Sitôt qu'il eût compris qu'il allait passer un assez long moment sur le traîneau en compagnie de ses nouveaux compagnons, le géant entreprit de mettre son armure. Il retira son long manteau à capuche et commença à ajuster le plastron de sa cuirasse. Mais enfiler une armure dans un traîneau en mouvement n'était pas chose facile, et à plus forte raison lorsqu'on fait sept pieds de haut et que l'on partage avec plusieurs personnes le peu d'espace disponible.

« Oui », dit-il de sa voix grave, « le moment est venu de parler ». Il se contorsionna pitoyablement pour serrer une sangle sur son flanc, mais s'arrêta pour répondre.

« Je suis Xoran Varok, et je viens du plateau de Storval. Je suis un banni et un errant, et voilà près d'une année que je parcours l'Irrisen à votre recherche. » Il réussit enfin à serrer la sangle récalcitrante, et reprit en regardant les deux compagnons :

« Vos deux questions sont liées. Je prie Celui-qui-trace-la-Voie, le bien nommé. Car IL m'est apparu dans le désert, alors qu'il n'y avait plus rien pour moi dans cette vie, et IL m'a montré la voie, à sa façon. IL m'a dit de chercher neuf hommes dans le septentrion. Mais il m'appartient de découvrir qui, et pourquoi. J'ai longuement réfléchi à Ses paroles. Je crois que je suis mort et né à nouveau, et tandis que je vous parle, je vis ma deuxième vie, celle qu'IL m'a donnée. »

Le barbare essaya de changer de position pour se faciliter la tâche. Mettre une armure est une tâche qui s'accomplit en position debout, et non assise. Il tenta de se mettre à genoux pour serrer les sangles au niveau de la taille, mais manqua de perdre l'équilibre et de tomber. Il se rassit.

« C'est ce chien galeux de Volan qui m'a fait la description de votre groupe lorsqu'il m'a interrogé. Il semblait en savoir long sur vous, mais au début je ne l'ai pas cru. Un nain, une elfe et un orque... » Il regarda les intéressés d'un œil encore incrédule. « Si la moitié de ce qu'on dit est vraie, je n'aurais pas cru cela possible. Pourtant, vous voyagez et combattez ensemble. Moi qui ai suscité crainte et dégoût de la part des miens, j'ai quelque chose à apprendre de vous. » Il baissa les yeux tristement, semblant se remémorer des fragments d'une vie passée.

« Qu'importe », dit-il en se reprenant. « Je savais que les gardes ne me laisseraient pas en vie. Lorsque vous avez attaqué l'auberge, j'ai saisi ma chance. Puis le... le voile, ou la brume, ou quoi que ce fut, m'a enveloppé, et j'ai senti cette présence, cette force en moi. Vous l'accueillez en vous aussi, n'est-ce pas ? Il faudra m'en parler. »

Il s'interrompit à nouveau pour essayer de sangler son autre flanc. « C'est seulement lorsque vous avez dit que cette force était entrée en moi parce qu'elle avait quitté votre ami mort que j'ai compris. Nous nous rencontrons et, grâce à vous, je vis, moi qui allais probablement mourir de la main de ce Volan. Et il y a cette force qui nous lie désormais et me pousse à vous suivre. Je vois les signes, et je vois que c'est le chemin que le Grand Dieu a tracé pour moi. Vous n'êtes pas neuf, mais vous faites partie de ceux que je dois trouver pour suivre Sa Voie. »

Le barbare se tourna alors vers Kalt : « Comprends-tu maintenant, nain, pourquoi je disais que votre ami est mort pour que je vous trouve ? Je crois au destin. Libre à toi de continuer à penser que c'est pur hasard, et que sa mort n'a aucun sens. Mais un proverbe de mon peuple dit : "Accueille l'aveugle sous ton toit comme si c'était ton frère. Mais celui qui ne veut pas voir, jette-lui plutôt des pierres". »

Xoran reporta son attention sur son armure. Il n'arrivait pas à raconter son histoire et à s'équiper en même temps. Il essaya de serrer de force et sa main ripa sur le métal. Il poussa un juron : « Γαμημένη τυφλή! »



Le géant eut soudain l'air abattu. « Aide-moi, veux-tu ? » Demanda-t-il au nain d'un air implorant.

Modifié par un utilisateur vendredi 5 septembre 2014 00:57:57(UTC)  | Raison: Non indiquée

Comme souvent, Xoran laissa passer un instant avant de répondre à son interlocuteur. En l'occurrence, il avait besoin de digérer le discours du nain. Ce dernier était probablement un érudit - ou un courtisan - car il utilisait tout un tas de mots compliqués : "contingence", "fatuité"... Xoran pensait néanmoins en avoir saisi l'essentiel.

« Je ne sais dans quelle mesure les dieux décident de nos vies, et je ne sais si c'est par amour des mortels ou pour leur propre amusement. Tout ce que je sais, c'est que je m'étais couché pour mourir et qu'Apsu est venu. Tout ce que je sais, c'est qu'IL m'a donné le pouvoir en plus de la vie, et que suivre Sa voie, c'est accomplir mon destin. Est-ce que j'ai de la valeur à Ses yeux, ou suis-je une simple poussière dans le vaste univers ? Je ne sais, mais ce n'est pas cela l'important. »

L'aide du nain était appréciable, Xoran n'ayant plus besoin de se contorsionner comme un ver de terre pour serrer les sangles les plus difficiles à atteindre. Le plastron était ajusté.

« Merci à toi, nain. Je vais pouvoir me débrouiller seul, maintenant. » Il aurait moins de difficultés avec les cuissardes.

« Maintenant, parlons de ce qui nous lie. Vous l'avez appelé "le Cavalier noir". Le sergent des gardes, lui aussi, cherchait un cavalier noir. Il m'a demandé si je l'avais rencontré, comme il m'a demandé si je vous connaissais. Qu'est-ce qu'il est ? Pourquoi apparaît-il comme une brume ou un nuage de fumée ? Est-il bon ou mauvais ? Et pourquoi servez-vous la cause de Baba Yaga ? »

Modifié par un utilisateur samedi 6 septembre 2014 10:04:56(UTC)  | Raison: Non indiquée

« Avoir des compétences et savoir les utiliser sont deux choses, » grommela Aergnaeroka, « Mais il est vrai que les sorcières finirons bientôt par faire le lien entre le Cavalier Noir et nos personnes.

Pour ce qu'il est du Cavalier Noir, la brume est en quelque chose son essence, ou son esprit. Ces choses là me dépassent un peu, mais il semble qu'il nous ait transmit ça à sa mort. Bon ou mauvais, je ne saurai dire avec certitude, entre les deux probablement, il servait Baba Yaga avec tout ce que cela implique et il semble qu'il nous ait transmit ça aussi. Ou pas, l'avenir le dira, mais, autre chose qu'il nous a transmise, ce sont des visions du futur qui attend ce monde si les sorcières réussissent à prendre le pouvoir de Baba Yaga et cela me glace plus le sang que l'hiver éternel qui semble régner dans ces contrées... »

Xoran descendit avec l'homme du sud pour pousser le traîneau. Il voulait prendre sa part de l'effort à fournir pour que le groupe arrive sans encombre à sa destination. Cela lui permettait également de prendre quelques instants pour assimiler le flot d'informations que ses nouveaux compagnons lui transmettaient. Les choses allaient un peu trop vite pour son esprit. Il n'était pas sûr d'apprécier la curiosité d'Akin à son endroit, mais il préférait cela à des jets de pierres et des malédictions. Il devait bien l'admettre : il était bien mieux accueilli parmi ces étrangers que parmi la plupart des gens qu'il avait connu dans sa vie. Il décida donc de faire bonne figure.

« Je ne puis répondre à ta question, guerrier. Je n'ai pas connu mes parents, et je ne sais même pas leurs noms. La sorcière qui m'a élevé m'a révélé que mon village et mon clan ont été dévastés par un feu surnaturel la nuit même de ma naissance. Il n'y a eu aucun survivant. Mon nom n'est même pas un vrai nom, en vérité. Personne dans mon clan d'adoption n'a jugé bon de m'en donner un », dit-il d'un air sombre. « Il signifie simplement "né de la colère du feu" dans ma langue natale. Mais je puis te dire que je suis né ainsi, avec ces yeux, cette rune qui recouvre mon crâne et cette peau sombre, telle qu'on en voit pas chez les shoanti. »

Une fois le passage difficile franchi, les deux hommes reprirent leur place sur le traîneau.

« Quant au reste, je ne sais que dire », reprit-il en essayant de trouver une position qui ne soit pas trop inconfortable. « Votre quête semble digne des héros des légendes. Et si le monde que nous connaissons est vraiment menacé... »
Ce qu'il ne dit pas, c'est que s'il ne doutait pas d'être en présence d'hommes et de femmes courageux, il ne trouvait pas leur aspect particulièrement héroïque. L'espace d'un instant, il se prit à douter : à vrai dire, il ne se trouvait pas lui-même très héroïque ! Mais la présence du Cavalier Noir était là pour lui rappeler qu'il participait peut-être à quelque chose de plus grand que lui. Comme ces gens, probablement...

« Mais je croyais que Baba Yaga était la reine des sorcière blanches », reprit-il. « D'après ce que vous dites, celles-ci se seraient rebellées contre elle ? On ne parle de rien de tel dans le pays. Et ce village du sud dont vous parlez... Vous venez donc de là-bas ? »

Modifié par un utilisateur dimanche 7 septembre 2014 01:26:18(UTC)  | Raison: Non indiquée

L'offre de l'homme du sud surprit le barbare. Il n'était pas habitué à recevoir de telles démonstrations d'amitié de la part d'étrangers qu'il ne connaissait que depuis quelques instants et qui, lui semblait-il, n'avaient pas vraiment d'intérêt à l'aider. Cet Akin semblait sincère, et pourtant Xoran ne pouvait s'empêcher de rester sur ses gardes. Les figures de style et les métaphores que cet homme volubile employait à tout bout de champ n'arrangeaient pas les choses pour celui qui était habitué à dire ce qui est avec une économie de mots qui, selon lui, était la base même de la droiture. Il parvint tout juste à démêler que l'homme entretenait une relation privilégiée avec le demi-orque.

Des amants, probablement. Cela se faisait parfois, entre guerriers, lorsque les femmes étaient loin et la mort proche. Ces pratiques n'étaient pas à son goût mais ne le choquaient nullement.

« J'apprécie ton offre généreuse, guerrier », finit-il par répondre lentement et avec circonspection. « Sois sûr que, lorsque nous nous connaîtrons mieux et si les dieux nous prêtent vie, je ferai appel à toi. Mais j'ai l'intuition que le plus court chemin vers le mystère de mes origines est avant tout en moi. Lorsque nous aurons un moment plus propice, j'aimerais que tu me dises ce que ton église t'a appris sur Apsu. Il est mon dieu, et pourtant je ne sais rien de lui. Le peu que j'en ai appris, c'était auprès d'un sage de Grisbois qui m'a vendu fort cher quelques maigres légendes plutôt confuses... »

Le géant se tut ensuite un long moment pour réfléchir. Tout allait si vite... Ses nouveaux compagnons étaient si étranges, et leur quête si irréaliste et grandiose à la fois, qu'il ne pouvait s'empêcher de se demander s'il n'était pas tombé sur une bande de troubadours ou d'escrocs au psychisme ravagé par quelque drogue. Et pourtant, il avait beau chercher des signes en les observant tour à tour, rien ne sonnait faux chez eux. Au contraire, ils ressemblaient à des hommes et des femmes qui avaient connu la douleur et la peine, et qui marchaient vers leur fin avec la détermination de ceux qui savent mais ne reculent pas. Leurs visages étaient creusés par la fatigue des épreuves, mais dans leurs yeux brûlait une résolution farouche, comme une flamme. Il ne savait si cette flamme était celle du Cavalier Noir en eux, ou simplement le regard de vrais guerriers qui ont appris à mourir, mais il en éprouva un sentiment d'exaltation. Non, il n'avait pas à se méfier de ces gens.

Voilà peut-être enfin des hommes qui valent la peine qu'on se batte et meure à leurs côtés, se dit-il. C'est bien le Grand Dieu qui m'envoie vers eux.

Le géant se mit à rire, d'un grand rire grave et triste en même temps. « Votre quête est probablement vaine », dit-il avec un sourire féroce, « et vous êtes des fous qui courrez à la mort, mais vous êtes des fous courageux. Cela me sied. Je me battrai à vos côtés. Allons prendre d'assaut cette tour, et peut-être ce soir boirons-nous la coupe de la victoire dans des crânes de sorcières blanches ! »
Il donna une grand bourrade dans le dos d'Akin. « Allons danser avec la mort ensemble, guerrier, et nous verrons enfin si nos dieux nous protègent ! »

Modifié par un utilisateur mercredi 10 septembre 2014 01:47:35(UTC)  | Raison: Non indiquée

Jairess entama la discussion avec Ortog une fois qu'ils furent bien lancés dans leur trajet et que la sylphe eut constaté avec soulagement que la neige semblait s'employer à couvrir leurs traces.

« Les évènements on été bien rapides ces dernières heures et je réalise seulement que je ne sais pas vraiment ce qui vous a poussés, vous et les autres, à vous attaquer à la tour pâle. Bien, sûr, vous vouliez arrêter le rituel pour de bonnes raisons mais...Cette... présence... qui nous possède y est-elle également pour quelque chose, ou votre détermination lui était-elle complètement antérieure?

Quoiqu'il en soit, je suis heureuse que vous ayez eu plus de courage que moi. Je dois vous remercier - même si je sais que vous ne l'avez pas fait pour moi bien sûr - de m'avoir offert une porte de sortie tout en me permettant d'agir bien mieux que je ne l'ai fait depuis plusieurs semaines. »

Modifié par un utilisateur samedi 25 avril 2015 20:17:17(UTC)  | Raison: Non indiquée

Doucement ballotté par les soubresauts du traîneau conduit par Aergnaeroka, Xoran, engourdi par le froid, commençait à dodeliner de la tête. Mais il ne fallait pas qu'il s'endorme maintenant, pas tant qu'ils ne seraient pas en sécurité. De temps en temps, l'elfe se levait pour négocier un passage difficile, et il avait son derrière presque sous les yeux, la promesse d'une chair douce, ferme et musclée. Il n'avait pas vraiment l'esprit à ça en ce moment, mais décida néanmoins de se concentrer sur les fesses d'Aergnaeroka pour ne pas s'endormir.

« Dis-moi », lui demanda-t-il au bout d'un moment, « pourquoi t'appelle-t-on "Araignée Roka" ? Ça a un sens ? Parce que... Tu es un peu maigre, certes, mais difficile de voir en toi une araignée... »

De son poste de musher à l’arrière du traineau Aergnaeroka avait remarqué que Xoran s'était probablement assoupi à la façon dont sa tête s'était mise à dodeliner au rythme du chariot et cela avait probablement agité une idée dans sa tête car tout à coup il la releva avec une question étrange. « C'est probablement parce que les oreilles humaines ne sont pas capable de faire la distinction entre Aergnaeroka et araignée roka, parce que les deux ne sonnent pas du tout de la même façon à l'oreille elfique. La question se trouve avoir autant de sens que si l'on te demandais le rapport entre Xoran et un torrent. La réponse ne coule pas de source... »

Le géant resta un instant sans réagir. Il semblait perdu dans une pensée profonde. « Aer-Gnae-Roka », finit-il par dire lentement. « C'est étrange... C'est plus difficile à dire comme cela. Pourquoi tes parents t'ont-ils punie en te donnant un nom imprononçable ? »

Réalisant que sa question, fruit d'une divagation de son esprit embrumé, risquait de vexer l'elfe, il ne lui laissa pas le temps de répondre. « Mais peu importe : il semble que nous nous soyons présentés l'un à l'autre un peu trop rapidement. Mon nom se prononce "Xorann". Rien à voir avec un torrent en effet. Akin dirait "plutôt avec un âne" », dit-il en jetant un œil de côté vers le traîneau qui emmenait l'osirionais et le nain.

« Depuis combien de temps les connais-tu ? » demanda le géant en désignant ces derniers du pouce, comme si l'elfe, absorbée par la piste devant elle, pouvait voir le moindre de ses gestes. « Vous agissez comme si vous vous connaissiez tous depuis longtemps, mais d'après Ortog... Ce n'est pas le cas, n'est-ce pas ? Les elfes ne sont pas réputés pour faire confiance à la légère... surtout à des membres d'autres races. »

Modifié par un utilisateur lundi 27 avril 2015 14:52:23(UTC)  | Raison: Non indiquée

Jairess écouta Ortog, ponctuant les paroles de son compagnon de traineau de légers hochements de tête attentifs.

« Je sais que mes actes de ces dernières semaines n'étaient en rien louables, mais de là à en payer le prix de ma vie... Je dois dire que je n'y avais pas vraiment réfléchi. Mais quoiqu'il en soit, mesurer ce risque n'aurait rien changé à ce que j'ai fait.

Cependant, je dois vous détromper sur un point : je n'ai passé que peu de temps dans cette tour. Je me suis enrôlée comme maîtresse des corbeaux il y a quelques semaines à peine. J'ai placé ma quête personnelle au dessus des considérations morales que je piétinais en travaillant dans ce lieu, me répétant que je ne faisais moi-même rien de si mal alors que je faisais partie de l'édifice, au contraire. Je me suis voilée la face au point de me dire que je ne faisais rien de tout cela pour mon propre bénéfice. Mais j'ai choisi n'est-ce pas? Il y avait certainement d'autres moyens... Sans compter que tout cela n'a au final servi à rien... »

Jairess s'abîma un instant dans ses pensées. Cela n'avait-il vraiment servi à rien? Ou au contraire, était-elle définitivement guérie de Kalhia? Pouvait-on être une moitié et un tout à la fois?