Matlam écoutait les échanges avec attention entre deux bouchées de potage aux champignons. Lui n’avait jamais entendu parler de dangers liés à la présence d’étrangers qui se seraient installés dans la région. Oh, il y avait toujours les rumeurs de voyageurs qui se perdaient dans le coin, de brigands qui cherchaient à piller des marchands imprudents et même de bêtes sauvages comme des loups qui tuaient des passant parce qu’ils devaient se nourrir. Mais lui, l’ainé des Nachon n’avait jamais entendu de rumeurs directement liées à ce que Benicio et Alicyl partageaient.

Voyant l’elfe soudainement faire un tour de magie, le jeune homme se sentit un peu penaud d’avoir raté plus tôt son propre essai lorsque Flore avait accepté de lui donner un cours. Mais cette déception fut complètement éclipsée par la proposition qu’elle venait de faire. « Prendre un enfant en otage ? » glissa-t-il dans un souffle. C’était choquant pour Matlam d’entendre une telle proposition. Cela rabaissait l’elfe à une espèce de bandit. Elle qu’il avait d’abord identifiée comme une héroïne des contes d’aventuriers. Mat tombait de haut et en restait bouche bée, oubliant même de continuer à manger ses champignons assaisonnés. Et Flore qui abondait dans son sens. C’était tellement choquant pour Mat qu’il restait comme deux ronds de flan à les regarder discuter de la suite du plan.

Heureusement, Palatine et Olivia s’élevaient contre ce plan. Révolté mais tout de même intimidé, Mat ajouta : « Je.. Heu, je veux devenir un aventurier, pas un bandit ! Les aventuriers n’enlèvent pas et n’attaquent pas des gens sans raison ! Pourquoi on devrait combattre ces inconnus. Ça se trouve, ils veulent juste vivre tranquillement dans le coin et ils n’ont rien à voir avec la disparition de la cantatrice. Je ne comprends pas pourquoi on devrait se battre. Allons-y, et puis on verra bien ! Je suis sûr que si madame Fauvarque est là-bas, elle sera contente de venir avec nous, et les gens sur place seront content d’avoir pu aider. »

Puis, comme pour se donner de l’aplomb et du poids à son intervention, il regarda dans la direction de Benicio qu’il apostropha d’un : « Pas vrai, m’sieur Ben… Pas vrai, Benicio ? » Le garde était le seul autre représentant de son village ici présent. Pour sûr, il ne pouvait pas se ranger aux idées rocambolesques d’Alicyl et Flore.

Matlam poussa un soupir de soulagement en entendant la réponse de Benecio. L'homme d'armes véhiculait parfaitement les valeurs auxquelles s'attendait le jeune homme, que ce soit pour un aventurier ou bien quelqu'un du village. C'était définitivement l'exemple à suivre.

Matlam attendit tout de même que l'une ou l'autre de leur compagne de voyage s'exprime. Il n'était pas dit que Benicio ait gain de cause. Il espérait tout de même que ce soit le cas, car cela voudrait dire qu'alors, il aurait droit à une histoire. Peut-être qu'on lui parlerait de magie, ou de grandes batailles ou de bêtes fantastiques. Ca promettait !

Palatine ouvrit la bouche, prête à rétorquer quelque chose à Alicyl, hésita, fronça les sourcils, et la referma, perplexe. Et quand elle parla de nouveau ce n'était pas ses inflexions ou son ton, mais ceux de Flore.
« Tu vois où je veux en venir, maintenant, Palatine? Vous avez tous raison, d'une manière ou d'une autre. La diplomatie est clairement notre meilleure option, même des bandits ne voudront sans doute pas nous chercher noise sans raison.

MAIS dans le cas où ils auraient effectivement massacré l'escorte et tiendraient notre chanteuse en otage, je préfère avoir un plan pour réagir plutôt que d'espérer que tout aille bien. Surtout si le plan en question peut permettre d'éviter un bain de sang.

Ceci étant dit, je comprends parfaitement les objections, et au final, ce sera surtout à vous de prendre une décision sur le moment. Mais je vous conseille de réfléchir à ce que vous comptez faire si ça tourne au vinaigre. »

Flore se tut, et Palatine resta silencieuse un long moment de plus, avant de conclure avec un soupir.
« Tentons la diplomatie. Et si jamais ils sont hostiles, la fuite, ils ont l'air un peu nombreux pour qu'on puisse les affronter sans renforts. Mais je prie que la Matriarche Verte nous accorde sa protection. »

La question de Benicio la tira de ses réflexions un peu morose, et elle haussa un sourcil incertain.
« Moi? Enfin...Euh...? Juste moi ou la question s'adresse aussi à Flore? »

Elle sourit.
« Parce que mon histoire n'est pas particulièrement passionante. Je suis orpheline, j'ai grandit dans l'un des orphelinats d'Orée, à Galt. Pas beaucoup de perspective d'avenir, mais je me débrouille avec une lance à la main; et j'ai Flore! Alors on a pris la route. J'ai toujours voulu devenir aventurière, et surtout voir du pays! C'était l'objectif premier.

Je ne sais pas exactement pourquoi nous sommes venues dans la région, mais Flore a senti quelque chose, et au cas où ça puisse être des fées, nous avons voulu faire le détour. Comme je le disais, pas plus intéressant que ça, finalement. »

Benicio proposait un bon plan d'action. Le problème était que Matlam n'était pas sûr de ce qu'il devait faire. S'il restait en retrait, il ne serait pas en mesure d'offrir un tir de couverture, sa fronde ne portant pas aussi loin qu'un arc classique. Et s'il venait, il n'allait sans doute pas peser bien lourd dans la discussion qui allait avoir lieu. D'ailleurs, il n'avait pas la dégaine d'Olivia, l'éloquence d'Alicyl ou le leadership de Benicio. Hésitant, il attendit que les uns et les autres se manifestent afin de savoir où irait naturellement sa place.

Thème d’Alicyl : Les fleurs poussent aussi parmi les ruines.

Alicyl prit du recul, écoutant calmement les avis de chacun, lâchant un sourire mielleux lorsque Benicio évoqua son passé. De bien belles ambitions, jugeait-elle, bien que trop irréfléchies à son goût. Mais l’elfe garda son propre avis pour elle-même, ne souhaitant pas jeter d’huile sur le sujet, d’autant que celui-ci n’était tout compte fait qu’annexe à ses yeux. Après tout, elle ne s’était engagée à rien, et était davantage attirée par l’aventure que la réussite de cette mission, autrement se serait-elle imposée lors du débat. Il était évident pour l’elfe que la préparation tout comme l’anticipation des conséquences de leurs actes n’étaient pas au rendez-vous pour l’heure. Mais qu’importe.

«  Je vous trouve bien ingénus, mais soit. Si ce plan vous convient, suivons-le.  » répondit-elle simplement.

«  J’attendrai en retrait avec Bhojana au cas où ça tournerait mal.  » ajouta-t-elle, caressant son ourson de compagnie.

Acquiesçant à la proposition d’Olivia, Benicio la suivi en dehors du bois. Ils émergèrent de l’orée à une dizaine de mètres de la muraille de pierre usée du fortin. Ils furent immédiatement accueilli par un cri de halte et le son des flèches tirées de leur carquois qui fûrent encochées tranquillement, les cordes des arcs restant au repos.

Trois têtes dépassaient des fortifications sur le chemin de ronde. Les visages étaient arides mais la première qui prit la parole présentait un sourire, certes méfiant. Elle scruta l'accoutrement d'Olivia et Benicio de pied en cap pour y chercher une information à laquelle s'accrocher, sans être convaincue.


« Hé là, à qui avons nous affaire ?

Je doute que nous puissions vous renseigner, nous nous sommes installés ici récemment et n'avons pas pris contact avec les villes à l'entour. En ce qui concerne le bois, on y met les pieds le moins possible, c'est un vrai guêpier. Les bêtes y sont furieuses et aggressives, même certains arbres cherchent à vous tuer et le gibier ne fuit pas mais vous embroche. La chasse est difficile, ce coin est assez inhospitalier pour espérer y survivre très longtemps. Dès que nos éclaireurs trouveront un endroit adéquat, nous ne traînerons pas trop. »

Elle s'exprimait assez lentement, sur le ton de la conversation que l'on peut avoir en croisant un voyageur sur la route. Après avoir marqué une courte pause, elle rebondit sur la seconde question d'Olivia.

« Elles se seraient pas aventurées dans cette maudite forêt les personnes que vous cherchez par hasard ? Je donne pas cher de leur peau si c'est le cas. Mais, dans le cas où on trouverait des rescapés, on viendra vous trouver si vous représentez ce village. Où peut-on vous trouver ? »

Benicio interroge discrètement Olivia du regard. Il hésite à reprendre le flambeau, étant donné qu'il travaille pour le maire depuis quelques temps, mais il laisse pour l'instant le devant de la scène à Olivia en quête de la cantatrice, prêt à intervenir si elle sollicite son aide.

Perception DD15 (-4 au jet pour ceux qui essayent depuis les sous-bois)

La révélation de l’écusson des ailes d’Olfden et le ton de l’autorité légitime d’Olivia fit tressaillir légèrement les trois vigies qui échangèrent un regard. Apparemment pas plus au fait que ça des organisations et de la géopolitique de la région, la femme tenta de gagner un peu de terrain avant de poursuivre la discussion avec une attitude moins offensive.


« Cette bâtisse là en tout cas n’avait l’air d’être sous l’égide de personne. Et si c’est le cas, soyez assurés qu’on la rendra quoi qu’il en soit en meilleur état qu’on l’a trouvée.  »

Toisant Benicio qui gardait le silence, elle décida que leurs interlocuteurs étaient les bons et déglutit difficilement avant de reprendre.

« Je m’appelle Sifre et je parle au nom de notre communauté. Nous venons de loin et avons traversé de nombreuses régions depuis les Royaumes fluviaux alors un coin comme celui-ci c’était une bénédiction pour une pause. On cherche pas de noises, mais on ne peut pas se permettre de se laisser faire. Trop souvent on s’est fait dépouiller ou malmener à cause d’une frontière imaginaire dont on se fiche complètement.

Il se pourrait qu’on ait croisé des gens au bord de la route, mais avec les créatures folles qui rôdent dans le bois, il se pourrait aussi que ça ait mal tourné pour eux comme pour nous. Si d’aventure on aurait réussi à faire une rescapée visiblement importante, est-ce que ce s’rait pas de bon ton pour la ville de Marchebrume de nous filer une petite récompense, comme ça ça couvre les frais et nous permet de repartir sereinement ? »


Elle s’interrompit avant que son camarade aux atours plus avenants ne crache le morceau.
«  200 pièces d’or pour la bonne cause, nourrir de pauvres enfants et rendre à votre seigneur son fortin quasiment rafistolé, c’est honnête non ? »

Leur regard se fit à cet instant plus affûté, guettant les moindres détails de la réaction des deux visiteurs.

Olivia se tût. L'orage grondait en elle... Elle sentait des picotements dans sa main qui ne calmeraient qu'en saisissant son épée bâtarde.

Bien qu'elle ne compris pas le changement de stratégie de celle qui préférait auparavant rester dans les bois, l'intervention de Palatine calma l'orage dans l'esprit de la jeune femme qui n'avait qu'une envie : se téléporter derrière ce mur et poser sa lame contre la gorge de celle qui se foutait ouvertement de sa pomme.

Pourquoi elle sort maintenant ? Quel est ce désaveu ? se demanda Olivia.

Maitresse ? Pourquoi est-ce qu'elle surjoue ? Est-ce volontaire ?... Je suis bien loin d'être maitre de ma guilde et je ne possède pas de domaine... Et Benecio n'est qu'un homme de main du main du maire... Bizarre...

La ville ne pourra jamais payer 200 pièces d'or pour une artiste en visite... Ça n'a pas de sens... Ils se moquent de nous...

Olivia faisait de gros efforts pour rester de marbre.

Thème d’Alicyl : Les fleurs poussent aussi parmi les ruines.

Du peu qu’elle entendait depuis les sous-bois, Alicyl cru percevoir que quelque chose n’allait pas. Non pas que ce n’était pas prévisible, ni qu'elle ait averti du risque d'y venir sans moyen de négociation ou de repli, mais qu'importe. Elle ne put s’empêcher d’agir. Pas encore de bruit de combat, ni d’intentions hostiles, à en juger par ce qu’elle percevait. Ni une, ni deux, elle fit signe à son ours de rester en retrait, au couvert des buissons. En cas de danger, elle sifflerait pour ordonner un assaut. L’elfe se rapprocha discrètement de l’arbre le grand grand de l’orée, puis usa d’un sortilège de télékinésie, de type “Main du mage”, afin de soulever une poignée de feuilles entremêlées qu’elle essaya de faire discrètement voltiger vers le garde visible le plus proche, espérant le faire regarder ailleurs une paire de secondes.

«  Uthee paaara…  »

Une fois son tour réalisé, qu’il soit réussi ou triste échec, l’elfe entreprit de grimper à l’arbre tel un écureuil -bien que plus lentement- comme elle l’avait déjà fait des centaines de fois durant son enfance au Kyonin, avec d’autres elfes “plus ou moins de son âge”. Aidée du sortilège du soutien de Desna, elle prit de l'élan et entreprit l'ascension de son arbre. Une fois arrivée dans la canopée, si l’on pouvait appeler “canopée” quelque chose d’aussi bas, elle chercha Flore du regard, rassurée par les émotions visibles sur les visages, bien qu’elle n’entendait pas distinctement les échanges.

Fiore dans sa ligne de mire, elle projeta le sortilège de Barta, le messager, afin de chuchoter des messages avec elle à distance. De son pigeonnier, elle pourrait d’informer de ce qu’il se passe autour d’elle, et cette dernière pourrait lui communiquer la plupart des échanges, voire même ce qu’il y avait à l’intérieur, tant que l’eidolon restait à l’entrée côté extérieur.

«  Flore, c'est moi. Je surveille vos arrières. Si tu penses remarquer quoique ce soit de louche ou d'intéressant, n'hésite pas à répéter ce que tu entends comme si tu posais une question, ou à me chuchoter, j'entendrai. Ne prends pas de risques inutiles.  » chuchota-t-elle dans le vent.