4 Lamashan 4715, 9h45



L'aube se levait sur Drezen, baignant les murailles rouge sombre de la forteresse d'une lumière rosée. Les bois et les tombes du cimetière étaient noyées dans la brume matinale. Le soleil se leva lentement au dessus du camp. Les sentinelles, réveillée par l'air nocturne, scrutaient les environs. Toute la région était silencieuse. Aucun bruit révélant le passage de troupes, la présence d'armée, les allées et venues de maraudeurs ou de charognard, ou même la présence d'animaux. Aucun chant d'oiseau pour troubler l'air matinal. Seulement le silence.

Le camp des chevaliers s'anima peu à peu. Les cuisiniers préparèrent le petit-déjeuner, avec force injonctions à leurs aides, tandis que les guérisseurs faisaient de leur mieux pour soulager les blessures des quatre ou cinq chevaliers qui demeuraient à l'infirmerie. Alors que les soldats qui n'étaient pas de garde s'éveillaient, nombre d'entre eux profitait du calme de ce début de matinée pour accomplir leurs dévotions. Lorsque l'astre solaire passa au dessus des murs de la citadelle, le camp résonnait de prières adressées à Iomedae, Sarenrae, Shélyn, Torag, et d'autres dieux moins impliqués dans les croisades, mais présent néanmoins, comme Irori, Gorum, et Pharasma.

L'activité finit par tirer Alderic, Elewien, Silka, Pône, Miro et Ragnar du sommeil. Pour le coup, la tente de commandement était bondée, et il devenait difficile de circuler. Et puis, impossible également d'avoir un minimum d'intimité. En fait, ils avaient tous à faire, que ce soit prier, méditer, se rafraichir (après tout, ils n'avaient pu prendre de vrai bain depuis leur départ de Kenabres), et se restaurer, aussi se mirent ils d'accord pour se retrouver une fois qu'ils seraient prêt.

Le milieu de matinée approchait, et ils durent se rendre à l'évidence: les épreuves de la nuit précédente n'avait pas aidée à se lever à l'aube. Et bien que la fatigue se soit dissipée, ils sentaient encore les courbatures provoquées par les combats de la veille. Néanmoins, ils furent soulagés d'avoir pu prendre un peu de repos, et de pouvoir manger en paix, sans craindre une alerte à chaque seconde. Les hommes étaient...optimistes. Bien sûr, ils craignaient ce que l'avenir pouvait leur réserver, mais ils avaient également eu la preuve de la détermination, de l'efficacité et de l'audace de leurs officiers, et étaient prêts à les suivre, où que ce siège les mène, quand bien même ils étaient inférieurs en nombre et en armes, et attaquaient une forteresse naine lourdement défendue.

Avant de pouvoir retourner à la tente d'Alderic, Pône et Miro furent pris à partie par Anna, qui refusa de les laisser partir sans les avoir examiné et avoir extrait les dernières traces de cigüe de leur organisme. Un véritable soulagement, d'autant que la guérisseuse était douée. Ils pouvaient de nouveau bouger et respirer librement. Juste à temps pour se rendre au conseil de guerre tenu par le général de Roncenoire.

La tente de commandement écarlate avait été partiellement ouverte pour accommoder tout le monde, mais les membres de la garde prétorienne étaient vigilants, leurs capes écarlates battant dans la brise qui se levait, soulageant à peine l'intense chaleur qui baignait l'endroit. La météo étrange des abords de la Blessure se mêlait une fois de plus de la guerre.
Tous les éléments importants de l'armée étaient là. Aron, qui, ce matin là, avait le regard clair et le pas assuré pour la première fois depuis des jours, Sosiel, souriant, à ses côtés. Irabeth et Anevia Tirabade, prête à présenter le rapport de cette dernière sur les alentours, Saskia, qui avait pris la tête et l'armure noire de l'escouade des Survivants, Anna, en tant qu'infirmière en chef, Nurah, qui serrait une carte dans son petit poing tremblant d'excitation, et bien sûr, les six officiers supérieurs de l'armée: les capitaines Pône, Elewien, Miro, Silka et Ragnar, et le général Alderic de Roncenoire.


Anevia parla la première, résumant les découvertes des éclaireurs depuis leur arrivée sur place.
« Nous avons plusieurs choses à ajouter à notre rapport originel. Rien de neuf concernant les schirs sur la colline du Paradis, si ce n'est qu'ils sont en état d'alerte, à présent. En revanche, nous avons repéré quelque chose d'étrange sur la rive nord. Une chapelle de Shélyn isolée au milieu des faubourgs, mais nous avons vu plusieurs goules faire l'aller retour entre elle et le champ de bataille, en transportant des cadavres. J'ignore ce qui s'y trame, et les environs sont entourés de sorts d'alarme, mais ce n'est pas clair. Quand aux goules, après la défaite d'hier soir, elles sont retournées se terrer dans le cimetière, mais nous n'avons toujours pas pu l'explorer de fond en comble. Cela dit, il y a une crypte, au milieu de l'endroit, qui dégage des émanations de nécromancie. Si quelque chose dirige les goules, c'est là que nous le trouverons. Enfin, la garnison de Drezen est sur le pied de guerre, mais ils n'ont pas l'air de vouloir sortir. Ils comptent sur les tours de gardes qui forment la première enceinte pour leur offrir l'avantage en cas d'affrontement. Mais nous devrions pouvoir les prendre, si quelques uns d'entre nous peuvent voler... »

Nurah poursuivit, maîtrisant à grand peine sa voix.
« Je suis parvenue à retracer une carte de la citadelle! Une fois que nous aurons dégager les environs de toute présence hostile, il faudra bien l'explorer. Voici mes découvertes... »
Elle étala un parchemin sur la table.
Carte de la forteresse

La nuit fut assez mauvaise pour Silka. Elle était épuisée, et pourtant, l'idée d'avoir laissé échapper un détail, un indice, quelque chose qui aurait pu leur donner la clé de l'énigme l'empêchait de trouver le sommeil. Finalement, la fatigue l'emporta, et elle sombra dans un sommeil sans rêve.
Elle s'éveilla tard...du moins, plus tard qu'elle ne l'aurait voulu, au son de l'activité du camp autour d'eux. Laissant ses compagnons, déjà levés ou assoupi, elle se mit en quête d'un morceau à manger, et d'un peu de tranquillité.

Un peu plus d'une heure plus tard, son petit déjeuner, et surtout ses prières matinales à l'Héritière l'avait rasséréné, lui rendant un peu de son calme et de sa sérénité, même si les griffes du doute n'étaient jamais loin. Mais en attendant de démasquer le coupable, elle se devait à leur campagne. Alderic leur avait demandé de se rassembler à sa tente avant l'assaut, pour repréciser et éventuellement discuter de nouveau leur plan de bataille pour cette journée.

Respectueuse, Silka laissa Alderic parler le premier, avant d'intervenir.
« Je souhaiterais juste clarifier un point: le moment exact où nous irons examiner cette chapelle et les tours de garde. Étant donné leur emplacement, et surtout, le fait que nous ignorions totalement ce qui s'y déroule, il vaudrait peut être mieux se débarrasser de ces deux problèmes avant de mettre le pied sur la rive nord, non? »

++petit flashback++
Juste après s'être levé et malgré le peu de sommeil, l'ulfen fit un rapide tour dans le camp pour parler un peu avec tout le monde, prendre le pouls de leur moral.
Pour finir avec l'escouade des Survivants.
Saskia en avait pris la tête, en remplacement d'Arles.
« N'oubliez pas que dans survivant, il y a vivant.
Donc, pas d'héroïsme inutile, pas de bravade ou de fanfaronnade.
Je vous laisse, j'ai encore fort à faire avant d'aller trucider des démons. »
Le paladin laisse alors l'escouade vêtue de noir pour rejoindre la tente de commandement et toute l'agitation qui l'entourait.
++fin du flashback++
« Bien joué Nurah.
Ton travail est remarquable. »
Et Ragnar d'embrayer sur la remarque de Pône « Alors c'est dit.
Sauf ton respect Alderic et au risque de mettre en péril ton plan de bataille, nous allons exterminer ces goules.
Je préfère faire cela maintenant, et nous évitera d'avoir plus d'avoir cette menace latente dans le dos quand nous allons avancer d'un côté ou de l'autre.
Sans compter que cela rassurera nos hommes de ne plus savoir des créatures rôdant à proximité. »

Modifié par un utilisateur mercredi 29 juillet 2015 08:58:45(UTC)  | Raison: Non indiquée

Silka fronça les sourcils.
« Ce n'est pas faut. Dans l'idéal, il faudrait que nous puissions prendre la colline du Paradis ET le cimetière avant le coucher du soleil. Parce qu'effectivement si les schirs nous repoussent, je ne voudrais pas tomber sur les goules. D'un autre côté, les goules ont souffert lors de l'assaut de la nuit dernière, et surtout, je ne nous vois pas monter à l'assaut de la Colline du Paradis après avoir déjà combattu les goules. Il vaut mieux être frais pour cette bataille qui s'annonce comme la plus difficile. Le seul point qui ne fait pas de doute, c'est que la chapelle peut attendre: elle est sur la rive Nord, et ne présente apparemment pas de danger immédiat. »

« Anevia, tu viens bien de dire qu'ils transportaient des cadavres dans cette chapelle ? Ils sont en train de constituer une autre armée de morts vivants avec nos propres morts ! Si on attends pour la "visiter" on va être submergés ensuite ! »

Les survivants accueillirent Ragnar par un salut respectueux et un silence plein de deuil et de colère contenue. Pas à son égard, mais il pouvait sentir derrière les armures noires et les visages fermée une sorte de rage froide. Néanmoins, les survivants ne rompirent pas la discipline une seule seconde, et Saskia, qui avait plus ou moins officieusement pris la tête de l'escouade, répondit avec détermination.
« Nous ne commettrons pas l'erreur de croire que la vengeance passe avant la victoire, commandant. Tant que l'un d'entre nous vit encore, nous survivons tous, d'une manière ou d'une autre. Souvenez vous de notre nom: nous portons nos propres âmes, mais aussi celles de nos camarades. Nous ne faillirons pas. »



Les éclaireurs étaient en pleine effervescence lorsque Pône atteignit leurs rangs. Ils avaient été en première ligne des défenseurs lors de l'assaut des goules, et à nouveau ils étaient les premiers à courir (ou plutôt, ramper, rôder, et fureter) au devant du danger. La plupart étaient déjà hors du camp, en train de dégager la route de l'armée et de repérer les pièges et embuscades éventuelles. Anevia, les jumelles, Rémiel, Jez, et Cethern étaient encore là, et saluèrent le roublard lorsqu'il passa parmi eux. Cethern ne semblait pas avoir trop souffert de ses blessures, et soupesait déjà impatiemment sa colichemarde.




Ils durent finalement se rendre à l'évidence: il n'y avait pas de bon plan, seulement plusieurs options qui essayaient de mitiger les risques. Mais ils pouvaient s'en sortir! Ils décidèrent de mener à bien l'assaut sur la colline, et alors que les troupes se préparaient, Alderic s'en alla chercher sa monture. Ce n'est qu'en arrivant près de l'enclos qu'il se rappela que la reine lui avait plus ou moins assigné une...nouvelle recrue. Le griffon, Chantonnerre, le regarda s'approcher de ses yeux orangés. L'intelligence y était claire, et l'animal...si on pouvait l'appeler ainsi, s'était aussi mis à distance des chevaux, pour le pas les effrayer. Lorsqu'Alderic s'approcha, il ébouriffa ses plumes, claquant du bec, avec impatience. Il se laissa seller sans problème, mais dès que le chevalier passa la main dans ses plumes, un flot de pensées étrangères se frayèrent un chemin dans son crâne.
« DEUX-PATTES. COMBAT. AFFRONTER ÂME-ROUGES. GUERRE. COMBATTRE A NOUVEAU. BIENTÔT. »
Chantonnerre s'exprimait un peu comme un enfant, incapable de transmettre plus que des mots, mais à cela se mêlait un torrent de colère, entrecoupé d'images de démons grimaçants. Comme tous dans cette armée, le fauve ailé avait la ferme intention d'en découdre.


La Colline du Paradis avait toujours été un élément incontournable du paysage de Drezen. Avant la chute, la bourgeoisie et l'aristocratie de la ville y vivaient dans de larges demeures dominant les environs. Aujourd'hui, les manoirs n'étaient plus que ruine. De l'autre côté du pont traversant le lit asséché de l'Ahari, les décombres se dressaient sur les flancs de l'éminence, les rues barricadées par les schirs.
Les chevaliers avaient quitté le centre de la Rive Sud, laissant derrière eux une garnison minimale pour protéger le camp, et s'étaient approchés jusqu'au pont menant à la Colline. Les éclaireurs étaient formels: les schirs étaient sur le pied de guerre. Mais les démons n'avaient pas assez d'hommes pour garder tout le périmètre de la colline, et donc n'avaient pas fortifié le pont. Les barricades ne commençaient qu'à quelques dizaines de mètre de là, à mi-hauteur. Les démons cornus se tenaient sur les toits et derrières les pieux, arbalètes et hallebardes à la main, prêts à en découdre. Ils tenaient à peine en place, impatient de commencer le carnage.

A la tête des troupes, Silka mena prudemment Brise sur le sol inégale et entre les Gravats. La Colline, menaçante, se dressait face à eux, couverte de barricades et grouillant de schirs. Ceux là seraient autrement plus coriaces que les tieflings. Mais elle savait aussi que la foi était de leur côté. L'Héritière les guidait, et elle était certaine que cela leur donnerait l'avantage sur les hordes de l'Abysse. Non, c'était leurs serviteurs mortels qui étaient les plus dangereux, capables de passer inaperçus. Quoiqu'il en soit, derrière leurs défenses, les schirs paraissaient redoutables.

Elle retint sa jument, et écouta la proposition de Pône. N'étant pas formée à l'art de la guerre, elle préférait attendre avant de parler, au lieu de poser des questions stupides.
« Pône, est ce que tu es sûr qu'il y a moyen de les contourner? A leur place, j'aurais au moins posté des hommes le long de la Colline...ne serait ce que pour éviter ce genre de tentative. Et en plus, sur un terrain rocailleux, ils se déplaceront plus vite que nous: les schirs sont d'excellents grimpeurs. Peut être qu'en concentrant notre force de frappe, nous pouvons les submerger et briser leur ligne? »

Alderic prit son temps pour sortir sa nouvelle monture, Chantonnerre. Il appréciait grandement le cadeau qui lui était fait là, et en reconnaissait l'utilité. Il serait d'ailleurs probablement d'une grande aide pour l'assaut des tours de garde. Et même si il lui faudrait s'assurer que le griffon lui obéisse, et n'attaque pas aveuglément tout démon, il était confiant, et appréciait déjà la créature.

A la proposition de Pône, Alderic réfléchit rapidement, et notamment au déploiement de l'ennemi : leur position était fortifiée, mais il y avait peut-être un moyen de les en faire sortir.
« Je ne pense pas que les contourner soit la meilleure chose à faire, mais une dernière reconnaissance avant l'assaut me serait des plus utiles. En particulier, j'aurai besoin d'une information : ont-ils des armes de tir, ou encore des lanceurs de sorts? Ainsi que si possible l'état de leurs barricades et leurs emplacement. Cela va être notre problème principal ici je le crains. Je ne pense pas qu'envoyer la totalité des éclaireurs, même sous couvert d'invisibilité soit bien sage, d'autant que nous aurons probablement encore besoin de cet atout plus tard dans ce siège. Je préfère conserver encore quelques ressources pour les dernières étapes du plan : les tours de garde, cette chapelle, et la citadelle. »

Silka haussa un sourcil aux remarques des épouses Tirabade.
« Dans ce cas, arrêtez moi si je me trompe, mais est ce que notre meilleure option ne serait pas de les faire sortir de derrière leurs barricades, tout simplement? Nous avons des archers, et pas eux, et je doute qu'ils apprécient les flèches. Surtout qu'ils ne sont pas patients, comme l'a mentionné Irabeth. Ça nous éviterais d'avoir à prendre d'assaut leur position sur un terrain qui nous désavantage... »

Silka bleuit, ses joues se colorant peu à peu pour prendre une teinte proche du bleu roi. Elle ne pouvait pas rougir, mais l'effet n'était pas très éloigné...

Les ordres furent relayés, et bientôt, les chevaliers mirent pieds à terre, tandis que les arcs et les boisseaux de flèches passaient de main en main. Les lourds arcs de guerre mendevien n'étaient pas fait pour tirer à cheval, mais sur un terrain accidenté comme les ruines, et contre des adversaires armés de hallebardes, les montures n'auraient fait que gêner leurs cavalier. Chantonnerre était l'exception, parfaitement capable de survoler les ruines.

Une demi-heure après la réunion d'état major, les chevaliers avaient pris pied sur la rive nord, et avaient formé une ligne de défense, épées et boucliers à la main. Derrière eux, plusieurs rangées d'archer encochèrent, laissant un arc de fer étincelant passer devant le soleil, pleuvant sur les schirs. Les démons étaient tout sauf lâches, et ceux qui le pouvaient ripostèrent, une dizaine de carreaux s'envolèrent en réponse, mais rien qui puisse déloger les chevaliers. Les démons cornus tentèrent vainement de se mettre à couvert, mais les ruines n'offraient qu'une maigre protection, et leur cuir épais fut bientôt percé par les traits de fer froid.

Parmi les schirs, une petite silhouette cuirassée, cornue elle aussi, lançait des ordres en démoniaque, haranguant les schirs et les pressant de garder leurs positions. Elle avait une voix féminine, presque fluette, mais ressemblait à une créature à tête de chèvre, la peau couleur de plomb et les yeux rubis brillant même à plusieurs mètres de distance. Chantonnerre s'ébroua, laissant une part de son hostilité toucher l'esprit d'Alderic.

En apercevant l'officier, Anevia encocha une flèche, visant avec soin. La corde se détendit avec une vibration, une note unique dans la cacophonie de la bataille. Le projectile atteignit la démone au visage, ouvrant une plaie bénigne, mais cuisante, sur sa joue. La créature hurla de rage, et s'élança, suivit par ses schirs. Les démons bondirent hors de leurs couverts, armes brandies, dévalant la pente comme un torrent furieux. Les croisés lâchèrent leurs arcs, prenant les armes, et se portèrent au contact. A la pointe de l'assaut, la démone, et un quatuor de schirs, chargeaient Alderic, se guidant à sa bannière pour reconnaître le meneur des croisés, réclamant vengeance.

BM
Initiative, braves gens!