Source : blog Paizo ; Auteur : James L. Sutter



Née dans un petit village du nord de Trollheim dans Les Terres des rois du Linnorm, enfant, elle s’appelait Feiya. Elle était la fille de deux marchands Tian originaires de Minkai qui avaient immigrés dans la couronne du monde d’Avistan pour y redémarrer leur vie. Voyageurs dans l’âme, ils passaient les courts étés nordiques à faire de lentes tournées commerciales à travers Hagreach et Les Terres de Thane. Les rares souvenirs de cette période qu’a Feiya sont des moments heureux : les balancements des chariots, les odeurs des feux de camp, les balades solitaires à travers champs et forêts et l’émerveillement de se sentir entourée par la nature environnante.

Ce bonheur s’interrompit brutalement en ce jour fatidique où elle attira l‘attention d’une triade de sorcières récemment dispersée, rôdant près de la frontière avec l’Irrisen. Dirigée par une guenaude verte particulièrement cruelle du nom de Nysima, la triade venait de perdre sa plus jeune recrue à cause d’une patrouille de Blackravens du Trollheim. Ses membres étaient encore ébranlés par cette perte soudaine de puissance. Lors d’un arrêt de la caravane, elles remarquèrent l’enfant s’éclipsant pour aller poursuivre une harde de daims s’enfonçant profondément dans les bois. Saisissant l’occasion, elles se jetèrent immédiatement sur elle. Aucun mot ne peut justifier la cruauté des sorcières envers la fillette, pas même la douleur de leur perte récente. C’est ainsi que le destin impitoyable frappa la jeune Feiya. Les deux mégères se saisirent de l’enfant et l’emportèrent loin vers l’est, noyant de leur caquet les cris terrifiés de la jeune fille. Avant qu’elles n’aient atteint leurs huttes recouvertes de chaume et de neige, elles avaient donné un nouveau nom à l’enfant, imaginant déjà la restauration de leurs pouvoirs perdus.

Les douze années suivantes ne furent que peines, terreurs et supplices, consacrées aux séances sadiques d’enseignement du sombre art des mégères qui étaient imposées à Feiya. Alternant apprentissage et punition, les sorcières laissèrent souvent aller libre court à leur nature cruelle marquant cette éducation par cette emprunte. Bien que la jeune fille en possédât indubitablement le potentiel et l’aptitude, elle y opposât un défi farouche que seules les pires brimades finirent par briser. Malgré plusieurs tentatives de fuite, Feiya fut à chaque fois poursuivie et reprise en à peine quelques heures. Les punitions pour ses vaines évasions marquèrent tant son corps et son esprit qu’aucune magie curative ne pourrait les guérir.

Enfin, par une froide journée d’automne, après avoir été battue pour avoir échoué à préparer une potion à base du toxique « whinnis » bleu, Feiya fut envoyée ramasser des plantes. Alors qu’elle cueillait des racines de « whinnis », elle remarqua qu’un renard l’observait du haut d’un rocher couvert de givre. Contrairement à ceux de cette région, l’animal était d’un rouge orangé marqué qui contrastait fortement avec les neiges éternelles l’entourant. Quelque chose, dans la façon dont la créature la regardait, attira l’attention de Feiya. Elle s’approcha avec précaution et fut stupéfiée par son calme et sa concentration. Alors qu’elle s'avançait, le renard s’éloigna de quelques pas puis se retourna en la fixant comme pour l’inviter à la suivre. Répétant ce manège à plusieurs reprises et, avant qu’elle n’en prenne conscience, Feiya, à la poursuite du renard, venait de se lancer dans une nouvelle tentative d’évasion. Les deux sorcières ne réalisèrent les intentions de Feiya qu’au crépuscule. Furieuses, elles s’élancèrent à sa recherche, persuadées compte tenu des précédents de la retrouver rapidement. Cependant, cette fois Feiya avait un guide. Le renard la mena sur des pistes ignorées des humains et des sorcières, la précédant toujours de peu mais toujours hors de sa portée. Il lui trouvait gibier et eau fraîche en cas de besoin. De même qu’il montait une garde vigilante pendant son sommeil. Ainsi, Feiya parvint à éviter la capture pendant plus de deux semaines.

Toutefois, par un soir particulièrement froid, la chance l’abandonna. Alors que ses poursuivantes étaient sur sa piste et que le renard était introuvable, elle se trouva prise au piège au fond des gorges d’une rivière, cernées de toutes parts par des falaises infranchissables. A cet instant, Feiya put sentir les sorcières se rapprocher et entendre leurs promesses de souffrance emportées par le vent. Elle alla donc chercher abri à l’intérieur d’une caverne peu profonde cachée par une cascade alimentée par la rivière. C’était une curieuse petite grotte dont la paroi du fond était décorée par une sculpture naturelle en forme de papillon. Tel un animal aux abois, Feiya se prépara à l’affrontement. Cette fois-ci, elle ne se rendrait pas sans combattre. Elle venait de décider que désormais, aucun jour de sa vie ne serait sous le joug de quelqu'un d'autre. Elle gagnerait sa liberté maintenant ou jamais. C’est à cet instant le renard réapparut. Elle remarqua alors une différence dans son approche. Même s’il avait toujours fait preuve d’une intelligence surnaturelle, Feiya, alors qu’elle le fixait du regard, put y lire une lucidité et une détermination qui l'auraient effrayée si elle n’avait pas acquis une telle confiance en cet animal. Alors qu’elle le contemplait, l’esprit de Feiya fut submergé par de soudaines et vives sensations. Stupéfaite, elle sombra sur le sol de la caverne, même si, dans le même temps, son esprit s’éclaircit. Elle ressentit plus qu’elle n’entendit son offre de pacte irrévocable. Sans mot dire, Feiya y adhéra aussi pleinement que rapidement.

Ce qui suivit hantera à jamais les rêves de Feiya. A mesure que les sorcières s’approchaient de l’entrée de la caverne, leurs promesses grinçantes de douleur et de souffrance couvraient le vacarme de la cascade. Feiya devinait la silhouette de leur corps tordus derrière la pellicule d’eau se déversant, pourtant avant qu’elle n’agisse un son s’éleva. Ça commença par un faible grondement, qui se renforça rapidement, diffusant des secousses venant du sol de la caverne, repoussant l’eau et les deux sorcières. Puis la vallée résonna de cris stridents et de rugissements générés par une forêt entière d'animaux sauvages, ponctués ici ou là par des malédictions perçantes d'une sorcière en fuite. Trop apeurée pour bouger, Feiya attendit immobile pendant de longues minutes. Puis aussi progressivement qu’il était apparu, le tumulte se dissipa pour ne laisser que les bruits de la cascade. Feiya s’écroula alors derrière un amas rocheux trop effrayée pour quitter son abri souterrain. Les minutes devinrent des heures, puis la fatigue apparut, et malgré l’anxiété, elle sombra dans un sommeil réparateur. Ce n'est qu'à l'aube que Feiya émergea de la grotte, incertaine de ce qu’elle découvrirait. Un fin manteau neigeux recouvrait les alentours masquant toutes preuves de ce qui s’était passé la veille. Son soulagement était déjà palpable alors que le renard surgissait pour se tenir à ses côtés. Elle était enfin libre.

Feiya ne parle jamais de ce qui advint cette nuit-là ni des termes de l’étrange pacte qu’elle passa. Elle partira peut-être un jour à la recherche de ses parents, dont elle se souvient à peine, mais pour l’instant elle se contente de parcourir le monde, savourant sa liberté, en quête de nouvelles expériences tout en renforçant ses pouvoirs nouvellement révélés. Bien qu’elle souhaite ardemment la compagnie de ses congénères, ses années d’apprentissage loin du monde civilisé l’ont dépourvue d’aisance sociale et sa maladresse la conduit souvent à de regrettables malentendus. Cependant, son bon fond naturel est le plus fort, ce qui lui permet de vaincre ses ires spontanées grâce à son profond sens de l'amitié. Elle adore voyager, et depuis qu’elle sait que le papillon représenté au fond de la grotte est le symbole religieux des prêtres de Desna, elle en est une fidèle heureuse, espérant que ses errances l’éclaireront sur elle-même – et sur l’entité source de ses aptitudes magiques.