1er jour - Restov

ujourd’hui, nous sommes introduits par le chambellan du conseil, Alan Sama, pour un entretien avec le seigneur-maire de Restov, Yosef Selenius, en présence de Alvan Darmila, seigneur aldori, dans une salle de réunion cossue avec des portraits de gens apparemment importants, probablement des Surtova à en juger par certaines réflexions de mes voisins. Notre mission est simple : il s’agit en premier lieu d’explorer, pacifier et sécuriser le territoire qui nous est attribué, puis d’y créer un royaume indépendant. Ca c’est la partie la plus facile (!). Après, il n’y aura plus qu’à tisser des liens commerciaux et militaires solides avec tous nos voisins, qui bien évidemment n’attendent qu’une occasion de nous aider !!!!!!!!!!!!!!!

Mes compagnons d’aventure sont :

Aegnir, un elfe drow qui a vécu dans les marches de Narl (j’ignorais jusqu’à l’existence de tels êtres, je n’en ai jamais vu à Feuille Profonde). Il a des yeux violets cachés en permanence derrière des lunettes de soleil, et des cheveux si blonds qu’ils en paraissent blancs. Il est envoyé par Demol Arrows, un bâtard de Gurev Medvyed. Il porte une chevalière montrant une épée dans un champ de ronces.

Thaeke, un prêtre d’Erastil (oh, misère !), qui a lui aussi grandi dans les marches de Narl.

Eran Prisadar, un aasimar ( ?!?)(il nous a expliqué après qu’il s’agit d’une sorte de croisement entre des humains et des célestes… je crois qu’il se la pète un peu !). Il a la peau qui présente des reflets un peu dorés et des yeux d’un vert assez extraordinaire. Il prétend avoir 30 ans. A le voir, on lui en donne 18. Je crois qu’il mitonne. Après une semaine, on s’est bien rendu compte qu’il sortait tout juste des jupes de sa môman ! C’est un chevalier de l’ordre de la rose bleue (mazette), qui est contre la violence ! Ca, ça va être super utile dans la ceinture verte ! Enfin je ne devrais peut-être pas dire ça, vu que j’étais moi-même jusqu’il y a peu une personne plutôt pacifiste. Apparemment il a une histoire un peu compliquée (bienvenue au club, chéri !) : un père malade, un pote dont un oncle aurait disparu dans les marches de Narl. Pour finir, c’est un représentant de la famille Orlovski (en haut, à droite, au-dessus des Medvyed). Ah non, c’est pas fini ! En venant, il s’est fait agresser par un tueur à gages… Il y a un contrat sur sa tête. Si on ne se débarrasse pas bien vite de ce boulet, il faudra surveiller nos arrières.

et pour terminer : Kelsier Lébéda, un barde noble ( !! on aura tout vu, franchement !!). Il est en conflit avec sa famille et cherche son frangin magicien dans la ceinture verte. Il dit qu’il est d’un caractère têtu ! Eh bien on verra qui de nous deux l’est le plus !

La réunion se déroule bien, personne n’a fait de remarque désobligeante sur le fait de travailler avec une fille de basse extraction, ils ont même été très polis. Alvan Darmila sera notre interlocuteur et nous fournira une aide discrète une fois nos premiers objectifs atteints. A la fin, j’ai demandé une aide financière pour l’équipement. Le seigneur-maire a refusé. J’ai bien été obligée d’insister. Finalement, Darmila, grand prince, s’est fendu d’un prêt de 50 P.O. Quelle bande de rats !

Dans l’après-midi, pendant que mes nouveaux compagnons se renseignaient sur les autres équipes colonisatrices, je suis allée m’enquérir des prix du matériel à « l’aventurier infatigable », Simon Faribel prop. Mon vieux, les 50 P.O. que j’ai empruntées aux grippe-sous ne seront pas de trop ! Le Simon aurait pu faire un petit effort supplémentaire, mais bon, c’est un brave gars. Du coup, comme tout le monde a mis au pot et n’a été trop regardant, j’ai pu utiliser une grande partie de l’argent du prêt pour m’acheter un arc long. C’est la première fois que j’en utilise un. Quelle puissance ! C’est presque dommage que la chasse ne me dise rien ! D’après les rumeurs, la région est des Hauts de Nomen est dévolue à Maguar Varn, seigneur des épées, qui doit s’occuper des centaures de la région, et la partie ouest, les Hautes Terres de Glénébon, à un groupe expérimenté, les Spectres de Fer. Avec un nom pareil, ça doit pas rigoler ! Pas sûr que je me sente en sécurité avec des types pareils. Mes camarades pensent qu’il faudra s’en méfier et je suis assez de cet avis. En même temps je me méfie aussi des autres, hein !.. Enfin bref, leur rôle serait de zigou… de s’occuper des « seigneurs des tigres », les barbares du coin, et d’enquêter sur les possibilités offertes par Pitax. Si j’ai bien compris.

En soirée nous nous sommes retrouvés dans mon futur ex chez-moi, au « fier aldori », pour parler chiffons et préparer le départ. Jeck a été égal à lui-même, grandiose. Il va me manquer, celui-là ! (j’essuie une larme !). Une certaine Constance Divine, qui s’occupe d’un magasin pour trappeurs, m’a confié deux lettres. Une pour ce connard de Breeg, si ça se trouve une facture pour du matériel qu’il n’aurait pas réglé : Vekkel, que j’ai rencontré chez Oleg, dit que cet abruti a foutu des pièges partout ! Il faudra que je fasse attention ! Et la seconde pour un certain Davyk Ortis… nom d’une chienne, c’est le demi-orc qui est arrivé chez Oleg avec la troupe Garesse et qui nous accompagne ! Quelle buse tu fais, ma fille ! Bon ben en tout cas, écrire ce journal aura au moins servi à quelque chose !

Ensuite, pour terminer en beauté, Konrad Surtova, neveu du roi (du « régent », comme disent les soi-disant « révolutionnaires » (personnellement je m’en tape, qu’il soit roi, régent ou maréchal des logis-chef, qu’est-ce que ça peut bien me faire ?), et Tristan Surtova, dit « le bossu » parce qu’il est bossu, fils aîné de l’oncle du roi, ou le contraire, scribe de Restov.

Comme par hasard ils se sont installés à une table juste à côté de jeunes hurluberlus bien alcoolisés qui n’arrêtaient pas de dégoiser sur la famille royale. J’ai bien essayé de dire à Jeck de les séparer, mais c’était peine perdue et ce qui devait fatalement arriver est arrivé. Pour ma part, je trouve que le Surtova a été quand même plutôt patient, mais bon, il y a des affronts que tu ne peux pas laisser passer, du moins dans le milieu des nobles. Et franchement, si quelqu’un s’avisait d’insulter ma mère, je lui rentrerais dans le lard aussi sûr que je m’appelle Shaï !

J’ai essayé de m’interposer (pas sûr que ç’aurait été une bonne idée), mais Eran m’a devancée, il a réussi à calmer Konrad, et à ramener le duel à un combat au premier sang (c’est marrant de côtoyer les nobles : ils se connaissent tous entre eux, tous les potins, les ragots, de vraies commères… c’est cool !). En tout cas, ça n’a pas traîné ! Le pochetron s’est retrouvé par terre avec une belle entaille en moins de deux. Faut dire que le Konrad est une pointure à l’épée, premier de son école, et tout, et tout ! Comment il a chambré mon Eran, quel con ! Mais sacrément bon ! Et mignon, avec ça ! Pour ma part, j’ai claqué le beignet d’un des excités qui allaient encore envenimer la situation. Il a dû la sentir passer parce que j’en ai encore des élancements dans la main. Quelle journée !

Lendemain, emplettes. Surlendemain départ : 2 jours le long de la Corneille jusqu’au gué de Nivakta.

Jour 9 - première escarmouche, premiers coups, premier mort

n avait mitonné un plan qui n’était pas si mauvais que ça, dont le principe était en priorité d’empêcher les truands de s’enfuir. Sauf que ces cons n’avaient aucune intention de se barrer : lorsqu’ils nous ont vus, leur première réaction a été plutôt de se marrer. Et franchement, le déroulement de la baston a failli leur donner raison. Nous avons été lamentables. Je crois que pour la plupart d’entre nous, et en tout cas pour moi, c’était le premier vrai combat, celui où il faut tuer ou être tué, et sincèrement, c’est une expérience qui, s’il survit, change un être à jamais. Je ne m’en rappelle pas le début, mon esprit était complètement paralysé, comme si j’avais plongé toute habillée dans une eau noire et glacée. Ce qui m’a sauvée, ce sont bien évidemment mes facultés quasi surnaturelles, mes extraordinaires capacités d’analyse, qui, alliées au talent forgé à l’aune d’années d’entraînement intensif, m’ont permis de retourner la situation à notre avantage, et de sauver mes camarades en sévère difficulté.

Pfff... J’déconne ! Qu’est-ce que tu peux être crédule, mon pauvre journal ! En vrai, je crois que les deux choses qui m’ont sauvé la vie sont : d’une, mes réflexes qui ont pris la relève instinctivement alors que mon esprit battait la campagne. Comme quoi, éviter les mains aux fesses dans les tavernes vaut largement une année de cours à l’université des seigneurs des épées aldoris, et pour bien moins cher.

...

Je crois bien n’avoir jamais été aussi odieuse de ma vie durant cette période. Mes camarades, qui n’y sont somme toute pour rien, en ont fait les frais. Les petits amours ! Je devrais peut-être leur présenter des excuses. Qu’est-ce que tu en dis, Kelsier ? (il me regarde en coin pendant que j’écris). C’est sur lui que je me suis le plus défoulée ! C’est mon souffre-douleur personnel à moi !


Jour 10 à 12, environ, je commence à perdre le compte


e me perds un peu sur la chronologie des événements de ces jours-là, bien que ce soient les plus récents, mais cela n’a pas une grande importance. Alors d’abord, on a tergiversé, c’est-à-dire que j’ai tergiversé : les petits voulaient qu’on aille directement rendre visite aux malfrats dans leur campement, et moi je ne voulais pas. Mon avis était qu’on était trop faibles pour ça, d’autant que Eran était loin d’être rétabli. Du coup on est allé à la pêche aux renseignements. On a chopé un des bandits (on n’en avait tué qu’un en fait (le mien, hem, désolée !), le chef lui était moribond –la faute à qui, on se le demande- et mis les 3 autres au frais dans des fosses – bien pratiques ces fosses, on se pose quand même la question de à quoi elles servent, en vrai. Y disent qu’il s’agit de fosses à ordures. Ils font le tri sélectif des déchets par ici ? -, et Eran a commencé à l’interroger. Le gars, Olaf qu’il s’appelle, a fait le mariolle, s’imaginant que de toute façon on lui ferait la peau. Là, je ne sais pas ce qui m’a pris, je lui ai braqué une flèche en plein milieu du front. Et il s’est dégonflé. C’était marrant ! Je crois bien que je l’aurais tué direct, sinon. Il l’a senti, j’en suis persuadée. Je me fais peur ! Ça ne peut pas être moi, hein ? Dites moi que ce n’est pas moi !

...

Mon vieux, les bonds qu’ils ont faits, les petits amis, quand je leur ai exposé le plan ! Et ceci, et cela ! Ils ne m’ont pas véritablement traitée de folle. Qu’est-ce qu’ils sont bien élevés ! Je ne leur ai pas laissé trop le choix, non plus : je leur ai fait le coup du chantage sauf qu’au lieu de « c’est lui ou moi », c’était « c’est lui et moi, un point c’est tout !... ».

... sur ces entrefaites est arrivé Kesten Garesse, encore un noble, à la tête de la compagnie des libres mercenaires du Brévoy. Celui-ci, il a été déshérité parce qu’il est sorti avec une roturière. Ç’est pas cool, ça : comment je vais faire pour devenir une nobilité, si ceux que j’me tape pour leur titre se font direct déshériter, hein ? Mmmh ?

En tout cas, le pauvre, il tire une tête de dix pieds de long. Paraît que c’est un type correct, sinon. Il nous prête Davyk, un demi-orc, pour étayer nos effectifs, le temps de s’occuper des ruffians du gué de l’épine. Jusqu’ici Olaf s’est montré coopératif, mais pour l’instant il ne peut guère faire autrement. S’il doit me faire un enfant dans le dos, ce sera demain, et je ne suis pas certaine d’apprécier. Et je sens bien que les petits gars ont les mêmes doutes. Si ça se passe mal, ils n’ont pas fini de me le reprocher. En même temps, je ne serai probablement plus de ce monde pour les entendre, alors… Craindre le pire, espérer le meilleur, c’est ma devise, non ? Alors on y croit ! Haut les cœurs !

Bon c’est pas le tout ! Je vais piquer un petit roupillon. Demain, faudra être en forme.

Ah oui ! Il faut que je me rappelle qu’il faut que je rapporte des radis à Svetlana ! Doit croire que je sors faire des courses, celle-là ! Me fait délirer ! Je pense qu’elle doit les fumer, ses radis !

Jour 13 - 3 sarenith

her journal,

Nous avons bien failli ne plus nous revoir, mais au bout du compte on peut dire que cela s’est bien passé, si l’on occulte le fait que l’on parle de 6 morts et d’autant de blessés. Heureusement, cela n’est pas aussi perturbant que la première fois : c’est triste à dire, mais il va bien falloir que je m’habitue, parce qu’à moins de renoncer à la mission et au rêve de fonder un monde nouveau, je ne vois pas d’autre moyen. En tout cas je crois avoir prouvé aux autres que j’avais ma place parmi eux, s’ils en doutaient encore.
Nous avons approché le campement des ruffians assez furtivement, mais à un moment donné l’homme de guet a donné l’alarme. Je tenais l’un des bandits au bout de mon arc et je l’ai transpercé d’un coup, comme une cible à l’exercice, (je ne lui ai pas laissé beaucoup de chance, désolée), puis j’ai avancé à couvert pour essayer de dégommer le guetteur qui commençait à arroser le camp avec ses flèches. Pendant ce temps les collègues ont envahi le camp, en ordre dispersé. Eran et Kel s’occupaient de celui près du feu qui n’arrêtait pas de gueuler qu’on avait descendu son meilleur pote, et les autres je crois tiraient sur le type du mirador. Et là, la fille aux hachettes a déboulé comme une furie de sous sa tente, et a commencé à découper Aegnir en tranches. Je lui ai planté une flèche dans le dos (à la gonzesse, pas à Aegnir !) et j’ai foncé à sa rescousse (à Aegnir, pas à la gonzesse!) qui n’en menait pas large. Je ne sais pas trop ce que faisaient les autres pendant ce temps, mais je me suis par contre vite rendue compte que ça commençait à chauffer pour nous. Aegnir a mordu la poussière presqu’aussitôt, puis elle s’est tournée vers moi. Je l’ai touchée deux fois, sérieusement, et malgré ça plus sa flèche dans l’épaule, elle était toujours debout ! Elle, elle m’a eue une fois, j’ai cru que j’allais y passer ! Elle m’a enlevé au moins deux côtelettes d’un coup, sainte Shelyn, ce que ça fait mal ! Heureusement, les autres sont intervenus à ce moment-là et ont réussi à la neutraliser. Après ça, j’ai liquidé le dernier qui venait de rejoindre le combat depuis l’autre mirador (il aurait mieux fait de rester à l’écart, celui-là !), et c’était terminé ! A peine quelques minutes et des corps partout !
Après, il y a eu un épisode un peu surréaliste : tout le monde discutait le bout de gras pendant que l’un donnait les soins à Aegnir, un autre s’occupait du bien-être de la chef ennemie (celle-là, j’ai été à deux doigts de l’allumer, si les autres n’avaient pas insisté pour la prendre vivante…), un troisième fouillait les environs… Tu crois que quelqu’un se serait occupé de moi ? C’est comme à l’auberge : la serveuse, une fois qu’elle a amené la commande, tout le monde s’en fout. Qu’elle fasse son boulot, une petite tape sur les fesses et puis dégage ! Je n’ai pas vraiment apprécié ! Du coup, pour les excuses, ils pourront se brosser ! Et toc !
A force, Kelsier a tout de même pris une minute pour me faire un bandage. Grr ! Et pour finir, c’est moi qui ai fait le ménage. J’ai traîné les corps sous les tentes pendant qu’ils fouillaient partout ! Serveuse un jour, serveuse toujours !!!

...

Allez, une petite devinette pour réchauffer l’ambiance : combien de chances sur un million y avait-il pour que dans ce coin perdu deux personnes portent le même putain de prénom : Davik-mais-ça-ne-s’écrit-pas-pareil ? Franchement ?! J’hallucine !

Jour 14 - 4 sarenith

e ne sais pas ce qui m’arrive. Cela fait plusieurs nuits que je fais pratiquement le même rêve : je vole en compagnie d’un dragon qui me parle en une langue étrange qu’apparemment je comprends parfaitement, mais je n’ai aucun souvenir de nos conversations en me réveillant. Et ce matin en me levant, j’avais la sensation que quelque chose me poussait entre les omoplates. Et lorsque j’ai tendu la main vers mes bottes, j’ai eu l’impression qu’elles se déplaçaient toutes seules dans ma direction. La trouille que j’ai eue ! J’ai beau me dire que je n’étais probablement pas bien réveillée, je n’arrive pas à m’ôter cette vision de la tête. C’est extrêmement perturbant. Serait-ce un tour des fées ? Il faudra que j’en parle aux autres.

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Jour 24 - 15 sarenith

alut, Ci-Jay, ça boume ? Pas trop ennuyé en mon absence ? Semaine d’exploration tranquille, pour une fois on a massacré personne, ou presque. On a commencé par les plaines autour de chez Oleg. On a d’abord trouvé une sorte de cimetière à ciel ouvert dans lequel se tapissait une araignée élevée aux hormones. Elle m’a agressée, c’t’abrutie. La trouille qu’elle m’a foutue, cette conne ! Ensuite, on a poussé jusqu’à la hutte du vieux Bokken - B-O-caca-E-N -, comme il dit, et franchement, il est en-dessous de la vérité ! Sérieux, comme crado, celui-là ! Il nous a invités à partager son repas. Je ne suis pas particulièrement difficile niveau bouffe, mais il y a tout de même des limites. Enfin, cela n’a pas eu l’air de perturber les petits qui ont tout avalé sans rechigner.

...

Ensuite, suprême bonheur, nous sommes tombés sur l’Epine. C’est Shélyn elle-même qui l’a placée sur notre chemin, j’en suis sûre ! Et grâces en soient rendues à ma chère déesse, lorsque j’ai demandé à prendre un bain, tout le monde a insisté pour se baigner aussi ! Moi qui étais persuadée qu’ils avaient atteint un tel degré de puanteur que leur odorat en était définitivement aboli (question de survie, avais-je présumé) ! Eh bien je me trompais. Je fais amende honorable. Il n’y a que Johd qui se soit abstenu. Je suppose qu’un prêtre d’Erastil se doit de sentir le bouc, non ?

Un mois déjà

h oui, cela fait déjà un mois que nous avons entrepris cette folie. L’enthousiasme du départ est un peu retombé, hélas, rattrapé par la dure réalité des Marches. Nos maigres chances de succès valent elles les risques encourus ? Je n’en suis plus si sûre. Je sais, cela ne me ressemble guère, mais ces derniers jours ont été terriblement éprouvants.

D’habitude je vais de l’avant sans trop chercher à me remettre en question, mais les erreurs de jugement se payent ici extrêmement cher. Nous devrions être de retour chez Oleg dans une dizaine de jours. D’ici là, je devrai décider si je continue l’aventure ou pas.

Mais commençons par le commencement.

En partant du temple, nous avons décidé d’explorer la forêt alentour, en direction du nord. Dans la journée nous avons découvert le cadavre de Breeg, écrabouillé sous un arbre à citrons. J’avais beau ne pas l’aimer, je l’ai fréquenté pendant deux ans, il ne s’agit pas là simplement d’un mort de plus. Il avait un nom, un visage, une voix. Je ne le regretterai pas, c’est certain, pourtant, malgré l’insensibilité que j’affiche, cela ne peut me laisser indifférente. Nous supposons qu’il a goûté à l’un de ses propres pièges, peut-être la vengeance d’une des créatures qu’il aimait tant voir souffrir. Que pouvait-il bien espérer attraper avec un piège pareil, je me le demande. Depuis, j’ai lu la lettre que j’étais censée lui remettre et qui a confirmé que c’était bien lui le responsable de toutes les attrapes dont Aegnir, il y a quelques jours, et d’autres auparavant, ont été les victimes. Peu après nous avons rencontré un ancien camarade de classe d’Eran, Max Bundy, qui survit dans une sorte de cabane près de la source de l’Epine. Il a atterri dans les marches en quête de son oncle disparu, s’est fait dépouiller par les bandits locaux et subsiste comme il peut depuis lors. Je suis au regret de dire que nous avons tous été lamentables. Personnellement je l’ai regardé avec une once de mépris, me demandant à quoi il pourrait bien me servir. A aucun moment je n’ai cherché à l’aider, ni même à le réconforter. Aujourd’hui, en y repensant, j’ai de la peine pour lui, car je me rends compte que ce garçon est totalement brisé. Et je me rends compte aussi que je me suis montrée d’une inhumanité absolue. J’ai honte de moi et je sais que maman ne serait pas fière de moi non plus.

Et ce n’est que le début ! Peu de temps après, nous sommes tombés sur un « tertre errant » (ainsi que Kelsier le nomme), ou plus précisément celui-ci nous est tombé dessus. Je n’ai rien vu venir, alors que ce truc est énorme, tu parles d’une éclaireuse ! Il nous a attaqués sans crier gare, et Kel qui semblait connaître cette chose (une sorte de gros arbre, un peu comme un ent des légendes) nous a hurlé de battre en retraite. Mais bien évidemment, les autres ne l’ont pas écouté, pour quoi faire ? Ça ne s’est pas trop bien passé, ça non. Je passe sur les détails, mais finalement j’ai réussi à entraîner ce monstre au loin, et Thaeke et Kel sont parvenus à ramener Eran et Aegnir à la vie. J’ignore comment ils ont fait. Lorsque la bête a empoigné Eran et que j’ai entendu ce craquement effroyable, j’étais persuadée qu’elle lui avait brisé la colonne vertébrale. Ces deux idiots ont eu beaucoup de chance. Ils se croient invincibles ou quoi ? Je suis furieuse envers eux, et envers moi. Car là encore j’ai été en-dessous de tout ! Lorsque quelques jours plus tard nous avons été assaillis par des grenouilles géantes, que l’une d’elle m’a agrippée pour m’entraîner dans l’eau, il m’a semblé que l’ensemble du groupe, ou une bonne partie en tout cas, était prêt à tout risquer pour moi. Durant le combat contre le tertre, je sais pertinemment que j’en aurais été incapable. J’aurais pu me précipiter sur lui en espérant qu’il me prenne pour cible et lâche mes compagnons lorsqu’ils étaient en fâcheuse posture. J’entendais clairement la voix qui m’adjurait de leur venir en aide, mais toutes les fibres de mon être me hurlaient de ne pas m’approcher. Certes, ç’aurait été une incommensurable erreur, et peut-être est-ce ce qui nous a sauvés en fin de compte, mais d’autres l’auraient sans doute fait pour moi. Qu’est-ce que ça signifie ? A partir de quel moment le réalisme devient il de la lâcheté ? A partir de quel moment la lâcheté n’est elle que du réalisme ? Qu’en penses-tu, toi ? Si mes camarades ne peuvent pas compter sur moi, est-ce que je ne les mets pas en danger ?



Nous sommes re-rentrés dans la forêt et avons poussé jusqu’à la « Moufette », une source d’eau chaude et soufrée dont les fées m’avaient mentionné l’existence. C’est là que nous avons subi l’assaut des grenouilles. Au moins, cela nous a permis de bien dîner le soir : des cuisses de grenouilles de la taille d’un cuisseau de bœuf, j’te dis pas ! Il manquait une bonne persillade et elles avaient un petit arrière-goût de soufre, mais ça changeait agréablement des rations. Cette fois encore j’ai été bien méchante avec Kel : alors qu’il m’a sauvé la mise en rendant mon armure glissante et huileuse, afin de me permettre d’échapper à l’étreinte d’une de ces bestioles, tout ce que j’ai trouvé à dire c’est qu’il avait salopé mes habits ! J’te jure, je sais pas ce que j’ai en ce moment. Enfin, si, je sais. Je suis insupportable parce que je me demande ce que je fais là. Il me faut de nouveaux vêtements. Il me faut un miroir. Et il faut que j’aille chez le coiffeur. Et le pire - ou le meilleur - c’est que pour se faire pardonner, Kel a nettoyé mon pantalon. Il est trop mignon !

Ça, c’était il y a deux jours. Aujourd’hui nous avons trouvé des ruines dans lesquelles vivent un bourbiérin du nom de Garum avec une espèce de chien-crapaud géant à défenses de morse, Oubagoug (!?), très câlin et aussi très baveux…La discussion avec Garum est malaisée. Ce qu’il parvient à nous faire comprendre n’augure rien de bon. Génial ! Quand je pense que j’ai claqué toutes mes économies pour me retrouver ici. La seule consolation que je retire de cette situation est que si je meurs, il pourra faire une croix sur ses pièces, le seigneur Darmila de Restov.

Fin sarenith, - début Erastus

h bien, ma prédiction de fort mauvais goût a failli se réaliser, parce que Gouttière m’a embrochée (ça se dit, endéfensée ?) et a été à deux doigts de me faire passer de vie à trépas. On venait de trouver sa tanière et je me suis avancée pour voir de quoi il s’agissait lorsqu’il m’a chargée. J’ai à peine eu le temps de me dire « ma p’tite chérie, faut pas rester là ! » qu’il me faisait faire un triple salto arrière à l’intérieur de ma cotte de mailles. J’étais tellement sonnée que je n’ai pas trop ressenti la douleur. Je suis restée là à essayer de contenir mes tripes, jusqu’à ce que Kel me fasse boire l’eau-de-vie du bon Docteur Bokken. Mon vieux, j’ai jamais été aussi contente de boire un truc aussi infect. Je préfère ignorer ce qu’il met exactement dans sa mixture, mais je peux t’assurer que dans ces moments là, tu ne fais pas la fine bouche. Oh non ! N’empêche que je vais encore avoir une belle cicatrice ! On dirait que je viens de subir une double césarienne. Voilà, j’ai accouché de jumeaux, deux petits marcassins, un de chaque côté du nombril ! Misère !

En tout cas ce cochon de sanglier a eu son compte, et ce brave Vekkel a été vengé. Après ça, vu qu’Eran et moi venions de siffler les deux dernières potions, nous avons décidé d’un commun accord d’aller refaire le plein chez l’alchimiste du coin. Sur le trajet, nous avons rafistolé un pont enjambant l’Epine qui menaçait de s’écrouler sous le poids des chevaux. Kel nous a épatés par ses connaissances en ingénierie. Apparemment, il les aurait acquises auprès d’un des Orlovski, ou bien en fréquentant les filles de cuisine de chez ses parents, je ne me souviens plus très bien, ou alors les filles Orlovski dans leur cuisine ? En tout cas il a fait du bon boulot. Nous avons également trouvé une caverne où vivait un couple de bestioles ressemblant à des crabes géants. Ils se sont montrés un peu agressifs, mais ne semblaient pas représenter un danger si grand qu’il faille les exterminer. J’ai essayé de détourner l’attention des bourrins qui m’accompagnent : après tout ces bêtes ne faisaient que défendre leur territoire. Que dirait Eran si deux crabes géants déboulaient dans le salon familial sans y être invités ? Mais c’était peine perdue, surtout après qu’Aegnir ait entraperçu un reflet doré au fond de la grotte. Bref, on les a liquidés, et on a eu du crabe géant au menu le soir. C’est drôle parce que ça fait plusieurs jours de suite que je mange de la viande, grenouille, sanglier, crabe, et si au début personne n’y a vraiment fait attention, depuis que j’ai été obligée de révéler l’existence de mes griffes, tout le monde ici se demande si je suis devenue un vampire ou quelque chose d’approchant. Oui, je n’avais pas encore eu le temps de te le signaler mais depuis peu, lorsque je suis vraiment énervée, je sors mes griffes… au sens propre. La première fois c’était face à Gouttière. Pour le coup, ce n’était pas de l’énervement mais plutôt par réflexe. Comme je n’avais pas d’arme, je l’ai frappé et voilà ! Une vraie tigresse ! Seul Kel s’en est rendu compte ce jour-là, mais tu sais comment il est : il a dû poser une question et comme je n’ai pas répondu, il n’a pas insisté. C’est ça son problème, il n’insiste jamais. Moi j’aimerais bien qu’il insiste, ça montrerait que la réponse, et donc le sujet, et donc moi, lui importe. Pour en revenir à notre sujet à nous, je ne leur ai évidemment rien dit, d’abord parce que c’est rigolo, et ensuite et surtout pour voir ce que leurs petits cerveaux vont imaginer comme explication à tout ça. Cela pourrait s’avérer très révélateur quant à leur caractère inventif et leur façon de me considérer.

Nous avons montré à Bokken un dessin des crabes, qu’il a reconnus comme étant des « pêcheurs des grottes », du fait –nous a-t-il dit- qu’ils attrapent leurs proies en leur crachant dessus une sorte de filament solide et adhérant, et ensuite en « remontant la ligne ». En revanche, il ignore quel est ce minerai que nous avons découvert au fond de leur antre. On verra ça plus tard.

Nous avons ensuite mis le cap sur le comptoir d’Oleg. J’avais le cœur lourd, car j’avais prévenu les garçons que je les quitterais peut-être à ce moment-là pour retourner à ma vie oh combien palpitante de serveuse à Restov. Or mon état dépressif ne s’était guère amélioré depuis la semaine précédente, d’autant qu’ils n’avaient fait aucun effort pour cela. Ce qu’il y a de bien avec eux, c’est que même si sur le moment ils ont eu l’air légèrement concernés, je te rassure, cela n’a pas duré ! J’ai un peu de mal à les comprendre, mais je suis bien certaine qu’ils ne me comprennent pas du tout ! Ainsi que je le disais naguère, alors que certains d’entre eux se sacrifieraient sans doute pour moi, ce qui à mon sens implique un certain « attachement », le fait que je laisse tomber la mission ne semble émouvoir personne.

Alors peut-être qu’en réalité ils se sacrifieraient pour n’importe qui, ce qui fait de moi « n’importe qui ». Ou bien ils pensent qu’il ne s’agit que d’une lubie féminine, qu’il suffit d’attendre que ça me passe, et que de toute façon quoi qu’ils fassent, cela ne changerait rien. Option typiquement masculine, que je mettrais bien en première position.

Ou bien ils s’en foutent. Moi, une autre, ou personne, ça leur est égal. Pour remonter le moral, c’est parfait ! Les seuls qui paraissent s’inquiéter pour moi, ce sont les fées. Elles sont revenues me voir une nuit et on a fait la fête. Elles m’intimident toujours autant, mais comme on n’a pas besoin de parler pour s’entendre, ce n’est pas un problème. Il faudra que j’achète une bouteille de vin pour le petit dragon, il a l’air d’adorer ça.

Pour le coup, le séjour chez Oleg ne s’est absolument pas déroulé comme prévu, on peut même dire qu’il ne s’est pas déroulé du tout. D’une manière ou d’une autre, la reine de la hachette, Kressle, venait de mettre les bouts avec deux de ses anciens acolytes, après avoir au passage occis le petit jeune de la compagnie Garesse. Kesten était dans tous ses états et on le comprend. En même temps, je me demande pourquoi elle n’était pas encore pendue, celle-là. Mais bref, pas le temps de souffler, de s’interroger ou de jouer les stars, ma crise existentielle attendra. A peine arrivés, le temps de flairer la piste et nous sommes repartis. A marche forcée, si nous voulions rattraper la demi-journée que nous avions de retard sur les fugitifs. Cela fait deux jours que nous sommes à leur poursuite, et dans le feu de l’action, j’ai totalement oublié de déprimer. Dans un sens, tant mieux ! Mais du coup je ne me comprends plus non plus ! En tant que femme, je revendique le droit à être irrationnelle, mais d’habitude, j’arrive à suivre à peu près. Il va vraiment falloir que je me parle !

Nous devrions rattraper les fuyards aujourd’hui. Le souci est : auront-ils eu le temps de rejoindre des amis ? Ça, ça ne serait pas bon du tout.



Erastus- 2ème semaine

on cher journal, encore de bien amères nouvelles à consigner dans tes pages. Je sais maintenant que je n’aurais jamais dû revenir dans les Marches. Désormais il est trop tard. Plus question de faire demi-tour. Aegnir m’a appris il y a quelques jours que Feuille Profonde avait été rasée, réduite en cendres, il y a plusieurs années, les deux seuls survivants étant lui et moi. (...)

Mais ce n’est pas tout ! Quelque chose d’encore plus horrible est en train de m’arriver. (...)

Et là, s’est produit un incident tout à fait anodin à première vue, je suis tombée dans une fosse ! (...)

Chez Oleg (...) J’ai acheté deux bouteilles de vin, une ceinture, et il a fallu que je trépigne un peu pour obtenir d’Eran qu’il me paye de nouvelles fringues. Pour quoi faire, qu’il me dit ! Non mais, sérieux !


Un siècle s'est écoulé

ous avons campé le soir dans une clairière à l’orée de la forêt, dans laquelle trônait une statue d’Erastil abandonnée, recouverte de lierre et de moisissure. Thaeke et moi l’avons un peu dégagée. Il régnait un tel calme en ce lieu, propice à la méditation. Peut-être est-ce Erastil lui-même qui m’a inspirée, si l’on peut dire. J’avais atteint le fond du désespoir, ça ne pouvait plus durer ainsi, je devais faire quelque chose, mais j’ignorais quoi. C’est là que j’ai pris ma décision de fuguer. Enfin, techniquement, ce n’était pas une fugue : les garçons ne sont pas ma famille, loin s’en faut, mais comme je dois dire qu’à ce moment-là je les voyais plus comme les surveillants d’une maison de correction, effectivement on pouvait assimiler mon escapade à une fugue. Enfin bref, mon tour de garde venu, j’ai préparé Choupette, et au changement de quart, j’ai pris la poudre d’escampette. Direction, mes amies les fées ! S’il y avait un seul endroit au monde où je pourrais oublier mes peines, c’était là ! Après, j’irais voir Johd, et Shélyn seule savait ce qu’il adviendrait au-delà.

J’ai chevauché des heures, la peur au ventre, sursautant au moindre bruit, mais la protection de Shélyn et Erastil était sur moi. Quel bonheur au bout du compte de retrouver ces chères créatures, si belles, si gracieuses, si douces. J’avais amené en cadeau les bouteilles de vin, et nous nous sommes pochetronnées comme les derniers des habitués du Fier Aldori, sur les airs d’harmonica de ma copine la creeg.

Lorsque j’ai repris mes esprits, longtemps après, trois papas tout neufs se dressaient devant moi, à me regarder d’un œil furibard, à discuter de savoir s’ils me réveillaient à coups de pompe, de flotte dans la tronche, ou en me suspendant par les pieds à une branche au-dessus. (Hips !).
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