Si le paysan ne s’était pas retrouvé devant cette porte dans ces conditions, ses pensées plutôt basiques se seraient résumées à un fantasme plutôt osé sur la prêtresse - après tout, sa prestation de la veille avait de quoi éveiller le sang plutôt chaud des gars du coin - mais dans le cas présent, c’était la dernière chose à laquelle il pensait. La voix vespérale, et plutôt séduisante commençait à l’hypnotiser depuis l’autre côté de la porte. C’est presque comme s’il en oublié cette substance verdâtre qui s’était écoulé de son nez quelques secondes plus tôt. Presque.

Finalement, la peur fut plus forte que la rêverie. Henric saisit la poignée et tourna. Il espérait que la prêtresse saurait le rassurer et plus de le protéger. Le coeur battant, il poussa la porte qui s’ouvrit dans un grincement des plus sinistres.

Il s’entêta pourtant à rester dans l’embranchement de la porte entrouverte. La peur qui l’avait assailli plus tôt n’était toujours pas repartie et il espérait dans son coeur que la prêtresse accomplissait un rituel qui garantirait sa protection. Si cette Carla se trouvait dans une pièce spéciale parsemée de symboles de Pharasma, c’est qu’elle devait accomplir son office. Enfin, il l’espérait. Avec les dieux, on ne savait jamais ce qu’ils nous réservaient.

Ecartelé entre sa peur de l’obscurité de l’église qui s’était déjà une première fois insinuée en lui et celle d’évoquer le courroux de cette prêtresse en assistant à un rituel interdit, le pauvre bougre resta masqué derrière sa porte. Seule sa tête dépassait de l’encadrement. Puis une voix se fit entendre. « De quoi as-tu peur, petit bout d’homme ? »

Le souffle du paysan se coupa sous la surprise et son coeur se mit à bottre si fort qu’il ne comprenait pas comment ce dernier n’avait pas encore jaillit de sa poitrine. Ce voix venait de loin. Elle n’était pas réelle. Et pourtant, elle lui semblait familière. Il savait l’avoir déjà entendu. Pourtant il choisit de faire mine de n’avoir rien entendu. Alors la voix choisit de se manifester d’une autre manière. Relâchant un souffle d’apaisement en pensant la voix repartie, Henric sentit soudain ses bourses vigoureusement comprimées, comme saisies à pleine main.

C’en fut trop pour lui. L’instant d’après, un long filet chaud se mit à couler le long de ses jambes jusqu’à former une flasque à ses pieds. Réfreignant à grande peine un couinement de peur, de honte et de douleur, le pauvre homme voulu finalement s’éclipser en espérant que la prêtresse ne le remarquerait pas. Mais en portant sa main à la poignée, une nouvelle goutte verdâtre s’écoula de son nez pour aller percuter celle-ci. Dans une voix trop fluette pour être la sienne, il s’entendit dire : « Pitié… » Pitié de quoi ? Pitié de qui ? Il ne le savait pas. Mais il voulait trouver un sanctuaire de paix et de réconfort.

Tout à sa réflexion, il ne se rendit pas compte que la prêtresse venait de s’interrompre.

Modifié par un utilisateur mardi 18 septembre 2018 20:00:41(UTC)  | Raison: Non indiquée

Henric se mit à begayer : « Heu... je... heu... » Honteux de se retrouver ainsi devant la prêtresse qui avait maintenant connaissance de sa présence et dont il ne comprenait rien au rituel, l'homme essaya de trouver une répartie qui éluderait les questions et lui permettrait de retrouver une certaine sécurité. « Je... j'ai fais un cauchemar. Et... et j'ai vomi par terre à cause de ça. J'vais nettoyer bien sûr ! Mais après, est-ce que je pourrai rester un peu ici avec vous ? »

Après tout, Carla était la seule personne d'église qu'il avait sous le coude. Quoiqu'il se passe, Henric se disait qu'il pourrait compter sur elle si quelque chose de bizarre survenait de nouveau.

Trop content de s’en tirer à si bon compte, Henric ne se le fit pas dire deux fois. Il ferma prestement la porte et s’assit à l’endroit désigné par Carla sans la questionner sur sa réaction.

Finalement, si la prêtresse avait eut l’air intriguée - ou inquiétée -, le paysan se fit la remarque que sa cérémonie religieuse qu’il venait d’observer devait avoir pour but une protection quelconque de l’église. Et cela le tranquillisa légèrement. S’il restait proche de la religieuse, il se dit que lui aussi bénéficierait des prières, protections et bondieuseries par ricochet. Restait à respecter sa part du contrat : penser à des choses agréables.

Des choses agréables…

Des choses agréables…

Assis depuis deux bonnes minutes, l’homme courbé en avant fit son possible pour satisfaire à la consigne de la prêtresse. Mais sans cesse, ces gouttes vertes imprégnées sur sa manche lui rappelaient ce cauchemar et cette voix grave et caverneuse qui le prenait aux tripes. Il eut donc toutes les peines du monde à imaginer des choses plaisantes. Il avait bien tenté de repenser à sa femme, les papillons dans le ventre, les bons moments, les éclats de rires et le plaisir de la vie à deux. Même les moments de plaisirs charnels feraient l'affaire. Mais seuls revenaient les moments difficiles et la vie misérable qui s’en était suivit à son départ. Il essayait aussi de penser à sa vie au village. Mais rien de plaisant ne lui venait à l’esprit. Les femmes l’évitaient et les hommes le regardaient souvent de haut. Seuls les malades venaient le quérir quand ils étaient à la recherche de simples et que le voyage vers la ville n’en valait pas le coup. Et même là, il pressentait que sa présence était tout juste tolérée, comme le marginal qu’il devait être.

En fait, en dehors de Zina, pas grand monde ne le côtoyait de bonne grâce au village. Mais cette relation-ci était plus charnelle qu’émotionnelle. Il y avait bien Julide et son charme naturel. Avec sa poitrine dessinée et fière, sa taille délicieusement déliée, son long cou gracile, sa peau au teint laiteux l’hiver et à peine halé l’été et son caractère indépendant, Henric avait tenté sa chance courageusement. Pourtant le résultat sans être totalement désastreux avait définitivement été foireux. Pas intéressée ni convaincue, la drôlesse lui avait accusé une fin de non recevoir. Grimaçant de frustration, Henric se morigéna « Des choses agréables qu’y faut y penser… des choses agréables qu’elle m’a dit… » De fil en aiguille, Henric se rappela qu’il n’avait finalement pas eu le temps d’aller voir Zina pour faire pleurer son poireau.

De fait, rien ne venait à part… des pensées salaces non assumées. Face à la prêtresse qu’il n’avait encore jamais vu ni d’aussi près, ni aussi longtemps, il se mit à s’imaginer des scènes plutôt osées. Il fallait dire que la femme présentait des atouts certains en sa faveur. Entre cette bouche aux lèvres pulpeuse couleur vermeille, ces traits délicats et ce port distingué, Henric se demanda si un homme au village pouvait bien intéresser cette nouvelle venue et si les prêtres et prêtresses du clergé de Pharasma pouvaient avoir des relations charnelles avec d’autres personnes. C'est que la voix de la bonne femme devait être une caresse pour les oreilles pour qui pouvait la faire couiner dans les règles de l'art. Si sa voix divine avait ravi l'ouie des villageois du coin durant le concours de la veille, la paysan ne doutait pas que quiconque passerait un peu de temps sous les jupes de Carla saurait y trouver son compte. Entre songes et fantasmes, Henric se mit à fixer Carla des yeux en essayant de faire refluer ces idées pas très religieuses qui lui venaient immanquablement en tête. Pour se déculpabiliser, il se dit au moins que s’il pensait à faire des galipettes, il ne penserait pas à ces autres choses.

Et le temps fila ainsi, lui fixant la prêtresse des yeux jusqu’à ce qu’elle termine sa cérémonie.

« Que... hein ? » fit un Henric encore vaseux. Il avait l'impression que la moitié de son visage était paralysé, figé. Et cela rendait son articulation encore plus difficile.

Se massant la joue pour se donner le temps de comprendre la situation, il essaya d'estimer le temps qui s'était passé depuis ce moment étrange et dérangeant dans la nuit. Mais savoir que le jour était levé ne le rassura qu'à moitié. Avec le hameau encore endormi et la nuit froide qui avait précédé, l'homme se méfiait de la brume inquisitrice qui s'infiltrait partout dans les rues. Rentré chez lui était possible, mais... s'il était accompagné, cela serait d'autant plus rassurant. Une fois à l'abri et au chaud, il aurait tout le loisir de repenser à cette nuit et à ce qu'il était advenu de la prêtresse.

« Heu, qu'est-ce que vous faites là ? La m'dame prêtresse Carla, elle est partie ? » demanda avec un nouvel essai Henric. Le résultat était plus probant cette fois. Alors il enchaina avec sa dernière question, la plus importante. « Et heu, j'me sens toujours un peu comateux. Que vous pourriez m'raccompagner jusqu'à chez moi ? » Oui, avec ça, il se sentait plus rassuré.