eul Andréï s'était levé à l'aube ce jour-là. La veille, son ancien compagnon Milès avait montré tant de joie à retrouver une arme digne de ce nom, l'épée de son oncle aventurier, que l'épéiste n'avait pas eu le cœur à l'accepter en paiement et qu'il avait même suggéré au jeune homme qu'ils se retrouvent à l'aube pour quelques passes d'armes. C'était une promesse qu'il avait bien l'intention de tenir.

Au cours des journées qui avaient précédées, Andréï s'était reproché à plus d'une reprise de ne pas être suffisamment efficace pour assurer la sécurité de ceux qui voyageaient avec lui. Après tout, il avait failli plus d'une fois tomber sous les coups des adversaires monstrueux dont ils avaient croisé le chemin : un ours-hibou d'abord, puis un couple de tatzlwyrms… ceux-là même qui avaient un terme à la vie de l'oncle de Milès peut-être. Peut-être était-ce aussi pour cela qu'il avait invité son ancien compagnon de chambrée à s'entraîner ce matin-là.

Milès était clairement un peu rouillé… après tout, cela faisait plusieurs mois qu'il avait eu d'amples occasions de s'entraîner à la pêche et aux menus travaux nécessaires au bon fonctionnement du Comptoir d'Oleg mais pas vraiment au combat… malgré tout, il retrouva rapidement ses positions et ses habitudes d'antan. Au cours de la première demi-heure d'entraînement, Andréï dut rester prudent et retenir ses coups mais il fut bien vite évident que ce n'était plus nécessaire. Le jeune homme s'était départi de son expression triste, celle qui semblait lui avoir tenu compagnie quasiment jour et nuit depuis son arrivée dans la Ceinture Verte et sa rencontre avec les bandits qui l'avaient dépouillé. Là, il était dans son élément, il ne faisait plus qu'un avec l'épée.

Les uns après les autres, réveillés par le bruit des chocs d'épées, les autres aventuriers s'étaient finalement levé et ils avaient pris place dans le "coin cuisine" pour briser le jeûne de la nuit. Les diverses lettres et colis qu'ils avaient préparés la veille, au vieux rôdeur, à l'église d'Érastil et aux seigneurs-épéistes de Restov, étaient partis depuis plusieurs heures maintenant, dans les sacoches d'un coursier monté qu'Olet et Svetlana avaient embauchés pour les messages rapides. Depuis qu'ils étaient arrivés sur place, le fortin avait bien changé. Peut-être pas en apparence — quoique, pendant leur temps libre, les mercenaires de Kesten Garress avaient entrepris de solidifier les murs et de réparer peu à peu les vieilles catapultes montées sur les tours — mais plutôt au niveau de la fréquentation.

Il y avait bien sûr les trappeurs et les chasseurs qui s'arrêtaient au Comptoir avant de poursuivre leur chemin vers les Narlmarches ou vers les villes où ils allaient vendre leur viande et leurs peaux. Il y en avait déjà eu quelques-uns quatre mois plus tôt, quand les aventuriers-explorateurs étaient arrivés mais, depuis que la région était "sécurisée" et, surtout, depuis l'élimination du campement secondaire des bandits, leur nombre avait quasiment quadruplé. Certains ne prenaient d'ailleurs même plus la peine de retourner eux-mêmes jusqu'en ville : Oleg et Svetlana avaient offert de leur acheter leur viande et leurs peaux et de s'occuper de l'acheminement en ville.

En plus des trappeurs et des chasseurs, il y avait aussi eu les curieux. Certains visiteurs, poussés par la curiosité, l'oisiveté propre aux nantis, ou l'intérêt scientifique avaient succombé à l'attrait des nombreux mythes et légendes qui circulaient au sujet des Narlmarches et étaient venus passer quelques temps sur place. Tout ce va-et-viens et tout ce petit monde avait exigé d'importants investissements de la part d'Oleg et de Svetlana mais ceux-ci s'étaient rapidement mis à rapporter à l'heureux couple, tant et si bien que l'ancien ours bougon qui semblait chercher le calme et la solitude s'était peu à peu transformé en un entrepreneur plutôt doué.

L'évolution se traduisait non seulement par une fréquentation plus élevée mais aussi par divers services, comme le coursier pour messages urgents dont les aventuriers avaient pu bénéficier. La quantité et la variété des biens disponibles sur place avaient elles aussi augmentée. Ainsi, on servait désormais pas moins de 8 sortes de vins et d'alcools différents au comptoir, et on pouvait y trouver à peu près toutes sortes d'outils et d'ustensiles pour la chasse, le voyage et le camping, en plus de quelques armes et armures.

« Pour l'instant, c'est surtout aux trappeurs et aux chasseurs qu'on vend tout ça, » avait expliqué Oleg, « mais, si les gens continuent à arriver, il faudra sans doute qu'on étoffe notre choix. Tiens, pas plus tard qu'il y a deux semaines, le coursier rapide m'a dit qu'il avait parlé avec un couple de Restov, un cordonnier et une couturière, qui se demandaient s'il n'y aurait pas de travail pour eux sur place. Pour sûr, les gars qui passent par ici ont parfois besoin de nouvelles bottes et de faire rapiécer leurs habits. Mais si ces deux-là viennent s'établir ici, j'saurai pas les loger. Ils devront s'faire une maison près du fortin ou quelque chose comme ça. » À la fin de la soirée de la veille, Oleg avait même admis en haussant les épaules « Pour sûr qu'ça ne m'gênerait pas d'avoir d'la compagnie ici… enfin, tant qu'c'est des gens bien… et qu'ça n'devient pas trop grand hein. Des Restov et des Nouvelle-Stetven, pas pour moi, merci ! »

La matinée passa ainsi, au fil de discussions diverses entre les gardes, les deux propriétaires et les explorateurs, qui furent naturellement conviés à raconter par le menu ce qu'ils avaient vu au cours de leur voyage et à parler des projets qu'ils nourrissaient pour la région. Vers le milieu de la matinée, Kesten Garress, le chef des mercenaires qui s'occupaient de protéger le fortin, vint observer les deux épéistes qui poursuivaient leur entraînement. L'homme avait clairement une certaine expérience, à la fois comme combattant lui-même et comme entraîneur. Il fit quelques démonstrations de bottes spéciales que les deux autres combattants ne connaissaient pas mais c'est surtout en trouvant les mots justes et le bon moment pour offrir ses conseils qu'il se distingua.

En fin de matinée, Milès et Andréï décidèrent de mettre un terme à leur long entraînement. Ils avaient appris quelques nouveaux tours, entre autres grâce à Kesten Garress, et ça leur avait visiblement fait du bien de se retrouver "comme au bon vieux temps" et de pouvoir s'adonner à la danse du combat tout en chassant les autres préoccupations. Ils prirent un instant pour se laver et se changer avant de rejoindre tous les autres dans le "coin cuisine" pour savourer les délicieux mets que Svetlana et son aide-cuisinier halfling avaient préparés.

Erwanez acquiesça en entendant les derniers propos d'Oleg et elle déclara, « Je suis tout à fait d'accord avec vous Oleg. Je crois qu'il est bon pour la région de voir à nouveau des gens venir avec un espoir d'y trouver quelques ressources ou d'y établir un foyer. Cependant, j'espère que ces terres garderont leur nature sauvage malgré cela et qu'aucune grande ville y verra le jour. Hélas, nous ne pouvons pas commander ces choses là, nous pouvons juste veiller et prévenir avant qu'elles n'arrivent. Ce que j'espère pour l'instant, c'est que les chasseurs ou trappeurs qui viennent ici utilisent leurs pièges en les signalant et qu'ils ne viennent pas ici avec de mauvaises intentions ou pire rejoignent le camp du Seigneur-Cerf. »

Modifié par un utilisateur vendredi 21 janvier 2011 20:11:00(UTC)  | Raison: Non indiquée

« D'accord pour la fête. Il ne nous reste plus qu'à régler le petit détail du Seigneur Cerf. Et puis, est il besoin d'une fête pour qu'Allister nous joue la comédie? » Répliqua Aelaendlara en riant. « Bon, c'est vrai que si l'on trouve un coin pour y faire venir quelques artisans, c'est vrai que ce serait bien pratique. Mais c'est vrai qu'on ne peut pas tout mettre trop de monde dans le Comptoir d'Oleg, il faudrait leur trouver un autre endroit. Peut être à coté des sources chaudes? Comme ça ils aurait le camp des historiens pas trop loin, cela leurs ferait déjà quelques clients... Mais bon, c'est un peu loin du Comptoir, il vaut peut être mieux pour le moment qu'ils reste dans les environs de celui ci. »

Modifié par un utilisateur lundi 24 janvier 2011 20:14:54(UTC)  | Raison: Non indiquée

Le demi-orc écouta la prêtresse avec attention :

«  Je trouve l'idée particulièrement brillante Erwanez.  »

Allister avait passé deux jours silencieusement, son carnet sur les genoux, à écrire des vers sur la beauté du paysage qu'il avait sous les yeux. Chaque moment passé à la contemplation l'inspirait : le lever du soleil sur les plaines, le chant d'un oiseau dans les ramures d'un arbre isolé, la gambade d'un lapin à proximité du fortin, les fleurs multicolores qui parsemaient la campagne... En même temps que les premières chaleurs de cette fin de printemps, la nature s'était éveillée et fournissait constamment des nouvelles lignes au barde.

Le calme et la sérénité qu'éprouvaient le jeune humain contrastaient avec le stress continuel de ces derniers mois d'explorations. La fureur des combats et la lutte pour la survie avait laissé la place au silence et à la joie de vivre, simplement, en accord avec le territoire d'Erastil et la beauté tranquille que pourvoyait Shélyn à chaque heure du jour.

Bientôt il fallut tout de même penser à partir à nouveau. Il restait encore quelques épreuves au groupe avant qu'il ne puisse organiser l'arrivée des premiers colons. Certains avaient parlé d'organiser une fête pour marquer le début d'une nouvelle ère dans ces terres autrefois désolées. Elle devrait être repoussée à la fini de leur mission première qui n'était pas totalement terminée. Lorsque les aventuriers établirent leur plan de route et leurs objectifs pour les jours à venir, Allister avait acquiescé. Il fallait en finir avec les dangers visibles qui existaient encore dans les plaines de l'est. Il serait ensuite temps de s'occuper de visiter les ruines situées à l'ouest de la forêt.

Andreï était bien content de partir déloger l'ours-hibou qui trainait à l'est du comptoir d'Oleg. L'arrêt chez Bozzen le surpris le vieux semblait avoir retrouvé un peu de tête, et c'est avec plaisir qu'il mangea le ragout de lièvre avec son accompagnement de légumes.

« "Vous semblez plus jeune, Monsieur Bokken, comme si vous étiez libéré de quelque chose." »

Erwanez était contente d'arriver chez Bokken. En effet, même si elle avait préféré s'engager dans le contrôle de sa canalisation, elle espérait bien qu'un jour elle pourrait venir dans la hutte de l'ermite pour approfondir ses connaissances en alchimie.

D'ailleurs, pendant le repas, elle ne put s'empêcher de demander au vieil homme qui avait l'air d'avoir toute sa tête aujourd'hui, « Avez-vous eu le temps de concocter quelques nouvelles potions depuis la dernière fois que nous nous sommes vus ? »

Modifié par un utilisateur vendredi 28 janvier 2011 21:41:26(UTC)  | Raison: Non indiquée

« Hein ? Oh ben... oui, j'ai pu faire quelques nouvelles potions… avec les baies que vous m'avez rapportées ! Elles ont si bon goût ! » répondit le vieil à la question d'Erwanez, avant de partir dans une crise de petits rires aigus qui ressemblaient beaucoup plus au Bokken légèrement dément que les explorateurs avaient rencontré lors de leurs précédentes visites. Peut-être fallait-il y voir un signe que sa "normalité" n'était peut-être que passagère et qu'il s'agissait bel et bien du même vieux bonhomme peut-être un peu sénile, qu'ils avaient rencontré auparavant. Sans doute certains avaient-ils été un peu naïfs de croire qu'une bonne dose de baies de croc allait suffire à guérir mentalement le vieil ermite… si les détails qu'il leur avait donné sur sa vie d'avant étaient vrais, il y avait fort à parier que l'homme était et resterait marqué à vie. Au moins semblait-il plutôt heureux ici auprès de son jardinet.

Milès, qui n'avait pas encore croisé Bokken lui, regarda ses compagnons de voyage et fit de gros yeux ronds et interrogateurs en entendant le vieil homme partir dans cette petite crise de rires. Heureusement, elle ne dura "que" une bonne trentaine de secondes. Finalement, le vieil homme revint vers eux et demanda « Pourquoi ? Vous voulez m'en acheter peut-être ? Je me souviens du marché hein, moitié prix. Et le vieux Bokken tiendra parole ! »

Le groupe avait acheté quatre potions aux vieux fous, il était dorénavant temps de partir combattre l'ours-hibou.

Bokken secoua la tête quand Erwanez aborda le sujet des kobolds et des mites. Il n'avait visiblement jamais entendu parler de ces bestioles qui, il est vrai, habitaient à plus de deux journées de marche (sans doute trois ou quatre journées de marche pour ces créatures de taille réduite) de chez lui. Par contre, il avait déjà entendu parler de l'ours-hibou… « Oui. Je l'appelle le Vieux Chasseur… vaut mieux l'éviter. C'est une bête plutôt costaude et pas forcément très amicale, si vous voyez c'que j'veux dire. Quant à Nettles, oui, j'ai d'jà entendu parler de lui aussi, mais j'l'ai jamais vu. Y tiens un passage plus bas sur la Pie-Grièche je pense. »

Le vieil homme ne pouvait visiblement pas donner d'autres indications aux explorateurs qui, dans le fond, en savait visiblement plus que lui, en tout cas sur ce qui était arrivé à Davik Nettles.

25e jour de Sarénith

Après une nuit passée à côté de la hutte du vieil ermite, ils se remirent en route vers le sud-est, en direction du bosquet où ils avaient vu l'ours-hibou disparaître la dernière fois qu'ils l'avaient croisé. Dès que le bosquet fut en vue, ils firent un détour pour trouver un endroit sûr et suffisamment distant où placer les chevaux, derrière une des nombreuses collines qui permettraient de les mettre à l'abri des regards du Vieux Chasseur. Une fois les montures attachées à un arbre, les explorateurs montèrent sur la colline et s'y laissèrent tomber au sol pour mieux observer le bosquet.

Il ne leur fallut pas attendre longtemps… au bout d'une petite dizaine de minutes, ils aperçurent l'ombre gigantesque de l'ours-hibou qui semblait comme faire des rondes à l'orée du bouquet d'arbres. Il y avait trois bonnes centaines de mettre entre eux et la créature, qui ne semblait pas les avoir repérés. « Tudjeu ! » pesta Milès, « c'est une grosse bête ! » Sans doute était-ce la première fois qu'il voyait une telle créature…