Pendant qu'ils chevauchaient sur le chemin du retour Aelaendlara s'approcha de son cousin avec une question

« Les problèmes ne sont pas terminés. Nous n'avons pas de prison à Pont-Épine, et ayant vu les dégâts fait dans une maison, je ne suis pas sure qu'une porte de prison soit assez solide...

Jusqu'à présent le problème ne s'était pas posé, il n'y avait guère que des ivrognes à remettre au lit » l'elfe jeta un œil amusé vers La Gerboise « mais si nous avons d'autres prisonniers de ce type, ça risque vite d'être un problème.

Il y aurait peut être la solution de récupérer l'ancien fortin au sud. L'enclos où se trouvait l'ours-hibou serait assez solide? »

Sceptique, Erwanez déclara, « Le fortin est bien plus au sud de Pont-Epine et je ne pense pas que nous puissions y arriver avant cette nuit. De plus, je ne pense pas que nous arrivions à soigner sa lycanthropie sans une aide extérieur... voir même de Restov. Et nous avons peu de temps avant la prochaine nuit, il va falloir trouver une situation d'urgence très vite. Le plus simple et le plus efficace serait peut-être de trouver une fosse naturelle assez profonde pour qu'il ne puisse pas en sortir. »

« Il est temps de bâtir une prison. Je ne connais aucun royaume qui n'a pas affaire à des criminels. De plus, vous parlez de guérir cet assassin, alors que nous ne savons pas si cela est possible. La sécurité des habitants d'Aë est plus importante que cet étranger. Vous comprenez ce que je veux dire. » Pour Andreï, la loi était la loi et un criminel devait être jugé et puni.

Encore une fois la raison d'état l'emportait sur celle du cœur. La Gerboise aurait voulu dire à Andréï que ce l'était pas l'homme mais la bête qu'il fallait punir. En enlevant la malédiction par exemple.

Malheureusement, ils n'étaient pas encore assez puissant pour pareil miracle.

Aussi, se taisant, le halfelin se promit de rentrer en contact dès le lendemain avec des hauts-prêtres, cela lui permettrait d'aller faire un tour à Restov. Bien sûr, il faudra attendre les réunions mensuelles.

Quant aux constructions, idéologiquement il n'était pas pour la prison, mais il était sans doute trop insouciant.

Il ne rendit pas visite au prisonnier dans la soirée, dépité. Il alla chercher du réconfort auprès de Suri, l'invitant à boire un verre à l'auberge, l'occasion de se tenir au courant des derniers potins de la ville.

Ayant fait un aller et retour et une nuit presque blanche, Aelaendlara n'avait qu'un désir une fois rentré à Pont-Épine et le prisonnier sous clés - sous caves, c'était celui de dormir jusqu'au lendemain.

Et c'est en pensant à ce qu'elle allait bien pouvoir apprendre à Neige pour que celle ci puisse se rendre utile qu'elle trouva le sommeil sans avoir eut à le chercher bien loin.

Au matin, elle commença par lui apprendre à la suivre et à la rejoindre sur commande. Au pied!

Les uns et les autres occupèrent le reste de la journée de diverses manières. Aelaendlara et Andréï se chargèrent de ramener la cage puis d'aménager la pièce où le prisonnier serait enfermé. Erwanez et ceux qui avaient demandé des nouvelles de Restov devraient encore patienter quelques jours, quelques semaines peut-être, pour que les routes soient réouvertes et que les premiers convois amènent enfin à Pont-Épine les diverses choses demandées.

Milès accepta les reproches du baron avec une dignité teintée d'une certaine inquiétude, et d'un soulagement évident que rien de grave ne soit arrivé. Il répliqua toutefois « C'est que, monsieur le Baron, cet endroit ne se prête guère à une surveillance étroite, et l'infiltration discrète y est facile. La Grande Demeure a été construite avant tout pour servir d'abri, pas de place-forte facile à protéger. Il n'y a pas de murs de protection ni de tour de garde, rien de tout cela. Peut-être le Conseil devrait-il envisager, tôt ou tard, d'investir dans la construction, ou la rénovation, d'un endroit plus facile à sécuriser ? »

Quant à Évan, c'est de manière plus douce qu'il occupa sa soirée. Il n'y avait guère de nouvelles palpitantes qui circulaient à Pont-Épine : que du très banal, en cette fin d'hiver où la ville était encore à moitié endormie. Toutefois, il eut vent d'une rumeur indiquant que des trappeurs intrépides ayant bravé les dernières neiges et le froid avaient aperçu de sombres et lugubres silhouettes dans l'enceinte du vieux fortin qu'avait occupé le Seigneur-Cerf.

Finalement, Delavilla eut lui aussi vent de la visite nocturne du kobold. Le diplomate s'inquiéta également de l'aspect protection du royaume, prévenant le Baron que, tôt ou tard, il fallait s'attendre à ce que l'Aë se fasse des ennemis, voisins ou éloignés, et que certains voient certainement d'un mauvais œil ce royaume naissant qui se développait… Mais Delavilla aborda également le problème sous un autre aspect : il serait intéressant, non seulement pour le royaume et pour l'entente avec les kobolds mais aussi pour la sécurité de tenter d'établir un système de communication plus pratique entre la capitale et Écailles-de-Suie, qu'il s'agisse d'un système de pigeons voyageurs ou de quelque chose de plus complexe et de plus magique.

Le lendemain matin, le général Andréï se rendit à la prison, où on lui apprit que le prisonnier était bel et bien resté dans sa cage toute la nuit, sans qu'aucun événement bizarre (ni transformation) ne se produise… la période de la pleine lune était passée, pour l'instant… Quant à Erwanez, elle se rendit chez le visiteur alchimiste qui séjournait . Ce dernier crut tout d'abord que la haute prêtresse venait lui apporter les ingrédients qu'il avait demandé au gouvernement plusieurs semaines plus tôt, mais ce n'était pas le cas. Quand Erwanez lui fit part de la raison de sa visite, l'alchimiste réfléchit quelques longs instants avant de répondre « J'ai bien entendu parler d'une décoction, mais je pense qu'elle est surtout utile si elle est utilisée très rapidement après l'infection. Toutefois, je peux me renseigner à Restov et voir si une version plus puissante existerait… malheureusement, tout cela risque de coûter une belle somme… sans doute au minimum une cinquantaine de pièces d'or pour les renseignements, et beaucoup plus encore pour les ingrédients si je trouve quelque chose. »

Erwanez jugea l'homme pour voir si elle pouvait avoir confiance en lui. Puis, elle demanda, « Avez-vous une idée du prix que pourraient couter ces ingrédients ? Et du temps qu'il vous faudrait pour aller à Restov, trouver ces ingrédients et revenir ici ? »

L'alchimiste avait répondu à Erwanez qu'il lui faudrait sans doute deux bonnes semaines pour le voyage et la recherche… quant au coût, c'était difficile à prévoir à l'avance sans connaître la rareté des composantes nécessaires. Cependant, la prêtresse habituée à déceler les intentions des gens et à les comprendre perçut qu'il y aurait sans doute moyen de faciliter le procédé en s'intéressant de plus près aux désirs de l'alchimiste.

En dirigeant la conversation sur ce sujet et en interrogeant l'homme au sujet de ces projets d'avenir, Erwanez l'amena à expliquer pourquoi il se trouvait encore à Pont-Épine alors même qu'il avait dit n'être là que pour quelques semaines lorsque, deux mois plus tôt, il était venu livrer en mains propres le poison commandé pour faire face à la menace des loups. L'individu, qui ne se départait jamais du voile qui lui recouvrait une partie du visage, lui fit comprendre à demi-mots qu'il s'était finalement trouvé plutôt bien dans la capitale, où il s'était lié d'amitié avec divers habitants, dont l'aubergiste Sam Petitspieds, et qu'il envisageait même de peut-être s'établir sur place s'il en avait l'occasion et cela représentait un futur viable.

Erwanez, qui s'y connaissait relativement bien en alchimie, discuta pendant quelques dizaines de minutes des diverses plantes qu'on pouvait trouver à l'état naturel aux alentours de Pont-Épine et du grand avantage de travailler dans un lieu situé à proximité de nombreux biomes tels que des marais plus au sud, à l'ouest du lac des Défenses, une forêt, des plaines, … L'homme voilé lui rappela également qu'il restait très intéressé par des cornes de drakes des forêts, ces dangereux prédateurs qui sillonnaient certains recoins des Narlmarches, et il ajouta au fil de la conversation qu'il devait certainement se trouver des tertres errants à proximité du marais et qu'il serait très heureux de pouvoir disposer de sève de tertre errant fraîche pour ses expériences.

Au fil de la conversation, Erwanez comprit que le royaume pourrait faire de l'alchimiste voilé un véritable allié si celui-ci était bien accueilli et aidé. Elle n'en parla pas ouvertement devant l'homme, car la décision revenait sans doute au conseil et au Baron, mais elle se douta que promettre à l'individu l'ouverture d'une herboristerie ou d'un atelier d'alchimiste dans les mois à venir l'inciterait sans aucun doute à se démener au mieux et à faire jouer ses contacts à Restov pour se procurer dans les plus brefs délais et à moindre coût les composantes requises pour le coûteux antidote.

Aelaendlara écouta les propositions d'Erwanez concernant les kobolds et l'alchimiste.

« Les pigeons voyageurs sont sans doute une bonne idée. S'ils ne les mangent pas. » rajouta t-elle avec une grimace avant de continuer « Il ne serait pas idiot d'avoir des oiseaux dressés pour l'envoi de messages dans chaque lieu d'importance. J'ai peut être vu il n'y a guère un jeune trappeur pas trop maladroit dans la capture et le dressage de petits animaux. Je peux essayer de voir s'il est encore dans les parages... Les plumes ça me parait plus compliqué. Il y en a qui ne veulent rien avoir à faire avec la magie. Ça pourrait être un problème s'il nous faut réagir avec rapidité... »

« Un alchimiste pourrait nous être utile. Les sortilèges ont leurs limites dans la quantité qu'il s'en peut lancer par jour. Les potions et onguents, tous le monde peut s'en servir et ils peuvent être stockés... »