Le monde était jeune.



Cela faisait des millénaires que les dieux avait disparu, et l’espoir de leur retour parmi les mortels n’était qu’une vague rumeur propagée par d’obscurs prophètes. Certaines races aspiraient à la civilisation, mais elles étaient livrées à elles-mêmes. Aucune puissance supérieure ne pouvait dès lors les guider et les aider.




Albérich, venait de gravir le col. Une brise chargée de givre balayait son visage et faisait voler des mèches de cheveux blonds. En attendant ses compagnons, il observa la vaste vallée qui s’offrait à sa vue. En dessous des zones rocailleuses et des alpages, une dense forêt vert sombre s’était répandue sur les deux flancs, étendant leur emprise à perte de vue en direction de l’amont et de l’aval. Tranchant ce fond uni telle une cicatrice, le puissant fleuve avait, à force de crue et de décrue, d’accumulation de débris rocheux et végétaux, réussi à se ménager un espace dégagé où les arbres les plus solides semblaient hésiter à plonger leurs racines. Les elfes nommaient celui-ci Mirdrun ; les nains Kröndir, les orientaux le connaissaient comme Gandilévius alors que les nordiques avaient déformés ce nom en Handlev. Selon les récits des explorateurs, le franchissement du fleuve était un exploit, sauf en certains endroits.


Albérich abrita son regard sous sa main un instant, cherchant les signes qui l’aideraient à tracer son chemin. Il repéra un passage plus facile qui lui permettrait de s’approcher d’un surplomb dégagé. Une fois-là, il pourrait scruter le fleuve plus facilement.


Content de lui, et voyant le reste de la troupe arriver, il sortit de son sac un pieux métallique orné de son symbole et entreprit de l’insérer dans une faille rocheuse. Tout près, il dressa un cairn de pierre, plus éphémère mais plus facile à reconstruire. Car pour Albérich, ce qui importait n’était pas la borne mais bien la piste. Et bien qu’il fût le premier à en poser les jalons et que celle-ci porterait sans doute son nom dans les années qui suivraient, ce seraient les voyageurs qui l’emprunteront qui seront les vrai garants de son existence.




Satisfait, il se remit en route. Bien que ses jambes soient plus courtes que celles de ses compagnons, il parvenait souvent à les distancer. Il courrait sur les pentes rocailleuses tel un chamois, et malgré l’imposant sac de matériel qu’il transportait, goûtant ainsi à la pure joie de sentir cette terre vierge raisonner sous l’impact de ses pas. Car il était né pour voyager, et il n’avait pas laissé son origine naine la handicaper dans sa passion.




Bien plus tard, ayant atteint le surplomb qu’il avait précédemment repéré, il eut enfin la confirmation de ce qu’il espérait depuis longtemps. Plusieurs lieues devant lui, le large fleuve qui semblait leur barrer le chemin faisait un étrange renflement. A cet endroit, sa teinte, habituellement d’un bleu profond, se faisait plus claire, s’égayant même fréquemment par endroit d’un blanc d’écume, signe que la roche affleurait à peu de profondeur. Un gué. Il était donc bien là. Tout heureux, le nain se remit en route, sans prêter attention aux puissants drakars eux aussi investiguaient la vallée en remontant le fleuve vers le sud.




Sur place, l’endroit du gué était curieusement occupé. Les barbares avaient du mettre pied à terre car ce qui facilite le passage des uns complique celui des autres. Un puissant chef nordique surveillait de loin la manouvre. Des arbres avaient été coupés pour fournir de nombreux rondins sur lesquels les navires roulaient à présent. Des dizaines d’hommes s’étaient attelés, torses nus, et tractaient ainsi leurs précieux navires, barrant ainsi sur toute sa largeur l’accès du gué.




Albérich tint cependant à passer. Il contourna discrètement les obstacles, passant entre les hommes et les coques avec adresse et furtivité. Mais l’un de ses suivant eu moins de chance et heurta par mégarde l’un des nordiques. Une courte bagarre éclata entre les deux hommes avant qu’Albérich n’intervint, usant de mots d’apaisement dans cette langue qu’il maitrisait parmi d’autres. Mais le chef barbare avait vu la scène et exigea d’Albérich et de ses hommes qu’ils attendent sur la rive que lui –même aie fini de traverser avant de s’engager.




Rusé et opiniâtre, le nain fit mine d’accepter mais tenta à nouveau un passage discret. Lorsque le chef nordique l’aperçût à mi-parcours, il le rejoignit et le provoqua en duel. A nouveau, Albérich tenta d’utiliser la ruse pour éviter le combat, mais l’autre était un guerrier expérimenté qu’il n’était pas aisé d’abuser. Le combat s’engagea donc au milieu des nefs échouées. Les hommes du nord laissèrent là leurs cordes et leur besogne pour rejoindre les disciples d’Albérich et observer le combat de leur chef.




Bien que le dominant physiquement, le barbare n’arrivait pas à triompher du nain tant celui-ci était agile à esquiver les coups. D’un style très différent, ils n’en étaient pas moins d’égale puissance. Le combat dura donc, au point qu’il fallut l’interrompre lorsque vint la nuit. Il reprit lorsqu’une nouvelle fois Albérich tenta de se dérober au duel à la faveur de l’obscurité.




Alors que les coups étaient échangés, il commençait à devenir clair aux yeux des spectateurs que quelque-chose d’autre se jouait dans ce duel. Quelque-chose qui les dépassaient eux-mêmes et dépassait peut-être également les deux protagonistes. Peut-être l’enjeux était-il de savoir qui, des forts ou des rusés, serait le plus à même de conduire les peuples. Ou peut-être n’était ce que le choc de deux être à l’immense destinée qui jusqu’à présent, n’avait courbé la tête devant personne…



Alors que, pour la seconde fois depuis le début du combat, le soleil se couchait derrière les montagnes, il apparut que d’étranges phénomènes avaient lieux. A chaque coup porté, à chaque parade, à chaque esquive, on voyait des étincelles de magie naître et s’accumuler autour des deux hommes. Comme si cette rencontre et ce combat avait réveillé quelque-chose d’ancien et de profondément enfui en eux. Aidé par cette mystérieuse magie, ils se mirent alors à accomplir des prodiges, se déplaçant plus vite que le vent, frappant avec une force surhumaine et survivant à des blessures qui auraient annihilé n’importe quel autre mortel.




Trois jours s’écoulèrent. Les nordiques et les suivants d’Albérich avaient complètement oublié leur différent initial. Les combattants également, mais ils continuaient leur combat avec une détermination sans faille, utilisant tous leurs nouveaux pouvoir pour enfin parvenir à prendre l’ascendant sur l’autre.




Et ainsi, leur puissance crût-elle. Au faîte de celle-ci, des décharges de magie brutes explosaient à chaque fois que leurs armes entraient en contact. La terre tremblait. Les vents soufflaient, furieux de ce désordre. Les flots du fleuve s’étaient soulevés et s’abattaient au hasard sur ceux qui se trouvaient à proximité. Alors, devant un tel déchaînement, les spectateurs se mirent à l’abri, observant l’affrontement de loin. Ils comprirent alors ce que les combattants ignoraient encore. Car ce n’était plus deux hommes qui se battaient à présent. Tous deux possédaient une âme ancienne. Une âme qui, à force d’exploit dans ses vies successives, dépassait petit à petit sa condition et s’acheminait progressivement vers le statut de divinité. Et ce que nul ne pouvait savoir à ce moment, c’est que tous deux seraient plus tard connus sous les noms d’Obéron – le poète – et d’Odun –le seigneur des batailles-.



C’était un spectacle à la fois fascinant et horrifiant de voir ces divinité en devenir s’affronter en engageant dans la bataille des ressources inimaginables, puisées dans l’univers même. Et bientôt, l’univers vacilla. Ce choc fut ressenti à travers les plans dont il ébranla l’équilibre. Lors d’une ultime passe d’arme, Albérich et le barbare avaient emmêlés leurs armes et lorsque ce dernier tira son épée vers l’arrière pour se dégager, des vagues de magie brute furent libérées, balayant et pulvérisant les arbres et les rochers partout à la ronde. Un rayon d’énergie rougeâtre s’éleva à la verticale, et lorsqu’il atteignit la voute céleste, celle-ci disparut. Le bleu du ciel n’était plus, de même que les nuages, les astres et le soleil. A sa place, un ciel noir d’encre constellé d’étoile et d’étranges taches multicolores, parcouru par des myriades d’êtres ectoplasmiques laissant des trainées phosphorescentes : au yeux horrifiés des mortels étaient révélées les profondeurs insondables du plan astral. Mais même cet évènement ne mit pas fin au combat. Le barbare tenta d’abattre une fois de plus sa lourde claymore sur le nain qui bloqua le coup de ses armes. Un second rayon d’énergie monta vers le ciel, déchirant une fois de plus la trame des réalité et créant un passage vers ce qui est au-delà même du plan astral, cers cet endroit improbable où d’anciennes intelligences ont relégué tout ce qui était trop dérangeant ou trop inexplicable pour faire partie de ce qu’ils avaient défini comme la réalité ; vers ce que les sages qualifient de l’euphémisme de royaume extérieur.




De grandes flammes jaillirent au niveau du point d’impact, consumant le voile de réalité et menaçant de s’étendre à tout l’univers. Mais la brèche ne resta ouverte que quelques secondes : les flammes s’éteignirent et l’orifice donnant sur les autres réalités se rétracta rapidement. Mais avant qu’il ne fût totalement obturé, un objet passa. Une pierre, énorme, qui s’embrassa lorsqu’elle atteignit l’atmosphère et se dirigea a toute allure vers les combattants qui semblaient l’attirer par une sorte de magnétisme. La pierre s’écrasa dans un énorme fracas, mettant fin au combat épique en anéantissant les deux protagonistes, soulevant dans les airs un masse d’eau, de rocs, de vapeur et de poussière telle qu’il fallut longtemps avant que les survivants puissent contempler le chaos causé par ce combat. Près du gué, sur la rive est, un gigantesque cratère cylindrique s’enfonçait profondément dans la terre. Il était difficile de dire jusqu’où ce puits descendait, mais personne ne tenait à y descendre car l’étrange objet venu des autres mondes devait se trouver au fond. Le fleuve qui s’y déversait à présent aurait tôt fait de le remplir, d’abord d’eau, puis des débris et des alluvions qu’il charriait par tonnes lors des crues. Pour l’instant, l’eau devait arriver au contact de la pierre, car une vapeur empoisonnée s’échappait du gouffre.


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