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Offline UrShulgi  
#41 Envoyé le : mardi 18 octobre 2016 14:17:15(UTC)
UrShulgi
Rang : Habitué
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Nemlak et Dashki : pariera bien qui pariera le premier, III


12 Desnus 4709 : l'arène marchande


emlak et Dashki arrivèrent au milieu de l'arène, où se trouvaient des estrades pour les combats et spectacles. À sa gauche immédiate devaient être les cellules dont il avait entendu parler. A gauche plus loin, le bar où étaient attablés plusieurs humains ensemble, et des hobgobelins un peu plus loin. Un barman gnoll, amoché par la guerre ou les tortures des siens, essuyait une chopine en regardant les arrivants. À droite, des stands, majoritairement vides, constituaient l'autre moitié de l'arène. En haut, sur un balcon, un homme grand et costaud, chauve, au regard mauvais, observait les arrivants. Dans son dos, la silhouette d'une harpie se tenait en retrait juste derrière lui.

Nemlak remercia le gobelin et, d'un air de "je suis chez moi ici", pénétra dans l'arène. Il se dirigea vers le barman et commença à lui parler, prenant ses renseignements en gnoll.



Le barman répondit à Nemlak sur un ton plutôt amical pour un gnoll. « Tu peux crécher à ton stand ou dehors, dans les ruines. Jank, que t'as vu, te filera un laisser dormir, ça coûte deux pièces d'argent par personne et par jour. C'est Kardswann, la Bouche du Roi Charognard, qui autorise les marchands à rester. »



Nemlak comprit rapidement en discutant qu'il y avait très peu de marchands présents. Contrairement à Kurellak, le gnoll borgne serveur, Nemlak comprit rapidement que si le commerce ne perçait pas ici, c’était peut-être à cause du cadre, de la dangerosité des lieux ou de l'air démoniaque qu'affichait le maître des lieux. Toujours était-il que les marchands faisaient souvent l’aller-retour sur une même journée, les seuls "fixes" étant les trois humains qui pouvaient "trouver un peu de tout" à vendre, affalés sur la même table, et qui regardaient Nemlak d'un air interrogateur, répondant aux noms de Juluce (un kéléshite plutôt maigre), Gorundal (un mwangi avec un bandeau de pirate) et Kalyx (une femme qui semblait assez nerveuse).



Arrivant à la table des trois humains, le mwangi lui demanda : « veux tu te joindre à nous, marchand? Si tu veux faire des affaires, ça sera surtout avec nous, je crois, » dit-il en souriant.



Nemlak s'installa à la table, faisant signe à Dashki de rester au bar et au barman de remplir les verres des marchands.
« Je ne suis pas un marchand mais son représentant. Mon employeur aimerait en savoir plus sur ce lieu, c'est pourquoi il m'a envoyé pour prospecter. Qu'est-ce que vous pouvez m'en dire ? Cela vaut-il le coup d'investir ? Les taxes sont-elles élevées ? La sécurité suffisante ? Pas de soucis avec les gnolls ? »



« La sécurité craint un peu mais comme personne vient nous emmerder, héhé... Les taxes, ben... Heureusement qu'on vend des trucs sous le manteau, parce que pour rester ici, on se fait pas mal taxer ouais, pour ça que beaucoup de marchands restent pas. Nous, on reste surtout parce qu'on peut picoler presque à l'œil. Tu veux quelque chose d'ailleurs ? »



« Dis gars, tu connaîtrais pas quelqu'un ici déjà ? » demanda le kéléshite. Dashki pendant ce temps savourait une bonne pinte au comptoir. En le voyant faire, Nemlak avait du mal à dire s'il était heureux, si c'était sa première pinte depuis longtemps, ou sa première pinte tout court.



« Directement ? Personne, je crois. Mon employeur m'a dit qu'il connaissait une harpie, au sens propre et figuré du terme, » rajouta-t-il avec un sourire entendu, « qui vivait dans le coin. A qui vous vendez ? A part quelques gnolls et ces gobelours, je ne vois pas grand monde. Et à part tenter de vendre des choses, y a d'autre trucs à faire dans le coin ? »



« Ouais, y a des combats le soir, enfin par depuis plusieurs jours parce que le champion des hobgobelins, là, il reste dans sa cellule depuis qu'il a pris une murge. » Sortant des escaliers de derrière le bar, l'homme imposant avança vers Nemlak, sa hache à la main, une harpie dans ses pas, ainsi qu'un gnoll.



La jeune fille à table s'empressa de chuchoter à Nemlak : « on est avec vous, on attendra vot' signal. »



La voix de l'homme résonnait avec force dans l'arène alors qu'il ne parlait pas spécialement fort. « Sois le bienvenu, marchand. Ne tournons pas autour du pot, qu'est-ce que tu veux ? »



Nemlak fit un signe de tête à la jeune femme pour dire qu'il avait bien compris. A l'arrivée de l'homme, Nemlak se leva, s'inclinant profondément devant le maître des lieux. C'est maintenant que le spectacle commence... « Merci Seigneur. Je suis Nemlak, fils de Graal et je ne suis pas marchand, mais "facilitateur". On m'a envoyé ici pour savoir s'il était intéressant de faire commerce avec les nouveaux maîtres de Kelmanare. »



« Qui t'envoie ? » Demanda simplement l'homme qui dépassait allégrement les deux mètres.



« M'hem, des Étals de Nuit, » répondit Nemlak d'une voix ferme.



Kardswann essayait de ne rien en laisser paraître, mais Nemlak semblait lui parler druidique. La harpie s'approcha de son oreille et chuchota, il hocha alors de la tête. « Voilà qui est intéressant. Qu'est-ce que les Étals cherchent? Tout ou presque peut passer ou être acheminé ici. Il n'y a ni voleurs, ni concurrents, on pourrait stocker pas mal de choses ici. »



« Un endroit où vendre leurs marchandises les plus difficiles à vendre, et où trouver des marchandises difficiles à trouver à la capitale, Seigneur. J'ai été envoyé pour faire le tour de cette cité et savoir s'il était intéressant d'y investir. Il n'avait pas pensé à un lieu de stockage. Mais cela pourrait aussi l'intéresser. Quel en serait le prix ? De même, quel niveau de taxe comptez-vous mettre à ses marchandises ? » Reprenant son ancien rôle d'entremetteur, Nemlak retrouvait un peu d'assurance.



Le seigneur des lieux semblait à la fois très intéressé et complètement désintéressé par la discussion, c'était assez déconcertant. « On pourrait stocker à dix pièces d'or par mètre carré, par mois, sans taxe supplémentaire, sauf s'il y a transaction sur place en plus du transport. Là, on tablerait sur vingt pour cent de taxe. »



Étonné par l'attitude de Kardswann, Nemlak essaya de comprendre son comportement, il avait l'air... lunatique. Très lunatique, presque comme s'il avait différentes personnalités. Kardswann semblait fatigué, et s'ennuyer, et parfois non, à quelques secondes d'intervalle, ou charmé … charmé ! Oui, il avait l’air charmé. Nemlak cacha cette révélation et prit ensuite son rôle de marchand au sérieux et commença à négocier.



Alors que Nemlak poursuivait les négociations, Undrella n'hésitait pas à chuchoter à l'oreille de Kardswann , ce qui semblait le pousser à durcir certaines parties de son accord, comme une bonne assistante. Le flind observait mais ne disait rien. « Tu penses rester combien de temps ici ? » Demanda la Bouche du Roi Charognard.



« J'ai déjà mis du temps à atteindre la cité, j'espère repartir demain ou après demain. Pour être en mesure de faire mon rapport. »



« Ah, c'est bien si tu repars demain. J'organiserai un combat dans la soirée pour un peu de divertissement. Tu pourras dormir dans l'un des étals non utilisés, on doit avoir quelques matelas encore. Bois un peu en attendant et repose-toi, c'est moi qui régale, » dit-il en faisant signe au barman.



« Merci Seigneur, » répondit Nemlak. S'il a été charmé, ce ne peut-être que depuis son passage par l'église. Ce fameux prêtre en est peut-être responsable... Il s'inclina et retourna à sa table, boire en compagnie des marchands.



L'après-midi fut assez calme, agrémenté de quelques coups à boire, avec modération pour Nemlak. Pas de visiteur. Les gnolls tournaient pour les patrouilles, il semblait qu'ils se reposaient à l'étage de l'arène. Le soir venu, des braseros furent allumés et l'ambiance se réchauffa dans la foulée. Certains gnolls vinrent même regarder le spectacle à la taverne jusqu'à ce que Janx prenne place sur la lice. « Messieurs, messieurs et mesdames, notre ogre est un peu boudin ce soir et n'ose pas combattre. » Des huées se firent entendre dans le bar. « Aussi notre orque, Magster, affrontera la Bouche du Roi Charognard, pour notre invité des étalages de nuit ! »

Un gros orque fut escorté par quatre gnolls qui l'avaient sorti de sa cellule. Armé d'une hache, il monta sur la lice et leva son arme vers le ciel en grognant des encouragements pour lui-même. Le seigneur des lieux arriva au rez de chaussée, acclamé par une partie de la salle, alors qu'à la stupeur générale il posa sa grosse hache et monta à mains nues l'affronter.

L'orque savait assurément se battre, mais Kardswann était rapide. Il esquiva les attaques pendant une bonne minute, fatigant l'orque, avant de lui mettre un gros coup de genou dans le ventre. L'orque resta au sol un long moment alors que Kardswann levait les bras en l'air en signe de force et de victoire imminente. Son adversaire en profita pour donner tout ce qu'il avait et envoya un coup de hache se planter dans la jambe du Templier qui, la surprise passée, se contenta de sourire, l'air mauvais, à la stupeur de l'orque. Kardswann attrapa la tête de l'orque des deux mains et le souleva pendant qu'il le faisait pivoter à l'opposé de sa hache, encore figée dans sa jambe. Il pressa tandis que l'orque faisait de son mieux pour ne pas hurler et briser la prise, en vain. Le sang coulait de ses orbites et on pouvait entendre les os craquer alors que l'assistance se taisait, retenant son souffle devant le spectacle. Le corps de l'orque ne luttait plus, comme les os de son crâne, dont des morceaux de cervelle et de globes oculaires sortaient par endroits.

Les gens commencèrent à applaudir timidement alors que Kardswann s'approchait de Nemlak. Le corps de l'ogre toujours dans sa main droite, il jeta la hache au loin de son autre main. Janx était déjà parti chercher un seau pour éponger le sol quand Kardswann fut à deux mètres du magicien. « Passe une bonne nuit, et dis à tes maîtres que leurs marchandises seront bien gardés ici. Et dis-leur aussi que j'aime les sources de revenus fiables, tant qu'elles ne deviennent pas trop gourmandes, » dit-il en laissant tomber le corps de l'orque et en tournant les talons pour aller récupérer sa hache que surveillait Undrella et le flind qui se faisait appeler Ugruk. Dashki n'avait pas l'air rassuré à côté de Nemlak, comme beaucoup de gens pourtant certainement plus habitués à ce genre de spectacle.



Nemlak regarda le combat, fasciné. Il était un spectateur assidu des arènes, où il escortait souvent les marchands désireux de négocier au vu de tous. Cependant, rarement les combats étaient aussi... sanglants. C'était comme voir une montagne écraser une vipère. Lorsque Kardswann s'approcha de lui, Nemlak eu presque un moment de recul et en pensée un sort d'attaque. Il se garda bien de prononcer sa formule et il répondit, d'une voix blanche, ou la peur était perceptible. « Je transmettrai à mon employeur que rien ne pourra arriver à ses marchandises tant que vous êtes le maître de ces lieux. Je veillerai à ce qu'il le sache et aussi à lui rappeler qu'il ne devra pas être trop gourmand. » Il déglutit pour reprendre contenance et ajouta « Seigneur. »



Le seigneur des lieux continua sa route vers ses appartements sans se retourner. Dashki se contenta d'un « waouh ! ». Les renseignement pris par Nemlak entre deux tournées lui permirent d’apprendre que l'orque demandait de plus en plus pour chaque combat vu que l'ogre, Hurvank "l'étrangleur", était de plus en plus réticent à combattre suite à la déculottée qu'il avait prise face à Haleen, une bretteuse qui logeait dans une cellule un peu plus loin. Il y avait un poste de garde à passer avec une fouille obligatoire, car les armes étaient interdites pour les visiteurs souhaitant accéder au quartier des cellules.

Nemlak laissa donc ses armes à Dashki, lui expliquant qu'il devait prendre soin de sa lame comme si cette dernière était la Princesse elle-même. Il se rendit dans les cellules, pour voir cette fameuse Haleen. Si c'était une combattante douée, elle pourrait être une aide précieuse lors de l'assaut. Quant au prisonnier gardé, il voulait juste s'assurer qu'il était encore vivant, ce qui, fort heureusement, était bien le cas du peu qu’il pouvait en voir, la cellule du prisonnier étant gardée.

Nemlak arriva devant la cellule de ladite Haleen. Par cellule, il fallait dans son cas comprendre une porte avec des barreaux dans une petite trappe, qui dévoilait un lit, une armoire, un bureau, et une femme qui avait regardé le combat dans l'arène par une autre trappe qui donnait sur la lice de l'autre côté de sa cellule. « On se connaît ? » La jeune fille avait un habit de soie verte usée qui lui servait de vêtement de nuit.



« Pas encore, je suis Nemlak. » Le magicien tendit sa main à la jeune femme.

Elle la lui serra timidement. « Je m'appelle Haleen, mais vous devez déjà le savoir si vous venez me voir. »

« Pouvons nous parler... Librement ? » Demanda Nemlak. Une fois donné son accord, il continua : « êtes-vous heureuse ici ? Il n'y a aucune malice dans ma question. »

« Oui, je vous écoute. Heureuse? Qu'est-ce que cela peut bien vous faire que je sois heureuse ? » soupira-t-elle, méfiante.

Après un dernier regard autour de lui, Nemlak continua. « Je cherche des gens capables, prêts à suivre un étranger pour avoir la chance de vivre une nouvelle vie, sous une nouvelle direction. Seriez vous intéressée ? »

« Je ne sais pas trop ce que vous entendez par là. Je suis là pour gagner ma vie, rien de plus. »

« Combien gagnez vous ? Suffisamment pour changer de vie ? » Avec un sourire froid, il rajouta : « pourquoi sinon vous retrouver ici, à moitié prisonnière ? Manquant de vous faire écraser par le seigneur des lieux comme une mouche comme ce pauvre demi-orque. » Il continua, plus doux : « je vous offre la possibilité d'une rédemption. Bientôt les vents du changement souffleront sur cette place. Je veux savoir si vous serez l'arbre ou le roseau. »

Haleen observait, très méfiante et très nerveuse. « J'ai simplement besoin d'argent. Beaucoup d'argent. Si on m'en offre, et que je peux continuer à gagner ma vie, je serai un roseau d'une rare beauté, » dit elle, connaissant ses charmes malgré sa tenue et son absence de mise en valeur vu l'heure tardive.

Nemlak semblait insensible aux charmes de la combattante. Il ne voyait en elle qu'un outil, une pièce sur l'échiquier géant de la vie. « Devez-vous de l'argent ? Si c'est le cas, mon employeur pourra certainement s'arranger pour cela. Vous fournir un emploi à la mesure de vos talents, une protection. Vous n'aurez plus à regarder derrière vous chaque soir et chaque matin. »

« Que voulez-vous que je fasse ? »

« Vous le saurez le moment venu. Une lame de qualité est toujours appréciée lorsque le vent se lève et change de direction. » Il tendit sa main. « Vendu ? »

Elle tendit la sienne, conservant une certaine méfiance. « Vendu. »

« Parfait. » Nemlak se leva, la saluant encore une fois, et se dirigea vers le bar afin de profiter de ce dernier, comprenant au passage que ce qui faisait le plus peur à Haleen, c’était que le marché ne soit pas respecté par Nemlak.

Elle le salua, non sans une certaine excitation. Le reste de la soirée fut plutôt convenable si l'on oubliait les regards noirs des hobgobelins à la table à côté, et l'odeur des gnolls (et de Dashki).

Modifié par un modérateur mercredi 9 novembre 2016 00:03:10(UTC)  | Raison: Non indiquée

Qui sème le vent ... est déjà d'un bon niveau.
Offline UrShulgi  
#42 Envoyé le : mardi 18 octobre 2016 14:20:58(UTC)
UrShulgi
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Nemlak et Dashki : pariera bien qui pariera le premier, IV


13 Desnus 4709 : vers le monastère, matinée


Au petit matin, une patrouille de quatre gnolls vint chercher Nemlak et Dashki pour les amener à l'extérieur, leur faisant prendre le sentier normal. Il put voir, en bas de Kelmarane, un énorme sanglier au premier point de passage gardé, qui ne broncha pas quand ils passèrent. « Au plaisir de vous revoir, m'sieur Nemlak ! » dit l'un des gnolls.



Nemlak salua le gnoll et continua son chemin avec Dashki. Il essaya d'apercevoir le fameux démon dont Undrella avait parlé. S'il voyait ce dernier, il pourrait peut-être l'identifier et être préparé en cas de rencontre prochaine, mais ne parvint pas à le croiser.

Modifié par un modérateur mercredi 9 novembre 2016 00:02:54(UTC)  | Raison: Non indiquée

Qui sème le vent ... est déjà d'un bon niveau.
Offline Lyana  
#43 Envoyé le : samedi 19 novembre 2016 20:27:28(UTC)
Lyana
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Alia, Garavel, la Princesse : Remerciements.

Kelmarane libérée, avant le repas.

lia prit les escaliers jusqu'à leur sommet, qui menaient à ce qui était, jusqu'à il y a peu, les appartements de Kardswann. Là, deux gardes du pacte inspectaient la pièce en compagnie de Garavel et de la princesse qui était un peu en retrait. Trois fauteuils se tenaient près d’une cheminée flamboyante et un rideau dissimulait une chambre à coucher à un luxe équivalent au salon où elle venait d'entrer, étalage de richesse comme elle n'en avait pas vu depuis les dernières fois où on l'avait forcé à faire son travail : satisfaire des hommes.
Garavel se tourna immédiatement à l'approche d'Alia, reprenant une expression neutre aussi vite que sa mine sombre avait fait surface.
« Alia, que peut-on faire pour vous? Il y a un problème? C'est Kardswann? »



Alia ne s'attarda pas sur les richesses qui s'étalaient devant elle, elle n'était pas là pour admirer l'ameublement. La nervosité l'envahissait mais elle devait être là et parler à Garavel. Il était toujours aussi impressionnant que la première fois qu'elle l'avait vu alors qu'elle attendait d'être achetée aux Maitres du Pacte.
Elle se pencha en un salut respectueux et parla d'une voix un peu hésitante.
« Je... j'aimerais vous parler un instant, Maitre Garavel, si vous pouvez me consacrer un peu de votre temps. »



Garavel leva un sourcil le temps d'un battement de cils avant de regarder la princesse, qui lui signifia son accord d'un hochement de tête, avant que ce dernier ne tende la main vers Alia et le couloir derrière elle. « Allons dans cette salle à gauche, je vous prie Alia », la suivant dès qu'elle commencera à s'y déplacer.
La salle en question était immense, une sorte de plateforme d'observation, où trois trônes surélevés contemplaient l'arène en contrebas, une courte rampe empêchant les observateurs de basculer. En bas, le monde s'attelait à organiser un espace pour chacun et sécuriser les bêtes et biens qui seraient le départ du renouveau de la ville.
« Que vouliez-vous me dire de si pressé Alia ? » Son timbre et ses mots auraient pu facilement blesser quelqu'un ou lui donner l'impression d'une certaine impatience, d'une contrariété, mais pour l'avoir côtoyé un moment, Alia savait que c'était davantage une façon maladroite de faire remarquer qu'il comprenait que cette discussion semblait importante pour elle.



L'ancienne esclave regarda l'arène en contre-bas. Elle avait encore un peu de mal à réaliser que la ville était libérée maintenant. Bien sur, il restait l'Eglise, mais Kelmarane était libérée.
Elle s'arracha à sa contemplation pour regarder de nouveau Garavel, toujours aussi impassible.
« Je voulais vous remercier de vive voix. Vous vous êtes interposé entre Kardswann et moi, vous n'étiez pas obligé de vous mettre en danger ainsi. Je sais que vous l'avez fait pour Vardishal mais merci. » Elle se pencha à nouveau en un salut respectueux.



Garavel inclina la tête suite aux remerciements d'Alia, il détourna son regard pour regarder l'arène.
« Beaucoup de gens sont morts ici. Pas qu'aujourd'hui. Des Gladiateurs, comme celui qui occupe votre lit à présent. J'ai de l'affection pour lui, comme pour vous, mais, comprenez moi bien, et n'y voyez aucun méchanceté, le monde pour moi est surtout plein de ressources. Plus que vous libérer, j'ai vu en vous des ressources, et du potentiel, qui ont servi à ce que vous voyez. Maintenant, vous êtes libres. Peut-être resterez vous ici, et prospèrerez, peut-être vous enfuirez-vous au loin. Ce n'est plus de mon ressort.

Il en est ainsi pour tout le monde, sauf la Princesse. Mes gardes, Célestin ... tout le monde. Ça n'est pas lié à votre ancien statut d'esclave.
J'ai failli un jour, avec la Princesse.
Et j'ai juré que l'échec n'aurait pas de seconde chance. Je dois tout à sa famille, et j'ai juré de la protéger. Je ... »


Garavel, pour la première fois, enleva sa capuche devant Alia. Chose qu'elle n'avait jamais vu auparavant, il avait, sur les tempes, des boulons.
« Les Maîtres du Pacte m'ont offert cette chance de maîtriser mes émotions afin de remplir mon devoir au mieux. À l'inverse de nombre d'hommes, je ne suis pas esclave de mes passions, uniquement de mon devoir. Et ce devoir m'impose d'envisager le monde comme ce qu'il est : un ensemble de ressources.
Mais je n'ai jamais été préparé à rencontrer un Saint. Encore plus un Saint que j'ai considéré comme une ressource.
Que dois je faire? Le traiter comme une ressource? Est-ce qu'il a autant de valeur que la Princesse ? Plus ? Moins ? Je ne suis pas un religieux, ni une pieuse personne. Mais quand la vérité est devant vous, et que les émotions ne vous guident plus, on ne peut pas détourner le regard.

Cela m'a paru la meilleure chose à faire de vous protéger, tous les deux, ou vous seule si vous êtes une sorte de réincarnation.Je ne suis pas plus sarenite qu'avant, mais je ne suis personne pour m'opposer à la manifestation du divin.
Alors je ... je ne sais pas si vous devez me remercier. J'ai fait ce qui m'a semblé juste, plus qu'utile. C'est nouveau pour moi. »


Il remit lentement sa capuche, peu envieux que d'autres partage cette vision plus bas, et se tourna vers Alia.



Alia regardait Garavel à mesure qu'il parlait. Lorsqu'il retira sa capuche, elle eu du mal à retenir sa surprise puis sa tristesse devant ses paroles. Renoncer aux émotions ? La culpabilité avait dû être terrible pour qu'il fasse ce sacrifice.

Elle eut néanmoins un petit rire à la fin du discours de Garavel.
« Il n'y a pas que pour vous que c'est nouveau, je suis encore perdue avec tout cela. Je... Je ne suis pas Vardishal, je ne veux pas être lui. Je ne sais même pas qui je suis. Je pourrai presque vous envier d'avoir sacrifier vos émotions, c'est tellement difficile de vivre avec toutes ces sensations qui s'entrechoquent mais ce que je veux compte peu. Vardishal est présent et je ne peux le nier.
Je ne le voudrai pas de toute façon. Il va juste falloir que j'apprenne à vivre avec sa présence.
Mais je ne suis pas un Saint, Garavel, cela j'en suis certaine. »


Elle regarda à nouveau l'arène où tous s'activaient pour s'installer, un instant silencieuse. Puis posa la question qui la tourmentait depuis un moment.

« Maitre Garavel... Pourquoi ?  »
Elle le regarda de nouveau et reprit.
« Pourquoi m'avoir achetée ? Vous voyez tout en ressource mais je n'étais rien quand vous m'avez acheté, je n'étais même pas vendue comme une combattante. Alors pourquoi ? »



Garavel sourit, amusé.

« Les Hommes, comme les femmes, aiment se triturer le cerveau avec des complications. Quelle importance au fond, l'essentiel ait que vous ayez été achetée. Pour vous répondre malgré tout, ça fait plus de trente ans que je vois des gens se battre, et, plus rarement, que je vois des gens avoir des prédispositions magiques. Vous, vous sembliez avoir les deux.
On voit souvent des hommes forts, et on peut se dire qu'ils feront de bons combattants, ou du moins, des combattants qui pourront tuer quelqu'un avec de la chance. Peu se promènent dans la bataille ou dans la vie, en dansant, en flottant, presque comme des fantômes. Quand vous n'étiez pas dans votre routine de gestes lents et automatisés pour vos Maîtres, vous aviez cette grâce, cette vivacité qu'on trouve peu, surtout chez des gens conditionnés à des taches routinières. C'est la raison pour laquelle je vous ai choisi. En tout cas, c'est ce que je pensais. À présent, je ne sais si c'est ma main ou celle du destin, qui a guidé mon choix. Et vu le résultat, peu m'importe d'en savoir le dernier mot. »




Un sourire naquit sur les lèvres de la nouvelle affranchie presque malgré elle.
« Merci. Merci pour tout. Sans vous, je serai encore à Katapesh, esclave. Je vous suis à jamais reconnaissante et redevable. »
Elle se pencha en un profond salut.



« De rien Alia. Je suis heureux que vous soyez libre. Vraiment. Préparez vous à un autre choc, auquel vous n'avez peut-être pas encore songé : voir des esclaves arpenter les rues, et peut-être même, votre habitat ou ses alentours. Certains anciens esclaves que j'ai connu ont eu beaucoup de mal avec ça. »



Elle le regarda surprise, elle n'avait pas du tout pensé à cela. En fait...
« Je n'ai jamais vraiment pensé à ce que serait la vie après tout ça. »
Elle avait peur mais elle ne pouvait pas le dire à Garavel, elle devait se montrer forte.
« Je n'arrive déjà pas à me dire que je suis libre. Je pense qu'il va me falloir un peu de temps pour cela. »



« je suppose aussi. Faites juste attention à ne pas faire justice vous-même en tout cas, pas de manière flamboyante. Les vengeurs non masqués ne font pas de vieux os au Katapesh. »
Il s'approcha d'elle et allait l'étreindre lorsqu'il s'arrête de lui-même. « Il sera plus convenable de vous aider à marquer votre nouveau statut ». Il tendit la main vers elle « Merci à vous aussi Alia, en mon nom, en en celui de la Princesse comme des Maîtres. »



Alia rougit devant les remerciements du guerrier, elle était génée n'ayant pas l'habitude d'être aussi bien considérée. Elle toussota légèrement.
« Vous n'avez pas à me remercier. Vraiment. Mais... pourrais-je.. puis-je parler à la Princesse, s'il-vous-plait ? Je n'ai pas pu lui exprimer toute ma gratitude alors qu'elle a tant fait pour nous. »



Garavel fut surpris.
« Ce n'est plus à moi qu'il faut demander Alia, mais comme il vous faudra un temps d'adaptation, je vais l'appeler pour vous, rester ici. »

La Princesse arriva quelques minutes plus tard alors qu'Alia, sur son trône, pouvait, comme un contremaître, voir les gens en bas travailler et faire avancer le chantier.
La Princesse vint s'asseoir sur le trône à la place de Garavel, pendant que celui resta devant elle, comme pour l'empêcher de prendre une flèche perdue.




« Alia, vous souhaitiez vous entretenir avec moi, je vous écoute. »



Le premier mouvement d'Alia fut de s'agenouiller devant la Princesse, elle se retint au dernier moment se rappelant qu'elle n'était plus esclave. Elle salua le plus bas qu'elle put, regard baissé.

« Je voulais vous remercier pour tous les bienfaits dont vous nous avait couvert. Grace à vous nous avons un avenir, c'est plus que ce que je n'ai jamais eu. »



La Princesse accepta la marque de respect d'Alia, avant d'ajouter.

« Merci à vous, à votre différence, ça n'est pas forcément davantage que ce que je n'ai jamais eu, mais comme vous, je n'avais pas de bel avenir prévu en cas d'échec. Nous sommes toutes deux gagnantes de cette situation. Les serments ne sont pas fait à la légère au Katapesh, je vous avais donné ma parole, j'ai fait ce qui était légitime.
Vous ... je ne sais pas comment vous demander cela. Vous êtes certaine qu'il ne faut pas tuer ce Kardzan? »




Alia redressa la tête, surprise de la demande de la Princesse, elle lui demandait vraiment son avis ?

« Pour dire vrai, je ne sais pas. Nous finirons peut-être par devoir le tuer, mais... ce fut un Templier il a lutté pour protéger ce pays, il fut bon autrefois... Cela ne me fait pas oublier ce qu'il est aujourd'hui ni ce qu'il a fait. Cependant, il est sous l'effet d'un charme très puissant, demain, dans l'Eglise, nous saurons peut-être ce qui l'a envouté ainsi et si nous pouvons le sauver.
D'après tout ce que nous avons appris, il est venu ici cherchant quelque chose qu'il n'a pas trouvé. Nous ne savons pas ce que c'est, ni si c'est dangereux ou non. Si Kardswann reprenait ses esprits il pourrait nous le dire. Sinon... »

Elle inspira fortement.
« Je le tuerai moi-même. C'est un Templier, il doit mourir de la main d'un autre Templier, ou de son représentant. »
Réalisant qu'elle avait employé un ton assez sec, elle se retrouva confuse un bref instant.
« Si vous me l'autorisez évidemment. Excusez mon ton, je ne voulais pas... »



La Princesse ne put cacher son étonnement, même Garavel semblait avoir tendu plus attentivement l'oreille malgré qu'il était immobile, de dos.
« Je ... si c'est ce qu'il faut faire, je vous donnerai mon autorisation en public, et vous pourrez ensuite le tuer, publiquement, ou en privé. Les fondations d'une ville ont souvent du sang pour ciment mais je ne tiens à en montrer plus que nécessaire pour être obéie. Savez vous s'il y a d'autres Templiers vivants ou d'autres représentants? »



« Non... »
Elle regarda de nouveau le spectacle captivant d'une ville qui naissait sous ses pieds. La silhouette rouge et massive de Bhaal traversa l'arène transportant de lourds balots.
« Ils étaient cinq templiers servant une princesse Djinn. Je ne connaissais rien d'eux avant d'arriver ici et de rencontrer Vardishal et je ne sais pas ce qu'il est advenu d'eux. Ils se sont séparés il y des siècles de cela, pour aller où ? c'est un mystère. Seul Vardishal est resté dans la région. »



Almah croisa les jambes et prit une moue songeuse.
« Si vous comptez rester dans les environs, nous aurions peut-être intérêt, sans précipitation, à enquêter à ce sujet. Je comptais essayer de trouver des postes à la hauteur de vos capacités pour vivre comme tout le monde, avec plus de chances, pour récompenser ceux qui auront participé. Je ne prendrai pas mal un refus, prenez le temps d'y réfléchir. Saint Vardishal, si j'ai bien compris, a toujours été ici, mais Kard ... l'autre lui, est venu. Comme vous nous le disiez, il doit y avoir une raison.
Votre présence est opportune d'ailleurs. On ne peut pas laisser le Monastère, après ce qui vous est arrivé, continuer à décrépir. Je ne sais pas encore comment, ni sous quelle forme, mais je pense qu'il serait une bonne chose que ce monastère serve, et soit habité. Je pensais d'ailleurs que le développement de la communauté de la ville se fera de l'arène vers le monastère en priorité, pour ne plus l'isoler autant de son centre de gravité. Qu'en pensez vous? »




« Nous avons décidé de rester ici, Bhaal et moi. Ici, nous serons quelqu'un et pas seulement d'anciens esclaves. Nous vous aiderons du mieux que nous pouvons pour développer votre ville, Princesse. Nous vous le devons. Qui voulez-vous installer dans le monastère ? »



« Je n'ai pas eu beaucoup de temps pour y réfléchir, ou devrais-je dire, comme quelqu'un ici présent me l'a conseillé "on ne réfléchit pas à l'étage tant qu'on n'a pas l'escalier". Je n'y avait pas vraiment réfléchi, et je ne m'attendais à la révélation de votre ... sainteté. Je ne m'attendais pas non plus à ce que Célestin trouve l'amour ici et maintenant. Je crois que Jyll aimerait rester ici. Il y a peut-être un culte à recréer, une communauté. Ou en faire un lieu pour autre chose. Mais je pense que ce lieu a le droit au respect. »



Une nouvelle fois, Alia fut gênée.
« Je n'ai pas de sainteté. J'ai juste la chance d'accueillir l'âme de Vardishal, mais moi je ne suis rien.
Le monastère mérite de revivre, de retrouver sa splendeur et Jyll fera une très bonne prêtresse." »




Almah regarda Alia dans le blanc des yeux, il était difficile de savoir si elle tentait de l'intimider ou simplement d'exprimer pleinement ses inquiétudes.
« De vous quatre, c'est votre compagnon qui m'inquiète le plus si je puis dire. Il peut être sauvage, et prendre une forme ... au mieux déroutante, si vous me permettez. Que pensait-il faire à présent ? Est ce qu'il sait se contrôler ? Je veux vous offrir le mieux, mais s'il y a un risque, je souhaite le savoir. »



« Il est sauvage, oui c'est vrai, et peut être très brutal et violent. Mais uniquement contre ses ennemis et c'est pour cela que Garavel l'a choisi. »

Si la question l'avait destabilisée, c'est avec une voix sure qu'Alia s'exprimait, elle ne montrait aucune hésitation.



Garavel intervint brutalement « Il n'est pas plus violent que ces marchands qui ont trahi la main qui les nourrissait en échange d'une plus grande richesse ou que ces nobles de palace qui tueraient pour monter une marche de plus. Vous y êtes juste moins habituée, votre Altesse », interrompit sans se retourner Garavel.
La princesse en resta coite.



Alia regarda avec stupeur Garavel qui venait de l'interrompre d'un ton sans appel.
Elle hocha doucement la tête, acquiesçant.



Avant de se contenter d'un « Mmm... vous avez peut-être tous deux raison. Je l'espère. Pour nous tous. Il semble effectivement que vous n'ayez pas plus de bleus qu'à votre arrivée à mon service, considérons cette question comme close, je vous remercie pour votre franchise. »

« Vouliez vous vous entretenir avec moi sur un autre sujet Alia? » Le ton n'était pas sec mais la patience de la princesse semblait amoindrie depuis l'aparté de Garavel.



« Jamais Bhaal ne me ferait le moindre mal ! Il en serait incapable ! »
Alia n'avait pu retenir de prendre la défense de son amant, haussant la voix.



La princesse fut saisie par l'envolée d'Alia sans pour autant que cela ne semblait la convaincre ni moins, ni davantage « Je vous crois, je vous crois, et tant mieux. Surtout maintenant que vous représentez un Saint. »



« Je... »
Elle s'interompit, comprenant que la Princesse souhaitait abréger leur conversation.
Elle précisa tout de même.
« Bhaal est un homme bon, le meilleur que je n'ai jamais rencontré. »
Elle salua de nouveau la princesse.
« Je voulais vous remercier, Princesse Roveshki, je vais maintenant disposer si vous le permettez. Je vous ai suffisamment accaparée. Merci de m'avoir écoutée. »



« Il n'a pas l'air d'un mauvais bougre » répondit la Princesse en souriant, comme pour montrer qu'il n'y avait pas d'affront ou de rancune à son égard.

« De mon côté, j'avais une requête à vous faire, plus qu'un ordre. J'ai tu votre secret, mais il faudra, dans les prochains jours, savoir ce que vous souhaitez en faire. Je ne le trahirai pas, mais pensez au mal comme au bien que vos décisions à ce sujet pourraient amener. Profitez de la soirée, demain, vous pourrez arpenter l'église que vous souhaitiez faire passer en priorité. La chance et le talent nous aurons permis de ne pas trop retarder cette visite. », dit elle en souriant, approchant Alia, lui tenant les épaules, et baissant la tête vers elle en remerciant dans un geste gracieux sublimé par ses voiles.



Prendre une décision... savoir quoi faire... Une bouffée de peur parcourut Alia à cette idée, elle ne put qu'hocher la tête en balbutiant difficilement.
« Oui. Je vous dirais cela. »
Elle salua une ultime fois et recula vers la sortie, un peu décontenancée par les dernières paroles de la Princesse.

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#44 Envoyé le : mardi 22 novembre 2016 12:06:35(UTC)
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Alia et Bhaal : la part de l'ombre


13 Desnus 4709, dans Kelmarane libérée, en fin d'après midi


e soleil se couchait sur une Kelmarane enfin libérée après des années de brutalité et d'oppression gnolle, et l'air se faisait plus doux, plus supportable. Une légère brise dessinait de petites vagues sur le sable qui s'étendait dans le désert du Katapesh et effaçait les traces des passages de la caravane revenue du monastère et les pas des guerriers venus combattre dans l'arène.

Alia salua les gardes en faction alors qu'elle sortait du bâtiment marchand. Elle fit quelques pas, s'avança non loin de la batisse et s'arrêta, profitant des derniers rayons du soleil sur sa peau, savourant le vent dans ses cheveux. Était-ce le vent du nord ou du sud ? A moins qu'il ne s'agisse d'un des trois autres...

Les questions de la Princesse tournaient dans son esprit. Où étaient les trois autres Templiers ? Étaient-ils toujours en vie ? Cherchaient-ils un corps pour les accueillir comme elle avait accueilli Vardishal ? Et plus que cela, qu'allait-elle faire après l’église ? Elle avait pensé qu'une fois la ville prise et l'énigme de l’église résolue, elle pourrait vivre tranquille avec l'homme qu'elle aimait, mais elle savait que c'était une douce illusion. Vardishal serait toujours là et il lui faudrait prendre une décision. Pouvait-elle cacher indéfiniment sa présence ? Elle poussa un long soupir.

Puis un sourire fleurit sur ses lèvres, un pas lourd résonnait vers elle, une démarche familière marchait dans le sable pour la rejoindre. Elle continua à observer le désert sans se tourner vers lui mais son sourire était maintenant éclatant.



Elle sentit d'abord sa lourde main sur l'épaule et, immédiatement après, la massive silhouette de son amant apparut juste à côté d'elle. Il ne la regarda pas tout de suite, attardant ses yeux sur le paysage qui s'offrait à eux. D'un côté, les champs de pesh et la rivière Pâle, déjà dans la pénombre. De l'autre, les montagnes du Roi Charognard, terre vierge d'hommes, touchaient presque le soleil couchant.

« Tout ça est à nous, maintenant, » dit-il simplement après un long instant de contemplation. Puis, après un autre silence, il baissa les yeux vers sa compagne et demanda : « comment tu te sens ? Ça va ? »



Alia hocha la tête, admirant toujours l'étendue sableuse. Oui, tout cela était à eux, enfin, à la princesse. Ils avaient réussi et ils étaient vivants. Elle tourna le visage vers celui de Bhaal, toujours souriante. « Oui, ça va très bien. Célestin et Jyll m'ont totalement soignée. Et toi ? Comment te sens-tu ? » Elle plongea ses yeux dans ceux du géant rouge, cherchant à lire en lui, à être certaine qu'il allait bien.



« Ça va, » répondit-il évasivement en souriant lui aussi, « je suis guéri, comme toi. » A son tour, il plongea le regard dans les grands yeux d'émeraude de sa compagne mais, au bout d'un instant, il se trouva incapable de le soutenir. Détournant les yeux vers le paysage, puis vers ses pieds, il se contenta de répéter : « ça va. » Il ne souriait plus.



Le sourire s'effaça également des lèvres de la jeune fille. Elle posa une main légère sur la joue du gladiateur et tourna le visage masculin vers elle, le regardant avec tendresse. « Non, ça ne va pas. Qu'y a-t-il ? »



« Râââh, c'est rien ! » Grogna-t-il, comme un animal acculé, en se dégageant sèchement. Il se remit à faire semblant d'admirer le paysage tandis qu'elle le fixait, interdite. Au bout de quelques instants, qu'il occupa manifestement à reconsidérer la question, il finit par murmurer, à voix basse et tête baissée. « Je... Avec ce qui s'est passé... Est-ce que tu... » Les mots ne venaient pas. Il prit une grande inspiration avant de lâcher, d'une façon presque inaudible tant le timbre était grave et la voix puisée dans les profondeurs de sa poitrine. « Est-ce que tu veux toujours de moi ? »



Elle le regarda avec stupéfaction, puis comprit combien il était sérieux et inquiet. Elle résista à l'envie de s'approcher de lui et le prendre dans ses bras, il avait besoin d'espace pour l'instant. C'est avec sa voix la plus douce qu'elle lui répondit. « Tu veux parler de ta transformation, je suppose ? Quand c'est arrivé j'ai été impressionnée et, je dois l'avouer, j'ai eu peur un instant. Je ne savais pas ce qui était en train de se passer. »

L'image de Bhaal transformé en une immense bête démoniaque ressurgit dans sa mémoire. « J'ai eu peur oui, mais ça n'a pas duré. Elle m'impressionne toujours, ça c'est sûr. Mais à aucun moment, je n'ai songé à te quitter. Ni pendant les combats, ni maintenant. Je suis à toi, Bhaal. Pour toujours. »



Bhaal leva les yeux vers sa compagne et se rapprocha d'elle doucement pour enfin l'enserrer avec passion, sans doute un peu trop fortement à son goût. Il enfouit sa grosse tête dans sa chevelure. « Tu sais, j'ai peur de rien, bordel. Enfin si, j'ai peur comme tout le monde, mais avec les années j'ai appris à m'en servir. Mais l'idée que tu puisses un jour... » Il marqua une pause, incapable de continuer. « Te détourner de moi avec horreur, ça me terrifie. Plutôt que de vivre ça, je... » Il s'interrompit à nouveau, mais cette fois ne reprit pas et se réfugia dans le silence, la tête toujours lovée dans l'épaule de la jeune fille.



L'étreinte du gladiateur était forte, Alia avait du mal à respirer, mais elle ne dit rien. Elle le laissait exprimer ses craintes en lui caressant les cheveux d'un geste apaisant. « Chuuuuut. »

Elle le berça un instant, la main enfouie dans ses cheveux noués. « Je ne te regarderai jamais avec horreur. Peut-être avec colère parfois, mais jamais avec horreur. Je t'aime, Bhaal.

Elle m'a fait peur, c'est vrai. J'ai cru un instant qu'on t'avait lancé un sort, puis j'ai compris que c'était la Bête qui était là, alors j'ai su que je n'avais rien à craindre. Tu ne me feras jamais de mal, Bhaal, et ta Bête non plus. J'en suis absolument certaine. »


Elle desserra un peu l'étreinte de son amant et reprit très sérieusement. « Je veux que tu me promettes de vivre si un jour je ne suis plus là. Je refuse que tu... je ne supporte pas l'idée que tu pourrais... Bhaal, promets-moi de vivre, promets-moi de ne jamais chercher à mourir. » Ses yeux se remplirent de larmes qu'elle refusait de laisser couler.



« Alia, tu... Tu peux pas me demander ça... Je veux dire... Je sais qu'il y a peu de chances que ça arrive, et j'ai bien réussi à la contrôler aujourd'hui, mais si jamais ça arrivait... Alia, j'ai le droit de refuser de devenir une espèce de monstre. Tu comprends ? » Ajouta-t-il. Sa voix était plus calme, plus résolue, plus raisonnée. Sa résolution ne relevait pas d'une pulsion. « Alia, ce n'est pas ce que tu voudrais pour moi. »



Elle ferma les yeux, luttant contre les larmes et cacha son visage contre le torse puissant de son amant, hochant la tête malgré elle. « Oui... oui je comprends. Elle étouffa un sanglot. Ma plus grande peur, ce n'est pas ta Bête. C'est de te perdre. »



« Si la Bête me prend et que je vis, tu me perdras tout pareil, » dit-il doucement.
« Mais ça n'arrivera pas, d'accord ? » reprit-il, soudain plus énergique. « Il s'est passé quelque chose, aujourd'hui. Le pétyr... Péryton, c'est lui qui a tout déclenché. Il m'a piqué mon ombre, ce salaud-là, je sais pas où il est allé la chercher d'ailleurs, et la Bête est sortie pour la récupérer. Là, elle est sortie toute seule, mais ensuite dans la rue, elle est venue quand je l'ai appelée et elle est partie quand nos ennemis sont morts Et dans l'arène J'ai... Je crois que j'ai réussi à ne pas me transformer, enfin... moins ! » Dit-il avec un sourire de triomphe. « Alors ça n'arrivera pas. Je vais tout faire pour que ça n'arrive pas, ça je te le promets. »



Elle releva la tête pour le regarder. Il y avait dans ses yeux une détermination nouvelle et convaincante. « Puisque tu me le promets, je sais que ça n'arrivera pas. Je te fais confiance, mon amour, tu la maîtriseras. Tu la maîtrises déjà. »

Elle réfléchit un instant à ce qu'il venait de dire. « Le Péryton t'avait volé ton ombre ? Comment est-ce possible ? La Bête... » Elle s'interrompit tout à coup, se mordillant les lèvres comme à chaque fois qu'elle était nerveuse. Devait-elle parler de l'ombre qu'elle avait vu Bhaal projeter ?



« Volé ou copié, j'en sais rien... » Répondit-il sans sembler remarquer le trouble de la jeune fille. « Faudrait demander à Nemlak, c'est lui qui sait des trucs sur ce bestiau. Mais ça, j'en ai aucune envie. En tout cas, quand il nous a parlé de lui, le magicien a mentionné un truc avec les ombres. Toujours est-il que lorsque la Bête est venue, j'ai senti qu'elle avait une force comme j'en avais jamais connu. J'avais envie de tout péter, j'étais... énorme. Je me suis jamais senti aussi fort, » conclut-il alors que le souvenir de l'expérience l'étonnait encore.



Alia sourit légèrement. « Tu étais énorme, oui. Je n'ai jamais vu quelqu'un d'aussi gigantesque, à part Kardswann. » Elle se mordit de nouveau les lèvres, regardant Bhaal. Avait-elle le droit de lui cacher quelque chose le concernant ?

« Bhaal... J'ai vu ton ombre et ce n'était pas le Péryton qui l'avait. Lorsque tu te transformes, tu as une ombre. »




Le géant rouge se recula pour regarder sa compagne, essayant de comprendre. Ses yeux écarquillés exprimaient une surprise complète. « Je... J'ai une ombre ? Mais je l'ai jamais... Ah bah oui mais vu que... » En même temps qu'il s'objecta ne jamais avoir vu cette ombre lui-même, il en comprit la raison : en combat, il avait toujours eu autre chose à faire que regarder une ombre qu'il pensait ne pas avoir. Il se mit à sourire, soudain tout joyeux. « Hé, c'est plutôt une bonne nouvelle, ça ! Je veux dire, avoir une ombre comme ça, c'est plus normal que de pas en avoir du tout, tu crois pas ?

J'ai une ombre, hé hé, j'ai une putain d'ombre ! »
Ricana-t-il, un peu bêtement.



« Oui, tu as une ombre ! » Alia souriait maintenant franchement, la joie de son compagnon la ravissait, elle avait eu si peur de sa réaction. Les cicatrices du drame de l'avant-veille ne s'étaient pas totalement refermées, et elle avait eu peur que cette révélation ne désespère à nouveau le demi-démon. « Il faudra en parler à Célestin pour comprendre pourquoi elle n'apparaît qu'à ces moments. Mais tu as bel et bien une ombre ! »



« Oui, parlons-en à Célestin, » répondit Bhaal comme une forme de conclusion à leur échange, et d'une façon qui aurait pu aussi bien dire "n'en parlons pas à Nemlak".

Le gladiateur ressentit soudain le besoin de parler d'autre chose que de lui-même et de ses problèmes d'identité. Après un instant de silence, il ajouta, changeant complètement de sujet : « et toi ? Je t'ai vu descendre de là haut. Comment c'est ? »



Alia fut un instant décontenancée par le changement brutal de la conversation. « C'est... riche et luxueux. De mauvais goût, tout est entassé là sans la moindre logique esthétique, comme si réunir tout ce qui brille et doré suffisait à faire un bel endroit. »

Alia regardait Bhaal plus sérieusement. « Mais ce n'est pas ça que tu voulais savoir, n'est-ce pas ? »



« Non, en effet, » répondit Bhaal sur un ton parfaitement neutre, comme s'il faisait lui-même le constat de son propre souhait, mais il ne le précisa pas plus pour autant. Il savait, évidemment, qui Alia était allée voir, et en son for intérieur, il lui en voulait légèrement de ne pas l'avoir prévenu. Il considérait donc que c'était maintenant à elle de parler, de sa propre initiative et sans qu'il ait à insister. Il se tut et se replongea dans la contemplation du paysage.



Alia regarda de nouveau les montagnes qui cachaient l'horizon et répondit doucement. « Je suis allée voir Garavel, je voulais le remercier pour son intervention pendant le combat contre Kardswann quand il s'est mis entre lui et moi. Je sais qu'il ne l'a fait que pour Vardishal mais ça ne change rien au fait qu'il m'a protégée. »

Elle fit une courte pause. « Je voulais aussi le remercier de m'avoir achetée à Katapesh. Sans lui, je n'aurais pas d'avenir et je ne t'aurais pas, toi. » Elle regarda de nouveau Bhaal alors qu'elle prononçait ses derniers mots.



« C'est vrai, je lui dois ça, moi aussi, » répondit le géant rouge avec un sourire un peu triste. Il reprit après un instant de silence, une expression gênée, voire navrée, sur le visage. « C'est moi qui aurais du faire ça, » se désola-t-il. « C'est moi qui aurais du me mettre entre toi et lui. Je sais que tu n'aimes pas que je te protège, et je ne l'ai pas fait parce que j'avais réussi à l'occuper, mais c'est ce que j'aurais du faire. Et je ne l'aurais pas fait pour Vardishal... » Murmura-t-il alors que sa voix s'éteignait.



« Non ! » La voix d'Alia était ferme. La culpabilité de Bhaal la peinait, il avait déjà tant fait pour elle, comment pouvait-il croire... « Tu n'as rien à te reprocher, Bhaal. Je sais que tu ne l'aurais pas fait pour Vardishal, tu l'aurais fait pour moi. »

Elle caressa la joue rugueuse de son amant d'un geste tendre. « Tu avais un combat à mener, gladiateur, tu as fait ce qu'il fallait. Garavel a protégé une ressource. Chaque coup que tu as porté à Kardswann m'a protégé, tu es devenu sa cible alors qu'il aurait dû se concentrer sur moi. S'il avait réussi de nouveau à te blesser, je m'en serais voulu pour toujours. C'était un templier, j'aurais du l'affronter seule. »



« Connerie ! » Grogna Bhaal selon son expression désormais connue, mais dite cette fois avec le sourire tant l'idée d'Alia l'amusait. « Si tu l'avais affronté seule, il t'aurait tuée. Si je l'avais affronté seul, il m'aurait probablement tué tout pareil. Et même à deux, il aurait fort bien pu nous tuer aussi, sans la magie des petits génies. Il était plus fort qu'aucun d'entre nous. Il fallait qu'on l'affronte tous ensemble, et c'est ce qu'on a fait. Y'a rien à regretter, Alia.

Tu n'es pas un templier toi-même, mais seulement la voix d'un templier, mon amour. C'est ton destin, y'a pas de doute, mais tu restes toujours Alia. Tu es surtout Alia. Moi c'est Alia qui m'intéresse. Vardishal, c'est juste, euh... Mon beau-frère, en quelque sorte, ou quelque chose comme ça. »
Il se tut, souriant à sa propre idée, avant de reprendre plus sérieusement. « Tu as accompli ton destin aujourd'hui, ma belle. Je... C'est à toi de décider ce qu'il faut faire de Kardswann, et à personne d'autre. Mais si j'étais toi, je le tuerais sans attendre. Il est trop dangereux pour qu'on le laisse vivre. Si ce que tu as dit des génies est vrai, aucune chaîne, aucune cellule ne le retiendra. »



Alia eut un petit rire lorsque Bhaal qualifia Vardishal de "beau-frère", mais elle retrouva vite son sérieux. « Tu as raison. C'est ensemble que nous l'avons vaincu, c'est ensemble que nous sommes forts. »

Elle resta pensive un bref instant. Kardswann... « La Princesse m'a posée la même question. Elle voulait savoir pourquoi nous ne l'avions pas encore tué. Kardswann est dangereux, sans l'ombre d'un doute, mais j'aimerais attendre d'aller à l'église avant de décider de le tuer. Il a combattu pour le bien avant, je voudrais être certaine qu'il est définitivement perdu avant de... Il pourrait nous dire pourquoi il est revenu ici et ce qu'il cherchait. Mais si c'est trop dangereux ou s'il n'y a aucun espoir alors je le tuerai. »



Bhaal contempla sa compagne tandis qu'elle parlait avec force et sagesse, et il ne put qu'être impressionné. « Vois comme tu parles, vois comme tu as changé en quelques jours, » dit-il sur un ton dans lequel l'admiration transparaissait, « ce n'est plus du tout Alia, l'esclave de confort, que je vois. C'est bien Alia la guerrière, championne de Vardishal. Partout où tu iras, j'irai, et tes combats seront les miens. Pour toujours. » Il prit les douces mains de sa compagne dans les siennes et les embrassa avec dévotion et tendresse.



Les paroles de Bhaal mirent Alia mal à l'aise, elle n'était pas habituée à une telle admiration et ne s'en sentait pas digne. Elle n'avait rien fait qui puisse justifier cette dévotion qu'elle voyait dans les yeux de son amant. Gênée, elle retira ses mains d'entre celles bien plus imposantes du géant. « Arrête... Je ne mérite pas tout cela, je suis encore bien loin d'être devenue la Guerrière. Je ne sais même pas si j'y arriverai un jour. Par moment, je ne sais plus du tout qui est Alia, ni même si j'existe vraiment. »

Elle plongea à nouveau ses yeux dans ceux du guerrier et murmura pour lui seul. « Puis je te regarde et je me vois dans ton regard, alors je sais que j'existe réellement. Tu me rends vivante, Bhaal, dans tous ces bouleversements tu es mon repère. Le phare qui me guide. » Elle posa le front contre le torse du géant rouge, cachant son visage contre le cuir protégeant le corps de son amant.



D'abord étonné de voir son amante retirer ses mains et se replier sur elle-même, Bhaal compris ensuite que c'était pour mieux s'ouvrir et se donner à lui plus entièrement, en une déclaration d'amour total qui fit écho en lui, mais Alia l'avait exprimé avec des mots qu'il n'aurait su choisir. Submergé, il ne put que refermer ses bras sur elle et poser ses larges mains sur son dos gracieux.

Puis lentement, les mots vinrent, graves mais paisibles. « Et tu as choisi comme guide le type le plus paumé de cette partie du monde... Quelle étrange ironie ! » Dit-il en souriant, « car toi aussi tu es mon guide et mon repère dans tout ce foutoir. J'aurais pu dire les mêmes mots si je les avais sus. Sans toi, je serais probablement mort à l'heure qu'il est, et dans le cas contraire je serais toujours le même connard haineux. Tu m'as sauvé, Alia. Tu m'as sauvé de moi-même, et tu me sauves un petit peu plus chaque fois que le soleil se lève. »

Le géant posa le menton sur la chevelure de celle qui se blottissait dans ses bras. Ils restèrent ainsi, un long instant, figés dans une étreinte totale. Au bout d'un moment, il dit enfin sur un ton plus léger. « Il semblerait que nous soyons des guides l'un pour l'autre, alors que chacun de nous est paumé comme c'est pas permis. C'est plutôt marrant, non ? »



Alia eut un petit rire étouffé contre le corps impressionnant de l'homme qu'elle aimait. « Des aveugles guidant d'autres aveugles... Mais si on doit se perdre, on se perdra ensemble, alors est-ce qu'on sera si paumé que ça si on est à deux ? »

Sans attendre de réponse à sa question qui n'en était pas vraiment une, Alia se détacha légèrement tout en restant dans le refuge des bras masculins et parla de nouveau. « J'ai vu Garavel mais je suis également allée voir la princesse. Je ne t'en ai pas parlé parce que c'est une chose que je devais faire seule, je ne peux pas toujours me reposer sur toi. Je ne l'avais pas encore vraiment remerciée de nous avoir affranchis, je repoussais sans cesse le moment. »

Elle lui sourit comme si elle avait surmonté une terrible épreuve. « Ça c'est plutôt bien passé, elle m'a écoutée. » La surprise teintait sa voix, cela lui semblait tellement surréaliste qu'une princesse comme Almah consacre un peu de son temps à une simple affranchie comme elle. « Elle veut que le Monastère soit réoccupé avec peut-être Jyll comme prêtresse. Et puis... » Elle hésita un instant, devait-elle parler des craintes de la Princesse, de sa peur que Bhaal soit dangereux ? Non, ça ne servait à rien. Bhaal doutait déjà suffisamment de lui-même pour ajouter à ses craintes. Il était hors de question qu'elle le fasse souffrir pour rien.

« Et puis... elle voulait... elle m'a demandé de me décider véritablement sur le fait de révéler le retour de Vardishal ou non. D'après elle, si je continue de le cacher, il pourrait y avoir des conséquences négatives. » Elle soupira profondément. « Je ne sais pas, je ne sais vraiment pas quoi faire. N'est-ce pas égoïste de ne pas partager la présence de Vardishal ? Et l’Église de Sarenrae ? N'est-elle pas en droit d'apprendre qu'un de ses Saints s'est réveillé ? »



Bhaal tiqua lorsqu'Alia lui parla de ce que la princesse avait dit du secret de Vardishal. « Tu sais ma belle, peut-être que la princesse nous aime bien et qu'elle est vraiment une bonne personne comme le dit Célestin, mais elle reste une princesse marchande. Te voir révélée à tous est dans son intérêt. Ça favorisera le commerce, la renommée de sa ville, et donc la sienne propre.

Alia, tu es le réceptacle de Vardishal. J'aurais préféré que ce soit pas le cas mais c'est ainsi. Personne ne peut porter ce fardeau pour toi, ni le partager avec toi. Moi je peux juste essayer de t'aider de toutes mes forces et de n'importe quelle façon que je trouverai, mais c'est tout. Alors ça te donne le droit d'envoyer chier tout le monde à propos de Vardishal, même les princesses marchandes. Toi seule peut et doit décider de révéler ce secret, et personne d'autre. Moi-même je ne me sens pas le droit de te dire de le faire ou de ne pas le faire, alors... Dans ce domaine, fais comme ton cœur te dit. Si tu te sens prête... Vas-y. Sinon, et bien... Je suppose que tu as le temps. »


A ce stade, Bhaal hésita à poursuivre et se tut un instant. Passant une main sur la joue de sa compagne, il la fit ensuite s'attarder dans ses cheveux avant de reprendre. « Il y a cependant une chose que je crois vraie : révéler Vardishal fait partie des choses que tu dois faire pour être pleinement toi-même. C'est ton destin, en quelque sorte. Tôt ou tard tu devras t'y confronter, comme je dois me confronter à la Bête qui vit en moi. C'est incroyable comme on est le miroir l'un de l'autre sur certaines choses, » dit-il avec un étonnement qui naissait en même temps qu'il formulait sa pensée.



Alia suivit le mouvement de la main de Bhaal de la tête, cherchant à appuyer la caresse. « C'est vrai, et c'est pour cela que tu es celui qui me comprend le mieux. »

Elle resta un instant immobile, les yeux clos, savourant la caresse de l'homme qu'elle aimait. « C'est sûrement vrai, il n'y a que moi qui puisse prendre une décision pour Vardishal. Comment on prend une décision ? Je n'ai jamais rien décidé, même pas comment je m'habillais, et maintenant il faut que je fasse le choix qui changera toute ma vie. Je ne sais pas comment on fait. Et si je me trompe, si je prend la mauvaise décision ? »

Bhaal vit se refléter dans les yeux verts de sa compagne l'anxiété qui teintait maintenant sa voix. La jeune fille se mordillait les lèvres, elle était tellement nerveuse qu'elle se faisait presque saigner.



« Chhhhhht, chhhhhht, tranquille, » murmura Bhaal tout en caressant doucement les cheveux châtains de sa compagne, essayant de la calmer. « T'es pas obligée de prendre une décision ce soir, ni demain. Et y'a pas de bonne ou de mauvaise décision à mon avis, y'a juste ta décision. La seule chose que tu dois te demander, c'est : "est-ce que j'ai envie de révéler Vardishal à tout le monde ou est-ce que j'ai envie de le garder encore pour moi ?" Voilà, juste ça. » Maintenant silencieux, il continuait à caresser les cheveux d'Alia tout en berçant sa tête de sa respiration. Au bout d'un moment, il hasarda, hésitant : « peut-être... Peut-être que lui a une idée sur la question ? »



Alia se calma doucement, comme toujours, la voix grave de son amant la rassurait. Elle hochait la tête lentement, pelotonnée contre lui, desserrant la pression de ses dents sur ses lèvres. Il avait raison, elle avait encore un peu de temps, mais c'était si compliqué. Lorsqu'il reprit la parole, elle ne peut s'empêcher de sursauter, visage relevé vers lui, le regard stupéfait. « Je ne sais pas faire ça. »

Elle resta un instant silencieuse, perdue. « Je ne sais pas comment lui parler. »

Ses dents commencèrent à triturer à nouveau sa lèvre quand elle se reprit. « Hier, il m'a parlé. C'était faible mais il a réussi à me répondre. Peut-être que si je me concentrais plus, je l'entendrai mieux. Oooooh... c'est si compliqué ! » Elle colla de nouveau son visage contre le torse du demi-démon, gémissant de frustration.



Sentant sa compagne de nouveau perdue, il la laissa s'enfouir la tête quelques instants sur son torse avant de la lui redresser doucement pour la forcer à le regarder dans les yeux. « Je suppose que oui, » dit-il, « mais je suis sûr que tu vas y arriver. J'ai foi en toi. Il m'a parlé à moi aussi, alors je sais ce qu'il en est, » ajouta-t-il comme une boutade. « Si tu as besoin de temps, prends le temps. Tu l'as, et personne ne peut en décider autrement. Tu es libre, Alia. On est libres. »



Sans bouger de la chaleur du corps masculin, Alia acquiesça. « Oui, on est libres. Je réfléchirai après, on doit d'abord savoir ce qu'il y a dans l'église. Maintenant, je ne veux plus penser. »

Sa voix était devenue boudeuse, s’enivrant de l'odeur virile mélangée au cuir, elle frottait sa joue contre le torse du demi-démon comme une chatte cherchant des caresses. Elle soupira de nouveau, mais de bien-être cette fois. L'air frais de la nuit sur le désert contrastait agréablement avec la chaleur dans laquelle elle se blottissait.

Modifié par un utilisateur vendredi 25 novembre 2016 20:17:23(UTC)  | Raison: Non indiquée

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Offline Guigui.  
#45 Envoyé le : mardi 22 novembre 2016 12:30:53(UTC)
Guigui
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Bhaal et Khem : un truc dans le genre...


13 Desnus 4709, dans Kelmarane libérée


a soirée battait son plein, Felliped chantait paillard ou traditionnel en tapant du pied et des mains, utilisant des couverts, une table et un tambour pris dans l'arène comme instruments. Certains dansaient, d'autres buvaient en mangeant comme des ogres. L'ambiance était plutôt bonne, même les deux prisonniers conscients avaient droit à leur repas.
Dans un coin près des bancs et des animaux, Khem buvait, seul, regardant la masse d'animaux, un pied posé en arrière contre le mur auquel il était adossé. Son regard était dans le lointain et il semblait boire aussi vite que certains respiraient. Il parcourut l'assemblée du regard et croisa le regard de Bhaal. Il eut l'air d'avoir comme une illumination puis partit vers le bar prendre deux pichets dans la main gauche, et fit un demi-cercle avec son autre bras pour faire signe à Bhaal de venir, répétant plusieurs fois le geste pour être certain d'être compris. Il se dirigea hors de l'arène, vers la sortie sud par laquelle le groupe était entré pour prendre la ville.



Occupé à boire en compagnie d'Alia et à raconter des histoires de gladiateur à ses voisins de table, Bhaal ne perçut pas tout de suite l'invitation du rôdeur, et ce dernier dut répéter son geste plusieurs fois pour réussir à attirer son attention. Le demi-démon murmura alors un mot à l'oreille de sa compagne et se leva lourdement avant de se diriger d'un pas déjà mal assuré vers la sortie empruntée par le rôdeur.
Il le trouva à l'extérieur, humant l'air de la nuit, ses deux pichets à la main, et se porta à sa hauteur de son pas lent et lourd. Comme il en avait l'habitude, il se posta sans un mot à côté de son interlocuteur, regardant dans la même direction que lui, lui laissant l'initiative de prendre la parole.



Tendant un pichet à Bhaal, Khem commença déjà à vider le sien. Une silhouette massive mais assez furtive s'approcha d'eux d'un pas rapide en feulant. Le visage de Khem ne respirait ni la joie, ni la sobriété bien que son élocution restât bonne. Il caressa la crinière du lion quand Rhondar approcha. « On ira chasser demain, mon gros, t'inquiète pas. » Le lion n'avait pas une constitution qui suggérait la famine, mais les combats de la journée semblaient avoir ouvert son appétit. « Putain, lui il se bat pour reprendre cette ville, et c'est les chèvres qui dorment près du feu à l'intérieur. Quel abruti viendrait s'attaquer à des chèvres autour d'une cité à peine reprise dans un bain de sang ? » Khem jeta un regard lointain (et brumeux) vers l'église et son cimetière, qui respiraient un calme contrastant avec la fête à l'arrière. Il se tourna alors vers Bhaal, essayant de le fixer dans les yeux. « J'avais jamais vu ça, c'est impressionnant.

Ma soeur veut se caser ici. Avec Célestin. J'crois que t'es au courant depuis un moment. »
Il était difficile de savoir si c'était un reproche ou un simple constat. « Je peux pas dire que ça me fait vraiment chier parce que c'est un bon gars, même si pas vraiment ce que j'appellerai un gars non plus, il est trop ... enfin pas assez ... Raaah! » Il s'énervait en faisant de grands gestes qui ne voulaient rien dire, même pour lui. « Bref, ça m'emmerde pas plus lui qu'un autre. Mais maintenant, elle veut rester ici. Ta femelle, ta femme, ta chérie, c'est pareil je crois. »

Le rôdeur marqua une pause qui laissa entrevoir à Bhaal l'occasion de répondre, mais reprit aussi vite la parole. « Et nous on va faire quoi ici, on va planter des olives ? Tu te bats bien et je sais pas si t'aimes ça, mais t'as l'air d'en avoir besoin. Ça te dirait pas d'essayer de monter une compagnie de mercenaires qui resterait dans le coin, ou un truc dans le genre ? Y vont bien avoir besoin de patrouilleurs ou d'un autre truc dans le genre qui tue et qui fait ce que les autres veulent pas faire, qui prend un peu de liberté pour voyager en restant près de la ville, un truc dans le genre ... enfin tu vois ... un truc dans le genre... » Il le regardait, l'air... peu frais.



Bhaal regarda le lion se poster à leur hauteur, du côté de son maître - mais Khem était-il réellement son maître ? Non, ce n'était pas l'impression qu'ils donnaient tous les deux. Plutôt des amis... ou des frères. Bhaal respectait cela. Il y avait suffisamment d'animalité en lui pour comprendre et accepter qu'un lion soit l'égal d'un homme, d'un certain point de vue. Il sourit également à la description que Khem fit de Célestin. Il aurait pu dire peu ou prou la même chose de son ami. Mais la proposition du rôdeur le surprit. Il n'avait pas du tout pensé à ça. En réalité, s'il avait décidé de s'installer à Kelmarane avec Alia, il n'avait, en revanche, pas du tout réfléchi à ce qu'il allait bien pouvoir y faire.

« Ouais, un truc dans le genre, » répéta-t-il en buvant une grande gorgée de bière. « J'ai pas tellement eu le temps d'y réfléchir, tu sais. Mais oui, on va s'installer ici. Pour des gens comme nous, cet endroit vaudra mieux que beaucoup d'autres. » Il fit une pause, fixant son pichet de bière comme s'il espérait y trouver la réponse à ses questions. Il gratifia la nuit d'un rot sonore avant de reprendre. « Ouais, faut que je me batte. T'as raison là-dessus. Ça m'aide à pas trop penser, » dit-il d'un air sombre.

« Jusqu'à aujourd'hui, mon but c'était surtout de rester vivant. Mais maintenant... Il va falloir trouver autre chose. Une compagnie de mercenaires ? Pourquoi pas. J'ai envie d'apprendre à connaître le désert, c'est... c'est grand. Et les montagnes sont grandes elles aussi, et pleines de gnolls. Il va falloir quelqu'un pour patrouiller, et si les Lames des sables devaient rester, je sais pas si ça les intéressera d'explorer les montagnes. » Il marqua à nouveau un temps d'arrêt, regardant vers la droite, au-delà de Khem, vers les montagnes. « Les dés roulent moins bien quand le sol est en pente, » statua-t-il d'un ton qui se voulait parfaitement neutre.

Il s'offrit le temps d'un nouveau silence, un petit sourire aux lèvres, jouant en pensée avec sa plaisanterie, avant d'ajouter. « Tu sais, t'avais raison à propos du p'tit biquet. C'est vrai qu'il est un peu... » A son tour, le géant rouge connut les affres de la difficulté à nommer précisément ce qu'était vraiment Célestin. « Mais il est plein de ressources, et il a du courage. Je veux dire... Il était mort de trouille, et il est venu quand même. A chaque fois, il a tenu son rang. Et sans même parler de ça, euh... Alia et moi on lui doit beaucoup. » Le demi-démon se tut, le temps de se remémorer un souvenir douloureux, avant de reprendre d'un ton plus léger : « en revanche, puisque que ta sœur et Célestin... Je veux dire... T'es conscient qu'il va essayer de s'occuper de tes vêtements, maintenant ? »



Khem eu un hoquet en se retenant d'avaler de travers. Il se mit à rire quand ses voies respiratoires le lui permirent. « Il faudra qu'il ait l'accord du conseiller Rhondar pour ça. T'as raison, il a des airs de femmelette mais il est courageux. Plus que la compagnie du fion qui se dépêche pour avoir sa paie et joue aux dés le reste du temps. Enfin, je dis ça mais aujourd'hui, ils ont bien bossé.

Je suis pas content que ma sœur se trouve un mec, là, maintenant. Mais puisque c'est le cas, je suis content que ça soit lui. Le meilleur moyen de protéger nos femmes ici, ce sera de parcourir les alentours pour prévenir ou régler les dangers. Je pourrais te montrer le coin, je connais bien le désert et ses traîtrises. Là, ils chantent et dansent comme des enfants dans une courée mais ici, comme autour, c'est les terres du putain de Roi Charognard. Peut-être qu'il nous foutra la paix parce qu'on l'a débarrassé d'un humain gênant, parce qu'il s'en fout ou je sais pas quoi, mais peut-être aussi qu'il va envoyer des vagues de gnolls pour la reprendre, et pas le genre d'enfant gnoll qu'on a croisé, plus dans le genre de saloperies qui vous a fait revenir avec Andrus, là. Je suis pas certain qu'on en soit au moment où les princesses et princesses s'embrassent sous la pluie ou j'sais pas quoi, un truc dans le genre. »


Il but une gorgée avant de reprendre. « Si les Maîtres du Pacte tiennent leurs promesses, Garavel m'a dit qu'ils vont envoyer des gardes, et de l'argent. Si la harpie reste là, nous aussi, Célestin, Nemlak et les autres, on a notre chance. Votre magicien n'a pas l'air commode, mais il est efficace. Des gens gentils et commodes, on a notre quota pour la ville rien qu'avec Célestin, qui compte pour vingt ! »



« Nemlak ? » Éructa le gladiateur, « c'est le plus grand connard que le monde ait jamais connu, et c'est un enculé de magicien par-dessus le marché. Et il est flippant, par certains côtés. Mais sa magie est puissante, même si c'est pas le genre de magie à laquelle on pourrait s'attendre de la part d'un magicien. Et rien d'autre que Kelmarane ne l'intéresse.

A part faire chier les autres, »
ajouta-t-il après un instant. « Je sais pas si le Roi Machin nous laissera tranquille. Le Kardswann disait être "sa bouche", ils ont dû faire affaire à un moment ou un autre. A sa place, je chercherais à en tirer vengeance, mais je sais pas comment pensent les gnolls. En tout cas, la princesse aura besoin de gars comme nous, oui. Je crois qu'on n'a pas fini de se battre, et ça me va très bien. Je sais faire que ça, de toute façon. J'aimerais avoir un bout de terrain à moi et faire pousser des trucs, mais je crois pas que je pourrais en vivre. »

Il se plongea quelques instants dans une réflexion songeuse, sirotant sa bière dont le niveau dans le pichet baissait dangereusement. « La fille que Nemlak a retournée, celle à la rapière. Haleen. C'est une mercenaire, je crois, et je l'ai vu faire contre le chef des gnolls, ici. Elle a l'air plutôt bonne. Lors de mon dernier combat, à Katapesh, j'ai failli crever contre un gars qui se battait comme ça. "Le Mousquetaire", qu'on l'appelait. Et bien, laisse-moi te dire un truc : il faut toujours se méfier des petits nerveux avec une rapière. Tu te retrouves plein de trous en moins de temps qu'il n'en faut pour dire "aïe". Elle pourrait faire une associée valable, si on peut lui faire confiance. »



« Je dois t'avouer que voir des gonzesses manier du métal m'a jamais mis en confiance, mais je crois qu'on en a vu quelques unes qui sortent du lot. L'avantage pour toi, c'est qu'une fois que t'as risqué ta vie pour que les autres continuent à s'engraisser sur ton dos, c'est pas difficile de la mettre en jeu pour toi. Ça doit devenir plus difficile quand on a une... une... Une régulière. C'est pour ça que j'en veux pas pour le moment. J'crois que ça me foutrait les jetons. Ouais, j'irai lui parler quand je serai moins bourré. Là, j'crois que j'vais pas tarder à rentrer car je serai capable d'aller voir ce bâtiment trop calme qui me fait de l'œil. Ça m'a toujours intrigué, ces réunions de gens qui veulent sauver le monde qui leur a rien demandé avec des bons mots et des câlins. »

Il rota comme pour en expulser l'idée. « Et me dire qu'il en reste un ici au milieu de ce bordel... » Il rota à nouveau et faillit trébucher. « Oh putain, sauf si tu veux me parler d'un truc, je crois que je vais me trouver un coin ou vomir tranquille, Rhondar sera le parfait appui pour dégueuler sans tomber dedans. » Le lion semblait comprendre le sens de certains mots, et l'idée de servir d'accoudoir à un homme saoul ne laissait pas transparaître la joie dans sa mine figée. « Ou un truc dans le genre. »



« Disons que quand ta régulière met sa vie en jeu en même temps que toi, c'est plus facile de risquer ta peau... » Commença Bhaal, mais le rôdeur manifesta le désir d'aller cuver en paix. Le gladiateur n'en était pas encore à ce degré d'ébriété et éprouvait surtout une puissante envie de soulager sa vessie. Il leva son pichet en signe d'approbation au projet du rôdeur qui, dans l'état d'hébétude dans lequel il se trouvait, lui sembla tout à fait valable et légitime. Il prit ainsi congé de l'homme avant de tituber jusqu'au mur de l'immense arène, sur laquelle il entreprit de se soulager longuement.

Modifié par un utilisateur mardi 22 novembre 2016 12:56:36(UTC)  | Raison: Non indiquée

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Offline vaidaick  
#46 Envoyé le : samedi 26 novembre 2016 00:20:43(UTC)
vaidaick
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Célestin et Jyll : Les colombes roucoulent


13 Desnus 4709 : Kelmarane, début de soirée


Célestin avait passé une grande partie de la journée à aider à aménager les lieux. Bien qu'il ne soit que peu habitué aux travaux physiques, il tentait de faire montre d'un certain enthousiasme, malgré les questions qu'il ne pouvait s'empêcher de se poser.
Quand enfin vint la soirée et le temps du repas, il fut soulagé de pouvoir se reposer quelque peu, et de retrouver le doux visage de Jyll.

Il s'assit à côté d'elle, et resta d'abord un instant muet, écoutant le discours d'Almah. A la mention du logement promis, il sourit à Jyll, et lui prit la main. « Jyll... Je... Euh... » Il ne savait pas bien comment aborder le sujet. Après tout, ils ne formaient un couple que depuis une petite journée, et il ne voulait pas prendre le risque de la faire fuir en se montrant trop pressant. « Almah m'a donné une chambre au premier étage... Si tu veux, tu peux emménager avec moi... » dit-il en rougissant jusqu'aux oreilles. « Euh, mais... Il y a deux matelas, hein, si tu veux ! Je veux dire... Enfin, je t'accueillerais avec joie, mais c'est comme tu veux ! » finit-il en bafouillant.




Jyll rit aux éclats devant la timidité maladive de Célestin. Elle s'approcha et et s'accrocha à son bras, la tête sur son épaule. « Ça serait très bien de les mettre ensemble, ça nous changera niveau confort même si je doute que la propreté soit modèle. Ça a été une journée gratifiante mais difficile. Je n'ai pas pu sauvé Fahim. » La tristesse se lisait dans son regard, comme un constat d'échec trop dur à supporter.




« Oh !? » fit-il, visiblement surpris, rougissant de plus belle. « Euh, oui, c'est une bonne idée ! Je m'occuperai de les nettoyer. J'ai mes techniques pour m'occuper des tissus, tu sais. » sourit-il.

Mais voyant que son regard était plus triste que ne laissait supposer son éclat de rire, il l'attira contre lui. « Je n'ai pas vu ce qu'il s'est passé pour Fahim, j'étais un peu loin... Mais je suis sûr que tu as fait de ton mieux, mon Soleil. Bien entendu, il aurait été mieux que nous ne perdions personne... Mais compte tenu des affrontements, nous pouvons remercier Sarenrae : il s'agit là de notre seule et unique perte. Je dois te l'avouer, j'avais peur que tout ceci finisse en bain de sang, et que les choses tournent mal. Mais, et c'est en partie grâce à toi, ils sont tous indemnes. »

Caressant son doux visage, il sourit : « Tu peux être fière de toi. En tout cas, moi, je le suis. »




Elle rougit. Son visage restait marqué, mais les mots de Célestin semblait lentement avoir raison de son état. « Tu as raison. Et nous sommes entiers. J'ai honte de le dire, mais c'est le principal. »

Elle marqua une pause le temps d'exprimer un long soupir. « J'ai parlé un peu avec la princesse tout à l'heure. Elle m'a proposé de m'occuper du monastère ou de participer à la tenue de l'église selon ce qu'on y trouvera, ou d'y aider le prêtre déjà présent. Je ne sais pas encore si je m'en sens la carrure mais l'idée fait son chemin. Nous serions à avoir un travail ici et à aider les habitants de la cité. Qu'est ce que tu en penses? »




Célestin sourit aux premiers mots de Jyll, mais son visage prit peu à peu un air plus sérieux au fur et à mesure qu'elle lui parlait. « Eh bien... » commença-t-il. « C'est une idée... intéressante... » Il tentait de se projeter dans l'avenir, les imaginant tous deux officier à l'église ou au temple.

« Il me semble évident que le culte de Sarenrae doit être fièrement et profondément ancré ici. Je connais quelques bases pour avoir aidé à officier à Solku. Mais d'ici à tenir nous-même une église ou un monastère... ou les deux ! » Il semblait hésitant. « Je pense que c'est une bonne idée que nous participions, oui. Ce me semble même être un devoir. Mais nous n'avons pas l'expérience nécessaire pour gérer une tâche d'une telle ampleur. Enfin, il me semble... Qu'en penses-tu ? Pour ma part, je pense que nous pouvons apporter notre soutien et notre aide, mais être prêtre, c'est un métier... »




« Je ne sais pas. Toi, tu as déjà un métier. Moi, je n'ai que des pouvoirs. Mais je n'ai jamais rien fait de concret. Mon frère m'invectiverait pour ça mais je n'ai jamais considéré le mercenariat comme un métier. Ça serait l'occasion de faire quelque chose d'utile et d'un peu plus désintéressé. Peut-être le prêtre de l'église pourrait m'aider ou m'apprendre. Peut-être un prêtre viendra-t-il de lui-même une fois la reprise de la cité confirmée. Et toi, tu sais déjà ce que tu feras? Tu vas reprendre la couture et les bijoux? »

« J'aimerais bien que tu prennes ton temps pour ... me faire une de tes créations. » dit elle en rougissant.




Ce fut au tour de Célestin d'éclater de rire. « Bien entendu mon amour ! Ce serait même une joie pour moi ! » Il l'observa quelques secondes, ébloui par sa beauté et sa fraîcheur.

« Oui, j'ai déjà un métier. Des métiers, même ! J'espère bien pouvoir conserver ma place d'artisan couturier et bijoutier auprès d'Almah, ainsi que mes études d'alchimie. Je compte bien reprendre aussi du service auprès du culte de Sarenrae. »

Il sourit, visiblement amusé. « En fait, j'espère bien pouvoir reprendre la vie que j'avais à Solku, mais ici. » Il la regarda dans les yeux, et rajouta dans un souffle : « Et avec toi. »




« Je le veux. JE LE VEUX! » Elle lui attrapa les mains, se plaçant devant lui.

« Je m'excuse mon aimé, les jours prochains, je risque de ne pas être toujours aussi joyeuse, beaucoup de choses me tourmentent. La mort de Fahim est difficile même si comme tu dis c'est plutôt raisonnable dans une guerre. Mais je n'avais vu mourir que des ennemis jusqu'à présent, je n'ai pas connu de mort de mon côté depuis... » Elle bloqua un instant. « ... nos parents. »

« Et je ne suis pas très à l'aise avec notre chambre de confort. J'en suis heureuse, mais nous l'avons grâce à toi et ta relation avec la princesse. Les autres dorment en bas. Et Rhondar, lui, dort dehors pour que les animaux restent à l'intérieur. Je ne mérite pas ce traitement de faveur. J'en suis flattée, mais j'ai du mal à vraiment le saisir à bras le corps. »

« Et ... Khem. Je sais qu'il ne va pas bien. Je sais que ça va passer, mais ça me déchire de le voir ainsi. Il n'est pas en colère contre toi. Il est juste perdu. »




Le sourire de Célestin s'effaça en un instant. Encore une fois, il aurait aimé pouvoir s'accaparer la souffrance de Jyll et lui permettre de ne ressentir que la joie. Il déglutit, et soupira.

« Tu n'as pas à t'excuser, tu sais. Moi, je n'avais pas encore connu de morts. Enfin, de morts violentes, comme ça. Et ça fait... bizarre. Je crois que ça me place un peu face à la réalité du monde. Enfin, une de ses réalités, une de ses facettes... »

Jyll hocha la tête pendant que Célestin continuait. Il serra légèrement ses mains dans les siennes. « Et tu n'as pas à rougir d'avoir accès à un confort que d'autres n'ont pas. Je comprends que tu trouves ça un peu... injuste... Mais ça ne nous place pas au-dessus des autres. Au contraire. Nous devons compenser la faveur que nous fait Almah en rendant la vie des habitants de Kelmarane plus facile. Vois ça plutôt comme une faveur impliquant un devoir, mon Soleil. » Il lui sourit.

« Quant à Rhondar et Khem... » Il regarda machinalement vers l'extérieur, comme s'il pouvait voir le fauve. « Crois-tu que Rhondar apprécierait d'être enfermé ? Je pensais qu'un lion préférerait être en toute liberté à l'extérieur. Mais s'il lui faut un lieu où il pourrait au moins se reposer tranquillement, peut-être pouvons-nous trouver un endroit pour ça, en périphérie de la ville. Je peux en parler à Almah si tu veux. »

A ce moment, il se rendit compte que Khem semblait boire plus que son soûl, et hocha gravement la tête. « Il va falloir que j'aille lui parler, hein ? » Il tenta un sourire, mais Jyll put voir que cette perspective n'enchantait guère son amoureux. « Oui, il va falloir que j'y aille... » conclut-il, sans bouger de sa place.




« Il n'aime pas être en intérieur, mais il déteste encore plus être séparé de Khem. Je crois qu'il va d'ailleurs dormir dehors. » Elle regardait son frère se soûler.

« Oh, je pense que tu ferais mieux d'attendre quelques jours. Qu'il digère un peu. Le voir quand il a un coup dans le nez, ça n'est pas du tout une bonne idée ! Il faut lui laisser un peu de temps, tu sais, il m'a protégée depuis la mort de mes parents et mon... don. Il a fait de nous des mercenaires pour qu'on survive. Il a toujours été là. Il a négocié avec Garavel, et nous avons vraiment eu une bonne paie en restant. Là, nous sommes à l'abri pour longtemps. Et maintenant je t'ai, toi. Cela veut dire qu'il va devoir prendre ses distances, qu'il va devoir avoir son foyer, que je vais arrêter le mercenariat... qu'il va me partager. Que je vais, coûte que coûte, rester ici. Et lui, il doit se trouver une nouvelle raison d'être. Son but, sa mission, ou du moins ce qu'il pouvait faire pour moi, il l'a fait. Il perd son but, et dans le même temps je m'éloigne. C'est... » Elle resta muette, ne trouvant pas les mots.




« Je comprends. » murmura le jeune homme, visiblement ému. « Je comprends. » répéta-t-il. « Mais il ne peut pas te garder pour lui toute sa vie. Et je pense qu'il le sait, depuis longtemps. Il faut qu'il passe le flambeau. J'espère juste être à la hauteur. »

Il eut un sourire amusé. « Je dois être bien loin de l'archétype du gars parfait pour toi, d'après ses standards! » rit-il.

Il jeta un regard amusé vers Khem alors qu'une pensée lui traversait l'esprit. « Mais... peut-être peut-il se trouver quelqu'un d'autre à protéger, maintenant ? Peut-être peut-il penser à sa vie, à lui ? Que penses-tu de la mercenaire, Kallien ? Ou la nouvelle, Haleen ? » plaisanta-t-il, testant par la même occasion la jalousie de Jyll. Il se demandait comment elle, elle réagirait, si c'était son frère qui refaisait sa vie.




Jyll eut un mouvement de recul, lâchant Célestin, l'air perdue. « Attends, tu ... Je t'explique ce que je ressens et ce qu'il subit, et tu fais comme si il faisait une crise pour rien et essaye déjà de le caser ? »

« Parlons d'autre chose, je n'ai pas envie de gâcher ce moment. » Elle vint se blottir contre lui, le serrant fort.

« Ce ... Bhaal, tu savais qu'il pouvait ... s'affirmer démon comme il l'a fait aujourd'hui? »




« Oh, je... » Célestin sentit le rouge de la honte lui monter aux joues. « Je... C'était juste une plaisanterie. » murmura-t-il sur un ton d'excuses en la serrant contre lui. « Mal venue, je te l'accorde... Je suis navré, my dear. Vraiment. »

Il se racla la gorge, et profita du changement de sujet. « Oui, je le savais pour Bhaal. Enfin non. Enfin... Pas à ce point. Jusque là, il s'agissait plutôt de la forme qu'il avait contre Kardswann. Je ne l'avais pas encore vu grandir comme il l'a fait contre le sanglier. Mais... Je pense qu'il n'a pas encore atteint sa pleine maturité. Il nous réserve encore des surprises, j'en suis persuadé. »

Il se cala un peu mieux contre Jyll. « Tu sais, quand j'ai du te quitter précipitamment au monastère. Il m'a parlé de certaines choses le concernant. Et je lui ai promis de lui apporter des réponses. J'espère vraiment pouvoir l'aider... »




« Maturité? » Cette pensée semblait autant l'inquiéter que la rassurer. Elle pencha finalement pour le positif. « Il est bien entouré. S'il le souhaite, je l'aiderai aussi. Ça ne doit pas être facile à assumer pour lui, ça, l'amour, et la liberté, beaucoup de contradictions fortes à découvrir en peu de temps. »




« Oui, » murmura-t-il. Il ne souhaitait pas vraiment parler de Bhaal, ni de ses problèmes identitaires. En cet instant, il ne voulait qu'une seule chose : profiter de l'instant présent, et s'enivrer de la présence de sa belle compagne.

« Tu sais, j'ai l'impression de rêver... » dit-il dans un sourire, serrant la sarenite tout contre lui comme si elle risquait de s'échapper. « Je viens de vivre une aventure à laquelle je ne me serais jamais cru capable de participer, et me voilà à fêter notre victoire avec dans mes bras la plus charmante personne qui soit. » Il se recula juste assez pour la regarder dans les yeux. « Mais si c'est un rêve... Je souhaite ne jamais me réveiller, ou qu'à mon réveil il se réalise tel un vœu. »

Après un moment de silence, blottis l'un contre l'autre, Célestin murmura :« Tu parles de Khem, mais... Et toi ? Comment te sens-tu à l'idée que tu vas mener ta propre vie, sans être constamment avec lui ? » En son for intérieur, il se demanda si, avec sa nature altruiste et préoccupée qu'elle était par son frère, elle s'était inquiétée pour elle-même.




« J'en suis déstabilisée, et un peu triste par rapport à mon frère, mais je suis heureuse, prête à croquer... cette vie à pleine dents. » dit elle en souriant, le regard brûlant vers Célestin.

« Nous avons tout ce qu'il faut pour un nouveau départ ensemble. L'occasion de participer à quelque chose de grand. Et même un nouveau départ pour toi aussi au fond, comme moi, tu risques d'être un peu plus indépendant que tu ne l'étais avec la princesse auparavant. »




« Je n'avais pas réfléchi à cela... » admit le jeune artisan. « Mais tu as raison, nous allons participer à la fondation d'une nouvelle ville, et j'espère que nous pourrons y imprimer notre marque, et qu'il s'agira d'une cité prospère où il fera bon vivre sous la protection de Sarenrae. J'espère qu'ici, le commerce ne tuera pas toute trace d'humanité au nom du profit. »

Il regarda les yeux de braise de sa dulcinée, et sourit. « Mais en attendant cet avenir pas si lointain, pensons au présent. Et à nous. Toi, et moi. Nous allons certes construire une ville... Mais ce qui m'importe avant tout, un peu égoïstement je l'admets... C'est de penser à ma vie avec toi, et que nous la construisions ensemble. »

Il regarda vers le ciel, vers le lointain. « Comment nous vois-tu, my dear ? »




Jyll rit aux éclats. « Pourquoi souhaites-tu voir loin, alors qu'à l'instant, tu voulais profiter de maintenant? »

Elle reprit sur un ton moins moqueur. « J'ai une grosse appréhension, mais je crois que c'est un sujet qui serait abordé avec précipitation si nous en parlions maintenant. »

Voyant l'interrogation grandissante de Célestin, elle se ravisa. « Je vais te le dire maintenant, tu as le droit de savoir. Je ne sais pas si je veux être mère. Enfiiiiin, non, je le veux. Mais je ne sais pas si ça serait une bonne chose. J'ai peur que... mon don se transmette. Et je ne souhaite pas ça à quelqu'un, encore moins à un enfant. »




Célestin rit en chœur avec Jyll. « Tu as raison ! » dit-il en reportant son regard sur celui de sa compagne. « De toute façon, l'horizon est bien moins beau que tes yeux. »

Il leva un sourcil interrogateur à l'évocation de l'appréhension de Jyll, ce qui sembla la convaincre de finalement en parler.
Il l'écouta attentivement, et sourit avec tendresse. « Il est effectivement un peu tôt pour en parler, Soleil de ma vie. » dit-il en lui caressant le visage avec douceur. « Mais ça ne nous coûte rien d'en discuter. »
Il marqua un léger silence, paraissant réfléchir.« Ce n'est pas quelque chose auquel j'ai déjà songé. Mais... Je crois que ça me plairait bien, d'être père. Pas tout de suite, mais quand la ville sera reconstruite, et que je pourrai lui offrir un monde apaisé où grandir en sécurité, avec tout l'amour dont un enfant a besoin. Oui, je crois que ça me plairait. »

Il plongea son regard dans celui, magnifique, de la jeune et belle sarenite. « J'aimerais pouvoir te rassurer, et te dire que ton don n'est pas héréditaire. Mais j'avoue que je n'en sais rien. Il nous faudra nous renseigner là-dessus, tu n'es certainement pas un cas unique... »




Jyll se contenta d'acquiescer et se blottit contre Célestin, profitant de la légère brise sur sa peau. Oui. Ils auraient du temps pour voir tout ça.

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Offline vaidaick  
#47 Envoyé le : dimanche 4 décembre 2016 00:01:04(UTC)
vaidaick
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Célestin et Almah : Ne changeons rien


14 Desnus 4709 : Kelmarane, midi


Nemlak avait demandé une journée de répit avant d'aller rendre visite au prêtre dans l'église. Ces précautions n'étaient probablement pas inutiles, et Célestin en profita pour fabriquer une nouvelle potion de soins légers, qu'il pourrait remettre à Bhaal avant l'investigation. Après tout, ils ne savaient pas à quoi ils allaient devoir avoir affaire.

Il profita également de cette journée pour passer du temps avec Jyll, et découvrir un peu plus la belle personne qu'elle était. Il espérait que leur relation durerait, et il comptait bien mettre toutes les chances de son côté pour qu'elle se passe au mieux. Malheureusement, il semblait que celle qu'elle avait établie avec son frère était mise à rude épreuve, et quelque part, il ne pouvait s'empêcher de s'en vouloir, et de souhaiter pouvoir faire quelque chose pour eux.

Il lui fallu malgré tout délaisser sa dulcinée quelques temps au cours de la journée. Il avait des questions à régler avec Almah, et il devait profiter d'un moment pour la voir. Il se doutait que ce ne serait pas facile pour elle de trouver un peu de temps libre à lui consacrer, mais il ne doutait pas qu'elle ferait un effort pour lui.

Scrutant les allées et venues des personnes venant rendre visite à la princesse, il profita d'un moment d'accalmie au moment du repas de midi pour lui faire monter un plateau, et par la même occasion, solliciter une entrevue.




À l'arrivée de Célestin, l'un des gardes partit prévenir la princesse, avant de revenir, et que tous les quatre la laissent avec lui. La pièce qui l'accueillait était grande, riche, bien entretenue, mais mal décorée. Cela faisait longtemps que Célestin n'avait pas contemplé pareil étalage d'argent. Elle l'invita, souriante, à venir s'asseoir sur ce lit qui avait assez de place pour trois ou quatre personnes.

Elle le regardait en souriant, sans rien dire, profitant simplement de sa compagnie, et d'un peu de tranquillité.




Célestin posa le plateau sur une desserte, l'approcha du lit où Almah l'invitait à s'asseoir, et lui sourit en s'asseyant à côté d'elle.

« Alors, comment te sens-tu, maintenant que la reconquête a vraiment commencé ? » lui demanda-t-il.
La voyant lorgner sur le plateau, il sourit. « Je me suis dit que tu n'aurais pas eu le temps de manger, et que ce serait une bonne occasion. » expliqua-t-il. « Tu as faim ? Que veux-tu que je te serve ? »




La princesse attrapa une poignée de raisins secs, se servant avec malice devant Célestin, souriant en amenant les fruits vers sa bouche. «  Très soulagée, heureuse, et anxieuse à la fois ! C'est l'accomplissement de toute une vie, et d'autres suivront ! Tout n'est pas encore fait, il y aura l'église à vérifier, la crypte dessous ... fortifier les défenses, reconstruire, et le plus difficile, prendre les bonnes décisions dès le début ! Et toi... c'est bizarre de te sentir ainsi vivre, raffiné, combattant, aimant, attentionné mais ferme... on dirait un Célestin nouveau. »




« L'accomplissement de toute une vie ? » s'amusa-t-il en prenant à son tour une poignée de raisins secs. « A t'entendre, on pourrait croire que tu es grand-mère ! »

Il dégusta quelques fruits avant de poursuivre. « Mais tu as raison, il y a encore beaucoup à faire. J'ai bien peur qu'on n'ait fait que le plus facile, au final... »

Il s'arrêta de parler, songeur. « Tu as sans doute raison. Jamais je ne me serais cru capable de... » Il sembla chercher ses mots. « Tout ça... » termina-t-il sans avoir trouvé une description convenant à ce qu'il venait de vivre.

« Mais tu sais... J'en ai parlé un peu avec Jyll. Je veux dire, de notre avenir. J'aimerais reprendre ici les fonctions que j'occupais à Solku. J'aimerais continuer à créer pour toi et tes gens, et j'aimerais continuer à servir l'église de Sarenrae. Je suis heureux d'avoir vécu ainsi ces derniers jours, avec leur dose de danger et d'incertitude, car ils m'ont beaucoup apporté. Mais je pense que je ne suis pas fait pour cette vie-là. »

Il se servit quelques dattes, et poursuivit. « Cependant... J'ai encore quelques missions à mener à bien. J'ai promis à deux personnes de les aider à mieux comprendre ce qui leur arrivait, et pour cela, je vais avoir besoin de ton aide. Enfin, surtout de ton autorisation. »

Il regarda sa princesse dans les yeux afin de lui montrer à quel point sa demande comptait pour lui. « J'aimerais dès que possible envoyer une lettre au temple de Solku. Je sais qu'il me faudra respecter ton délai, mais sitôt que les Maîtres du Pacte auront remplit leur part du contrat, je te demanderai de dépêcher un messager. J'espère juste que le Père Haddad pourra aider Jyll et Bhaal... »




Almah éclata de rire quand Célestin la compara à une grand-mère, d'un rire qui lui rappelait les années d'insouciance adolescentes qu'ils avaient vécu ensemble. Elle se reprit tout doucement. «  Oui l'accomplissement d'une vie, mon nom de famille prend sa revanche et renaît avec cette cité. Si nous avions échoué, j'aurais été traitée pire qu'une esclave. »

Almah écouta avec attention et bienveillance les demandes de celui qui était son ami depuis plus d'une décennie. « Dès que nous en aurons fini avec la menace d'ici, nous enverrons un oiseau pour Solku, faire au plus vite. Nous ferons ce qu'il faut, et payerons ce qu'il y aura à payer, pour tous les deux, tant que cela ne me met pas en porte à faux. Je pensais, une fois la ville protégée, aller à Katapesh pour faire officialiser les statuts d'Alia et Bhaal. Nous pourrions en profiter pour creuser nos investigations là bas. »

«  Tu t'es vraiment attaché à eux n'est ce pas? Ils doivent être des gens biens derrière leur exotisme déconcertant. »




Grignotant ses dattes, Célestin sourit. « Oui... » Son regard se perdit dans le vague un instant, comme plongé dans ses réflexions. « C'est assez incroyable d'ailleurs. Je ne les connais que depuis peu, mais... Je ne sais pas... Ils sont touchants, tous les deux. Et puis, c'est peut-être aussi le fait d'avoir affronté des dangers ensemble... »

Il reporta son attention sur son amie. « En tout cas, merci pour ce que tu fais pour eux. Si nous pouvons continuer à les aider à Katapesh, ou à Solku... Ce serait bien. Bhaal, malgré ses airs durs, est un bon gars. Je crois qu'il a vraiment évolué au contact d'Alia, et dans le bon sens. »

Il semblait chercher ses mots, quelque peu hésitant. « Je crois qu'il mérite amplement la chance qu'offre Sarenrae de devenir meilleur. Et pour cela, il a besoin de réponses, sur ce qu'il est et d'où il vient notamment. »

Il soupira, et posa sa tête sur l'épaule d'Almah. « Quant à Jyll... » Il eut un léger sourire. « Elle aussi, elle a besoin de réponses. Quand elle m'a dit comment son don était venu... Par tous les saints ! Tu n'imagines pas les épreuves qu'elle a traversé. Ce don, qui paraît si beau de l'extérieur... Elle ne le comprend pas entièrement, et elle en a peur. Tu te rends compte ? L'un comme l'autre... Ils ont peur de ce qu'ils sont... Je ne peux pas les laisser comme ça, tu comprends ? »




Almah eut une moue presque dédaigneuse quand Célestin parla de Jyll mais se reprit vite, avant d'afficher une mine compatissante. Elle savait que si lui disait cela, c'est qu'il en était ainsi.

«  Nous ferons ce que nous pourrons pour elle, pour vous deux, tu as ma parole. Quand à Bhaal, oui, je te confirme, pour l'avoir vu nous accompagnant ici, il a changé, en bien. Il n'était pas malfaisant mais on dirait qu'il... apprend la vie. Enfin non, il apprend tout ce qui dans la vie ne se joue pas avec des armes. C'est une chance qu'ils se forgeront un avis entre un gant de velours comme le tien et une poigne étouffante comme celle de Nemlak. Nous avons assez eu tous les deux d'occasions d'apprendre que la bonté ne suffit pas à mener le monde vers plus de justesse. Malheureusement. »




Avec les derniers mots de la princesse, le regard de Célestin s'assombrit, se fit plus lointain. C'est d'une voix faible, presque étouffée, qu'il lui demanda : « Dis, Almah chérie... Tu penses encore à eux, parfois, n'est-ce pas ? »

Calé contre l'épaule de celle-ci, il poursuivit, sachant pertinemment quelle était la réponse. « Moi aussi, parfois... J'aurais aimé qu'ils soient là, pour voir notre réussite. TA réussite. Ils auraient été fiers de toi. Tous les quatre... »




Les mots sortaient de la bouche d'Almah sans qu'elle ait prononcé le moindre son. C'était comme s'ils conversaient tous les deux, sans remuer les lèvres. Ils savaient. Ils savaient tout ce qu'il y avait à dire, et à taire, sur le sujet. Almah se blottit contre Célestin dans une proximité physique et de pensée à en faire rougir beaucoup de femmes, et d'hommes. Quand toutes ses pensées refoulées lui revinrent en tête, elle serra encore plus fortement alors que les larmes n'arrêtaient pas de couler. Il fallut quelques minutes pour faire de ce visage misérable un sourire éclatant.

Elle se recula en le tenant, comme pour mieux le contempler. «  Merci, merci d'être toujours là mon choux... »




Célestin était resté silencieux et avait pris Almah dans ses bras, la serrant contre lui. Ses yeux s'humidifièrent, et les larmes ne tardèrent pas à couler sur ses joues, sans qu'il cherche à les retenir. Il berça un peu son amie, sans un mot. Il n'y avait rien à dire, et quand bien même l'aurait-il voulu, il ne l'aurait pu : sa gorge était trop nouée pour exprimer le moindre son.
Ils avaient tous deux perdu leurs deux frères, à quelques années d'intervalle, de façon aussi brutale que subite. Chacun s'était rapproché de l'autre, cherchant du réconfort, et la complicité fraternelle perdue. Ils n'étaient encore que des enfants à cette époque. Mais si le temps était passé, la peine était toujours présente, bien enfouie dans leurs cœurs.

Après quelques minutes de silence, seulement troublé par leurs sanglots, il inspira profondément, ravala la douleur, l'envoyant de nouveau au plus profond de son être. Il regarda sa sœur de cœur, et lui sourit en retour. « Je te l'ai promis il y a des années, par deux fois, et je l'ai refait récemment : je serai toujours là pour toi. » Il passa son pouce sur chacune des joues de sa princesse afin d'y ôter les sillons de larmes encore humides. « Et si je peux quoi que ce soit pour toi... N'hésite pas... »




Elle le dévisagea longuement avant d'ajouter en souriant : «  Ne changeons rien, tout simplement.  »

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Offline Guigui.  
#48 Envoyé le : samedi 31 décembre 2016 13:24:45(UTC)
Guigui
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Nemlak : discussion avec les marchands


14 Desnus 4709 : l'arène marchande, après-midi


Nemlak convoca les trois marchands dans la petite pièce qui lui servait actuellement de chambre. Bien qu'ils aient été dans la cité pendant un certain temps, ils semblaient découvrir la pièce. Le Garundi prit la parole. « J'espère que vous êtes content, Nemlak, la cité a été reprise. Vous souhaitiez nous voir en même temps, nous sommes là. Que voulez-vous ? »



« Reprise ? Oui. Libérée, non. » Répondit Nemlak.
« Mais je réfléchis à demain. Demain lorsque la cité sera réellement libérée et que les fonds promis par les Maîtres du Pacte viendront aider à sa reconstruction, il nous faudra nous organiser pour faciliter l'économie de cette cité.
Vous avez fait le bon choix, et pour cela je vous suis aussi reconnaissant que vous l'êtes envers moi. Mais cette reconnaissance est désormais derrière nous. Ce qu'il me faut, c'est votre promesse que vous m'aiderez à reconstruire, honnêtement, la cité et son économie.
Tout comme vous, j'ai des contacts. Aux Étalages de Nuit comme ailleurs. Mais je suis seul et votre soutien m'est aussi nécessaire que le mien pour vous. Les champs de Pesh s'étendent à perte de vue ici, et lorsque mon père travaillait à leur vente, il y avait du travail pour tout le monde. Je veux voir ces champs retrouver leurs travailleurs, je veux recréer l'industrie florissante du pesh et vous allez m'y aider.
Je compte aussi sur Undrella pour trouver un affinage spécifique au Pesh de Kelmarane, quelque chose qui le rende unique.
Votre rôle sera donc de recruter des travailleurs, de trouver des débouchés, des revendeurs pour le Pesh. Je m'assurerai auprès de la Princesse que vous serez exemptés de taxe pour un certain temps et pour vous obtenir des patentes vous permettant d'ouvrir des magasins vendant diverses affaires. Le but est ici que chacun s'enrichisse, mais aussi que la cité reprenne vie. Qu'en pensez vous ? »




« Votre père ? » dit la femme, Kalyx.

« On n'est jamais contre un enrichissement, si en plus il peut être légal et important, ça nous enlève bien des soucis, » répondit Gorundal.
« Vous vous y connaissez vraiment bien en pesh? Il faudra faire surveiller et défendre la récolte, bien le cultiver, la concurrence sera féroce. Mais vous dites vrai, Undrella pourrait certainement nous aider, d'autant qu'elle s'intéresse vraiment à l'alchimie, et pas trop à l'argent. On pourrait avoir ses services pour peu cher. Quel serait votre rôle et votre commission dans tout ça ? »



Nemlak sourit à la dernière remarque et répondit : « mon père était un marchand de pesh ici, à Kelmarane, avant sa prise par les gnolls. J'ai un peu appris de lui et de ma mère qui s'occupait des finances. Mais je suis parti à Katapesh avant les événements, pour y suivre mes études en magie.
Je connais suffisamment le commerce pour savoir comment protéger mes biens et je saurai convaincre la princesse de faire protéger les champs par la nouvelle garde de la cité.
Comme vous vous en doutez sûrement, je ne pense pas m'occuper moi-même de la culture du pesh mais je serai derrière vous pour aplanir les difficultés et m'occuper de ceux qui nous mettront des bâtons dans les roues. Je sais naviguer en eaux troubles et je vous assure que ceux qui s'opposeront à moi le paieront très cher...
Pour ce qui est de ma commission, je ne serai pas gourmand. Je propose de prendre cinq pour cent des bénéfices sur les deux premières années. Le temps que le commerce se mette en place, après, selon les difficultés rencontrées, ma part ira en augmentant et nous renégocierons.
Je vous l'ai dit, je veux voir la cité revivre et reprendre sa place au sein du Katapesh. »




Les trois marchands semblèrent frissonner un instant de joie avant de rapidement se reprendre. Les deux en retrait firent un signe de tête à Gorundal, qui afficha un grand sourire. « C'est un tarif fort raisonnable, ça sera un plaisir de relancer ce commerce dans la région. Nous mettrons tous nos contacts à cet ouvrage. Nous avons l'oreille et la parole dans les pays voisins également, nous devrions pouvoir organiser de grandes choses avec le temps. Je ne savais pas pour votre père. Vous m'en voyez navré. » De façon étonnante, ou bien jouée, il semblait sincère.
« Je pense que les gnolls reviendront par ici tenter de reprendre la cité. La princesse fait bien de ne rien ébruiter tant que davantage de gardes ne sont pas là. Pour son âge, elle semble assez raisonnable. »



De son ton froid et presque sans âme, Nemlak répondit : « je sais être raisonnable, mais je détesterais trouver sur mon chemin des gens qui ne le sont pas... » Après un silence faisant bien comprendre à ses interlocuteurs qu'il n'était pas homme, ou plutôt demi-orque, à doubler il reprit normalement. « Le passé est le passé, inutile de s'attarder dessus. Je vous l'ai dit, ce qui compte, c'est l'avenir. Si vous savez vous y faire et être raisonnable, nous serons tous riches et Kelmarane le redeviendra elle aussi.
Pour ce qui est des gnolls, vous n'avez pas tort. Mais c'est aussi un point sur lequel nous devrons travailler. Je ne sais pas quelles sont les intentions du Roi Charognard, mais je ne suis pas certain que toutes les tribus soient à sa botte. Nous pourrons certainement travailler avec certaines. Je parle suffisamment bien le gnoll pour me faire comprendre d'eux et je sais que l'intimidation est ce qui fonctionne le mieux sur eux. »
Il rajouta dans un sourire amusé : « de plus, comme Bhaal restera ici à cause d'Alia, il ne pourra dominer sa nature qu'en prenant part à la protection de la cité ! Je plein les gnolls qui oseront se mesurer à lui.
A moins que le Roi Charognard ne prenne ombrage de la cité et regroupe ses tribus, je pense que nous avons quelques années avant qu'il ne décide de descendre de sa montagne. »




Les marchands semblaient moins remplis de certitudes que Nemlak.
« Il faudrait se renseigner sur ces gnolls, » dit Gorundal. « Le barman survivant ici pourrait nous aider. Il ne sera jamais l'un des individus les plus loyaux mais à l'inverse il sait reconnaître où est son intérêt, c'est certainement pour ça qu'il n'est pas intervenu dans les combats. »

« Faut dire quand il ne te reste qu'un œil, tu y tiens doublement, » plaisanta Kalyx. Ils se mirent à rire.

« Il faudra aussi mener une expédition pour chasser les rôdeurs des sables qui rôdent dans les champs. Je sais qu'il y en a, mais je ne sais pas combien. »



Nemlak réfléchit un instant avant de répondre. « C'est une bonne idée. Je ne savais pas s'il avait été passé par le fil de l'épée ou s'il faisait partie des prisonniers. J'irai l'interroger personnellement et s'il se révèle être un allié, je lui offrirai la liberté et la possibilité de rester en ville. Tout individu doit être jugé selon sa qualité, non selon sa race. »

Il s'arrêta un instant comme pour réfléchir à un autre sujet et reprit. « Oui, les rôdeurs des sables sont un vrai problème. Mais apparemment, on peut les attirer en frappant le sol. J'ai vu les gnolls le faire. En entraînant des équipes, nous devrions être en mesure de nous en débarrasser et même trouver des gens pour les chasser avec régularité.
D'une pierre deux coups, non ? »




Gorundal ricana un instant. « Comme vous dites, Nemlak. Vous ne semblez pas manquer de projets, d'idées, et de moyens de les mettre en œuvre. Difficile de dire si c'est un sacrilège que vous ayez été si longtemps enfermé dans des bibliothèques ou si c'est précisément ce qui fait de vous ce que vous êtes devenu. J'en viens à une franche question pour laquelle vous semblez être l'homme nécessaire, qui ira droit au but : y a t'il des gens dont on doit se méfier dans votre caravane ? »



Nemlak eu un fin sourire à la remarque de Gorundal. Il réfléchit quelques instants à la question de l'homme, passant en revue chaque personne de la caravane. « Non, je ne crois pas. Mais je m'assurerai que cela ne soit de toute façon pas le cas. J'ai l'oreille de la princesse et si l'un d'entre eux présente un problème, ce ne sera pas pour très longtemps. »



Les marchands semblaient satisfaits d'avoir trouvé un allié de poids. Le kéléshite qui n'avait pas encore dit un mot avança d'un pas et prit la parole. « Y a-t-il quelque chose que nous pourrions faire ou vous dénicher en cadeau de bienvenue dans notre cercle ? »

Gorundal renchérit par dessus : « ah oui, ça m'y fait penser, il faudra réfléchir à un nom et des statuts, si l'on démarre une entreprise officielle, il nous faudra créer une guilde. »



Nemlak sourit. « La Guilde des Libérateurs ou la Guilde du Renouveau. Cela me semble bien comme noms.
Pour ce qui est de mon cadeau, nous en parlerons une fois la ville définitivement libérée, à moins que vous ayez un objet intéressant dans votre stock ? »




« Pas vraiment, » répondit Kalyx, « les gnolls d'ici n'étaient pas les rois du commerce. Nous verrons donc cela le moment venu. »

« La Guilde du Pesh Libérateur, » fit Gorundal en souriant.



« C'est un nom qui me convient, » dit Nemlak présentant sa main pour sceller leur accord.



Chacun leur tour, ils approchèrent leur main de celle de Nemlak, l'air satisfait. Les gens autour buvaient et riaient mais, comme toujours au Katapesh, le chat fait des affaires pendant que les souris dansent.

Modifié par un utilisateur samedi 31 décembre 2016 13:52:21(UTC)  | Raison: Non indiquée

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Le combat à allonge
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#49 Envoyé le : samedi 14 janvier 2017 14:45:42(UTC)
Guigui
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Nemlak et Undrella : la lettre volée


15 Desnus 4709 : l'arène marchande, fin de soirée


près avoir fêté sa victoire auprès des mercenaires et marchands dans l'arène, Nemlak se rendit dans le laboratoire d'Undrella afin de lui parler. Elle était à l'étage, travaillant sur l'Infusium, occupée à transvider un contenu couleur d'urine dans une grande fiole au contenu bleu, qui se mit à produire des vapeurs abondantes quand les fluides se mélangèrent.
Elle leva les yeux vers l'arrivant, reposant délicatement ses outils du moment.



« Bonjour Undrella. Je viens t'apporter personnellement la nouvelle de la destruction de la bête qui hantait les sous-sols de la cité. Sa libération est donc désormais complète. Je réitère mes sincères remerciements pour m'avoir fait confiance et organisé la révolte au sein de l'arène. »

Après une petite pause il reprit, sourire aux lèvres : « mais je ne viens pas que pour cela : j'ai un service à te demander, ainsi qu'une proposition.
Le premier m'est personnel. J'ai retrouvé ce bout de papier. »
Il extirpa la lettre ensanglantée. « J'ai pu y déchiffrer mon nom et, étant donné que je l'ai découvert sur le cadavre de celui qui fut mon père, j'en conclus qu'il avait été rédigé à mon intention. Malheureusement, les années et les circonstances ont fait qu'il est devenu illisible. Je me suis donc dit qu'au vu de tes connaissances en alchimie, tu serais en mesure de le rendre suffisamment propre à la lecture.

En parlant de tes talents alchimiques, j'en viens à ma proposition : je compte relancer l'économie du pesh ici, à Kelmanare. Les marchands sont prêts à investir dans cette aventure mais il me manque une personne de confiance et de talent pour nous aider à améliorer la production. J'ai quelques connaissances, mais je manque clairement d'aptitude au raffinage et je me demandais si tu étais intéressée pour nous rejoindre et apporter tes talents d'alchimiste pour améliorer la future production, et même t'occuper de son raffinage afin que ce qui rapporte le plus dans ce commerce soit sous notre contrôle et qu'un avantage qualitatif nous donne ce petit cachet supplémentaire qui fait la différence sur les marchés difficiles comme celui du pesh raffiné. Qu'en dis-tu ? »




La harpie sembla étonnamment empathique aux révélations de Nemlak. Pas au point d'une larmoyante sarénite, mais bien plus que ce qu'on pourrait attendre d'une harpie.
« Oui, je vais m'occuper de ça dans les prochains jours, j'y passerai mes matinées.
Pour l'autre proposition... Si ça prend pas toutes mes journées et que je peux continuer à travailler à la tannerie et ici, c'est d'accord. Je n'ai pas beaucoup travaillé sur le pesh, c'est un défi intéressant. »
Le défi, plus encore que l'argent, semblait avoir donné tout son intérêt à la proposition de Nemlak.
« Vous allez restez ici alors, toi et les sauveurs ? »



« Je te remercie, Undrella, » dit sincèrement Nemlak à la harpie avant de lui répondre : « oui, mon but en venant ici a toujours été double : venger mes parents et m'installer pour y poursuivre leur œuvre. Quant à mes camarades, je pense qu'ils s'installeront aussi ici. Leur ancienne condition et leur nouveau statut feront qu'ils auront tout intérêt à rester ici, où ils seront vus comme les sauveurs de la cité plutôt que comme des parias de par leurs origines.
Pour ce qui est de la quantité de travail nécessaire à l'affinage du pesh, je n'ai pas vraiment d'idée du temps que cela pourra te prendre mais oui, le but n'est pas de t'empêcher de travailler ici et à ta tannerie, bien au contraire. Je suis certain que les expériences que tu mènes ici seront d'une grande aide pour notre projet commun.
Tu parles de sauveur, mais tu en fais aussi parti Undrella. Sans ton aide, nous n'aurions jamais pu prendre si facilement l'arène. Soit fière de tes actions. »




La harpie, comme Nemlak, semblait aimer les compliments et sollicitations mais n'y était pas habituée, et ne savait vraisemblablement pas comment y répondre.
« J'essaie de ne pas tomber dans la facilité de ma culture ni la naïveté des humains. D'ailleurs, fais attention à tes nouveaux associés, qui sont aussi les miens. Ils ont l'air loyaux entre eux car ils se connaissent depuis longtemps, mais ils sont très opportunistes, il faudra serrer la vis pour s'assurer qu'ils ne basculent pas. »



« Je te remercie de tes conseils, Undrella. Mais je peux te rassurer sur ce point, je suis en position de force et ils le savent. La princesse est mon amie, pas la leur, et ils auraient plus à perdre qu'à gagner à me trahir. Mais tu as raison d'être prudente, nous ne sommes jamais mieux servis que par nous-mêmes. Cependant, je crois aussi en l'adage selon lequel l'union fait la force. Seuls, nous ne sommes rien. Mais il faut savoir choisir ses amis et alliés. Qu'en penses-tu ? »



« J'en pense que la prise de cette arène le confirme. Ce que j'espère maintenant, c'est que les gnolls vont se désintéresser de Kelmarane et ne pas chercher de revanche. Qu'on puisse rapidement passer à autre chose. Ça va être étrange de voir ce lieu se peupler, et de voir autant d'humains. » Son poil se hérissa à cette pensée.



Nemlak sourit à la dernière remarque d'Undrella. « Ne t'inquiète pas pour cela. La présence de Bhaal devrait faire réfléchir les humains à critiquer les non-humains. Et même si je suis moi-même à moitié humain, j'ai souvent été traité comme moins que rien de par mes origines orques. Ceux qui m'ont sous-estimé s'en sont plus tard mordu les doigts. En tout cas, ceux qui leur restaient... » Dit avec un sourire mauvais le demi-orque, avant de rajouter : « s'il t'arrive quoi que ce soit, j'espère que tu n'hésiteras pas à venir me trouver. Ceux qui cherchent des ennuis à mes amis m'en cherchent aussi. »



« La seule personne, ou chose si j'ai bien suivi, qui m'a fait du mal, est un problème réglé. Mais je prends bonne note. Si jamais vous avez besoin avec les autres, je peux vous faire des potions pour pas trop cher, c'est-à-dire ce que ça me coûte de les créer. Ouais, cet homme musclé et rouge comme le sang devrait dissuader les actes et paroles ouvertement racistes ici.
Ton père, il vendait du pesh ici, c'est ça ? »




« Oui, c'était l'un des principaux vendeurs de la ville. Malgré ses origines et son passé de mercenaire, il s'était installé ici et, notamment grâce à ma mère, il s'était taillé une belle part du marché local avant que la ville ne tombe sous la coupe de la créature enfermée dans ses sous-sols. »



« Tu pourras me donner leur nom ? Je pourrais peut-être chercher en ville, dans les ruines, si je trouve quelque chose. »



« Craagl, c'était le nom de mon père. Il faisait partit du Conseil des Marchands avant la chute de la ville... Ma mère, elle s'appelait Akilah, » répondit Nemlak, ses pensées un instant en suspens. « Merci, en tout cas. »



« De rien. Donne-moi cette lettre, je vais commencer à voir dans quoi la tremper sans l'abîmer davantage, » dit-elle en tendant sa main griffue.



Nemak lui remit la lettre ensanglantée.



Elle constata l'état de la lettre, et Nemlak put observer qu'elle s'appliquait à ne pas l'abîmer, la plaçant immédiatement entre deux papyrus qu'elle attrapa avec son autre main.
« Je vais finir ma potion avant de me lancer là-dedans pour qu'elle ait toute mon attention, si je ne finis pas mon travail avant, la solution sera instable et dangereuse. »



« Aucun problème, Undrella. Je te fais entièrement confiance pour faire ce qui est nécessaire. »
Il avança sa main pour serrer la sienne.

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#50 Envoyé le : dimanche 15 janvier 2017 00:19:08(UTC)
Guigui
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Nemlak et Zastoran : charité bien ordonnée...


16 Desnus 4709, Kelmarane, après-midi



Quelqu'un toqua à la porte de la chambre de Nemlak, sans qu'aucune visite n'ait été programmée. Il reconnut rapidement le timbre de voix fatigué et le débit lent de l'homme âgé. « Nemlak, auriez vous un instant à me consacrer? »



« Entrez, mon Père, » répondit Nemlak, intrigué que le Père Zastoran vienne le voir.



Le Père Zastoran entra, réajustant d'une main sa robe d'érudit orange et rouge tout en s'éclaircissant la voix, gonflant la poitrine pour se placer droit comme un piquet.
« J'ai cru comprendre que vous souhaitiez faire quelque chose du Temple de l'Oeil-qui-voit-tout. Si cela était possible, j'aimerais le visiter. Je ne suis pas pressé, cela pourrait attendre, même si la princesse est prête à me confier les Lames des Sables pour avoir une escorte. Si il y a des secrets ou des choses à cacher, je pourrais vous aider à ce que cela reste ainsi en soufflant à l'oreille de la princesse ce qu'il faut en faire... Ou ne pas en faire. Vous vouliez y fonder une école ? »



Nemlak darda son regard scrutateur sur le prêtre de Néthys, prenant son temps pour répondre dans un demi-sourire. « Je serais ravi de vous y accompagner, Père Zastoran, et de vous y faire faire le tour du propriétaire. C'est un lieu ancien, qui déjà pendant mon enfance avait été abandonné par ceux qui l'avaient érigé. Il ne reste plus que les sous-sols, mais ils renferment encore le savoir de Néthys, son côté destructeur. Par un caprice du destin, il semblerait que la partie bénéfique de Néthys n'ait pas résisté au temps qui passe...

Mais pour répondre à votre question, oui, je compte y ouvrir une école. Je ne suis pas forcément le meilleur des professeurs, mais pour que Kelmarane soit une cité digne de ce nom, elle se doit de posséder sa propre école de magie. Sa place éloignée n'y fera venir que les plus déterminés. Mais pourquoi cette question ? »




Le sourire du prêtre était chaleureux bien qu'à n'en point douter pour Nemlak, il devait être plus filou qu'il ne ne laissait paraître. « Oh, malgré mes membres flasques et mon cœur fatigué, je reste un prêtre de Nethys. C'est un projet intéressant qui me tient à cœur. Je pensais ce temple affabulation, ça sera un honneur que de le visiter à mon grand âge. C'est cet âge qui m'offre encore pas mal de relations, dans le clergé et par le clergé. Je pourrais vous aider à ouvrir cette académie, à y faire lever des fonds et venir des professeurs... Une fois que la chose sera claire dans votre esprit, qu'il sera temps, et que le lieu sera entièrement fouillé, évidemment. Il ne faut rien précipiter. »



Nemlak renforça son sourire et répondit : « toute l'aide que vous pourrez m'apporter dans ce projet sera acceptée avec gratitude, mon Père. Étant un ancien temple de votre dieu, il me semble acceptable que vous le découvriez à votre tour. Même si les légendes qui entourent ce lieu sont quelque peu folkloriques, il en reste une part de vérité que je pourrais vous montrer.

Mais allons droit au but mon Père. Les suivants de Néhys ayant déserté ce lieu il y a plusieurs décennies, voire plusieurs siècles, quelle contrepartie attendez-vous de votre aide et de celles de vos collègues ? »




« À mon âge, la simple découverte et la possibilité d'y continuer des recherches seraient déjà une grande compensation. Mes réseaux ne m'aideront pas une fois devant Pharasma, autant qu'ils servent de mon vivant. Je n'apprécie pas trop cette harpie mais il y a peut-être même un moyen de faire une antenne alchimique.
Quant à mes amis et contacts, c'est une très bonne question, je suppose qu'ils auront un intérêt pour ce lieu allant de l'espoir jusqu'au désintérêt. Il est difficile de leur prêter un prix mais je ne manquerai pas de leur demander ou de vous mettre en contact avec eux. J'ai encore pas mal d'amis à Katapesh, à Solku, et même en Osirion. »




Nemlak réfléchit quelques secondes à la proposition du vieux prêtre et répondit : « Ppour faire revivre et grandir Kelmarane, toute aide est la bienvenue, d'où qu'elle vienne et quelle que soit la créature responsable. Ne faisons pas l'erreur de rejeter l'autre parce qu'il est différent, mon Père. Ce sont nos différences qui nous font grandir et j'espère que c'est dans cet esprit que cette école verra le jour. Seul les meilleurs y seront acceptés, quelles que soit leurs ressources. Un pourcentage du revenu des parents sera exigé, ainsi chacun pourra payer selon ses moyens.
Si vous êtes en accord avec ces principes, vous êtes le bienvenu. Cela sera vrai également pour vos amis. »




À dessein ou non, le demi-orque avait perturbé le dévôt. « Je trouve l'idée excellente, je ne vous savais pas si charitable, non... Si équitable. Certains y seront sensibles, d'autres sont dignes du Katapesh, ils seront plus enclins à écouter le bruit des pièces ou d'autres paiements. Dès qu'il y aura le nécessaire ici, j'enverrai quelques courriers, notre faucon est trop précieux pour que je le risque maintenant. Merci à vous Nemlak, si vous n'avez pas besoin de moi, je vais me retirer et vous laisser étudier. »



« Charitable, certainement pas, équitable pas vraiment. Mais je veux les meilleurs dans mon école et je ne veux pas d'inutiles, ou de sangsues. Mon expérience m'a apprise que les apparences sont souvent trompeuses et que la richesse des parents d'un enfant n'est pas gage de sa capacité à maîtriser l'Art. »

Nemlak se leva et bien qu'il n'était pas vraiment plus grand que le prêtre de Néthys, sa présence semblait presque effacer celle de ce dernier. Il tendit sa main et rajouta : « merci, dans tout les cas, pour votre proposition, et rassurez nos potentiels associés que cette école ne fera pas la charité. »




Zastoran ricana aux explications de Nemlak. « Je me disais bien que cela ne vous aurait pas ressemblé. Vous avez raison, si la ville doit redevenir prestigieuse, il faut des candidats à sa hauteur. Bonne journée à vous, pratiquant de l'Art. »
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#51 Envoyé le : samedi 21 janvier 2017 14:07:13(UTC)
Guigui
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Alia et Bhaal : les choses qu'on fait par amour...


16 Desnus 4709, Kelmarane, tard dans la soirée


près avoir pris congé de la princesse et de leurs amis, Alia et Bhaal ne purent différer la visite de leur future maison. Ils sortirent de l'arène en saluant ceux qu'ils croisaient, mais sans engager la conversation tant ils étaient impatients de voir de leur yeux ce qui, il y a peu de temps encore, avait été pour eux deux un rêve inatteignable.

Arrivés près de l'eau, à l'endroit indiqué, ils virent se dresser dans la nuit une imposante masse de pierre, si imposante qu'ils crurent un moment s'être trompés. Ils dépassèrent l'endroit mais, ne trouvant rien au-delà, durent se rendre à l'évidence : c'était bien là leur maison, une belle bâtisse pourvue d'un étage avec un perron à colonnades, entourée d'un champ de pierres et de morceaux de maçonnerie dispersés sans ordre. Devant et sur les côtés, se dressaient les ruines de l'ancien marché aux esclaves, murs effondrés ou encore semi-dressés, mais rien qui ne pouvait rivaliser, pour ce qui était de l'état et de la hauteur, avec la maison que les ravages du temps semblaient avoir assez généreusement épargnée.

« La vache ! » Souffla Bhaal, « je pensais qu'elle nous offrirait une maison... Pas un palais ! » Le géant rouge semblait presque gêné, voire effrayé, par la taille de la bâtisse qui, bien que spacieuse, n'était après tout qu'une jolie maison de maître de taille moyenne. Mais pour les deux anciens esclaves, tout ce qui dépassait la taille d'une cellule prenait rapidement, à leur yeux, des proportions gigantesques.



Alia restait muette devant la bâtisse, la bouche ouverte de stupeur. C'était immense. Elle avait vécu dans des endroits gigantesques, des maisons qui s'apparentaient à des palais mais, dans celles-ci, la chambre qu'elle occupait ne lui appartenait pas, elle pouvait en changer selon l'humeur du maître et n'importe qui pouvait y entrer. La demeure devant laquelle ils se trouvaient était à eux, entièrement, et pas seulement une chambre. Une peur insidieuse l'envahit rapidement : c'était trop grand.

« C'est trop grand... Comment on entretient un tel endroit ? Comment on le garde propre ? Comment on le meuble ? Comment on... » Elle regarda son amant, désespérée, la respiration courte, les yeux affolés. « Je ne saurais jamais... je ne sais pas... Comment on fait ? »



Bhaal baissa les yeux vers ceux de sa bien-aimée et il y lut la même peur que celle qu'il ressentait. C'était trop grand, ça allait être trop vide, vide comme leur vie désormais, vide de peur, vide de souffrance, vide d'ordres et de contraintes. La liberté et la richesse qu'on leur avait offert prenaient soudain l'apparence d'une immense vacuité.

Il s'empressa de serrer Alia dans ses bras, autant pour elle que pour lui-même. Une fois encore, les paroles moqueuses de Nemlak résonnèrent dans son esprit et, à mesure qu'il réfléchissait, sa peur se transforma en énervement, puis en colère.

« Non ! » Son cri roula dans le silence de la nuit sur les murs à demi-effondrés. « On ne va pas se laisser abattre, bordel. On ne doit pas. On n'a pas tué tous ces gnolls et ces monstres, on n'a pas traversé tout ça pour finir incapables d'habiter une maison, ça n'a pas de sens ! » Protesta-t-il.



Alia s'était blottie dans les bras de Bhaal lorsqu'il la serra contre lui, la tête collée contre son torse. Elle entendait les battements de son cœur, aussi rapides que les siens, et elle avait l'impression qu'il tremblait légèrement. Il semblait aussi effrayé qu'elle et cela l'inquiéta d'autant plus. Depuis leur rencontre, elle puisait en lui le courage qui lui faisait souvent défaut, qu'allait-elle faire si elle ne le pouvait plus ?

Puis il cria de colère et elle leva le visage pour plonger ses yeux dans les siens. Il y avait maintenant une lueur farouche qui la rassura. Il s'était repris et elle sentit sa peur refluer doucement. Elle hocha la tête pensive. Ils avaient tellement voulu cette maison, et maintenant ils avaient peur parce qu'elle était trop grande ? Que voulait-elle ? Renoncer et la refuser ? Hors de question. Il n'y avait aucune hésitation quand elle rejeta l'idée de la rendre.

La peur n'avait pas totalement disparu mais elle pouvait maintenant respirer librement. « Ça n'a pas de sens, c'est vrai. Nous sommes effrayés par une maison. » Elle sourit nerveusement au gladiateur. Elle ne l'avait pas dit, mais ils savaient tous les deux qu'il ne s'agissait pas vraiment de la maison dont il était question, mais bien de la liberté. Elle reprit pourtant. « Je demanderai à Célestin, je suis certaine que Célestin saura nous aider pour meubler et entretenir un tel endroit. »



« Oui, ma belle, » sourit le géant rouge, « et je crois même que tu n'auras pas besoin de lui demander. Rien ne peut arrêter le P'tit biquet quand il s'agit de décorer quelque chose. »
Mais son sourire disparut et une ombre passa sur son visage tandis qu'il levait à nouveau les yeux vers la bâtisse. Alia perçut son trouble et l'interrogea du regard. « Je... C'est rien. C'est juste que je viens de penser à quelque chose d'horrible. Pour entretenir une baraque comme ça sans y passer ses journées, il faut... » Il hésita à conclure. « Il faut des esclaves... » Et la boucle était bouclée.



Alia blêmit. L'esclavage n'allait pas disparaître, elle le savait bien, il était nécessaire à la grandeur d'un pays et de sa noblesse mais... Elle ne s'était jamais imaginé en maîtresse d'esclave. Accepterait-elle de posséder des esclaves ?

« Non... je ne pourrais pas. » Elle s'était répondue à voix haute sans même faire attention. « Je ne pourrai pas acheter et utiliser des esclaves, c'est impossible. » Une nouvelle vague de peur l'envahit faisant trembler son corps. « Bhaal... je ne pourrais pas... je suis désolée mais je ne pourrais pas. » Les larmes avaient envahi ses yeux alors qu'elle regardait son homme et semblait à deux doigts d'éclater en sanglots.



« Hé, tout doux ma belle ! » S'écria Bhaal lorsqu'il vit dans quelles affres sa réflexion avait plongé sa bien-aimée, « j'ai pas dit qu'on allait avoir des esclaves ! Je ne pourrai pas, moi non plus. Plus maintenant. Mais il nous faudra bien quelqu'un pour nous aider à gérer tout ce fatras. » Il passa doucement le dos de son index sur les yeux de la jeune fille pour en sécher les larmes. « Le mieux serait peut-être d'acheter une esclave et de l'affranchir. Elle habiterait ici et s'occuperait de la baraque. Pas une boniche, tu vois, plutôt... Une gouvernante. Elle aurait le gîte et le couvert et on lui verserait un salaire... Et elle pourrait partir quand elle voudrait si elle en a marre de nous. »

Il laissa s'installer le silence un instant et sembla réfléchir à sa propre idée. Imperceptiblement, un nouveau sourire naquit au coin de ses lèvres et ses yeux se mirent à briller de malice. « Et il la faudra pas trop jolie, parce que si tu me prends à mater son cul pendant qu'elle fait les sols, je ne donne pas cher de ma peau... »



Encore sous l'effet de l'angoisse éprouvée, elle ne comprit pas le trait d'humour et c'est sérieusement qu'elle répondit. « Si... si tu veux aller avec une autre femme parce que tu t'es lassé de moi, je comprendrais, Bhaal. Je ne te ferai pas de scène mais je pourrais pas rester avec toi. Je ne t'en voudrais pas. » Elle essaya de sourire avec difficulté.



« Hein ? » Répliqua le géant, complètement perdu, « mais... mais non ! Enfin, je... C'était pour te faire rire ! Oh... Je suis désolé, c'était pas très drôle... » Plaida-t-il, navré, avant de prendre une grande inspiration et d'essayer de rassembler ses mots. La jeune fille n'était pas dans son état normal, et ce n'était pas de blagues potaches dont elle avait besoin. Il l'enlaça de ses grands bras et attira sa tête contre son torse en lui caressant doucement les cheveux. « Il n'y a pas d'autre femme, mon amour. Il n'y aura jamais d'autre femme. Tu es la seule femme. Tu es toutes les femmes. Je suis à toi pour toujours. Je veux te marier, je veux... » Il s'interrompit, stupéfait par ses propres mots.



Blottie contre le torse puissant du gladiateur, Alia se laissait consoler, elle ne savait plus où elle en était et essayait de retrouver ses esprits. L'odeur virile de la peau mélangée à celle du cuir de sa tenue rassurait la danseuse et la voix grave achevait de la réconforter jusqu'à ce qu'il s'interrompe brutalement. Elle se figea, abasourdie. Avait-il dit ce qu'elle avait cru entendre ?

Elle releva lentement le visage jusqu'à planter son regard dans le sien, les yeux pleins de questions puis elle posa la plus importante. « Qu'as-tu dit ? Tu veux me... tu veux que toi et moi, on... se marie ? » Elle avait presque chuchoté le dernier mot, comme s'il était si important qu'il ne pouvait être dit à voix haute, comme si elle ne pouvait y croire, que le mot ne pouvait pas la concerner.



Tour à tour, espoirs, émotions et peurs se bousculaient sous le crâne du gladiateur. Quel abruti ! Par les cornes du Grand Cornu, qu'est-ce qui t'as pris, Bhaal Unramat ? Les mots étaient sortis de sa bouche aussi naturellement que l'air qu'il expirait à chaque respiration, et maintenant il regrettait amèrement sa folie. Et si elle disait non ? Et si c'était trop tôt ? Et si...

« Euh... Ben oui, on a le droit maintenant, » bredouilla-t-il, « enfin, si tu veux... Je veux dire, si c'est pas trop tôt, hein... Tu veux peut-être réfléchir... On a le temps, maintenant. Ou peut-être que le mariage c'est pas ton truc. C'est pas grave, hein ! Moi ça me va. C'était juste une idée comme ça. Enfin, non, c'est pas une... Ah, merde ! » Finit-il par jurer, furieux de sa maladresse. Décidément, ce soir il ratait tout.

Rassemblant ses forces et son courage, il prit une grande inspiration et mit un genou en terre. Levant les yeux vers son aimée, il lui prit la main gauche et déclara d'une voix solennelle. « Alia, je ne te connais que depuis quelques semaines et tu as changé ma vie. Tu m'as sauvé, mon amour, tu m'as sauvé de toutes les manières dont on peut être sauvé. Tu es la femme la plus merveilleuse du monde. Il me suffit de te regarder, de t'entendre, d'être simplement près de toi pour que le monde soit beau. Qu'importe la suite, qu'importe le destin, qu'importe Vardishal, je te voue ma vie et je te veux toute entière à moi. Prends mon nom, Alia, bien que ça ne soit même pas un vrai nom, et que tous nos maîtres aillent se faire foutre ! »



Alia regarda sans réagir Bhaal mettre genou à terre devant elle et elle l'écouta sans comprendre ce qu'il disait. Petit à petit, les mots perçèrent le brouillard de confusion dans lequel elle se trouvait et elle réalisa enfin ce qu'il se passait. Sans pouvoir s'en empêcher, elle éclata en sanglots.
Submergée par l'émotion, elle ne pouvait retenir ses larmes, elle tomba à genoux face au demi-démon qui la regardait avec appréhension et l'enlaça de toutes ses forces.
« Oui, mon amour ! Oh oui, oui. Je veux être ta femme, je suis à toi. »
Elle écrasa sa bouche sur celle de l'homme et l'embrassa avec fièvre. De longues secondes après, elle se détacha légèrement et le regarda dans les yeux en passant ses doigts sur le visage rouge de celui qu'elle aimait comme pour en apprendre le contour par cœur.
« C'est toi qui m'a sauvé, Bhaal, c'est toi qui me fais vivre, tu me rappelles tous les jours que j'existe. Avant toi, je n'étais rien, un simple bibelot, maintenant je sais que je suis Alia, je ne suis pas un objet, je ne suis pas Vardishal non plus. » Elle lui sourit, radieuse. « Je suis Alia Unramat... Alia Unramat. C'est un beau nom, qu'importe comment tu l'as eu, c'est le tien. Alia Unramat, ça sonne bien... Alia Unramat épouse de Bhaal Unramat... » Elle rit, heureuse, ses peurs oubliées pour un temps. « Alia Unramat. » Elle ne lassait pas de répéter son nouveau nom. Un nom ! Elle avait un nom ! « Alia Unramat. » Il roulait sur la langue comme s'il lui avait toujours été destiné.



Elle avait dit oui.

Ému aux larmes à son tour, Bhaal abandonna sa posture solennelle pour se mettre sur ses deux genoux et recevoir les baisers passionnés de sa compagne. Il s'abandonna dans cette étreinte, riant et pleurant à la fois, plongeant son regard brouillé par les larmes dans celui d'Alia. Elle avait dit oui.
« Oui, mon amour, c'est ton nom, et c'est un beau nom, » répéta-t-il, trop bouleversé pour pouvoir dire autre chose.
« Je... Je t'aime tellement... »

A ce moment précis, agenouillé dans le sable et les pierres au milieu des ruines, sous les étoiles, il eut l'impression exaltante et dérangeante qu'ils formaient tous deux le centre de l'univers. Les étoiles, le monde et tous ses habitants, tout tournait autour d'eux et de la passion dévorante et exclusive qui les précipitait l'un vers l'autre en un élan irrépressible. Il en suffoquait presque, la tête lui tournait, mais il riait, et il pleurait, et riait à nouveau. Il se rapprocha encore de la jeune fille, la serra contre lui à toute force, plaquant ses grandes mains sur ses épaules et dans son dos, lui broyant presque les côtes, cherchant sa bouche, goûtant sa peau, oubliant même de respirer. Il avait presque envie de la manger par amour.



La bouche du demi-démon dévorait celle de la jeune fille, dans un élan de passion, ses dents mordirent la peau féminine et une goutte écarlate perla, vite essuyée par les lèvres masculines. Alia sentit le goût ferreux de son propre sang sur sa langue et la fièvre la consuma plus fortement. C'était comme cela qu'elle l'aimait, sauvage, indomptable, libre... et tout à elle. Trop serrée entre les bras puissants du gladiateur, le souffle court, elle gémissait de désir.

Ses mains courraient déjà sur le corps de son amant, tirant le tissu qui la séparait de sa peau, ne cherchant qu'une fusion totale avec l'homme qu'elle aimait, avec le seul qui comptait véritablement. Une frénésie amoureuse s'était emparée d'elle, rien d'autre ne comptait que le corps qui était sur le sien et l'écrasait presque.

Le monde n'existait plus en dehors d'eux, rien n'avait d'importance hormis leur union. Elle étouffa un long cri en mordant l'épaule virile alors qu'il la faisait enfin sienne. Elle sut avec certitude à cet instant précis qu'aucun autre homme ne pourrait exister, demain ou dans un siècle. Avec la même assurance, elle savait que c'était réciproque.

Modifié par un modérateur mardi 28 février 2017 20:04:10(UTC)  | Raison: Non indiquée

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#52 Envoyé le : jeudi 2 février 2017 23:45:52(UTC)
vaidaick
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Jyll et Célestin : Visite nocturne


16 Desnus 4709 au soir, Arène marchande, 1er étage, chambre de Jyll et Célestin


Célestin ressortit de la réunion avec Almah et ses amis avec un sentiment de joie teinté d'appréhension. L'endroit choisi par la princesse lui conviendrait-il ? Il savait que sa compagne n'était pas femme à se plaindre, et en vérité, il ne craignait pas réellement que ça lui déplaise. Il ne savait même pas pour quoi il angoissait. Peut-être parce qu'il aurait aimé qu'elle soit présente lors de l'annonce ? Car, après tout, ça la concernait tout autant que lui. Pourquoi Almah n'avait-elle pas invité Jyll ? Était-ce parce qu'elle ne faisait pas partie du quatuor des "sauveurs" ? Ou était-ce par rapport à Alia, afin de préserver la question de son "hôte" ?

Vardishal... Jyll n'en avait pas parlé, mais elle était une femme intelligente, elle ne pouvait pas ne pas avoir compris les allusions de Kardswann. Tôt ou tard, elle allait aborder le sujet... Comment réagirait-elle ? Il repensa à la réaction d'Almah au même sujet, et eut un soudain frisson. Il ne put s'empêcher d'adresser une prière silencieuse à Sarenrae pour qu'elle soit plus compréhensive que son amie de toujours...

Il s'arrêta un instant devant la porte de sa chambre, déglutit, et prit une grande inspiration. Y était-elle seulement ? Il y avait tant à faire, elle pouvait être n'importe où dans Kelmarane... Il saisit la poignée et entra.




Jyll bondit de son tabouret, prise en flagrant délit alors que Célestin entrait dans la pièce. Il l'apprécia les mains autour de l'une de ses créations, un mouchoir, dont elle avait les doigts sur les fines dorures qui lui servaient de délimitation à différentes décorations. Elle rougit et reposa ce dernier sur la table, lui demandant en se levant pour l'accueillir : « Alors, ça a été cette réunion? »




Célestin resta un instant immobile dans l'encadrement de la porte, juste le temps de comprendre et de réaliser ce qui avait fait bondir sa dulcinée.
Il partit dans un fou rire en refermant la porte derrière lui. « Pas mal ! » parvint-il à articuler entre deux rires. « Si tu l'aimes, tu peux le prendre si tu veux... Ou je peux t'en confectionner un de ton choix. » rajouta-t-il en reprenant peu à peu son sérieux.




« Je, je sais coudre, mais je ne sais pas coudre comme ça ! Tu as vraiment un don, surtout pour un homme, si tu me permets. »




« Je peux t'apprendre si tu veux ! » Il sourit, et vint lui prendre les mains. « Viens avec moi my love, j'aimerais te montrer quelque chose.  » fit-il d'un air mystérieux.




Jyll s'apprêtait à répondre à cette incitation à la couture quand la curiosité l'emporta totalement. Elle se perdit dans ses mains et se laissa vaguer comme une âme sur une barque menant à Pharasma, rougissant et souriant à son aimé, et à la surprise vers laquelle il l'amenait.




Main dans la main, les deux tourtereaux sortirent de leur chambre, Célestin menant la danse d'un pas guilleret. Il jetait de temps à autre des regards espiègles à sa dulcinée, se mordant par moment les lèvres pour ne pas révéler où il l'emmenait.

Sortant dans les rues de la ville encore bien peu habitée, il se dirigea vers leur futur habitat. Mais il savait qu'il allait craquer avant leur arrivée. Il lui fallait trouver un sujet de discussion avant qu'il ne gâche la surprise. Brisant le silence, il lui demanda, toujours avec un air mystérieux : « Tu m'avais demandé de te confectionner quelque chose... Une de mes créations... Sais-tu ce que tu veux exactement, my dear ? Couture, bijou...? »




Elle réfléchissait en avançant avec lui vers une destination qui lui paraissait superflue, comme si l'essentiel pour elle était la compagnie du chemin davantage que sa fin. « Ça dépend, souhaites tu voir ton talent affiché à la vue de tous ou non ? » dit-elle en souriant.




Le jeune homme la regarda d'abord d'un air intrigué, avant de se mettre à rougir furieusement, ouvrant de grands yeux en comprenant - ou croyant comprendre - le sous-entendu. « Euh... Eh bien... Je...  » Il tenta de reprendre contenance. « J'aimerais mettre en valeur mon merveilleux Soleil aussi bien pour moi que pour voir les autres me jalouser d'avoir la plus belle femme de la ville. » répondit-il en souriant, le visage couleur pivoine. « Je te propose quelque chose : je te confectionne un ensemble incluant vêtements et sous-vêtements. Comme ça, chacun pourra voir mon... talent... » s'amusa-t-il « et je pourrai également l'apprécier à sa juste valeur sur le plus beau des mannequins. »

Sans s'en rendre compte, ils étaient parvenus à destination. Il s'arrêta, et la regarda dans les yeux. « Et... Que penses-tu de cette maison pour que nous nous installions tous les deux ? Pour en faire... notre demeure. » Ce mot lui parut à la fois étrange et savoureux, et il en goûta la sonorité avec un plaisir non dissimulé. Il observa brièvement le bâtiment avant de revenir à sa compagne. « Évidemment, il y aurait des travaux à effectuer, mais... ça te conviendrait, my dear ? »




Sans un mot, Célestin comprenait que sa première proposition avait fait mouche, Jyll semblait planer sur un nuage où Célestin était le seul horizon. Elle semblait sur le point de lui poser une question quand il s'arrêta devant une maison. L'écoutant attentivement, elle pencha légèrement la tête sur le côté alors qu'elle posait ses mains sur ses hanches.
« Tu ... tu veux dire vraiment à nous? Il faudrait voir ce qu'en penserait la princesse mais l'idée me plaît, n'importe où avec toi, ça me plairait ! » dit-elle en se jetant à son cou, avant de reculer sa tête pour mieux voir sa réaction. « Enfin presque, pas dans ces coins malfamés où j'ai déjà dormi à Chienville... »




Un immense sourire éclaira son visage. « Oui, à nous my dear. Toi, et moi. Mais... je dois t'avouer que ce choix n'est pas le mien, mon Soleil. C'est Almah qui nous l'a proposée. Et je suis heureux qu'il te convienne ! » Il reprit la main de Jyll avec douceur. « Nous allons visiter ? »

Puis il fronça les sourcils. « Mais qu'est-ce que t'es allée faire à dormir à Chienville ? » s'enquit-il, intrigué.




Les yeux de Jyll se perdaient en larmes sous l'émotion, elle restait sans voix, enserrant son aimé. « Oui, trois fois oui ! » Elle resta ainsi, figée pendant une éternité, avant de le suivre, tout en lui répondant. « Oh, nous avons commencé en bas du mercenariat avec Khem, et crois-moi, c'était difficile tant Rhondar déteste encore plus les gnolls que mon frère ! »

Continuant le chemin, elle lui demanda : « Tu sais pourquoi la mention de ce magicien l'a autant contrarié ? »




A ce moment précis, Célestin nageait dans le bonheur. Il allait visiter ce qu'ils appelleraient désormais tous les deux "maison", donnant la main à une femme si exceptionnelle qu'il lui arrivait parfois de se demander s'il ne rêvait pas. A ce moment précis, il était à mille lieues de penser à Kardswann, aussi la question le prit-il totalement au dépourvu. « Pardon ? Qui ? Nemlak ? » demanda-t-il en sortant de sa rêverie.




« Andrathi, mon petit enfant des cieux ! » le reprit une petite voix perchée sur son épaule. Agathe, habituellement si silencieuse qu'elle s'en faisait oublier, venait de le ramener au présent. « Eh bien ? Ne me regarde pas comme si c'était la première fois que tu entendais ma voix, et réponds à Jyll ! »




« Euh... Oui ! » Le jeune homme se prit à rougir de nouveau, mais cette fois de honte. « J'ignore pourquoi my dear. Je sais juste que c'était le plus puissant magicien de Nefeshti... Mais il devait avoir une importance autre pour que Kardswann ait réagi comme ça. Un amour, une forte amitié, une trahison, sont les hypothèses qui me viennent à l'esprit pour expliquer sa réaction. »

Ils venaient d'arriver sur le perron de la maison sans se presser, et il tenta de tourner la poignée. Celle -ci était branlante et manquait à tout moment de lui rester dans la main. Il grimaça de dépit et tenta tout de même d'ouvrir la porte. Il lui fallut s'y reprendre à plusieurs fois pour y parvenir, les gonds n'ayant pas été huilés ni changés depuis fort longtemps, et le poids de la porte l'ayant légèrement affaissée, la faisant racler au sol. Celle-ci révéla un hall d'entrée spacieux, doté de patères aux boiseries vermoulues, et débouchant sur une pièce qui tenait probablement lieu de salon. Une porte, actuellement ouverte, permettait de séparer l'entrée de la grande pièce de réception.




Jyll se contenta de l'explication sensée de Célestin avant de consacrer son attention sur la maison. Une fois entrée, elle évoqua une magie lumineuse sur sa manche pour voir les moindres recoins du bâtiment. Elle en commençait l'exploration. « Plus que ce que je vois de mes yeux, je vois ce que l'on peut en faire ! Je n'ai pas les mots. Pour tout te dire, heureusement que tu es là, je n'ai jamais eu plus d'une pièce à vivre. » Elle semblait presque inquiète d'autant d'espace. « Je sais à quoi me servira l'argent versée par la princesse, j'en utiliserait une partie pour le temple et une partie pour nous ici ! »




« Oui. » sourit-il en découvrant avec elle les ruines qu'il leur faudrait retaper. La maison était grande, trop pour un couple. Il repensa à leur discussion concernant d'éventuels enfants. Pourraient-ils en avoir ? Avec quelles conséquences ? Jyll avait peur de sa malédiction, qu'elle se transmette à leur progéniture... Mais... Et celle de sa propre lignée, qu'en serait-il ? Il se prit à douter un instant, et serrant un peu plus fort sa main sur celle de sa compagne, il agrippa instinctivement de son autre main son symbole de Sarenrae. Il devait lui en parler. Si elle devait partager sa vie... Non ! Puisqu'elle allait partager sa vie ! Elle devait savoir.

Modifié par un utilisateur samedi 4 février 2017 00:44:18(UTC)  | Raison: Non indiquée

Entre ce que je pense, ce que je veux dire, ce que je crois dire, ce que je dis, ce que vous avez envie d'entendre, ce que vous croyez entendre, ce que vous entendez, ce que vous avez envie de comprendre, ce que vous croyez comprendre, ce que vous comprenez, il y a dix possibilités qu'on ait des difficultés à communiquer. Mais essayons quand même. - Edmond Wells.
Offline vaidaick  
#53 Envoyé le : jeudi 2 février 2017 23:47:37(UTC)
vaidaick
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Jyll et Célestin : Secrets et révélations


16 Desnus 4709 au soir, demeure de Jyll et Célestin


Célestin se tourna vers Jyll, le visage plus sombre, son sourire ayant disparu. Cette expression si sérieuse, presque inquiète, lui était inhabituelle. « Jyll... » Il ne l'avait pas appelée par son prénom depuis bien longtemps aussi. « Je... Je dois te dire quelque chose. Sur moi. Sur ma famille. Tu m'as partagé ton histoire, tu as le droit de connaître la mienne également. » Avisant les escaliers menant à l'étage, il l'entraîna vers ceux-ci. « Viens, asseyons-nous. »

Agathe, qui était retournée à la somnolence des bienheureux, avait relevé la tête au changement de ton de son ami. Elle était désormais attentive, et semblait suspendue à ses lèvres.




Jyll profita de la poigne ferme de Célestin, qu'elle prit au départ pour un trop plein d'excitation à la découverte de leur maison, mais quand il l'appela par son prénom, et qu'elle vit sa mine sombre et sans saveur, elle commença à avoir peur. Quand elle comprit qu'il avait des secrets, des secrets dont il ne lui avait pas encore parlé, elle recula d'un pas, inquiète, tout en lui tenant toujours la main. Elle se rassura lentement avant de le suivre dans l'escalier.




Célestin la regarda et ne put qu'émettre un léger sourire se voulant rassurant. Elle fut rassérénée en lisant dans ses yeux la même douceur qu'il avait à l'accoutumée, mais elle put également voir qu'il n'avait pas vraiment le cœur à sourire.

Ils s'assirent tous deux sur les premières marches de l'escalier, et il entama son récit. « Jyll chérie... Je... Il y a des tas de choses que tu ignores sur moi, sur mon passé, et sur celui de mes ancêtres. Oh, rien d'horrible me concernant, rassure-toi ! » tenta-t-il de plaisanter. « Je n'ai jamais été un monstre ou que sais-je encore ! Non, il ne s'agit pas de ce que j'ai pu faire, je te rassure. »

Il prit une grande inspiration, et laissa lentement l'air s'échapper par ses narines. « Je suis, comme toute ma famille depuis des générations, depuis toujours au service de la famille Roveshki, ça tu le sais déjà. J'ai grandi avec Almah, nous avons à peu près le même âge, et j'ai été affecté à prendre soin d'elle depuis tout petit. Je n'étais qu'un domestique, tout comme mes parents... mais pas mes grands-parents. Ma grand-mère maternelle était une esclave de la famille Roveshki, et tous ses ascendants également. »

Il s'assura que sa compagne suivait bien, et poursuivit. « Quant à mon grand-père maternel... C'était un marchand qui travaillait pour la famille Roveshki et qui crut pouvoir augmenter sa fortune en volant dans leurs caisses. Lorsqu'il fut pris, il n'avait pas les moyens de payer son offense et de conserver sa liberté. Il devint esclave, et connut ma grand-mère, dont il tomba amoureux. Il travailla suffisamment pour rembourser sa dette et regagner sa liberté, et demanda à payer celle de ma grand-mère. Ils acceptèrent de la libérer, et mes grands-parents décidèrent de les remercier en restant à leur service en tant que personnes libres. »

Un léger sourire flotta sur ses lèvres. « Je suis assez fier de leurs décisions, tant celle de mes grands-parents que de ceux d'Almah. C'est ce que nous enseigne Sarenrae : la rédemption, le pardon, l'amour... Ce sont de belles choses, qui méritent qu'on se batte pour elles. »

Mais de nouveau, rapidement, son sourire s'effaça, et sa voix se fit plus sombre. « Mais ce n'est pas de ce côté de ma famille dont je voulais te parler. Je voulais te parler de mon père... De ma famille paternelle. C'est... Autre chose... »




On pouvait voir sur le visage sur Jyll une succession d'émotions qui se croisaient sans arrêt, surprise, léger sourire, tristesse, compassion ... le récit de Célestin la marquait au plus profond de son être, et Célestin pouvait sentir la chaleur du soleil le parcourir par ses mains.




Sentir toute l'affection que Jyll avait pour lui le rassurait. Fort de la certitude qu'elle l'aimait, il reprit son récit. « Mon père s'appelait Sinan. C'était un alchimiste. Je veux dire, un vrai alchimiste, de ceux qui savent émuler la magie. Il louait ses services au plus offrant, et, tout comme mon grand-père maternel avant lui, il tomba amoureux d'une servante, ma mère. Il ne se mit jamais réellement au service de la famille Roveshki, mais il restreignit ses activités à Solku de façon à rester proche d'elle. »

Il marqua une pause, et se mordilla la lèvre inférieure. Ses yeux exprimaient une profonde tristesse, et sa gorge se serra, alors qu'il poursuivait d'une voix enrouée par l'émotion. « Ils eurent trois fils. Séraphin, Angelo, et moi. Tout comme les parents d'Almah eurent trois enfants : Jarod, Rodolpho, et elle. »

Il devenait évident qu'il était difficile pour le jeune homme de raconter cette histoire, et qu'elle recelait une grande part de tristesse. Mais, malgré les larmes qui coulaient dorénavant sur ses joues, il se força à continuer malgré tout. « Ils... Nos frères sont morts. Tous. Nous étions jeunes. Très jeunes. Trop jeunes. Jarod et Séraphin ont été tués dans une ruelle sombre, mais nous n'avons jamais su pourquoi. Les assassins ont été retrouvés et exécutés, mais nous n'avons jamais rien su des commanditaires. Quant à Rodolpho et Angelo... Le frère d'Almah avait contracté des dettes de jeu aux étals de minuit, à Katapesh. J'ignore ce qu'ils faisaient là-bas, et comment ils sont entrés dans ce cercle vicieux, mais ils l'ont payé de leur vie. Suite à ces drames, mon père a disparu, sans un mot, sans un au revoir, en emportant toutes ses affaires. Pourtant... Pourtant... Je crois qu'il nous aimait. C'est lui qui m'a appris les bases de l'alchimie. J'ai de bons souvenirs de lui, même s'ils deviennent flous avec le temps... Je ne sais pas pourquoi il est parti. Il aurait dû être là, présent pour soutenir ma mère, pour me soutenir, moi ! Au lieu de ça, il nous a abandonné, seuls avec notre souffrance ! »

Les larmes coulaient le long de ses joues sans qu'il cherche à les arrêter ou les essuyer. Tout au long de son récit, il avait regardé le mur face à lui, comme perdu dans un lointain passé l'absorbant totalement, revivant la tristesse du moment. Il tourna la tête vers Jyll, cherchant dans les traits de son visage le réconfort dont il avait besoin.




Les traits de Jyll se figeaient alors que le récit de Célestin progressait. Jamais elle n'aurait soupçonné une histoire aussi noire pour son histoire, ses racines à lui. Quand Célestin fit silence, elle sentait qu'il attendait un mot, un geste d'elle. Du réconfort. Il se faisait discret. Quand ses lèvres s'ouvrirent, le son qui allait en sortir fut immédiatement étouffé par une sorte de hoquet alors que les larmes commençaient à couler sur ses joues, à flots. Elle pleurait, de toutes les larmes de son corps en s'approchant de lui, d'une mélodie de pleurs entrecoupés de reprises maladroites de respiration. C'en était trop pour elle, elle ressentait la douleur de Célestin comme sienne, et ne put rien faire d'autre que de chercher à son tour du réconfort, comme si elle l'avait vécu elle aussi. Quand elle reprit une respiration plus normale et que les larmes commencèrent à sécher, elle se contenta pendant un long moment de l'enserrer sans rien dire. Elle recula son visage pour plonger ensuite son regard dans le sien. « Je n'aurais jamais pensé que tous les deux vous étiez passés par tout ça. Je comprends votre lien, et suis désolée si j'ai failli le mettre à mal. » dit-elle en prenait un air peiné, presque fautif.




Berçant Jyll dans ses bras, il lui transmettait tout son amour, et elle faisait de même en retour. Ils fusionnèrent en une bulle de réconfort mutuel, et restèrent ainsi quelques instants, l'un contre l'autre, se laissant aller à la tristesse de son passé. Puis, petit à petit, les larmes cessèrent de couler, et Jyll la première brisa le silence. Il la regarda, ses yeux si beaux exprimant un amour inconditionnel et une empathie infinie. Il sourit malgré ses joues mouillées par les larmes, et passa doucement son pouce sur les pommettes de sa compagne pour assécher le ruissellement.

« Je suppose... Je suppose qu'Almah et moi avons cherché du réconfort l'un auprès de l'autre. Nous étions déjà assez proches, et en perdant nos frères, nous devenions ce qui se rapprochait le plus d'une fratrie. Mais ne crains rien, mon Soleil, tu n'as rien à te reprocher. Tu es parfaite, ne change rien. »

Il sembla hésiter un peu. « Mais... L'histoire n'est pas finie, my love. Je... Je ne t'ai pas encore parlé des ascendants de mon père. »

Il lui caressa les cheveux, jouant avec ses mèches. « En fait... Je ne sais pas grand chose sur eux. Tout ce que je sais, c'est que tous, presque sans exception, sont des utilisateurs de magie, et que ce semble être un honneur pour eux. C'est la raison pour laquelle mon père a été... euh... banni, si j'ai bien compris. Il n'a jamais fait preuve du moindre talent magique, tout juste parvenait-il à l'émuler grâce à l'alchimie. Mais... Il n'a jamais voulu m'en dire plus. Je ne sais rien d'eux, ni de quel type de magie il s'agissait, ni de pourquoi être un utilisateur de magie leur paraissait si indispensable pour faire partie de la famille, ni même... leur nom... » termina-t-il en baissant la tête. « Je... Jyll... Je... Je n'ai pas de nom... Je... Je voudrais faire de toi une honnête femme, mais... Je n'ai pas de nom... »




Elle glissa sa main délicatement sur la joue de Célestin, attrapant ses cheveux de l'intérieur entre ses doigts, lui disant en souriant : « Il est plus facile de trouver des hommes avec un nom honnête que des hommes honnêtes, my dear. Nous n'avons pas de prétention à accéder à un trône, nous nous trouverons un nom, ou si tu préfères, nous chercherons ton nom ! Tant que tu restes avec moi, je ne suis pas pressée par les cérémonies. »




Célestin ferma les yeux sous la douceur de ses gestes. Il avait l'impression d'être caressé par les doux rayons du soleil levant. « J'aimerais retrouver mon nom, mes ancêtres, et savoir d'où je viens. » Il rouvrit les yeux et les plongea dans ceux de sa compagne. « Tu m'as dit que tu craignais que ta malédiction puisse se transmettre à notre descendance... J'ai la même crainte concernant celle de ma famille. Tu comprends ? Pourquoi ont-ils vraiment exclus mon père de la famille ? Était-ce vraiment parce qu'il n'avait pas de don pour la magie ? Et pourquoi est-ce un prérequis pour être des leurs, quels pactes ou forces occultes nous valent d'avoir presque tous ce don... Même moi ? Pourquoi Sarenrae m'a choisi, moi, en m'envoyant Agathe ? »

La colombe pencha la tête sur le côté en entendant son nom, ne perdant pas une miette de la conversation. Perchée sur son épaule, Célestin la voyait de trop près pour l'observer, mais à ce moment-là, il eut l'étrange impression que, si elle avait été humaine, elle aurait eu un sourire mystérieux.

Le jeune homme soupira. « Je ne veux pas nous faire courir de risques, my love. Ni à nous, ni à... nos enfants... Si un jour nous décidons d'en avoir et que Sarenrae nous l'accorde. »

Il se plongea dans les yeux de sa compagne. « Avant, tout ça n'avait pas d'importance. Je n'avais pas besoin de connaître mon histoire, ou celle de mes ancêtres. A qui l'aurais-je léguée ? Je n'avais pas besoin de savoir pourquoi Sarenrae m'avait offert ces dons, du moment où je pouvais m'en servir pour soigner autour de moi. Et puis... Je suis arrivé ici, et tout a changé. J'ai vécu de nouvelles choses, rencontré des personnes qui m'ont fait réfléchir à l'importance de savoir d'où on vient pour savoir où on va... Et surtout, je t'ai rencontrée, toi. J'ai une raison maintenant de me préparer un avenir. De nous préparer un avenir. Si avant j'avais l'impression de vivre, grâce à toi, j'ai l'impression d'irradier tel un soleil ardent brûlant d'une vie inextinguible. C'est pourquoi il faut que tu le saches : dorénavant, j'ai besoin de toi, de ta flamme, de ta lumière, pour continuer à vivre. Je ne te demanderai qu'une chose : reste avec moi mon Soleil, car je ne peux plus vivre sans toi. Je t'aime. »




« Je suis là, je serais toujours là. » dit-elle en le berçant, un peu comme un enfant. « Et moi aussi je t'aime. Nous ferons les recherches nécessaires. Comme toi, j'ai plus de questions que de réponses, mais si on prend un peu de recul, toi comme moi, nous avons fait de gros progrès sur nos magies et notre compréhension des forces du monde, en peu de temps. Rien ne me paraît insurmontable pour nous. Et nous avons les autres aussi, je suis certain qu'Alia et Bhaal, Almah, et même Khem et Nemlak nous aideraient s'il le fallait. »




« Oui... » Il ne trouva rien à ajouter, et se laissa bercer, apaisé. Oui, il était bien entouré, par sa compagne, par ses amis... Il se sentait bien, là, dans ses bras. Mais le regard interrogateur qu'elle avait eu au monastère lui revint devant les yeux. Il murmura, toujours calé contre elle : « Tu sais, pour Alia... Merci. Je sais que tu as entendu et compris ce qu'avait dit Kardswann... Mais tu n'as rien dit. Et je... Je suis désolé, mais... Ce n'est pas à moi de te le dire... C'est à elle, et à elle seule. Mais je crois que ça aussi, tu l'as compris. Alors... Merci my sweet sun. »




Jyll lui passa l'index sur la bouche. « Non, ça n'est pas à elle de m'expliquer, mais à personne. Personne ne doit tout expliquer à tout le monde. Si elle souhaite le faire, elle le fera, mais tu sais bien que jamais je ne te demanderai de me révéler les secrets qui ne concernent que les autres. Je ne suis pas Almah. Et je pense en avoir suffisamment compris pour mieux comprendre sa peine occasionnelle et les enjeux des dernières semaines. J'espère seulement que ça ne présage rien de grave pour plus tard. »




« Tu es vraiment incroyable.  » sourit-il en embrassant l'index qu'elle avait posé sur ses lèvres. « Mais c'est ce que je voulais dire : si quelqu'un doit t'en parler, c'est elle et personne d'autre. »

Il fronça les sourcils, comme s'il venait de comprendre quelque chose. « Comment sais-tu qu'Almah...? » Il dévisagea sa moitié, interrogateur, mais ne termina pas sa phrase. « C'était la première fois que je lui cachais quelque chose... Et ça a été dur... Pour nous deux... J'ai détesté devoir lui cacher un secret, et j'ai détesté ce qui a suivi sa révélation. Et je déteste ne rien te dire aussi, même si tu ne me demandes rien... Ou plutôt que tu me demandes de le garder. »




« Il ne faut pas Célestin. Je ne m'attarde pas sur le secret, seulement sur le pourquoi. Garder un secret, on peut le faire pour de bonnes et de mauvaises raison. Tu as toujours essayé de les garder pour de bonnes raisons. Alors ça n'est rien. » ajouta-t-elle en se blottissant contre lui.




Les paroles de Jyll avaient fini de le rassurer. Oui, il l'avait fait pour de bonnes raisons. C'est ce qu'avait aussi tenté de dire Bhaal, avec moins de délicatesse. Devant des choix douloureux, il avait choisi en son âme et conscience celui qui lui paraissait le plus juste.

Modifié par un utilisateur mercredi 22 février 2017 23:49:47(UTC)  | Raison: Non indiquée

Entre ce que je pense, ce que je veux dire, ce que je crois dire, ce que je dis, ce que vous avez envie d'entendre, ce que vous croyez entendre, ce que vous entendez, ce que vous avez envie de comprendre, ce que vous croyez comprendre, ce que vous comprenez, il y a dix possibilités qu'on ait des difficultés à communiquer. Mais essayons quand même. - Edmond Wells.
Offline vaidaick  
#54 Envoyé le : jeudi 2 février 2017 23:48:18(UTC)
vaidaick
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Jyll et Célestin : Un couple plein d'avenir


16 Desnus 4709 au soir, demeure de Jyll et Célestin


« C'est vraiment grand ici, on devrait te faire une pièce ou un atelier à la hauteur de tes doigts de fée ! » dit Jyll, changeant de sujet alors qu'elle restait blottie contre Célestin.




« Oui. » répondit-il, soulagé. « Oui, un atelier de couture et bijouterie, ce serait bien. Et il me faudrait aussi une pièce hermétique mais qu'on puisse aérer pour l'alchimie. Et une chambre évidemment, une cuisine, une salle à manger... Et... Toi ? Si on devait te dédier une pièce, ce serait pour y faire quoi ? » Il se rendait compte qu'il avait encore beaucoup à découvrir sur sa compagne. Quelles activités aimait-elle ? Et tant d'autres choses ! Mais ils auraient tout le temps de se découvrir l'un l'autre.




Jyll rougit. « C'est déjà prévu, nous aurons une chambre. Hum. J'ai toujours eu pour activité personnelle la prière, même en groupe, je suis un peu dans mon monde, avec le temple ou le monastère à gérer, j'aurai déjà ce que je veux. Mais ... j'aimerais bien apprendre à faire quelque chose de mes mains, à tête reposée, de la couture, de la menuiserie ... ou de la peinture même. Des activités qu'on ne fait pas quand on court les ruelles à remplir des missions contre de l'argent. »




Le jeune homme parut surpris. « Une activité manuelle ? Pourquoi pas... Si tu veux te mettre à la couture ou à la bijouterie, ou même à l'alchimie, je pourrai t'apprendre si tu veux. Par contre, je dois t'avouer que je ne connais rien au travail du bois ou à la peinture... »
Il sourit. « Mais nous avons le temps de voir ça à notre retour de Katapesh. Enfin... Notre retour... Viendras-tu avec moi, ou préfères-tu rester ici pour veiller au développement du temple et du monastère ? »




« Je préfère venir avec toi... J'ai juste peur de ce qui pourrait arriver à la ville si nous partions tous. La ville de Katapesh ne me manque pas, je ne sais pas si tu y as déjà été ... mais y aller avec toi serait déjà plus intéressant ! »




« Je crois que j'ai du y aller étant petit... Mais je n'en garde pas beaucoup de souvenir... » Il lui sourit et la regarda dans les yeux. « Bien... Alors c'est décidé, tu viens !? » s'exclama-t-il alors qu'il semblait prendre conscience de sa réponse. « Oh ! Tu n'imagines pas à quel point ça me rend heureux ! » Il se mit à la couvrir de baisers sur tout le visage. « Je suis le plus heureux des hommes ! »




Jyll lui rendait la pareille, soupirant de bonheur. « Je vais prévenir Khem que je partirai, il voulait y aller mais je pense que du coup il préfèrera rester ici, pour qu'on garde une oreille et un œil loyal. »




« Ah... » Célestin n'avait pas vraiment réfléchi à ce genre de considérations. Il s'arrêta un instant dans ses baisers pour parler. « Oui, ça me semble une bonne idée... Et... » Il hésita un instant. La dernière fois qu'il avait voulu parler de l'avenir de Khem avec Jyll, il s'y était mal pris, et il avait l'impression dorénavant de marcher sur des œufs lorsqu'il fallait aborder le sujet. D'un autre côté, ne pas l'aborder pourrait laisser croire à sa compagne qu'il ne s'inquiétait pas pour son "beau-frère". Il se passa la langue sur ses lèvres sèches avant de poursuivre. « Tu as pu parler avec lui ? Je veux dire... De son avenir... Il a prévu quoi ? Et... Il va loger où ? »




La joie de Jyll se radoucit sans tomber dans l'amertume qui caractérisait ce type de discussion une semaine plus tôt. « Il va s'associer avec Bhaal pour faire une guilde de mercenaires si j'ai bien compris, qui se consacrera à la région. Il veut se faire un lieu où dormir en dehors de la ville, pour l'instant il dort dans les ruines, il veut s'éloigner pour que Rhondar ait plus de priorité vu qu'il ne peut pas dormir où il y a foule. »




« Oh... » Célestin regarda soudain les murs de la maison qui leur avait été offerte avec honte. « On pourrait...? Non, bien sûr que non, c'est stupide... » Il se reprit. « Comment pourrait-on l'aider à se loger mieux ? Il a besoin de quelque chose ? »




« Je ... je ne sais pas. J'ai déjà travaillé dur pour avoir ces informations. En fait, je crois qu'il t'attend toi. » dit-elle en rougissant.




Le jeune homme se mit à bafouiller. « Moi ? Comment... Pourquoi ? Je... Tu crois ? Enfin... Pourquoi ? » Sans en savoir exactement la raison, parler seul avec Khem le mettait toujours mal à l'aise... et d'autant plus maintenant qu'il lui avait "enlevé" sa sœur. « Enfin, si je peux l'aider, bien sûr que je le ferai ! » tenta-t-il de se reprendre, feignant un flegme qu'il était loin d'avoir... et qui ne tromperait certainement pas sa compagne.




« Je crois que tu te tracasses pour rien. Il a digéré. Il lui faut surtout de nouveaux points de repère. Je suppose que ce qui a compliqué la période actuelle, c'est de voir qu'un gnoll peut dormir en ville, et pas Rhondar. Pour lui, même si il ne m'a rien dit, ça a été un coup de poignard par dessus celui qu'on lui a mis. » dit-elle d'une mine vraiment attristée.




Le jeune homme émit un léger sourire alors que Jyll lui faisait comprendre qu'elle n'était pas dupe. « Je comprends mon Soleil, mais... Je ne vois pas vraiment ce que je peux faire pour ça... Lui-même dit de ne pas trop s'approcher de Rhondar. Il est très bien... euh... éduqué...? » hasarda-t-il alors qu'il cherchait le terme adéquat « Mais il ne faut pas oublier que c'est un animal sauvage, dans la tête de tous les gens qu'il croisera. »

Il s'arma de courage, et redressa son dos, bien droit, comme on le lui avait appris dès sa plus tendre enfance. « Je vais aller le voir, voir ce que je peux faire pour lui. Je ne peux pas le laisser déprimer dans son coin... Après tout, c'est mon futur beau-frère, my love ! » rajouta-t-il avec un clin d'œil.




Jyll lui sauta au cou, soupirant de son trop plein d'amour pour Célestin. « Tu es un homme merveilleux. Tes parents seraient fier de l'homme que tu es. » dit-elle en restant penchée contre son cou.




Son sourire s'élargit et il l'embrassa avec tendresse, avant de lui glisser : « Et ils seront fiers de toi aussi my dear ! Si nous passons à Solku, je te présenterai ma mère... Elle ne pourra que t'adorer ! »




Jyll recula son visage de surprise, rouge de timidité. « Euh ... oui. J'aimerais bien. Il n'y a pas de raison que tu sois le seul à devoir manifester du courage. » dit-elle en abdiquant rapidement. L'effet de cette potentielle rencontre lui donnait des bouffées de chaleur.




Un léger rire s'échappa de la gorge de Célestin. « Ô my dear, ne t'inquiète pas ! Ce n'est qu'une éventualité, et nous avons le temps avant d'arriver à Solku ! Cessons un peu de parler du passé, de l'avenir, et des autres, veux-tu ? Profitons du présent... » A ce terme, il sourit. « Un proverbe dit : "Hier est l'Histoire, demain est un mystère, mais aujourd'hui est un cadeau : c'est pourquoi ça s'appelle le présent." » Ses yeux pétillaient d'un mélange de malice et d'amour. « Et si tous les "aujourd'hui" à venir se déroulent avec toi, je suis bien enclin à le croire, car tu es la plus belle chose qui me soit arrivée. »




Jyll parut fortement apprécier le proverbe de Célestin. « C'est là que je constate comme j'ai peu lu. J'aime beaucoup. Allez viens, allons profiter de notre cadeau. » dit-elle en lui prenant la main pour l'attirer ailleurs.

Modifié par un utilisateur mercredi 22 février 2017 23:50:55(UTC)  | Raison: Non indiquée

Entre ce que je pense, ce que je veux dire, ce que je crois dire, ce que je dis, ce que vous avez envie d'entendre, ce que vous croyez entendre, ce que vous entendez, ce que vous avez envie de comprendre, ce que vous croyez comprendre, ce que vous comprenez, il y a dix possibilités qu'on ait des difficultés à communiquer. Mais essayons quand même. - Edmond Wells.
Offline vaidaick  
#55 Envoyé le : jeudi 2 février 2017 23:51:10(UTC)
vaidaick
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Khem et Célestin :


17 Desnus 4709, quelque part dans les ruines de Kelmarane


élestin se promenait en ville, profitant d'un climat tempéré pour approcher de l'église, et voir les travaux avancer. Ceci fait, il parcourut une nouvelle fois les rangées de tombe, priant pour les âmes des défunts, dont ceux qui avaient péris lors des affrontements chaotiques causés par le daemon. Prenant du recul en approchant de la falaise pour mieux contempler l'ensemble, il put entendre à une dizaine de mètres une voix qu'il essayait d'éviter.



« Alors ces travaux, ça avance ? »

Comme pour appuyer la question, un fin rugissement se fit entendre dans la direction du jeune sorcier.



Célestin avait promis à Jyll d'aller voir Khem. Seulement, il ne savait pas comment l'aborder. Il s'était donc résolu à sortir, mais pas à aller le voir directement. Il s'était inventé des prétextes, des choses à faire avant, histoire de retarder l'échéance.

Perdu dans ses pensées, il sursauta en entendant la voix de son "beau-frère". « Ah ! C'est toi !? » dit-il en portant sa main à son cœur. « Oui, oui, ça avance. Et... Et toi ? Tu as besoin d'aide pour t'installer ? »



«  Tu veux m'aider à faire la charpente? Haha. Non ça va, j'en suis encore au stade d'acheter des terres à la princesse tu sais. Mais toi, tu veux un coup de main? »



Célestin se prit à sourire. « Eh bien... Pourquoi pas ? Je n'ai surement pas la musculature nécessaire à faire un bon charpentier, mais tu sais, je suis curieux... Ça me plairait, oui, d'apprendre les bases de l'ingénierie, et je pense que nous avons ici des spécialistes en ce domaine. Après quoi, pourquoi pas t'aider à dessiner les plans de ta maison de rêve ? »

Il jeta un regard alentour. « Tu aimerais acheter quel terrain ? Je suppose plutôt en périphérie, pour Rhondar... »

Le jeune homme regarda le rôdeur, un sourire en coin. « Si tu as besoin de quoi que ce soit, n'hésite pas... Je me doute que ce doit pas être évident pour toi en ce moment... Ça bouleverse toutes tes habitudes, toute ta vie... Je sais ce que tu vas me dire ! » rajouta-t-il en levant les mains à hauteur de son visage, paumes en avant, son sourire s'élargissant. « T'es un grand garçon, tu es capable de te débrouiller seul ! »

Son regard vogua vers l'horizon alors que son visage comme sa voix reprenait de leur sérieux. « Mais tu n'es pas seul. Jyll et moi sommes là, nous sommes ta famille. Et la famille se doit d'être là pour les siens. »

Il déglutit, s'astreignant à tout lui dire. Étrangement, il avait l'impression de se libérer d'un poids au fur et à mesure qu'il parlait. « Je compte l'épouser. Elle a dit oui. C'est bizarre.... Ça fait maintenant quelques temps qu'on se connait, et j'ai jamais osé faire le premier pas. Et si nous n'étions pas venu ici, je ne sais pas si j'aurais osé. Je crois que je ne réalisais même pas les sentiments que j'avais déjà pour elle... »

Il leva les yeux sur Khem. « Je l'aime, tu sais ? »



« Je vais essayer d'acheter un terrain près du monastère. Je sais qu'il est important pour ma sœur, et en plus ça sera un peu éloigné de la ville. »

Il regardait l'horizon alors que Célestin continuait de s'expliquer. « Oh mais je le sais petit frère, c'est pour ça que tes boyaux sont toujours dedans. Je ne t'en veux pas à toi, je lui en veux à elle. C'est sûr, tu as raison, ça me chamboule tout. J'ai passé presque l'intégralité de mes journées à veiller sur elle, des années durant, et là, d'un coup, hop, fini. Il faut juste du temps pour m'adapter, mais je suis content, qu'elle aille mieux, qu'elle trouve quelqu'un, que ça soit toi. Ce que j'aime pas, c'est que ça soit toi malgré ce que je viens de dire, parce que si ses crises reprennent sérieusement, tu vas comprendre la galère dans laquelle tu t'es fourré. Quand ça jouera sur son humeur, tu ne vas pas sourire longtemps. Ça va être dur Célestin, ma sœur, c'est pas juste un corps de miel et un cœur gros comme le trésor du royaume. C'est aussi des sortes de possessions, de convulsions, avec des hurlements et des suées. Et ça, j'espère que tu vas pouvoir le gérer. Et la protéger.

Mais je t'aime bien tu sais, ne pense pas le contraire, je regarde juste mon passé s'éloigner en même temps que mon contrôle sur le futur. Le danger ne me fait pas plus peur que ça quand j'y suis préparé. Mais ça, je n'y étais pas préparé du tout. »




Petit frère ? Un sourire radieux illumina le visage de Célestin à ces mots, malgré les mises en garde qui suivirent. « Tu sais... Je te trouve très distant avec elle... Je n'ai peut-être pas tous les éléments en main, c'est peut-être l'inverse, elle qui s'est éloignée de toi... Là n'est pas la question. Vous avez passé votre vie ensemble, je ne veux pas être celui qui vous éloignera l'un de l'autre. Si tu veux passer à la maison, avec Rhondar... Vous serez toujours les bienvenus, tu sais. »

Il regarda vers l'horizon, l'air songeur. « Quant à ses... problèmes... Je suppose que vous êtes déjà allés voir les prêtres de Sarenrae pour tenter d'obtenir aide et conseils, n'est-ce pas ? J'espère que je serai à la hauteur et ne jamais la décevoir... Surtout que tu as placé la barre très haut ! » Il sourit au rôdeur. « Elle m'a dit tout ce que tu as fait pour elle. Enfin... Elle me l'a résumé. Merci. Merci pour elle, et merci pour moi. Peut-être qu'un jour, elle parlera de moi en des termes aussi élogieux ! » s'amusa-t-il en faisant un clin d'œil à son futur beau-frère.



« Je suis distant et c'est mieux comme ça, faut qu'elle fasse son cocon libre sans ma surveillance, et moi que je coupe le cordon. Ça reviendra, on a jamais eu de relation sans surveillance, il faut le temps que ça se fasse. Bah, j'ai fait ce que j'avais à faire, comme tu le feras. » Il sourit, amusé.

« Mais elle parle déjà de toi en des termes aussi élogieux, c'est là qu'on voit comme l'amour rend aveugle. En un mois, tu fais ce que j'ai fait en années. Je veux bien moins bien parler et écouter mais quand même ! » Il en riait davantage qu'il ne jalousait.

« Attends de voir quand j'aurai une gonzesse, la tête qu'elle fera. Soyons pas pressés pour ça. On a essayé et payé beaucoup de choses, sans succès. Je ne sais pas ce que les cieux prévoient pour elle mais ça a intérêt à en valoir la peine vu tout ce qu'elle aurait dû subir. » Le rôdeur ne souriait plus.



Célestin se mit à rire à l'évocation d'une "gonzesse" pour Khem. « Oh, j'ai eu l'occasion de voir sa tête, et crois-moi, j'aurais préféré me mordre la langue ce jour-là ! » Répondant au regard interrogateur de Khem, il poursuivit.

« Le jour où nous avons libéré Kelmarane, elle s'inquiétait pour toi. Je lui ai dit en plaisantant que tu pouvais peut-être maintenant penser à ta vie, et trouver quelqu'un d'autre à protéger. Et j'ai avancé les deux premiers noms qui me sont venus à l'esprit : Kallien et Haleen... Malheureusement, elle l'a pris très au sérieux... » Bien qu'il continuait à sourire, son regard exprimait la honte qu'il ressentait d'avoir ainsi joué avec les sentiments que Jyll portait à son frère.

« Ce n'était pas très malin en fait... Mais tu sais... Je ne plaisantais pas tant que ça. Tu as voué ta vie à t'occuper d'elle, et même si je sais que tu l'as fait volontiers, tu as placé ta propre vie entre parenthèses pour ça. Je crois que tu as le droit de penser à toi maintenant. »

« A ce propos... » Il jeta un regard en direction de sa maison, bien qu'elle ne soit pas visible de là où ils se trouvaient. « Jyll m'a dit que tu voulais me voir...? »



Khem était étonné de ce que racontait Célestin, et se marrait franchement. « Ouais, on verra. J'ai cru comprendre qu'Haleen faisait tout ça pour sa sœur. C'est certain que ça me fait son petit effet. Je voulais te voir pour ce dont on parle justement : mettre au clair qu'y a rien à mettre au clair. C'est une page qui se tourne, et c'est la dernière d'un livre. Je ne sais pas encore de quoi sera fait le prochain, c'est pour ça que je bois pas mal. Ça m'aide à réfléchir juste ce qu'il faut. »



Détendu par les rires et la mise au clair de son "beau-frère", il lui sourit, malgré un regard sérieux et légèrement inquiet. « Eh bien... tu me rassures ! Mais... Pense à garder les idées claires... L'alcool est souvent mauvais conseiller. Ou alors si tu veux, tu viens boire à la maison, mais tu restes dormir pour cuver ! » tenta-t-il de plaisanter.



Khem se mit à rire franchement. « On le fera. Est-ce que je peux faire quelque chose pour vous ? Hésite pas à me le dire, pareil si tu sens que quelqu'un vous cherche des poux. »



« Il faudrait être infiniment stupide pour venir nous chercher des ennuis ! » sourit-il.

Le jeune homme s'apprêtait à refuser l'offre, mais se ravisa. C'était une bonne excuse pour qu'il passe voir Jyll. « Oui, c'est gentil. Il y aura sûrement quelques meubles à monter à l'étage et d'autres à déplacer. Et quelques travaux de rénovation... Bref, on ne refuserait pas un petit coup de main ! »



« Je peux venir t'aider les matins si tu veux. Je dois commencer à mettre en place mon projet de presque mercenariat, puisqu'on acceptera que ce qu'on voudra. Le prêtre des lions va m'aider pour la partie papier.

Si ça te dérange pas, je prendrai Dashki avec, il sent moins mauvais qu'avant, et j'essaye de l'impliquer un peu dans un élan de communauté. »




« Dashki...? » Célestin fut quelque peu surpris, et après que ses pensées aient vagabondé très brièvement vers certaines phrases qu'avaient dites Jyll à propos de son frère, il dût faire un effort pour contenir un rire. « Oui, bien sûr ! » rajouta-t-il alors qu'un grand sourire lui mangeait la figure malgré sa tentative de se contrôler.

Il décida de rapidement changer de sujet. « Merci Khem. Merci pour tout. Pour ton aide, pour Jyll, de rester ici, près de nous. » Dans un élan de bons sentiments, il enserra le rôdeur dans ses bras. « Merci. » Il le relâcha, sourit, et rajouta : « Je crois qu'il est temps que je rentre. Nous avons du travail. On se dit à demain matin donc ? Et si tu as besoin de quoi que ce soit également, n'hésite pas. »

Modifié par un utilisateur dimanche 2 avril 2017 00:30:52(UTC)  | Raison: Non indiquée

Entre ce que je pense, ce que je veux dire, ce que je crois dire, ce que je dis, ce que vous avez envie d'entendre, ce que vous croyez entendre, ce que vous entendez, ce que vous avez envie de comprendre, ce que vous croyez comprendre, ce que vous comprenez, il y a dix possibilités qu'on ait des difficultés à communiquer. Mais essayons quand même. - Edmond Wells.
Offline Guigui.  
#56 Envoyé le : vendredi 3 février 2017 20:43:15(UTC)
Guigui
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Nemlak et Undrella : breaking bad


18 Desnus 4709 : la tannerie, le soir


emlak se dirigea vers la tannerie, d'où les vapeurs sortaient du toit pour disparaître à la chaleur du ciel. La porte était grande ouverte, et les peaux suspendues qui camouflaient en partie le travail d'Undrella permettaient malgré tout au magicien de voir qu'elle attendait, assise, à côté d'un chaudron, les yeux dans le vague, les jambes allongées sur un tabouret, à attendre. Elle tourna lentement la tête après avoir repéré l'odeur d'un visiteur.
« Salut, Nemlak. Désolée de ne pas avoir réussi à rendre ce parchemin parfaitement propre. Tout va bien ? »



« Salutations, Undrella. Je suis venu te remercier personnellement pour ton excellent travail. La lettre que tu m'as remise semble presque sortie de la main de mon père, même si tu sembles penser le contraire. »

Il s'inclina légèrement avant de continuer. « Mais je ne suis pas venu que pour cela. Bientôt d'autres hommes, des humains pour la plupart, viendront ici et ta place sera peut-être remise en question. Non par la princesse, mais par ceux qui ont peur de ce qu'ils ne connaissent pas. Sache que tu auras avec moi un allié de confiance et que si tu as un problème, tu pourras toujours me demander de l'aide ou des conseils.
Enfin, j'aimerais savoir si tu désirerais faire parti d'un futur Conseil de la Cité. Lorsque celle-ci aura grandi, ta voix portera moins si tu es seule et sans pouvoir, tout comme ma voix ou celle de la princesse. La mise en place d'un conseil permettra de conserver un certain pouvoir sur la ville et, si tu y participes, devrait conforter ta place ici. »


Après une petite pause, il ajouta : « ce concept t'est peut-être étranger mais il me semble naturel, pour moi qui ai vécu si longtemps parmi eux. Qu'en penses-tu ? »



Undrella semblait surprise, peu habituée aux compliments ou aux relations dépassant le pur commerce. « C'est normal, et c'est l'occasion pour moi aussi de m'améliorer dans mon travail. Merci pour ce soutien, je risque d'en avoir besoin, mais si la princesse tient ses promesses, ça devrait aller.
Pour cette histoire de conseil, ça ne me dérange pas, je ne suis pas trop habituée à me mêler à la foule ou à des décisions en nombre mais c'est l'occasion de m'y entraîner. Tu penses qu'ils vont essayer de récupérer le contrôle? Ça ne m'étonnerait pas, les humains n'ont jamais assez de pouvoir. »




Nemlak sourit, il avait bien remarqué qu'Undrella était bien plus maligne qu'elle ne le semblait au premier abord. S'il manœuvrait bien, il aurait une alliée de poids.
« Oui, ils vont tout faire pour. C'est pour cela que j'ai, ainsi que la princesse, besoin d'alliés sûrs. Tu as prouvé ta loyauté de nombreuses fois envers moi. T'avoir à mes côtés serait bénéfique pour tous.
Je vais faire en sorte de te proposer au futur Conseil. De plus, cela te donnera plus de poids dans tes futures négociations avec les marchands qui viendront ici. Ils ne verront pas qu'une harpie, mais un membre du Conseil. Un titre fait toujours de l'effet, les humains respectent et craignent ceux qui possèdent un pouvoir, aussi minime soit-il. »




Undrella écoutait attentivement Nemlak. Malgré sa grande intelligence, elle avait une pratique très limitée de la politique et des relations humanoïdes.
« Alors nous ferons tout pour. J'irai prélever du pesh dans quelques jours, j'ai demandé à Dashki et Khem de m'emmener en évitant les vers. La princesse est d'accord. On va commencer à travailler cette substance, mais ça m'amène à une question : tu en as déjà fumé ? Je peux demander aux marchands mais il me faut des gens avec de l'expérience pour voir ce que nos créations valent vraiment. J'ai cru comprendre que vous allez à Katapesh dans plusieurs mois ou semaines, ça serait parfait si j'arrivais à créer déjà un petit quelque chose pour faire goûter. »



« Non, il s'agit d'une drogue qui altère l'esprit et je me tiens loin de tout ce qui pourrait altérer ma pensée. Mais tu soulèves un point important : il nous faut tester le produit. Heureusement, les cobayes ne manqueront pas, les humains ont la fâcheuse habitude de s'enfermer dans une addiction mortelle... Pour la dangerosité du produit, je propose de tester en premier sur des animaux, nous l'affinerons plus tard. Les marchands avec qui tu traitais pourront certainement aider sur ce point, n'hésite pas à les solliciter.
En tout cas, lorsque je serai à Katapesh, j'y achèterai différents produits pour que nous puissions comparer. Je vais me renseigner de mon côté pour trouver des volontaires afin de tester ton produit. »




« Bonne idée. J'ai déjà essayé ce genre de substance mais je doute que mes goûts soient proches de ceux de beaucoup d'habitants du Katapesh. » Elle se mit à rire.
« J'ai entendu parler de magie du Pesh il y a longtemps, tu connais cette chose ? »



« J'en ai effectivement déjà entendu parler. A l'école de magie, il y avait même un enseignement spécifique sur ce type de magie, améliorée par la consommation de pesh. Mais je m'en suis toujours tenu éloigné. Si je me lance dans le business, il me faudra peut-être étudier plus en profondeur cela.
A Katapesh, je reprendrai contact avec mes anciens professeurs. Ils sauront certainement et pourront m'en apprendre plus. »


Nemlak réfléchit quelques instants avant de rajouter : « tu es vraiment quelqu'un d'intéressant, Undrella. Je t'avouerais que je ne m'attendais pas à trouver une personne comme toi ici. Merci. » Nemlak se leva, présentant sa main et son avant bras.



Undrella tendit sa main dans un mimétisme maladroit. « Je voulais te demander quelque chose. Celui qui m'a battue et violée a pu repartir sans mal. Je n'ai pas fait de scène car ça m'aurait desservi, et qu'il a vraiment l'air d'avoir été possédé... Le mal qui était ici, il est vraiment fini ? J'ai vu que les amoureux avaient été avec lui vers le monastère avant qu'ils ne reviennent sans lui, il se trame quelque chose là bas ? »



Nemlak resta un instant silencieux avant de répondre. « Tu m'en vois désolé. J'aurais aimé pouvoir t'aider sur ce point. Pour ce qui est du mal qui était enfermé ici, je peux te l'assurer, il est détruit. Cela ne veut pas dire que son influence maléfique soit définitivement supprimée. Parfois le mal possède une certaine emprise, ou empreinte, qui reste même après la destruction de sa source. Rester vigilant sera de notre devoir. Mais la re-consécration de l'église devrait éviter tout retour, quelque soit sa forme.
Quant au monastère, je crois que c'est en lien avec les Templiers des Cinq Vents. Une ancienne confrérie sensée protéger la région d'un mal puissant, pire que celui qui était enfermé sous l'église. Celui qui... t'a fait cela faisait partie de cette confrérie avant qu'il ne succombe au mal.
Je n'en sais pas plus, mais je peux me renseigner si c'est ce que tu veux. »




Nemlak put voir la surprise sur le visage de la harpie. « Et bien, je t'avoue que je ne pensais pas que tu m'en dirais tant, » dit-elle en essayant de comprendre les tenants et aboutissants de ce que venait de lui dire Nemlak. « Je pense qu'il va falloir que je te compte dans les alliés vraiment solides, » ajouta-t-elle en montrant ses dents carnassières. « Je vais ressortir mes vieilles recherches et travailler sur un répulsif à enfouisseur des sables. J'avais travaillé là-dessus il y a longtemps quand ils s'approchaient un peu trop de Kelmarane, mais quand les gnolls se sont installés, je n'ai plus eu besoin d'aboutir sur le projet. Le nôtre me donnera l'occasion de le finir. »



« Je délivre toujours ce que je promets, » répondit Nemlak. « Si je peux compter sur toi comme alliée, tu peux compter sur moi pour l'être aussi.
Si tu arrives à aboutir à ton projet, cela sera un plus pour les plantations sur lesquelles nous travaillerons. Mais garde cela secret : inutile que d'autres sachent pourquoi nos plantations ne seront pas attaquées par les enfouisseurs. Il est toujours bon d'avoir un atout inconnu dans sa manche. »




Undrella se contenta de rire grassement en lui serrant la main. Mieux valait avoir un esprit machiavélique avec soi que contre soi. Surtout quand il manipule la magie.



Nemlak sourit de toutes ses dents et s'inclina pour prendre congé, rassuré d'avoir un allié de taille avec lui.

Modifié par un utilisateur samedi 4 février 2017 00:27:14(UTC)  | Raison: Non indiquée

Bhaal reste à l'ombre en BM-96 | Zorg allume le feu en S-210 | Darmrok fait la guerre en N-211
Le combat à allonge
Le bloodrager abyssal
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Offline Guigui.  
#57 Envoyé le : samedi 4 février 2017 22:42:18(UTC)
Guigui
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Bhaal et Khem


21 Desnus 4709, devant l'arène marchande



n soir, alors que le repas était terminé et que de petits groupes se formaient pour discuter, boire, chanter et danser, Bhaal vint trouver Khem qui prenait la fraîche un peu à l'écart de l'arène, comme il faisait souvent. Les vents favorables de la Fortune n'avaient pas modifié l'attitude sombre du rôdeur, et il restait un solitaire énigmatique qui parlait peu et se mêlait peu aux autres. Sur ce plan, la seule nouveauté était que le rôdeur semblait avoir pris Dashki - un autre asocial, pensaient certains - sous son aile.


Rondar, allongé à côté du rôdeur, dressa une oreille et tourna négligemment vers lui son énorme tête. « Salut, Rondar, » fit le géant. Il avait pris l'habitude de traiter le lion comme une personne à part entière. Il savait que cela faisait plaisir à Khem mais, au fond, il ne le faisait pas pour cela. Il le faisait parce que le lion le regardait comme s'il était une personne, et que lui-même se trouvait certaines affinités de caractère avec le grand prédateur.

Bhaal s'assit à côté de Khem en lui tendant l'une des deux pintes de bière qu'il avait apportées. Il resta ainsi un long instant, laissant au rôdeur le temps de s'habituer à sa présence. Les deux hommes se comprenaient assez bien. Sauvages, brutaux, taiseux, ils savaient respecter chacun l'espace vital de l'autre à l'instar de Rondar, tels deux prédateurs désireux de ne pas rentrer en concurrence l'un avec l'autre. Au bout d'un moment, Bhaal brisa le silence. « Alors maintenant que tout ça est terminé, est-ce que t'as réfléchi à notre affaire ? » demanda-t-il en guise d'entame.



Le rôdeur sortit de sa léthargie pour afficher un grand sourire à l'arrivée non pas de Bhaal seul, mais de Bhaal avec de la bière. Il attrapa la pinte en trinquant directement pour l'amener à ses lèvres. Il n'essuya pas la mousse et lui répondit rapidement.

« Ouais, j'y ai réfléchi. Je pense que c'est vraiment une bonne idée, pas parce qu'elle est de moi, mais parce que ça va nous occuper. On va devoir aussi recruter des gens plus tard, déjà parce qu'on sera pas toujours là, et moi, ça me rassurerait que tous les gens de la ville à protéger les environs ne soient pas des soldats et qu'on garde sous le coude quelques combattants un peu plus... neutres. Par contre, si on veut pas que l'argent soit une part trop importante de ce qui importera à nos recrues, faudra bien choisir. J'ai déjà fait plusieurs fois le tour des environs, y'a pas un poil de gnoll, à part sur les vêtements de Dashki. »

Rhondar rugit à la mention du nom de l'homme à l'hygiène douteuse en se relevant légèrement, avant de bailler et de s'affaler à nouveau sur le sol.

« Ouais, je sais que tu l'aimes pas, je peux pas dire qu'il me donne envie de picoler avec lui non plus, » dit Khem à Rhondar. « Mais le mec est ici, et si lui donner une seconde chance c'est juste lui donner la vie sauve, ça revient à lui donnait la même chance qu'avant. Il fait des efforts... lents de propreté, je pense qu'il a une inimitié avec les gnolls, en même temps qu'une sacrée connaissance d'eux, et ça peut servir pour défendre le coin, dont la première menace sera ces hyènes fétides. On doit pouvoir en faire un mec bien, comme plein de paumés qui ont surtout eu une vie difficile dès la naissance. Pour un mec élevé par des gnolls, je trouve qu'il s'en sort pas si mal. Là, il me file des informations sur les tribus qu'il connaît de nom, et parfois de vue, dans la région.

Et toi, t'y as réfléchi ? »




« Ouais, un peu, » répondit Bhaal en buvant une longue gorgée de bière, avant de faire une de grimace de dégoût. « Putain de chaleur, » grommela-t-il avant de reprendre. « Il nous faudra des cartes de la région, j'imagine. On pourra en acheter à Katapesh. Et il faudra un endroit où on peut nous trouver facilement et ou on peut faire des affaires. Mais si on demande un comptoir à la princesse, il faudra le louer ou l'acheter. Elle va pas tout nous donner non plus, au bout d'un moment, elle a une ville à faire tourner. Ça peut faire monter nos frais, ça. L'autre solution, ce serait de décider que le comptoir c'est chez toi ou chez moi, par exemple. »

A ce moment, Bhaal réalisa qu'il ne savait pas où le rôdeur dormait exactement. Almah les avait récompensés en leur offrant des maisons somptueuses, dont l'une était pour Célestin et Jyll. Mais où allait habiter le rôdeur, lui qui protégeait sa sœur depuis toujours, semblait-il, et qui n'aurait plus jamais l'occasion de dormir près d'elle ? Comment vivait-il cette situation ? Était-ce la raison de sa sombre humeur ? Et lui-même, pourquoi s'en préoccupait-il, lui qui avait passé sa vie entière tourné vers lui-même ? Il eut soudain l'impression d'avoir gaffé. Il toussa d'embarras. « Reuh-heu. Hem. D'ailleurs, euh... Pas que ça me regarde, mais... Comment tu vois ça ? Je veux dire, maintenant que ta sœur... Tu vas habiter où ? »



Khem ne parut pas gêné par la question. « Pour l'instant, je pionce dans les ruines, avec un petit feu, des couvertures et Rhondar pas loin, on n'a pas froid si facilement. Je pense me payer une chambre ou un lieu quand ça avancera ici. La princesse m'a proposé un logement mais elle veut pas de lion en ville avec l'essor, et je veux rien lui devoir comme faveur. Je dis pas ça pour vous, elle vous en devait une, et vous êtes en couple, mais moi, tant qu'à être tout seul... enfin je veux dire sans ma sœur et sans femme, je préfère rien lui devoir, à l'autre pète-sec, j'ai pas envie qu'elle puisse m'enlever le peu qui me reste, c'est-à-dire ma liberté. Mais t'as raison, une sorte de comptoir ça pourrait le faire.
On pourrait même créer une taverne. J'ai souvent vu ça à Katapesh comme à Solku, y'a des lieux où, en plus de boire et dormir, t'as des sortes de panneaux avec des recrutements et tout. Je proposerai pas ça au tavernier gnoll, il a une sale gueule, j'ai pas confiance, et Rhondar le boufferait pendant mon sommeil, mais peut-être que les deux chameliers seraient intéressés pour gérer un endroit comme ça. En plus, je les vois pas détourner du pognon. »




« Oui, je les crois honnêtes, » confirma Bhaal, « en plus Hadrod m'a à la bonne depuis qu'on a empêché son bouc préféré de se faire violer par un pugwampi. Un combat mémorable et une aventure épique, tu peux me croire, » ajouta-t-il avec un sourire en coin tout en reprenant une nouvelle gorgée de sa bière tiède tendant vers le chaud.

« Mais que va-t-on faire du fort des gnolls ? » reprit-il tandis que les réflexions se formaient dans son esprit. « La princesse a proposé de nous le filer. C'est assez grand, et moins en ruine que pas mal de maisons de Kelmarane. On peut y loger un groupe assez nombreux, et ça réglerait ton problème avec Rhondar. Après, tout dépend de la façon dont on veut développer notre affaire, si on fait plus dans l'escorte de caravane ou dans l'exploration de la région... Ou les deux à la fois. Mais je crois que la princesse aimerait voir ce fort réoccupé par un groupe armé. Si c'est pas par nous, ce sera par d'autres.

Quant au recrutement... Le Dashki, c'est un choix évident, de tout le pays c'est lui qui connaît le mieux les gnolls. Je t'avais parlé de la petite Haleen, la mercenaire, tu te souviens ? Elle sait se battre, mais c'est clair que elle, c'est le pognon qui l'intéresse. Les trois compères, les Lions de Sénara, sont des braves types. Andrus est un fameux archer, on a pu le voir quand on a pris la ville. Et ils en ont tous pris plein la gueule avec les gnolls, avant qu'on vienne les sauver. S'ils projettent de rester dans le coin, patrouiller et surveiller les tribus du Roi Charognard, ça leur conviendrait peut-être, et pas forcément pour l'or. »




« Elle est con, une position pareille, je la garderais pour mes troupes à moi. Si on peut l'avoir, ouais, on aurait intérêt à le récupérer. Si les Trois Gueules ont tenu là-bas, c'est vivable. » Il écoutait les propositions de Bhaal, accompagnant chacune d'un hochement de tête, et d'une gorgée de bière, avant d'ajouter : « si j'ai bien compris ce que m'ont dit le trio de marchands, la petite Haleen a des dettes pour sa famille. Mais je crois que la princesse s'occupe de ça. Je la vois plus faire des spectacles de danse de combat, elle a l'air douée pour ça. Faudrait voir à demander à tout ce beau monde pour être sûr. Ça va peut-être t'étonner, mais faut pas qu'on réunisse tout le monde juste pour la haine des gnolls. C'est un ciment faible et malsain. Pour une fois, je suis d'accord avec la princesse, je pense qu'une fibre plus patriotique, qui joue sur l'espoir de la cité, serait plus utile. » Il se mit à sourire. « Ce qui nous amènera quand même à buter des connards de gnolls », dit-il en amenant sa bière à ses lèvres.



« Mmmh, » grogna Bhaal, peu convaincu par les arguments du rôdeur sur le patriotisme. « C'est bien beau tout ça, mais je dirai qu'il nous faut surtout des gars compétents... Enfin, des gars... Avec Alia, je suis bien placé pour savoir qu'il y a pas besoin d'avoir des couilles au cul pour savoir se battre. Mais bref, on n'a pas un vivier particulièrement riche dans lequel puiser, dans un premier temps faudra peut-être se contenter de ce qu'on trouve. A ton avis, faut qu'on soit combien pour démarrer ? » ll but une nouvelle gorgée de bière tandis que le rôdeur réfléchissait à sa question, mais reprit sans lui laisser le temps de répondre. « Sinon, pour le fort, oui on peut l'avoir... Mais si tu dis que c'est vraiment une belle position, peut-être qu'on devrait pas l'accepter et dire à Almah qu'elle est con de nous la donner, justement. Je veux dire, cette ville c'est chez nous maintenant. Tout ce qui est bon pour Kelmarane est bon pour nous. Si la ville est mieux défendue avec des troupes à elle dans ce fort, alors on devrait le lui dire. Faire ce que tu dis, en somme : être patriotes. »



Khem ricana : « t'as raison, je vais lui dire. Je crois qu'un endroit qui serait pas mal, ce serait de faire ça de l'autre côté du pont, là où y a déjà le moulin et la tanière de la harpie. Le loyer sera cher en ville et j'aurai toujours le problème de Rhondar, créer un camp plus en dehors devrait coûter moins, avoir plus de place, et ... ma sœur m'a dit que le côté monastère était peu gard, et qu'il valait mieux garder un œil dessus, histoire de lieu saint-j'sais-pas-quoi, alors quelque chose entre Kelmarane et le monastère, ça pourrait être pas mal. Mais comme tu dis, au début de toute façon, on prendra ce qu'on trouvera comme équipe, tant que ça bosse bien. »



Bhaal réfléchit rapidement à la proposition du rôdeur. « Oui, ça me plaît bien, ton idée, tant qu'on n'est pas trop près des champs de pesh. J'ai pas envie de voir le magicien arpenter ses plantations à chaque fois que je regarde par la fenêtre. Et puis le monastère a besoin d'être gardé, en effet. » Il ne crut pas utile de préciser qu'il entretenait une relation particulière avec l'endroit, que c'était entre ces murs vénérables qu'avait débuté, il y a peu, sa vie véritable, et qu'ils abritaient un ami cher. « Et... A ton avis, il nous faut combien, pour débuter ? Combien on va devoir mettre sur la table ? On va aller à Katapesh, et je me disais que c'était l'occasion de me payer un peu de matériel, alors... Faut que je fasse les comptes. J'ai pratiquement jamais eu d'argent, ça me fait bizarre... »




Khem se concentrait et tenait son menton pour souligner son intense réflexion. « Plusieurs milliers de pièces d'or pour s'installer avec du matériel, mais j'en ai déjà une grosse partie, et cet argent ne me sert à rien. Ce qui fait bizarre, c'est que tout ce qui sème la mort ou l'empêche coûte très cher, alors que la vie courante c'est l'inverse. Avec ce que tu as du gagné, tu pourrais siester tous les jours pendant dix ans, il te resterait de l'argent. »



Bhaal ayant pris une gorgée de bière tiède au même moment, il en recracha une grande partie lorsque Khem lui annonça ce qu'il allait falloir débourser. « Plusieurs milliers ? Bordel, » s'écria-t-il en s'essuyant le menton avec le revers de la main, « j'aurais jamais pensé que... Bordel ! Je m'attendais à dépenser cent ou deux cents pièces d'or ! Faites des affaires, qu'ils disaient... » Il se perdit dans la contemplation de l'horizon le temps de digérer cette fâcheuse nouvelle.



« Te tracasse pas, je parlais pour être vraiment installés. Mais avec dix pièces d'or, on peut payer la création de la guilde et le torche-cul officiel du prêtre de Blabladar. Avec ça, nos bites et nos couteaux, on a assez pour démarrer, on achètera du matériel au fur et à mesure pour ceux qui nous rejoindront.
Pour l'argent, je préfère acheter un terrain que le louer à une saloperie, c'est pour ça que je mettrais plus. Toi, t'as déjà un toit. »




« Ah bah je préfère ça. Tu m'as fait peur. Je crois qu'au début au moins, je vais te laisser parler pour les contrats. T'as l'expérience. Moi, c'est pas que je suis pas riche, la princesse paye bien, mais j'ai demandé à Célestin de me fabriquer une ou deux babioles qui vont me coûter la peau du cul. Il me fait pas payer, bien sûr, tu le connais, mais il a besoin de composants... Des trucs magiques. Et puis... Avec Alia, on va sans doute avoir des frais pour... une affaire. Alors si on peut étaler les dépenses dans le temps, c'est mieux. »




« Genre un autre projet commercial ou genre du mouflet ? Ou du mariage ? Content pour vous, en tout cas. Mais si c'est un mariage, je compte pas habiller Rhondar, je préfère te prévenir. Ouais, les contrats je vais m'en occuper si tu veux, je fais du mercenariat depuis le début, ça me posera pas de problème. T'as un nom de Guilde ou de boutique en tête ? »



« Euh... » Fit Bhaal, quelque peu embarrassé. Si quelqu'un devait être informé en premier de leurs projets de mariage, c'était bien Célestin, qui avait tant fait pour eux tandis qu'ils ne pensaient qu'à se détruire. Quant à son autre projet... Alia elle-même n'était pas au courant. Il fut donc reconnaissant au rôdeur de poser une autre question qui lui permettait d'éluder la première. « Là, comme ça ? Euh... Les Rôdeurs de la Montagne Pâle. Ou les explorateurs. Ou les gardiens. Les Coureurs de Kelmarane. On peut faire des combinaisons... » Il resta silencieux un instant pour laisser à Khem le temps de faire rouler ces mots dans sa bouche. « Je peux rien te dire pour l'instant, mon gars, » ajouta-t-il, toujours gêné. « J'aimerais pouvoir t'en parler, mais je peux pas. C'est pas mon secret. » Il espérait que le rôdeur comprendrait. Mais pouvait-il seulement révéler à Khem le grand secret d'Alia, et lui parler d'un projet fou dont la jeune fille elle-même ignorait encore tout ?



« Mec, on a tous nos putains de secrets, et on les appelle pas comme ça pour rien. Un jour par exemple, on a escorté des marchands avec Jyll, jusqu'à Okéno, qui est vraiment une ville à gerber, que tu détesterais. Ma sœur avait pas encore tous ses problèmes. Après notre paiement, j'ai été volé à la taverne pendant qu'elle dormait, on avait fait tout ça pour rien.

Ça, c'est ce que je lui ai dit. En fait j'ai fait tourner quelques putes, je me suis pinté, et j'ai perdu le reste des sous en jouant. Je sais même pas pourquoi je te raconte ça, »
dit-il en secouant la tête comme pour s'arrêter.

« Bref, garde donc tes secrets. J'aime bien les coureurs, c'est pas commun. Va pour ça. En plus si plus tard on se retrouve à déprimer à cause des dames, on pourra toujours faire les coureurs reconvertis, » dit-il en souriant, reprenant une gorgée de sa pinte.

« J'ai dit à Almah que je resterai ici pendant que vous allez à la capitale. Je vais garder un œil sur le monastère. Jyll m'a dit que c'était important. »



« Oui, ça l'est, » acquiesça le géant rouge, « j'ai un ami qui dort là-bas, » ajouta-t-il, énigmatique. « Je suis content que tu restes ici pendant notre voyage, avec tous ces étrangers qui vont venir. Je veillerai sur ta sœur. Enfin, Célestin veillera sur ta sœur, et moi je veillerai sur eux deux si quelqu'un leur fait des ennuis. Faire des ennuis aux gens perd de son attrait quand on se retrouve à marcher sur ses intestins, » annonça-t-il sur un ton bravache.

« Les Coureurs de Kelmarane, alors ? » Demanda-t-il au rôdeur sans répondre à ses remarques sur le double sens de ce mot. Si jamais il en venait à avoir des malheurs avec Alia, il savait très bien comme ça finirait.




Khem sourit : « oui, je sais qu'elle est bien entourée. Bon, je vais aller parler au prêtre d'Abadar, qu'il m'en dise un peu plus sur le sujet. » Il rota un bon coup avant de se lever, sous les yeux désapprobateurs de Rhondar, qui se sentait parti pour une sieste, mais consentit à se lever lentement. « On en reparle plus tard, je vais m'occuper de ça, » dit-il en lui tendant l'avant-bras, « et bon courage à nous. »



« Ça marche, » répondit Bhaal en se levant à son tour pour lui serrer l'avant-bras, « merci de gérer tout ça. » A vrai dire, s'il aimait l'idée du rôdeur, le demi-démon n'avait à peu près aucune idée des démarches à accomplir pour monter cette petite entreprise, et il lui était reconnaissant de prendre les choses en main.

Après le départ du rôdeur, Bhaal se rassit un moment pour contempler le paysage et réfléchir à leur projet. Il regarda sa bière à moitié bue et presque chaude et, d'un air dégoûté, la versa dans le sable avant de partir à son tour.

Modifié par un modérateur samedi 1 avril 2017 23:47:39(UTC)  | Raison: Non indiquée

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Offline Lyana  
#58 Envoyé le : samedi 4 février 2017 23:20:08(UTC)
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Alia et Jyll : Naissance d'une amitié


23 Desnus - fin de matinée


e soleil n'était pas encore très haut dans le ciel, la matinée était bien entamée et la chaleur commençait à s'abattre sur la ville. Dans moins de deux heures, tout s'arrêterait et les premiers habitants se mettraient à l'ombre afin de faire une sieste bien méritée.

Alia s'arrêta devant la porte d'entrée de la maison de Jyll et Célestin, celle-ci était grande ouverte et on entendait à l'intérieur les travaux de rénovation qui s'efforçaient de rendre habitable la demeure. Elle avait laissé Bhaal dans les travaux de leur propre maison, concentré sur la rénovation d'un mur, il n'avait pas paru faire attention à son départ. Elle restait devant la porte, hésitante, nerveuse à l'idée de la raison qui l'amenait à cet endroit. Quelques minutes passèrent sans qu'elle ne se décide à entrer, pourtant elle ne pouvait attendre indéfiniment, Bhaal allait se mettre à sa recherche, Célestin allait rentrer, et elle ne voulait ni l'un ni l'autre.

Elle avait guetté le moment idéal, elle savait que Célestin était en compagnie de la Princesse et que Jyll était par conséquent seule, enfin avec ceux qui l'aidaient à faire les travaux. Elle respira profondément et franchit le seuil de la maison, cherchant des yeux sa propriétaire.


« Déjà? » répondit promptement Jyll au grincement de la porte, enjouée. Elle s'avança sans même regarder vers qui elle allait quand elle fit un bond en arrière en mettant ses mains sur son sternum « Par tous les Saints, Alia, tu m'as fait peur ! », dit-elle, soupirant un instant avant de se mettre à rire. « Entre, je n'ai hélas pas grand chose d'autre à t'offrir à boire que de l'eau où d'un peu de ce thé au jasmin qui doit être froid maintenant »




Alia rougit, confuse d'avoir fait peur à l'oracle. « Excusez-moi, Jyll, je ne voulais pas vous faire peur. » Elle fit une légère pause, nerveuse. « Un peu d'eau sera parfait, merci, je ne vous dérange pas j'espère ? »



« Non ! Et tu peux me tutoyer ! On risque de se voir souvent. Ça avance par chez vous ? », demanda t'elle alors qu'elle allait chercher deux gobelets en terre cuite pour elles.


« Je suis désolée, je n'arrive pas encore à tutoyer, mais j'essaie je vous assure... » Elle lui sourit un peu timidement. « Les travaux avancent bien, l'escalier est bientôt totalement réparé, on va enfin pouvoir découvrir ce qu'il y a à l'étage. Vous avez bien avancé vous aussi, vous allez avoir une très belle maison... »

Alia n'était pas dupe, elle se perdait en futilité juste pour retarder le moment où elle allait devoir aborder la raison de sa venue. Elle but une gorgée d'eau pour se donner du courage.

« Vous devez bien vous douter que je ne suis pas venue pour parler des travaux, nous le faisons quasiment tous les soirs... Je... je voulais vous parler, Jyll, sans Bhaal ou Célestin... »

Elle se mordilla les lèvres de nervosité en regardant la compagne du sorcier.


Jyll desserra un col inexistant, et respira lentement et profondément alors qu'elle se tordillait un peu comme pour mieux s'asseoir.

« Je vous écoute Alia, cela a l'air très important. Mais si ça concerne les bribes de ce que j'ai cru comprendre... c'est votre vie, vos secrets, et cela vous appartient, personne ne vous force à en parler, au contraire. Ce n'est pas parce que quelqu'un a vu la base de votre cou qu'il a le droit de voir sous vos hanches. Ce que j'ai compris ne s'ébruitera pas, c'est à vous, pas à moi. Je préférais le préciser si c'était la raison de votre venue, avant que vous n'alliez plus loin. »



Alia regarda Jyll avec surprise et reconnaissance, la délicatesse de la jeune fille la toucha en plein coeur et renforça la conviction d'avoir fait le bon choix de venir lui parler.

« Merci, Jyll, merci beaucoup, c'était bien de cela dont je voulais vous parler. Je... vous avez le droit de savoir, vous... Je vous considère comme une amie, la seule que j'ai en fait, et vous savez déjà quasiment tout je pense. »
Elle but une nouvelle gorgée d'eau, le regard un peu perdu devant elle, réfléchissant à la ce qu'elle voulait dire.



« Vous vouvoyez vos amies ? Vous êtes déjà une dame de cour », dit elle en riant, taquine.


Les joues de la danseuse s'enflamèrent et elle balbutia.

« Je.. je.. non ! Ce n'est pas du tout ça... je... je ne sais pas le faire. Vous êtes.. » Son visage se renferma légèrement. « J'allais dire, vous êtes une femme libre... j'oublie encore que je ne suis plus une esclave et que j'ai été affranchie. Je vais essayer, je vous... je te le promet. » Elle lui sourit, gênée.


Jyll riait de plus belle. « Je comprends, déjà pour moi c'est difficile, avec la princesse et Célestin je découvre un peu les protocoles, j'essaie de m'en imprégner mais c'est très maniéré pour moi. » Voyant qu'Alia ne savait pas comment l'approcher, comme un guerrier devant une forteresse, Jyll essaya de l'aider à sa manière.

« Alors toi aussi tu ... quelque chose, quelqu'un te visite? Un des templiers? »


Le sourire que le rire avait amené sur les lèvres de la danseuse se figea à la question de la belle oracle.

« C'est... à peu près ça oui. Mais, ce n'est pas une visite, il est toujours là. Il est venu à notre première venue au monastère, au début, je ne le voulais pas, je l'ai refusé, mais... Vardishal nous a sauvé contre le Prince Haider. Je l'avais rejeté mais il est quand même venu pour nous sauver la vie et depuis, je le sens toujours, il est fatigué mais il se réveille petit à petit... » Elle regarda le cimeterre qu'elle portait à la taille. « C'est lui qui m'a indiqué où se trouvait Tempête. Ses souvenirs se mélangent aux miens parfois. »


Jyll semblait écouter Alia d'une oreille, à moitié absorbée par ses propres pensées.

« C'est différent de ce que je ressens, et tant mieux, ce sont des situations déjà difficiles à vivre en soi. Mais ... tu n'as pas peur s'il se réveille petit à petit qu'un jour, il t'efface? » Comme pour calmer l'incendie qu'elle venait d'allumer, elle faisait de grands signes avec ses mains en ajoutant « Non non, je ne pense pas que cela arriverait, s'il t'a sauvé, ça n'est pas pour t'effacer, mais je veux dire, tu n'as pas peur qu'il prenne trop de place, qu'il essaye trop de t'influencer? »


« C'est ça... Je me dis que... je sais, enfin, je pense qu'il ne le fera pas, mais... comment savoir ? Comment savoir que ce que je décide, c'est bien moi qui veux le faire et que ce n'est pas seulement sa décision ? J'ai peur de disparaitre... »
Elle respira fortement.

« Et même s'il ne le fait pas, les autres ne verront que Vardishal et non Alia. La Princesse... nous ne devions pas être affranchis aussi tôt, mais dès qu'elle a su que Vardishal était en moi, elle nous a libéré. C'est la meilleure chose qui me soit jamais arrivé, mais... je ne peux pas m'empêcher de me dire que si je n'étais qu'Alia ça n'aurait jamais eu lieu. Comment savoir à qui les gens s'adressent ? Et si pour les autres, je n'existais plus ? »


Jyll plia une jambe, posant sa cheville sur le genou opposée, attrapant son tibia en équerre avec ses mains.

« Je réfléchis souvent à ce genre de questions. Dans les grands moments de stresse, je parle la langue des anges, mais qui sait si un jour je ne parlerai pas toujours ainsi, si c'est bien moi qui parle ? Ce que je pense, c'est que celui qui t'a choisi, comme moi, nous a choisi car nous débordons de vie. Tout le monde vit, mais certains arrivent à vivre intensément de l'intérieur, ils pulsent d'énergie positive et de vie dans toute sa grandeur. Et si c'est ça, alors ils n'ont pas d'intérêt à réduire au silence ceux qu'ils ont choisi. C'est un peu prétentieux de dire cela, mais je le pense. Nous ressentons la vie, parfois au bord du vertige, ses malheurs, ses bonheurs, ses joies et peines, et nous voulons le bien pour tous. C'est peut-être ça, plus que le reste, qui explique que parmi tant, nous ayons été choisies. Car toi comme moi, nous n'étions pas les seuls choix possibles. »

Après un bref silence, elle ajouta : « Au monastère, il semblait que Vardishal avait peur de quelque chose, peur de ne pas avoir terminé son but, contrairement à Kardswann. Et pour ce but, c'est toi qu'il a choisi, un but qu'il n'a pas réussi à accomplir, alors peut-être as-tu ce qui lui manquait pour réussir. Et je ne pense pas que ça soit du charme dont il est question. »


« J'aurai ce qui manquait à un jann templier ? J'ai l'impression d'entendre Bhaal qui ne cesse de me parler de mon destin ou de ma mission. Je ne sais déjà pas gérer ma vie comment pourrais-je accomplir quoi que ce soit ?..  »

Elle eut un petit rire nerveux et reprit.

« Je suis désolée Jyll, je ne voulais pas vous.. te déranger avec mes petits problèmes alors que vous... tu vis avec ça depuis de longues années... Comment fais-tu ? Comment fais-tu pour supporter tout ça ? »


« Tu as du sang de créatures du plan du Bien, si j'ai bien compris. C'est peut-être ce qui manquait à une créature plus neutre naturellement, pour affronter un mal terrible? » Jyll commençait à angoisser à ces mots qu'elle sortait tout haut, et répondit à Alia. « Ca doit faire presque 7 ans... je le supportais plutôt mal, heureusement que mon frère était là. J'avais souvent des crises. Je n'en ai pas encore eu depuis que je suis avec Célestin. C'est une chose reposante et belle, je ne sais juste pas comment en parler car je pense que mon frère le prendrait mal où imaginerait avoir été la cause de ces crises ... et puis il y a le risque que ça me reprenne, même si c'est moins souvent.

Je fais comme toi, c'est-à-dire que par la force des choses, et non du choix, on s'y fait. Toi comme moi, si demain nous souhaitions être seules en nous, nous n'aurions pas le pouvoir de réussir. Pas sans forces extérieures. De dehors, tout ce que je vis est vu comme une bénédiction. Mais au début, j'ai plusieurs fois eu envie d'en finir. C'est mon frère qui m'a aidée à tenir. Il ne me lâchait jamais, et même si nous vivions un peu dangereusement et de façon contraire à mes préceptes à cause du mercenariat, il a toujours été là, s'endormant après moi et se levant avant, toujours un œil sur sa sœur. »




Alors que Jyll lui racontait ce qu'elle ressentait, Alia lui prit spontanément la main et la serra doucement pour la réconforter.

« J'ai du sang d'azata oui, mais je ne sais pas à quand il remonte, ma mère le possédait et je crois que sa mère également, mais c'est tout ce que je sais. Sept ans... ça a du être terrible à vivre, je suis heureuse que tu ne fais plus de crise, le pouvoir de l'amour est très fort. Quand je ne sais plus où j'en suis ou qui je suis, je regarde Bhaal et ça va tout de suite mieux. Il me regarde comme on ne m'avait jamais regardée, je me sens vivante, et il ne regarde qu'Alia, pas Vardishal, juste Alia. » Elle fit une légère pause, légèrement rêveuse et reprit d'une voix douce. « Ca doit être difficile pour ton frère mais je suis certaine qu'il est heureux pour toi, de te voir heureuse. C'est quelqu'un de vraiment très bien et je suis heureuse que Bhaal s'associe avec lui. »


« Oui. » Jyll se retenait de pleurer. « Je ne sais pas comment lui rendre tout ce qu'il m'a donné. S'il a des cauchemars la nuit, c'est de ma faute même s'il dit le contraire. Il a du se salir les mains plusieurs fois pour me garder loin de convoitises brutales. C'est un homme bien, oui. Comme Bhaal je pense. Certains hommes un peu brutes ne demandent qu'à avoir une raison de se canaliser. »


Alia sentait les larmes qui menaçaient lui piquer les yeux, la souffrance de Jyll l'affectait tant elle était forte. Le lien qui unissait le frère et la soeur était vraiment très puissant. Elle serra encore plus fort la main de l'oracle entre les siennes.

« Oui... ce sont deux hommes bons qui ne le savent pas. Ils se sont forgés chacun une carapace de violence et de brutalité mais dessous il y a de la bonté. Les trésors les plus précieux sont souvent les mieux enfouis. »
Elle sourit doucement à l'évocation de son amant puis redevint sérieuse.

« Jyll, je voulais te demander... Il n'y a que très peu de personnes qui savent ce qui m'est arrivée, Bhaal évidemment, Nemlak et Piye qui étaient là lorsque ça s'est produit, Célestin parce qu'il l'a deviné puis il a tellement fait pour nous que je ne pouvais plus lui cacher, la Princesse et Garavel évidemment, Kardswann et maintenant vous... toi. Mais Vardishal est un Saint de Sarenrae, n'est-ce pas un affront à la déesse de le cacher ? Le clergé de la Fleur de l'Aube ne doit-il pas être prévenu que l'un de ses Saints s'est réveillé ? »

Elle regardait l'oracle anxieuse, les lèvres mordant fortement ses lèvres par nervosité.


Jyll fut surprise à la mention de Piye. Elle prit un long instant pour réfléchir.

« Je pense que si la déesse exigeait quelque chose de toi, elle t'aurais bénie à ma façon, ou l'aurait fait apparaître aux yeux de tous sans ton consentement. Et si elle portait son Saint en si grande estime, on ne l'aurait pas retrouvé en moisissure ... je pense que c'est à toi et toi seule de le révéler si tu t'en sens l'envie, ou à Vardishal si ça lui paraît capital. Toi comme lui, vous semblez pour l'instant profiter plutôt bien de votre anonymat relatif. »


Alia réfléchit un moment à ce que venait de dire son amie, de longues secondes passèrent puis un sourire fleurit sur les lèvres de la danseuse. Elle tourna son regard à nouveau vers l'oracle, les traits détendus, comme si un poids venait de s'enlever de ses épaules.

« Merci ! Oh merci Jyll pour toutes ses paroles. J'ai toujours si peur de désobéir à un ordre, même quand il n'y en a pas. Il faut que j'apprenne à plus faire confiance à Vardishal, il saura me guider quand il le faudra. Merci, tu n'as pas idée de la peur que tu viens de m'enlever, toi, une fidèle de Sarenrae. »

Spontanément, elle serra la jeune oracle dans ses bras, elle se sentait si légère, elle ne cessait de répéter des remerciements alors qu'elle entourait Jyll d'une accolade chaleureuse.


Jyll se laissa faire, se contentant d'un soupir de joie, soulagée.

«  Les prêtres sont les plus enclins à faire la morale, et je les comprends, ils ont volontairement voué leur vie à un dieu qui leur répond rarement. Et nous, nous sommes choisies, mais libres d'en faire ce que nous souhaitons. Je comprends leur rancœur, leur haine, leur tristesse, mais ça n'en fait pas pour autant des sentiments justes ou raisonnés. Laissons l'avenir nous dire ce qu'il a prévu pour nous. C'est le seul qui parle toujours à temps, ni trop tôt, ni trop tard. Merci à toi aussi », dit Jyll, curieusement.

« Sans toi, et Bhaal, je ne crois pas que Célestin aurait eu le courage de m'aborder. Et moi, de me laisser faire »


Alia se recula, son sourire s'agrandit encore plus à la dernière phrase de l'oracle.

« Vraiment ? Grâce à nous ? J'en suis vraiment heureuse alors, vous êtes si beaux ensemble, si bien assortis. Je sais que beaucoup se demande ce que je trouve à Bhaal, nous sommes d'apparence si opposés, mais Célestin et toi, cela tombe sous l'évidence. Je crois que Célestin se serait déclaré même si nous n'avions pas été là, il n'aurait pas pu faire autrement. »

Elle hésita un instant, toujours souriante, puis se jeta à l'eau et parla à nouveau.

« Bhaal et moi... nous avons décidé... à notre retour de Katapesh certainement... quand nous serons véritablement libre... nous ne l'avons encore dit à personne mais... je voulais partager ça avec une amie... Nous... nous allons nous marrier ! Je n'aurai jamais cru que ça m'arriverait un jour et surtout avec un homme que j'aime plus que ma vie. » Ses yeux s'embuèrent d'émotion. « Jyll... pourras-tu m'aider, s'il-te-plait ? Je... je n'ai jamais assisté à un mariage, comment on prépare ça ? Voudrais-tu être ma demoiselle d'honneur ? » Elle se mordillait de nouveau la lèvre, nerveuse, en attendant la réponse de l'oracle.


Les yeux de Jyll s'embuèrent aussi vite. « Oh, dear, je ... évidemment ! Khufar en atakmahu te ... » (ça sera un grand honneur de te...) Jyll s'arrêta net et plaça sa main entre les clavicules d'Alia comme pour la stopper. Elle prit quelques longues inspirations en souriant, et reprit : « C'est pénible parfois, mais c'est trop d'émotions, je disais donc que ça serait avec plaisir ! Je t'aiderai à préparer tout ça, et j'ai déjà ma petite idée de qui voudra faire ta robe ! Célestin aussi veut que l'on se marie, mais, pour l'instant ... il veut qu'on retrouve son nom d'abord. » Jyll se sentait honteuse d'avoir délivré ce qui était peut-être un secret, mais le résultat l'importait trop pour qu'elle le garda pour elle. « Je ne sais pas si tu le savais, mais il ne connaît pas son nom lui non plus, et il veut savoir avant que l'on ne vous copie dans le bonheur officialisé. Comme c'est important pour lui, c'est important pour moi, nous prendrons le temps qu'il faudra, mais je ne sais pas si il aura le courage de vous demander de l'aide ... il aime aider mais s'abaisse difficilement à en demander, comme si justement, c'était s'abaisser ... je pense que c'est parce qu'il a tellement servi Almah qu'il pense que ça serait vu comme de l'incompétence, comme s'il n'était pas à la hauteur. Alors si d'ici quelques mois, il ne t'a rien demandé, je le bousculerais un peu », dit elle en souriant.


Alia répondit à son sourire : « S'il ne nous a rien demandé, menace-le de le dire à Bhaal, il ne faudra pas 30 secondes à Bhaal pour venir lui dire sa façon de penser et je crois qu'il le sait. Célestin nous a tellement aidé, nous lui sommes à jamais redevables, alors nous l'aiderons autant que nous le pourrons. » Elle réfléchit un instant. « Je comprend Célestin, c'est important un nom et s'il en a un, il faut qu'il le retrouve. Moi je n'en ai pas, on n'en donne pas aux animaux de compagnie, mais Bhaal va me donner le sien, j'aurai enfin un nom et ça sera celui du meilleur des hommes. » Un tendre sourire illumina l'élue de Vardishal puis elle redevint plus sérieuse. « Quand Célestin sera prêt, qu'il vienne nous voir et nous réfléchirons tous ensemble à la façon dont nous pourrons retrouver ce qui lui appartient »


Jyll serra fortement les mains d'Alia, se contentant de sourire. « J'espère que tout ira bien ici maintenant. Cela me fait bizarre de me poser, surtout dans une si grande maison. J'ai envie de commencer à apprendre à travailler le bois. »


Alia émit un petit rire de gorge. « Travailler le bois ? Ma foi, pourquoi pas ? J'espère également que tout ira bien ici et la maison qu'on a reçu avec Bhaal est également bien trop grande. » Elle resta pensive un instant. « Travailler le bois... Bhaal va monter sa guilde avec Khem, Célestin va redevenir un artisan, Nemlak est déjà en train d'oeuvrer à son école, il me semble, et tu vas organiser le culte de la Fleur de l'Aube... Je ne sais pas ce que je vais faire... Je n'ai jamais réfléchi à ce que je voulais faire si je devenais libre.. » Elle sourit en se redressant, secouant la tête comme pour en chasser les pensées noires. « Mais il est bien trop tôt pour s'en faire ! Nous devons d'abord aller à Katapesh, retrouver le nom de Célestin et régler d'autres affaires. Et seulement à notre retour, je m'inquiéterai. »


« Tu pourrais continuer à danser. J'ai bien dit danser. Je n'ai jamais vu personne danser comme toi. Tu pourrais aussi avec moi développer le culte et entretenir la foi. Ça serait d'ailleurs le même moyen de garder la main mise sur ton secret avec facilité », dit elle avec malice.


Alia sourit sous le compliment. « Ca faisait longtemps que je n'avais pas dansé juste pour le plaisir de la danse... J'avais oublié à quel point j'aimais ça. » Elle resta un instant rêveuse. « Merci pour la proposition, je vais y réfléchir, mais ça me plait »

Elle sourit chaleureusement à Jyll.


Jyll la regardait sourire. « Merci d'être passée, vraiment, cela m'a fait du bien de parler à quelqu'un d'autre que Célestin. Même pour lui, je pense que c'est bien. » Jyll hésitait à s'approcher davantage mais tenta d'enlacer Alia pour lui offrir la chaleur de sa joie.



Alia laissa Jyll l'enlacer sans oser répondre ne voulant pas provoquer une crise de l'oracle, elle lui répondit tout de même.

« Moi aussi je suis heureuse d'être venue et ça m'a fait du bien également, Bhaal n'est pas un grand bavard. Il faut qu'on se voit plus souvent et sans les hommes, je crois que c'est ce que font les amies, non ? » Elle fit une courte pause et reprit. « Je dois y aller, Bhaal ne sait pas que je suis ici, il risque de s'inquiéter s'il me cherche. Encore merci. » Elle serra la jeune prêtresse dans ses bras une dernière fois et sortit de la maison la démarche légère et le coeur libéré.


« Tu as raison. Si un jour vous devez aller loin avec Bhaal, ou juste l'un de vous, n'hésitez pas à venir me voir, je dois pouvoir vous aider à affronter la chaleur étouffante pour la journée par la bénédiction de Sarenrae. »

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#59 Envoyé le : dimanche 5 février 2017 13:55:41(UTC)
Lyana
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Alia et Bhaal : La part manquante.


25 Desnus, le soir.


près la libération de Kelmarane et la mort du démon qui avait causé sa ruine, les deux amants passèrent des jours bénis. Peu à peu, la liesse et l'espérance qui avait animé les nouveaux colons avait laissé la place à une attente inquiète. Tout le monde avait hâte de voir arriver les renforts promis par les Maîtres du Pacte et l'on vivait, sans se l'avouer ni en parler, dans la crainte d'une attaque. Rien n'était encore gagné et tout pouvait être ruiné. Tout dépendait de ce que le Roi Charognard ferait... ou ne ferait pas.

Mais Alia et Bhaal étaient étrangers à cette inquiétude. Ils savouraient le bonheur d'être libre et de s'aimer, celui d'avoir un chez-soi, de ne pas être contraint de se battre ou d'offrir des prestations exotiques à un inconnu. Rien ne pouvait plus leur arriver, et Alia ne manquait pas de rappeler que le templier, avant de partir, avait déclaré peu probable une réaction rapide du roi des gnolls de la Montagne Pâle.

Les travaux menés dans leur maison avançaient bien, grâce à l'aide des lions de Sénara. Ce jour, Andrus avait mis la dernière main à l'escalier de fortune qui donnait désormais accès au premier étage, et les deux amants en avaient immédiatement testé la solidité afin d'aller voir ce qui les attendait là-haut. Ils avaient découvert plusieurs pièces de taille moyenne ainsi qu'une autre, plus spacieuse, qui avait probablement été la chambre des maîtres.

La nuit était depuis longtemps tombée et le repas du soir terminé. Les deux amants étaient assis au bord de la rivière et tentaient d'oublier la chaleur écrasante de la journée en trempant leurs pieds dans l'eau fraîche sous la lumière des étoiles et de la lune, imaginant ensemble ce que serait plus tard leur maison et faisant des projets d'avenir.
« N'empêche, qu'est-ce qu'on va faire de toutes ces chambres ? » Demanda Bhaal en levant les yeux vers la voûte étoilée, « les seuls amis qu'on a habitent à deux-cents pas d'ici. Il y a bien les enfants, mais... »


Alia remuait les orteils dans l'eau vive avec ravissement, la tête penchée en arrière, elle savourait la brise sur son visage, un sourire aux lèvres. Elle se sentait bien, au loin, on entendait des bribes de conversations ou des éclats de rire, la vie reignait maintenant sur Kelmarane et elle était fière d'avoir participer à ça. Dans peu de temps, maintenant, des colons allaient arriver et la ville prendrait alors son essort, ils ne seraient plus jamais aussi tranquilles qu'en ce moment, c'est pour ça qu'elle profitait de chaque moment avec intensité.

La voix de Bhaal rompit le silence paisible qui s'était installé entre eux, elle tourna la tête vers lui, se posant les mêmes questions sur le nombre de pièces de leur maison, mais son pied se figea au dessus de l'eau, ruisselant, son sourire disparut instantanément de ses lèvres et elle blémit.

« Quoi, les enfants ? De quoi parles-tu ? »


Bhaal se tourna vers sa bien-aimée en essayant de conserver un air détaché mais, comme il l'avait craint, c'était le genre de sujet qui allait crisper Alia. Il y avait cependant des questions qu'il souhaitait aborder avec elle depuis plusieurs jours et qu'il remettait toujours au lendemain, de peur de susciter un rejet de la part de la jeune fille et de briser l'atmosphère de bonheur plein et entier dans laquelle ils étaient plongés et dont il savourait chaque instant.

« Ben oui, quoi, les enfants... On a aussi le droit de faire des enfants, maintenant, tu sais ? J'ai pas envie d'en avoir tout de suite, à vrai dire je ne sais pas encore vraiment si j'ai envie d'en avoir tout court, mais dans dix ans, dans vingt ans... Qui peut savoir ? »

Il prit une grande inspiration avant de continuer à voix basse, prudemment. « Alors la question est : est-ce que toi, tu sais si tu as envie, un jour, d'avoir des... D'avoir d'autres enfants ? Parce que si c'est non... ben voilà, la question est réglée. » Il s'efforça de sourire et de parler sur un ton léger, mais sa gêne était perceptible.


La jeune fille regardait son fiancé, bouleversée, les larmes lui montèrent aux yeux. Elle se mordit à nouveau les lèvres, nerveusement, secouant lentement la tête de gauche à droite. Elle entrouvrit la bouche, essayant de parler mais aucun son n'en sortit.


« Merde, » souffla-t-il, navré, en voyant la réaction que produisait sa maladroite tentative d'aborder le sujet qui lui tenait à cœur par des moyen détournés. Sortant les pieds de l'eau, il se tourna complètement vers sa bien-aimée pour l'enlacer de ses bras puissants et lui offrir le réconfort de son torse. Il savait qu'elle aimait se bercer des vibrations de sa voix en plaquant sa tête contre ses pectoraux. « Lààà, chhht, tout va bien, ma belle. Pardonne-moi, je ne suis qu'un gros crétin. » Il se mit à caresser doucement ses cheveux.


Alia se serra contre le torse puissant du demi-démon, le corps maintenant traversé par des sanglots. Les larmes coulaient sur ses joues sans pouvoir les arrêter. L'image de sa fille qu'elle n'avait connu que quelques jours s'imposait à elle et l'empêchait de réfléchir normalement.

« Je veux pas revivre ça... je peux pas... c'est trop douloureux... »

Bhaal eut du mal à comprendre ce qu'elle disait, sa voix faible était entrecoupée de sanglots et était étouffée contre le corps du gladiateur.


Désemparé par tant de souffrance, Bhaal s'en voulut d'avoir mésestimé la gravité de la blessure à l'âme de sa fiancée. En dépit de sa joie et de sa bonne humeur, en dépit du bonheur plein et entier qu'elle affichait avec lui-même ou avec ses amis, il s'agissait bien d'une plaie ouverte qui se remettait à saigner abondamment dès qu'on l'effleurait. Mais en même temps qu'il se morigénait de sa maladresse, une résolution grandit en lui, quelque chose qu'il ruminait depuis quelques jours sans parvenir à le formuler précisément. Il fallait mettre un terme à toute cette souffrance. Il ne la voulait pas heureuse seulement en apparence, il la voulait heureuse jusqu'au fond de son âme. Il voulait la libérer de la douleur.

« Mon amour... » Murmura-t-il, « mon pauvre amour, qu'est-ce qu'ils t'ont fait... »

Il continua à lui caresser les cheveux pendant un long moment, le temps de rassembler son courage pour vider son sac et crever l'abcès. « Écoute... Les enfants je m'en fous, c'était qu'un prétexte... Je savais pas comment te parler de ça, mais il faut qu'on en parle. Ça te fait trop souffrir. Il faut qu'on fasse quelque chose. On est libres, maintenant, et on est riches. Et on a une princesse marchande pour amie. Il faut essayer de la retrouver, ta petite. Il faut tout tenter pour la retrouver. Et ta mère aussi, d'ailleurs. Il faut que tu partes à la recherche de ta famille. Je te l'avais dit, déjà, avant que... Avant qu'on soit ensemble. Je le pensais et je le pense toujours. Tu ne seras jamais entière si tu ne le fais pas, et tu vivras pour toujours avec tes regrets et avec ta peine. Et je ne veux plus que tu souffres comme ça, mon amour, je... Je peux pas l'accepter ! »

Bhaal serra sa compagne un peu plus fort contre lui, à mesure qu'il faisait sienne sa souffrance et la transformait en colère. Un monde dans lequel Alia souffrait comme ça ne valait pas la peine qu'on y vive. Il se sentait prêt à détruire à mains nues tous les murs qui se dresseraient entre Alia et sa fille perdue.


La voix grave de Bhaal gronda à nouveau alors que les sanglots s'espaçaient, Alia était fatiguée, elle pleurait aujourd'hui une perte qu'elle n'avait jamais pu exprimer et elle se sentait vidée de toute énergie. Elle releva pourtant la tête pour regarder Bhaal. Elle resta un long moment les yeux plantés dans les siens comme si elle essayait de comprendre une chose impossible à comprendre.

Puis d'une voix blanche, elle lui répondit.
« C'est impossible. Je ne sais même pas où elles sont. On n'y arrivera jamais. »
Le visage totalement fermé, les joues trempées de larmes, elle refusait l'espoir que lui offrait son amant.


« Et moi, c'est impossible de savoir qui je suis. Je ne sais même pas d'où je viens. On n'y arrivera jamais. »

Bhaal essuya doucement les larmes de la jeune filles avec le revers de ses doigts, tout en continuant à plonger son regard dans le sien. « Conneries... » Murmura-t-il. « Souviens-toi de ce que tu m'as dit quand je... Quand j'ai... perdu espoir. Pourquoi ça ne s'appliquerait pas à toi ? Tu sais à qui tu appartenais quand tu as eu ta fille, n'est-ce pas ? Il y a des registres. Dans ce pays, on ne peut pas conclure une vente sans que ça soit sur un putain de registre, les prêtres d'Abadar y veillent. Tu es sur des registres, je suis sur des registres, ta mère et ta fille sont sur des registres, quelque part. Tous les esclaves sont sur des registres. Ce sera plus facile de la retrouver que si elle était libre. »


« MAIS TAIS-TOI !!! »

Le cri d'Alia l'interrompit, alors que la jeune fille portait les mains à ses oreilles dans un geste inutile pour ne plus entendre la voix raisonable de Bhaal.

« Tais-toi ! S'il-te-plait ! Je veux pas t'entendre... je veux pas... »

De nouveaux sanglots secouaient le corps de la jeune fille et sa voix était plus aiguë que d'habitude. Elle secouait la tête de gauche à droite dans un déni qui n'en finissait pas. Elle ne voulait pas entendre Bhaal. Elle avait perdu tout espoir il y avait longtemps maintenant. Lorsqu'on lui avait arraché sa fille des bras, on lui avait arraché une partie de son âme, elle avait cru ne jamais s'en remettre et en fait, elle n'avait jamais véritablement guéri. Elle avait hurlé, avait tenté de mettre fin à ses jours mais même ça on le lui avait interdit. Elle avait survécu, enfouissant sa douleur au plus profond d'elle-même, devenant indifférente à ce qui l'entourait, jusqu'à ce qu'elle vienne au fin fond du désert pour conquérir une cité perdue. Bhaal l'avait ramenée à la vie, la douleur était toujours présente et elle vivait avec elle quotidiennement.

D'une voix écrasée par la douleur, elle murmura.

« Il n'y a plus d'espoir... je ne veux pas espérer. Si... si on la cherche, je vais y croire... et si .. si on ne la retrouve pas... je peux pas la perdre à nouveau... je peux pas... ça fait trop mal... »


Surpris et interdit par le cri de la jeune fille, Bhaal la fixa intensément alors que son beau et doux visage était déformé par le désespoir. Le cœur du demi-démon se serra : Alia n'était plus elle-même. Elle avait pourtant tout enduré : elle l'avait enduré, lui, lorsqu'il l'avait malmenée au début, perdu qu'il était dans un brouillard de haine et de ressentiment envers le monde entier. Elle avait enduré les combats, elle avait enduré le doute, elle avait enduré Vardishal et le désarroi d'être plus qu'elle-même, mais cette fois, c'était trop pour elle. Le géant rouge se mordit les lèvres, essayant d'imaginer sa souffrance tout en sachant qu'il était bien incapable de la partager.

Sans réfléchir aux conséquences de ses actes, il tenta une ultime approche. Son visage se fit plus dur, plus froid et il s'adressa à elle d'une voix sans chaleur. « Alors abandonne. Couche-toi dans le sable et attends donc la mort. Toutes les vaillantes paroles que tu m'as dites quand le désespoir m'a pris ne valaient donc que pour moi ? Ah, mais oui, c'est facile de dire aux autres de se relever et de se battre ! Nous sommes libres et vivants, Alia ! La liberté ne nous dispense pas de souffrir, mais au moins on peut lutter contre et ne pas simplement se coucher et attendre que ça passe, jusqu'à la prochaine fois. Tu me récites bien proprement tout ce que tu t'es dit, toutes ces années, dans ta solitude, pour survivre. Oui, il est possible que ta fille soit morte. Oui, il est possible qu'on ne la retrouve jamais. Rien n'est certain. Nous sommes des êtres à longue vie, Alia. Tu es libre de passer la tienne à renoncer tout en vivant pour toujours dans les regrets jusqu'à ce que la vieillesse te prenne et que l'amertume te submerge à l'approche de la mort. L'amertume de ne pas avoir fait ce qui était à ta portée. Mais il sera trop tard, bien trop tard. »

Il se dégagea doucement de leur étreinte et se remit debout lentement. Alia, elle, restait assise, le corps secoué de sanglots.

« Je ne veux pas vivre comme ça, » ajouta-t-il simplement, d'un ton parfaitement neutre, avant de s'éloigner de quelques pas pour contempler la rivière et, au-delà d'elle, le désert immense. Mais en réalité, il n'en voyait pas grand chose tant ses yeux étaient brouillés de larmes. Il pleurait amèrement de s'être forcé à parler durement à celle qu'il aimait par-dessus tout et qui constituait, pour lui, l'axe central de l'univers.


Le regard qu'Alia lança à Bhaal était celui d'une biche blessée, sa respiration se coupa un instant, comme si elle venait de recevoir un upercut en plein estomac. Chacune des paroles du démon la frappait de plein fouet, elle se mit à trembler. De douleur, de colère, de rage, de peine, de désespoir.

Que savait-il de sa douleur ? Que pouvait-il comprendre ? Rien ! Il ne savait rien et il la jugeait ! Son regard se teinta de noir, qu'il se taise ! Mais qu'il se taise ! Elle n'en pouvait plus, la colère, la douleur la submergeaient, les mains toujours pressées sur ses oreilles, elle ne voulait qu'une seule chose, que cela cesse.

A ses pieds, coulait toujours la rivière, paisible, fraiche, accueillante... Ca serait si simple... juste me laisser glisser et oublier. Oublier la douleur, oublier le désespoir, oublier la colère, oublier... seulement oublier. Oublier la vie, oublier sa fille, oublier Célestin et son amitié, oublier Vardishal et surtout... oublier Bhaal, oublier l'amour qu'elle n'avait jamais cru possible.

Assise sur le bord de la rive, elle ne pouvait pas bouger, elle était incapable de prendre une décision, incapable de se laisser glisser dans l'eau pour en finir, incapable de hurler contre Bhaal qui ne faisait qu'énoncer une vérité qu'elle ne voulait pas entendre, incapable de se lever et de partir. Elle ouvrit la bouche et le cri jaillit de lui même.

Un cri de bête blessée, un cri semblable à celui que Bhaal avait hurlé lorsqu'il avait compris que la mort ne résoudrait rien et qu'il lui faudrait vivre, quoi qu'il advienne. Son corps se tendit et s'arqua violemment alors que son cri n'en finissait pas. Elle expulsait des années de silence et de douleur enfouie.


« ALIA ! »
Bhaal n'eut pas le temps de reprendre contenance. A la fois surpris et effrayé par ce hurlement qui déchirait le silence de la nuit et n'en finissait pas, il se précipita sur elle et tomba à genoux pour la soutenir. Alia n'avait jamais manifesté une telle voix. Ce n'était pas sa voix, c'était la voix de la souffrance et du désespoir, une voix rauque, venue des entrailles. Le cri ne cessait pas, il semblait vivre de lui-même, indépendamment de la volonté de la jeune fille.

Dans sa panique, le géant rouge réalisa qu'il connaissait bien ce hurlement. Lui-même avait poussé un cri semblable il y a quelques jours à peine, un cri de pur désespoir et de pure souffrance, et il savait qu'elle allait, elle aussi, suffoquer. Il se mit à la secouer par les épaules, de plus en plus fort, pour essayer de briser son spasme. « Respire, Alia ! » Lui répétait-il, « respire ! RESPIRE ! »


Le corps secoué, le cri d'Alia s'éteignit finalement alors que l'air pénétrait de nouveau dans ses poumons par une grande inspiration rauque. Elle était épuisée, elle tremblait de tout son corps, en reprenant sa respiration, la gorge douloureuse la faisant toussoter. Bhaal arrêta de la secouer et elle s'effondra dans ses bras, s'accrochant à lui.

D'une voix éraillée, elle supplia à voix basse.

« Ne me laisse pas, je t'en supplie, ne me laisse pas seule, j'ai besoin de toi... »

Elle se serrait contre lui, convulsivement, le corps secoué de sanglots secs, elle ne cessait de répéter les mêmes mots en boucle.


Bhaal enlaça la jeune fille avec toute la tendresse dont il était capable, la gratifiant de caresses réconfortantes dans le dos et les cheveux dans sa tentative de l'envelopper le plus complètement possible dans une étreinte protectrice. Ce faisant, il pleurait toujours, dévasté et effrayé d'avoir fait remonter une telle souffrance à la surface.

« Je suis là, mon amour, je suis là pour toi. Je serai toujours là, tu ne seras plus jamais seule, je te le promets... Oh, Alia, pourquoi tu m'aimes ? Je suis qu'un pauvre con... »


Alia s'accrochait désespérement à l'homme qu'elle aimait, les caresses qu'il lui prodiguait l'apaisaient lentement, la boucle de supplications s'était arrêtée. La tête enfouie contre le torse puissant et le corps à l'abri de ses bras virils, elle reprenait petit à petit conscience. Elle était épuisée, les yeux se fermaient d'eux-même alors qu'elle était bercée par la voix grave de son amant. Elle ne comprenait pas vraiment ce qu'il disait mais il était là. Tout à l'heure, alors qu'il disait qu'il ne pouvait vivre sans espoir et sans agir, elle avait cru qu'il s'était lassé, Vardishal, sa fille, Bhaal ne méritait pas d'être mêlé à tous les problèmes de la jeune fille, il méritait d'être libre, d'agir comme bon lui semblait. Elle était un poid pour lui.
Le corps secoué régulièrement par des sanglots, elle restait immobile, le sommeil l'envahissait petit à petit, elle luttait pour rester éveillée.

Bhaal ne réalisa pas tout de suite qu'elle parlait à nouveau, tant la voix était faible, sa jeune fiancée n'avait jamais paru aussi fragile qu'à ce moment, et en la regardant, il se rendit compte que si elle avait vécu longtemps aux yeux d'un humain, elle était encore très jeune pour une aasimar, elle n'était qu'une enfant qui entrait dans la vie adulte sans comprendre le monde qui l'entourait.

« ... je dois la voir. S'il te plait, Bhaal, aide-moi, je dois la retrouver... je dois la sauver... »


Alors qu'il serrait sa fiancée contre lui, si fragile, si faible, si perdue, les paroles du saint lui revinrent une nouvelle fois en mémoire : « c'est ton rôle de la protéger, » avait-il dit à son esprit - ou son âme - tout en l'arrachant aux bras de la mort. Oui, il aurait du mourir ce jour-là, et c'était bien pour cela qu'il avait été rappelé : la protéger, par son bras et par son amour. Non seulement la protéger physiquement, mais aussi des cruautés de la vie, qu'elle avait déjà subi plus qu'à son tour. Il devait la protéger pour qu'elle puisse se consacrer entièrement à sa mission, pour qu'elle devienne ce qu'elle était destinée à être.

« Oui mon amour, » dit-il doucement, « on va la retrouver, tu verras. Ça prendra le temps que ça prendra, mais on la retrouvera, je te le promets. »

Il restèrent ainsi encore un moment, Alia blottie contre son torse et Bhaal caressant ses cheveux avec toute la douceur dont il était capable de ses grosses mains. Puis, voyant dans quel état d'épuisement physique et psychique elle était, il la souleva lentement dans ses bras pour revenir vers leur maison. Il fallait qu'elle dorme.

Mais alors qu'il s'approchait du perron, sa compagne toujours lovée contre son torse, les bras autour de lui et la tête enfouie dans son cou, il perçut des bruits de course et des voix qui approchaient dans leur direction. Et merde, se dit-il. Le cri, bien sûr. L'alerte avait été donnée. Peut-être que la princesse savait bien ce qu'elle faisait en leur offrant une maison si loin du centre : elle veillait à se garantir un bon sommeil la nuit.


Soudain, au détour d'un mur, la lumière d'une torche l'aveugla, perturbant sa vision de nuit. La dénommée Kallien stoppa net en les apercevant et lança derrière elle « ils sont là, ça y est ! » Elle avait manifestement couvert tout le chemin depuis l'arène en courant et, tandis qu'elle reprenait son souffle, un autre membre des Lames des sables, qui pouvait bien être Trevvis mais qu'il distinguait mal, vint se joindre à elle. Visiblement en état d'alerte, Kellien les apostropha d'une voix rendue aiguë par le stress. « C'est vous qui avez crié ? Qu'est-ce qui se passe ? Elle est blessée ? »


Alia, dont l'esprit voguait ailleurs depuis un moment déjà, ne bougea pas. Bhaal, mécontent d'être dérangé dans son intimité avec sa fiancée, toisa les deux mercenaires d'un air farouche et grogna dans leur direction : « non, elle est pas blessée. Tout va bien. Retournez à vos postes. »


Mais Kallien ne l'entendait pas de cette oreille et ne bougea pas. Elle regarda le demi-démon avec un mélange de crainte et de suspicion, comme si elle se demandait s'il la traitait bien, bien qu'elle soit manifestement lovée contre lui en un geste d'amour et non évanouie ou blessée. « Allez, barrez-vous ! » Rugit le géant rouge en faisant un pas vers eux, lourd de menaces. Les deux mercenaires reculèrent et partirent sans demander leur reste. Il n'y avait plus qu'à espérer que personne ne juge l'incident digne d'être rapporté à la princesse et à son intendant, sans quoi ils allaient encore passer pour des agités et des fauteurs de troubles.



S'étant débarrassé des importuns, Bhaal entra dans la maison en poussant la porte du pied et la referma de la même façon avant de se diriger vers leur paillasse et d'y déposer sa fiancée avec d'infinies précautions. Il aurait voulu faire un petit feu pour réchauffer la pièce qui devenait froide la nuit, mais cela lui demandait de s'éloigner d'elle et cela, il ne le voulait pas. Il ne voulait pas rompre le contact physique avec elle. Il s'allongea à côté d'elle puis, d'une main, prit une couverture posée à côté du lit et l'étala sur eux avant d'installer Alia, doucement, tout contre lui. Non, elle n'aurait pas froid cette nuit, ni aucune autre nuit à venir.

Modifié par un utilisateur dimanche 5 février 2017 15:06:39(UTC)  | Raison: Non indiquée

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#60 Envoyé le : dimanche 19 mars 2017 21:38:36(UTC)
Lyana
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Bhaal, Célestin et Jyll


27 Desnus dans l'après-midi.


es pas du géant rouge soulevaient la poussière en cette fin d'après-midi tandis qu'il se faufilait dans les ruelles désertes de la ville haute. Par moments, il se retournait comme pour vérifier qu'il n'avait pas été suivi. Alia était restée pour finir quelques travaux dans leur maison, et il avait prétexté qu'il devait voir Khem pour "régler quelques détails" concernant leur projet de compagnie. Étrangement, Alia n'avait pas objecté qu'il aurait pu voir le rôdeur le soir même, lors du repas, mais il ne savait pas si le silence de la jeune fille était intentionnel ou non. Il n'était pas doué pour cacher des choses.

Arrivé au sommet de la colline, sur l'esplanade qui accueillait la masse énorme de l'arène marchande, siège du pouvoir - encore éphémère - de la princesse Almah, il salua les deux gardes en faction d'un signe de la main, bifurqua en direction de l'ancien temple de Sarenrae et s'arrêta à la porte d'une belle maison dont rien, extérieurement, ne laissait à penser qu'elle était l'objet de travaux semblables à ceux qui se déroulaient dans la sienne. Rien, hormis un grand panneau de bois monté sur gonds qui faisait office de porte. S'assurant une nouvelle fois que personne ne le suivait, il frappa du poing à la porte, espérant en son for intérieur que quelqu'un lui ouvrirait vite.

Bhaal patienta plusieurs secondes, avant de comprendre qu'il n'avait pas été entendu. fronçant un sourcil, il pouvait entendre le bruit répétitif des coups de marteaux dans les planches qu'on pourfendait, des gestes lents et précis. Que ça soit Célestin, Jyll, ou les deux, le geste semblait s'accélérer comme un trop plein de clous à planter et qu'il fallait vite placer pour passer à l'étape suivante.
Il allait toquer plus fort quand il entendit le cri de Jyll, qui venait probablement de se faire mal en tapotant. Une seconde plus tard, il comprit sa méprise. Elle cria de nouveau. Ses cris suivaient les coups de marteaux, qui n'en étaient plus, et Bhaal put entendre pour la première fois depuis son arrivée à Kelmarane le doux bruit avec lequel Alia et lui avaient ensemencé le Monastère.
La porte n'attendait plus que lui pour réitérer son geste, ou attendre dans l'appréciation du vibrato des maîtres de maison.

Bordel, mais c'est pas vrai ! Se dit le géant rouge, soudain encore plus rouge qu'à l'accoutumée. Il songea un instant à faire demi-tour, mais il n'aurait peut-être pas d'autre occasion avant plusieurs jours. Que c'était compliqué ! Finalement, il décida d'aller se mettre discrètement à l'ombre derrière la maison et d'attendre un moment que les occupants des lieux reprennent leurs esprits. Sans blague, ils ont rien d'autre à foutre que de faire ça en plein milieu de la journée ? Se demanda-t-il, appuyé contre le mur, en oubliant un peu vite que lui-même et sa fiancée, mus par leur passion exclusive et dévorante, n'avaient que peu de scrupules à s'aimer à toute heure et en tous lieux. Au bout d'un assez long moment, il se décida à retourner frapper à la porte de fortune, qu'il fit trembler d'un poing rageur.


Après plusieurs secondes à patienter sur le palier, la porte s'ouvrit pour découvrir une Jyll surprise, à qui la chaleur n'avait pour une fois pas fait de cadeau, ses cheveux étaient emmêlées et transpirants, sa robe de lin mise de travers.
« Oh, Bhaal, bonjour, tu ... devais voir Célestin? » dit elle en lui faisant signe d'entrer, ouvrant plus grand la porte, étonnée.


Lorsqu'elle lui ouvrit, Bhaal put constater que la mise de la jeune femme témoignait bien des "travaux" qu'il avait pu entendre il y a un moment. Après l'attente inquiète à l'extérieur, la gêne qu'il ressentit n'arrangea pas son humeur. « Ouais ! » Grommela-t-il en introduisant sa masse dans l'embrasure de la porte et en se penchant pour ne pas se cogner au chambranle. « Enfin, non. C'était pas prévu. Je dérange pas, j'espère ? » Demanda-t-il par pure cruauté, espérant embarrasser la belle oracle pour lui faire payer son attente.


Une voix aiguë se fit entendre de l'étage. « Qui c'est my dear ? »
Quelques secondes passèrent avant que des bruits de pas sur le plancher ne paraissent approcher. Enfin, en haut de l'escalier parut Célestin, vêtu d'une simple tunique descendant jusqu'aux genoux. Son visage rougit par ce qui fut vraisemblablement un effort récent se colora davantage à la vue du géant rouge. « Ah c'est toi Bhaal ! Entre ! Excuse nos mises, nous... Euh... Étions occupés... Mais entre, entre ! » répéta-t-il en descendant rapidement l'escalier, sa main glissant sur la rambarde neuve.


Jyll parut étonnée du ton un peu sec de Bhaal « non tu ne déranges, nous avions fini de nous détendre, ça fait du bien de prendre un peu de temps pour ça tu sais » dit elle en souriant. « Je vais préparer du thé pour Célestin, tu en veux? » demanda t'elle alors que Célestin descendait.


A voir les efforts déployés par les deux amoureux pour masquer leurs galipettes, Bhaal changea radicalement d'humeur et s'esclaffa de son « hûk hûk hûk » caractéristique. « Arrêtez de faire semblant, je vous ai grillé, allez ! » Dit-il en flanquant une bourrade affectueuse dans l'épaule de Célestin. « Vous m'avez obligé à attendre dehors alors que je ne voulais pas me faire choper par Alia. Elle me croit avec Khem, ou elle a feint de le croire. Mais y'a pas de mal à se faire du bien, hein ! » Acheva-t-il, presque hilare à la contemplation des mines déconfites de ses interlocuteurs. « Du thé ? Pourquoi pas. Avant de venir ici, je veux dire... Avant d'être racheté, je n'avais jamais bu de thé. C'est un peu fade, mais je me suis fait au goût, et ça étanche mieux la soif que l'eau quand il fait chaud. »


Jyll avait l'air estomaquée. Elle reprit rapidement de la consistance en parlant « j'y ajouterai du miel pour le goût. Et oui, comme tu as pu l'entendre, Célestin a choisi son champ de batailles, et sa conquête se porte bien » , se dirigeant vers ce qui semblait être un lieu pour préparer le repas et manger.


Toujours hilare, Bhaal se tourna à nouveau vers son ami. « Et bah mon salaud... » Mais toute plaisanterie avait une fin et l'objet de sa visite lui revint en mémoire. Après tout, il n'était pas venu pour leur tenir la chandelle. Son rire s'éteignit et il jeta un coup d’œil furtif vers Jyll, tandis qu'elle s'éloignait. Gêné, il s'approcha de Célestin pour lui parler à mi-voix d'un air de conspirateur. « Bon... Dis-moi, je suis venu te voir parce que... En fait... Je voulais savoir si... Enfin... Tu... Tu sais faire des bijoux, il me semble, non ? »


Le visage de Célestin prenait une jolie couleur écrevisse alors qu'il rougissait furieusement devant les insinuations plus qu'appuyées de Bhaal. En même temps, il contemplait sa moitié avec un certain émerveillement. Comment parvenait-elle à conserver cet aplomb ? Il la suivit du regard avec fierté.
« Merci pour le thé, my love. » finit-il par articuler alors qu'elle disparaissait au coin de ce qui tenait lieu de cuisine. « Bon, alors, qu'est-ce que c'est que cette histoire, mon chou ? Tu te planques pour pas qu'Alia te retrouves maintenant ? Vous vous êtes disputés et tu veux que je lui fasse un collier en forme de cœur pour te faire pardonner ? Tu ne veux pas plutôt que je lui parle ? »


De plus en plus gêné, Bhaal secoua la tête en signe de dénégation. « Non non, on s'est pas disputés. Enfin, pas depuis deux jours. Non, c'est un anneau que je voudrais. Avec des ailes d'ange. Une, euh... » Il marqua une pause, terminant sa phrase d'une voix à peine audible, presque un grondement guttural. « Une alliance, en fait. Jyll t'a pas dit ? »


Célestin ouvrit de grands yeux surpris, avant de laisser exploser sa joie. « Oh mes chéris, vous allez vous marier ? Mais c'est merveilleux ! Ne bouge pas, je vais aller chercher de quoi dessiner des croquis. » Totalement excité, il repartit dans l'escalier tout en continuant de parler. « Et il va lui falloir une robe, et pour toi un costume digne d'un mariage ! Et une alliance pour toi aussi, mon chou ! » Il était obligé de hausser le ton de sa voix aiguë pour couvrir la distance alors qu'il disparaissait à l'étage. « Tu as déjà une idée de la matière pour les alliances ? » Bhaal pouvait entendre brasser des affaires, tandis que Célestin semblait ne plus s'arrêter. « Par contre, il va me falloir prendre les mesures de vos doigts, et vos mensurations à chacun. Ah et puis il faudra que je me procure le tissu pour vos vêtements ! » Enfin il réapparut et descendit les escaliers en vitesse, son carnet à croquis et son matériel à dessin en mains. Se plantant devant le géant rouge, quelque peu essoufflé, il lui demanda, un grand sourire sur le visage : « Alors, c'est pour quand mon chou ? »


Jyll revint avec deux tasses pleines d'un thé au raisin, qu'elle posé à côté d'eux. Elle passa la main rapidement sur l'épaule de Célestin avant d'aller à l'étage, elle ajouta avant de partir « Je ne t'ai rien dit car je préférais ta surprise totale, et qu'ils puissent voir ta joie de leurs yeux » dit elle, heureuse de le voir si heureux.


Célestin sourit tendrement à Jyll, posant sa main sur la sienne au passage. « Tu as bien fait mon Soleil. De toute façon, je suppose qu'ils t'avaient demandé de garder le secret ? » Il lui dit un clin d'œil complice avant qu'elle ne disparaisse dans les escaliers.
Puis il reporta son attention sur Bhaal, toujours souriant. « Alors ? »


Quelque peu surpris et dépassé par l'enthousiasme de son ami, Bhaal se contenta de sourire avant de répondre. « Tout doux, tout doux ! Déjà, il va te falloir ruser, parce qu'elle ne sait pas que je te demande ça. Je voudrais lui faire la surprise, alors pour la mesure de son doigt... Enfin, tu trouveras bien. Pour la matière, euh... je pensais à... Je sais pas trop... Quelque chose qui rappelle sa nature. Du platine, peut-être ? Il paraît que c'est comme l'argent, mais en plus noble. C'est vrai ? Et je pensais à un motif avec des ailes parce que... Et bien... Elle a des ailes, pas vrai ? Comme sa mère... » A mesure qu'il parlait, son sourire s'effaça et son ton se fit plus grave. « Et ce serait pour notre retour de Katapesh, quand la princesse aura rendu tout ça officiel. Je la veux libre, et je veux la marier en homme libre. Et je ne veux pas la mener devant toi avec ça sur la tronche, » ajouta-t-il, toujours plus sombre, en passant la main sur la marque des fugitifs gravée au fer rouge sur son front.


Célestin se mit à rire. « Oh oui, le platine c'est plus noble, mais bien plus cher ! Cela dit, si tu veux lui offrir ce qu'il y a de mieux, et bien... C'est exactement ça ! Enfin... Je parle de l'anneau en lui-même, mais... Comptes-tu y mettre des pierres précieuses ? Ou tu la veux uniquement en platine ? En fait... Quelle somme comptes-tu mettre ? »
Mais il fronça les sourcils. « Comment ça, comme sa mère ? Sa mère avait... a... des ailes ? » Puis il ouvrit de grands yeux, semblant comprendre subitement quelque chose. « La mener devant moi ??? Tu... Vous... Je vais célébrer votre mariage ??? »


« Bien sûr, » répondit Bhaal comme si c'était l'évidence même, « qui vois-tu d'autre ? Personne ne le fera mieux que toi. Tu es mon ami, mon seul vrai ami, et tu nous as sauvés tous les deux. Alia et moi, on s'aime tellement que parfois, on se fait du mal, c'est plus fort que nous. On n'a jamais appris à aimer. Toi, tu nous a aidés à nous comprendre et à nous aimer. Sans toi... Je sais pas où on en serait, tous les deux. Alors tu vas potasser tes livres sacrés et nous faire un mariage aux petits oignons. Un truc sobre et simple, comme entre amis. Et tu vas pleurer, Alia va pleurer, Jyll va pleurer, et avec un peu de chance, je vais pleurer aussi. Ça sera très bien. »


Au fur et à mesure que Bhaal parlait, le jeune homme se mit à rougir, puis ses yeux s'humidifièrent. Quand le géant rouge eut fini, les larmes se mirent à couler sur ses joues, et dans un élan de joie, il sauta au cou de son ami en poussant un « Oh Bhaal ! » ressemblant à un gémissement de plaisir... A tel point qu'on aurait pu croire que c'était lui qui venait d'être demandé en mariage !


Pourtant habitué aux manières quelque peu efféminées de son ami, Bhaal reçut son élan d'affection avec une certaine surprise. Mais ses grosses mains se refermèrent autour des frêles épaules du jeune homme et il sourit. « Ouais, moi aussi je t'aime, mon biquet, » murmura-t-il en lui tapotant doucement le dos.
Au bout d'un instant, il le repoussa doucement pour pouvoir continuer à lui parler. « Oui, Alia pense que sa mère avait des ailes, de grandes ailes blanches. Ce n'est pas vraiment un souvenir, apparemment, plus une impression, mais... Dans tous les cas, je suis sûr que ce sera joli. Pour le reste...Je sais pas combien je veux mettre, je veux juste qu'elle ait une jolie bague. Avec une petite pierre, pourquoi pas, quelque chose de la couleur de ses yeux par exemple. Mais ce que je voudrais surtout, c'est que ça ne fasse pas trop riche. Faut que ce soit beau, mais sobre et discret. Elle n'aimera pas, sinon. Les gros bijoux voyants, je suis sûr que c'est pas son truc. »


Célestin s'essuya les yeux d'un revers de manche, souriant. « Très bien. Alors attends... » Il ouvrit son livret de croquis, passa quelques pages déjà bien remplies, avant de s'arrêter sur une page blanche. Il le posa sur une table, prit une plume, ouvrit son encrier, et se mit à dessiner frénétiquement. « Écoute, voilà ce que je te propose... Simple et sobre, pas de pierres précieuses, et ça ne me demandera pas très longtemps. Mais je peux faire quelques chose de plus travaillé, évidemment. »


Bhaal regarda par-dessus l'épaule de son ami dans un silence respectueux. Il ne l'avait jamais vu créer. La plume agile allait et venait et, sous ses yeux, la bague d'Alia prenait forme. Le géant rouge était admiratif du travail de son ami. « Waoh. Tu dessines vraiment bien. Tu as de l'or dans les mains, mon biquet. Les miennes ne savent que tuer, et toi... Toi, tu crées de la beauté. » Une humeur mélancolique tomba sur le gladiateur, et il déglutit difficilement. Il se sentait subitement vain et grossier. Il dut faire un effort sur lui-même pour reprendre contenance.
« Je... En y réfléchissant, je crois que je voudrais vraiment une petite pierre verte. Comment on l'appelle, déjà... Une émeraude, c'est ça ? Une émeraude qui serait de la couleur de ses yeux. C'est avec ses yeux qu'elle domine la Bête, tu sais ? Elle pose sa main sur moi et elle me regarde comme personne ne m'a jamais regardé. Je ne peux pas me détacher de ce regard. Et la Bête s'en va... ». Emu, le géant baissa la tête, les lèvres tremblantes, et prit une grande inspiration.


Célestin multipliait les croquis au fur et à mesure des précisions de Bhaal, mais il finit par lever sa plume, relevant les yeux sur son ami. « Non Bhaal. Tu te trompes mon chou. Chaque regard empli d'amour que te lance Alia, chacun des sourires que tu déclenches chez elle, n'est-ce pas de la beauté que toi, tu crées ? L'amitié que je te porte n'est-elle pas belle ? L'artisanat est beau, oui, mais les sentiments le sont aussi. Ne te juge pas trop durement... »

Il passa sa main sur la joue du géant rouge, lui sourit, et reprit sa plume. « Alors, tu disais avec une émeraude pour rappeler ses beaux yeux verts ? Je vois... » Sa main s'agita de nouveau et un anneau se forma rapidement sous ses doigts agiles. Une paire d'ailes venait délicatement prendre une simple pierre précieuse taillée.

« Cela dit, il y a d'autres possibilités. Celle-là par exemple, avec les ailes incrustées de petites émeraudes. Mais peut-être as-tu d'autres idées ? Guide-moi, et je le dessinerai pour toi. »

Les parles réconfortantes de son ami rassérénèrent le géant rouge et chassèrent quelque peu ses sombres pensées. Il se passa la main sur les yeux et lui sourit, puis hocha la tête, lui signifiant que tout allait bien. Se reportant aux croquis de Célestin, il les étudia l'un après l'autre, essayant de les comparer mentalement. « Je crois que je préfère la première. Celle avec les ailes incrustées d'émeraudes est jolie, mais je la trouve un peu... compliquée. Et puis, il lui faut quelque chose de léger et qui ne tourne pas. Le bijou ne doit surtout pas gêner sa prise sur Tempête. Avec une jolie petite émeraude, ce sera parfait. Une émeraude très pure... Comme son cœur, » acheva-t-il à voix basse.
Bhaal semblait avoir fait son choix. Il posa la main sur l'épaule de Célestin. « Tu as mis une image sur ce que je voulais, mon ami. Merci. A ton avis, j'en aurai pour combien ? »


Célestin se prit le menton entre le pouce et l'index. « Hmm... Tout dépend de l'émeraude. Le prix du marché pour du platine est de dix fois celui de l'or, mais il ne m'en faut pas une grande quantité pour un anneau. Ce qui déterminera son coût sera surtout la pierre que tu choisiras. » Il sourit. « Nous devrons l'acheter à Katapesh, inutile de te dire que je n'ai pas ça dans mes bagages ! Je t'aiderai à faire ton choix, mais disons que pour une pierre vraiment pure et intaillée, il faut bien compter 350 pièces d'or, minimum. En comptant le platine, il y en aurait pour 400, 450 pièces d'or. Je ne parle que des matières premières, évidemment, je ne vais pas te faire payer sa fabrication ! » s'amusa-t-il.


Bhaal regarda Célestin tout en réfléchissant. Il avait peut-être placé ses ambitions un peu trop haut. Une telle somme pour un bijou... Mais il se reprit. Il l'avait voulu ainsi parce que ce n'était pas qu'un bijou, justement. C'était un symbole. Il voulait que cette alliance soit faite pour Alia, par son ami Célestin, et que tout en elle rappelle à Alia qui elle était. Un symbole, cela n'avait pas de prix.

« Très bien, » répondit-il. « C'est plus cher que ce que j'imaginais, mais ce n'est pas trop cher pour elle. Pour ton travail, je savais que tu dirais ça, bien sûr. Je te remercie, vraiment. Mais c'est un grand service que tu me rends car je suppose que tu vas y passer du temps, et je ne l'oublierai pas. Un jour, ce sera à moi de te rendre service, je l'espère, et ce jour-là je le ferai avec joie, ami. »


Célestin secoua la tête, souriant toujours. « Ne t'inquiète pas pour ça mon chou. Vraiment, ne t'inquiète pas pour ça. »
Il posa sa main sur le bras de Bhaal. « Je sais que tout ça, c'est nouveau pour toi. Je sais que tu veux le mieux pour Alia. Mais là, il s'agit d'une somme énorme. Tu... Tu es prêt à dépenser une somme plus grande que ce que tu n'as jamais eu dans toute ta vie ! Et là, on ne parle que de son alliance... Mais il y a également la tienne, et... des vêtements pour ton mariage... Tu ne vas dépenser tous tes gains pour cette cérémonie quand même, si ? Tu sais... Il y a d'autres pierres que l'émeraude, moins cher, et tout aussi jolies... La parure que j'ai offerte à Almah est en or et argent, rehaussée de zircons bleus. Il existe également des zircons verts, d'une couleur proche de l'émeraude, très belles aussi. Tu en aurais pour beaucoup moins cher... Les émeraudes ne sont pas les seules pierres précieuses vertes... Combien tu voudrais vraiment mettre, Bhaal ? Je ferai au mieux avec ce que tu as. Te ruiner n'apporte rien à Alia, tu sais ? »


Bhaal regarda Célestin, l'air un peu perdu. « Tu sais, j'ai... J'ai jamais eu d'argent, enfin... Jamais vraiment. Au ludus, on avait le droit d'avoir du cuivre pour des petits jeux d'argent, mais... Là, on a des centaines, des milliers de pièces d'or. Je crois que j'arrive pas à me rendre compte. Tu... Tu as peut-être raison. Au départ, j'avais pensé à... cent ou deux cents pièces d'or, quelque chose comme ça. Le mieux serait peut-être que tu me montres des pierres quand on sera à Katapesh. »

Modifié par un utilisateur lundi 20 mars 2017 22:19:51(UTC)  | Raison: Non indiquée

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