués « CZ », et lorsqu’Edgar s’enquerra des faits, on le dirigea vers le capitaine un nain nommé Fitzgabbon qui se trouvait actuellement en pleine tractation avec un autre homme, entièrement armuré et portant étrangement les couleurs de la garde korvosienne.
« Excusez moi, mon brave, je suis envoyé par Saul Vancaskerin récupérer ses tonneaux. Voici ma lettre de marque de sa part. Pouvez-vous m’expliquer pourquoi ses tonneaux sont déchargés avec d’autres…
« Parce que ces tonneaux ne t’appartiennent plus mon p’tit gars »
L’homme en armure lui avait répondu avec un aplomb et un mépris affiché.
« Je crois qu’il y a erreur, mon brave. Voyez-vous, Saul Vancaskerkin a payé ces tonneaux et…
« Et moi j’ai payé plus. Donc dégage.
« Laisse le m… » Bart n’arrivait plus à garder son calme.
« Non, Bart, attends. »
Edgar le savait, si Bart ne se retenait pas, l’issue de la conversation serait fatalement violente. Mais il n’était pas sûr que ce n’était pas exactement le désir de ce garde korvosien. Des souvenirs des actions de Maggie lors de la libération de l’hospice lui revinrent en mémoire.
Il décida de s’adresse plutôt au capitaine
« Capitaine Fitzgabbon, vous ne pouvez pas revendre un chargement qui ne vous appartient pas. Ces tonneaux ont été payés en temps et en heure et donc appartiennent à Saul Vancaskerkin »
Le nain grommela quelque chose dans sa barbe, avant que l’autre ne mettre sa main entre Edgar et son interlocuteur.
« Ecoute mon gars, je te l’ai demandé gentiment, dégage. Tu n’as pas envie de savoir ce qu’il va t’arriver si tu restes ici à embêter les grandes personnes. »
Ce faisant, il dégaina partiellement une imposante épée de son fourreau. Une bien belle lame, forgée chez un artisan talentueux. Les deux hommes occupés à charger les tonneaux sur le chariot s’interrompirent en entendant le garde korvosien hausser le ton et vinrent se placer derrière lui, attendant eux aussi avec impatience le début du combat qui se faisait de plus en plus inévitable.
« T’as assez attendu là ?
« Non, Bart, pas maintenant
« Et retient ta pouilleuse en laisse mon gars. Toi encore t’as une armure, t’as une chance de survivre. Elle, avec ses haillons pourris, elle va vite arrêter de dégoiser » La pire chose à dire…
« Toi, tu seras le premier à crever.
« Bart, tu n’aides pas
« Euh, les gars, vous avez vu ? »
La voix fluette de Newt tremblait de crainte et la gnome pointait du doigt la sortie du port juste sous la Porte des Glyphes. Là, une imposante vague soulevait l’horizon, charriant toute les embarcations du port avec elle.

***

Au vu de la vague, il fallait partir. Le gros porc en armure attendrait un peu.
Pas longtemps.
Bart se dirigea en courant vers la rampe, avec Maggie sur ses talons. Jetant un œil aux tonneaux de liqueur, elle repensa à leur mission. Ca ferait plaisir à Saul de les récupérer. Une fois sur la rampe, elle incanta rapidement son sort rendant la végétation folle et quasi-inextricable. Aussitôt la mousse et les petites touffes d’herbe qui perçaient entre les pavés se transformèrent en un taillis anarchique. Elle commençait à enserrer les tonneaux et le chariot. Bart ne savait pas si cela permettrait aux tonneaux d’encaisser la force de la vague, mais c’était toujours mieux que rien.
Une fois le sort lancé, et observa Edgar courir vers eux. Sa grosse armure le ralentissait. Et derrière lui le garde courrait également. Encore derrière, la vague grossissait en arrivant sur le port.
« Newt, ralentis le gros.
« Mais… mais pourquoi ?
« Je l’aime pas. Et puis il va nous attaquer après.
« Edgar va pas être content.
« Juste si on lui dit. »
Newt incanta et le gros porc se courba en se tenant les oreilles. Son cri était couvert par le grondement de la vague, le bruit des gens qui fuyaient et les cris des autres qui voyaient la vague arriver.
La vague souleva le bateau qui avait apporté les tonneaux juste avant de frapper le port au moment où Edgar les rejoignait enfin à l’abri. Le bateau éclata en mille morceaux. L’eau se déversa sur le débarcadère en contrebas, balayant ceux qui n’avaient pas pu fuir. Puis elle se retira, entraînant les corps de ceux qu’elle avait assommés vers le large. Les colères de la Nature sont sans pitié.

Lorsque l’eau se retira, le débarcadère était jonché de débris de bois. Plus de trace du capitaine. Mais le gros porc en armure avait réussi à tenir le choc. Bart était un peu déçue, mais s’il avait survécu, c’est que la Nature l’avait décidé ainsi. Il avait apparemment réussi à planter son épée dans le sol et s’y était accroché de toutes ses forces. La lame semblait inutilisable maintenant. Le gros porc semblait salement amoché. Des débris avaient défoncé son armure en plusieurs points.
Bart redescendit la rampe et s’adressa à lui d’une voix forte.
« Dégage, toi. T’as pas envie de savoir ce qu’il va t’arriver si tu restes ici »
L’autre ne demanda pas son reste et s’en alla. Il boitait et un de ses bras semblait cassé. Ca devrait lui apprendre à ne pas importuner une envoyée de la Nature.

Une fois la vague passée, Edgar a voulu rester pour aider. Comme toujours.
Bart elle, préférait partir d’ici au plus vite. La Nature avait été assez claire. Elle ne voulait pas de la druidesse ici. Elle prit le temps de charger les tonneaux sur le chariot. Elle remplaça ceux qui n’avaient pas tenu le choc par d’autres tonneaux présents, marqués « CZ ». Il ne fallait pas être devin pour comprendre à qui ils appartenaient. Et qui avait envoyé le gros porc en armure leur voler les leurs.
Bart harnacha deux chevaux au chariot et reprit le chemin du Gobelin Doré. Elle ne demanda même pas à qui appartenait les chevaux. Les bêtes seraient de toute façon mieux traitées avec elle.
C’est sur le chemin du retour qu’elle eut l’impression de voir une étrange créature disparaître dans l’ombre non loin de la maison de jeu. La même taille qu’un humain, à peu près la même stature, mais la peau totalement noire. Pas bronzée, noire. Comme de l’onyx. Et les cheveux tout blancs. Bart n’y prêta pas plus attention que cela.

Arrivée au Gobelin Doré, elle remit le chariot à Saul, qui lui demanda comment s’était passée la transaction.
« Mal. Un gros porc en armure voulait nous les voler. Y a eu une grosse vague. Le gros porc s’est barré. On a récupéré ses tonneaux en dédommagement »
Le patron tiqua devant les tonneaux.
« Zincher va vraiment nous en vouloir s’il remarque ça. Je demanderais à Bojask de repeindre ces tonneaux pour éviter que quelqu’un ne le voie. Mais merci. Et les autres où sont-ils ?
« Sont restés là-bas pour aider. »
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#8 Envoyé le : mercredi 1 novembre 2017 14:13:53(UTC)
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Dans les quelques jours qui suivirent l’affaire du Coureur des Vagues, et l’espèce de vol de tonneaux que Bart avait réalisé tandis qu’Edgar gérait les blessés et que Newt essayait de se rendre utile, plusieurs événements secouèrent le Gobelin Doré. En premier lieu, Samaritha quitta son poste de serveuse suite au retour du mage Blakely de Magnimar. Il avait accepté de la prendre comme apprentie et elle n’arrivait plus à contenir sa joie. Et si Newt la félicita chaudement et lui souhaita bonne chance pour la suite de ses études, en lui souhaitant de trouver toutes les réponses qu’elle cherchait au sujet de la Tâche, tout en lui demandant si elle pourrait à l’occasion les aider pour des recherches, de l’achat de biens magiques ou autre, Bart se contenta de siffler après son départ
« Le mage l’a choisie parce qu’elle est jolie
« Tu exagères, Bart » tenta de répondre la gnome « elle est aussi très capable pour une magicienne sans pouvoir de naissance et…
« …et si elle était moche avec de la barbe, elle attendrait encore. »
La druidesse devait être jalouse, d’une façon ou d’une autre, se dit Newt, bien qu’il était difficile de comprendre sur quoi pouvait bien porter cette jalousie. Un complexe sur son apparence peut-être ? Mais pourtant, Bart semblait afficher un dédain total pour la notion de bain, un mépris absolu pour les peignes et un dégoût prononcé pour les parfums. Un mystère de plus à Riddleport, peut être plus opaque encore que cette mystérieuse Tâche dans le ciel.
Ou peut-être que la jalousie de Bart tenait à cela : Samaritha aurait plus de chances en tant qu’apprentie magicienne reconnue d’avoir des informations sur la Tâche.

Et le même jour, Saul vînt voir Newt pour lui demander si elle pouvait reprendre la comptabilité qui était restée en friche depuis la mort de Larur. Elle accepta du bout des lèvres, se plonger dans des livres, c’était du boulot de mage et tant qu’à faire, il aurait mieux fallu retenir Samaritha pour cela. Mais bon. Si ça dépannait.
Et c’est ainsi que Newt passa deux jours à essayer d’y comprendre quelque chose dans ce fatras de chiffres et de notes écrites avec l’écriture totalement illisible de Larur. Enfin toujours moins illisible que celle de Saul lorsqu’il annotait le livre de compte, là on touchait à un niveau où l’on était même plus sûr s’il s’agissait d’un mot ou d’une rature. Et si elle se sentait totalement perdue au début devant l’amoncellement de chiffres, elle finit au bout de quelques jours à être toujours perdue, certes, mais devant certains illogismes dans les comptes. Le Gobelin Doré pouvait vendre autant qu’il pouvait, être rempli de monde plusieurs fois par semaines, il semblait pris dans une spirale de pertes d’argent folle, comme si ses poches étaient percées et que tout ce qu’il mettait au coffre disparaissait comme par magie.
Bien que personne à part Saul ne puisse accéder à la pièce où se situait le coffre, Newt vérifia plusieurs fois le mur au sein duquel était percé ce dernier, pour en être sûre.
Elle en parla au propriétaire, évidemment, qui ne put lui répondre que d’un sourire triste. Les affaires étaient dures à Riddleport d’après lui. Et même sans être une entrepreneuse de génie, Newt commença à se douter qu’il y avait plus que cela en jeu. C’était évident : si même une maison de jeu ne pouvait rester à flot, cet endroit dont le concept même est de prendre l’argent de ses clients pour en redistribuer une petite partie aux vainqueurs, et ses semaines en tant que croupières ne pouvaient qu’en attester, comment pouvaient bien survivre les différents artisans et marchands de la ville ?
Ça n’avait aucun sens.
La gnome en parla brièvement aux deux autres, mais Edgar semblait trop occupé à ses histoires avec l’hospice et Bart semblait s’en soucier comme de sa dernière vérole, et Newt es rendit rapidement compte elle était toute seule sur cette affaire. Elle repensa brièvement à Samaritha : c’était un loisir de mage, ça, de se plonger dans des livres épais comme des briques à longues de journée, à s’écharper la rétine devant des pattes de mouches à demi illisibles dans le meilleur des cas. Et pour le coup, Newt se mit à sincèrement lui en vouloir d’être partie chez les mages pile quand on avait besoin d’elle pour autre chose que pour sa jolie tronche.

Malgré tout cela, elle se plongea aussi souvent, c’est-à-dire trop souvent à son goût, et aussi longtemps, c’est-à-dire une éternité de son point de vue, dans l’épluchage minutieux des comptes pour trouver d’où venait la fuite.
Et cela lui prit à nouveau plusieurs jours pour débusquer le point problématique. Des factures, de divers fournisseurs, présentaient des valeurs bien supérieures à ce pourquoi elles étaient établies. Et ces montants variaient d’un moment à l’autre. Voilà des preuves concrètes ! Enfin !
Plutôt que d’en parler tout de suite à Saul, Newt préféra enquêter de son côté. Plusieurs de ces étranges factures étaient faites par la Maison du Tavernier, et puisque Edgar semblait avoir la sympathie du tenancier-prêtre-dévot-personne-ne-sait-quoi-encore du lieu, il fallait l’emmener. Et pour cela, il fallait déjà l’extraire de son hospice chéri, probablement la tâche la plus ardue de la semaine. Il y passait tellement de temps qu’à un moment, Newt commença à le soupçonner d’utiliser le vieux cloître comme une excuse pour un rendez-vous galant inavouable. Et si ce n’était pas d’Edgar dont on parlait, elle aurait facilement pu imaginer bien pire.

Une fois Edgar arraché à sa « mission divine », l’enquête à la Maison du Tavernier se montra riche en enseignements. Rolf ne gardait aucune trace des transactions, ou plutôt si, mais entassées en vrai dans une pièce en un tel état de dérangement qu’on aurait cru que deux trolls y avait combattus.
Trois fois.
Des trolls demi-élémentaires d’air transformés en tornade.
La troisième fois, un dragon s’y était certainement mêlé.
Mais du peu qu’il parvînt à montrer, les prix ne correspondaient pas à ceux des livres de compte. Et comme il l’avait fait remarquer au groupe :
« Mon gars, à ce prix-là, je te vends le tonneau plus cher que si je te le vendais pinte par pinte au comptoir »
Le problème n’était donc pas à l’émission des factures. Mais à leur report. Quelqu’un les falsifiait pour profiter des sorties d’argent.
Et seules deux personnes pouvaient faire cela : Saul, qui contrôlait le coffre, bien sûr, et Larur, aussi idiot, horrible, stupide et terrifiant que cela puisse paraitre. Non ça ne pouvait pas être Larur. Donc c’était Saul, mais pourquoi coulerait-il le commerce qu’il a ouvert et lancé sur ses propres deniers, et qu’il continuait à renflouer sur sa propre part quand les semaines étaient trop mauvaises ? Cela n’avait aucun sens. Non ça ne pouvait pas être Saul. Mais qui pouvait bien faire cela ?
Samaritha ? Avec ses pouvoirs de mage, elle aurait pu faire quelques tours de passe-passe magique pour cela après tout. Mais les pertes dataient d’avant son arrivée. Elles dataient même d’avant l’arrivée de Bart, Edgar et Newt à Riddleport.
Bojask ? Il était détestable, méprisable, et présent depuis assez longtemps pour pouvoir se livrer à cela. Mais il était aussi trop stupide et généralement trop alcoolisé pour tenir au long terme une opération demandant discrétion et subtilité. Mais pour le moment c’était le meilleur suspect.

Et alors qu’ils retournaient au Gobelin Doré, Newt toujours perdue dans ses pensées, leur route se trouva barrée par une dizaine d’hommes en armes. Pas des gardes. Donc une mauvaise nouvelle.
Les hommes avaient la main sur le pommeau de leur épée, mais ne faisaient aucun geste menaçant, même quand Edgar sortit son bouclier et se mit aussi en position d’attente.
La troupe s’écarta pour laisser apparaître un homme aux cheveux ras et aux traits durs, habillé de vêtements de qualité. Clegg Zincher. Les mauvaises nouvelles arrivaient en troupe aujourd’hui.
« Ne vous inquiétez pas, ces hommes sont là pour me protéger si vous décidiez de devenir trop violents. Si je vous voulais mort, vous seriez déjà les tripes à l’air. Pour l’instant je me contenterais d’un avertissement. Entre Smeed et le port, vous et votre bon ami Saul avez décidé de vous mettre en travers de ma route. Je ne saurais trop vous conseiller de vous écarter de mon chemin. Oubliez le Gobelin Doré, vous n’aurez aucun problème à trouver du travail ici. Tout le monde recherche des gros bras dans votre genre. Surtout avec ce que je sais de vos… capacités. Qui sait, même moi je pourrais vouloir vous embaucher » il ponctua sa dernière phrase d’un sourire carnassier tout à fait typique du genre de personnage qu’il représentait. Ce qui voulait dire un bonhomme détestable, foncièrement mauvais, sûr de lui et sûr de son pouvoir. Newt n’avait pas assez de mots pour résumer proprement ce qu’elle pensait de Zincher, Bart le ferait probablement mieux, et en moins de cinq mots.
En parlant de Bart, la gnome la vit clairement ouvrir la bouche pour ce exacte raison : une nouvelle de ses habituelles remarques lapidaires. Cette femme crachait plus de venin qu’une vipère, même si parfois cela pouvait être drôle, par exemple avec celui en armure sur les quais. Non, cela avait été une catastrophe, des gens avaient perdu la vie. Newt avait quand même dû réprimer un sourire à plusieurs instant devant les réponses de la druidesse et…
Zincher. Revenons à Zincher.
Heureusement dans ce cas, Edgar avait prit de court Bart pour s’exprimer avant elle.
« Monsieur Zincher, quoi que l’on vous ait raconté, nous n’avons rien à voir avec la mort de Lymas Smeed. Quant à l’incident du port, je tiens…
« Bien sûr. Vous êtes l’innocence même. Dans mon domaine, la dernière personne à voir quelqu’un en vie est souvent la première à la voir morte. Et réfléchissez deux secondes : qui avait intérêt à voir Smeed mort ? »
La réponse de Zincher coupa nette la parole d’Edgar, ce qui était en passant un exploit en soi. Evidemment le Gobelin Doré avait des dettes auprès de Smeed, mais elles avaient été payées, Edgar s’en était lui-même assuré pendant qu’elles…
Newt se sentit un peu mal. Et si leur pillage des réserves de Smeed pour rembourser la somme jamais versée par Larur avait eu un impact sur son meurtre ? Heureusement pour elle, ses sombres pensées furent interrompues par Edgar qui, bien que plus lentement évidemment, avait fini par comprendre la même chose qu’elle.
« Le Gobelin Doré n’avait aucun intérêt dans la mort de Smeed, nous venions juste de régler une partie de notre dette envers lui
« Dette retrouvée dans les comptes mais pas dans les coffres. Un bel alibi ma foi, ça a pu tromper la garde avec aisance.
Allez, je dois y aller. Oubliez le Gobelin Doré, je vous le répète. Oubliez-le immédiatement. »

***

Après cette entrevue avec Zincher qui soulevait bien des questions, Edgar se dit qu’il était temps d’avoir une discussion avec Saul. Trop de points restaient à préciser, et cette histoire de comptes trafiqués le hantait. Malheureusement, le temps de rentrer au Gobelin Doré que la soirée s’amorçait déjà. Une soirée particulièrement chargée, où tous trois eurent fort à faire. Edgar dut notamment faire face à un groupe de bagarreurs plutôt décidés à détruire le maximum de la pièce au passage. Il trouva une aide inespérée en Bolg, le videur demi-orc qu’il avait embauché la semaine précédente, afin de disposer de quelqu’un plus à même que lui de lire les intentions des demi-orcs venant à la maison de jeu. Sa poigne servait admirablement bien de contrepoint aux injonctions du paladin, et sa carrure permettait d’imposer une paix relative autour des trouble-fêtes.

A la fin de cette soirée, alors qu’ils rangeaient la salle, Edgar essaya en vain de trouver un moment pour s’entretenir avec Saul. Et alors que ce dernier s’était retiré dans la salle du coffre pour mettre en sécurité la recette du soir, deux fenêtres volèrent en éclats. Une troupe de quatre hommes armés menés par un imposant demi-orc pénétrèrent dans la salle principale et se dirigèrent directement vers Hans pour l’agresser. Cette fois, les tentatives de médiations d’Edgar furent réduites à leur plus simple expression. Ceux là venaient en agresseurs, ils seraient traités en tant que tel.
Le paladin dégaina son cimeterre et son bouclier et chargea le leader du groupe en premier. Tout comme la troupe qu’ils avaient rencontrée lors de l’escorte du convoi des Forges Empoisonnées, celui-là se battait avec une imposante hache. Mais contrairement à l’attaque en haut du col, l’adversaire d’Edgar ne misait pas tout sur sa force et parait ses ripostes. Et cette fois, et Bart et Maggie étaient occupées à affronter les autres intrus. Bolg s’était interposé devant Hans, qui reculait d’un pas hésitant, visiblement effrayé par les assaillants. Gert, un autre videur, était venu se placer près de Bart pour l’aider à retenir ses adversaires. Quant à Newt, elle ne semblait pas en vue, mais un cri de douleur venait de derrière Edgar lui indiqua qu’un malandrin avait tenté de le prendre à revers et que le sort favori de la gnome l’avait atteint.
Il se nota mentalement de la remercier quand tout ceci serait terminé. Malgré son inexpérience du combat, elle savait se mettre en retrait et lisait admirablement bien les intentions et mouvements de leurs opposants, intervenant souvent judicieusement. L’exact miroir de Bart qui n’était défini que par sa colère et la violence folle de son animal. En parlant du blaireau, de ce que le paladin pouvait en voir, il était en train de déchirer sauvagement le mollet d’un de ceux qui s’en était pris à sa maîtresse.
« Vous pouvez encore déposer les armes et quitter cet endroit messieurs » Edgar tenta une dernière fois de trouver une issue pacifique au combat
« C’est ta tête que je vais déposer, enfoiré ». La réponse du demi-orc, ponctuée d’un formidable coup de hache qu’Edgar para difficilement de son bouclier. La vibration engendrée par le coup manqua de le faire lâcher et son coude le tirait affreusement. Au temps pour l’issue pacifique. Il profita néanmoins de la puissance du coup pour accompagner le mouvement, laisser la hache tomber sur sa gauche et riposter de la droite. Son adversaire para… du bras. Il en recueilli une profonde blessure à l’avant bras mais cela ne l’empêcha en rien d’armer à nouveau sa hache pour continuer l’assaut.
Le coup suivant fut de trop pour le bras de bouclier du paladin qui se relâcha complètement sous le coup de la douleur tandis qu’il serrait les dents pour ne pas crier. Ce combat était mal engagé, très mal engagé, mais un nouveau sort de Newt permis de distraire le demi-orc suffisamment longtemps pour qu’Edgar puisse attaquer de nouveau, à l’épaule cette fois. Le bras de son assaillant se relâcha misérablement le long de son corps alors que du sang s’écoulait depuis la blessure infligée par le paladin. Il avait visé les muscles de l’épaule, les tendons, l’articulation, tout ce qui permettrait d’handicaper suffisamment son adversaire enragé pour qu’il rompe le combat. Mais celui-ci, totalement enragé, semblait ne pas vouloir abandonner.

Et derrière son visage déformé par la colère, la porte de la cuisine s’ouvrit en grand, révélant un autre groupe, mené par un demi-orc habillé en toge.
« Où est Vancaskerkin, cloporte ? »
Voila donc le but de cette attaque. Les mots de Zincher revinrent en mémoire à Edgar. C’était cela qu’il sous entendait. Ce raid avait été programmé pour en finir avec le Gobelin Doré et son propriétaire.
Et alors que la situation avait considérablement empirée avec le surgissement de ce deuxième groupe, voila que trois nouveau bandits entraient. La situation était grave.

***

Alors que tout le monde se battait autour d’elle, Newt essayait de réfléchir à la situation. Cette bande de malotrus qui les attaquaient étaient ici pour en finir avec Saul, c’était un fait. Mais déjà le fait qu’il y ait autant de demi-orc, à chaque fois en position de commande des petits groupes, ça sentait fort l’implication de Croat. S’il n’y en avait eu que un ou deux parmi la masse, on aurait pu en douter, après tout Croat ne régnait pas sur tous les demi-orcs de Riddleport, comme avait pu l’expérimenter Edgar.
Un bandit tenta d’attaquer Newt, pour se faire intercepter par Maggie. Pauvre bandit.
Ou en était-elle. Ah oui, Croat et les demi-orcs. Et puis Bolg était de leur coté, clairement. Mais puisque les assaillants n’étaient pas que des demi-orcs, le reste avait très certainement été recruté auprès d’un autre seigneur du crime, Zincher de toute évidence, après ses menaces de l’après midi, pas le moyen le plus subtil d’annoncer ses intentions quand même, pourtant Newt le considérait un peu plus malin que les autres ici. Mais bon, plus malin que du Croat, c’était pas bien difficile et…
Ce bandit là essaie de profiter de la fuite en hurlant de celui pris en chasse par Maggie pour attaquer Edgar dans le dos. Quelques gestes et incantations plus tard, et il était recroquevillé au sol à se tenir les oreilles lui aussi. Lancer ce sortilège était à chaque fois plus facile, comme s’il devenait une partie d’elle.
Donc une alliance de circonstance de Zincher et Croat contre le Gobelin Doré. Il fallait s’y attendre : l’ennemi de mon ennemi, tout ça, en attendant de se retourner contre l’allié du jour pour en tirer tous les lauriers.
Trois groupes, près d’une quinzaine d’assaillants contre eux six, sept avec Maggie, mais vu les capacités martiales de Hans, on pouvait ne compter que six personnes. Deux demi-orcs encore debout, et tout le reste en humains, dont encore une bonne dizaine en état de se battre.
Gert décala la gnome d’un coup d’épaule pour interposer sa vieille épée contre la dague qu’un des humains avait tenté de planter entre ses omoplates. L’assaillant recula dès qu’il vit un combattant un peu plus capable s’interposer.
Donc les combattants humains étaient du menu fretin, pas du bretteur aguerri, contrairement aux autres, Zincher n’avait pas misé d’éléments importants dans ce raid. Et puis comme ça, personne ne pourrait officiellement remonter jusqu’à lui en cas d’enquête, décidément il était réellement plus malin que Croat et consorts.
Mais du coup…
Oh, en voila une idée.
Newt se rapprocha de Hans, qui s’était résolument placé à quinze bons mètres du combat le plus proche, décidé à protéger tous les belligérants de toute incursion de ce pilier de bois fort menaçant derrière lequel il stationnait, guettant ses moindres faits et gestes pour pouvoir réagir en conséquence, par exemple en tremblant et en pleurant.
« Hans tu peux tous nous sauver !
« Je… non… qui… moi ?
« Oui ! je peux te rendre super fort à l’épée en un sort, tu vas tous les battre !!! » Newt essaya d’y mettre toute sa conviction. Et aussi de ne pas éclater de rire.
« Non… je ne veux pas
« Attends tu vas voir, tu vas tellement les effrayer qu’ils vont fuir devant toi. Tu ne risques rien. Tu vas vers eux, et moi je te lance un sort pour te rendre imposant et irrésistible. Ils ne vont pas faire un pli
« Mais je… je ne sais pas me battre moi et…
« Ne t’inquiète pas, tu vas magiquement le savoir. Tu le sais, non, que je sais lancer des sorts ? Ben voila, j’ai trouvé ce sort là qui va te rendre puissant
« Mais… mais pourquoi tu le lance pas plutôt sur… sur Edgar ou Bolg ou… »
Question piège, mince. Il fallait vite trouver un moyen de le convaincre. Edgar s’était fait encerclé et commençait à éprouver des difficultés à contenir les assauts de ses opposants, bien qu’il en ait mis hors d’état de nuire trois. Fidèle à lui-même, il s’était jeté au cœur de la mêlée, sans trop faire attention à ses arrières. Et comme Newt ne pouvait pas tout le temps y faire attention pour lui, voila le résultat. Maggie était amochée aussi, et Bart, Bolg et Gert étaient pris à deux ou trois contre un et peinaient à parer leur coups.
« Ce sort ne marche que sur quelqu’un incapable de se battre justement. Et je ne vois que toi ici pour ça !
« Tu… tu en es… sûre ? » ouf, il cédait.
« Sûre et certaine, c’est toi le héros ce soir ! »
Hans sorti de derrière son pilier en hésitant
« Je dois faire … quoi alors ?
« Tu dégaines et tu fonces sur ceux qui attaquent Edgar, je m’occupe du reste »
En tremblant, Hans sorti son épée et la brandit d’une main peu assurée. Newt se concentra derrière, incanta, et invoqua une illusion autour du videur peureux. D’immenses tentacules suintant d’un ichor noirâtre dégoutant, se contorsionnant au dessus de lui comme autant de dards prêts à fondre sur ses adversaires. Elle les couvrit de pustules chargées de pus aussi corrosif qu’il était possible de l’imaginer en le voyant et prêtes à se percer pour se déverser sur quiconque bataillerait avec elles.
Plusieurs bandits hésitèrent devant l’immonde monstre couvert de larmes qui les chargeaient, mais le demi-orc en toge ne parut pas impressionné et décocha un formidable direct du droit à Hans qui s’étala au sol de tout son long, comme une masse.
Newt murmura
« Désolé Hans, je n’avais pas prévu ça… »
Mais la seconde d’inattention provoquée fut suffisante pour que Bart et Bolg se débarrassent de deux de leurs opposants, dont un des demi-orcs qui les dirigeaient, avant de joindre leurs forces pour venir à bout des derniers.
Edgar terrassa un bandit de plus mais son visage couvert de sueur et de sang indiquait qu’il ne tiendrait plus longtemps.
Ce retournement de situation inespéré pouvait renverser l’équilibre des forces si Edgar tenait bon encore un peu, le temps que les autres ne libèrent.
Newt tenta bien d’utiliser à nouveau son sort de cri perçant contre le demi-orc en toge, mais celui-ci semblait totalement imperturbable et envoya un coup de genou qui résonna contre le bouclier d’Edgar, faisant reculer le paladin d’un bon mètre, juste à portée d’un autre bandit qui le frappa violemment à la tête de son gourdin. Le heaume évita le pire à Edgar mais ce n’était qu’une question de secondes avant qu’il ne succombe, et Next ne savait plus quoi faire pour le sauver.
C’est à ce moment là que surgit Bolg qui plaqua l’homme qui tentait de porter le coup fatal au paladin. Bart faucha en un mouvement ample les jambes de demi-orc en toge, ce qui le déséquilibra sans le faire tomber et fit tournoyer sa faux dont la lame finit sa course dans la poitrine de son opposant. Voyant le dernier de leurs leaders tomber, les autres prirent unanimement la décision de fuir sans demander leur reste.

Ils avaient survécu, le Gobelin Doré avait tenu, et si tous semblaient avoir pris des coups, surtout Edgar, aucun n’était en danger immédiat.
Le pauvre Hans était couché au sol, totalement assommé. Newt se nota mentalement qu’elle lui devait ses plus plates excuses à son réveil.
Au nom du Corebook, du Bestiary et du Holy d20
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