La matriarche acquiesça, pensive. « Tu as peut-être raison. Inutile de jeter encore davantage de discrédit en agissant hâtivement. » Elle adressa un sourire un peu faible à son petit-fils, avant que celui-ci ne l'entretienne d'un autre sujet.

« Je l'ignore, Sagacius. Mais je présume qu'il n'est pas rare que certains objets disparaissent du château : de nombreuses personnes y travaillent, et il y a forcément des fruits pourris dans le personnel. Garde-toi bien de poser la question si la reine ne donne pas d'elle-même l'explication, en tout cas, » l'avertit-elle. « En tout cas, elle sera sûrement ravie de retrouver cette broche. Il me semble en effet l'avoir déjà vu la porter. » À cet instant, elle sembla éprouver une certaine fierté envers Sagacius.

« Quant à d'éventuels conseils... tu connais le protocole, je ne vais pas t'en rebattre les oreilles. Reste au moins un demi-pas derrière la personne qui t'introduira dans la salle du trône... et n'oublie pas de faire deux fois ta révérence. Ça a son importance, surtout en ce moment.... même s'il s'agit d'une audience privée. Mais tu sais déjà tout cela, je ne suis pas inquiète. Garde à l'esprit que malgré les critiques, Iléosa demeure la reine. Entre les murs du château, la moindre imperfection ne passera pas inaperçue. »

Modifié par un modérateur dimanche 22 janvier 2017 16:52:20(UTC)  | Raison: Non indiquée

Marnedi 16 Pharast - Début d'après midi

Sagacius et Sorina étaient un peu inquiet, mais le lieu de leur "rendez-vous" pouvait facilement l'expliquer. Une fois qu'ils se furent séparés des autres membres de ce qui était à présent semi-officiellement la "milice de Zellara" (bien que la devineresse fantôme n'ait pas eu son mot à dire), ils étaient allés se changer pour passer quelque chose de moins...voyant. Ensuite, afin de rejoindre l'endroit où ils pourraient rencontrer son contact, Sagacius les avaient mené dans le dédale des Tuiles.

Les Tuiles se trouvaient dans le district Médian, mais formaient quasiment un quartier à part entière. Ici, cabanes, masures et demeures insalubres étaient bâties dans une jungle de cheminée, de toits pentus et de gargouilles éreintées par l'érosion. Ici vivaient des vagabonds, criminels, monstres et aberrations, des striges et diablotins envahissaient les caniveaux et se disputaient les cieux et les espaces entre les immeubles plus ou moins abandonnés aux drakes korvosiens qui nichaient sous les gouttières. Les périls de ces lieux n'avaient rien à envier aux allées les plus mal famées du Vieux Korvosa.

Mais la dangerosité de l'endroit n'empêchait pas qu'il soit l'un des quartiers les plus densément peuplés de la ville! Des familles entières s'entassaient dans des studios et appartements exigus, débordant dans les cages d'escaliers et sur les palliers, et bien que la lumière du soleil n'atteigne pas vraiment le sol, se perdant dans le labyrinthe suspendu des toits, les passants ne manquaient pas.
Et dans un tel quartier, où tout le monde se connaissait, il était difficile à deux "étrangers" comme Sagacius et Sorina de passer entièrement inaperçus.

Quand à leur rendez vous...les Nobles Félines étaient difficiles à trouver, en particulier compte tenu du chaos de ce quartier, et simplement tomber dessus était un voeux pieux. Sagacius, fort heureusement, savait comment les contacter. Il avait laissé un message à l'endroit habituel, avec une date et une heure, et n'avait à présent plus vraiment d'autre choix que de les laisser les trouver. Après tout, les Félines, en tant que gang affilié à la Société Céruléenne, avaient des yeux partouts.

Ce qui ne prit pas bien longtemps, finalement...au détour d'une ruelle, ils tombèrent sur un visage familier...du moins pour Sagacius. Une jeune femme adossée au mur, une capuche rabattue voilant partiellement son visage, un sourire aux lèvres et ses cheveux bruns cascadant sur ses épaules.


Sagacius

« Et bien, et bien...Sagacius...en voilà une surprise! »
Elle se pencha vers lui, l'examinant.
« Et tu n'as pas pris une ride! D'un autre côté, ce serait surprenant, en quelques mois...je suppose que tu n'es pas revenu parce que je te manquais, pas vrai? Alors, qu'est ce qui t'amène? Et qui est cette charmante jeune femme qui t'accompagne? Dis moi, elle connais ta réputation, ou bien est-ce ta prochaine conquête? »
Elle fit jouer ses sourcils d'un air entendu.

« Tout à fait oui... Sagacius m'aide pour certaines choses. J'espère juste qu'il m'a amené au bon endroit. »
Sorina avait gardé un visage impassible face à la jeune fille, mais si son accent varisien était de nouveau réapparu, sa voix d'ordinaire chaude et douce était glaciale. Le flirt léger entre le barde et la jeune fille l'agaçait un peu mais elle savait que le chelaxien était un séducteur, elle l'avait su au premier instant où elle l'avait rencontré, non, si elle était si glaciale, c'est parce qu'elle ne voulait pas que la fille pense qu'il y avait quelque chose entre eux deux et parce qu'elle ne voulait pas passer pour une jeune fille fragile en détresse.
Le quartier n'était certes pas accueillant mais pas moins que là où elle avait grandi, la seule différence était que les céruléens étaient moins présent chez les varisiens. Cependant, il y avait une règle commune, ne jamais montrer ses faiblesses.

« Bah, tu sais, ma mère est varisienne alors la cartomancie... » Sagacius lâcha ce commentaire avec un sourire comme si ceci expliquait cela.

« Et pour notre affaire en cours, j'ai bien quelques pièces d'or dans ma bourse. Mais si tu as un peu de temps libre et l'envie, une fois notre affaire réglée, je pensais te dédommager en nature comme au bon vieux temps. Ce serait l'occasion de te prouver à quel point ma langue a gardé toute sa vivacité... À côté de pièces bien ternes et froide, l'échange me parait plutôt équitable, non ? » Sagacius, qui avait d'abord aborder la question sous l'aspect pécuniaire, adressa un clin d'œil aguicheur à son contact.

Marchander de cette façon devant Sorina le gênait, mais montrer un visage différent que celui du dragueur des rues à Aspexia le dérangeait plus encore. Si cela s'ébruitait, ce serait sa réputation et tout son réseau de contact qu'il faudrait revoir. Il en prit donc son parti et tenta de tirer le meilleur de cet entretien. « Mais bien sûr, c'est donnant-donnant. » Entrant dans le vif du sujet, il posa sa question : « Nous sommes à la recherche de deux gamins. Un certain Souriceaugris et un autre garçon du nom de Stellian. Ce sont deux petits Lamm qui se sont fait la malle il y a un mois. Deux mois tout au plus. L'un deux possède quelque chose de cher à Sorina et on voudrait les retrouver.

Le premier est un peu bizarre. Le genre de gamin un peu éduqué et débrouillard mais qui peut se taire pendant des heures avant de se mettre à parler comme un moulin à vent. Quant au second, il a environ cinq ans et il possède une tâche de naissance dans le cou. C'est ça, Sorina, hein ? » Sagacius avait volontairement caché le lien de parenté entre les deux pour éviter de révéler le fond de l'histoire à son contact. Et il espérait que la varisienne rentrerait dans son jet. Mieux valait toujours cacher la réelle valeur de l'information qu'ils recherchaient.

Voyant que Sorina ne réagissait pas plus que ça aux informations d'Aspexia, Sagacius choisit de ne pas insister et embraya sur les tuyaux demandés. « Ca marche. Tiens nous au jus.

En contrepartie, voici ce que je peux te réveler sur Gaedrenn Lamm. C'était un malfrat de bas étage qu'on a traqué à plusieurs. Il avait son QG au bord de la rivière près des quais. Et... on s'est chargé de lui ainsi que de ses hommes de main. S'il s'occupait d'affaires particulières ou d'un quartier bien précis, sache que le créneau est libre, et définitivement libre. La dernière fois que je l'ai vu, il disparaissait dans la gueule de son crocodile de service. Avec ça, vous aurez la place d'étendre un peu plus votre influence... ...pour ce que ça vaut.

Par contre, je ne peux pas te révéler grand chose sur les Carowyn. Je connais un peu la fille, mais c'est à peu près tout... » Le bâtard en savait bien sûr un peu plus sur cette famille mineure de nobles. Mais lâcher des informations sensible sur leur domaine ou leur famille pouvait jouer contre lui, et il préférait troquer d'autres informations.

Suite à cet échange, Sagacius décida qu'il en avait fini. Son contact reviendrait vers eux si elle apprenait quelque chose, et lui n'avait pas d'autres questions à aborder avec elle. Seule restait Sorina, mais celle-ci semblait rester en retrait, peut être à dessein. Remerciant la Noble Féline, il lui glissa une pièce d'or dans la main, pour la remercier de son temps et l'encourager à les recontacter au plus vite si elle avait du neuf.

Sorina était si préoccupée à ne pas laisser paraître ses émotions qu'elle ne réagit pas lorsque la jeune fille parla d'enfant, elle essayait de réfléchir à ce qu'elle venait d'apprendre alors qu'Aspexia et Sagacius parlaient de plans communs. Mais la jeune varisienne ne put s'empêcher de réagir à la dernière phrase de la voleuse.

« Je me moque que vous soyez peu... recommandables, d'aucun dirait que les varisiens le sont encore moins, ce qui m'importe c'est de le retrouver. Vous avez visé juste, il s'agit bien de mon fils... Il a été enlevé par ce chien de Lamm, que son âme souffre aux abysses, mais il a pu s'enfuir... Il a une tache de naissance au creux du cou, cela fait des mois que je le cherche, elle a peut-être évolué, à l'époque elle ne représentait rien encore. »
Elle planta son regard dans ceux de son interlocutrice.
« Si vous avez la moindre information, je vous serai reconnaissante, et je saurai vous remercier. »
Le regard froid qui accompagnait ses paroles signifiaient qu'elle se souviendrait également de ceux qui l'empêcheraient de retrouver son fils.

Le fait qu'Aspexia devine que le gamin recherché était celui de Sorina ne surprit que moyennement Sagacius. Après tout, elle avait toujours eu une certaine vivacité d'esprit et dans la rue, il fallait savoir additionner rapidement deux et deux.

Mais la question sur le manoir des Carowyn le désarçonna quelque peu. Voyant que cela n'était qu'une blague, l'homme reprit contenance avant de répondre par la négative à son contact. « Ce n'est pas vraiment l'envie qui m'en manque. Mais je préfère raccompagner la demoiselle chez elle, si tu permets. Comme tu le sais, le quartier n'est pas très sûr. »

Lui lançant un clin d'œil, l'enquêteur mit de côté le fait que lui et Sorina auraient sans doute besoin de débriefer. Et puis, quelque part au fond de lui, ça le gênait de donner cette image de Casanova qui couchait à tout va. Le dire était une chose, mais le faire devant la varisienne en était une autre...

Se tournant vers la cartomancienne, il lui demanda : « Si tu n'as rien d'autre à ajouter, nous pouvons y aller. »

17 Pharast - Appartement de Sagacius
Malgré les difficultés, leur mission de la veille avait été une réussite. Mais Sagacius n'eut pas vraiment l'occasion, ce soir là, de s'apesantir sur le caractère horripilant de Méry. A peine était il rentré chez lui qu'il se rendit compte qu'un corbeau messager était posé sur le rebord de sa fenêtre, tapant de temps à autre contre le carreau. Le message était assez bref, et il provenait d'Eliasia Leroung, la matriarche de la famille.

Sagacius,
La cérémonie du couronnement approche, et je voudrais t'en parler. Viens me rendre visite au manoir lorsque tu en auras l'occasion.
Eliasia Leroung.

Noravia recula presque instinctivement lorsque Sagacius fit mine de lui poser la main sur la tête, mais se laissa faire après un instant d'hésitation. Elle paraissait encore avoir du mal à faire confiance à qui que ce soit, mais elle avait l'air d'être à présent plutôt certaine que Sagacius et Lorelia ne lui voulaient aucun mal.
Lorelia, quand à elle, sourit à son fils.
« Ah, toujours en vadrouille, hum...? Sois quand même prudent. J'ignore où tu vas, mais même si les choses se sont un peu calmé, les rues ne sont toujours pas sûres... »



Eliasia Leroung, toujours élégante et énergique malgré son âge, attendait son petit fils dans la bibliothèque du manoir. Elle était plongée dans l'écriture d'une lettre, mais releva la tête pour sourire à Sagacius lorsqu'il entra.
« Ah, Sagacius! Merci d'être venu si vite. Tout va bien? »
Elle soupira, un demi-sourire aux lèvres.
« J'ai prêté l'oreille aux rumeurs, et c'est bien joué de ta part d'avoir réussi à te faire inviter au couronnement. Cela te permettra de te mêler un peu au reste de la noblesse et des notables de la ville, et peut être d'apprendre des choses qui ne seraient pas dites en ma présence, puisque nos liens familiaux ne sont pas de notoriété publique. Et dis moi...que penses-tu de notre future souveraine? »