u cours des trois jours qui suivirent, les aventuriers restèrent sur leur garde, surveillant avec vigilance l'air qui les entourait à la recherche de capteurs magiques quasi invisibles… mais ils n'en aperçurent aucun. La personne qui les avait observés par magie avait-elle renoncé ou était-elle occupée à d'autres choses ? C'était impossible de le savoir avec certitude, et les conjectures ne menaient guère loin.

Les membres du groupe les plus savants en matière de magie avaient précisé que le rituel nécessaire à une telle divination — techniquement, une scrutation — prenait au minimum une heure et était facilité par l'utilisation d'objets appartenant à la personne ciblée. Ils avaient plusieurs fois passé en revue les objets qu'ils avaient laissés derrière eux à Korvosa… dans la demeure de Zellara, dans la maisonnette de la rue St Alike, et dans les autres endroits où ils avaient séjourné.

Les deux seules conclusions certaines auxquelles ils avaient abouti étaient que (1) ils devaient rester sur leurs gardes et (2) il était important de mettre le Sénéchal à l'abri le plus vite possible. Vu la tournure des événements, il y avait fort à parier que, pour rétablir un certain calme à Korvosa, il allait falloir user de violence. Mais, une fois les combats terminés, une fois la poussière retombée, il allait falloir reconstruire. Hors, d'après la législation en vigueur à Korvosa, la seule personne ayant le pouvoir de s'opposer au Trône Écarlate était le Sénéchal. Certes, certains n'avaient que peu à faire des lois et autres règles korvosiennes, mais même eux devaient reconnaître que faire les choses dans les règles était sans conteste la manière la plus simple de procéder… ne fût-ce que pour éviter des complications avec la majorité des habitants de Korvosa, habitués à ce système de régulations complexes d'inspiration chéliaxienne. En bref, le Sénéchal était un atout pour le futur.



C'est en début d'après-midi, le quatrième jour, qu'ils arrivèrent à Harse. Harse n'était guère plus qu'une petite bourgarde rassemblant une douzaine de bâtiments qui marquaient le lieu où se rencontraient la Sarwin et le Faucon, une sorte de carrefour fluvial. Sur place, on trouvait une poignées d'artisans et de magasins ainsi que deux auberges prêtes à accueillir les voyageurs qui passaient par là. La majorité des habitants du coin vivaient dans des fermes situées dans les environs et entourées de larges champs et de pâturages. Harse elle-même vivait principalement grâce aux voyageurs, notamment ceux qui venaient sur place pour assister aux concours hippiques qui se tenaient une fois par année ici ou pour se procurer des montures dans les haras de la région.

Le groupe constitué des aventuriers, de Vencarlo Orisini, du Sénéchal, du marchand nain et de la douzaine de Shoantis qui avaient décidé de suivre Kar'Uz et Peau-de-Pierre, arriva à Harse par le chemin du sud, qui longeait la berge est du Faucon. De larges bacs permettaient de traverser les fleuves et d'atteindre le centre de la minuscule bourgade. Le nain et son chariot traversèrent en premier. Certains des Shoantis préférèrent traverser à la nage plutôt que de payer la modique contribution requise par les pilotes du bac.

Vencarlo, qui semblait connaître un peu les lieux, annonça « Je propose de ne pas repartir avant demain matin. Il y a deux auberges à Harse : la sacoche du canasson et le poney tacheté, toutes deux bien réputées à ma connaissance. L'ami dont je vous ai parlé habite dans un ranch situé à deux ou trois kilomètres au nord-est. J'imagine qu'il pourra également nous loger… même s'il y a de grandes chances pour qu'une bonne partie de notre groupe doivent dormir dans les écuries plutôt que dans une chambre. »

« Pour ma part, » poursuivit-il, « je préférerais me rendre au plus vite au ranch... mais, si vous avez des achats à réaliser ou si vous préférez passer la nuit ici, je resterai avec vous. Les événements des jours précédents ont montré qu'il était préférable de ne pas nous séparer... »

Les derniers jours de marche n'avaient pas été de tout repos pour Peau de Pierre qui faisait de son mieux pour assurer la sécurité du groupe, et pourtant, malgré les circonstances, le guerrier se sentait bien. Le temps avait permis à ses dernières blessures de se refermer, et les souvenirs des combats contre des créatures démoniaques s'étaient estompés. Cet environnement urbain étouffant était loin, et Peau de Pierre était ravi de retrouver de l'espace et des paysages naturels.

« Pardon ? Diversion ? » demanda-t-il incrédule.

« Tant qu'ils n'auront pas quitté définitivement notre cortège, ils seront en danger. Je ne sais pas comment ça se passe chez les nains, mais les shoantis n'abandonnent pas les leurs, pour faire "diversion". Rendons-nous au ranch tout de suite tous ensemble. »

L'inquisiteur avait trouvé le voyage d'un ennui!!! Il se posait encore la question comme avait il pu faire pour survire et sur tout apprendre aussi loin de sa cité?
Décidément la route n'était pas pour lui!!

Mais il fut tiré de sa monotonie par les paroles du barbare et du nain, Ah! La susceptibilité Shoanti!! Et la diplomatie naine!!!

Puis connaissant le groupe et pensant que ce genre de propos pouvait vite dégénérer, il se permit d'intervenir, « Oui, je ne sais pas quels sont tous leur moyens pour nous surveiller, mais c'est vrai que si, et je parle pour cette endroit, nous sommes un peu parsemé dans tout le village, il leur sera plus difficile de distinguer certaines personnes!!!
Je pense que loin de l'idée de mettre à l'écart un si grand peuple, Abbaër parlait de sécurité avant tout!! »

Le groupe entier de voyageurs avait désormais traversé le Faucon et s'était retrouvé sur une sorte de petite place rectangulaire dallée au centre de laquelle trônait une ancienne statue de pierre lissée par le temps. Juste en-dessous de celle-ci, on pouvait lire sur une petite plaque gravée "Sarwin Harse, 4536 AR".

« Ah ! Harse ! » s'était écrié le marchand nain. « Si vous voulez éviter de continuer votre voyage à pied, c'est sans aucun doute le meilleur endroit pour vous procurer des chevaux. » Puis, il continua à voix plus basse sur un ton de conspirateur. « J'ai bien compris que certains d'entre vous allaient continuer jusqu'à Janderhoff... Je peux vous être utile là-bas… et je suis d'accord de vous accompagner. Mais j'aimerais pouvoir passer, disons un ou deux jours ici, histoire de tenter de rattraper un peu des pertes causées par la situation à Korvosa... »

Avant de se prononcer, Kar'Uz avait décidé de s'entretenir avec Koibu. Les Shoantis n'avaient pas manqué d'attirer l'attention dans la petite bourgade. Certes, les voyageurs étaient communs ici et les habitants n'avaient décoché aucun regard réprobateur ou méfiant envers le groupe de Shoantis. Mais, clairement, la présence d'un si grand groupe créait une certaine tension dans l'air.

Koibu laissa traîner son regard quelques instants sur des passants avant de se retourner vers Kar'Uz. « Nous pourrions loger dans une des auberges je suppose… mais je ne suis pas certain que tout le monde dans le groupe apprécie cette idée, ni que l'arrivée d'un groupe tel que le nôtre dans une auberge ne crée quelques ennuis... peut-être vaut-il mieux que nous établissions un campement un peu à l'écart des habitations, sans doute hors de vue ? »

À proximité de Harse, et du croisement des deux fleuves, le terrain était plutôt plat. On pouvait apercevoir ici et là des fermes et des champs qui étendaient leurs couleurs variées sur l'horizon. Être hors de vue signifiait s'éloigner significativement… Vencarlo intervint « Si c'est pour camper à l'écart de la ville, autant qu'ils posent leur tente à proximité du ranch de mon ami, non ? »

« Quant à trouver une terre où s'établir… » ajouta-t-il, « je ne sais pas s'il y a vraiment une autorité dans le coin... J'imagine que, formellement, ils devraient adresser leur demande à Korvosa. Mais sans doute n'est-ce pas une excellente idée juste pour le moment ? »

Vaughn Firdigr conduisit son un peu plus à l'est de la place principale (en fait, l'unique place) de Harse et le positionna dans un petit renfoncement situé devant un des bâtiments les plus grands et que l'enseigne présentait comme "Le Poney Tacheté". « Très bien alors. Vous me trouverez ici, au Poney, quand vous serez prêts à reprendre la route vers Janderhoff. » indiqua-t-il à ceux qui l'avaient accompagné jusqu'ici. « Je pense rester deux, maximum trois jours. Si vous n'êtes pas revenus d'ici, je continuerai mon trajet seul... »

Les Shoantis reprirent les vivres qui avaient été déposées dans le chariot pour le voyage et s'apprêtèrent à reprendre le chemin, se répartissant les charges de manière équitable. Quand ils furent prêts, Koibu vint trouver les aventuriers. « Voilà... à moins que vous n'ayez quelques emplettes à faire avant de partir, je pense que nous pouvons y aller. »

Ce à quoi Vencarlo répondit d'un hochement de tête. « Bien… » calcula-t-il en levant les yeux pour observer la position du soleil. « Nous devrions arriver au ranch au milieu de l'après-midi, ce qui nous laissera un jour et demi pour nous organiser et prévoir la suite. Après cela, nous devrions revenir à l'aube pour retrouver notre ami marchand nain et poursuivre notre chemin… sauf si nous décidons de continuer sans lui. »

Si vous avez des achats/reventes à effectuer, vous en avez l'occasion... dans les limites de richesses de Harse.

Puis le groupe reprit son chemin vers le nord-est, suivant un chemin qui sinuait parmi les collines recouvertes de champs et de pâturages et où on pouvait apercevoir, de temps en temps, la silhouette de petites fermes. « Le grenier de Korvosa… » commenta le Sénéchal. « Salvator, tu dis avoir perdu ta muse… mais peut-être est-ce une occasion pour toi de changer de style ? » lança-t-il à l'artiste-peintre dont la présence pendant le voyage, tout comme celle de la femme et de son jeune enfant, s'était faite plutôt discrète. « Qui sait ? Peut-être pourrais-tu trouver une nouvelle inspiration au sein de ces magnifiques paysages bucoliques ? » Le peintre ne répondit pas, mais à plusieurs reprises pendant la suite du voyage, certains purent le surprendre en train d'observer une colline ici, un bosquet là-bas, plaçant ses mains, pouces et index étendus, au niveau de son regard comme pour former un cadre qui délimiterait la scène à représenter sur une toile.

Le Sénéchal avait visiblement repris des forces pendant les quatre jours qu'avait duré le voyage. Il marchait désormais d'un bon pas et participait régulièrement aux conversations plutôt que de se retrancher dans une sorte de mélancolie taciturne comme il l'avait fait après sa libération. « Au fait, » demanda-t-il à Vencarlo, « à quel point peut-on faire confiance à cet ami chez qui vous nous emmenez ? » C'était un sujet qu'aucun des aventuriers n'avaient abordé auparavant...

Le maître d'armes répondit sans hésiter. « Vous pouvez lui faire autant confiance à lui qu'à moi. » Il expliqua brièvement « Jasan et moi étions compagnons d'aventures auparavant, nous faisons partie d'un groupe appelé les Oiseaux noirs. On s'est pas mal baladé dans les Monts de l'Esprit à l'est. On a vécu pas mal de choses ensemble, donc certains... événements qui m'ont prouvé que je pouvais avoir une confiance aveugle en lui. »

Vencarlo hocha la tête pour montrer son accord avec la remarque de Peau-de-Pierre. « Pour sûr, difficile en ces temps-ci de faire confiance à qui que ce soit. Nous resterons sur nos garde... Et, de plus, il nous reste un ou deux jours pour en discuter et éventuellement trouver une solution alternative. »

La petite troupe fit chemin pendant un bon quart d'heure avant d'apercevoir au loin un vaste territoire délimité par des barrières en bois, niché dans le creux séparant deux petits collines. « Nous y voilà ! » déclara Vencarlo sur un ton jovial. Le domaine en question était divisé en plusieurs grandes portions de terrain, certaines servant apparemment de prairie où des chevaux pouvaient gambader de manière assez libre et d'autres étant cultivées .

En suivant le chemin que le groupe avait suivi, on pouvait apercevoir un portail de bois qui donnait sur un sentier menant quasiment en ligne droite jusqu'à une petite cour située approximativement au centre du domaine. Autour de la cour centrale se dressaient trois bâtiments. L'architecture de celui de gauche et de celui qui était le plus éloigné de l'entrée laissaient penser qu'il s'agissait d'habitations alors que celui de droite avait la forme caractéristique d'une grande grande. Ici et là, dans certains champs, on pouvait voir quelques individus s'affairer qui à récolter, qui à s'occuper de chevaux.

« Je suis certain que votre présence ne posera aucun problème, » dit Vencarlo à Koibu, « mais, pour éviter de créer toute tension inutile, peut-être vaut-il mieux que toi et les tiens patientiez ici quelques instants, le temps que nous annoncions notre présence au propriétaire des lieux ? » Koibu hésita un court moment mais hocha la tête. Lui et les Shoantis qui avaient accepté de suivre Kar'Uz et Peau-de-Pierre s'installèrent sur place, profitant du calme du paysage champêtre, pendant que le reste du groupe poursuivit son chemin.

Le portail d'entrée était ouvert. Il s'agissait d'une simple démarcation constituée de deux larges piquets de bois plantés de part et d'autre du sentier, avec une poutre horizontale reliant leurs sommets et sur laquelle un écriteau indiquait "Ranch de l'oiseau noir". Vencarlo s'arrêta un instant et afficha un sourire en coin en voyant le nom que son ami avait donné à son ranch. Puis il passa le portail et emprunta le sentier qui menait vers la cour. Ici et là, quelques travailleurs s'arrêtèrent un instant pour observer le curieux groupe, mais aucun ne s'approcha ni n'intervint.

Le peintre, encore occupé à "cadrer" le paysage autour de lui, la femme et son jeune enfant, le nain chauve, les deux Shoantis, le prêtre de Sarenrae et les trois autres humains ne tardèrent pas à pénétrer dans la petite cour centrale. Une étrange mélopée les accueillit…



La mélodie semblait provenir d'une des pièces situées à l'étage dans le bâtiment de gauche. Il s'agissait d'une suite de notes lentes jouées au violon et parfois accompagnée de quelques sons fredonnés par une voix de femme. Même les quelques animaux de basse-cour qui s'étaient affolés un moment à l'arrivée des visiteurs semblaient s'être calmés au son des envolées lyriques du violon. Un moment passa ainsi, quelque peu hors du temps…

Quand la musique s'arrêta, le silence ressembla à une sorte de vide... cruel. Des bruits de mouvement se firent entendre dans la chambre d'où le son du violon avait émané, puis une silhouette se rapprocha de la fenêtre. Il s'agissait d'une femme aux longs cheveux et à la peau extrêmement claire, revêtue d'une simple toge grise. Elle tenait dans ses bras la forme minuscule d'un nouveau-né qui ne devait pas avoir plus d'une poignée de jours.

En arrivant près de la fenêtre, telle une apparition fantomatique, elle baissa les yeux vers les arrivants et fixa un instant les deux Shoantis qui se tenaient côte à côte. Elle se tint ainsi, immobile, pendant quelques longues secondes, puis elle retourna l'enfant qu'elle portait, comme pour lui permettre à lui aussi de voir le groupe qui se tenait dans la cour ou, à l'inverse, pour permettre aux visiteurs de le voir… À sa couleur de peau légèrement chocolat, il était évident qu'il était de descendance mixte. Après un autre silence, la femme ouvrit enfin la bouche.

« J'ai choisi de l'appeler Carp… » dit-elle.

Plutôt surpris de la réaction de l'habituellement taciturne Shoanti, Vencarlo resta un moment interdit, portant son regard tour à tour sur la femme et l'enfant qui se trouvaient à l'étage, Kar'Uz qui avait disparu en entrant dans le bâtiment et les autres aventuriers. « Quelqu'un peut m'expliquer ce qui se passe ? » finit-il par demander…

Mais avant que qui que ce soit ne put répondre, une autre voix féminine attira l'attention des voyageurs. C'était une jeune femme blonde en simples habits de fermier qui était apparemment sorti du bâtiment quasiment au moment où Kar'Uz y avait pénétré. Elle faisait signe aux aventuriers tout en souriant.

Elle lâcha le panier de linge qu'elle tenait sous son bras et accourut vers les nouveau-venus, en les prenant dans ses bras ou en les embrassant. Elle commença par ceux qu'elle avait déjà rencontrés avant, plaçant un gros baiser sonore sur le crâne chauve d'Abbaër, puis regarda un instant les autres — dont le Sénéchal, le peintre et la jeune femme —, haussa les épaules et les accueillant avec la même chaleur en disant « Salut à vous aussi ! Les amis de mes amis sont mes amis ! Je suis Trinia, Trinia Sabor ! »

Juste après avoir pris le Sénéchal dans ses bras, Trinia se recula de deux pas et fit une moue de suspicion tout en dévisageant l'homme. « Je vous ai déjà vu quelque part, non ? » dit-elle lentement tout en se tapotant les lèvres du bout de l'index, comme pour faciliter sa réflexion. « À Château-Korvosa, je pense... vous savez, j'y suis allé plusieurs fois pour travailler sur une peinture du roi Éodred... »

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En entrant à pas rapides dans le bâtiment ouest, Kar'Uz arriva dans une sorte de petit hall accueillant et décoré avec goût. Il aperçut du coin de l'oeil plusieurs tableaux, certains présentant des scènes champêtres — il crut reconnaître l'une des prairies aux chevaux aperçues quelques instants plus tôt — et d'autres, des portraits de diverses personnes. Il tourna la tête rapidement et vit le début d'un escalier dans le fond du hall, sur le côté gauche. Sans ralentir, il se dirigea dans cette direction et escalada les marches quatre à quatre, suivant un couloir qui devait le mener dans la direction où se trouvait la chambre d'où la femme à l'enfant se trouvait.

Au moment où il arriva devant la porte, celle-ci s'ouvrit, dévoilant Mélavéa et le minuscule Carp. La femme se contenta d'un énigmatique sourire et précisa « Il y a eu quelques complications lors du voyage... mais heureusement le propriétaire m'a accueilli. Carp est arrivé bien avant terme... heureusement, il est robuste... comme son père. » tout en présentant l'enfant pour que Kar'Uz puisse l'admirer, voire éventuellement le prendre.

À peu près au même moment, un robuste homme barbu sortit de la grange qui se trouvait à droite de la cour. Il fit quelques pas en direction du bâtiment principal avant de s'interrompre en apercevant finalement les voyageurs. Il fronça les sourcils et mit quelques secondes avant de reconnaître l'un d'eux, ce qui transforma son expression en un large sourire. Déposant le seau de lait qu'il transportait, il s'avança vers le groupe en tonitruant « Ça par hasard ! Ven ! Quel bon vent t'amène ici, mon vieil ami ? »

Vencarlo s'avança à son tour et les deux hommes se saluèrent en s'agrippant les avants-bras. « Jasan, ça fait quelques années maintenant... Mais je vois que tu es toujours en forme ! » lui répondit Vencarlo sur un ton joyeux. Se tournant vers le groupe, il présenta l'homme. « Mes amis, voici Jasan Adriel, une des plus fines lames que j'aie jamais eu l'occasion de rencontrer. », ce à quoi l'homme répliqua « Bah ! Je ne suis… je n'étais… qu'un piètre combattant à côté de Maîîîître Orisini. », ponctuant ses derniers mots d'une courbette feinte et d'un clin d'oeil.

Il fixa Vencarlo pendant quelques longues secondes et son expression devint plus sérieuse. « Je me suis trompé, hein ? Ce n'est pas vraiment un "bon vent" qui t'amène ici. Si tu as quitté Korvosa, c'est que les choses ne se sont pas améliorées hein ? » Vencarlo prit une profonde respiration et soupira puis il hocha simplement la tête.

Jasan Adriel fit un mouvement de tête désignant l'entrée du bâtiment principal et dit « Allons à l'intérieur. Je suis certain qu'un bon gobelet de cidre frais vous fera le plus grand bien. Et vous pourrez tout me raconter... » Puis il alla récupérer le seau de lait déposé et se dirigea vers l'entrée du bâtiment principal. Celle-ci donnait dans un assez grand hall d'entrée avec un épais tapis kaléshite au sol. Au centre du hall d'entrée s'élevait un large escalier en bois qui s'évasait et permettait d'accéder à un coursive située au niveau du premier étage et surplombant le hall d'entrée.

Jasan Adriel n'emprunta pas les escaliers mais se dirigea vers la première porte à droite. Celle-ci permettait d'accéder à une grande salle à manger aux murs décorés de divers trophées de chasse. Au centre de la salle à manger s'étendait une longue table de bois pouvant accueillir sans doute pas loin d'une vingtaine de personnes. « Installez-vous, mettez-vous à votre aise, » dit-il tout en ouvrant une autre porte, dans le fond de la salle à manger. De ce qu'on pouvait apercevoir, celle-ci menait à une cuisine spacieuse. Il revint quelques minutes plus tard avec plusieurs gobelets et deux grandes bouteilles de cidre.

Une fois tout le monde servi, Jasan leva son verre et proposa un toast « À l'amitié et à la loyauté. », salant tout d'abord Vencarlo puis l'ensemble de ceux qui étaient présents. Après avoir bu une gorgée de cidre, il demanda « Peut-être pourrais-je tout d'abord savoir qui j'ai l'honneur d'avoir à ma table ? » tout en posant son regard sur chacune des personnes attablées.

L'inquisiteur était resté comme à son habitude très observateur. Dans un premier temps de l'endroit qu'ils traversaient, puis du lieu ou ils avaient convenu de faire une halte.

Ensuite la scène qui s'était déroulé sous ses yeux, n'était pas banale! Dans un premier temps il crut à une scène de troubadour! Puis lorsqu'il vit le Shoantis s'émouvoir et filer à l'intérieur, il comprit qu'une étape du groupe s'était passé et que le résultat se trouvait à l'étage. Très peu purent le voir, mais un sourire avait réussi à passer les lèvres serrées de l'inquisiteur.

Théoblad avait donc suivit le sénéchal et le petit groupe qui maintenant formait son escorte, pour pénétrer et faire honneur à l'invitation du Jasan!!!
Lui aussi avait levé son verre et avait tout particulièrement appuyé sur la fin du toast« ... et à la loyauté! » Puis avait attendu que le regard de l'ami du maitre d'arme se pose sur lui pour répondre. « Théobald Ithier, je sers la loi et la justice de notre belle cité, celle qui fut la grande Korvosa, suivant les préceptes de Iomédae!
Et je ne sais pas si vous avez pu suivre les dernières événements de notre cité, mais si ce n'est pas le cas, il va vous falloir un peu plus que deux bouteilles de cidre pour tout vous relater! »

Abbaër trouvait que tout s'accélérait soudainement, mais pour une fois, elle allait dans le bon sens.

Il suivit le groupe à l'intérieur, accepta le verre et trinqua avec les autres.

« Abbaër Oeildoré.

Merci pour le bon accueil, on n'est plus vraiment habitué aux civilités dénuées d'intérêt ou de mauvaises intentions depuis quelques temps. »

Abbaër salua son hôte avant de jeter un oeil intéressé par les diverses peintures et leurs détails.