Source : blog Paizo ; Auteur : James L. Sutter



L'écorchefeuille apaise peut-être les craintes. Le pesh donne peut-être de la vigueur. Mais, comme n'importe quel sage ou érudit le dirait, c'est la connaissance qui est la drogue la plus addictive. Et, une fois que la quête de savoir a mis le grappin sur toi, une fois que tes yeux se sont ouverts, tu n'as plus aucune chance de t'en défaire.

Comme de très nombreux elfes, Damiel Morgethai naquit dans la nation de Kyonin. En tant qu'un des innombrables descendants de la prestigieuse famille des Morgéthai, il a grandi dans la magnifique ville de Riverspire, là où le bord sud-ouest de la grande forêt de Kyonin s'efface pour laisser la place à des plaines fertiles et vallonnée. Lorsqu'il fut enfin suffisamment âgé pour choisir une profession, le jeune elfe extrêmement précoce reçut de l'argent de la part de sa famille et fit ses bagages pour la belle capitale d'Iadara afin d'y étudier l'alchimie auprès de plusieurs des grands maîtres de cet art. Et c'est là que les problèmes commencèrent.

Damiel montra immédiatement des aptitudes pour l'alchimie, il était passionné par la transmutation, l'idée de changer une chose en une autre, que ce soit à l'aide de produits chimiques ou par magie. "L'alchimie", disait-il avec plaisir à ses amis, "c'est la magie à l'état pur, même quand ce n'est pas de la magie." En quelques rapides années, le brillant et studieux Damiel avait appris suffisamment de choses de la part de ses instructeurs pour que ceux-ci le laissent poursuivre ses études seul et deviennent des conseillers et des collègues respectés plutôt que de véritables maîtres.

Mais il n'avait pas appris que des formules étranges à Iadara. Quoiqu'il semblât joyeux et innocent vu de l'extérieur, Damiel nourrissait une obsession avec ce qu'il appelait "la Transformation" qui allait bien au-delà des simples potions d'un apothicaire, au-delà même des concoctions magiques et explosives des alchimistes entraînés au combat. Dans sa quête éternelle pour mieux comprendre ses théories, Damiel s'était littéralement donné corps et âme à ses études, et il commença à utiliser ses propres concoctions sur lui-même, tentant de découvrir tout le potentiel de son corps. Ce qui émergea de ces longues nuits sans sommeil était quelqu'un de nouveau. Quelqu'un de dangereux.

Officiellement, Damiel fut banni du Kyonin pour avoir copié les découvertes d'un autre alchimiste ou peut-être pour avoir enfanté un enfant illégitime avec un noble embarrassé. Les documents ne précisent pas comment ses anciens amis s'étaient rendus compte des changements dans ses yeux, qui devenaient de plus en plus sauvages au fur et à mesure que le manque de sommeil et les quantités croissantes "d'éther revigorant" qu'il absorbait commençaient à se faire sentir. Ils ne parlent pas non plus du soudain pic de crimes dans les districts qu'il fréquentait, de vols osés et d'incendies sans réel motif. Et ils ne mentionnent certainement pas la jeune femme retrouvée dans l'allée derrière son appartement, sa face entièrement brûlée dans une tentative quasiment réussie pour cacher son identité… et l'identité de son tueur. En fait, cette dernière identité aurait été difficile à obtenir de toutes façons car même le tueur lui-même pouvait éprouver des difficultés à identifier le monstre qui pouvait prendre la vie d'une jeune fille juste parce qu'elle avait vu quelque chose qu'elle n'aurait pas du voir.

Car Damiel n'était plus du tout l'homme qu'il était autrefois. Dans sa quête incessante des secrets, il avait mis à jour un potentiel énorme, d'étranges potions qui accéléraient ses mouvements jusqu'à le faire paraître flou ou modifiait sa constitution pour lui permettre de survivre à n'importe quel poison ou maladie. Mais, au fur et à mesure qu'il augmentait son contrôle sur son corps, ses découvertes rongeaient son esprit. Il sombra profondément dans son addiction, plus loin encore que là où l'éther qu'il appréciait tant l'avait jamais emmené. Il se laissait aller à la Transformation pour ensuite se réveiller après une stupeur folle et se rendre compte qu'il avait commis des actes terribles. Et pire encore, que cela ne le préoccupait pas.

Exilé de sa patrie, Damiel voyagea pendant de nombreuses années, apprenant peut à peu à contrôler et à vivre avec ses addictions. Il n'avait plus de trous de mémoire, ni d'accès incontrôlé et insensé de violence. Au lieu de cela, il était devenu un jeune homme dur, dont les yeux trahissaient le passé qui le hantait, beau si on omettait son regard sauvage et les laides cicatrices le long de ses veines. Il se rendit à Dagermark dans les Royaumes Fluviaux dans le but de monnayer son savoir secret et joignit la guilde des empoisonneurs de cette ville. Pendant tout un temps, ces concoctions uniques firent de lui un personnage assez célèbre dans certains cercles mais, au fil des mois, le contrôle de Damiel sur sa nature profonde lui échappa à nouveau et ses anciennes envies pour le magnifique chaos de ses actions inconscientes et inconcevables reprit le dessus. Et la bête de la Transformation fut à nouveau livre de parcourir les rues. En fin de comptes, la guilde des empoisonneurs vit d'un mauvais œil les "exploits" de Damiel et, même si l'elfe argua que ses hobbies ne concernaient pas la guilde vu qu'il n'était pas payé, il fut forcé de reprendre la route.

Aujourd'hui, Damiel a encore grandi et il est devenu un homme avec deux esprits. Le premier, la majeure partie de ce qu'il reste du Damiel Morgethai qu'il était, se repend réellement des souffrances arbitraires et inutiles qu'il a causées et tente de garder son côté sombre sous contrôle. Le second est l'homme dévoilé par la Transformation, l'âme folle et capricieuse qui méprise toutes les autres créatures et qui n'existe que pour ressentir la chaleur d'une explosion sur son visage et observer les changements de couleur des chairs empoisonnées. Ce dernier esprit prend le dessus avant tout au combat, lorsque les potions de Damiel font agir son corps plus vite que ce que la nature permet, lorsqu'il se faufile sur le champ de bataille pour lancer des cendres corrosives ou égratigner les combattants avec sa lame à injection empoisonnée si délicatement que la plupart ne se rendent pas compte qu'ils ont été blessés avant de se retrouver incapables de respirer. Daniel ne laisse plus libre cours à ses tendances les plus sombres et il se comporte bien en société mais ceux qui observent ses yeux bouffis et injectés de sang comprennent rapidement sa véritable nature : déséquilibrée, instable, imprévisible, et tout à fait indispensable dans un combat. C'est pour cela qu'il parvient encore à s'allier avec d'autres aventuriers de temps en temps. Et alors qu'il continue à mûrir, certains de ses compagnons ont même une chance de survivre à leur alliance avec lui.