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Offline vaidaick  
#1 Envoyé le : dimanche 30 juillet 2017 10:10:29(UTC)
vaidaick
Rang : Sage d'honneur
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Un fil pour les apartés entre persos. À vos claviers !

« bla bla bla... »


« bla bla bla... »


« bla bla bla... »


« bla bla bla... »


« bla bla bla... »

Modifié par un modérateur mardi 19 février 2019 17:39:44(UTC)  | Raison: Non indiquée

Entre ce que je pense, ce que je veux dire, ce que je crois dire, ce que je dis, ce que vous avez envie d'entendre, ce que vous croyez entendre, ce que vous entendez, ce que vous avez envie de comprendre, ce que vous croyez comprendre, ce que vous comprenez, il y a dix possibilités qu'on ait des difficultés à communiquer. Mais essayons quand même. - Edmond Wells.
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Offline vaidaick  
#2 Envoyé le : mercredi 2 août 2017 16:22:46(UTC)
vaidaick
Rang : Sage d'honneur
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Messages : 6,002
Aksana : L'union sacrée


21 Kuthona 4715, fête du solstice d'hiver - Village des Sangs Hurlants


es préparatifs allaient bon train en ce jour très particulier. Un jeune guerrier du clan, Ulf Ricleer, allait devenir le nouveau chef de guerre suite à la mort tragique de son prédécesseur lors d'une patrouille proche de la frontière. Des cultistes étaient parvenus à passer les lignes de défense mendevienne, et assaillaient les petits groupes qu'ils rencontraient avant de se replier tout aussi rapidement, causant un maximum de pertes sans que leurs proies aient le temps de réagir. Les trouver et les éliminer serait le premier défi que le nouveau chef de guerre devrait relever.

Celui-ci se tenait dans sa yourte, entouré de ses gardes d'élite et accompagné de Bors Masgath, le chef du clan, qui lui prodiguait les derniers conseils avant que la cérémonie d'intronisation à son nouveau poste commence.

A quelques yourtes de lui se tenait une autre réunion, tout aussi importante. L'apprentie chamane Aksana-kila se préparait à son union charnelle avec le nouveau chef de guerre, privilège qu'obtenait celui-ci de pouvoir transmettre son héritage dans le sang béni des samsarans.


Tetka-Soniela, la chamane du clan des Sangs-Hurlants, se tenait à ses côtés. « Es-tu prête, Aksana ? » Lorsqu'elles étaient entre elles, Soniela n'utilisait jamais le suffixe honorifique pour appeler sa disciple. « Il est très important de respecter les traditions, il en va de l'avenir de notre peuple. Mais je n'ai pas besoin de te le rappeler je crois.... » La vieille samsaran sourit. « Je suis persuadée que tu seras parfaite. »



Assise en tailleur sur les tapis de la yourte, un bol de bois creusé dans les mains, Aksana sourit à Soniela, hochant de la tête. « Merci, Aïti, mais c'est la première fois que je le fais dans cette vie, j'espère que mes souvenirs reviendront. »

La jeune samsarane était la seule à appeler ainsi la chamane du clan. Le mot signifiait Mère en langue des samsarans, et si Soniela n'était pas sa mère naturelle, c'était bien elle qui l'avait élevée et qui lui avait appris tout ce qu'elle savait, comme elle-même le ferait lorsque Soniela reviendrait dans un nouveau corps.

Le regard de l'apprentie retomba sur le bol qu'elle tenait en main, qui contenait un breuvage épais rougeâtre. Elle avait passé la matinée a cueillir les plantes qui avait servi à sa composition et l'après-midi à les broyer et les mélanger à son sang.



« Le breuvage est là pour ça. » Soniela regarda sa disciple plus intensément, son sourire laissant place à un air plus sérieux, peut-être même plus sombre. « Aksana... Lors du rite, des souvenirs vont t'envahir... Tous ne seront pas agréables. Soit forte... »

Sans rien ajouter, elle se releva et lissa ses vêtements. « Il est l'heure, allons-y. » Elle se dirigea d'un pas calme et mesuré vers l'entrée de la yourte et en écarta les pans, laissant voir la nuit qui était tombée sur le camp.

Dehors, les membres de la tribu avaient terminé les préparatifs. Des marmites de décoctions parfumaient le village de l'odeur de plantes psychotropes, tandis qu'un grand feu central illuminait les yourtes, faisant danser sur leurs pans les silhouettes tels d'étranges fantômes.


Comme s'ils l'avaient pressentis, Bors et Ulf sortirent également de leur yourte. Le silence se fit peu à peu, et le chef de la tribu vint se placer près du feu. « Sangs Hurlants ! Ce soir nous sommes réunis pour célébrer le sacre de notre nouveau chef de guerre, Ulf Ricleer ! » Des acclamations s'ensuivirent, forçant Bors à hausser le ton. « En ce solstice d'hiver, il s'unira à Aksana-kila, afin de préserver notre sang unique, perpétuant ainsi nos traditions et les âmes de nos chamanes. Que les amants s'avancent et qu'aux yeux de tous, la lune et les étoiles en témoignant, ils s'unissent ! »

Soniela s'avança aux côtés de Bors, tandis que les sorciers du village distribuaient des bols emplis de décoctions fumantes. Cérémonieusement, chacun tenait son bol, n'attendant qu'un geste de la chamane pour en boire le contenu.



Aksana s'avança pieds nus au milieu du cercle humain jusqu'au grand feu, les battements de son cœur résonnaient dans son esprit comme ceux d'un tambour. Malgré le froid de la saison et l'herbe froide sous ses pieds, elle ne ressentait pas le gel, le feu chauffait ardemment, la tension de la situation et la nervosité lui tenaient chaud.

Légèrement aveuglée par l'éclat des grandes flammes, elles ne voyaient que des ombres autour d'elle, cependant elle ne put rater l'ombre puissante qui s'approchait d'elle.



Ulf s'avança en même temps qu'Aksana, calquant son pas sur le sien, de façon à arriver en même temps qu'elle à la place qui lui était dédiée. Malgré sa stature et ses nouvelles fonctions, il sembla à la jeune chamane qu'il était nerveux - ou était-ce sa propre nervosité et les lueurs des flammes qui projetaient sur le visage de l'homme ses propres peurs ? Quoi qu'il en fut, il prit les poignets de la samsaran d'une main ferme et les souleva, portant le bol qu'elle tenait en main à hauteur de leurs visages.


Soniela leva les bras au ciel, et de sa voix quelque peu éraillée par l'âge, elle déclama : « Que l'union de la Force et de la Sagesse commence et, qu'ensemble, ils nous guident vers notre destin ! Célébrons ce renouveau ! »

Tous les membres de la tribu portèrent leurs bols à leurs lèvres, et burent leur breuvage. Les sorciers entonnèrent un chant guttural et sonore, qui fut repris en chœur par le peuple, portant la puissance de leur voix au sein du cœur des deux amants du soir qui se faisaient face.



Le breuvage était frais en bouche mais se réchauffait à mesure qu'il coulait le long de l’œsophage de la jeune fille. Une chaleur sourde qui montait du ventre l'envahissait, son esprit s'embrumait et sa vision devint flou. Ses battements de cœur s'unirent aux chants et aux tambours de la cérémonie. Elle regardait l'homme qui finissait de boire face à elle, et à son image se superposait celles d'autres hommes, plus minces ou plus gros, plus barbus ou plus imberbes, aux yeux noirs ou bleus, tendres ou cruels. Le passé se mélangeait doucement au présent alors qu'Aksana sentait la réalité s'estomper, se perdre dans un brouillard.

Le bol de bois ancestral tomba sur le sol sans que quiconque ne s'en préoccupe. D'un mouvement des épaules la fourrure de sa tenue sacerdotale tomba, dévoilant la beauté étrange de son corps à la peau bleue. Ne portant plus qu'un lourd collier constitués de fétiches, gri-gri et autres amulettes faits en os, plumes et pierres, elle faisait face à l'homme qui la dévorait des yeux.



Dans un geste miroir, Ulf laissa tomber son manteau sur le sol, tandis que les chants redoublaient de vigueur, participant à cette étrange sensation d'être dans un rêve envoûtant, où tout autour paraissait irréel et confus. L'homme attira Askana vers la couche faite de peaux et de fourrures, son visage flou se fondant en de multiples amants du passé, tandis que des souvenirs lointains remontaient dans son esprit.

Le puissant feu faisait déjà transpirer leurs corps luisants, tandis qu'ils s'unissaient sous les regards troubles des Sangs Hurlants drogués. A leur image se superposait d'autres, presque identiques, d'unions similaires d'autrefois, quand une image, plus forte, presque plus réelle, s'imposa à la jeune chamane. Soniela était à ses côtés, et quatre personnes leurs faisaient face, quatre ombres indistinctes aux voix étranges. Une première parla, d'une voix grave et masculine au ton calme et apaisé. « Vous devez protéger notre peuple, vos réincarnations devront rester parmi nous. Tout comme nous resterons. » Une seconde suivit, puissante, virile, presque sauvage. « Nos descendants doivent subir leur lourd destin, et s'en relever. Nous ne pouvons aller contre, mais nous pouvons les accompagner. » La troisième, plus aigüe et probablement féminine, claqua comme un fouet. « Et lorsque notre peuple se relèvera, notre vengeance s'abattra sur nos ennemis ! Mais ce sera à vous d'en être la lumière et le guide. » Enfin, la quatrième parla. Sa voix était chaude et douce, impression trompeuse compte tenu de son discours. « Signez le pacte, effectuez le rituel avec nous. Vous en serez libérées lorsqu'il ne restera de nos ennemis plus que des cendres et plus rien à consumer. »

Puis la vision s'estompa, laissant place à un tourbillon d'images et de sensations bien trop rapides pour qu'elles puissent être analysées. Aksana eut un instant l'impression de se noyer, de suffoquer, tandis que tout paraissait tourner autour d'elle, puis se fut le calme dans son esprit. Elle sentit le corps lourd, masculin sur elle, et tout lui parut clair. Elle savait ce qu'elle devait faire.


Elle poussa un long cri de plaisir alors que le nouveau chef de guerre la prenait avec plus de force pour la rejoindre dans la jouissance, son corps s'arc-bouta pris d'une convulsion et elle s'effondra, épuisée, très vite rejointe par Ulf. A demi consciente, le corps luisant de sueur, elle repoussa le corps lourd de l'homme qui pesait sur elle et se leva face à la tribu, l'esprit encore embrumé par la cérémonie et ses souvenirs. Le visage tourné vers Soniela et Bors le chef du clan, elle prononça d'une voix qui résonnait à travers les âges : « Le Pacte doit être renouvelé, les Quatre vont être révélés. »

Puis se tournant vers Ulf qui venait de se relever, elle écrasa sa bouche sur la sienne, sauvagement, suivant le rythme des tambours qui n'en finissaient pas de résonner toujours plus rapidement dans la nuit, galvanisée par les gémissements de plaisir qui retentissaient dans toute l'assemblée. Cette nuit, la tribu entière s'unissait, les consciences et les corps s'entremêlaient dans une union sacrée.

Modifié par un utilisateur dimanche 17 septembre 2017 14:30:06(UTC)  | Raison: Non indiquée

Entre ce que je pense, ce que je veux dire, ce que je crois dire, ce que je dis, ce que vous avez envie d'entendre, ce que vous croyez entendre, ce que vous entendez, ce que vous avez envie de comprendre, ce que vous croyez comprendre, ce que vous comprenez, il y a dix possibilités qu'on ait des difficultés à communiquer. Mais essayons quand même. - Edmond Wells.
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Offline vaidaick  
#3 Envoyé le : vendredi 4 août 2017 20:13:10(UTC)
vaidaick
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Aksana : Un lourd fardeau


22 Kuthona 4715, lendemain du solstice d'hiver - Village des Sangs Hurlants, yourte de Soniela


a fête du solstice d'hiver avait duré toute la nuit en une orgie motivée par l'importance de célébrer le sacre et l'union, et grandement renforcée par la désinhibition que procuraient les plantes psychotropes et l'alcool consommés. Le grand feu central avait réchauffé les corps, pour ceux qui n'avait pas trouvé quelqu'un pour s'en charger.

Au petit matin, même les plus endurants ressentaient le contrecoup de la nuit, plongeant le village dans un silence relatif des plus inhabituels. Il fallut attendre le milieu de la matinée pour que l'animation revienne petit à petit au sein du clan, réveillant la chamane et son apprentie.

Soniela se leva, avec quelques difficultés, et fit ses ablutions du matin. « Alors Aksana, comment s'est passée ta nuit ? J'ai cru voir que le jeune Ulf était à ton goût ? » s'enquit-elle sur un ton amusé tout en s'habillant.




Aksana se redressa sur sa couche, repoussant légèrement les fourrures qui la couvraient, l'esprit encore quelque peu embrumé, les yeux cernés. Elle sourit à Soniela au souvenir de la nuit passée et eut un petit rire de gorge.

« Je n'ai pas à me plaindre de la nuit en effet, ça n'a pas toujours été le cas mais Ulf a été... à la hauteur. » Comme pour ponctuer son affirmation, elle s’étira, cherchant à chasser la fatigue de son corps. Puis, plus sérieuse, elle s'assit et regarda la vieille chamane. « Des souvenirs sont remontés à la première fois où... Le Pacte, les Quatre... » Les yeux fixés sur Soniela, elle semblait perdue, cherchant à se rappeler précisément ce que les voix avaient dit.



Soniela regarda un moment Aksana avant de répondre. « Tu en as parlé hier soir oui... Te rappelles-tu de ce que tu as vu, ou entendu ? Et... » Elle parut hésiter. « Si j'étais présente ? »

La vieille samsaran finit d'arranger sa coiffure, puis prit son bâton de marche, un vieux bout de bois tordu qu'elle ne délaissait que rarement, auquel pendait de nombreux grigris et talismans, et prit appui dessus en attendant la réponse de sa disciple.



Aksana quitta ses pensées pour regarder de nouveau sa mentor, hochant la tête doucement. « Tu étais à mes côtés oui. Eux n'étaient que des ombres, je n'arrivais pas à les distinguer, c'est si vieux, si lointain... La première voix nous dit que nous devions rester parmi le peuple, que nous devions nous réincarner et qu'eux aussi le feraient. La deuxième parla d'un lourd destin inéluctable. La troisième annonça le réveil du peuple et sa vengeance contre nos ennemis, que nous devions être leur guide et leur lumière... Et la quatrième... c'est elle qui parla du pacte, d'un rituel à effectuer ensemble... le pacte sera achevé lorsque nos ennemis seront morts... »

Elle resta un instant silencieuse, cherchant les éléments qu'elle avait peut-être oublié. « Sais-tu de qui il s'agit, Aïti ? De quel Pacte ils parlent ? Ces ennemis doivent être les démons, nous pouvons donc les battre et récupérer nos terres ancestrales ? »



« Qu'eux aussi le feraient ? » s'étonna-t-elle. Elle se redressa, les rides de son front se plissant sous l'effort de la réflexion, comme si elle tentait de rassembler des souvenirs éparses. « Alors nous devons guetter les signes annonciateurs. » déclara-t-elle en tapant de son bâton le sol d'un coup sec. Elle se mit à marcher dans la yourte, de long en large, agitant par moment son bâton tout en continuant de parler. « Plusieurs fois au cours de notre histoire, des champions se sont réveillés à des moments clés, guidant notre peuple, accomplissant des actes héroïques. Ces champions ont toujours été au nombre de quatre, souvent révélés, voire guidés, par l'une ou l'autre de nous deux. Quatre, comme les quatre druides qui réunirent les adeptes de la Foi Verte. »

Elle s'arrêta et regarda Aksana intensément. « Il semblerait que cette fois-ci, tu sois la guide qui a été choisie. Soit attentive ma fille, car cela signifie que l'avenir de notre peuple repose sur tes choix. Rien n'est anodin, et il faut désormais s'attendre à de grands troubles. Les mendeviens pensent avoir la situation en main. Ils pensent que leur dernière croisade est la bonne, celle qui sera décisive. Mais la vision que tu as eue nous laisse présager le pire. Les champions ne se réveillent jamais pour rien. »



Maintenant totalement réveillée, Aksana s'était assise sur son lit et regardait Soniela déambuler dans la yourte, elle l'écoutait attentivement essayant de se souvenir. « Je ne me souviens pas... » La voix de la jeune samsarane exprimait sa frustration. « Et si les souvenirs ne reviennent pas ? Comment pourrais-je choisir ? Et si je me trompe ? » Elle regardait sa mentor mi-en colère, mi-angoissée.



Sans quitter des yeux la jeune samsaran, Soniela s'avança de quelques pas, jusqu'à se retrouver à quelques centimètres d'elle. « Tu choisiras avec ton cœur, comme tu l'as fait pour le jeune Jormund. Les choix du cœur sont ceux du peuple, tant que notre peuple reste ta priorité. »

Mais Soniela n'était pas femme à ménager les émotions, aussi poursuivit-elle sur un ton de mise en garde. « Mais si tu te trompes... Il se pourrait bien que cette vie soit notre dernière incarnation, et que toute la tribu soit condamnée. »

Elle tapota affectueusement la joue de sa disciple, et reprit avec le sourire. « En attendant, continue à étudier les rites sacrés. Nous ne savons pas quand nous devrons être prêts, et tu as encore beaucoup apprendre, Aksana. N'oublie pas que lorsque je mourrai, ce sera à ton tour d'être la mentor. »



Aksana soupira en se levant afin de faire ses ablutions, elle l'avait espéré mais sans trop y croire, elle n'aurait pas droit à une journée de repos, Soniela n'avait pas l'air de vouloir la lui accorder.

Modifié par un utilisateur dimanche 17 septembre 2017 14:29:20(UTC)  | Raison: Non indiquée

Entre ce que je pense, ce que je veux dire, ce que je crois dire, ce que je dis, ce que vous avez envie d'entendre, ce que vous croyez entendre, ce que vous entendez, ce que vous avez envie de comprendre, ce que vous croyez comprendre, ce que vous comprenez, il y a dix possibilités qu'on ait des difficultés à communiquer. Mais essayons quand même. - Edmond Wells.
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Offline vaidaick  
#4 Envoyé le : dimanche 17 septembre 2017 14:14:02(UTC)
vaidaick
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Jormung : Passé, présent et avenir


Le 3 Sarénith 4717 - Village des Sangs Hurlants, yourte de Bors


ormung avait cogité toute la matinée, assis au bord du ruisseau, se laissant bercer par le bruit du faible courant heurtant les pierres qui dépassaient, contemplant sa transparence comme pour mieux voir clair en lui. Les gens l'observaient ainsi, lui renvoyant parfois un sourire (presque franc), parfois un salut gêné, et parfois un dédain qui lui donnait envie de déchiqueter le malheureux en enfonçant ses doigts dans leurs orbites.

Mais non. L'étranger ici, c'était encore lui, malgré une présence qui commençait à se faire familière, et durable. Il lâcha son ruisseau pour mieux regarder le ciel, qui ne lui répondit pas davantage. Soupirant, il posa ses doigts sur la terre, en prenant une grosse poignée, la regardant retomber au sol par morceaux, sans la grâce du sable. Cette terre était elle la sienne? Est ce qu'on pouvait vraiment posséder une terre?

Voyant ressortir deux membres du clan de la yourte du chef, Jormung se rappela son intention première de la journée : lui parler. S'approchant de la tente avec un air déterminé, il avait l'intention de faire comprendre aux gardes qu'il ne venait pas le déranger pour rien. Il s'arrêta à deux pas d'eux, les toisant tour à tour, ajoutant. « Je viens parler à Bors le chef. »



L'un deux, un puissant guerrier nommé Drahomir, le toisa un instant avant de lui répondre. « Attends ici. » Il disparut dans la yourte, laissant son collègue monter seul la garde. Sa voix se fit entendre quelques secondes après, à peine atténuée par l'épaisseur de la toile. « Jormung, fils de Freki, demande à te voir. » « Qu'il entre ! » répondit aussitôt la puissante voix du chef, reconnaissable entre mille. Drahomir ressortit de la tente et s'écarta pour laisser passer le demi-orque, sans un mot de plus.



Face à la porte au centre de la yourte se tenait dans un fauteuil ornementé Bors, le chef du clan. C'était un homme puissamment bâti, doté d'une grande barbe poivre et sel, et reconnu par tous pour sa sagesse. « Entre Jormung. » le pressa-t-il. « Qu'est-ce qui t'amène ? »




Jormung hocha la tête vers Drahomir en signe de remerciement avant de se lancer dans la Yourte. Les gens comme lui, et Bors, étaient les plus proches des orques qu'il avait connu, non dans leurs penchants brutaux, mais dans ce parfum martial et survivaliste qui les entourait, comme une seconde nature.

Il s'inclina bien bas devant son chef, dont les cheveux et poils grisonnants en disaient autant sur l'avancée de son âge que sur son expérience au combat et au commandement. «  Gloire à toi Bors notre chef. Je viens vers toi pour notre cohabitation. Je sais que mon intégration ici avancera lentement, comme les grains qu'on sème en période de famine, et dont la récole n'est jamais assez rapide. C'était déjà le cas dans mon premier lieu de vie. De ça, je peux m'accromoder. M'accommoder. Mais ce que je veux savoir, c'est ce que toi, la langue et la main du clan, attend de moi. »

Jormung attendait, les jambes écartées de sa largeur d'épaules, les mains posées sur les hanches avec les coudes en équerre. Un esprit moins malin que le chef aurait pu croire par sa pose qu'il parlait de l'instant présent et non d'une vision à long terme.



Drahomir était aussitôt ressortit reprendre son poste. A la question du demi-orque, Bors poussa un long soupir. « Ce que j'attends de toi... C'est une bonne question. A vrai dire, j'attendais de toi que tu te poses la question de ton avenir au sein du clan, et que tu viennes m'en parler. Pour moi, ça aurait été la preuve que tu tenais vraiment à être utile aux nôtres. » Il écarta les bras à hauteur de taille, paumes vers le haut. « Et voilà, c'est chose faite. Et maintenant que c'est fait... Je n'ai aucune réponse à te fournir. J'aimerais, au nom de Freki, que tu sois vraiment l'un des nôtres. Mais... » Il s'arrêta, et examina Jormung, détaillant son apparence, sans terminer sa phrase.

Il resta ainsi quelques secondes, avant de reprendre. « Quel rôle souhaites-tu jouer dans notre communauté ? »



Jormung sourit à pleines dents. Une vraie réponse évasive de chef. «  Je n'aurai une place pleine et entière dans le clan que si mes haut-faits poussent ce dernier à être forcé de reconnaître ma valeur. Pour ce faire, il faudra de grands malheurs, alors je souhaite pas trop que ça, ça arrive. Je pense qu'il faut que je développe mes aides à la communauté et participations. La nature semble me parler, comme à ma mère, mais j'ai décidé de mettre ma colère à son service, plus qu'une oreille passive, les élus de la foi sont tenus en haute estime, il faut que ma foi m'élève assez haut pour ça.

Je pense aussi qu'il faudra que je prépare le clan contre les orques et les démons. J'ai affronté l'un et le autre, moins les démons, mais je connais les orques comme aucun ici. Je ... j'aimerai que cet endroit me permettre de découvrir ce côté humain que mon apparence montre pas trop. Ce côté que ma mère avait en entier. »
dit il le regard posé dans le vide à côté du chef.



Bors s'avança jusque devant le demi-orque et posa sa main sur l'épaule du jeune homme, un sourire franc illuminant son visage. « Je suis fier de ta réponse, fils de Freki. Je vais être honnête avec toi, » continua-t-il en laissant retomber sa main le long de son corps, « lors de ton arrivée, j'étais dubitatif. Qu'est-ce qu'un fils d'orque, élevé par les orques, pourrait apporter à notre clan, à part des malheurs ? Mais je ne me suis pas opposé à ce que tu restes parmi nous pour autant, car tu nous as ramené Freki. » A chaque fois qu'il prononçait son prénom, il semblait y avoir de la tendresse dans sa voix. « Alors... » Il détourna le regard un instant avant de poursuivre. « Alors oui, tu devrais pouvoir trouver ta place parmi nos guerriers. Tu as la carrure pour ça, et j'ai remarqué que ta mère t'avait transmis sa foi. Tu iras te former à nos habitudes de combat avec Drahomir. C'est l'un de nos meilleurs guerriers, et j'ai toute confiance en lui. »

Il regarda Jormung de nouveau, cette fois-ci le visage fermé. « Tu avais autre chose à me demander ? »



Le regard de Jormung, si content à l'évocation de s'entraîner avec Drahomir, était devenu fuyant. Après un long silence, il ajouta : «  Oui. J'aimerai que vous me parliez de ma mère. Je l'ai connue, mais elle n'a jamais vraiment eu la parole libre, et je n'ai jamais vu comment elle vivait ici, quels étaient ses amis, ses connaissances, ses amours, son quotidien... la race de mon père me l'a prise, mais elle avait déjà pris sa vie avant même que je ne sois né. Et cette vie, je la méconnais. » dit-il en le regardant, la souffrance visible sur son visage.



Bors déglutit et détourna le regard. Il resta un moment les yeux dans le vague, et Jormung se demanda même si son imagination lui jouait des tours ou s'il voyait bel et bien ses yeux briller un peu trop...

Puis le chef regarda de nouveau le demi-orque, les mâchoires serrées, faisant visiblement un grand effort pour parler posément. « Freki et moi étions tous deux des disciples de Venceslas, notre précédent chef. Nous... » Il s'arrêta soudain de parler alors que ses cordes vocales semblaient se serrer, et fit quelques pas avant de jeter un coup de pied rageur dans un meuble qui avait le malheur d'être sur son chemin. « Et merde ! » rugit-il. « Je ne peux pas parler de ça ! Je ne peux pas... Allez, ça suffit, je ne veux plus te voir. Sors de ma tente. Sors de ma tente je te dis ! »



Mais qu'est ce qu'il a celui là, je lui demande de me parler de ma mère et il ... oh ... ah crotte de worg! Jormung était scié. Il était venu en apprendre plus sur sa mère, et finalement, c'était sur Bors qu'il en avait le plus appris. Il le regarda s'énerver, entendant le bruit des gardes qui approchaient derrière lui. Il resta planter là quelques secondes, avant de commencer à tourner les talons. «  Bien chef, merci pour cet entretien. » dit Jormung en s'inclinant avant de sortir de la yourte, avec encore plus de questions qu'il n'en avait à l'aller.

Modifié par un utilisateur vendredi 15 juin 2018 09:19:58(UTC)  | Raison: Non indiquée

Entre ce que je pense, ce que je veux dire, ce que je crois dire, ce que je dis, ce que vous avez envie d'entendre, ce que vous croyez entendre, ce que vous entendez, ce que vous avez envie de comprendre, ce que vous croyez comprendre, ce que vous comprenez, il y a dix possibilités qu'on ait des difficultés à communiquer. Mais essayons quand même. - Edmond Wells.
Offline Probe  
#5 Envoyé le : jeudi 28 septembre 2017 20:51:55(UTC)
Probe
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Éclaireur: Éclaireur - contributeur confirmé aux wikis de Pathfinder-FR
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Ilse : Passage à l'âge adulte


Le 3 Érastus 4716 - Village des Sangs Hurlants



Aujourd'hui marquait le jour des 19 printemps d'Ilse. Elle s'était donc préparée la veille sur les conseils de son père, Rolf, et s'était éloignée du village accompagnée uniquement de Jormung. Ainsi en avait décidé Bors Masgath, le chef du village. Sachant que l'heure de la première Épreuve était arrivée et que son ami en serait à la fois l'unique témoin et juge, Ilse se sentait étrangement confiante. Alors qu'ils s'étaient profondément enfoncés dans une zone connue pour être dangereuse, Ilse tâta une nouvelle fois nerveusement son carquois qui pendait à sa ceinture. Voyant que Jormung avait vu son geste et la connaissait par cœur, elle se justifia. « Je ne faisais que vérifier que mes flèches étaient à portée. On ne sait pas sur quoi nous pouvons tomber. »

Le Bâtard fit un simple hochement de tête quant elle se justifia. En tant normal, il aurait sourit, dévoilant ses énormes crocs qui faisaient encore fuir certains jeunes de la tribu, ou il se serait peut-être marrer, de ce rire caverneux qui portait plutôt loin. Mais ce jour était sacré. Il était dédié à Ilse, à la chasse, à son rang, aux traditions. Il afficha une mine déterminée et fermée, essayant de la recadrer pour qu'elle reste concentrée. Il ne voulait pas qu'elle échoue. Pire. Qu'elle meure devant lui. Sa mine se fit plus sombre alors qu'il tentait de chasser ses pensées. « Te stresse pas. Toi, tu sais que tu chasses. Tu as l'avantage. Et tu mesures les risques. Celui ou celle qu'on sache ne sait rien. C'est lui qui devrait se stresser. Laisse toi guider par le vent maintenant, ancre bien tes pieds au sol et soit prête à décocher. Tant qu'il te repère pas, t'as le temps de viser. » Il se sentait capable d'enchaîner les conseils de bon sens dont les chamans l'abreuvaient plus jeune, mais il avait déjà bien assez bruyant à son goût. Il remua ses grosses narines pour sentir leur proie, sans succès. Il lui fit signe d'avancer, restant à bonne distance d'elle, étant à la discrétion ce que le Cheliax était à la bonté d'âme.

Cet échange permit à Ilse de retrouver sa tranquillité d'esprit. Le demi-orc avait le chic pour trouver les mots justes avec elle. Il avait beau être à peine plus vieux qu'elle, depuis les années qu'elle le côtoyait, elle avait fini par trouver sa présence réconfortante, contrairement au reste du village qui préférait l'ostraciser. Hochant la tête pour à la fois le remercier de son conseil et lui dire qu'elle avait compris, elle se remit en marche.

Regardant autour d'elle avec attention comme son père le lui avait appris, la chasseresse voyait la nature sous l’œil aguerri des Sang-Hurlant. Un néophyte aurait simplement vu des arbres autour d'eux se parer de leur robe verte tandis qu'ici et là, des branches de taillis auraient seulement semblé s'être cassées à cause des intempéries. Mais pas pour Ilse. Ilse, elle, savait que les arbres communiquaient entre eux et que la couleur des robes qu'ils adoptaient traduisait le respect que les uns avaient pour les autres. Elle savait aussi que si l'herbe était moins haute à certains endroits ou que les taillis offraient un petit passage, c'était l'œuvre de la faune qui créait là ses chemins naturels. Choisissant une voie qui lui semblait plus large que d'autres, la jeune femme s'engagea vers l'ouest. Bien plus plus tard, alors qu'elle commençait à ressentir la fatigue de la traque, son effort et son attention payèrent finalement : « Là ! Regarde, Jormund. On dirait une empreinte de fauve. » A leurs pieds, une empreinte à 4 doigts semblait relativement fraîche. La jeune sarkorienne sentit son cœur commencer à battre un peu plus vite.

Jormung se pencha pour mieux renifler la trace. « Mhhmn. C'est frais. On approche. Prête? » À son tour, c'est lui qui devenait fébrile et nerveux. Il plia et déplia ses doigts pour se calmer. L'esprit de la chasse le gagnait, et l'envie de participer aussi. C'était rageant pour lui de ne pas s'en mêler, lui qui s'ennuyait tant au village, mais c'était l'occasion parfaite pour lui de respecter cette coutume humaine, et de confirmer les vertus de la patiente. Il se devait d'être témoin, de voir, sentir, retenir, décrire. Il serait le témoin, le scalde de cette sage, qui, il l'espérait, s'avèrerait des plus glorieuses pour elle. Qu'elle était belle et désirable quant elle stressait. Toute la vie débordait par les pores de sa peau, son sang montait aux joues, ses veines se faisaient moins discrètes, sa mine se faisait plus ferme et vivante comme feu décidé à tout ravager. Il scruta rapidement les alentours. Dans leur environnement immédiat, ils étaient seuls, à l'exception d'un colibri qui semblait prendre un malin plaisir à les observer évoluer. Il lui fit signe qu'il était prit, et ne dirait plus rien à présent. C'était son instant de gloire ou de déchéance. Il ne devait plus interférer.

Alors que Jormung se mettait en retrait, les leçons de son père lui revinrent à l'esprit. « L'animal qui marche laisse toujours une part de lui à chaque pas qu'il fait. Tu pourras reconnaitre ta proie aux traces laissées derrière elle. Connaitre sa proie, c'est respecter la mère nature et honorer le savoir que je t'enseigne ». Ilse se baissa alors observer plus attentivement l'empreinte de la bête laissée dans l'humus meuble de la forêt. La trace semblait encore fraiche. La chasseresse se baissa pour en mesurer la taille grâce à ses phalanges. Prise d'un doute, elle sortit calmement le recueil d'empreintes qu'elle gardait toujours avec elle dans son sac. Tournant les pages pour basculer rapidement vers le chapitre des prédateurs, elle réussit finalement à identifier la bête. Ça devait être un léopard qui avait du passer par là il y avait moins d'une heure. Rangeant soigneusement le recueil dans son sac à dos, Ilse fit ensuite signe au demi-orc qu'ils étaient sur la bonne voie. « Nous touchons au but. » lâcha t-elle alors qu'elle encochait cette fois une flèche sur son arc. Légère comme le vent, elle s'enfonça prudemment sous les frondaisons de plus en plus épaisses, partagée entre le caractère sacré de sa mission et le doute de sa capacité à l'accomplir. De sa capacité à tuer le prédateur que Mère Nature lui envoyait dépendait son futur au sein de sa tribu. Commençant à réciter une prière en guise de mantra, la jeune femme se mit à glisser dans un état second.

Jormung croisa les bras, le genou gauche fléchi tandis que le pied de la même jambe prenait appui contre un arbre, comme son dos. Il était toujours perplexe quand elle sortait son satané bouquin. Bien sûr que c'est une trace de léopard, tu voulais que ça soit quoi, un mammouth laineux? Il sourit sans rien dire et secoua la tête. Il était de mauvaise foi (un trait de caractère autant répandu chez les humains que chez les orques), d'une mauvaise foi crasse, car rien n'était plus simple que d'en faire la déduction après coup. Il sourit à grands crocs quant elle encocha sa flèche. « Espérons qu'elle touchera au but, elle aussi. » Il la contempla ensuite réciter à voix basse ses versets. Elle sembla changer de monde, et il ne pouvait détourner le regard de cet alléchant spectacle. Heureusement pour lui, nul besoin de se forcer à s'en détourner, la traque le ferait bien assez tôt pour lui.

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#6 Envoyé le : jeudi 28 septembre 2017 20:52:34(UTC)
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Concentrée, Ilse ignora le léger sarcasme de son juge pour simplement acquiescer à sa dernière phrase. « Mon œil est perçant et ma main est ferme. Ma flèche touchera sa cible. » dit-elle simplement, sûre d'elle. Ses cinq sens en éveil, elle avançait arc bandé et flèche encochée sous les frondaisons, toujours secondée par le demi-orc ainsi que par une voix familière. Tu es le vent. Laisse-le être tes oreilles lorsque tu chasses. Il te rapportera tout ce que tu as besoin de savoir. Tu es l'herbe. Laisse-la étouffer tes bruits de pas et cacher tes empreintes. S'en suivit ainsi le début d'une traque qui amena le duo jusqu'au coeur de la forêt sauvage.

Le soleil était à présent haut dans le ciel et ses rayons éprouvaient tout ce qu'ils venaient à toucher. Mais l'épais feuillage des arbres au dessus de leur tête permettait à Ilse et Jormung d'échapper à la chaleur harassante de la saison. Soudain, comme si la Sang-Hurlant avait senti un changement s'opérer dans l'air, elle commença à ramener la corde de l'arc vers son visage alors que ses yeux scrutait son environnement avec attention. Quelque chose dans les bruits de la forêt avait changé. Le cri des oiseaux, le crissement familier des insectes et le bruissement des feuilles étaient toujours présents, mais la musique semblait avoir changé d'un ton. S'immobilisant, elle attendit et observa. Et c'est là qu'elle le vit. L'objet de sa quête.

Au plus haut du chêne qui se trouvait face à eux se tenait un léopard en embuscade. L'animal était un magnifique mâle sur le déclin. Avec la distance, il était difficile de distinguer l'état de ses dents avec détails. Mais Ilse pouvait déjà voir que le prédateur était de toute beauté. Le pelage du félin était luisant, preuve que l'animal était bien portant. Et la puissance musculature de ses pattes montrait que sa proie les avait vu arriver et se tenait sur ses gardes. Ainsi Mère Nature lui avait fait l'honneur de communier avec elle.

Parlant à voix basse, pour elle-même, pour Jormung, pour les esprits et pour personne en même temps, sa voix se fit douce mais cérémonieuse : « Ô Mère Nature, je me présente humblement face à toi afin de te prouver aujourd'hui que je suis digne de la vie que tu m'as donnée. Honore-moi par cette épreuve. Prête-moi ton Courage, et oppose-moi ta Force dans toute sa puissance afin que tous sache que si je survie, je serai un vaisseau digne de porter Ta voix. » Au dessus d'eux, le prédateur commençait à descendre. Ilse se mit alors à avancer dans sa direction tout en tirant d'un geste souple la corde de son arc. Aussitôt que la corde fut tendue, la chasseresse retint sa respiration et laissa filer le projectile. Touché au flanc, l'animal lui bondit dessus.

À partir de là, tout se déroula très vite. Ilse roula-boula pour éviter la charge, encocha une seconde flèche pour tirer de nouveau. Mais cette fois, le léopard fut plus rapide qu'elle et sa gueule se referma sur l'un des mollets de la jeune femme. Aussitôt, Ilse essaya de retenir un cri de douleur alors que l'animal se débattait en tout sens pour essayer de la faire tomber à terre. Trahie par le sol inégal, Ilse chuta mais ne perdit pas espoir. L'adversité de l'épreuve prouvait qu'elle s'élèverait plus haut que d'autres parmi les siens. À terre et en pleine lutte pour éviter que le léopard n'arrive jusqu'à sa gorge, elle rassembla toute la concentration dont elle était capable pour porter l'ultime coup. Sa flèche tirée à bout portant transperça le crâne de l'animal qui mourut sur le coup. Fière d'elle-même, la sarkorienne relâcha son arme et se mit à respirer à coup de grandes inspirations. Sur le dos, elle revivait l'action dans sa tête et commençait déjà à penser à son retour au village quand une voix la ramena à la réalité.

À l'affût, Jormung attendait patiemment, à moitié planqué derrière un fourré. Il la vit s'arrêter, et commençait à marmonner quelque chose. Mais qu'est-ce qu'elle fout, elle essaye de me parler discrètement ou ...? Le fauve finit par approcher, et il comprit alors qu'elle priait. Il retint son souffle quand le premier projectile fendit l'air de ses projets. Rahhhh! ragea t'il intérieurement quand la bête continua sa course, forçant Ilse à se décaler d'une fulgurante roulade. La mâchoire de la bête se bloqua sur sa jambe comme les mains d'un violeur sur une frêle proie. Par réflexe, il avait déjà son arme en main, s'avançant d'un pas ample pour commencer à prendre de l'élan et charger.

Qu'est ce que tu fous abruti?! Il s'arrêta net, espérant que son initiative malvenue ne déconcentrerait pas Ilse, mais inviterait peut-être l'animal à l'être. Rien de ceci n'arriva. La prise était maintenue parfaitement. Ilse manqua son coup, et finit, sous les mouvements frénétiques de la tête du léopard, par rejoindre le sol. Les mains de Jormung commençaient à se serrer autour de la garde son arme, machinalement, alors qu'il commençait à grogner et à prendre un air mauvais. Il ne tenait plus sur place, l'attente lui était insoutenable, et l'issue de moins en moins favorable. Au diable l'honneur, si c'était pour la voir morte. Ça n'était pas une corde et un bout de bois qui allait la sortir d'un corps à corps si bien mené. Prenant une grande inspiration, il serra son arme comme si sa vie en dépendait, et reprit sa charge, quant alors, il vit la pointe de la flèche sortir du haut du crâne de l'animal. Freinant des pieds dans la terre, il regarda la prise se desserrait tandis qu'Ilse se recula rapidement, encore sous le choc, mettant un instant à bien assimiler l'information.

Oui, la bête était morte, et l'épreuve réussie. La vue du sang qui s'écoulait lentement le long de la cheville d'Ilse le sortit de ses rêveries, il accourut vers elle en s'abaissant? « J'ai pas autant chié dans mon froc depuis le jour où j'ai vu un démon encore enfant découper un orque, tu m'as foutu les jetons. Mais on dirait bien que c'est mort de chez mort. » dit-il en secouant la tête de l'animal comme une marionnette. Tandis que la tête se fracassait à nouveau sur le sol, il regardait Ilse. « T'as pas trop mal? On devrait s'occuper de ça maintenant nan? On sait jamais, y en a peut-être d'autres dans le coin. »

Ilse revint à elle en entendant cette voix familière la solliciter. « Quoi ? Ah oui ! » dit-elle en comprenant que Jormung parlait de sa blessure à la cheville. L'ivresse de sa victoire occupait encore totalement son esprit. C'est donc d'un éclatant sourire qu'elle lui répondit : « Oui, si tu veux bien m'aider ? » La jeune femme se sentait euphorique. Elle avait bien sûr quelques bandages dans sa besace mais elle voulait encore et avant tout savourer sa réussite. Oui, j'ai réussi ! J'ai affronté la Bête et je l'ai tuée. Je serai enfin reconnue comme une adulte une fois que nous serons rentrés ! Bien sûr, il y aurait le trophée à présenter à Ulf pour prouver sa réussite, sans compter la cérémonie officielle qui s'en suivrait avec Jormung et Askana-kila. Mais la reconnaissance publique de Bors serait ensuite une formalité. Tendant un bandage au demi-orque, elle se mit à l'observer discrètement pendant qu'elle pensait à la cérémonie qui se tiendrait à leur retour.

Jormung la regardait amusé, dévoilant ses crocs par jovialité. « Ta façon d'ignorer les blessures est digne d'un orque. Heureusement que tu demandes à ce que je te bande pour me rappeler ce que tu es. » Il ferma les yeux, reprenant son sérieux, et ignorant le bandage tendu. « Vie sacrée, toi que nous avons ôtée à cette bête, dans le respect des traditions, l'honorant en n'en gâchant aucune partie, je t'invite à restituer à sa triomphante le sang perdu, et la grandeur de sa vitalité. » Il posa ses mains sur la plaie, rougissant au passage au contact de sa peau, tandis que la blessure disparaît en un court instant. Il rouvrit les yeux, peu confiant sur la réussite de son entreprise, et sourit comme un gamin en constatant que cela avait fonctionnait. Il regarda partout autour de lui, comme pour chercher un visage à remercier, avant de regarder à nouveau Ilse avec une certaine timidité. « Ça va, ça fait pas trop mal? J'ai pas trop appuyé? »

La jeune femme se mit à rire. La question avait quelque chose d'incongru après l'épreuve qu'elle venait de traverser. « Non ! T'inquiète pas. Je ne suis pas en sucre ! » répondit-elle pour le rassurer. Son ami semblait toujours hésitant lorsqu'il fallait la toucher, comme s'il avait peur de lui faire mal. Là encore, Jormung avait agi comme le grand-frère précautionneux qu'il était avec elle et Ilse l'en remerciait intérieurement. Certaines choses n'avaient pas besoin d'être dites à haute voix pour qu'elles aient de la valeur d'après elle. Elle se remit donc debout, aidée par le demi-orque, tout en gardant le bandage rougit à sa jambe. Puis elle essaya de charger le cadavre de l'animal sur son dos. Une fois chargée de la trentaine de kilos sur l'épaule, la jeune chasseresse demanda à Jormung : « On retourne au village ? » L'excitation se lisait sur son visage. Il lui tardait de lire l'approbation des autres sur leur visage.

Jormung la regardait avancer aussi vite qu'un mulet, tant elle était chargée. Il allait se proposer mais fière comme elle était, elle tenait à le faire elle-même. Après tout, c'était son moment. Il était normal qu'elle le vive à fond. Il se tourna. « Ça dépend, tu ne veux pas te promener avec ta bête sur le dos pour composer un bouquet? C'est le moment idéal non? » Il se mit à hurler de rire, avant de rapidement se calmer. « Cette région devait être vraiment belle avant ... avant tous ces démons. Tu crois qu'on les repoussera un jour? »

A la remarque du demi-orc, le visage d'Ilse se crispa un moment. Finalement, il avait réussi à la ramener les pieds sur terre. « Oui... notre clan fera le nécessaire. Mère Nature retrouvera la place qui lui est dû et nous repousserons ces démons qui ont volé nos terres et tué nombres des nôtres. » la Foi était forte en elle, grâce à sa mère. Et maintenant qu'elle allait devenir une adulte, elle pourrait elle aussi participer aux combats de son peuple. Finalement, son sérieux revenu, Ilse se mit à avancer le visage fermé et l'esprit occupé à imaginer ce qu'il adviendrait d'elle au lendemain de sa cérémonie. Le reste du long trajet se passa sur le même ton, et lorsqu'ils furent enfin en vue du village, Ilse était épuisée. Le cadavre du léopard semblait à présent peser aussi loud qu'une yourte entière et tout son corps luisant de sueur lui rappelait que c'était bien plus qu'elle ne pouvait supporter. Néanmoins, elle n'allait pas lâcher si prêt du but. « Nous y sommes enfin ! » lâcha t-elle en serrant les dents, pour se donner du courage.

Jormung la regardait galérer, ricanant par moments. « J'en ai chié lors de mon rite. » lâcha t'il de but en blanc. « Je suis tombé sur un ours. Je m'en suis bien moins tiré que toi. Il m'a lacéré le bide, le bras, et m'a mordu l'épaule. J'ai du tout tenter pour m'en défaire, les doigts dans les yeux, mordre la truffe, tout. J'étais avec Brunehilde, et elle s'est rapidement fourrée entre les branches d'un arbre tant ça sentait le roussis. » Il rigola franchement. «  Mes prières n'étaient pas encore aussi bien entendues, Brunehilde m'avait appliqué des bandages, mais il n'y en avait pas assez. Tu imagines bien le poids d'un ours, je ne l'ai pas porté. Au début, j'ai commencé à le tirer, mais ça m'a rapidement achevé, tandis qu'elle se marrait de voir ainsi misérer. J'ai fini par assembler une sorte de petite palissade sur laquelle je l'ai mis, que j'ai ensuite tiré avec une corde. Même comme ça, ça a pris des heures, on est rentré la nuit tombée. C'était marrant . »

La nuit tombée l'avait arrangée. Ils n'avaient pas perdu de temps, et avaient fini son rite le soir même. La joie du clan n'était pas totale, certains avaient espéré qu'il n'en reviendrait pas, ou échouerait. La chamane l'avait soigné, et une fois qu'elle eut posée ses mains sur lui, plus personne n'ajouta quelque chose à ce sujet, pas même un regard en coin. La nuit l'aida à moins voir les visages, les contrariétés, et la négativité d'une partie de son nouveau peuple. Mieux encore, elle l'avait aidé à moins masquer sa timidité alors que Brunehilde avait commencé à le chevaucher, lui, masse de muscle presque animale, inexpérimenté comme l'aurait été un enfant. Il se souvint comme la chaleur de son corps, la fermeté de ses chairs, et de ses rondeurs, avaient fait rapidement brûler le désir en lui, et comme il avait du se retenir, se freiner, de peur d'apparaître alors comme la bête qu'on voulait qu'il soit. Lui pouvait se retenir, mais son vit, jeune et vigoureux, ne pouvait bouder son plaisir sous les caresses. Et le reste se fit naturellement.

Malgré la débauche, il avait ressenti par elle une sensibilité à laquelle il n'était pas habitué, quelque chose de presque maternelle pensait-il alors. Quelque chose de féminin en fait. Il déglutit en pensant que bientôt, ce serait lui qui serait l'initiateur. Il ne savait pas si il devait essayer de la faire rire, de lui dire ce qui l'attendait, de l'interroger même. Il se contenta de regarder ses pieds, presque honteux, comme indigne. Se faire dépuceler par une femme belle et farouche, c'était une épreuve facile, taillé pour ses armes. Dépuceler une femme qu'il appréciait et avait traité comme une petite sœur allait être une seconde épreuve pour lui. L'arrêt brutal d'Ilse le sortit de cette problématique, de façon passagère. « Ah, oui, j'aurais pu me promener encore longtemps si tu étais aussi étourdie que moi. » dit-il en se grattant la tête. Lui, n'était pas vraiment pressé.

Rentrer au village avait été une épreuve à plus d'un niveau. Porter la carcasse de son défi avait fait suer la jeune femme au delà du raisonnable. Mais cette tâche lui incombait et elle ne pouvait pas y couper. Tout comme elle ne pourrait pas couper à l'initiation qu'elle partagerait avec Jormung, son ami de longue date. Et tout comme elle n'échapperait pas non plus aux questions des shamanes. Mais chaque chose en son temps. D'abord, il fallait revenir au centre du campement chargée de sa prise et accompagnée d'une farandole de gamins qui la harcelait de question. Un peu gauchement, elle jeta un regard à Jormung pour lui demander de s'occuper des guerriers en devenir. Loin devant, elle voyait déjà Soriela et Aksana sortir de leur tente et l'attendre près de la place centrale.

Modifié par un modérateur dimanche 3 juin 2018 09:35:11(UTC)  | Raison: Non indiquée

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#7 Envoyé le : jeudi 28 septembre 2017 20:53:20(UTC)
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Malgré sa charge et la galère que ça représentait, Ilse s'était focalisée sur les histoires et anecdotes que Jormung lui racontait. Apparemment, lui aussi avait connu ses propres déboires lors de son épreuve à lui. Cela lui mit du baume au coeur et lui permit de tenir un peu plus longtemps en serrant les dents. Elle, n'était pas revenue à la nuit tombée, contrairement à son ami alors. Le soleil continuait à prodiguer lumière et chaleur même s'il avait parcourut la plus grosse partie de sa course de la journée. Mais elle espérait que le reste de la journée filerait au plus vite. Elle se sentait épuisée, et savait toute l'énergie que cela lui demanderait, sans compter sur la seconde partie du rite de passage à l'âge adulte...

A leur retour, quelques jeunes enfants furent les premiers à les accueillir. « Ils sont revenus ! Il sont revenus ! » Des cris joyeux et juvéniles se mirent à s'élever dans les airs pendant que ces garnements couraient en faisant une ronde autour d'eux. Les adultes, eux, gardaient leur distances. Pendant qu'elle avait vers le centre du village, Ilse pouvait voir une certaine appréhension dans leur regard, quand ce n'était pas... du doute ? Elle n'était pas sûre de ce qu'elle déchiffrait dans leurs regards. Mais elle n'eut pas le temps de s'y apesentir car déjà ils avaient atteint le centre du village. Devant eux se tenaient non seulement le chef du village, mais également le chef de guerre, la chamane et son apprenti. Il ne fallut pas attendre plus d'une minute avant que le reste du village ne se rassemble et assiste au retour d'Ilse et de son témoin.

Une bonne partie du clan s'était rassemblée à l'annonce du retour de Ilse, et parmi eux, trois s'étaient frayés un passage pour être en première ligne : Tamok, son père ; Lotta, sa mère ; et Rolf, son frère cadet. Son père la regardait avec une fierté non dissimulée, un sourire éclatant fiché sur le visage. De sa mère ressortait plutôt un soulagement certain de voir sa fille revenir saine et sauve. Son frère, lui, avait le visage fermé, et ne regardait pas tant celle qui revenait en triomphe, mais plutôt son témoin.

Bors attendit que la jeune femme parvienne jusqu'à lui et dépose sa proie à ses pieds, et leva les mains en l'air. « Ilse est partie ce matin encore enfant, et a traversé l'épreuve qui la mènera à l'âge adulte. Son témoin, Jormung, est là pour en attester. » Le chef s'agenouilla devant le cadavre de l'animal, et l'examina consciencieusement, d'un œil expert, avant de se relever. Il s'avança d'un pas vers l'héroïne du jour, et posant sa grosse paluche sur son épaule, il lui parla un ton plus bas, de façon à ce que seules les personnes les plus proches l'entendent. « Nous attendons ton récit, Ilse. » La tradition demandait à ce que la jeune femme conte son exploit, mettant en valeur sa réussite, tout en remerciant sa proie de lui permettre de passer à l'âge adulte. Après quoi elle devrait confier la bête aux esprits par un rituel guidé par la chamane du clan.

« Je... » La voix d'Ilse s'enroua dès le premier mot. Parler devant le village entier n'était pas son fort, et voir tous ces regards braqués sur elle lui mirent immédiatement la pression. Pourtant, elle savait avoir fait le plus dur. Maintenant, elle voulait juste être reconnue pour ce qu'elle était, aussi bien par le village que par son frère et son père.

La jeune femme pris donc sur elle, se râcla la gorge et reprit d'une voix plus assurée. « Je me suis préparée aux aurores comme le veut la coutume, notre chaman en est témoin. J'ai prié Mère Nature, jusqu'à ce qu'elle me juge prête. Tekta-Soriela a alors choisit le témoin de mon Epreuve et nous nous sommes dirigés vers le couchant. Notre périple a commencé avant que la rosée de l'aube ne voit les premiers rayons du soleil et il s'est poursuivit jusqu'aux limites de nos terres, là où commence la Terre Brûlée. » Alors que les paroles sortaient de sa bouche, Ilse sentit qu'elle avait réussi à capter une partie de l'attention de ses pairs. Cela la fit gagner en assurance et elle se mit même à mîmer certaines parties de son récit.

« La Nature m'a bénie aujourd'hui, et ainsi, je lui ai fais honneur en retour. Le soleil nous mordait la peau et la fatigue menaçait mais nous avons continué malgré tout. Nous avons continuer à endurer jusqu'à ce qu'elle me juge prête, et alors que le soleil atteignit l'appogée de sa course, Elle m'a à ce moment-là fait l'honneur de sa présence, par l'empreinte de mon Animal. Cette trace comportait quatre doigts. Quatre, entendez-vous ? Quatre, comme les branches de notre foi ! » Le stress que la chasseresse avait éprouvée s'était totalement dissipé pour laisser place à une ferveur naturelle. Ilse faisait à présent des allers-retours d'un villageois à un autre en appuyant certaines de ces paroles.

« C'est alors que je compris que l'heure approchait. J'ai rassemblé ma foi, j'ai terrassé mes doutes et j'ai prié Mère Nature pour la remercier. Puis, j'ai pisté cet animal selon nos enseignements en nous enfonçant toujours plus vers l'ouest. Toujours plus vers l'ouest.

Je l'ai traqué sans relâche et avec diligence, et c'est là que je l'ai vu ! Il trônait tel un roi sur son trône au sommet d'un arbre. Un puissant léopard ! Un mâle dans la force de l'âge, alliant vivacité et férocité ! Et dans le secret de mon coeur, j'ai alors remercié notre Mère pour la difficulté de l'Epreuve qu'elle m'opposait.

Pendant ce temps-là, mes yeux restait braqué sur ma cible. C'est ainsi que je l'ai vu me regarder avec attention, m'observer moi, pétrie de reconnaissance et d'humilité. Et j'ai vu dans ses yeux que la Nature avait décidé du lieu de mon épreuve ! J'ai accepté de me soumettre à l'épreuve en sortant mon arc. J'ai visé d'un oeil sûr avant de décoché ma flèche. Et là, je L'ai remerciée pour la difficulté qu'elle m'opposait. Le prédateur a fondu sur moi à la vitesse de l'éclair et je ne pu éviter son attaque lorsque sa gueule se referma sur ma jambe. Mais heureusement, ma seconde flèche lui fut fatale.Tirée à bout portant, elle lui traversa le crâne de part en part. »


Le ton était maintenant victorieux, non pas qu'elle cherchait à impressionner son auditoire. Mais elle voulait leur retransmettre la force qu'elle avait ressenti en elle toute la journée. Ilse s'était donc laissée emportée par son récit. Il ne restait donc plus qu'à conclure pour laisser de nouveau la parole à Bors.« Jormung m'a bandé la jambe et m'a soigné pour que nous puissions revenir parmi vous. Je me présente donc à vous avec la preuve de ma réussite, et la volonté de conclure cette journée comme il se doit. » Illse, en disant cela, s'était dirigée vers le chef du village et avait mis un genou à terre en baissant la tête. Son propre récit lui avait fait perdre le fil du déroulement normal, mais elle espérait que Bors ou Tekta-Soriela reprendrait la parole pour poursuivre la cérémonie de son Epreuve.

Ce fut Tetka-Soniela qui prit la parole, levant sa main droite à hauteur de sa tête d'une façon solennelle. « Aujourd'hui, dans sa bonté, Mère Nature t'a offert un léopard en présent. Il sera le symbole de ton passage à la vie adulte. Toute ta vie, tu devras le respecter et l'honorer, et ceci commence dès à présent. Ton devoir est de le guider vers sa demeure céleste. Et pour la première fois dans cette vie, c'est Aksana-kila qui sera ton guide. » termina-t-elle en abaissant sa main lever vers la jeune chamane pour la désigner.

Aksana sourit et salua la jeune Ilse de la tête. « Je suis heureuse de t'aider pour ton rite de passage, Ilse, c'est un moment important que toute fille et garçon doit accomplir afin de devenir femme et homme. Hier, tu n'étais qu'une petite fille appeurée, demain tu seras une femme qui regardera la vie avec courage et fierté. Ce soir, la petite fille mourra et le Clan des Sangs-Hurlant accueillera une nouvelle femme dans ses rangs. Suis-moi maintenant, tu vas te purifier dans la yourte que ta famille a monté pour toi puis j'inscrirais la marque du léopard dans ta peau afin que toute ta vie tu te souviennes de ce jour et de qui tu es. A la tombée du jour, tu termineras ton rite et Jormung sera de nouveau ton témoin. »

La chamane invita la jeune fille à la suivre, ses pas les menèrent à la lisière de leur campement où trois yourtes qui n'existaient pas encore la veille étaient dressées. Deux petites d'où sortait une épaisse fumée blanche flanquaient une plus grande. Comme le voulait la tradition, la famille d'Ilse avait passé une partie de sa journée à monter la yourte de purification de leur fille et la plus grande, celle qui servirait à la fin du rite. La deuxième yourte, celle qui servirait à purifier Jormung, avait été montée par Bors lui-même, le demi-orque n'avait plus de famille, et il fallait bien que la purification soit faite, le chef s'était dévoué pour le faire. Aksana s'arrêta devant la fourure qui constituait l'entrée et se tourna vers la jeune fille. « Enlève tes habits, enfant, on ne se purifie pas habillée. » D'un geste de la main, l'apprentie-chamane fit glisser sa robe le long de son corps à la peau bleue et apparue nue, attendant que la jeune chasseuse fasse de même, un sourire encourageant aux lèvres. Elle lui murmura afin que tout ceux qui les avaient suivies ne puissent l'entendre. : « Ne pense pas aux autres, il n'y a que toi, personne d'autre. Tout se passera bien je t'assure. »

Ilse avait accueilli l'aide d'Aksana avec respect et piété. Le rite de passage n'avait jamais été quelque chose de tabou et la nudité n'était pas un problème pour son peuple. Se dévêtir n'était donc pas une épreuve pour elle. En revanche, un peu d'anxiété s'était niché au creux de son estomac. A voir l'accueil glacial de son père et surtout de son frère, la jeune femme avait pleinement conscience que Jormung représentait toujours un intrus à leur yeux. Tant pis. Il faudra bien qu'ils s'y fassent. pensa t-elle tout d'abord.

Heureusement, la chamane avait perçu ses doutes et l'engagea à faire le vide dans sa tête. Nous y voilà. se dit-elle alors Ilse alors qu'elle retirait un à un les vêtements pour imiter son guide, laissant son corps svelte et musclé à la vue de son peuple. Supportant stoïquement le regard du village, elle voulait montrer qu'elle était le digne produit du sang de ses ancêtres. Embrasant le monde présent du regard, celui-ci finit par s'arrêter sur Jormung. Le demi-orc qu'elle considérait comme un ami, presque comme un frère l'imiterait dans un instant. Mais il lui était difficile d'imaginer la suite et elle préféra ne pas y penser. Pour l'instant, seule comptait la cérémonie et son passage à l'âge adulte. La gêne et l'anxiété étaient deux sentiments superflus qu'elle essaya de refouler. « Je suis prête. » finit-elle par dire un peu abruptement.

Jourmung l'écoutait conter son récit sans exagération. Elle s'en était tirée vaillamment, avec une arme qui demandait vitesse et précision, deux atouts dont sa cible n'avait pas manqué. Il cacha son amusement devant son non respect du cérémoniel. Il avait peur qu'ils ne la punissent ou la force à recommencer mais il n'en fut rien.

Il ne cacha sa surprise de voir Aksana gérer la cérémonie du soir. Non que cela l'importait vraiment, ni n'alléger son stress, mais cela lui confirmer qu'aujourd'hui était bien une journée à part. Jormung se dirigea vers la yourte prévue pour le rituel, où Bors l'attendait. Il repensa brièvement à ses parents, non par inintérêt, mais parce que le stress continuait à monter. Il se souvenait de sa propre cérémonie. Et à la façon dont on avait regardé son chibre, il avait rapidement compris que cela semblait plus fourni qu'un humain. Jumelé à son inexpérience, ça n'était pas vraiment un mélange gagnant.

Cela n'avait pas été un réel problème avec Brunhilde, qui n'était plus une jeune femme, mais là, il s'agissait d'Ilse, jeune, fraîche, et à laquelle il tenait. Tandis qu'il se mettait à nu, dans tous les sens du terme, Bors riait de voir l'homme au gabarit si sûr autant douter de ce qui allait se produire.

Toute l'attente du monde ne l'y préparerait pas davantage. Comme pour un premier combat à mort, il finit par s'y résigner.
« Je suis prêt. »

Aksana souleva la fourure obstruant l'entrée de la yourte, une épaisse fumée odorante s'en échappa. Elle regarda entrer la jeune fille et la suivit à l'intérieur. Il faisait très sombre, la fumée créée à partir du braséro au centre de la yourte, envahissait tout l'espace. Des herbes sur les cendres et autours lui donnaient une odeur fraiche et vivifiante. La jeune chamane se pencha vers un seau rempli d'eau, en sortit une louche et la renversa sur les braises brulantes qui grésillèrent et créérent encore plus de fumée. Elle désigna les fourures disposées sur le sol et invita Ilse à s'y installer. « Assieds-toi et laisse la vapeur purifier ton corps et ton esprit. Laisse sortir ta vie d'enfant afin d'arriver lavée de tout dans ta vie d'adulte. Une fois totalement purifiée, je marquerai sur ta peau le signe de l'animal qui t'a fait passer d'une vie à l'autre, ainsi chacun pourra le voir et tu n'oublieras jamais. Mais pour l'instant, respire profondément, laisse la vapeur t'envahir. Essaie de ne penser à rien, ouvre ton esprit et vois ce qui arrive. Ne force rien, cela viendra tout seul. Si cela devient trop intense, souviens-toi que tu es dans cette yourte avec moi, il ne peut rien t'arriver. » Elle s'assit non loin de la jeune fille, versant régulièrement une louche d'eau sur les braises, renouvelant la fumée, elle ne quittait de ses yeux sans pupilles la jeune fille, attentive à ses réactions, prête à intervenir s'il le fallait.

Les instructions données par la chamane étaient claires. Pourtant Ilse dut se concentrer pour l'écouter car l'air de la tente, chargé en herbes, avait commencé à lui troubler l'esprit. Assise en tailleur à même le sol, Ilse se sentait partir dans un état second. Chaque inspiration, chaque goulée d'air lui brûlait les poumons avant de lui apporter une fraîcheur presque surnaturelle au moment d'expirer. Ses sens commençaient aussi à la tromper. Ce qu'elle avait d'abord pris pour les battements de son coeur s'apparentaient à présent de plus en plus au battement des tambours de guerre. Elle sentait leurs percutions résonner en rythme avec le sang qui lui battait les tempes. boom. boom boom. boom. Et le sifflement de l'eau versée sur le brasero lui laissait percevoir le chuchotement obsédant, parfois insidieux, de la voix de ses ancêtres. La réalité se mêlait au mysticisme de la cérémonie dans cette yourte exigüe jusqu'au moment où quelque chose changea.

Le son des tambours et la voix des Anciens étaient toujours présents. Mais ils semblèrent passer au second plan à mesure qu'Ilse percevait une présence derrière, plus familière, plus intime. Guidée par cette présence, elle se laissa plonger en elle-même jusqu'à un point où elle se vit revivre la journée passée. La préparation, lente et minutieuse. La traque, longue et harassante. Et enfin bien sûr, le face-à-face majestueux. Mais cette fois, à la différence de ce qui s'était passé plus tôt dans la journée, Ilse ne tira pas sur le léopard. Non, cette fois, elle se vit simplement ouvrir ses bras comme pour accueillir un ami de longue date. Et ce fut comme un signal, car l'animal sauta depuis la cîme de l'arbre pour plonger en elle, son corps disparaissant dans celui d'Ilse. Aussi insensé que cela paraissait de prime abord, la chasseresse accepta cela tout en sentant une force nouvelle se répandre en elle. Elle sentait son corps renaître, du plus petit cheveu jusqu'à l'ongle de son petit orteil. Elle sentait chaque fibre de ses muscles se gorger de sang et chaque tendon se tendre au moindre mouvement.

C'est alors qu'elle su. Par la présence imposante de l'esprit et la résonnance qu'elle trouvait en lui, elle savait qu'elle avait réussi à se libérer de sa mue d'enfant pour devenir la femme qu'elle était depuis toujours. Il restait maintenant à graver cela dans sa chair. Rouvrant les yeux, Ilse regarda la chamane assise face à elle. Elle voulait lui signifier qu'elle avait réussi cette nouvelle épreuve. Mais aucun mot ne seyait. L'expérience dépassait toute compréhension. Elle se contenta donc de simplement hocher la tête à l'adresse d'Aksana, en espérant que celle-ci comprenne.

En miroir de ce qu'il se passait pour Ilse, Bors à son tour se dévêtit et fit pénétrer Jormung dans la tente qui lui était dédiée, une chaude fumée aux senteurs boisées s'en dégageant. L'odeur âcre le prit à la gorge, et alors qu'elle paraissait lui brûler les poumons, le chef lui fit signe de s'agenouiller sur une fourrure d'ours. « Tu es déjà homme, Jormung de Freki, et aujourd'hui, c'est ton devoir de faire de Ilse une femme. Aujourd'hui, l'enfant deviendra adulte, grâce à toi. Emplis ton esprit de pureté, invoque la bénédiction des esprits, et prépare-toi pour la cérémonie. » dit-il en versant une louche d'eau sur les braises afin qu'elles dégagent plus de fumée. « Tu es un digne membre de la tribu des Sangs-Hurlants, et tu as mérité ta place en son sein. Oublie toutes tes questions, toutes tes hésitations. Vide ton esprit de tous tes doutes. Accompagne-la vers sa destinée... »

Oublie toutes tes questions. Mais bien sûr, c'est si facile, prendre cette femme qui n'a rien demandé, comme le faisait les orques avec les femmes de cette même tribu! Malgré tout, le chef avait raison. L'air las, Jormung soupira. On aurait presque pu croire qu'au fond, il ne la désirait vraiment pas, que le dégoût était tel qu'il ne voulait pas le faire à cause d'elle. Il ne voulait pas le faire à cause de lui, et des circonstances. L'odeur commençait à le prendre jusqu'au poumon, le sortant de la torpeur motrice qui l'animait sous son trop plein de pensées. Il n'avait pas le choix, ce rituel contribuerait à renforcer sa légitimité au seint du clan. Et plus encore que ses propres souhaits ou doutes, il se devait d'honorer correctement Ilse, que ce jour lui soit réussi entièrement, sans faux pas. Il ferma les yeux, respirant lentement et lourdement. Oh esprit, purifiez-moi, purifiez-nous, que votre bénédiction la mort de cette jeune fille, et la vie de cette jeune femme,et que ma mort un jour retarde la sienne autant que faire se peut. Les orques offraient toujours un présent à ceux qui franchissaient chez eux les rites adultes. Depuis son propre passage chez les Sangs-Hurlants, Jormung avait préparé son cadeau pour Ilse. Il n'avait pas pensé un seul instant qu'il serait aussi celui qui lui ferait franchir le cap. Il ne savait pas trop quand lui offrir. Il le laissa là, pour après, et s'avança dans la yourte principale, après une grande inspiration.

Aksana ne quittait pas Ilse des yeux, le corps de la jeune fille était immobile, yeux fermée, le temps parut infini puis elle se cambra légèrement le souffle court alors Aksana sut qu'Ilse venait de réussir également cette épreuve. Le regard que lui lança la guerrière le lui confirma. La jeune chamane lui sourit satisfaite. Elle attrapa une peau tannée et noircit par endroit qu'elle plaça sur les braises pour les éteindre, puis elle se leva et, sur la pointe des pieds, écarta la fourrure qui obstruait la cheminée, laissant la vapeur s'échapper de la yourte. Elle attrapa enfin un sac placé près de l'entrée et en sortit un tigre de métal courbe. D'un geste de la main, elle invita Ilse à se lever et passa le racloir le long du corps de la jeune fille, débarrassant sa peau de la sueur et de toutes les impuretés qu'il avait exsudées. Elle prit enfin la louche et la rinça, terminant de la purifier. Elle ne prononça pas un mot, le silence favorisait la méditation et elle voulait qu'Ilse ait pleinement conscience du rite. Enfin, Aksana se rinça elle-même et invita Ilse à s'asseoir de nouveau. Elle s'assit près d'elle et sortit du sac une fiole et une longue tige de bois clair dont l'une des extrémités se terminait en de multiples petites dents. Elle ferma les yeux un instant, prononça une prière aux Dieux et entonna une mélopée sans paroles au rythme envoûtant. Elle trempa la tige de bois dans le flacon d'encre noire, prit le bras de celle qui allait devenir femme et commença à enfoncer les dents dans la chair délicate à l'intérieur du bras, là où tout le monde pourrait voir le léopard qu'elle était en train de dessiner et qui prouverait à tous la réussite de ce jour. Les gouttes de sang commençaient à perler et la douleur se faisait de plus en plus forte alors que la mélopée de la chamane envahissait toute la yourte.

Bors observait Jormung durant sa purification, sans rien dire. Lorsque celui-ci se sentit prêt, il étouffa le feu à l'aide d'une épaisse peau d'ours, symbole du demi-orque, et fit un pas vers lui avant qu'il ne s'engouffre dans la yourte principale. Il posa une main sur son épaule, et le regarda dans les yeux, comme s'il allait lui dire quelque chose d'important. Mais aucun son ne franchit ses lèvres. Seul son regard était éloquant. Le demi-orque rêvait-il, les herbes et la fumées embrumant ses sens, ou était-ce de la fierté qu'il lisait dans son regard ? Le chef fit un simple hochement de tête et ôta sa main, s'écartant du chemin du jeune homme. C'était à son tour d'initier une enfant. C'était à son tour d'être le mentor.

La douleur du tatouage était réelle. Cependant, Ilse se sentait encore flotter dans cet état second qu'elle avait éprouvé quelques instants plus tôt, lorsqu'elle s'était sentie faire parti d'un grand tout. C'est donc avec une certaine surprise qu'elle découvrit le résultat final.

Principalement cantonné à son avant-bras, le tatouage de son animal-totem semblait aussi vivant qu'il était petit. Le corps de l'animal tatoué sur l'intérieur de son avant-bras épousait parfaitement la forme de ses muscles tandis qu'une patte avançait jusqu'à sa paume et que la queue de l'animal finissait sa course sur la pointe de son épaule. Emerveillée par cette oeuvre d'art, Ilse éprouva les muscles de son bras afin de faire jouer le tatouage et ce qu'elle vit la combla de joie. Le leopard lui donnait l'impressin d'être prêt à bondir à chaque fois que ces muscles se contractaient. Maintenant entière, elle sentit les larmes lui monter aux yeux. Et bien que cela ne fasse pas parti du rituel, elle se surprit à enserrer Aksana dans ses bras afin de la remercier chaleureusement avant de pousser un petit gémissement de douleur, causé par le contact de son avant-bras sur le corps de la chamane.

Puis se reprenant rapidement, elle ajouta d'une voix qu'elle espérait assurée : « J'ai traversé et réussi avec succès toutes les épreuves qui m'ont été présentées. Je suis prête à affronter l'ultime épreuve de la journée, celle qui fera de moi une femme accomplie. » Ilse ne se rappelait plus des mots exacts qu'elle aurait du prononcer mais l'approche du moment fatidique lui avait troublé l'esprit. Elle espérait maintenant seulement que cette dernière épreuve se terminerait au plus vite. Le fait que Jormung soit celui qui devrait l'accompagner dans cette dernière étape l'avait rassuré en même temps que cela avait créé en elle un profond sentiment de gêne. Mais l'étape des questions et des doutes était maintenant dépassée. Il lui faudrait faire avec et en finir au plus vite.

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#8 Envoyé le : vendredi 29 septembre 2017 00:36:58(UTC)
Probe
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Tout à son rôle, Jormung avança à son tour dans la tente. C'était maintenant à lui de prendre le relai, d'initier. Il s'approcha du petit autel de fortune en ébénite près de la couche, où était posé les encens, et pris le couteau de pierre, affûté comme une lame tianaise, attrapa le bras gauche de la jeune Ilse, et créa lentement une entaille le long de son avant-bras, si fine qu'elle ne garderai pas la trace, si ce n'était intérieurement. Un mince filet de sang commença à couler. Jormung attendit qu'il commence à se répandre vers son poignet pour l'essuyer de sa main. Il plaça ensuite sa main ensanglantée sur la statuette d'argile représentant une femme à gauche de l'autel, et s'entailla à son tour l'avant-bras. Il essuya la lame dans un linge de sa main droite, et la posa au milieu de l'éphémère meuble.

Il essuya la vie qui coulait de son bras gauche de sa main droite, procédant au même rituel sur la statue d'argile représentant un homme, posée à droite. Ses mains pleines de sang séché attrapèrent les deux statuettes et les rapprochèrent pour les placer sur le devant de l'autel, à côté du couteau. Toute trace de rouge disparaissait de ses mains tandis que le sang semblait être absorbé par les statues.

Celles-ci se mirent lentement à se mouvoir et à prendre forme, la forme d'Ilse et Jormung, et se touchèrent progressivement jusqu'à s'enlacer, s'allongeant ensemble sur l'autel, fusionnées l'une dans l'autre. Jormung s'approcha à nouveau d'Ilse et avec toute sa relative délicatesse lui passa une main dans les cheveux tandis qu'il plaça l'autre main dans son dos pour l'aider à se laisser allonger dans un geste très lent, ployant lentement le genou pour l'accompagner vers le lit. Bien contre sa volonté, la vue de la jeune et magnifique fille qu'il adorait avait sur son corps un effet bien plus visible et palpable que ce que son esprit ne l'aurait souhaiter.

Ilse, vivant cette cérémonie pour la première fois, essaya de ne pas montrer son trouble lorsqu'elle vit les deux statues prendre leur forme, à Jormung et à elle, avant de se mettre à se mouvoir dans ce qui ressemblait à une danse étrange à deux.

Bizarrement, cela provoqua une chaleur dans son bas ventre qu'elle ne s'expliquait pas. La chasseresse n'était pas plus prude ou plus ignare qu'une autre. Elle avait déjà assister à la saillie d'une pouliche ou d'une vache. Elle avait également entendu les adultes parler d'histoire de coucheries. Mais elle avait toujours vu le demi-orc comme un simple ami, quelqu'un qu'elle était toujours prête à aider. Savoir qu'il serait celui qui ferait d'elle une femme l'avait au début rassuré. Mais maintenant... elle ne savait plus.

Alors qu'elle se couchait avec les gestes doux du demi-orc, elle vit sa virilité fièrement dressée et se mit à piquer un fard. Ô mère Nature, ça ne rentrera jamais en moi. pensa t-elle dans un soudain moment de doute. Mais elle ne voulut pas reculer. Pas maintenant qu'elle en était arrivée là. Dans un sursaut d'ego, elle caressa la toison présente sur le torse de Jormung avant de redescendre saisir son membre raidi par l'envie. Encore étourdie par les herbes d'Aksana, Ilse décida que c'était LE moment et le guida en elle.

D'abord troublée par ce contact étranger, Ilse résista à l'envie de se crisper. Jormung l'aida aussi à se relaxer à force de caresses et de baisers. Mais poussée par la volonté de ne pas chercher à comprendre les sentiments qui la traversaient, la jeune femme força le rapport en soulevant son bassin et en amenant son amant à la pénétrer complètement. Les herbes ayant fait leur office, son corps était heureusement assez prêt pour ne pas rendre le rapport insupportable. En revanche, son corps n'était pas assez prêt pour rendre l'acte plaisant. Cela était pourtant nécessaire, et avec un peu d'expérience, Ilse aurait du s'en douter en voyant la morphologie de son ami. Mais tel n'était pas le cas. Tout ce qu'Ilse gagna à se forcer ainsi fut donc une déplaisante douleur dans son bas ventre et un visage fermé par l'effort qu'elle faisait pour contenir un gémissement de douleur qui menaçait de franchir ses lèvres.

Momentanément vaincu par son manque d'expérience, la jeune femme se relâcha et retomba sur la couchette. Elle devait rassembler ses forces avant se retourner au combat....

Jormung essayait de ne pas penser à ce qu'il sentait, qu'il lisait dans les yeux d'Ilse, même quand elle les fermait. Il la regarda franchement et, ne pouvant soutenir son regard, vint poster sa tête contre la sienne, faisant tomber ses tresses sur l'autre côté de son visage en passant. Il passa délicatement la main gauche dans ses cheveux pour essayer de donner un aspect plus détendu et romantique à leur rapport, et souleva discrètement la chute de reins d'Ilse pour faciliter la pénétration.

La situation avait l'avantage de le ramollir un peu, rendant la chose moins pénible. Son premier réflexe aurait été de sortir, puis d'y retourner plus tard, mais comme le lui avait dit Brunhilde après sa propre cérémonie, c'était bien moins douloureux une fois dedans qu'en prenant le sexe d'une femme pour une zone d'octroi. Il essaya de détourner son attention tout en continuant son va et vient, lui susurrant «  Tu es un fauve maintenant, laisse la bestialité être tienne et n'hésite pas à sortir les griffes. Honore ton être. »

Prenant ce conseil comme un focalisateur pour essayer d'éviter de penser à la douleur, Ilse laissa son instint parler. Au départ, cela sembla l'aider un peu. Les gestes de son bassin semblèrent suivre un mouvement plus fluide tandis que ses doigts traçaient des sillons de sueur dans le dos de son amant. Pourtant, très vite, la douleur revint. Il lui fut alors difficile d'arriver au terme de la cérémonie tant cela était éprouvant pour elle. Jormung avait beau être attentionné et prendre soin d'elle, et elle avait beau essayer de se concentrer sur son partenaire et ami, cette foutue douleur ne voulait pas s'estomper.

Serrant les dents et cachant maintenant sa douleur derrière ses baisers, la novice fit donc son possible pour accompagner son compagnon jusqu'à la jouissance. Et lorsque le moment vint, ce fut une véritable libération pour elle. Recueillant après coup sa semence dans une coupelle à cet effet, elle en fit ensuite de même avec son propre sang afin de présenter la preuve de leurs ébats au village. Embrassant le demi-orc sur la joue après l'acte, Ilse le remercia pour sa douceur. « Merci, Jormung. Si ma première fois s'était passée avec Kalf, je sais que ça n'aurait pas été la même chose. » Elle espérait ainsi que ce signe de tendresse ferait passer le potentiel sentiment de frustration que lui aussi devait ressentir.

Finalement, toujours nue et couverte de sueur, elle ressortit de la yourte sa coupelle à la main. Il ne manquait plus à Aksana que de reconnaître leur rapport sexuel et c'en serait fini de cette longue journée. Regardant la chamane droit dans les yeux et droite comme un "i", elle lui tendit la preuve de sa maturité. « C'est fait. » fut tout ce qu'elle dit en attendant que l'autre la libère de ses derniers devoirs.

À moitié honteux et à moitié heureux, Jormung ne savait pas vraiment quelle attitude adopter. À la fin de son propre passage avec Brunhilde, il planait, à la fois sous les voluptes d'encens et sous leurs orgasmes. La situation avait été fort différente ici, et il essaya de garder le fil de ses pensées au lieu de se consacrer à son anxiété.

« Attends. » Il retourna rapidement dans sa yourte, le sexe pendant encore légèrement du rouge de l'hymen, et revint avec un collier de dents, et avec sa peau de bête d'ours, l'ours noir qu'il avait vaincu lors de son passage. Il la passa autour des épaules d'Ilse pour la réchauffer. «  Tiens. Je l'ai fait avec les dents et crocs de l'ours noir qui s'est lié à moi pendant mon rite. J'aurais été bien embêté à le garder si tu avais échoué. » dit-il en souriant comme pour lui rappeler que par deux fois, elle avait triomphé des épreuves (et de la douleur). À son tour, il cherchait la chamane du regard.

Aksana fit signe à Ilse de jeter la coupelle dans le feu qui brûlait maintenant devant les yourtes puis se tournant vers l'assemblée encore présente, elle parla d'une voix forte : « Le sang de l'enfance. La fille est devenue femme. Jormung fils de Frekki a su la guider ! Clan des Sang-Hurlant, accueille ta nouvelle chasseresse parmi les tiens ! Ilse, tu es maintenant une Sang-Hurlant, sois-en digne et ne l'oublie jamais. »

Un sourire apparut sur les lèvres de la chamane et elle reprit en désignant les grandes tables dressées un peu plus loin sur lesquelles étaient posés de nombreux plats de viandes fumantes ou froides, des pichets de vins, des fruits savoureux. « Réjouissez-vous, le clan accueille une des siennes ! Mangez, buvez ! »

Elle regarda de nouveau Ilse et d'une voix moins forte lui parla : « C'est ta fête, Ilse, profites-en, rejoins les tiens. » La jeune fille s'habilla et s'éloigna un peu hésitante sous les yeux de la chamane, quand elle fut assez éloignée, celle-ci se tourna vers le demi-orque qui n'avait pas bougé. « Merci, Jormung., tu as changé la fille en femme. Habille-toi et profite du banquet toi aussi. Tu en as gagné le droit. »

Chacun profita ensuite du reste de la soirée pour fêter comme il se doit le passage d'Ilse à l'âge adulte.

Modifié par un utilisateur dimanche 15 avril 2018 13:49:25(UTC)  | Raison: Non indiquée

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Offline Guigui.  
#9 Envoyé le : mercredi 6 décembre 2017 21:57:25(UTC)
Guigui
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Zorg : adieu chers voisins


Nerosyan, 1er Arodus 4717, le soir


La nuit était tombée quand Zorg parvint à la maison du vieil Albert où il avait son logement. Il avait marché jusqu'alors d'un pas rapide, malgré la touffeur de ce début d'Arodus, jetant de furtifs coups d’œil derrière lui comme s'il craignait d'être suivi, mais ralentit sa marche à l'approche du porche donnant sur la cour. Tel l'un des espions qu'il imaginait à ses trousses, il se colla au mur et jeta discrètement un œil dans la cour pour être sûr qu'il pourrait rentrer sans être vu.

Le rapide coup d'œil de Zorg le rassura. Ses voisins devaient tous être rentrés chez eux à cette heure tardive, et il n'y avait nulle ombre au rez-de-chaussée, dans la salle commune. De là, il n'aurait que quelques pas à faire pour se retrouver dans l'escalier, et monter jusque chez lui. Oui, a priori, rien ne devrait se mettre en travers de son plan...

Rassuré, le gnome trotta rapidement à travers la cour avant de se retrouver dans l'escalier qu'il grimpa le plus discrètement possible, posant le pied sur le côté des marches pour éviter de les faire grincer (et ne posant pas le pied sur la trente-neuvième marche qu'il avait piégée). De la lumière filtrait sous la porte de la veuve Mohrss. L'antiquité était probablement en train de finir de dîner, comme tout le monde à cette heure.

Zorg tentait de passer discrètement devant la porte de la veuve lorsqu'elle s'ouvrit en grand. La vieille resta une demi-seconde coite, son regard mauvais fusillant le gnome. « Eh bien ? Tu écoutes aux portes maintenant ? On ne peut plus aller tranquillement aux latrines ? »

Les latrines faisaient partie des quelques pièces communes de la résidence, au grand désespoir de ceux qui devaient passer derrière certains d'entre eux - la propreté n'étant pas une notion commune au sein des gentils résidents.


Zorg fit pratiquement un bond lorsque la porte de la veuve Mohrss s'ouvrit en grand. Il pensait pourtant avoir été parfaitement discret et n'avait perçu aucun bruit en provenance du logement de la vieille. C'est comme si elle l'avait attendu pour le surprendre. Mais sa surprise ne dura pas. « Les latrines ? » Cracha-t-il alors qu'un rictus mauvais déformait sa bouche, « oh, bien sûr, madame Mohrss. Pardonnez-moi, je ne savais pas que vous utilisiez les latrines. J'ai toujours pensé que vous cuisiniez vos propres excréments, à en juger par les odeurs qui s'échappent de chez vous au moment des repas. Bonne soirée, Mme Mohrss, » conclut-il sur un ton dont la politesse contrastait assez avec la teneur de ses propos. Il souhaitait écourter cette "conversation" le plus rapidement possible et ne pas s'attarder avec quelque fâcheux - ou fâcheuse - que ce soit, aussi commença-t-il a emprunter l'escalier vers le second et dernier étage de la maison.


« C'est ça, va ronfler, le gnome ! » cracha-t-elle. Puis la vieille se contenta d'un autre mauvais regard et de descendre lentement l'escalier, de son pas mal assuré.

De son côté, Zorg commençait à peine à monter l'escalier qu'il entendit le voisin d'en face de la veuve, Gaston Lefort, râler de sa voix grave à travers sa porte fermée. « Vous allez pas recommencer à nous faire chier ! On peut pas avoir un soir tranquille dans cette baraque ? »

La vieille s'éloigna en grommelant des mots incompréhensibles mais qui ressemblaient étonnamment à des petits noms d'oiseaux.


En temps normal, Zorg aurait volontiers hurlé quelque chose de désagréable - ou d'obscène - à Gaston Lefort, mais cela risquait en l'occurrence de le faire sortir dehors, ainsi que de ses gonds, ce qui prolongerait l'esclandre et n'était pas du tout dans l'intérêt du magicien. Il avait prévu une entrée discrète, et déjà la veuve Mohrss, qui avait un don presque surnaturel pour lui tendre des embuscades, avait ruiné cet espoir. Il était inutile d'en rajouter.

Zorg envisagea quelques secondes d'attendre un moment pour voir si la vieille enjambait la trente-neuvième marche, celle qu'il avait piégée, ce qui expliquerait pourquoi ses efforts pour la faire chuter n'avaient jamais porté leurs fruits. Mais cela impliquait de la suivre dans l'escalier, ce qu'elle n'allait pas manquer de remarquer, évidemment... Le gnome décida d'être raisonnable et se contenta de monter jusqu'à sa petite chambre.

Lorsqu'il poussa la porte, une odeur indéfinissable l'assaillit, mélange d'urine pourrie, de crasse, de poussière, de café froid et de tabac. C'était bien l'odeur de son chez-lui, ce logement minuscule et insalubre qu'il avait pourtant fini par apprivoiser et qu'il allait maintenant devoir abandonner... En laissant au vieil Albert un mois de loyer d'avance !

Sans hésiter, Zorg commença à rassembler ses affaires et à les fourrer dans son sac à dos : son grimoire et ses parchemins, ses biens les plus précieux ; son nécessaire d'écriture ; une boussole, une vieille outre et une couverture de couchage, vestiges des jours heureux où il partait camper avec son ami Wesley, le seul qu'il ait jamais eu ; sa boîte à cigares ; une blague à tabac de rechange et de quoi nettoyer sa pipe, bien qu'il n'ait jamais jugé bon de le faire ; enfin, son pot de café Nohm & Daisyr, car c'était une boisson dont il ne pouvait plus se passer et il comptait bien apporter la civilisation aux Sangs-Hurlants en leur faisant apprécier ce breuvage béni des dieux.

Son sac désormais bourré à craquer, il sorti son pot de chambre (toujours plein) de dessous son lit, ouvrit la porte, le déposa sur le palier, et se retourna pour jeter un long regard sur sa chambrette. C'était l'instant des adieux, il ne la reverrait jamais plus. La regretterait-il ? Pas vraiment, mais c'était un morceau de sa vie qui s'en allait, et qui allait se transformer en souvenirs. Il en éprouva une étrange nostalgie.

Le plus discrètement possible, il ferma sa porte à clé et entreprit de descendre à pas de loup au premier étage, son pot de chambre à la main.


Évidemment, ce fut le moment où la vieille décida de remonter des latrines. Elle arriva à hauteur de la fameuse trente-neuvième marche et là, Zorg la vit faire. Elle posa sa canne tordue sur le côté de la marche, là où elle était la plus solide, et s'aidant de l'autre côté de la rembarde, l'enjamba. Elle leva les yeux vers le gnome, et se mit à ricaner. « Alors, tu sors enfin ton pot de chambre puant ? Ce doit être irrespirable là-dedans ! » Mais ses petits yeux chafouins se posèrent sur le sac bien rempli du gnome. « Tu pars en pleine nuit ? » Son ton s'était presque radouci. Elle continua à monter, le rejoignant sur le pas de sa porte. « Prends garde à toi le gnome. Y a une marche qui déconne. Avec ton barda, si tu poses le pied dessus, c'est la chute assurée. J'aimerais pas que ton petit cadavre sanguinolent échoue aux bas de cet escalier le jour où on est enfin débarrassé de toi. » Était-ce son imagination, ou lisait-il comme du regret dans son regard ?


Zorg avait d'abord envisagé de jeter le contenu de son pot de chambre sur la porte du logement de la veuve Mohrss puis, lorsqu'il la vit remonter - et eut la confirmation qu'elle savait depuis longtemps pour la marche - se dit qu'une douche dorée serait une bénédiction d'adieu convenable. Mais l'air et le ton de la vieille lorsqu'elle comprit qu'il partait le fit hésiter, puis renoncer à cette idée. Se pourrait-il qu'elle regrette son départ ? D'un coup, une partie de son monde ne tournait plus rond. Il eut même honte d'avoir eu une idée aussi cruelle, et toutes les nuisances et les vilénies qu'elle lui avait fait subir disparurent de son esprit comme si elles n'avaient jamais existé.

Cachant son pot de chambre derrière son dos, il ne répondit rien et resta sur le palier pour permettre à la vieille Mohrss d'y accéder. Au moment de la croiser, il dit simplement, d'un ton neutre : « Et moi débarrassé de vous. Là où je vais, je ne pense pas jamais vous revoir. » Il laissa passer un instant avant d'ajouter. « Adieu, madame Mohrss. Je ne peux pas dire que vos coups de balai nocturnes me manqueront, mais... Enfin, portez-vous bien... » Là-dessus, il dévala l'escalier, ralentissant au niveau de la trente-neuvième marche comme à l'accoutumée, et se dirigea vers les latrines une fois arrivé en bas.

Mais au moment de jeter le contenu de son pot de chambre, il se dit qu'il serait vraiment dommage de jeter toute cette bonne urine pourrie sans que personne en profite. La vieille n'allait sûrement pas redescendre avant le lendemain... Entr'ouvrant la porte des latrines, il prononça une brève formule magique. Aussitôt, le pot se mit à léviter pour aller doucement se poser en équilibre au-dessus de la porte, de sorte qu'il déverserait probablement son contenu sur le premier qui la pousserait. « Hehehehe ! » Ricana-t-il bêtement en contemplant son piège.


Le vieille toisa Zorg, et, pour la première fois depuis qu'il l'a connaissait, parut ne pas savoir que répondre. Elle posa la main sur la poignée de sa porte, parut vouloir se raviser, puis, après un dernier regard au gnome, ouvrit sa porte, entra chez elle, et la referma.

Zorg eut le temps de descendre et de jouer son vilain tour, lorsqu'il entendit la porte de la vieille s'ouvrir de nouveau. « Hé l'affreux ! » appela-t-elle, immédiatement suivi du bougonnement de Gaston.
« Mais bordel, vous dormez jamais tous les deux ? »
« Ah vous, ça va, hein ! Le petit s'en va, vous allez pouvoir être tranquille avec lui. Alors fermez-la ! »
« Si seulement vous pouviez en faire autant ! » râla-t-il de nouveau, sa voix grave résonnant dans la maison.
« Ça, n'y comptez pas, Lefort ! Je ne vous ferai pas ce plaisir, et je suis même sûr que je vous enterrerai ! » ironisa-t-elle. Il était vrai que malgré son âge avancé, on murmurait qu'elle avait toujours vécu ici, et qu'elle avait assisté à l'enterrement de nombre de résidents pourtant plus jeunes qu'elle. « Hé l'affreux ! » appela-t-elle de nouveau, sans aucun doute pour Zorg. « T'as payé ta caution du mois, alors... Albert te gardera ta piaule minable jusqu'au prochain... Si jamais tu reviens. »


« Entendu, vieille peau ! » Répliqua le gnome sur un ton qui ne correspondait pas vraiment au qualificatif qu'il employait à l'égard de son interlocutrice. Mais entre le coup du pot de chambre et ce qu'il s'apprêtait à faire, quand bien même il revenait un jour s'installer à Nerosyan, il était bien sûr de ne jamais remettre les pieds à cette adresse.

Zorg sortit dans la cour, et la nuit était désormais tout à fait noire. Il remonta sur son front ses verres de soudeur de façon à laisser ses yeux rouge braise percer les ténèbres, et sa petite charrette, garée contre le mur, lui apparut immédiatement. Il déposa son sac à dos près d'elle et, avec des gestes très sûrs, commença à ouvrir certains tiroirs et compartiments pour en extraire des babioles qu'il fourra immédiatement dans ses poches. Après quelques minutes de ce manège, dont au moins la moitié à se demander où il avait rangé ce qu'il cherchait, il tira la charrette au milieu de la cour et ouvrit indifféremment tous les tiroirs restants. Ainsi déployée, la charrette aurait pu faire penser à un hérisson - ou à un écorché, toutes choses étant égales par ailleurs. C'était une petite merveille de menuiserie, et Zorg aurait pu en obtenir un bon prix s'il avait eu le temps de trouver le bon acheteur. Mais tel n'était pas son projet.

Reprenant son sac à dos, il se posta un long moment devant sa charrette, se remémorant tous ses détails de construction. Le silence n'était brisé que par la rumeur de la cité, au loin. « C'est ici que notre ancienne vie s'achève, mon vieux, » murmura-t-il au scorpion qui était monté sur son épaule. « Que nous réserve l'avenir ? » Mais le scorpion ne répondit rien, se contentant de regarder alternativement la charrette et son maître.

« Allez, on va les emmerder une dernière fois ! » Déclara Zorg avec un sourire sinistre. « ਹੱਥਾਂ ਨੂੰ ਜਲਾਉਣਾ ! » Aussitôt, une vague de flammes jaillit de ses mains pour aller envelopper la charrette, qui s'embrasa comme un feu de paille dans l'air sec de l'été mendevien. Zorg recula bien vite quand les premiers pétards et fusées, dont l'engin était bourré, commencèrent à éclater. Posté près de l'arche donnant sur la rue, un large sourire découvrant ses dents jaunes, il contempla les fusées siffler en partant vers le ciel ou s'écrasant contre un mur, parfois une fenêtre, et les dizaines de pétards éclater en faisant un rafût de tous les diables, une pétarade au sens littéral du terme tandis que, dans les logements, des bougies s'alumaient les unes après les autres et que les uns criaient "au feu !", d'autres "aux armes !" et d'autres encore "au secours !"

Tandis que l'alerte se propageait aux maisons voisines, Zorg, toujours aussi hilare, se carapata bien vite. Il était grand temps de changer de quartier. Trottant dans la rue avec son gros sac à dos, il disparut dans la nuit noire, en route pour retrouver ses nouveaux compagnons... Et commencer sa nouvelle vie.
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Le combat à allonge
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Offline vaidaick  
#10 Envoyé le : vendredi 13 avril 2018 18:21:11(UTC)
vaidaick
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1er Arodus 4717 - Nerosyan, auberge de l'Ours qui jongle

e demi-orque invita Zorg à partager sa chambre. Jormung avait rapproché les deux lits pour reposer au mieux sa grosse carcasse, il observa le gnome et comprit rapidement qu'il ne lui donnerait pas un coup de main, soit par faiblesse, soit par flemme, soit par ego. L'orque se pencha négligemment pour ramasser le premier lit d'une main et le tirer loin de son jumeau, débarrassant ce dernier de l'imposant sac qu'il avait posé là comme un enfant qu'on couche. « Je vais nous faire monter une bouteille, sauf si tu veux te coucher tout de suite. C'est pas demain que tu feras une nuit agréable et réparatrice, Champion du Feu. »


Occupé à tester d'une main appréciatrice le moelleux de son matelas, Zorg ne réagit pas immédiatement. « Hmm ? Was ? Ach, ja. Eine Flasche trinken. Pourquoi pas ? La journée a été longue et riche en rebondissements, et je n'ai pas la tête à travailler, » fit-il en frissonnant à l'idée de la nuit du lendemain qui l'attendait. « Et pour demain, je n'ai pris qu'une couverture, » gémit-il, « je n'ai pas de matériel pour camper. Pas de paillasse... Pas de tente... Tu es sûr que vous pouvez me prêter des affaires ? Ou alors... Peut-être qu'il faudrait passer acheter ce qu'il faut ? »

Bien plus qu'être poursuivi par une succube qui s'introduisait dans les rêves, ce qui semblait effrayer le gnome au plus haut point, c'était l'inconfort d'une nuit à la belle étoile dans la lande mendevienne...


« Je vais déjà aller chercher ce qu'il nous faut. » dit-il en levant la main à hauteur de torse, comme pour mettre en avant le sens des priorités.
Descendant l'escalier, il souriat à l'idée de voir le gnome si embêté pour des broutilles. Il ne doutait pas qu'avec un bon coup de pied au cul, il s'en sortirait plus qu'honorablement, il avait l'air bien plus apte à s'adapter que son comportement maniéré et plaintif laissait supposer. Remontant avec un plateau, une cruche de vin, du pain, du fromage et deux gobelets, il commença à verser le liquide tout en répondant enfin au gnome.

« On a ce qu'il faut, tu prendras la mienne si besoin, tu devrais avoir de la place pour t'emmitoufolier dedans. Euh, t'emmitoufler. Le confort, c 'est une question d'habitude. Ici, dormir entre quatre murs, avec le bruit des fêtards, des charrettes sur le pavé, sur un matelas si court, je vais mal dormir. Mais si je reste ici deux mois, je n'y penserai plus. Chez les orques, on dormait à même la pierre. Si je retournais dormir sur une pierre, j'aurais mal partout. En quelques nuits, tu n'y penseras plus, et tu pourras même commencer à profiter de la nuit, écouter ses habitants, observer son ciel, ses saisons ... de quoi écrire un livre sûrement. Et puis, tu ne dors jamais seul, vous êtes toujours deux, non ? » Demanda-t-il en cherchant le mime à chitine de Zorg.


« Hmm ? Oh, ja ! » Fit le gnome tandis que Kyppyk sortait de son col avant de saluer le demi-orque de la pince, « Bien sûr. En fait, il serait plus juste de dire que nous sommes seuls. Un magicien et son familier sont tellement liés qu'il s'agit presque de deux aspects d'un même être. Je suis un peu lui, et il est un peu moi, nicht wahr ? Nous sommes nous, en quelque sorte. Ne crois pas qu'il s'agisse d'une sorte d'animal de compagnie, c'est très différent. Il est lié au feu comme moi et, sans lui, ma magie serait moins puissante. »

Zorg se servit en pain et en fromage avant de porter le verre de vin à ses lèvres. « Hmm... Je bois peu d'habitude, ça ne favorise pas la concentration. Mais je suppose qu'un verre ou deux... Et puis il est bon, » dit-il en enfournant un morceau de pain et de fromage. Après un instant de silence passé à apprécier la nourriture d'Héléna, il reprit. « Tu es plutôt étrange pour un demi-orque. La plupart de tes congénères sont des brutes sans cervelle. Tu ne corresponds pas vraiment au stéréotype, même si tu as parfois des petits problèmes de vocabulaire. Comment t'es-tu retrouvé chez les Sangs Hurlants ? Enfin, si c'est une histoire que... Si ce n'est pas indiscret, bien sûr, » ajouta-t-il quelque peu gêné, comme s'il pressentait le risque que cela évoque de mauvais souvenirs chez son compagnon de fromage.


Le demi-orque riait du numéro de ce fameux Kyppyk, qui ne manquerait pas d'impressionner bon nombre de Sangs Hurlants, et d'être à la fois craint et admiré par beaucoup d'enfants. Tartine en main, Jormung se raidit un bref instant, figé dans la question qui venait d'être prononcée. Il reprit son mouvement comme s'il avait été victime d'un sort arrêtant le temps un battement de cil plus tôt, se posant sur son lit qui s'affaissa comme la pâte sous la main qui la pétrissait.

« La plupart des orques sont moins bêtes que ce qu'ils en ont l'air, et sont plus honnêtes que les humains sur leurs mauvais penchants et leur amour de la violence, des possessions, et du pouvoir » Jormung avait répondu non comme pour riposter, mais avec un ton qui laissait presque penser à un cours ou un exposé neutre de conclusions.
Il prit une bouchée qu'il cala directement au fond de son gosier par une grosse gorgée de vin.

« Ma mère venait des Sangs Hurlants, et a été victime de... rapeuteuh pendant une embuscade tendue à une troupe d'éclaireurs dont elle faisait partie. Les orques ont massacré les guerriers, et embarqués les guerrières. Mon père a gardé ma mère comme trophée. Et je suis issu d'un ... je ne sais pas si c'est un viol ou non. Les relations entre mes parents ont toujours été distantes en public. Je ne sais pas ce qu'il en était en privé. Même si ça n'était pas un viol, la captivité au départ était bien un fait forcé et imposé. » Jormung mentait. Il avait souvenir de certaines choses vues entre eux, mais ce souvenir douloureux était l'une des rares choses qu'il gardait pour lui, comme le plus précieux des trésors dont il ne voulait pas partager la vue.

«  Ce que je sais, c'est que ma mère, pour une humaine, était bien traitée. Elle n'a d'ailleurs jamais essayé de s'enfuir. J'ai eu un ... un tuteur. Un chaman, qui m'a pris sous son aile. Bien que mon père m'entraînait au combat, n'étant pas un orque pur, la première ligne n'aurait jamais été pour moi. L'un de nos deux chamans s'occupa de mon éducation.
J'étais né chez les Futholl, une tribu faite de grands guerriers, mais avec peu de pratiquants de magie. Oghmar, le chaman en question, avait vu un potentiel en moi, qu'il ne révéla qu'à mon père. Je dois dire avec les révélations récentes que j'aurais du lui porter plus de crédit. »
dit-il, assez amer.

«  Mon père ne me l'a pas caché, au départ s'il voulait un enfant bâtard, c'était pour mieux apprendre l'esprit humain en le faisant mélanger à celui des orques. C'était un homme très malin. D'autant plus malin que le seul moyen pour moi d'avoir un statut respecté de tous était de devenir chef. Ce que je n'aurai pas pu être mon père vivant, tant il m'était supérieur sur tous les plans.
La survie sur ces terres n'était pas gagné pour les orques non plus. Les troupes démoniaques mettaient la pression, et les pertes en hommes étaient lourdes. Nous étions six cents quelques années plus tôt, et n'étions plus qu'une centaine. Oghmar périt dans une bataille contre les démons, et mon enseignement prit fin. L'autre chaman, Bul'dor, ne risquait pas de partager son savoir avec moi. »
Jormung finit d'un trait son vin avant d'enchaîner.

« Bul'dor eut une vision, une vision où il nous fallait nous ranger aux démons. La tribu fit un vote pour voir où nous irions. De peu de crânes, il fut décider de les rejoindre.
Beaucoup d'orques n'étaient pas prêts à suivre et accepter le vote. Mon père défia le chef du clan, et périt en essayant. Le seul chaman de la tribu profita du combat entre nos membres pour ... pour tuer ma mère d'une hache spectrale. Je l'ai repoussé d'un coup de hache avant qu'il ne soit emporté dans la mêlée générale. Je pris le corps de ma mère, et j'ai cherché après le clan qui était le sien, dont elle m'avait conté une partie de sa vie. »


Les yeux et l'esprit du demi-orque semblaient loin de l'auberge, en des contrées ou régnaient la douleur. Pourtant, ses traits n'en confirmaient rien, durs comme du granit.
«  Et c'est grâce à Aksana si le clan m'a accepté. Avec du temps. J'ai vécu hors des murs pendant longtemps. Je n'ai d'ailleurs pu assister aux funérailles de ma mère. Mais le temps a fait son effet, et je suis à présent un membre du clan, pour presque tout le monde. Ce qui est une bonne chose pour toi.  » dit-il mystérieusement pour attirer l'attention du gnome.

« Après l'intégration d'un sang-mêlé dont le peuple a détruit beaucoup de sarkoriens, il te sera aisé et rapide de te faire accepter pour ta condition de gnome, et plus facilement encore, en tant que Champion du Feu. »
Jormung se resservit un verre qu'il descendit aussitôt.
«  Te voilà Champion d'ailleurs. Au fond de toi, si intelligent, tu espérais un destin de grandeur ou aspirait à une vie plus morne mais paisible?  »


Zorg écouta le massif demi-orque raconter son histoire en savourant le pain et le vin comme quelqu'un qui n'avait pas l'habitude de profiter d'aussi bonnes choses. Le discours de Jormung avait ceci d'appréciable, à ses yeux, qu'il était relativement concis et dénué du pathos dont les humains tartinaient habituellement leurs discours. C'était... reposant.

Comme la plupart des bâtards, Jormung avait eu une vie compliquée. Comme la plupart des orques, il avait aussi eu une vie violente. Mais il ne semblait pas vouloir s'apitoyer sur son sort, ce qui était une bonne chose. Zorg s'étonna cependant du "potentiel magique" dont le demi-orque avait fait mention. Lui, ce gros tas de muscles, avait des prédispositions pour la magie ? Le gnome garda cette information dans un coin de sa tête dans l'idée de tirer cela au clair un peu plus tard.

« Une vie paisible ? Nein nein nein, » fit-il en réponse à la question de son interlocuteur, « je n'ai jamais voulu d'une vie paisible. En tout cas, pas paisible au sens où les gens de mon village l'entendaient. Ils ne sont pas méchants, loin de là, mais ils se complaisent dans la médiocrité. Moi j'étais différent, dès le début. Tous les gnomes ont des pouvoirs magiques innés : parler aux animaux, créer de petites illusions... Mais moi, mes pouvoirs étaient liées au feu. Et puis, j'étais très intelligent, comme tu le dis si justement. Trop intelligent, sans doute. »

« L'intelligence est à la fois une bénédiction et une malédiction, vois-tu ? Toi, par exemple, tu es fort, très fort. En te voyant, personne ne peut contester que tu es fort. Ta force est visible. Mais si l'intelligence est une sorte de muscle de l'esprit, n'importe quel crétin décérébré peut affirmer qu'il est plus intelligent que toi. Il y aura toujours quelqu'un pour juger que c'est peut-être vrai. »

« Bref, tout ceci a rendu ma vie assez compliquée. Je ne savais pas ce que je voulais, mais je savais que je valais mieux que ce qu'on me proposait, paysan, marchand ou artisan. Mes relations avec ceux de mon village se sont dégradées au fur et à mesure que je gagnais en âge, d'autant que j'avais des... problèmes avec... mes pouvoirs... » Fit-il, soudain très embarrassé, en baissant progressivement la voix.

« Finalement, ils ont fini par m'envoyer étudier à Nerosyan, avec une petite bourse. Ils m'ont bien traité, mais c'était une forme de bannissement, en quelque sorte. Ils ne voulaient plus me voir, et ça tombait bien parce que je ne pouvais plus les voir non plus. Bon débarras pour tout le monde, » déclara-t-il en faisant un geste de la main comme s'il voulait balayer son passé, mais l'amertume qui pointait dans sa voix laissait à penser que les choses n'étaient pas si simples.

« Étudier à l'Académie m'a sauvé, dans tous les sens du terme. D'abord, ça m'a permis de savoir ce que je voulais vraiment. Et ce que je veux, ce que je veux par dessus tout, c'est maîtriser la magie. Je suis prêt à travailler jour et nuit pour cela. Les sœurs Logy ont parlé de mon potentiel, c'est bien pour ça que je suis le Champion du Feu, ja ? Et bien si je n'avais pas étudié, si je n'avais pas essayé à toutes forces de maîtriser ce pouvoir, je me serais sans doute involontairement immolé par le feu, ou quelque chose comme ça. Les choses ont tendance à prendre feu autour de moi. C'est à ce point-là... Et ça pourrait bien arriver encore. »

« Alors oui, même si j'ai encore un peu de mal à le réaliser, ou à comprendre ce que j'ai réellement à voir avec un clan de barbares sarkoriens, être votre Champion du Feu me semble finalement être quelque chose de logique et de naturel. Je ne m'inquiète pas pour mon intégration. Ils n'ont pas le choix, de toute façon. Il n'y a pas d'autre champion. Tu as bien vu Aksana : ça ne lui fait pas plaisir, mais elle doit me prendre tel que je suis ou rentrer bredouille chez vous. S'ils ne m'acceptent pas, leur prophétie des quatre druides tombe à l'eau, alors... » Conclut-il avec un air satisfait, en se renversant sur sa chaise. Il sortit sa pipe et sa blague à tabac et entreprit de bourrer son instrument de pestilence.


Le demi-orque leva un sourcil d'étonnement quand Zorg mentionna des combustions spontanées à ses côtés. « Et pareil pour moi. Chaque fois qu'ils me voient, une part d'eux se souvient du visage des orques, ces mêmes orques qui les ont malmené plusieurs fois dans leur histoire. Tu es donc un homme qui a des pouvoirs naturellement, et qui a décidé d'essayer de les dompter ... le feu n'est pas l'élément le plus simple à dompter, il est le moins stable de tous. »

Regardant le gnome sortir son attirail, il ajouta : « tu sembles comme moi être enfant unique ? C'est plutôt une bonne chose vu la violence qui semble nous entourer, parfois bien malgré nous. Et d'ailleurs ... as-tu déjà blesser ou tuer quelqu'un? Non que je ne le souhaite, mais ... cela pourrait arriver bien assez tôt. Je doute que la Prophétie ne nous offre un chemin des plus calmes jusqu'à sa réalisation. »


Zorg s'apprêtait à allumer sa pipe à sa manière habituelle lorsqu'il fut interrompu dans sa tâche par l'une des questions du demi-orque. En réalité, elle le fit même tressaillir au point de presque lâcher son instrument, qu'il rattrapa in extremis. « Hem ! Euh... Ja ! Tuer ou blesser quelqu'un... Tu veux dire... A part moi-même, nicht wahr ? Et bien... Oui, ça m'est arrivé, mais ce n'était pas volontaire. Comme tu l'as dit : le feu est l'élément le moins stable de tous. Je dirai même : il est instable par nature et par essence. »

Il laissa passer un instant, le temps d'allumer sa pipe, avant de reprendre alors que les âcres volutes se répandaient dans la pièce. « Et oui, je suis enfant unique. Tante Gerta pense que j'ai découragé Pa et Ma de faire d'autres enfants, mais elle a le chic pour faire culpabiliser tout le monde. Et puis, nous les gnomes n'élevons pas nos enfants comme les humains. Père et mère ne sont que des éducateurs privilégiés au sein du groupe, mais tout le monde fait sa part... Et ils ont eu du boulot avec moi, il faut bien le reconnaître. Tellement de boulot qu'ils ont fini par m'envoyer à Nerosyan pour finir mon éducation, hehehehe. »

« Pour le reste... Je ne sais pas très bien ce que cette prophétie nous réserve. Comme je l'ai dit à Aksana, je suis un rationnel. Je juge sur des éléments objectifs et non sur des suppositions. Et ce n'est pas tant cette prophétie qui m'inquiète, en réalité, que cette succube et ce qu'elle veut de moi. De nous, » corrigea-t-il.


Le demi-orque semblait bloqué dans ses pensées, sans que, pendant un temps, Zorg ne puisse trancher si il réfléchissait aux paroles du gnome, où s'il s'en moquait complètement tant il était peu réactif. Il brisa le silence d'un
« Une partie de mes pouvoirs n'a pas d'explication rationnelle. Et pourtant, je suis plutôt comme toi. J'ai vu des chamanes prophétisaient, et pour chaque chose vraie, j'en ai vu deux de fausses. C'est comme le pari au jeu, vient un moment où l'on a bien misé et l'on a tendance à ne plus voir que ça. J'ai peur qu'ils se murent dans le condimentionnel. Le conditionnel. » se reprit-il.

« Cette succube, elle m'inquiète aussi. Je ne connais pas grand chose des démons, à part la couleur de leur sang et le bruit que font leurs os quand on les brise. Et encore, je n'en ai tué que peu, et des petits. Mais je crois que c'est lié à la tentation et au charnel ... est ce qu'un des anciens gardiens aurait fauté? Ou quelqu'un dans la foi? »

Jormung découvrait cette idée au moment même où il la prononçait, ne sachant quoi en penser.


« Et bien effectivement, les succubes sont connues pour leurs pouvoirs de tentation sexuelle. Autant te dire que, de ce côté là, je suis immunisé. Mais j'ai étudié les démons à l'Académie, et je sais aussi que les succubes peuvent exercer d'autres tentations. Le pouvoir... La richesse... La magie... » Il prononça ces derniers mots d'une voix rêveuse, pensive, les yeux dans le vague. Évaluait-il à ce moment ses propres chances de résister ?

« En définitive, qu'est-ce qui fait de nous des Champions ? » demanda-t-il soudain d'une voix plus forte, « outre le fait d'avoir un destin exceptionnel et tout ça, moi je sais que j'en ai un. Je vais te le dire : ce ne sont pas nos pouvoirs, ou notre force. C'est NOTRE CAPACITÉ A NE PAS SE FAIRE ENCULER . Note bien cela, » déclara-t-il d'une voix solennelle, avec le doigt levé pour appuyer son propos.


Le demi-orque était étonné par la réponse du gnome. Il se disait justement qu'un individu pareil n'avait du que rarement (voire jamais) trempé sa nouille, et serait peut-être encore plus corruptible aux plaisirs charnels. Mais le gnome était malin, et avait l'air de savoir ce qu'il voulait, aussi Jormung garda-t-il ses doutes pour lui, au point de les dissiper.
La suite le fit sourire. Malgré la part de vérité dans ses propos, le gnome ne savait le faire sans être grossier. Jormung ne se laissa pas le moins déstabiliser du monde, rentrant dans son jeu.

«  Dans ce cas, il nous faudra davantage protéger Ilse et Aksana, je crois qu'elles courent un plus grand risque que nous. »


« Oui, » professa Zorg, « la gent féminine est handicapée par sa faiblesse de caractère. Mais si tu veux mon avis, nos camarades de championnat ne sont pas très représentatives de la moyenne des femmes. Sauf sur un point : la logique. Enfin, l'absence de logique. Ou plus exactement : l'aspect non-euclidien de la logique. Je préfère affronter dix démons que la logique d'une femme. Enfin, sauf celles qui pensent comme un homme, bien sûr. »

« Bon... » continua-t-il en baillant, « il va se faire tard et j'aimerais travailler un peu avant de dormir. Je ne ferai pas de bruit, » ajouta-t-il comme pour rassurer son compagnon de chambrée. La dessus, il se leva lentement et s'épousseta des miettes du festin, avant de proposer sa main à Jormung pour qu'il se relève à son tour. Le demi-orque le regarda, interloqué. Comment pouvait-il, avec son mètre et ses vingt kilos, s'imaginer l'aider à se relever ? Le gnome gratifia Jormung d'un de ses horribles sourires avant de dire « Il paraît que c'est l'intention qui compte, alors... »

Modifié par un utilisateur jeudi 17 mai 2018 13:57:59(UTC)  | Raison: Non indiquée

Entre ce que je pense, ce que je veux dire, ce que je crois dire, ce que je dis, ce que vous avez envie d'entendre, ce que vous croyez entendre, ce que vous entendez, ce que vous avez envie de comprendre, ce que vous croyez comprendre, ce que vous comprenez, il y a dix possibilités qu'on ait des difficultés à communiquer. Mais essayons quand même. - Edmond Wells.
Offline Guigui.  
#11 Envoyé le : samedi 14 avril 2018 18:29:52(UTC)
Guigui
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Jormung et Rolf : Ultima ratio Sanguinum

4 Arodus 4717, le matin - Village de la tribu des Sangs Hurlants



Jormung eut le plus grand mal à contenir sa surprise tandis qu'il assistait aux excuses de certains de ses détracteurs. Il accepta sans chichi de passer l'éponge. Il fallait de toute manière que le clan passe à autre chose. Il parvint à garder sa relative sobriété passant un peu de temps avec chaque élu, laissant un peu Ilse pour ne pas braquer son frère, qui semblait déjà fort mécontent. Jormung l'approche malgré tout pour prendre le problème de front.
«  Tu as l'air d'être fort mécontent de quelque chose ... et par quelque chose, je ne parle pas de moi, ça je sais déjà. Tu veux qu'on en parle, même en s'éloignant? C'est pas bon de garder pour toi. Ni pour toi, ni pour ta sœur. »

Le jeune frère d'Ilse accueillit l'arrivée de Jormung avec un regard peu amène, et le dévisagea un instant, la bouche pincée, tandis que son regard allait du demi-orque au gnome, qui amusait la foule. Puis il finit par regarder autour de lui, constater qu'il y avait trop de monde et de bruit pour discuter, et invita d'un signe de la main le Champion de la Pierre à le suivre.
Quand ils se furent mis à l'écart, il lui répondit sur un ton courroucé.
« Ouais, y a même plusieurs trucs qui me dérangent profondément. Je comprends pas pourquoi les Anciens vous ont choisi. Aksana-kila, c'est logique, même si c'est vraiment bizarre qu'elle soit Guide et Championne à la fois. Ma sœur... Pfff... C'est ma sœur quoi ! T'imagines, j'ai grandi avec elle, et voilà que paf ! Du jour au lendemain, c'est une Championne ! Putain, c'est une fille comme une autre, pour moi elle a rien d'une héroïne, ça c'est clair ! Pourquoi ça tombe sur elle, bordel ? Mais ça, encore... Ça me fait chier, mais... Je sais pas trop pourquoi... Mais merde, un des guerriers d'élite, comme Drahomir, ça serait plus logique ! C'est sûrement un des meilleurs guerriers du clan ! Mais elle... Et toi ! Putain, t'es qu'à moitié humain ! Pire, t'es qu'à moitié Sang Hurlant ! Et c'est pas le pire ! Voilà que le dernier Champion, c'est un sale nabot pouilleux ! C'es quoi son rapport avec nous, hein ? Toi au moins, t'as quand même du sang de chez nous, et t'as grandi en partie ici... Mais lui, c'est quoi l'idée ? Les Anciens sont tombés sur la tête ! Voilà ce qui me fout en rogne ! Et faudrait qu'on soit content, en plus ! Non, désolé mais non ! Moi, confier l'avenir du clan à votre quatuor, ça me réjouit pas, mais alors pas du tout ! Et j'en veux encore plus à Ilse, parce qu'elle paraît prendre ça bien, comme si tout était merveilleux ! J'ai envie de lui hurler "Mais réveille-toi sœurette, bordel ! Tu vois pas que c'est le chaos ?" Mais non, elle est sur un petit nuage, à parler avec ma mère des gens de la ville qu'elle trouve étranges... Sans même voir ce qu'il y a de bizarre sous ses yeux ! »

Rolf reprit enfin son souffle, arrêtant là sa diatribe. Il serra les dents, jetant des regards noirs vers la fête, qui n'était visiblement pas à son goût. Il ne semblait pas vouloir en dire plus, comme s'il avait fini de vider son sac...

Jormung ne fut pas surpris de voir la colère du cadet éclater, elle qui couvait depuis si longtemps, et qui avait là l'opportunité magnifique de se montrer. Il ne tressaillit pas un instant tandis qu'il hurlait et fulminait, parfois très proche du demi-orque. Il était complètement fou à sa manière. Dans son ancien clan, n'importe quel orque ou demi-orque aurait déjà été occupé à lui manger la carotide. C'était d'ailleurs le comportement qu'on attendait de lui, que Rolf attendait pour que Jormung prouve la sauvagerie de son sang. Le comportement qu'il attendait, tout en souhaitant son contraire. Il se retint de sourire.


«  Je ne te comprends pas. C'est un bâtard et un gnome puant qui iront risquer leur vie pour que ton sang continue de vivre. N'est-ce pas le mieux qu'il puisse arriver? Tu fais deux erreurs. La première, c'est que les Anciens ne défendent pas ton peuple en tant qu'humains, mais la Foi. La Foi Verte. Celle des Sangs Hurlants, et d'autres encore. Leurs critères pour choisir leurs respectables euh leurs réceptacles, dépassent notre intelligence. N'oublie pas que leur but, c'est de survivre en guettant le retour du mal, pour pouvoir l'affronter. Le feu se montre et se voit de loin, honnêtement, y a t-il meilleur planque que dans un gnome pouilleux? Une meilleur planque que dans celui qui a le visage de ceux qui ravagent la région? Mon corps peut te déplaire, mais l'esprit qui l'anime et l'a choisi est bien humain. D'autres auront un visage proche du tien et pourraient bien finir vaincu par l'esprit du démon si ils se laissaient pousser par leurs péchés et leurs bas instincts. » dit-il le regard sévère avant de se radoucir brièvement ...
«  Mais ça ne sera pas ton cas, n'est-ce pas? » pour mieux s'emporter.

Ses yeux se mirent à luire d'un doré puissant tandis qu'une sorte d''aura semblable s'emparait de lui. Il aurait eut l'aspect d'un ange si il n'avait pas la musculature d'un monstre et le regard et les crocs furieux d'une bête. Il attrapa le jeune d'une prise ferme et le décolla pour le coller contre un arbre. Sa voix gutturale semblait comme une menace imminente de meurtre.
«  La deuxième c'est de prendre ta sœur pour une moins que rien. Elle a une intelligence que beaucoup des miens, des tiens, et des notres n'ont pas, l'habileté d'une farouche guerrière, et le courage de cent hommes. Elle a vaincu le Léopard et l'esprit s'est emparé d'elle, qui es-tu pour lui contester ça? Tu n'es qu'un homme, Sang Hurlant ou pas! C'est ta sœur, ta putain de sœur, elle donnera sa vie pour toi, et toi, tu geins comme un enfant, alors que tes parents attendent de toi que tu te comportes en homme! C'est toi qui doit défendre le foyer, et ton peuple, son visage, ce beau visage qui n'est pas celui de demi-orques et de gnomes répugnants. Les démons n'attendent que ça de semer la zizanie, ne te laisse pas corrompre par un égo mal placé, grandis un peu! Tes parents comme toi méritez mieux que ça, et ta sœur, mieux que le mépris et la jalousie. Comporte toi autrement, à la hauteur de ton sang et de ta foi! Tu nous jalouses mais nous, nous n'avons plus ni père, ni mère, ni frère, ni sœur. Et toi ... TOI, tu ne sais pas profiter de ce que as, de ceux que tu as, c'est ça qui est bizarre, et sous tes yeux, andouille! »

Dit-il en le lâchant tout autant qu'il le jeter, les poings serrés. Que le jeune se réveille enfin ou s'attaque à lui, Jourmung était prêt. Il était maître de son destin, comme Jormung l'était de ses poings.

Rolf écouta le demi-orque avec un air revêche, de ceux qu'on prend lorsque les mots, fussent-ils bien employés et justes, ne pouvaient pénétrer une haine tenace. A la question de Jormung, le jeune homme n'eut que le temps de prononcer quelques mots.
« Je suis loyal à mon cl...! » commença-t-il à vociférer. Mais le dernier mot s'étrangla dans sa gorge alors qu'il était saisi par le col et soulevé de terre comme une vulgaire marionnette. Il avait beau gigoter des quatre membres pour se libérer de la poigne de fer, sa vigueur ne suffisait pas. Et dans ses yeux, à ce moment précis, une lueur nouvelle naquit à l'encontre du demi-orque : celle de la peur. Incapable de se libérer, son regard figé dans celui de son agresseur, ses bras retombèrent le long de son corps, comme pour s'avouer vaincu.

Trébuchant alors qu'il était brutalement relâché, manquant tomber à terre, il se retourna vers Jormung dès qu'il eut repris son équilibre, furieux. « Le clan n'aurait jamais dû t'accepter parmi nous, bâtard ! » hurla-t-il en se ruant sur Jormung. Il était leste, faisant penser en cela à sa sœur, et, bien entraîné, il aurait probablement fait un bon guerrier. Mais il était encore jeune et inexpérimenté, et lorsqu'il tenta de plaquer le demi-orque au sol, sa prise manquait d'assurance, et la différence de stature suffit à rendre son assaut totalement inutile, semblable à celui d'un insecte tentant de déplacer un rocher.
« Ils auraient dû te tuer ! Ça aurait évité ma sœur d'être salie par un monstre comme toi ! » continua-t-il, des larmes dans sa voix, alors qu'il continuait à tenter de lutter en vain.

Jormung aurait du s'en douter. Petit, froussard, jeune, il n'avait choisi de faire confiance en son intelligence, à tort, il était trop tôt. La rage prenait le dessus. Loin de s'amuser de la situation, Jormung le laissait vider sa colère, ce qui l'aiderait à supporter les jours prochains, et pourquoi pas, y méditer. Comme un roc, il restait là, solide, imperturbable, il avait été de trop nombreuses fois traité de bâtard pour que cela lui fasse davantage que l'effet d'une piqure d'abeille.
Mais le roc fut fendu par l'éclair quand le rite de passage d'Ilse fut mentionné.

Les deux parties de ce rocher se disputaientt l'issue, l'une prête à céder à ses émotions et à le broyer comme un ours avec un mulot, l'autre digne de l'élu qui l'avait choisi. Et Ilse ... que dirait-elle si il molestait son frère, comme les orques savaient le faire? On en revenait toujours à Ilse ... Jormung le repoussa comme un enfant en repousserait un autre quand il ne souhaitait pas vraiment se battre.


«  Tu es si différent d'elle. Ma peau n'est pas celle du clan, mais toi, c'est ton âme qui lui est étrangère. J'ai l'habit du démon, tu en as le cœur. » dit-il en lui tournant le dos. Il attrapa sa bardiche, à la fois pour marquer qu'il en avait fini et pour le décourager de le suivre, avant de s'enfoncer pour un temps dans la forêt. Ce soir, il irait chasser, la rage au ventre.


Le jeune homme foudroyait le demi-orque du regard, impuissant, tel un jeune enfant en colère face à son père. Alors que Jormung lui tournait le dos, il n'esquissa même pas le geste d'attaquer. Il avait au moins compris, semblait-il, qu'il ne faisait pas le poids. Il marqua tout de même un mouvement de recul lorsque le Champion prit sa bardiche, et alors que ce dernier s'éloignait, il entendit Rolf s'écrouler au sol en marmonnant sur un ton boudeur.
« J'suis pas un démon ! J'suis un Sang Hurlant ! C'toi l'monstre... »

Modifié par un modérateur vendredi 15 juin 2018 09:58:37(UTC)  | Raison: Non indiquée

Bhaal reste à l'ombre en BM-96 | Zorg allume le feu en S-210 | Darmrok fait la guerre en N-211
Le combat à allonge
Le bloodrager abyssal
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Offline Lyana  
#12 Envoyé le : samedi 14 avril 2018 18:32:02(UTC)
Lyana
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Aksana et Ulf : juste une nuit

4 Arodus 4717, le soir - Sur la route du village de la tribu des Sangs Hurlants à Kenabres


Contrairement à ses attentes, Ulf n'était pas venu la rejoindre la nuit précédent le départ. Il lui avait à peine adressé la parole, plus occupé à préparer le voyage qu'à aller voir son amante. Il était resté éveillé tard après les festivités, discutant avec Bors et Soniela, puis était allé se coucher pour profiter d'un peu de repos avant le long trajet qui les attendaient.

Le lendemain matin, elle le trouva à son réveil déjà fortement occupé à finaliser les derniers éléments nécessaires au bon déroulement du voyage. Il déambulait de guerrier en cheval, d'armement en vivres, vérifiant, probablement pour la douzième fois se disait-elle, que tout était parfait.

Elle le connaissait bien, et lisait en cette apparente rigueur martiale son agitation et ses inquiétudes. Mais elle n'eut pas une seule ouverture pour l'approcher et pouvoir lui parler : il semblait être occupé en permanence.
Il donna enfin le signal du départ, et la troupe partit dans les champs. Il la menait, droit et digne dans son armure, et conversait tantôt avec ses seconds, tantôt avec les éclaireurs, devisant du meilleur chemin à emprunter, s'assurant que tout le monde gardait le rythme et sur rien n'entravait leur avancée. Même au repas, il ne tenait pas en place, incapable de rester plus de deux minutes assis.

Puis la journée passa, et vint le repas du soir. Il paraissait déjà plus détendu, sans pour autant être souriant, et moins alerte au moindre problème. Son regard erra sur les personnes présentes autour du feu, et croisant celui de la jeune chamane, s'y accrocha. Il parut hésiter, puis il se leva et se dirigea vers sa yourte, non sans la regarder à plusieurs reprises par dessus son épaule.

Aksana chevauchait, silencieuse, auprès de Jormung, Ilse et Zorg. Ce dernier se plaignait régulièrement et cela faisait une distraction bienvenue à la monotonie du voyage. Lors des haltes, elle observait de loin Ulf, celui s'affairait sans cesse, apparemment nerveux. Ce n'était pas étonnant, un poids considérable pesait sur ses épaules, en tant que Chef de Guerre, la réussite de leur expédition reposait essentiellement sur lui. Et c'était la première fois qu'il avait à affronter ce genre de situation. Aucun chef de guerre depuis plusieurs génération n'avait pas eu à affronter telle situation d'ailleurs.

La journée passa, monotone, et elle accueillit avec soulagement la halte du soir, elle descendit de cheval fourbue. Le voyage que les Champions venaient d'effectuer jusque Nerosyan avait préparé leur corps à de longue chevauchée mais il n'avait pas duré assez longtemps pour qu'elle n'ait pas de courbatures.

Pendant le repas, la jeune chamane apprécia le fait qu'ils n'avaient plus à tout préparer eux-mêmes, sans même qu'elle ne le demande, on lui servit un repas et elle vit qu'une yourte avait été dressée pour Ilse et elle. Elle profita du temps de préparation de repas pour vérifier que personne n'était blessé durant cette première journée.

Le repas était simple mais suffisamment copieux et savoureux, et c'est lorsqu'elle eut terminer qu'elle vit Ulf s'éloigner vers sa yourte non sans lui avoir lancé des coups d'œil appuyés. Ainsi, maintenant qu'il l'avait décidé, il voulait bien lui accorder un peu de temps ? Elle eut un petit sourire amusé. Oh, elle irait bien sur, elle n'avait jamais pu lui refuser quoi que ce soit, mais il attendrait un peu. Elle appela Hämärä, sa chouette blanche près d'elle et entreprit de lui lisser délicatement les plumes.
Ce n'est que lorsque le jeune oiseau commença à montrer des signes d'impatience qu'elle le laissa partir et se leva gracieusement. Sans hésiter, elle se dirigea vers la yourte du Chef de guerre et entra sans s'annoncer.

« Te voilà ! » dit-il dès son arrivée avec un mélange de soulagement et d'impatience dans la voix. « J'ai cru que tu ne viendrais pas ! » Il se leva, s'avançant dans la yourte vers la chamane. « Je n'ai pas eu beaucoup de temps à moi... » sembla-t-il s'excuser. « Tu... Le... Euh... » Il paraissait chercher un sujet de discussion. « Ça te fait quoi, en plus d'être notre chamane, d'être notre Guide et notre Championne ? » finit-il par demander, probablement par intérêt pour la réponse, mais également pour détourner la conversation qu'il avait entamée - et qu'il ne voulait certainement pas poursuivre.

Aksana dissimula son sourire quand l'homme se leva et montra son impatience. Ainsi, il avait douté de sa venue, elle en était assez satisfaite. Elle aimait l'idée qu'il ne pense pas qu'elle était à sa disposition.

Son sourire s'effaça pourtant rapidement devant ses questions. Elle prit quelques secondes avant de répondre.
« C'est... déstabilisant. Ce que je pensais ne jamais pouvoir arriver s'est produit, il n'y a aucun précédent, on n'a jamais vécu ça. Et pour quelqu'un comme moi, c'est... perturbant. Il y a une rupture des cycles et je ne sais pas ce que ça signifie véritablement, à part que ce qui va se passer dans les mois à venir va totalement nous transformer. »

Elle s'interrompit, ne souhaitant pas continuer. Elle ne voulait pas lui avouer qu'elle se sentait totalement aveugle et qu'elle n'avait aucune idée de ce qu'elle était sensée accomplir. Elle ne pouvait confier ses doutes à personne, même pas à lui. Surtout pas à lui en fait, il était suffisamment nerveux et préoccupé par l'expédition en cours pour ajouter à son fardeau.
« Et toi ? Ca te fait quoi d'être le Chef de Guerre qui mènera notre peuple dans la bataille certainement la plus importante de notre histoire ? »

Ulf la regardait d'un air grave, l'écoutant en hochant lentement la tête en signe de compréhension. « Oh, moi... Je savais que j'aurais à mener notre peuple à la bataille. Je ne peux pas dire que j'ai été pris au dépourvu. J'ai eu le temps de m'y préparer. Enfin... C'est ce que je croyais. Mais maintenant que j'y suis, qu'on approche du grand jour... J'espère que je ferai les bons choix, pour nous, pour mes hommes... Et savoir que ce sera la bataille la plus importante de notre histoire ne rassure pas tellement ! » sourit-il.

« Tu crois vraiment que c'est ce genre de tournant historique, où tout l'avenir d'un peuple dépend de quelques décisions ? » Il se plaça à quelques centimètres d'Aksana, la dominant de toute sa stature, son regard, qu'elle voyait maintenant tourmenté de questions, plongé dans le sien. « Tant de poids, sur si peu d'épaules... Et si nous échouons ? Et si... Notre peuple terminait esclave des démons... ou pire, si nous devenions des démons à notre tour...? »

Aksana plongea son regard sans pupilles dans les yeux d'Ulf : « J'en suis certaine. Il y a trop de signes, trop de ruptures dans les cycles. Les Champions sont réincarnés, ils ne le font que lorsque les Clans sont en grand danger, mais ils ne se sont jamais incarnés de la sorte. Le Champion de la Pierre est un bâtard demi-orque, celui du feu un hors-clan. Gnome de surcroit ! Quand à celui de la Terre... En fait, il n'y a que celui des Bêtes Sauvages qui correspond aux légendes. »

Elle s'interrompit, légèrement gênée de s'être laissée emporter. Elle lui sourit légèrement.
« Mais nous gagnerons, nous retrouverons nos terres. Nous avons lutté toutes ces longues années, nous devrions déjà être mort, mais nous sommes toujours vivants. Nous avons résisté, nous ne sommes pas devenus démons et nous ne le deviendrons pas. J'ai confiance en toi, Ulf, tu sauras mener notre peuple à la victoire.  »

Elle avait parlé avec une conviction absolue, à quelques centimètres de lui, la tête relevée afin de plonger à nouveau les yeux dans les siens. Elle savait que Ulf était un grand guerrier, le fait qu'il ne soit pas sûr de lui renforçait la confiance qu'elle avait en lui, il saurait prendre les bonnes décisions le moment venu, pesant le pour et le contre. S'il avait été plus certain de ses décision, elle aurait douté, mais ses craintes-mêmes faisaient de lui un chef réfléchi.

Le grand guerrier laissa son regard plonger dans les yeux sans pupilles, hypnotiques, de la samsaran, leurs visages à quelques centimètres l'un de l'autre. Il se laissa guider et rassurer par sa voix, la certitude avec laquelle elle parlait, et lui sourit. « Nous mènerons notre peuple à la victoire... Ensemble ! » lui dit-il, visiblement rasséréné. Puis, mut d'une pulsion soudaine, il passa son bras autour de sa taille, et l'attirant à lui, l'embrassa, exorcisant à travers ce baiser toutes ses craintes, tous ses doutes.

Aksana poussa un petit gémissement de plaisir alors que les lèvres du guerrier écrasaient les siennes et répondit avec passion au baiser. Elle aspira les peurs de l'homme tout comme celui-ci effaçait les siennes.

Elle savait qu'elle commettait une erreur en se donnant ainsi au Chef de Guerre, Soniela le lui avait suffisamment répété, elle était contre cette relation et n'avait pas manquait de lui faire savoir. En tant que future chamane, elle devrait assurer l'équilibre devant le Chef du Clan par rapport au chef de guerre et Soniela craignait que son jugement soit faussé par ses sentiments. De plus, leur relation était vouée à l'échec, les chamanes se vouaient à la tribu, elles ne pouvaient pas se lier à un seul homme. Un jour, elle s'unirait à un autre lors d'une cérémonie et Ulf pourrait poser problème à ce moment là.
Elle savait tout ça, mais alors que la langue masculine explorait sa bouche, elle s'en moquait, plus rien ne comptait que l'homme contre elle.

Devant la réponse passionnée de la chamane, le guerrier poursuivit son entreprise. Ses mains partirent à la conquête du corps bleu, tandis que sa langue se liait à celle de sa partenaire. Il s'abandonnait au plaisir, toute la tension accumulée ces derniers jours s'évadant au profit de gestes vifs, parfois même hâtifs, comme s'il craignait que cet instant lui soit volé.
Il délia leurs langues, continuant ses caresses alors qu'il reprenait sa respiration, en profitant pour murmurer : « Aksana... J'ai besoin de toi, besoin que tu sois à mes côtés... » Il l'embrassa dans le cou, puis remonta vers son oreille en de petits baisers et mordillements. « Reste avec moi cette nuit. » lui susurra-t-il à l'oreille. « Passe la nuit avec moi. Et toutes les suivantes. Soit mienne autant que tu peux... »

Un gémissement de plaisir monta du fond de la gorge d'Aksana et lorsqu'il lui parla, elle n'avait qu'une envie : dire oui à toutes ses demandes. C'était irresponsable mais à cet instant précis, elle ne voulait pas être raisonnable, elle voulait juste être une femme entre ses bras. Elle ferma les yeux, alors que la bouche du guerrier continuait à explorer la peau délicate de la jeune femme. Ses mains s'enfouirent dans les cheveux courts de l'homme, le pressant contre elle et elle murmura d'une voix enrouée par la passion :
« Cette nuit, oui. Cette nuit, je suis tienne. Aime-moi, Ulf, j'ai besoin de toi, besoin de toi près de moi, en moi. Tant que je le peux... avant que... »

Elle ne termina pas sa phrase mais ramena le visage masculin face à elle dans un mouvement un peu brusque des mains et écrasa à nouveau ses lèvres contre les siennes. Alors qu'elle approfondissait son baiser, ses doigts quittaient la chevelure masculine pour descendre sur le torse puissant. Elle écarta les pans de sa chemise avec des gestes nerveux, impatiente de toucher la peau brulante de son amant.

Ulf répondit ardemment au baiser tout en aidant son amante à le défaire de sa chemise. Dès que ce fut fait et que son torse viril fut nu, il s'attela à la défaire à son tour de ses atours, profitant de la douceur de sa peau couleur glacier, de ses mains rugueuses de guerrier.

« T'aimer ? Je l'ai fait dès que j'ai été en âge d'y penser ! Et cet amour n'a fait que grandir encore à notre union, le jour de mon sacre, et encore plus depuis ! Je suis tiens, Aksana, quoi qu'en pensent Soniela et Bors ! Je suis tiens, même si je sais que tu ne pourras jamais être mienne... » dit-il sur un ton résigné où perçait sa passion.
Mais il se reprit immédiatement. « Je le sais, mais peu importe ! En cet instant, tu es mienne, et je suis tiens ! Et cette nuit, je veux pouvoir me reposer près de toi, après avoir fusionné avec toi ! » dit-il alors que ses mains caressaient les courbes de sa partenaire. Il l'attira vers sa couche, ôtant ses derniers vêtements, son vît déjà dressé. « Je t'aime... »

Maintenant nue, Aksana se laissa entrainer sur les fourrures. Les paroles passionnées du barbare la toucha en plein cœur, jamais encore il ne s'était livré ainsi. Elle savait qu'il tenait à elle, il le lui avait prouvé en maintes occasion mais jamais elle n'aurait cru qu'il l'aimait ainsi. Elle brûlait de répondre avec la même passion mais resta muette, elle pressa le visage d'Ulf contre sa poitrine haletante afin de lui cacher ses larmes.

Jamais elle ne pourra répondre aux sentiments de l'homme qui lui faisait pousser des petits cris de plaisir, c'était sa malédiction. Le corps couvert d'une fine pellicule de sueur, elle ne cessait de gémir sous les assauts répétés de la langue et des doigts masculins. Sur le point d'exploser, elle plongea de nouveau les mains dans les cheveux courts et ramena le visage d'Ulf devant le sien. Le souffle entrecoupé, elle balbutia : « Je... je... » Ses devoirs immémoriaux l'empêchèrent de prononcer la suite mais pas de le penser. Je t'aime...
Le repoussant d'un geste un peu brusque sur la couche, elle partit à la découverte de son corps, traçant des arabesques brûlantes du bout de sa langue sur la peau salée.

Modifié par un modérateur vendredi 15 juin 2018 10:04:35(UTC)  | Raison: Non indiquée

Je posterai le jour, je posterai la nuit, je posterai toujours ^_<
Amarante, championne audacieuse, sylphe née des orages et des elfes (N211)
Aksana, chamane samsarane de la vie (S210)
Alia, derviche de la Fleur de l'Aube aasimar (BM96)
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Offline Guigui.  
#13 Envoyé le : mercredi 16 mai 2018 19:12:01(UTC)
Guigui
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Zorg et Wesley : retrouvailles


9 Arodus 4717, Kénabres, caserne de la Compagnie des loups

Ceci est la suite de ce post.

« Et bien voilà. Die Ende. Tu sais tout, » fit Zorg en tirant une bouffée de son horrible pipe. Il fumait à la fenêtre, bien sûr, la petite fenêtre de la petite chambre de Wesley, ce qu'il appelait "sa garçonnière", appellation qui avait beaucoup amusé le gnome. Néanmoins, le prodigieux pouvoir de nuisance du tabac nain s'infiltrait partout. Cela rappelait des souvenirs à Wesley, qui avait vécu dans cette atmosphère pendant plusieurs années de bon temps, mais en même temps il savait qu'il mettrait des semaines à s'en débarrasser.

« Donc... J'ai de nouveaux amis un peu bizarres que je ne peux pas lâcher parce que sinon cette succube va me tomber dessus, en tout cas ses sbires... Ceci dit, ce ne sont pas de mauvais bougres, quand on les connaît. Ils sont très axés sur l'honneur, le respect, le devoir... Que des valeurs très primitives. Ils n'ont aucun humour, par exemple, alors qu'on sait très bien depuis Arès Thot et son traité sur les expressions faciales de gaîté chez les zombies de classe II que le rire est le propre de l'homme civilisé. Ils sont... disons... Bucoliques. Je te les présenterai, si tu veux. Mais je te préviens, ils sont très typés. »


Wesley écouta son ami jusqu'au bout, sans l'interrompre, ni même poser une question. Le gnome avait certes une certaine tendance à l'exagération, mais pas à l'affabulation, et ses récits, bien que prenant parfois des détours, étaient généralement complets.

« Eh bien ! » finit-il par lâcher. « Tu te retrouves propulsé Champion du Feu ? » Il paraissait hésiter entre le rire et l'inquiétude. « Note que ça te va bien... » sourit-il. « Mais quel rapport entre toi et ces barbares ? Et pourquoi cette succube vous recherche ? En tout cas, c'est pas très rassurant... Tu penses vraiment qu'elle a le pouvoir qu'elle prétend avoir ? De mes souvenirs, ces créatures ne sont pas dans le haut de la hiérarchie des démons ? »


« Ce sont des démons, justement, » objecta Zorg, « il est impossible de savoir avec eux. Ils sont chaotiques par essence, et ont des exceptions à tout. Donc oui, ce n'est qu'une succube, mais ça ne veut pas dire grand chose. Et je ne sais pas quels pouvoirs elle a. Je ne sais même pas si elle existe ! Pour l'instant, les seules indices de son existence sont les visions que nous avons eu, les barbares et moi, et les types qui nous ont attaqué et qui se réclamaient d'elle. Même le commandant de Kénabres n'a jamais entendu parler d'elle. »

« Quant à ton autre question, » poursuivit-il en tirant une nouvelle bouffée de sa pipe infernale, « c'est l'ettin à chignons qui m'a mis sur la voie. Aussi incroyable que cela puisse paraître, les liens qui nous lient sont des liens du sang. Ces deux samsaranes ont l'air d'avoir forniqué avec à peu près n'importe quoi au cours des siècles... Y compris un de mes ancêtres, semble-t-il. C'est ce qui permet à leur "druide originel du feu" de me choisir comme son champion. Enfin, si j'ai bien compris. Aksana est forte pour raconter des histoires, beaucoup moins pour les expliquer. »

Le gnome, soudain mal à l'aise, prit une grande inspiration. « Wes, tu le sais, je suis tout sauf un mystique. Je suis un être rationnel. J'aime quand deux et deux font quatre, et j'aime comprendre pourquoi ça fait quatre et pas cinq, ja ? Mais j'ai eu une vision. J'ai vu cette succube, et elle m'a parlé, aussi vrai que je te parle en ce moment. Je n'ai pas rêvé, je n'ai pas halluciné, je n'étais pas drogué, ça c'est vraiment produit. Et au même moment, à des dizaines de lieues de là, trois barbares ont eu en même temps une autre vision, mais extrêmement proche. J'ai beau éliminer tous les biais possibles, rien ne peut me permettre d'écarter raisonnablement la réalité de ces visions, et de ce qu'elles disent. C'est pourquoi j'ai peur pour cette ville, pour ce pays et pour nous. J'ai peur que ce qu'a dit la succube ne se réalise. D'une façon ou d'une autre, les Pierres de Garde vont tomber. Ça va être à nouveau la guerre, Wes. »



« Attends... Tu veux dire que tu as du sang samsaran ? » s'étonna Wesley, comme s'il s'agissait de l'information la plus importante que son ami venait de lui fournir. Et il se mit de fait à l'observer plus attentivement, essayant de déceler cette hérédité chez Zorg. En vain. « Tu n'es pas bleu, tes yeux ont des pupilles, t'es pas plus grand que les autres gnomes... T'es sûr de toi ? » demanda-t-il d'un air peu convaincu. « Enfin, passons... »

Il se redressa sur sa chaise, et reprit. « Déjà, je ne sais pas quel commandant tu as vu, parce qu'il y en a plusieurs. Mais si ta succube est un démon majeur émergeant, c'est possible qu'il n'en ait pas entendu parlé mais que d'autres connaissent ce nom. Je me renseignerais. C'était quoi déjà ? Héléna, un truc comme ça ? »

Il posa son index sur sa lèvre inférieure, réfléchissant. « Ensuite, tes visions... Enfin, ta vision et celle de tes barbares. Ce ne sont pas les mêmes, mais elles se sont passées en même temps. Il faut que quelqu'un les ait provoquées, t'es d'accord ? Elles ne viennent pas de vous, elles vous sont imposées, vraisemblablement. As-tu une idée de qui a pu faire ça ? Est-ce que la succube pourrait l'avoir fait pour te forcer à sortir de Nerosyan, où tu étais inaccessible ? Car là, tu viens de toi-même te porter au devant des démons... N'est-ce pas ce qu'elle voudrait ? Tu peux m'en dire plus sur cette vision ? »


A mesure que Wesley égrenait ses questions, sans que Zorg ait le temps d'y réfléchir malgré la vitesse de décision dont il s'enorgueillissait, des signes d'énervement commencèrent à parcourir la face et les membres du gnome. Au bout d'un moment, il explosa. « Ja, ja, ja ! Bitte stop ! Plus de questions, je sais tout ça ! Ou plutôt je ne sais pas, verstanden ? Je ne sais pas où je vais, tu comprends ? » S'écria-t-il en écarquillant les yeux... ce qu'on ne pouvait voir, en raison de ses lunettes, qu'au mouvement des sourcils broussailleux et mal entretenus.

Au bout d'un instant, quant il fut assuré que Wesley ne poserait plus de questions, il reprit sur un ton plus calme. « Pour commencer, tu n'as pas besoin de m'examiner comme ça. Je suis un gnome, pas un samsaran ! Il y a quantité de façons de transmettre une hérédité. Ensuite, je t'ai dit tout à l'heure que les sœurs étaient venus me voir chez moi, pour me parler de l'oncle Amon. Les expériences qu'il a fait sur la famille, je... J'ai une hérédité trafiquée, tu comprends ? Alors... Tout est possible. »

Il s'arrêta un instant, les yeux dans le vague, pensif... Presque triste. Puis soudain, il reprit avec son mordant habituel : « de toute façon, quand les meilleures généalogistes du Mendev te disent que tu as, d'une façon ou d'une autre, du sang de pouffiasse bêcheuse bleuâtre sarkorienne, en l'absence d'élément contraire... Tu es bien obligé de les croire... »

« Je... Je ne sais pas qui a envoyé les visions. La succube ? Les druides ?Je fais de la magie sérieuse, moi, je ne fais pas dans les visions prophétiques pourries et autoréalisatrices. Je ne suis pas un fichu devin, Wesley ! Pourquoi moi, je le comprends très bien, c'est pas un mystère. Mais comment ? J'en sais foutre rien. Keine Soluzion ! »

A ce moment, Zorg sembla se calmer et, baissant la tête, ajouta : « Tout ce que je sais, c'est... Que j'ai un lien avec ces gens. On partage quelque chose. Je ne sais pas encore exactement quoi, mais je te parle d'un fait objectif. J'ai un lien mystique indéterminé avec ces gens. Ce qui fait que la solution à mon problème de succube - elle s'appelle Erenya, au fait - passe par eux. Il se peut que tu aies raison, que ce soit un piège, mais à Nerosyan je suis seul et presque sans aide. En fait, je ne vois rien d'autre de logique à faire, » dit-il avec un soupçon d'impuissance dans la gorge.

« Et puis, le feu s'accommode mal des appartements ! » reprit-il en souriant, « je devenais fou dans cette ville. Et puis, il y a encore autre chose. Je... Je me suis beaucoup occupé de moi ces dernières années... Depuis longtemps, en fait. J'ai été égoïste envers beaucoup de gens. J'ai été égoïste envers toi. Je sais qu'on ne s'est pas quittés en très bon termes, mais... Je voulais que tu saches que je le sais. En fait, cette affaire me donne l'occasion de me servir de mes talents. Je ne suis plus étudiant, je ne peux plus pratiquer en laboratoire. Et ça me donne aussi l'occasion de... servir à quelque chose... tout court. Il faut quatre champions pour que leur prophétie fonctionne. Si je me tire... Ils ont besoin de moi, tu comprends ? Toute une tribu de barbares qui ont besoin de Zorg, le Scorpion de Feu ! »

« Tiens, ça me fait penser... J'ai quelqu'un à te présenter, quelqu'un de très important. Kyppyk ? Wo bist du ? Komm her ! Kyppyk ? Où est-ce qu'il se cache, cet animal ? » pesta le gnome en entreprenant de se fouiller intégralement, ainsi que ses sacs.


Zorg put lire dans les yeux de Wesley la compassion. Son ami paraissait dépassé par les évènements, ce qui était assez inhabituel chez lui. Il le laissa vider son sac, entendant avec étonnement ses excuses. « Hum... Je passerais outre le fait que toi, tu parles de fait objectif concernant un lien mystique... » commença-t-il. Si, habituellement, il l'aurait dit sur un ton moqueur, il paraissait trop inquiet pour titiller son ami. « En tout cas, je te remercie pour... ça... » dit-il en faisant un geste vague de la main. « Mais tu sais, c'est du passé. J'ai souvent pensé à toi, d'ailleurs. Je m'en suis voulu de partir ainsi, te laissant seul derrière moi... Mais, c'était mieux pour nous deux, je pense... Tu as l'air d'avoir survécu à mon absence ! » Il tenta un sourire, mais son regard restait empli d'inquiétudes.

Aux mots de son ami, Zorg cessa un instant ses investigations pour simplement hocher la tête lentement, d'un air résigné.

« Mais voilà que tu surgis avec rien d'autres que des démons à tes trousses... Au moins, ici, tu ne seras pas dépaysé ! Des démons, c'est ce qui nous attend sur la frontière à perte de vue ! Les as-tu vus ? C'est... Impressionnant... Si ta copine la succube a raison, nous n'aurons aucune chance. Nous ferons au mieux, bien entendu, mais soyons lucides : ils sont nombreux, et le plus faible d'entre eux est plus fort que nos soldats. Nous avons évidemment de puissants paladins, des talentueux magiciens, et des prêtres vertueux, et même un dragon d'argent. Mais... Je crains que tout cela soit insuffisant... »

L'adjudant soupira, et releva la tête vers Zorg. « Peut-être que vous avez la solution, tes nouveaux amis et toi... D'ailleurs, tu voulais me présenter... quoi ? Ou qui ? » l'interrogea-t-il, un sourcil haussé.


« Nein nein, Ich habe nicht gesehen, » répondit Zorg d'un air distrait, toujours occupé à sa fouille, « mais j'aimerais voir ce spectacle, oui. Ach, Kyppyk, arrête de faire le timide ! Wesley est un bon ami à moi et... Mais qu'est-ce que tu fais dans ma couverture ? Allez, viens là... » Zorg tendit alors son bras sur lequel venait de prendre place le scorpion à queue verte, occupant presque tout l'avant-bras. « Wesley, je te présente Kyppyk. Kyppyk, voici Wesley. Il est très gentil, tu n'as rien à craindre, » ajouta-t-il, sans que Wesley puisse déterminer si le gnome lui parlait à lui ou à son animal.

Semblant maîtriser son accès de timidité, le scorpion "regarda" Wesley avant de faire une révérence avec ses pinces. « Normalement, il faut être en sixième année pour avoir le droit d'invoquer un familier, mais le professeur Feuerbach m'y a autorisé un an plus tôt. Il m'aide à maîtriser la magie du feu. Depuis que je l'ai, il y a beaucoup moins de choses qui brûlent autour de moi. Il m'est d'une aide précieuse. Lui aussi a un rôle à jouer : ce n'est pas pour rien que je suis le "Scorpion de Feu"... »


Wesley regarda le scorpion avec des yeux ronds. « Tu as obtenu un familier ? Eh bien... Enchanté, Kyppyk. » salua-t-il tout en restant à distance respectable, se sentant quelque part un peu ridicule de saluer un arachnide. Heureusement qu'ils étaient seuls dans sa garçonnière... « Bien... Je crois qu'il est tant que tu me présentes tes amis, qu'en penses-tu ? »



« Mais je te l'ai déjà prés... » commença Zorg en désignant son compagnon à huit pattes, avant de comprendre. « Oh, ja ja, bien sûr. Ces amis-là. Mais ce ne sont pas encore vraiment des amis, Weißt du ? On ne se connaît que depuis quelques jours, même si je les aime bien. Très bien, allons-y, » conclut-il en tapotant sa pipe sur le rebord de la fenêtre pour en vider le contenu brûlé.

Modifié par un utilisateur dimanche 20 mai 2018 09:11:10(UTC)  | Raison: Non indiquée

Bhaal reste à l'ombre en BM-96 | Zorg allume le feu en S-210 | Darmrok fait la guerre en N-211
Le combat à allonge
Le bloodrager abyssal
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Offline vaidaick  
#14 Envoyé le : jeudi 17 mai 2018 13:51:28(UTC)
vaidaick
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Jormung, Aksana et Ilse : doutes et convictions


9 Arodus 4717 - Kenabres, balade dans la ville


Tandis que Zorg partait gérer ses affaires, Jormung eut un regard vers chacun des dames qui l'entourait, les regardant en levant un sourcil. « On irait pas faire un tour, découvrir ce lieu qui sera notre tombeau ou notre délivrance ? » demanda-t-il, laissant à peine le temps de répondre alors qu'il commençait à avancer lentement.

Il dénoua les lanières qui retenaient sa bardiche en s'arrêtant quelques mètres plus loin, pour leur laisser le temps de le rattraper. Il commença à déambuler pour voir les lieux, les sentir, et écouter d'une oreille ses habitants d'infortune. Il avançait en tenant sa bardiche comme un bâton qu'il plantait dans le sol en avançant, d'une main, puis après un bout de route de l'autre, cela lui permettait d'exercer un peu ses bras et de ménager son dos, qui avait souffert silencieusement avec la route.

Sans les regarder, il se mit à les questionner, d'un ton qui marquait, pour ceux qui le connaissaient, l'inquiétude. « Nous n'avons pas beaucoup eu de temps pour en parler mais... qu'est-ce-que vous pensez de Zorg ? Et du fait que ça soit un gnome ? Toutes ces révélations soudaines, vous les gérez bien? »


Souriante, Aksana accepta la proposition de Jormung. Ils avaient eu l'autorisation du commandant de circuler en ville, ce qui n'était pas le cas de leur peuple. On veut bien que vous veniez mourir pour nous mais on ne veut pas de vous dans nos rues. Elle réprima un geste d'humeur, prévint Ulf de leur intention et emboîta le pas de Jormung.

La question de ce dernier la prit de court. Elle prit quelques secondes de réflexion puis parla à voix assez lente. « C'est le Champion du Feu, les signes sont formels. » Elle fit une pause se doutant que ce n'était pas ce qu'attendait le jeune guerrier puis compléta : « Qu'il soit un gnome est... imprévu, ça n'a jamais eu lieu, comme le fait qu'il soit un hors-clan. Le Champion du Feu doit avoir une bonne raison d'avoir fait ça, quitte à prendre un hors-clan, il aurait pu choisir un paladin en armure étincelante, mais non, il a pris un gnome. Et je n'ai aucune explication à cela. »

Elle soupira et termina d'une voix bien plus basse : « Et c'est bien cela qui me déstabilise le plus. Les cycles sont brisés, personne ne sait où nous allons. »


Après avoir suivi ses compagnons docilement, Ilse écouta la réponse de leur guide. Mais loin de la rassurer, cela la déstabilisa. Si même leur guide n'était plus capable de les guider, qui pourrait leur montrer la voie ? Jusque là, la jeune femme avait toujours suivi les traditions en pensant qu'Aksana ou Soniela aurait la réponse à leurs questions. Un peu piteusement, elle se mit à bredouiller : « Heu... je... heu... » Son esprit semblait s'être enfoncé dans une sorte de torpeur. Incapable d'aligner deux phrases correctement, elle resta la bouche ouverte, tout en continuant de dévisagea la samsaran.

Elle qui avait toujours voulu faire honneur aux voies de son peuple et à leur culture se retrouvait soudain face à un inconnu qu'elle n'avait jamais appréhender. Puis, en repensant au cheminement de leur aventure, Ilse se dit qu'Aksana avait effectivement raison. Les signes se retrouvaient dispersés, obscurcis par un destin malicieux. Pourtant, ce n'était pas ainsi qu'elle le voyait. « Mais si tu ne sais plus où nous allons, peux-tu toujours être notre guide ? » La question sans vouloir être accusatrice contenait cependant une note certaine de doute et de déception.


Aksana se figea lorsqu'Ilse posa sa question. La chamane s'en voulut, elle avait trop parlé, elle avait essayé de choisir ses mots et voulu être la plus sincère possible mais c'était une erreur. La chasseresse n'était pas prête à accepter les incertitudes et maintenant elle la regardait avec suspicion.

Sans avoir fait de nouveau pas, Aksana tourna lentement le visage vers celui de la jeune humaine et la regarda fixement pendant plusieurs secondes de ses yeux sans pupilles mais qui semblaient percer l'âme. « Remets-tu les Druides Originels en question, Ilse Ditgarde ? » Sa voix était glaciale et tranchante, c'était la première fois qu'elle prenait de telles intonations.

Puis elle reprit d'une voix plus douce : « Tu as raison de te poser des questions, je me la suis posée moi-même, la situation est inédite, comme pour les gnomes ou les demi-orques, jamais un champion ne s'était incarné dans une samsarane du Clan. Mais je sais encore lire les signes et les augures si ça peut te rassurer. »


La réponse cinglante de la shamane s'était voulue ferme. Mais le mal était fait. Peut-être le sentiment de défiance coulait-il dans les veines des Ditgarde, ce qui pouvait expliquer que son frère lui-même traitait sa propre sœur avec suspicion.

Dans tous les cas, Ilse se contenta de hocher doucement la tête en guise de réponse tout en gardant la bouche close. Askana venait d'ébrêcher les fondamentaux de la chasseresse même si cette dernière se garda bien de le relever à voix haute. Arborant un air neutre, elle se contenta de regarder les yeux sans pupille de son guide tandis qu'une pensée la traversait. Peut-être veut-elle me rassurer ? Mais quel intérêt si elle-même ne connait pas le chemin ?

Puis avec du retard, elle ajouta Drôle de façon de réagir. Si nous sommes tous les quatre les Champions annoncés de la Prophétie, pourquoi se comporte-t-elle comme si elle était la chef du clan ? Que la chamane décide de faire les gros yeux pour forcer la jeune femme à se ranger à ses côtés sembla avoir l'effet contraire de celui attendu. Restait à savoir si cela serait rattrapable ou pas.


Le demi-orque regardait l'affrontement (bref et tranchant) du coin de l'œil, étonné par la vitesse à laquelle la sauce avait pris.

« Je serais bien mal placé pour me plaindre de son apparence, ou qu'il viennent de l'extérieur. Si un Druide Originel l'a choisi, il y a une bonne raison. Peut-être même pour plus facilement se dissimuler de ses ennemis, ou parce que connaître la ville nous sera utile, ou autre. »

Il marqua un bref silence. « Par contre, » dit-il en en marquant un autre, comme pour préparer la suite
« j'espère qu'on n'arrivera pas à une épineuse situation, épineuse, et inédite. Que fera-t-on si tes devoirs ou ton avis de Guide et d'Élu ne convergent pas ? Si tu dois choisir ? Et nous, nous du clan, tes suivants, nous élus, tes égaux, comment pourrons-nous et devrons-nous réagir? »

Le demi-orque profitait de la sortie d'Ilse, et lui montrait son soutien à sa manière, mais par une question qui était sincère et sans malice. Il pensait, au fond de lui, qu'Aksana était bien davantage mise en danger et dans une situation délicate qu'eux. Et ses coucheries n'arrangeait sûrement rien.


Aksana tourna son regard vers le demi-orque, Ilse paraissait ébranlée mais Jormung semblait plus serein, même s'il posait des questions légitimes. Elle respira profondément, essayant de ne pas montrer qu'elle s'était déjà posée mille fois ces questions et qu'elle n'avait pas de réponse. « Comme je le disais, la situation est inédite. » Elle parlait d'une voix lente, cherchant ses mots. « Si les druides ont choisi de mélanger Champion et Guide, ils doivent avoir une raison, elle se révélera en temps utile. Le Guide n'est là que pour guider les Champions, en aucun cas il n'impose ses avis. »


« Tu vois 'tite tête. » dit-il en passant son bras autour d'Ilse dans une camaraderie plus typiquement masculine. « Tu dois le respect mais pas l'obéissance aveugle. Moi en tout cas, je suis content que tu en sois, Ilse, des Élus. » Même si ça me fait craindre encore plus pour ta vie.

« Et toi aussi Aksana. Avoir un guide doublé d'un élu, ça sera pratique, on n'aura pas besoin de rentrer au village pour consulter les oracles, ils seront déjà avec nous. » dit-il en souriant. Il aurait bien passé son bras autour de la chamane mais de peur que ce geste soit irrespectueux, ramena près de lui son bras aussi rapidement qu'il l'avait avancé, se contentant de sourire. « Je vous cache pas que cette situation pue la merde. Mais les situations qui puent la merde, j'en ai connu un paquet. Alors avec le soutien de l'Élu de pierre, et le vôtre, ça me fait pas spécialement peur. On y arrivera. »


L'intervention de son ami se révélait comme souvent providentielle. Ici, encore une fois, Jormung avait su timer son intervention et éloigner Ilse de ses doutes même si une brèche s'était faite jour dans ses convictions. Levant le visage vers le demi-orque qui s'était rapproché d'elle, la jeune femme voulut le remercier pour cette attention qu'il avait eu. Ses épaules encerclées par le bras massif de son ami, elle jugea tout naturel de pencher la tête en direction du torse de son ami jusqu'à le toucher en signe de reconnaissance. Le geste mélangeait à la fois tendresse, familiarité et rudesse mais il était représentatif des sentiments partagés de la jeune femme.

Puis, voulant essayer de refouler son trouble, la chasseresse reporta son attention vers leur guide tout en passant distraitement son bras à la taille de Jormung. « Grosse tête et toi avez raison. Je... je ne sais pas trop pourquoi j'ai senti un doute m'assaillir. » Même s'il n'est pas encore vraiment reparti.

« Je vais nous faire confiance et continuer à avoir foi dans notre Mère. Je suis sûre que tu sauras nous guidé par Sa voix. »

Le ton se voulait rassurant et conciliant. Si Ilse donnait un change de façade, les choses retrouveraient certainement leur place naturellement. Du moins, c'est ce qu'elle espérait secrètement. En attendant, elle attendit de voir si la chamane avalerait sa réponse.


Aksana sourit devant les démonstrations d'amitié pataudes de Jormung. Elle rectifia sa pensée quand il serra Ilse contre lui, ce n'était pas que de l'amitié qui le liait à la chasseresse, c'était un sentiment bien plus profond même si la jeune fille ne s'en rendait pas compte.

C'est d'une voix calme qu'elle répondit à celle-ci : « Il n'y a jamais de mal à se poser des questions, les Champions n'ont jamais suivi aveuglement, ils ont tous un caractère assez affirmé mais ils ont toujours œuvré au mieux pour le Clan. Et c'est ce que nous ferons nous aussi, même avec un gnome acariâtre. » L'amusement et le sourire qui accompagna sa dernière affirmation ne laissaient pas de doute sur le fait qu'il s'agissait d'une boutade. Elle reprit un ton plus sérieux et ajouta : « Je suis certaine d'une chose, les Druides ont fait un bon choix, je suis heureuse que ce soit vous. Je n'ai jamais douté de votre valeur. A aucun moment. »

Son regard sans pupille se posa sur le jeune homme, elle se souvenait de son arrivée dans la tribu, portant sa mère morte, à ce moment là, elle avait su qu'il appartenait entièrement au clan. Elle était heureuse d'avoir bataillé pour qu'on le reconnaisse comme l'un des leurs.

Modifié par un utilisateur mardi 2 octobre 2018 17:14:16(UTC)  | Raison: Non indiquée

Entre ce que je pense, ce que je veux dire, ce que je crois dire, ce que je dis, ce que vous avez envie d'entendre, ce que vous croyez entendre, ce que vous entendez, ce que vous avez envie de comprendre, ce que vous croyez comprendre, ce que vous comprenez, il y a dix possibilités qu'on ait des difficultés à communiquer. Mais essayons quand même. - Edmond Wells.
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#15 Envoyé le : vendredi 15 juin 2018 09:30:27(UTC)
vaidaick
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Ilse : il n'y a pas de chemin tout tracé


10 Arodus 4717 - Aux alentours de Kenabres

uivant les siens, Ilse s’était épargnée le parcours des ruelles nauséabondes, des venelles oppressantes et des ruelles encombrées qui la rendaient si nerveuse. Cependant, le sort qui l’attendait au campement lui paraissait à peine plus enviable. Entre l’herbe qui commençait déjà à disparaître à cause du piétinement général et les ornières formées par le passage incessant des chariots de ravitaillement, la place lui semblait en grande partie dénaturée. Si on ajoutait à cela la densité au mètre carré, la chasseresse avait l’impression de faire partie de ces bestiaux que les marchands pouvaient amener au marché les jours de foire. C’est donc à peine si la jeune femme assista aux passes d’armes entre les guerriers de son clan et de la ville. Elle avait besoin de respirer, de prendre l’air, et le camp se prêtait assez mal à son besoin.

Prenant congé des autres champions et des siens après les avoir brièvement averti, Ilse se mit à marcher vers la périphérie des campements. Le soir tombant et la luminosité fuyant les lieux, les feux commençaient à apparaître ici et là alors que les soldats buvaient qui de la bière, qui du vin et rigolaient des blagues de leurs compagnons. Quelques courageux tentèrent même d’inviter la jeune femme. Mais loin d’être intéressée par leurs occupations ou même leurs présence, elle continua de tracer sa route pour enfin arriver à la limite des campements un petit quart d'heure plus tard. Là, elle put enfin respirer à pleins poumons cet air plus frais, plus sauvage. A chaque pas qu’elle faisait, elle se sentait redevenir elle-même. Plus entière, plus vivante.

Puis, mue par son instinct, elle se mit à courir. D’abord doucement, puis de plus en plus vite. Ses foulées étaient légères et espacées, son souffle régulier. Cette course lui faisait le plus grand bien. Petit à petit, la peau de la jeune femme se mit à se couvrir d’un fin voile de sueur. Il ne manquait plus qu’une étincelle pour qu’Ilse atteigne cet état de plénitude qu’elle se plaisait à atteindre lors de ces longues sessions de chasse qu’elle opérait en l’honneur de son clan.

La course continua ainsi pendant cet instant suspendu où la nuit faisait la cour au jour qui se dérobait. Lorsqu’Ilse s’arrêta enfin pour revenir sur ses pas, elle remarqua qu’un frêne foudroyé se trouvait non loin de là. Isolé, solitaire, il se dressait fièrement vers le ciel alors qu’une partie de ses branches basses pendaient mornes, prêtes à caresser l’herbe sauvage qui ne rêvait que de lui rendre la pareille. Se dirigeant vers l’arbre, la jeune femme réfléchit à son arme. Son arc, de bonne facture, avait toujours fait l’affaire lorsqu’il avait été question de traque et de chasse. Cependant, leur quatuor de champions allait bientôt affronter une horde de démons sanguinaires. Si elle pouvait revenir avec une belle branche basse, elle pourrait sans doute se créer une nouvelle arme plus puissante, plus rapide. Plus dure à manier aussi, mais le risque en valait le coup si cela pouvait l’aider à se rapprocher de son héritage, de ses pouvoirs, et de la restauration de la nature. Nul doute qu’il faudrait affronter cette succube pour cela. Mais cela semblait encore bien lointain à la jeune femme. Pour l’instant, elle était surtout contemplative de cet arbre qui avait dû faire face seul aux éléments. Arrivée sous ses frondaisons, Ilse posa son regard vers un entrelacement de branches plus basses que les autres. L’une d’elles en particulier semblait accaparer son regard.


« Solitaire ? » Une voix virile venue de nulle part s'adressa à la jeune femme alors qu'elle s'intéressait de plus près à ce que l'arbre mourant avait à lui offrir.


Surprise, la sarkorienne regarda autour d'elle, d'abord sûre d'être seule. Sur la défensive, elle saisit son arc et encocha une flèche dans un geste fluide. La pénombre ambiante semblait lui avoir caché une présence et elle ne comptait pas être prise au dépourvu face à un ennemi.


Un rire amusé, peut-être sarcastique, se fit entendre. Il paraissait venir de partout et de nulle part à la fois. Peut-être même... de son esprit ? « C'est un bel arc que tu as là, Championne. Ce n'est pas son bois que tu dois changer, c'est sa corde. Mais il faudra également le renforcer pour qu'il ne se casse pas sous la tension. »

Un léger silence se fit, avant qu'il ne rajoute. « Tu peux te détendre, il n'y a pas d'ennemis alentour. »

Un autre silence. « Moi aussi je m'isolais quand les choses me paraissaient confuses. J'avais l'impression d'y voir plus clair. T'es pas vraiment là pour ton arc, hein ? »


De plus en plus décontenancée, Ilse n'arrivait pas à comprendre ce qui lui arrivait. Qui pouvait être cette personne qui s'adressait à elle ainsi ? Ce qui la troublait d'autant plus, c'est que ladite personne semblait la comprendre aussi bien, voire mieux que son ami de toujours, Jormung.

Ne sachant comment se comporter devant pareil inconnu, la jeune femme ne trouva rien d'autre à dire que : « Sortez de là et montrez vous si vous en avez le courage. »


Le rire reprit de plus belle, puissant, presque effrayant. « Sortir de là ? » Le ton hésitait entre rugissement et amusement. « Sortir de là... Si seulement ! Je ne peux bouger d'où je suis, Ilse Ditgarde ! N'as-tu pas compris qui je suis ? »


Au fond d'elle, Ilse connaissait la réponse. Mais répondre l'effrayait sans qu'elle ne sache trop pourquoi. Ou plutôt, elle ne le savait que trop bien. Serait-elle à la hauteur du destin qu'on lui avait légué ? Serait-elle capable de maîtriser les pouvoirs dont on la doterait ? Et surtout, resterait-elle libre de ses choix ? Ilse se sentait déchirée entre son devoir et sa volonté. Mais il fallait être à la hauteur du moment. Alors prenant une profonde inspiration, elle trancha finalement d'une voix ferme : « Tu es le Champion que je suis destinée à devenir ! »

Campée fermement sur ses deux pieds, poings sur les hanches, elle avait adoptée une pose qui défiait son vis-à-vis de se moquer d'elle.


« Tu es celle que j'ai choisi, oui. Celle qui, de tous, est la plus proche des Bêtes. Tu les connais, tu les comprends. Mais ce n'est pas suffisant. Il te faudra devenir comme elles. Tu en as les capacités, mais tu doutes trop. De toi, des autres, de tout. Mais voici une révélation : tu cherches un chemin vers l'avenir, un chemin vers lequel te tourner. Mais dans la nature, toi qui chasses, tu le sais : il n'y a pas de chemin tout tracé. »


Elle avait beau reconnaître le début de sagesse de ces paroles, Ilse se demandait quand même si l'homme se payait aussi sa tête. Le monde des bêtes à ses yeux était simple. Quand tu avais besoin de dormir, tu dormais. Quand tu avais besoin de te nourrir, tu chassais. Quand tu avais besoin de perpétuer l'espèce, tu t'accouplais après une parade nuptiale. Les détours étaient étrangers au monde des bêtes. Alors que son guide et ancêtre choisisse un chemin détourné pour s'adresse à elle avant de se mettre à lui parler par énigme, la jeune se mit à grimacer pour éviter d'envoyer paître son visiteur. Qu'Aksana admette qu'elle n'était pas capable de lire les signes pour les guider comme une chamane du clan devait le faire était amplement suffisant. Il était inutile de rajouter des problèmes là où il y en avait déjà assez. Silencieusement pas mais cérémonieusement, Ilse attendit que l'autre reprenne la parole.


« Je dois te laisser... Je faiblis... Ma présence en toi me fatigue, et je dois garder des forces pour la suite... Quand viendra le temps de combattre cette engeance. » Ces derniers mots étaient dit avec une hargne dans laquelle la jeune femme pouvait ressentir un mélange d'impatience, de prétention, et d'esprit farouche. « En attendant, développe tes sens animaux, et commence par voir comme eux... »

A ces mots, Ilse se rendit compte que tout autour d'elle semblait s'éclairer. Non, ce n'était pas ça. C'était sa vue qui s'était améliorée. Elle voyait dans la pénombre presque comme en plein jour, ses yeux captaient la moindre lueur des étoiles et de la lune, comme le félin qui était son totem-esprit. Elle redécouvrait subitement le monde qui l'entourait.


En réalisant le gain de ce don extraordinaire, Ilse regretta que l'esprit du Champion n'ait pas commencé par là dès le départ. Cependant, il était mal venu de venir critiquer un être mille fois plus vieux et expérimenté qu'elle. Surtout quand ce dernier était capable de la guider et de l'aider à progresser sur la voie de l'Eveil. Aussi, à mesure qu'elle pensait sentir la présence supérieure disparaître, la jeune femme se hâta de glisser un « merci », porteur de la reconnaissance qu'elle souhaitait transmettre à son interlocuteur.

Modifié par un utilisateur vendredi 15 juin 2018 10:32:53(UTC)  | Raison: Non indiquée

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Offline Probe  
#16 Envoyé le : samedi 30 juin 2018 10:10:48(UTC)
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Ilse : l'art et la manière


11 Arodus 4717 - Au camp des Sang-Hurlant

’ayant pour tout but que l’attente en l’absence d’un assaut qui tardait à venir, Ilse prit congé de ses compagnons et retourna vers la yourte des siens. Branche grossièrement décorsée sur l’épaule et couteau à lame courte dans la main, elle se serait bien éloignée du camp pour poursuivre son travail comme elle l’avait fait la veille. Mais la curiosité suscitée par le retour attendu de Brogan la motivait plus à rester dans le camp des Sang-Hurlant qu’à s’éloigner. S’il fallait réagir rapidement aux informations rapportée par le druide, elle tenait à pouvoir le faire dans un claquement de doigt.

Réfléchissant au résultat qu’elle voulait obtenir, la Sang-Hurlant s’assit dans un coin plus isolé de son camp afin d’observer un moment sa branche à bout de bras, avant d’en éprouver la solidité par quelques torsions légères. La qualité du bois lui plaisait. C’était un bois qu’elle savait être solide et souple à la fois. Le grain était également agréable à prendre en main. Une fois taillé, l’arc formerait une extension naturelle de son propre bras.

Cependant, Ilse commença par soupirer. Pour l’instant, tout restait à faire. Elle avait voulu fabriquer une arme à la hauteur de la mission qui lui incombait et du destin qui l’attendait, mais elle n’avait pour l’instant qu’une idée assez vague de ce qu’elle souhaitait obtenir. Tout ce qu’elle visait, c’était une arme puissante et sortant de l’ordinaire. Une arme capable de toucher de plus loin. Une arme qui lui permettrait de stopper net des ennemis lancés dans leur course. Une arme digne de son héritage.

Un arc à double courbure !

Ce fut la première idée qui lui vint alors qu’elle essayait de projeter le travail qu’elle avait besoin d’accomplir pour arriver à un résultat final à la hauteur de ses attentes. La plupart des arcs de son clan était constitués d’arc à faible courbure, soit généralement des arcs courts. Mais ce modèle correspondait plus généralement aux arcs taillés pour la chasse, qui bénéficiaient d’une moindre perte de tension lorsqu’on tendait l’arc. Si elle s’accommodait de ce résultat, l’arc se montrerait moins évolutif. Et lorsqu’elle aurait progressé, elle se retrouverait bloquée avec une arme qui ne lui permettrait pas de donner la pleine puissance de son pouvoir.

Secouant la tête de droite à gauche puis inversement, elle refusa l’idée de créer ce type d’arc traditionnel à partir de la branche qu’elle avait récupérée. Non, ce qu’elle recherchait devrait passer par quelque chose de plus audacieux. Soupesant la branche, Ilse confirma le fait que celle-ci était équilibrée et ne comportait ni noeud, ni torsions, ni fourches. Légèrement incurvée d’un coté, la branche semblait prête à ployer sous la tension qu’on exercerait une fois la branche travaillée et la corde attachée. Tout ce qu’il manquait, c’était le travail propre et précis d’un artisan accompli. Alors après avoir délimité la taille du corps de la poignée, Ilse se mit à dégrossir la branche de ses quinze centimètres de diamètre de bois sur la partie de la branche supérieure et inférieure.

Les copeaux de bois se mirent à voler à un rythme lent mais régulier. Appliquée, elle laissa son expérience prendre le relais sur sa réflexion. Le poignet jouant un mouvement rectiligne d’arrière vers l’avant, la jeune femme avait l’impression de retourner en enfance, lorsque son père lui apprenait encore les rudiments de la chasse. « La patience est la clef de tout. » disait-il alors.

Le temps passant, elle se mit à fredonner. D’abord doucement, puis plus fort. Certains sarkoriens s’arrêtèrent à l’occasion pour observer son travail. Insensiblement, une présence se fit également sentir à la limite de son champ de vision. Mais totalement absorbée par sa tâche, elle ne fit attention ni aux uns, ni à l’autre. Inlassablement, elle continuait de tailler et de fredonner. Portée par la mélodie, elle ne sentit pas l’air se densifier autour d’elle et la tension l’envahir. C’était comme si la mélodie sans parole chargeait l’air de magie avant de se densifier puis de se diriger vers Ilse afin qu’elle l’insuffle dans la branche de bois destinée à devenir un arc.

Sans vraiment y faire attention, elle se mit à donner de la voix dans une langue qui lui était inconnue et familière tout à la fois. Les mots devaient porter un message, mais si c’était le cas, le sens lui échappait encore pour l’instant. En attendant, la branche avait perdu son aspect grossier à coup de gestes sûrs pour adopter celui plus effilé d’une arme de qualité supérieure. Et toujours, Ilse poursuivait son chant qui se mua en quelque chose de plus grand que du son. C’était la réminiscence d’une période faste aujourd’hui oubliée. C’était la voie d’un renouveau. C’était la voix de la Nature. C’était le chemin de la Restauration.

Portée par cette conscience de soi et cette intuition chevillée au corps, l’artisan arriva au terme de son travail. Examinant l’arc qu’elle avait confectionné, la jeune femme était plutôt satisfaite. L’objet lui avait demandé un effort soutenu et une dépense en énergie considérable, mais elle avait maintenant en main l’arme qu’elle recherchait pour sa mission. Les démons pouvaient arriver, elle était prête.


Ilse a à présent en arme un arc composite de force +2.
Pour battre le DD19 d'artisanat : 10 (faire 10) + 6 (artisanat arc) + 2 (outils de maîtres) + 2 (aide de l'esprit Ancien)

Modifié par un utilisateur samedi 30 juin 2018 10:17:12(UTC)  | Raison: Non indiquée

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Offline vaidaick  
#17 Envoyé le : mardi 12 février 2019 15:02:36(UTC)
vaidaick
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13 Arodus 4717 - Kenabres, campement des Sangs Hurlants


Après tout ce temps passé hors de la tribu, on aurait pu penser que Kristen se ravirait de retrouver un peu de stabilité et de tranquillité. Mais bien loin s'en fut car d'un côté il était assailli de questions dues aux récentes découvertes et de l'autre il approcha avec ses compagnons de voyage d'un campement aux allures de ville de fortune, lui-même au pied d'un bastion des plus laids qui n'était autre que Kenabres. L'effervescence qui régnait entre les tentes lui faisait regretter les steppes désolées de la frontière... Mais le temps n'était malheureusement pas à la contemplation : il était urgent de retrouver Drahomir pour rendre compte de la situation qu'ils avaient observé ces derniers jours.

Pourvu qu'il ne soit pas trop tard ! C'était la principale pensée qui tournait en boucle dans l'esprit du pisteur. L'épervier qui était venu les avertir sur ordre d'Ulf avait peiné à les retrouver, ce qui était presque gratifiant étant donné que la Meute du Nord - nom que Dräken avait donné au petit groupe de huit guerriers dont Kristen faisait parti - avait largement pris soin de ne pas laisser de trace dans leur avancée.

Somme toute, leur mission était presque un succès. Lui-même avait trouvé son compagnon animal, Leikkaus, un smilodon dans la fleur de l'âge aux dents aiguisées qui ne demandait qu'à protéger les terres (ses terres !) envahies par la monstruosité et qui avait perçu en Kristen une âme sauvage, brutale mais imprégnée de la même volonté de protection de la Nature. Dräken, l'ami d'enfance de Kristen, l'éclaireur au cri barbare s'était forgé une bardiche dans le fer blanc le plus résistant jamais trouvé. Et enfin les six guerriers de la Foi verdoyante, branche extrême de la Foi verte en guerre perpétuelle contre les Cultistes, étaient parvenus à en capturer pour les interroger !

Marchant entre les torches parmi les regards plus ou moins dérangeants des autres protagonistes assis sous des bannières plus ou moins chatoyantes, ils parvinrent à proximité des yourtes qu'ils reconnurent entre mille. « Et bin les gars ! On dirait que le voyage touche à sa fin... En tout cas pour ce soir. » acheva le pisteur de sa voix grave en soufflant de soulagement.


L'arrivée du petit groupe passa presque inaperçu, tant les tensions étaient palpables. Presque inaperçu, car, alors qu'ils avançaient vers les yourtes centrales afin d'aller se présenter aux chefs de la tribu, la silhouette massive de Drahomir se détacha dans l'obscurité naissante. Après quelques mots à ses camarades qui gardaient la tente de Bors, il s'avança vers la petite équipe.

« Bienvenue ! Vous avez donc eu le message d'Ulf ! Je suis désolé qu'on ait du écourter votre expédition, mais les choses sont graves. Bors et Soniela sont arrivés seulement aujourd'hui. Vous devriez venir discuter avec eux et Ulf de la suite des évènements. » Il regarda Kristen plus particulièrement. « Alors, tu as pu tuer tes premiers démons, ou tu t'es contenté de cultistes ? » lui sourit-il à pleines dents.



L'aura dégagée par Drahomir lui était reconnaissable entre mille ! Kristen Lorhodan n'avait pas connu ses parents : ils avaient fait partis de ceux que les Mendeviens avaient lâchement exécutés dans les flammes alors qu'il était encore à un âge incapable d'en comprendre les motivations. Le puissant guerrier d'élite l'avait recueilli sous son aile, une aile d'acier loin de la tendresse... Mais Kristen le considérait presque comme son père et ne pouvait que lui être infiniment reconnaissant ! Aussi, malgré sa centaine de kilos et ses larges épaules, le pisteur parut presque timide suite à la question ! Se grattant l'arrière du crâne qui provoqua un balancement de sa lourde hache à double lames fixée dans son dos, Kristen balbutia une réponse : « Euh bah... des Cultistes ouai ! On en a fracassé quelques uns... Mais pour les démons, on est seulement tombé sur une escouade de Dretch... et bah... » Désignant une large cicatrice sur son ventre encore mal refermée, il acheva, un peu honteux : « Y'en a un qu'est reparti avec la même... mais toujours bien trop vivace... »

Puis d'un ton ragaillardit, comme s'il souhaitait prouver sa valeur : « Mais j'vais pas en rester là ! On était pressé donc on s'est pas frotté à un Aries qu'on avait commencé à traquer... Mais c'était pas l'envie qui manquait ! A la place, y'a un groupe du clan des Terres Noires qu'a terminé avec des bras en moins ! » Un sourire carnassier s'était dessiné sur le visage pourtant penaud quelques secondes avant du Sang-Hurlant. « On les a forcé à raconter ce qu'ils foutaient là ! Et on a obtenu des informations très importantes. J'espère que ça va aider Notre Chef Bors à comprendre tout ce qu'il se passe ! »

Tournant la tête vers Dräken et le reste de la troupe de la Foi verdoyante, il laissa le soin à ses compagnons d'expédition d'éclaircir les propos.


Le sourire de Drahomir s'élargissait au fur et à mesure des propos de son protégé. « J'aurais bien aimé être là ! » s'exclama-t-il avec une envie qui ne laissait aucun doute quant à la véracité de cette déclaration. Puis il leva la main pour arrêter tout commentaire supplémentaire. « Mais gardez vos informations pour vous pour le moment, autant vous éviter de répéter deux fois les mêmes choses. Allons, venez. » Il se retourna vers la yourte de Bors, et s'y dirigea. Marquant un arrêt devant l'ouverture, il s'annonça, puis entra en faisant signe au groupe de le suivre.

Là, les trois chefs du clan, Bors, Ulf et Soniela, s'entretenaient, plan de la région à l'appui, de la situation de Kenabres. Il regardèrent la petite troupe entrer, et ce fut Ulf qui prit la parole. « Bon retour parmi nous, guerriers. Je suis heureux de constater que nous n'avons pas eu de pertes à déplorer. Quelles nouvelles nous apportez-nous de la frontière ? » demanda-t-il tandis que Bors et Soniela demeuraient silencieux, visiblement fatigués.


L'expression de contentement de Drahomir ajouta du baume au cœur de Kristen : la férocité et le plaisir de la guerre coulaient autant dans les veines du mentor que de l'élève ! Mais le pisteur retrouva rapidement son masque impassible en réalisant que les événements ne permettaient pas de célébrer des retrouvailles en bonne et due forme... Suivant le guerrier d'élite dans la yourte des chefs, il prit place avec le reste de l'escouade, inclinant la tête et le torse aussi bas que son armement le lui permettait, un poing sur le thorax et un genoux à terre.

Puis se relevant, accompagné de multiples cliquetis métalliques de sa cuirasse flexible, il tourna son regard aux pupilles sombres alternativement vers la samsaran et les deux imposants guerriers. « Grand Chef Bors, Chef de guerre Ulf, Tekta Soniela. » salua-t-il dans cet ordre, preuve de son allégeance pour le clan, le combat et enfin les prophéties, « Notre départ à la fin de mois d'Erastil laissait pas vraiment imaginer une situation aussi... merdique... » laissa-t-il échapper. Et se raclant la gorge en se rappelant face à qui il avait affaire, tout en confirmant que ses talents étaient bien autre qu'oratoires : « Même si on devait revenir bien plus tard, notre route a croisée celle de plusieurs groupes... et surtout celui de membres des Terres Noires. Le combat a été violent quand ils ont confirmé leur allégeance envers les démons ! Et notre victoire écrasante a entraîné des méthodes euh... peu recommandées... pour obtenir des informations sur l'ost d'abomination. »

Regardant ses acolytes d'expédition, comme pour trouver le courage nécessaire à une annonce apocalyptique, il poursuivit d'un ton encore plus grave que sa voix déjà bien rocailleuse jusqu'à lors : « Bien sûr, on avait su que ces saloperies de la Plaie du Monde se rassemblaient vers Kenabres... Le long des frontières on pouvait même apercevoir des ombres ou des silhouettes de démons descendre vers la cité fortifiée... Mais euh... c'est surtout que... ils ont dit que les pierres de garde allaient tomber et avant de rejoindre l'au-delà ils ont gueulé le nom de... Henges Jorrullar ! »

Le vétéran avait serré les dents en prononçant le nom de celle qu'il savait traîtresse, bannie et déchue des Sangs-Hurlants. Dans le même temps, Leikkaus avait feulé en ressentant la haine de son maître, Dräken avait serré violemment le manche de sa bardiche et Drahomir avait froncé les sourcils. « Comme plein d'autres, j'pensais qu'elle était morte ! Mais les indices et les informations semblent claires : elles est toujours présente et elle bosse avec les abominations ! Pour quoi faire ? ça on n'a pas pu le savoir avant le dernier souffle des Cultistes... »

Un froid plana un instant dans la yourte, laissant entendre quelques cris et animations à l'extérieur du campement. « Quand on a reçu le message, on a accouru ! Une chance que la traque nous ait laissé assez proche de Kenabres. Et maintenant, comment on peut se rendre utile ? »

Le guerrier d'élite en herbe fixa un à un les protagonistes. Son air d'ours mal léché et son franc-parlé n'en faisaient pas moins un combattant puissant qui marchait dans les pas de son éducateur. Sa volonté d'en découdre était presque palpable. Se gardant pourtant de paraître trop impulsif maintenant qu'il retrouvait la communauté qu'il avait quitté depuis presque un mois, loin de la bestialité et le rude climat du désert frontalier bordé par les démons, il prit le temps de souffler d'une grande expiration marquant la fin de la divulgation des informations tout en caressant inconsciemment son smilodon pour s'apaiser. Nul doute que les trois grands chefs auraient besogne à fournir en ces temps troublés.


Les trois chefs se regardèrent d'un air sombre, sans paraître vraiment surpris de cette révélations. « Ton récit concorde avec ce qu'a découvert Brogan hier. Il ne s'était pas trompé, c'est bien Henges qu'il a vue, accompagnée de deux autres membres des Terres Noires. »

Le chef se gratta la barbe, avant de poursuivre. « Allez vous reposer. Si les mendeviens ne se trompent pas, les pierres de garde seront attaquées dans trois jours. Ils pensent que les démons profiteront de leur fête annuelle, Armasse, pour passer à l'action. A ce moment-là, nous aurons besoin de vous. Nous aurons besoin de tout le monde, dans la meilleure forme possible. Habituez-vous aux lieux, car ce sera ici notre champ de bataille. »

Les compagnons de Kristen acquiescèrent silencieusement, se tournant vers lui comme pour obtenir son accord. Bien qu'il soit encore jeune, au-delà de son lien avec Drahomir, il avait obtenu la reconnaissance de sa valeur auprès de son groupe, y compris des plus anciens, et leur périple récent avait encore renforcé son aura naturelle d'autorité sur ses frères d'arme. Dräken lui adressa un léger signe de tête, avant de reprendre un air impassible.


« Bien Grand Chef Bors. » conclut simplement Kristen d'une voix humble et grave en inclinant la tête. Sa seule approbation avait effectivement suffit à mettre fin aux échanges, ses compagnons de voyage le suivant telle une escorte en dehors de la tente. Il est vrai que Kristen ne faisait pas figure de leader face à ses pairs mais ces derniers l'avaient pourtant choisi comme tel. Pour son charisme ? Vraisemblablement pas : sa mine patibulaire, ses multiples cicatrices au visage et au torse, preuves des combats menés tout au long de son existence, ses bras musclés et sa stature solide étaient certes impressionnants pour quiconque croisait le pisteur, même pour des sarkoriens, mais il ne dégageait pas ce petit quelque chose qu'un guerrier comme Drahomir ou bien sûr Ulf arboraient... cette envie qui pousse les hommes à les écouter ou les suivre aveuglément. Non. Kristen était de ceux qui avaient gagné le respect à la force brute, en démonstrations de puissance face à l'adversité, ni en parole (pour lesquelles il n'était effectivement pas doué), ni en stratégie ou autre talent plus complexe. Juste à la force brute et au courage. Voilà pourquoi Dräken et les autres l'avaient suivi lorsque Drahomir l'envoya au Nord, à la frontière pour son rite de passage en tant que guerrier d'élite ! Et voilà également pourquoi ils s'étaient mutuellement choisis avec Leikkaus : le smilodon avait cette même stature, solide et impressionnante, tout en étant quelque part craint, incompris, à mi-chemin entre la bête terrifiante et le fidèle compagnon.

Mais Kristen était loin d'une éventuelle considération de pouvoir ou de notoriété. Pour l'heure, il était simplement satisfait de goûter à un repos, même si momentané, bien mérité. S'asseyant autour du feu de camp le plus proche alors qu'il faisait "bonsoir" de la main à ceux qui préféraient directement trouver le sommeil, il commença à mâchouiller de la viande séchée en grattant le crâne massif de Leikkaus de sa main toute aussi énorme. C'est le moment dont profita Dräken pour venir se poser à côté de lui, sa bardiche en fer froid luisant aux reflets des flammes qui dansaient dans le brasero.
« Et ben, mon pote... On dirait que le périple s'achève ici... C'est pas franchement ce que j'avais imaginé comme fin... Mais bon... Si on doit se farcir une armée de démons dans trois jours, que ça soit ici ou à la frontière, ça changera pas des masses... » Et fixant son compère de voyage dans les yeux, marquant le coup, il ajouta d'un air sinistre : « J'donne pas cher de notre peau Dräken... Mais au moins ça sera glorieux comme manière de partir de ce foutu monde! »

Et comme étranglé pas une sorte de fatalité, il peina à terminer le morceau de viande, préférant le donner au félin qui n'en fit qu'une bouchée dans un grondement sonore qui aurait pu s'apparenter à un ronronnement si la bête ne pesait pas trois cents kilos.

Modifié par un modérateur mardi 19 février 2019 18:06:36(UTC)  | Raison: Non indiquée

Entre ce que je pense, ce que je veux dire, ce que je crois dire, ce que je dis, ce que vous avez envie d'entendre, ce que vous croyez entendre, ce que vous entendez, ce que vous avez envie de comprendre, ce que vous croyez comprendre, ce que vous comprenez, il y a dix possibilités qu'on ait des difficultés à communiquer. Mais essayons quand même. - Edmond Wells.
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#18 Envoyé le : mardi 19 février 2019 11:22:47(UTC)
vaidaick
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Kristen : Le nouveau Champion


16 Arodus 4717 - Kenabres, campement des Sangs Hurlants


Le jour de la grande fête mendevienne était enfin arrivé. Au petit matin, tout le campement sarkorien était en ébullition, tout comme ceux des autres peuples et factions alentours. Kristen avait pu se reposer et était frais et dispo pour ce jour annoncé comme celui où les démons franchiraient les pierres de garde.

Soudain, une impression étrange lui dressa les cheveux sur la nuque, tandis que Leikkaus relevait la tête et grondait sourdement, comme pour annoncer un danger inconnu. Il n'était plus seul dans sa yourte, il l'aurait parier. Pourtant, il ne voyait nul signe de présence, nul déplacement ou trace de pas qui aurait pu révéler la présence d'un être invisible. Même Leikkaus ne semblait pas savoir vers où se tourner, se fiant d'avantage à son instinct qu'à ses sens naturels.

Puis une voix, forte, viril, presque sauvage, se fit entendre, non par ses oreilles, mais directement dans son esprit. « Kristen ! Je n'ai guère de temps à te consacrer, ni le temps de t'expliquer. Rends-toi sans tarder à la yourte des chamans, auprès des Champions. Nous avons besoin de toi. »
Le ton urgent était sans équivoque, se ressentant non seulement dans les paroles mais également dans la voix de cet être. Voix que le guerrier n'avait encore jamais entendue auparavant, il en était persuadé.


Trois jours. Trois courtes journées... Cette période avait à peine suffi à Kristen et son escouade pour s'affranchir des semaines passées près de la frontière dans la nature. L'entretien du matériel, la récupération des organismes et la mise à jour de toutes les informations que son peuple disséminé jusqu'alors était en capacité d'échanger avaient largement occupé le temps. Certes quelques combats et entraînements étaient venus pimenter le quotidien mais même Leikkaus pourtant si sauvage avait accusé le coup, à moins qu'il ne fusse davantage préoccupé par le caractère morose de son maître. Et pour cause, le pisteur gardait au fond de lui cette idée de fin du monde, ce moment où les démons finiraient par envahir la terre, abrégeant toute vie alentours. Au final, Kristen cherchait bien plus comment honorer son peuple dans le combat à venir qu'à imaginer une quelconque possibilité de victoire, comme si la fatalité avait déjà effacé toute once d'espoir. Mais pour un guerrier tel que lui, le sacrifice n'était pas forcément un échec. Du moins c'était ce à quoi il s'accrochait pour trouver le courage.

Sauf que ce matin fatidique, un événement changea la donne ! Reposé et ragaillardi, prêt à en découdre, il avait ouvert les yeux en restant le regard fixé vers le toit de sa yourte. Il avait médité un long moment en faisant abstraction de l'agitation du reste du campement. Sans trop savoir pourquoi, il attendait un signal... un élément... sans vraiment savoir quoi. Sa large main posée sur la tête de son smilodon qui respirait aussi fort qu'un ours, il tentait de ressentir tout ce que ce monde avait pu lui apporter, tout ce que ce monde lui apporterait aujourd'hui et tout ce que ce monde lui apportait... Maintenant !

« QUOI ?! » Sa voix forte termina de figer l'atmosphère alors que Leikkaus avait lui aussi réagi promptement ! Sautant sur ses deux jambes, il jeta un dernier regard circulaire avant de croiser celui de son compagnon aux longues dents. « Bon. J'sais pas ce qu'il vient de se passer mais j'crois qu'on doit y aller ! »

Sans trop réfléchir, il enfila son équipement, attrapa sa lourde hache et sortit de sa yourte avec autant de vélocité que le smilodon qui bondissait à ses côtés ! D'un pas déterminé, faisant frémir les sarkoriens sur son chemin ayant pris soin de s'écarter face aux molosses qui traçaient leur route dans le campement, Kristen et Leikkaus atteignirent la tente des Chamanes. Sans trop s'annoncer, comme s'il s'attendait à obtenir des explications sur la puissante voix qu'il venait d'entendre, le pisteur pénétra dans la yourte et resta un moment figé, l'air interdit. « Euh... Excusez-moi mais je... vous... Tekta-Soniela? »


Sur le chemin menant à la yourte des chamanes, la présence avait disparu, laissant une désagréable sensation de rêve lointain, comme si l'esprit de Kristen remettait en cause la réalité de cette présence.

Tous les yeux se tournèrent vers le guerrier : les deux gardes d'élite, qui s'apprêtaient à sortir de la yourte avec Drahomir ; Soniela, qui avait été interpelée ; Bors, qui foudroyait du regard celui qui osait entrer sans s'annoncer ; et Ulf, qui serrait sa grande hache de guerre dans ses mains, comme s'il s'attendait à ce que Kristen les attaque. Et au centre de la yourte, quatre personnes se tenaient assises au sol, immobiles, comme statufiées. Était-ce une illusion due à la faible luminosité des lieux, où ne semblaient-elles même pas respirer ? Il reconnut trois d'entre elles : Aksana, l'apprentie chamane ; Jormung, le demi-orque que de nombreux sarkoriens avaient rejeté tout au long de sa vie au sein du clan ; et Ilse, une jeune éclaireuse sarkorienne. La quatrième personne était un gnome binoclard à l'aspect peu engageant, celui dont Kristen avait entendu parlé au cours des trois derniers jours, et dont on y disait qu'il était le Champion du Feu.

Le vieille chamane regarda le guerrier et son fauve, interloquée. « Que t'arrive-t-il, Kristen ? Que viens-tu faire ici sans avoir été invité ? J'espère que c'est important. »

La voix dans sa tête revint, le ton se faisant plus pressant, si cela était encore possible, et lui donnant des informations de manière assez confuse. « Prends place avec les autres Champions. L'âme d'Ilse a été enlevée par Deskari, nous n'avons pas pu la protéger. Les autres Champions ont réussi à passer. Je suis Gertorn, l'Ancien des Bêtes Sauvages, et je t'ai choisi pour la remplacer. Désormais, ce sera toi le nouveau Champion des Bêtes Sauvages. Va, dépêche-toi, nous devons envoyer ton âme auprès de celle des autres, dans le corps d'un ancien Champion, afin de renforcer ton esprit. »

Devant le manque de réponse de Kristen, qui était accaparé par les demandes de l'esprit, Drahomir insista. « Eh bien, alors ? Vas-tu te décider à parler, ou comptes-tu rester là bouche bée mon grand ? » tenta-t-il d'ironiser. Mais l'expression du garde d'élite était soucieuse. Il connaissait bien son disciple, et savait que ce qui l'avait mis dans cet état ne pouvait être une bonne nouvelle...


Kristen, le regard hagard et le souffle court, resta immobile une poignée de secondes. Leikkaus n'en menait pas large non plus, presque allongé sur le sol, la queue entre les pattes - au sens propre. Le pisteur dut secouer la tête pour retrouver ses sens et réagir à la question de Drahomir dont le timbre de voix avait fini par le raccrocher à la réalité. « Gertorn... Je... Ilse et les Champions... Deskari... C'est un malheur... » finit-il par balbutier, une sueur froide lui parcourant l'échine et lui faisant perler le front.

Et fixant Soniela, comme s'il s'attendait à ce qu'elle puisse le comprendre, à défaut des autres personnes présentes, il termina par ajouter, de sa voix grave : « Il faut que je prenne sa place. C'est vital pour notre peuple. »

Paraissant hésiter un court instant, il parvint à se libérer de son ancrage d'incompréhension et mit un pied devant l'autre vers les Champions immobiles. Le félin massif restait collé à ses jambes musclées, clairement mu par une volonté de soutien. Faisant fi du protocole, l'air un peu patibulaire, Kristen Lorhodan saisit le destin qui venait de lui être incombé. Et tout ça par une voix bestiale et mystérieuse que seul lui avait entendu... Pourvu que ça soit pas les démons qui me jouent un sale tour!


Tous les yeux étaient rivés sur Kristen, chacun cherchant à décrypter la phrase énigmatique du guerrier. « Deskari ? » tressaillit la chamane. « Il est arrivé quelque chose aux Champions en rapport avec ce démon ? Tu dois prendre la place de qui ? » le pressa-t-elle. Elle tentait tant bien que mal d'assembler les bribes d'informations que lui fournissait l'éclaireur.

Drahomir posa sa lourde main sur l'épaule de son protégé. Comme d'habitude, il gardait un calme impressionnant en toute circonstance. « Détends-toi, organise tes pensées. Comme dans un combat, ce qui se passe dans ton esprit est aussi important que ce qui se passe sur le terrain. Alors reprends-toi, et explique-nous tout. »

« RHHAAAAA les sarkoriens !!! » fulmina la voix dans sa tête. « Résume de façon cohérente et installe-toi, nous n'allons pas pouvoir te maintenir le passage encore longtemps ! Nous devons envoyer ton esprit auprès des autres Champions, dans le passé ! Tu demanderas là-bas des explications à l'esprit d'Aksana. »


Prenant une grande inspiration alors que son mentor l'aidait à s'apaiser face à cette situation inédite, le pisteur se figea et entreprit d'éclaircir le contexte. Leikkaus avait tourné la tête vers Kristen, comme en attente d'une forme d'approbation qui ne vint pas immédiatement.

« Il y a cinq minutes, dans ma yourte, j'ai entendu une voix... Mais dans ma tête ! Une voix que je ne connaissais pas. Un homme, puissant, pressé et... inquiet... Il s'est présenté comme étant Gertorn, le champion des Bêtes! »

Mais alors que sa voix grave cassait le silence dans l'assemblé d'une explication plus rationnelle, il marqua une nouvelle pause avant de reprendre, avec plus d'insistance : « Oui, oui, j'ai compris ! Je fais vite ! Euh... Pardon, c'est à nouveau Gertorn : il me somme de me dépêcher ! Il souhaite envoyer mon esprit... dans le passé ! L'âme d'Ilse... elle semble avoir subi le courroux de Deskari. Je dois prendre sa place. Et Aksana m'expliquera le reste a priori. »

Tous les éléments avaient largement désorienté Kristen depuis son réveil mais maintenant qu'il était au milieu de la yourte des chamanes, en présence des autres Champions, la situation faisait sens dans sa tête, presque comme une évidence. L'âme du Champion des Bêtes était encore en capacité de communiquer avec le plan matériel et l'urgence du moment l'avait contraint de porter son attention sur le pisteur. Finalement, il avait été choisi par une entité héroïque pour protéger le monde qu'il connaissait des Démons.

« Allez, je dois le faire, sans perdre de temps. » lâcha-t-il comme pour se donner du courage, réalisant qu'il était désormais le nouveau Champion des Bêtes de son temps. Et comme si son smilodon avait perçu le signe qu'il attendait, le félin vint se poser en rond près des autres corps inertes en patientant que son maître vienne rejoindre la procession.


La tension monta d'un cran, presque palpable, alors que Kristen résumait la situation et la demande de l'Ancien des Bêtes. Soniela se contenta de hocher sombrement la tête, acceptant la triste vérité sans s'émouvoir davantage, et ajouta immédiatement un coussin confortable pour que le nouveau Champion puisse s'installer.

La nouvelle sembla être prise de façon moins calme par Ulf, qui jeta un regard inquiet en direction d'Aksana - regard qui n'échappa à personne - avant qu'il ne tente de se reprendre en s'adressant à Soniela. Mais déjà, une lueur verdâtre envahissait la pièce, les sons se faisant plus lointains, empêchant Kristen de comprendre les paroles échangées alors que son âme s'élevait au-dessus de son corps.

Tout lui parut devenir flou, aussi étrange que les bribes de souvenirs d'un rêve qui se raccroche à la conscience lors d'un réveil, puis ce fut le noir absolu.

« Enfin te voilà ! » dit une voix dans les ténèbres qui s'estompaient. Mais, s'il reconnut la voix de Gertorn, ce coup-ci elle ne résonna pas dans son esprit. Un homme grand et mince mais malgré tout musclé se tenait face à lui, dans un halo lumineux et verdâtre, esprit incorporel matérialisé en ces lieux étonnant, immensité grisâtre sans toit ni sol, ni horizon. « Nous n'avons pas le temps de discuter, il pourrait revenir. Je t'ai choisi pour remplacer Ilse, tu es désormais le Champion des Bêtes Sauvages, et ton esprit doit se rendre dans le corps d'un de tes prédécesseurs. Nous aurons plus de temps pour parler à ton retour dans notre présent... »

Légèrement en retrait, les autres Anciens attendaient, l'air tendu, fixant les alentours, comme parés à toute éventualité. « Allons-y ! » fit l'Ancien avec un signe de la main vers ses compagnons afin de les enjoindre à commencer le rituel. De nouveau, tout parut se fondre, le noir se fit, et, prenant la place du calme inhabituel de ce lieu éthéré, un bourdonnement sonore résonna dans l'esprit du Champion. Peu à peu, un nouveau monde, très similaire à celui qu'il connaissait, prenait forme devant lui, empli de Sarkoriens et de yourtes.

Mais, étonnamment, il ne sentait pas son corps. Il se sentait comme prisonnier, son esprit partageant avec un autre un corps qui n'était pas le sien, et sur lequel il n'avait aucune emprise. Spectateur, et non acteur de ce nouveau monde... Mais, au milieu de cet étrangeté, il ressentit trois autres esprits similaires au sien.

Modifié par un modérateur mardi 19 février 2019 17:42:31(UTC)  | Raison: Non indiquée

Entre ce que je pense, ce que je veux dire, ce que je crois dire, ce que je dis, ce que vous avez envie d'entendre, ce que vous croyez entendre, ce que vous entendez, ce que vous avez envie de comprendre, ce que vous croyez comprendre, ce que vous comprenez, il y a dix possibilités qu'on ait des difficultés à communiquer. Mais essayons quand même. - Edmond Wells.
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Offline Tuix  
#19 Envoyé le : mardi 26 février 2019 22:42:48(UTC)
Tuix
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Kristen : Rencontre spirituelle avec ses pairs


16 Arodus 4717 - Kenabres, campement des Sangs Hurlants



D'un coup, une autre voix s'éleva! Une voix un peu nasillarde que Kristen ne reconnaissait pas. L'anxiété fut son premier sentiment : le pisteur craignait que quelque chose se soit mal passé! Mais cette voix, mêlant frustration, explosivité, frousse et interrogation était celle de quelqu'un qui connaissait Aksana.
Serait-ce...
La réflexion de Kristen fut tuée dans l’œuf alors que le timbre, cette fois largement reconnaissable, de Jormung résonna en écho!
« Jormung? Oui, c'est moi. C'est Kristen... »
Et enfin, dans la foulée, son prénom fut repris par la douceur et le ton rassurant d'Aksana.
Ouf! Aksana-Kila. Les Anciens avaient vu juste.

Cherchant à expliquer les derniers événements, le gaillard, ou tout du moins son esprit, enchaîna les réponses aux questions dans un verbiage simpliste, telle une antilope bondissant d'un buisson à l'autre instinctivement :
« Euh, c'est bien moi, Kristen Lorhodan.
Sans que j'comprenne pourquoi et comment, Gertorn, le Champion des Bêtes est apparu.
Il m'a dit de venir dans la tente des Chamanes pour remplacer la jeune Ilse, j'ai pas bronché et j'ai fais vite.
Là il a fallu que j'explique tout ça aux chefs mais Soniela a rapidement compris que quelque chose clochait.
Puis j'ai fermé les yeux et Gertorn était visible, avec les autres Anciens.
Il a pas vraiment donné de détails, j'en sais trop rien pour Ilse... Son corps est toujours dans la yourte.
Et maintenant, je suis là, avec vous. Enfin, mon esprit on dirait... Gertorn a dit qu'il fallait le renforcer mais j'vois pas trop comment?
Il a aussi dit que vous me donneriez les explications. »


La voix rauque du barbare s'arrêta net. Comme si un pragmatisme à toute épreuve l'avait tenu d'attendre les fameuses réponses. Bien sûr, Aksana en était la principale source potentielle mais nuls doutes que les autres esprits-Champions auraient des échanges et des interactions à générer avec le nouveau-venu. Finalement, l'anxiété de Kristen avait disparu pour laisser place à la patience, la sauvagerie s'était apaisée pour donner lieu à plus de réflexion. Il était temps de discuter de son parachutage au rang de Champion des Bêtes.
Quel que soit mon rôle ici, je tâcherai de m'en montrer digne.

Modifié par un utilisateur mercredi 27 février 2019 18:44:51(UTC)  | Raison: Non indiquée

Thormod/Ensorceleur Djinn/AU-141
Rakyel/Oracle des os/AT-167
Krimir Drahak/Rôdeur sarkorien/H-263
Kristen/Inquisiteur de la foi Verte/S-210
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Offline Lyana  
#20 Envoyé le : dimanche 3 mars 2019 21:40:05(UTC)
Lyana
Rang : Habitué
Inscrit le : 04/04/2013(UTC)
Messages : 1,492

« Ainsi la jeune Ilse est perdue... Son corps... Son corps était-il toujours avec les nôtres ? » Peut-être pourrons-nous la retrouver et la sauver ? Mais je n'ai pas le droit de leur donner de faux espoirs, surtout à Jormung, Ilse était certainement la personne la plus proche de lui.

Aksana inspira profondément, il n'y avait rien à faire pour la jeune chasseresse actuellement, il fallait s'occuper de celui qui venait d'arriver et qui semblait perdu.

« Tu ne sais pas ce que tu fais ici, en fait. Tu es le nouveau Champion des Bêtes Sauvages, Gertorn lui-même t'as choisi pour remplacer Ilse. Tu sais que la grande bataille contre les démons va bientôt avoir lieu ? Cette fois les mendéviens ne pourront pas résister. Nul ne sait comment mais les Pierres de Garde vont tomber, nous le savons et ça aura certainement lieu lors de leur fête ridicule, les croisés le savent mais ils ne veulent renoncer à leur célébrations. Les Champions... » Elle fit une pause, comme si elle avait encore un peu de mal avec certaines notions puis reprit : « Nous. Nous avons été réveillé afin d'aider lors de cette bataille décisive et mener notre peuple à la victoire. Cependant, nous avons bien trop peu de temps pour nous éveiller à notre plein potentiel, c'est pour cela que les druides originels nous ont envoyé ici afin d’apprendre en regardant les anciens Champions agir. »

Elle arrêta un instant ses explications, laissant le temps à Jormung ou Zorg de compléter et à Kristen de poser d'autres questions.
Je posterai le jour, je posterai la nuit, je posterai toujours ^_<
Amarante, championne audacieuse, sylphe née des orages et des elfes (N211)
Aksana, chamane samsarane de la vie (S210)
Alia, derviche de la Fleur de l'Aube aasimar (BM96)
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