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Offline Guigui.  
#81 Envoyé le : lundi 7 août 2017 19:15:43(UTC)
Guigui
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Alia et Bhaal : querelle d'amoureux


29 Sarénith 4709, le soir, à table



a fin du repas se déroulait paisiblement et même assez chaleureusement, les sujets difficiles avaient été abordés et maintenant tout le monde mangeait de bon appétit. Le vin coulait modérément pourtant, en tout cas pour les quatre miraculés qui devaient à nouveau affronter les Étals de Minuit. Les conversations étaient légères et on riait assez volontiers, comme si on voulait oublier les malheurs passés et ne pas encore penser à ceux à venir. Alia mangeait du bout des lèvres, souriante, elle écoutait les conversations mais n'y participait que lorsqu'on la sollicitait directement.


Bhaal à ses côtés parlait volontiers mais au fur et à mesure du repas, il devenait également plus silencieux, jetant de nombreux regards à sa fiancée. Il avait bien remarqué qu'elle évitait sa conversation et même son contact mais il n'arrivait pas à comprendre ce qui pouvait bien en être la cause. Il se remémora les différentes conversations mais rien ne justifiait pareil comportement. En tout cas, quelque chose n'allait pas et il voulait savoir ce que c'était.

Dès la fin du repas, il prétexta de leur visite prévue aux Étals de Minuit afin de rencontrer le détective de Célestin pour quitter l'assistance et, après avoir salué le couple princier, il entraina Alia avec lui jusqu'à leurs appartements.


Alia salua la Princesse puis le Prince et suivit Bhaal à travers les couloirs du Palais. Des flambeaux venaient d'être allumés, illuminant leur chemin, et leurs pas résonnaient dans le silence. Aucun des deux ne parlait. Bhaal s'était approché et avait une nouvelle fois tenté de saisir sa main, mais elle s'était éloignée. Même si elle ne le regardait pas, elle sentait sa tension, une colère couvait en lui, qu'il parvenait encore à retenir, mais jusqu'à quand ?

Alia accéléra le pas, cherchant à écourter ce supplice. Elle jeta un coup d’œil à son fiancé et se désola pour lui, il lui jetait un regard d'incompréhension mêlé à de la colère. Elle aurait voulu mieux réagir, ne pas lui en vouloir comme ça, mais elle n'y arrivait pas. Enfin, la porte de leur chambre apparut et elle y entra sans tarder.

Elle s'avança vers leurs affaires, afin de se changer pour leur visite du soir, cherchant avant tout à s'occuper les mains. Bhaal entra lentement, ferma précautionneusement la porte puis s'y adossa, la fixant de son regard jaune comme un prédateur guettant sa proie, les mâchoires crispées. Tout son corps tendu trahissait son agacement.

Elle le regarda enfin franchement, son énervement revenu. Comment osait-il la regarder ainsi avec cet air de reproche ? C'était lui le fautif, lui, si prompt à jeter les autres en pâture aux mages. Au milieu de la pièce, les mains sur les hanches, le menton relevé, elle lui fit face et lui lança d'une voix énervée : « oh toi... ! Par moments... par moments, je te déteste autant que je t'aime ! »


D'un coup d'épaule soudain et brutal, Bhaal quitta le contact de la porte contre laquelle il s'était adossé pour s'avancer vers sa compagne. Écartant les bras en signe d'incompréhension, il lui cracha sa frustration à la figure. « Et alors ? Tu m'as fait la gueule pendant tout le repas. On ne peut pas être un peu peinards, non ? Qu'est-ce qu'il y a ? Qu'est-ce que j'ai encore fait ? »


« Qu'est-ce que tu as fait ? Rien ! Tu n'as rien fait. Ce n'est pas ce que tu as fait qui... »

Elle s'approcha de lui et posa un index accusateur sur sa poitrine. « Pour quelqu'un qui n'aime pas les mages et la magie... » Elle s'interrompit et se détourna excédée.


Bhaal baissa les bras qui revinrent le long de son corps, ballants. Il fixa le dos gracieux d'Alia, comme si ce dernier pouvait lui apporter les réponses qu'il cherchait. Il ne comprenait toujours pas. « Quoi, les mages ? Quoi, la magie ? Tu es fâchée parce que j'ai pas collé une rouste à Nemlak ? Explique-toi, merde, je comprends rien, là ! »


Alia fit volte-face, regardant Bhaal avec stupéfaction, oubliant pour un temps sa rancœur.
« Coller une rouste à Nemlak ? Pourquoi je voudrais que tu colles une rouste à Nemlak ? »


Bhaal soupira. De lassitude, il porta la main à son front en croisant les bras. Il oubliait encore que sa bien aimée prenait parfois au sens littéral ses expressions imagées. Redescendant d'un ton, il s'adressa à elle d'une voix fatiguée, pleine d'une colère contenue, mais s'efforçant à la patience. « Bon, écoute... On va aller aux Étals de nuit... Nos amis nous attendent... Mais on ne peut pas y aller dans ce mauvais esprit. Tu as arrêté de me faire la gueule, c'est déjà un début. Alors maintenant, s'il-te-plaît, explique-moi ce qui ne va pas. C'est quoi cette histoire de mages ? »


Alia se figea soudainement, tournant le visage pour éviter le regard de son fiancé maintenant gênée. Il avait raison bien sur mais elle avait peur. C'était la peur qui la faisait réagir de la sorte, se mettre en colère l'empêchait de paniquer. C'est avec une voix moins assurée qu'elle lui répondit.

« Mais c'est toi aussi. Tu ne pouvais pas... tu ne pouvais pas me laisser croire que tout allait bien se passer au moins une soirée ? Tu es obligé de m'arracher mes illusions ? »
Les yeux de la jeune danseuse se mirent à briller de larmes alors qu'elle regardait Bhaal d'un air désespéré.


Le géant rouge ne savait pas s'il allait briser quelque chose de rage ou prendre sa compagne dans ses bras pour la consoler. « Mais de quoi tu parles, bordel de bordel, DE QUOI TU PARLES ??? » Gémit-il, au bord de l'explosion, ses deux mains tendues vers Alia dans une posture implorante « Alia, merde, je comprends rien ! »


« MAIS JE PARLE DE MA FILLE ! DE QUI D'AUTRE VEUX-TU QUE JE PARLE ? » Elle cria sa réponse mais elle continua d'une voix brisée. « De ma fille qui ne viendra peut-être jamais et que tu veux déjà faire ausculter par tous les magiciens de la terre ! »


Interloqué, Bhaal ne répondit pas tout de suite, cherchant à se souvenir du moment de la soirée où Velanya avait été un sujet de conversation, et ce qu'il avait bien pu dire.

Oui. Il y était. Il soupira de nouveau. « Mais... Je ne veux pas la faire ausculter par des magiciens, je veux la faire ausculter par des prêtres ! Par Vechna ! Ils s'y entendent, les prêtres, à ce genre de chose, non ? Et ben ça tombe bien, elle sera sur place, la gamine ! » Cracha-t-il, plein d'amertume et avec plus de violence qu'il n'aurait voulu.

« Et puis... Des illusions, tu en as assez eu. J'ai pas à te faire croire des trucs. Les choses sont, ou ne sont pas. C'est justement pour que tout se passe bien, pour qu'on soit sûr que y'a pas d'embrouille, que j'ai proposé ça ! Tu as entendu Maysam ? »


« Oui, j'ai entenu Maysam ! Evidemment que je l'ai entendu ! Je sais que... il y a de grands risques... mais... une journée... juste une journée. Je voulais y croire juste une journée. »
Les yeux désespérés, l'air totalement perdu, elle regardait de nouveau Bhaal.
« J'ai tellement peur, Bhaal... »


Bhaal prit la tête de sa compagne entre ses grosses mains et la fixa dans les yeux. « T'as pas besoin d'y croire, Alia, c'est vrai. C'est une réalité. Ta fille va te revenir. Et si jamais l'autre emmailloté nous la fait à l'envers, j'irai lui péter le coquetier et cramer sa nef de merde ! »

Mais cette fois, il n'y tint plus. Les larmes de la jeune fille, prêtes à couler sur ses joues, et son regard perdu lui chaviraient le cœur. Brusquement, il l'enlaça, l'enserra même, dans ses grands bras, plaquant sa tête contre son torse. « Oh, plus que quelques jours à attendre, mon amour... Tiens le coup ! Je sais que c'est dur pour toi, mais tiens le coup. Après ce sera fini, la petite sera là, on repartira à Kelmarane... On sera bien, tu verras... »

Il ne pouvait - ni ne voulait - le montrer, mais lui aussi avait peur. L'espoir avait pris de la force mais tout pouvait encore se terminer par un drame affreux. Qui savait ce qu'il se passait dans la tête d'une créature comme le capitaine de la Nef ?


Pressée contre le torse protecteur de seul homme qu'elle ait jamais aimé, Alia reprenait petit à petit confiance, avec Bhaal tout paraissait faisable. Elle hocha la tête contre le tissus du vêtement masculin et parla d'une voix légèrement étouffée.

« Je veux retourner à Kelmarane. Je veux qu'on y aille tous les trois. »
Elle resta un moment silencieuse, savourant l'odeur mâle de la peau de Bhaal puis d'une petite voix, elle demanda.
« Juste Vechna ? C'est juste Vechna qui l'auscultera ? Personne d'autre. Pas de mage, hein ? »


Tout en caressant la douce chevelure de sa bien aimée, Bhaal ne put s'empêcher de sourire. « Non, pas de mage, mon amour. Tu me connais, quand même. On demandera l'avis de Célestin et de Jyll, mais je ne vois pas ce que les prêtres du temple ne pourraient pas faire, ou découvrir. Alors seulement Vechna, si on le peut. »

Il la repoussa légèrement pour pouvoir la regarder dans les yeux en prenant de nouveau sa tête dans ses mains. « Bientôt, tu n'auras plus besoin de te bercer d'illusions pour tenir le coup, ça je te le promets... » Murmura-t-il doucement.


Elle lui sourit bravement à travers ses larmes et hocha la tête entre ses grosses mains.
« Je t'aime tellement fort. »
Avançant légèrement, elle posa ses lèvres sur les siennes, puis murmurant doucement contre sa bouche.
« Ils doivent nous attendre... on devrait se préparer. »
Mais elle ne bougea pas, l'esprit enfin apaisé même si ce ne devait être que temporaire.

Modifié par un utilisateur dimanche 1 octobre 2017 09:51:21(UTC)  | Raison: Non indiquée

Bhaal reste à l'ombre en BM-96 | Zorg allume le feu en S-210 | Darmrok fait la guerre en N-211
Le combat à allonge
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Offline Guigui.  
#82 Envoyé le : vendredi 22 septembre 2017 00:23:50(UTC)
Guigui
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Alia, Bhaal, Vechna : lorsque l'enfant paraîtra


Temple de Sarenrae, 30 Sarénith 4709, matinée


Suite de ce post.

echna les conduit jusqu'à sa chambre, dans l'aile gauche des bâtiments mitoyens à la structure centrale de l'Église, dans cette même chambre où la semaine précédente, ils avaient abordé le sujet de leurs origines angéliques, et des tragédies qui avaient suivi leurs naissances. Il débarrassa la chaise du livre sacré qui s'y trouva, qu'il posa ensuite délicatement sur la table, dans un linge, avant de proposer la chaise à celui qui la voudrait, puis de s'asseoir sur le bord du lit, la place restante bien en évidence pour l'autre partie du duo. Il ne disait rien et se contentait d'un mince sourire qui ne faisait que partiellement voiler sa timidité et sa peur de commettre une maladresse devant une situation qui semblait aussi dérangeante qu'urgente.


Dans la chambre de Vechna, trop nerveuse pour s'assoir, Alia resta debout, elle se mordillait les lèvres, hésitante. Puis, elle respira un grand coup et se lança.

« Comme vous le savez maintenant, nous sommes allés à la Source Unique chercher des renseignements sur ma fille, mais les choses ne se sont pas du tout déroulées comme nous le pensions. Même dans nos scénarios les plus pessimistes. Nous avons fait plusieurs erreurs qui, mises bout à bout, nous ont été fatales, et logiquement nous n'aurions pas dû en revenir. Heureusement... heureusement, on nous a permis de revenir, Sarenrae par l'entremise de Saint-Vardishal a intercédé pour nous et nous sommes revenus à la vie. Nous étions vivants mais pas libres. »

Alia eut un long frisson de dégoût en se rappelant les trous de basse fosse dans lesquels ils avaient été plongés. Elle reprit cependant. « Lorsque nous nous sommes réveillés, nous étions enchainés, séparés, dans un trou puant sans rien à manger ni à boire. Puis... puis IL est venu... Le Capitaine de la Nef du Crépuscule. C'est un être... comme à nul autre pareil, il est profondément malsain et totalement fou, mais nous l’intéressions et il nous a libéré. Il était là à attendre je ne sais plus quoi mais semblait avoir un différent à régler avec le Père Chacal et surtout il paraissait s'ennuyer profondément. En fait je ne sais si nous l'intéressions ou si nous l'amusions plus qu'autre chose, il semblait nous trouver distrayant. Toujours est-il qu'il nous proposa un marché, si nous nous débarrassions du Père Chacal, il me rendrait ma fille. »

Elle s'interrompit un instant et regarda le prêtre, gênée. « Il était facile de deviner ce qu'il adviendrait de nous si nous refusions. Nous avons accepté, se débarrasser du Père Chacal était dans nos projets, non ? Nous l'avons donc affronté, mais avant nous avons libéré une créature... C'est elle qui l'a dévoré dans ce qui était un temple de Rovagug, il y avait un prêtre de la Bête Hirsute également, nous avons au moins pu faire disparaitre ce culte répugnant. Mais la créature... c'était ignoble. Je ne souhaite à personne de mourir de cette façon. Même le Père Chacal. »

Sa voix devint plus grave sur les derniers mots, l'horreur encore vive dans son esprit alors qu'elle se rappelait des derniers instants de l'esclavagiste. Elle secoua vivement la tête pour en chasser les images et continua. « Le Capitaine nous a rejoint et a confirmé sa promesse, ma fille est vraiment chez eux, il va la retrouver et la ramener ici. Quand il a demandé où il fallait qu'il la dépose, je lui ai dit de l'amener ici... »

Elle regarda Vechna, anxieuse. « J'espère que vous ne m'en voulez pas, je ne savais pas quel autre endroit désigné, j'ai pensé à vous... Je ne sais pas quand il doit l'amener mais il a dit que ça ne se comptait qu'en quelques jours. Quand elle sera là, pourrez-vous m'avertir s'il-vous-plait ? J'ai tellement hâte de la voir... je ne sais s'il tiendra parole mais nous n'avions pas d'autre choix... Puis... je ne sais si elle sera en bonne santé... que s'est-il passé là-bas ? Qu'a-t'elle subit ? il nous a parlé d'un enfant disséqué pour voir s'il avait vraiment du sang de démon... »

Les larmes lui montaient aux yeux à mesure que le flot de paroles s'accéléraient puis elle s'arrêta de parler brutalement et resta debout au milieu de la pièce sans plus savoir que faire.



D'un mouvement d'épaule, Bhaal décolla du mur où il s'était adossé pour aller passer son bras sur l'épaule de sa compagne en un geste protecteur. Ces derniers temps, il s'était rendu compte que la sensation de calme et d'apaisement qu'il ressentait en présence de la jeune femme n'était pas à sens unique, et que sa propre présence physique, ne serait-ce que sa main sur elle, calmait et apaisait Alia dans les moments de détresse, comme ce pouvait être le cas à ce moment.

« Du sang de dragon... » Corrigea-t-il doucement, en un grave murmure. Après un instant de silence, il reprit. « Ça a été... Un dur moment pour nous tous. Un dur moment. » Il baissa la tête, le spectre du prêtre plantant son épée dans le torse d'Alia menaçant de lui faire perdre contenance. « Mais y'avait ce type... On a fait ce qu'il fallait pour survivre. Vous aviez raison depuis le début, c'étaient bien ceux de la Nef qui ont emmené la petite il y a sept ans. Non seulement il nous a sauvés, mais il nous a donné exactement ce qu'on était venu chercher, et la vengeance en prime. Mais on nous a prévenus, il est totalement tordu. De ce que j'en ai vu, j'aurais tendance à dire qu'il nous avait à la bonne, mais on se méfie. »

A ce moment, Bhaal hésita un instant puis se lança. « On voudrait... Que vous l'examiniez. S'il y a des sorts à lancer, on paiera ce qu'il faut, vous inquiétez pas. Mais on voudrait être sûrs qu'il n'y a pas de mauvaise surprise. Qu'elle n'est pas malade... Ou sous l'effet d'un poison à effet lent... Ou charmée... Ce genre de trucs. »

« Je... Je crois que ça nous ferait du bien à tous les deux d'être rassurés.... Après ce qu'on a vécu... Je veux dire... Dans ces souterrains... On a eu une vision de ce que c'est que le Mal. Le vrai Mal, vous comprenez ? » Dit-il en levant des yeux presque exorbités vers Vechna, et en s'accompagnant de la main pour essayer de faire comprendre à celle qui menait certainement une vie non violente quelque chose de ce qu'ils avaient vécu. « Même si c'est pas la première fois, c'est toujours douloureux... après. On se demande : comment le monde peut-il abriter des choses aussi dégueulasses ? Et y'a pas vraiment de réponse à cette question, alors... »

De plus en plus ému, le géant rouge sentit qu'il lui fallait conclure avant de se donner en spectacle devant les deux femmes. « Alors on voudrait juste rentrer à Kelmarane, finir de retaper notre maison et élever notre fille dans la paix. »


Alia regarda, émue, son fiancé. Notre fille, c'était la première fois qu'il l'affirmait à voix haute, elle se força à avaler sa salive afin d'empêcher les larmes de couler, puis elle retourna son attention vers le prêtre attendant sa réponse avec anxiété.


Vechna sourit, attendri quand Bhaal se considéra comme le père de l'enfant, de sa propre initiative. « La mort est une expérience des plus traumatisantes, celle de Père Chacal a du être effroyable par delà l'entendement. »

Son sourire s'éclipsa à mesure qu'il semblait songer à des choses moins inspirantes. Il se leva, réfléchissant à voix haute en faisant les cent pas dans sa chambre qui devenait étroite pour trois. «  Ainsi c'était un culte de Rovagug. Je dois avouer que je n'y aurai jamais songé. Peut-être que Père Chacal exigeait des sacrifices et profitait des ressources de la guide pour se procurer aussi bien des fonds que des gens à tuer. »

Il s'arrêta net pour venir se placer devant Alia. « Nous accueillerons avec bienveillance votre enfant quant elle arrivera, soyez assurés que nous vous attendrons le temps qu'il faudra. Vous comme moi savons comme il est important, quand on peut en avoir, d'avoir des parents aimants près de soi. »


Alia regarda Vechana reconnaissante. « Merci... Vraiment merci. Oui, les parents sont importants, mais... nous n'en avons jamais eu. Comment savoir si on fait bien ? comment allons-nous faire ? Et si on fait mal ? Si nous ne savons pas être de bons parents ? Si elle ne nous aime pas ? Si on se trompe et qu'on fait tout de travers ?  »

A nouveau le rythme de parole de la jeune femme augmentait avec l'angoisse, les mots se pressaient dans sa bouche alors qu'elle se rendait compte qu'elle n'avait aucune idée de ce qu'était une mère ou un père. Comment devenir ce qu'on ne connaissait pas ?


Vechna paraissait déconcertée par les questions d'Alia. «  Je ... je ne sais pas. Le plus difficile, c'est de gérer un bébé, mais elle n'en est plus là. Ce que vous lui proposerez ne pourra être que mieux que ce qu'elle a eu. Vous n'aviez jamais fait la conquête d'une ville, et vous y êtes parvenus. Vous avez réussi à devenir libres, ce que vous n'aviez jamais été. Il y a toujours une première fois. Vous êtes des individus aimants, qui avez souffert de votre passé, et des hommes. Vous n'avez peut-être l'expérience des enfants, mais vous êtes sur une voie pleine de bonnes intentions. Le temps fera le reste. »



« Voilà, j'allais le dire, ma belle, »fit le géant rouge en accentuant le poids de son bras autour des épaules de la jeune fille, « Moi aussi j'ai un peu peur, tu sais... Mais Vechna a raison, même si la petite est bien traitée, ce qu'on a à lui proposer ne peut pas être pire que l'esclavage. Et puis il y aura nos amis... Et Kelmarane va se peupler, des colons viendront avec leur famille... Au pire, on prendra une nourrice pour nous montrer. Je ne m'inquiète pas trop, » fit-il en souriant avec bienveillance.

« Et puis, bordel ! » Eructa-t-il soudain, faussement en colère, « On a affronté des gnolls et des démons, et même des trucs pires que ça, on ne va pas se laisser intimider par une gamine de sept ans, non ? Déjà qu'on avait peur de notre maison vide, souviens-toi... Ça devient ridicule. On est tout aussi capables de faire ça que n'importe qui. Faut juste qu'on apprenne. »


Alia eut un petit sourire devant l'emportement soudain de Bhaal, il avait raison bien sur mais elle ne pouvait s'empêcher d'avoir peur. « Vous avez raison tout les deux. Je m'inquiète sûrement pour rien, tout se passera bien. Merci à vous, Vechna, merci pour tout. »

Elle se laissa aller contre le corps sécurisant de Bhaal qui l'enserrait.


Un peu gêné, Vechna s'approcha à son tour. « Ne vous en faites pas ! Aimante comme vous êtes, l'instinct maternel prendra vite le dessus. Je vous avertirai dès qu'elle sera arrivée, et la soignerai si elle est blessée. Prenez soin de vous en attendant, » dit-il en les raccompagnant doucement vers la sortie.

La suite ici.

Modifié par un utilisateur dimanche 1 octobre 2017 10:06:04(UTC)  | Raison: Non indiquée

Bhaal reste à l'ombre en BM-96 | Zorg allume le feu en S-210 | Darmrok fait la guerre en N-211
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Offline Guigui.  
#83 Envoyé le : mardi 26 septembre 2017 22:13:19(UTC)
Guigui
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Célestin et Almah : Mise en garde


30 Sarénith 4709 - Palais des Maîtres du Pacte, début de matinée


élestin s'était levée tôt ce matin, comme il avait toujours eu l'habitude de le faire au palais des Roveshki. Il aurait été tenté de rester allongé auprès de sa dulcinée, mais il avait à faire. Et notamment, il devait aller voir Almah, et discuter avec elle. Aujourd'hui, il n'y aurait ni le prince Jawad, ni Alia, ni Bhaal pour veiller sur elle. Aujourd'hui, il faudrait qu'elle soit particulièrement vigilante, et qu'elle ne sorte pas de l'enceinte du palais des Maîtres du Pacte - du moins, pas sans une forte protection.

Il termina de se préparer, et jeta un œil au passage au travail qu'il avait entamé hier. Il avait bien avancé grâce à l'aide d'Agathe, et s'il avait le temps, il devrait pouvoir le terminer ce jour. Mais pour l'heure, ce n'était pas le plus important. Il se tourna vers Jyll. « Je vais aller voir Almah, my dear. Alors, qu'as-tu décidé ? Acceptes-tu son invitation à nous rejoindre ? »


Jyll semblait gênée et lui prit les mains tout en s'approchant de lui. « J'en serai très heureuse, mais je ne voudrais pas empiéter sur votre territoire, je ne sais pas si c'est un test qu'elle me fait, qu'elle te fait, qu'elle nous fait, ou s'il n'y a pas de test du tout ! Vous passiez vos journées ensemble, et maintenant vous ne partagez plus que les victoires et les douleurs, je me dis que ce temps vous serait peut-être plus profitable à vous deux, pour retrouver votre lien d'avant, l'affirmer à nouveau. »


Un sentiment de fierté gonfla son cœur alors qu'il écoutait sa moitié parler avec sagesse. « Je ne pense pas qu'elle nous teste, my dear. » sourit-il en lui remettant en place une de ses mèches rebelles. « Mais tu as raison, il est peut-être mieux que je la voie seule. Non pas par rapport à toi, mais plutôt par rapport au sujet que nous allons évoquer. J'ai peur que tu te sentes mal à l'aise... »


Jyll lui souriait, encore sur son petit nuage de l'avoir retrouvé, bien en chair, à ses côtés. «  Allez file, le temps vous est compté aujourd'hui. » L'embrassant comme au premier jour, elle partit à la fenêtre pour contempler la beauté des jardins.



Célestin se dirigea vers l'étage, où Almah, pour une fois, était seule, lisant un ouvrage sur la législation au Katapesh. Cette lecture semblait la placer dans une certaine léthargie. Almah portait un ensemble rouge que Célestin lui avait confectionné l'année dernière pour son anniversaire, et leva le nez en l'entendant approcher, lui souriant.

Elle s'approcha de lui avec une joie non dissimulée. «  Tu me sauves d'une lecture utile mais inintéressante à souhait ! » dit-elle en s'approchant pour l'enlacer avec un élan franc.




Célestin embrassa Jyll avant de filer voir Almah. Comme promis, elle lui avait réservé ce moment et l'attendait, seule, comme autrefois. Il sourit et s'avança vers elle tout en admirant l'ensemble qu'il lui avait confectionné l'année précédente. Il l'enlaça, et la détailla de nouveau. « Que ça me semble loin ! » s'exclama-t-il. « Tant de choses se sont passées depuis que je t'ai cousu cet ensemble ! Et pourtant... Pourtant, seule une année s'est écoulée... tout c'est accéléré, comme si le temps s'était soudain contracté... »

Il passa avec tendresse une main sur son visage. « Nous n'avons pas eu beaucoup de temps pour nous ces derniers temps. J'espère... J'espère que nous en aurons plus dans un avenir proche. » Il la regarda dans les yeux, hésitant. Il devait aborder le problème de sa sécurité, il le savait. Mais comment le faire sans la brusquer, sans briser ce moment de complicité ?


Almah soupirait de bonheur dans les bras de Célestin, l'étreignant juste assez fort pour lui faire comprendre qu'elle souhaitait prolonger l'instant sans l'oppresser. «  J'espère aussi mon chou. Je ne pensais que ça serait aussi prenant de gérer et reconstruire une ville, de rendez-vous en rendez-vous, problème après problème, petit pas après petit pas. Pas plus que je m'imaginais qu'en venant ici, nous tomberions sur des situations comme... » Elle ne finit pas sa phrase, se doutant que Célestin comprenait à quoi elle faisait allusion. «  Cette ville est vraiment dangereuse. »


Célestin soupira et garda Almah dans ses bras un moment sans rien dire, profitant de cet instant de bonheur. Il finit par soupirer de nouveau en s'écartant juste assez pour la regarder une nouvelle fois dans les yeux. « Écoute ma chérie... Je... J'ai deux choses importantes à te dire. Et j'ai besoin de ton soutien pour la première. » Il tournait autour du pot, les mots ayant du mal à franchir ses lèvres, redoutant le mal qu'ils pourraient causer. « Je... C'est une question que je ne m'étais jamais posée auparavant. Enfin, pas sérieusement. Je me contentais de vivre auprès de toi, de te servir au mieux, et d'être simplement là pour la personne la plus chère à mon cœur. »

Il marqua un temps d'hésitation. Lui qui n'était pas un guerrier, il aurait préféré mille fois affronter encore la mort plutôt que de vivre la situation présente, tellement il redoutait blesser celle qu'il considérait comme une sœur, et plus encore. « Mais voilà, les choses changent... Nous avons repris Kelmarane, je me suis découvert de nouveaux talents, de nouvelles envies... Et Jyll m'a offert son cœur. » Il déglutit péniblement. « Almah... Je souhaite épouser Jyll... C'est pourquoi je veux retrouver mon nom... »


Le sourire d'Almah était radieux, et sincère, à la mention du mariage de Célestin. Elle semblait avoir bel et bien digéré la chose. Le sourire s'effaça aussitôt quand elle comprit le sujet qu'il remettait sur la table. Elle regardait le sol, comme vaincue. «  Je te comprends, ça doit être difficile et une vraie torture pour toi. Moi, je n'ai jamais pu vivre sans mon nom. Toi, tu n'as jamais pu vivre avec. »

Elle le regarda à nouveau, comme pour accepter la quête de celui qui lui était le plus proche. «  Est-ce que je peux faire quelque chose pour t'y aider ? Tu m'as aidé pendant des années, je suis aussi là pour toi, même si... ça réveille certaines blessures. On ne peut pas toujours fuir les obstacles de nos rêves. »


Le sourire radieux d'Almah trouva écho sur le visage de Célestin, totalement soulagé de l'immense poids qui pesait sur ses épaules. Mais rapidement, son sourire s'effaça à son tour, et son expression se fit plus sérieuse. « Je n'ai pas besoin de ton aide ma chérie. Et j'aurais respecté ton choix si ce que j'avais appris n'était pas si important. Je ne peux pas te laisser dans l'ignorance alors que des ennemis te guettent peut-être. Vois-tu, M'hem a enquêté, et a trouvé des dettes au nom de la famille Roveshki, contractées auprès de la famille Cannoli. Des dettes dont le montant s'élevait à 9000 pièces d'or, ma chérie. J'ignore s'il y a un lien avec le décès de nos frères, mais toujours est-il que cette famille se trouve aussi bien à Katapesh qu'à Solku... et s'ils venaient à réclamer cette dette, ce serait à toi qu'ils s'en prendraient... Et ils ne semblent pas avoir bonne réputation. 9000 pièces d'or, avec tout le temps qui est passé... c'est une somme qui, maintenant, nous sera impossible de réunir. »

Le jeune homme s'arrêta de parler, laissant à la princesse le temps de digérer les informations qu'il venait de lui fournir. Devait-il lui parler de la disparition des corps de leurs familles respectives ? Ou devait-il garder cette partie de l'histoire pour lui ? Il prit le parti de ne rien lui révéler de plus pour le moment, la laissant déjà réagir au premier problème qui se posait.


Almah eut un léger mouvement de recul, comme si la distance l'aidait à se concentrer sur les informations que Célestin lui faisait ingurgiter. Elle soupira à nouveau et leva un sourcil devant les révélations. «  Si ma famille doit cet argent, il faut que je le paye. Peut-être accepteront-ils que je leur règle la base d'un coup et qu'on s'arrange pour les intérêts. Je ne vais pas passer ma vie à me cacher pour une dette qui ne disparaîtra pas d'elle-même, pas plus que je ne vais me mettre à égorger tout le monde pour régler mes problèmes ! »

Dans un bref accès de colère qu'il savait davantage destiné à la situation qu'à lui tant il la connaissait bien, elle se mit à faire les cent pas. «  Nous devrions peut-être éviter de sortir ce matin et se contenter de brosser mutuellement nos cheveux tout en papotant. Mais nous ne pouvons pas en rester là, il faut que je réfléchisse à comment les aborder, et que je tente une négociation. »


Célestin la regarda faire les cent pas, la laissant digérer ces informations et en tirer ses premières conclusions. La négociation, bien sûr... Almah n'était pas femme à se dérober à ses obligations. Il serra les mâchoires comme pour fermer sa bouche hermétiquement alors qu'il lui prenait l'envie de tout lui raconter. Mais non, c'était bien trop tôt. Il soupira. « Je ne t'ai pas tout dit ma chérie. Mhem m'a donné a une deuxième piste. Mais j'aimerais d'abord enquêter dessus avant de t'en dire plus. Tu veux bien attendre un peu avant de prendre une quelconque décision ? »


Prenant la brosse, Almah le regarda d'un air amicalement soupçonneux. «  Tu sais bien que je ne te le refuserai pas. » dit-elle en commençant à coiffer les cheveux de Célestin. « Je vais attendre alors. Et ton mariage alors, qu'as-tu déjà prévu ou planifié ? Je serai heureuse qu'il soit fait à Kelmarane ! »



Célestin se laissa faire avec un soupir d'aise. Il adorait ces moments de complicité où ils pouvaient discuter librement tout en se détendant. « Il sera évidemment fait à Kelmarane ! » sourit-il. « Ce sera sûrement le second, après celui d'Alia et Bhaal. Nous allons faire un sacré retour, ma chérie ! Et pour tout te dire, j'ai hâte que nous soyons de nouveau chez nous. » Il s'amusa de cette expression, alors que jusqu'à il y avait peu, chez lui était Solku. « Je n'aime pas Katapesh. Cette ville est dangereuse, et emplie de mauvaises ondes. J'espère que nous parviendrons à faire mieux avec Kelmarane, afin de partir sur des bases plus saines. »


Almah éclata de rire. «  Oh oui nous ferons mieux, et plus juste ! Et plus sûr ! Je n'ai pas envie de risquer de vous y perdre à nouveau. » L'angoisse montait au visage d'Almah, comme Célestin pouvait le constater d'un furtif regard vers elle par le miroir.

Elle se reprit rapidement, tout sourire. «  Oui, chez nous. Nous en aurons parcouru du chemin en quelques semaines, nous, Aliah, Bhaal, même le Prince à sa façon. La magie de Nemlak et toi semble aussi avoir rapidement progressé, le danger a tendance à nous faire sortir de notre zone de confort, ça a peut-être libéré en vous un potentiel endormi. »


Célestin sourit et, sans se retourner, leva la main pour caresser le visage d'Almah. « En parlant du prince et de chose endormie... » commença-t-il d'une voix amusée. « Je crois bien que tu lui plais, au-delà même de l'aspect pécuniaire potentiel que tu représentes avec la reconstruction de Kelmarane. L'as-tu remarqué aussi ? »



Almah se mit à rougir, détournant presque le regard. «  Oui, j'ai cru remarquer. J'ai l'impression qu'il cherche à être meilleur, à moins que ça ne soit l'éloignement des intrigues de cette ville qui lui fasse cet effet-là. Financièrement, je ne sais pas si il gagne plus en m'épousant ou en en épousant une autre. C'est aussi l'une des raisons pour lesquelles je ne m'emballe pas. Je ne sais pas encore jusqu'où vont ses sentiments, et ses loyautés. Je n'ai pas confiance dans...  » Elle imita en faisant mine d'étirer quelque chose verticalement entre ses mains les longues et fines silhouettes types des Maîtres du Pacte, dont elle ne prononçait pas le nom.


« Je te comprends darling. » la rassura Célestin. « Mais je trouve également qu'il a bien changé par rapport aux premiers jours de sa venue. J'espère seulement que ce n'est pas feint... »

Il se leva et lui laissa la place. « A ton tour. » sourit-il en lui prenant le peigne des mains. Il se mit à la coiffer avec douceur, et poursuivit la conversation. « C'est un bon parti, c'est sûr. Il semble avoir le bras long. Mais tu me connais, ce n'est pas ce qui m'intéresse chez lui. Il se soucie de nous, et de toi. Ce sont des émotions difficile à feindre, aussi je crois qu'au minimum, il a de la considération pour toi, et pour nous. Alors si tu veux mon avis, et si il te plaît évidemment, tu devrais jouer de tes charmes. » lui dit-il avec un clin d'œil dans le miroir.


Almah ne put dissimuler sa surprise devant l'honnêteté de Célestin, non qu'il ait pu avoir l'habitude d'être cachotier, mais parce que le sujet de leurs amours respectifs la mettait toujours un peu mal à l'aise.

« Je veux prendre le temps de voir si ça n'est pas feint. Il semble évoluer pour le mieux, mais j'ai peur de l'arrêter en si bon chemin, comme un homme qui se démènerait à la chasse et qui une fois son gibier obtenu perdrait l'envie de chasser mieux encore. Et si il est franc, il ne me faudrait pas jouer de mes charmes davantage. Il est étrange, j'ai presque l'impression par moments d'être un prétexte à sa métamorphose, comme s'il avait été enfermé dans les magouilles et intrigues de la ville et voyait enfin un moyen légitime de s'en échapper. »


Célestin sourit. « Tu es plus experte que moi en la matière, darling. J'ai toujours vu ces jeux de pouvoir et de faux-semblants de mon rang d'artisan princier, je n'ai donc pas eu à y participer... »

Il continuait à brosser les cheveux de sa princesse en un lent et doux mouvement régulier. « Ce doit être un poids terrible que de feindre d'être quelqu'un d'autre en permanence. Ne pas pouvoir être soi-même, toujours se demander quelle est la meilleure conduite à tenir pour ne pas montrer de faiblesse, et prendre l'ascendant... Je ne pourrais pas... Je n'aurais pas la force... »

Il lui sourit dans le miroir. « Quoi qu'il en soit, si tu dis vrai, alors l'éloigner de la ville et qu'il vienne à Kelmarane est le chemin du renouveau pour lui ! Et je pense que c'est un bon symbole pour ta ville : le renouveau. Une possibilité d'avoir une seconde chance, d'être autrement, dans sa vie... N'est-ce pas là ce que nous enseigne Sarenrae, après tout ? »


Almah concéda la justesse de son raisonnement par un sourire appuyé. « Tu as raison, comme souvent. Je me demande comment va Kelmarane. J'espère que Garavel va bien, comme Khem et les autres. » Célestin put lire l'inquiétude sur son visage alors qu'elle prenait sa main pour la placer sur son épaule, blotissant sa tête contre.

«  Tout ira bien. Il ne peut en être autrement. » Dehors, une légère attention fit sourciller la princesse. «  Si tôt? Ce n'est pas bon signe, nous devrions aller les voir, à moins même que ça ne soit pas eux. Viens, allons-y. » dit-elle en se relevant rapidement, lui prenant la main au passage pour l'y amener au plus vite.

Reprise du RP principal

Modifié par un modérateur samedi 18 novembre 2017 17:37:01(UTC)  | Raison: Non indiquée

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Offline Guigui.  
#84 Envoyé le : mardi 26 septembre 2017 22:14:22(UTC)
Guigui
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Alia et Bhaal : les raisons de la colère


Palais des Maîtres du Pacte, 30 Sarénith 4709, début d'après midi


près avoir fermé quelque peu brutalement la porte et laissé ses amis seuls avec leur nouveau compagnon de route, Bhaal se dirigea d'un pas décidé vers l'intendance pour demander - ou plutôt exiger - qu'on lui affecte deux gardes et deux chameaux pour l'après-midi. Il avait à transporter des marchandises d'une valeur certaine à travers les rues de la cité et, s'il se savait pleinement en mesure de les défendre, il n'avait pas envie de se faire houspiller... Ou pire, voler. Il n'avait pas besoin de bras, il avait besoin d'yeux.

Ceci fait, il retourna dans les appartements qu'il partageait avec sa fiancée et dans lesquels il avait fait entreposer le butin glané à la Source Unique. Il y avait la une bonne dizaine d'armures et le double d'armes, dont celles de Père Chacal et du prêtre de Rovagug. Les esclaves de maison les avaient nettoyées de tout le sang qui les recouvrait, que ce soit celui de leurs anciens propriétaires ou le sien et celui d'Alia. La grande épée qui avait plongé dans le torse de la danseuse, prenant sa vie sous les yeux de Bhaal, était là elle aussi, posée contre un mur.

Un esclave apparut dans l'encadrement d'une porte, de l'autre côté de la pièce, attendant des ordres. Sans faire attention à lui, Bhaal commença à rassembler les armures pour les lier entre elles avec des cordes afin de faciliter leur harnachement sur les chameaux. Ses gestes étaient brutaux, rageurs, et il serrait les nœuds bien plus que nécessaire. L'esclave se précipita vers lui pour l'aider, et peut-être même pour exécuter à sa place cette tâche indigne d'un maître, mais Bhaal le rabroua aussitôt. « Barre-toi ! » Aboya-t-il, et la lueur de ses yeux jaunes n'incita pas le pauvre esclave à protester. Il s'éclipsa à reculons, les mains devant lui et tête baissée, multipliant les signes de soumission. Lorsqu'il eut enfin disparu, Bhaal reprit son travail, toujours de façon aussi brutale. Le cuir des armures gémissait et les armes s'entrechoquaient avec tintements et fracas tandis qu'il les liait ensemble.


Alia n'attendit pas longtemps après l'accord de Célestin et Nedjemibrê pour les quitter et partir rejoindre Bhaal. Elle commença par le chercher dans leurs appartements, espérant qu'il ne soit pas encore parti. Elle traversait les couloirs du palais d'une démarche rapide et soucieuse, Bhaal l'inquiétait, elle ne comprenait pas la colère qui l'habitait depuis leur combat de midi. Il s'était passé quelque chose mais elle ne savait pas quoi.

Arrivée en vue de leur chambre, elle vit un esclave en sortir l'air effrayé, elle haussa un sourcil, interrogative, mais le laissa prendre ses jambes à son cou. Un vacarme sortait de la pièce, entrechoquements de métal, bruits sourds, grognements et jurons de tieffelin.

Elle entra, referma la porte derrière elle sans qu'il ne la remarque. Elle resta un instant immobile et silencieuse à observer ses gestes furieux empreints d'une violence sourde. La violence ne l'inquiétait pas, la danseuse savait depuis toujours qu'elle faisait partie de la nature de son fiancé, mais pourquoi était-il autant en colère. Elle ne parvenait pas à croire que c'était à cause de leur nouveau compagnon de route ni à cause du prince qui le leur avait imposé.

Elle se décida à parler enfin :
« Ces objets n'ont rien fait pour que tu les maltraites ainsi, ni le serviteur qui vient de sortir d'ici effrayé d'ailleurs. » Ne voulant pas envahir son espace, elle resta à sa place alors qu'elle avait enfin son attention. « Qu'est-ce qui se passe ? Pourquoi es-tu autant en colère ? »


Absorbé par sa tâche et assourdi par le vacarme qu'il faisait, Bhaal ne vit ni n'entendit sa compagne entrer, aussi eut-il un sursaut lorsqu'elle parla. Il se retourna, l'air mauvais, mais la vue de sa compagne le calma et le soulagea visiblement. Ses épaules s'affaissèrent tandis qu'il soupirait de soulagement, baissant la tête.

Le demi-démon avisa l'épée du prêtre qu'il n'avait pas encore attachée avec les autres. Il la prit par la lame et se retourna lentement vers Alia en la brandissant comme un prêtre aurait brandi son symbole sacré. « Tu la reconnais ? » Lui demanda-t-il, mais c'était une question de pure forme car il n'attendit pas la réponse. « C'est la lame qui t'a tuée. Je ne dirai pas qu'elle n'a rien fait. »

Il fit alors basculer l'arme horizontalement, la tenant simplement posée sur les paumes de ses mains, comme s'il voulait la présenter à sa compagne, et s'avança de quelques pas vers elle. « Ça t'ennuierait si je la garde ? Célestin dit qu'elle est magique, et je n'aime pas trop la hallebarde que j'avais récupérée à Kelmarane. C'est un peu comme une bardiche, mais sans le long manche qui va avec. Elle est lourde et peu maniable. »

Il laissa passer un instant, hésitant à dire quelque chose. Finalement, il franchit le pas. « Depuis qu'on est revenus, je n'arrive pas à savoir si je préfère la garder ou m'en débarrasser et ne plus jamais la voir. Je... C'est con, hein... Mais j'ai l'impression que si je la garde, plus personne ne te fera du mal. Tu ne risques plus de... » Mais il fut incapable de finir sa phrase.


Alia était décontenancée, elle s'était préparée à affronter la colère de Bhaal, pas son émotion. Elle sentit son coeur fondre alors qu'il n'arrivait pas à finir sa phrase. Elle s'approcha de lui, prit l'arme en main, le regarda dans les yeux et parla d'une voix douce.

« L'arme n'y est pour rien, c'est le prêtre qui la maniait qui m'a tuée. Et tu l'as tué, Bhaal. » Elle prit la main droite de son amant, y posa la lame et referma les doigts masculin autours.
« Garde-la, Bhaal. Mais ce n'est pas parce que tu la gardes que plus personne ne me fera de mal, c'est parce que tu es à mes côtés. Je sais qu'avec toi, il ne peut rien m'arriver de grave. »
Elle leva la main rouge tenant maintenant l'arme et y posa un long baiser.


« Oui... Seules les mains tuent, » murmura le gladiateur sur un ton énigmatique. C'était ce que lui avait dit un de ses frères, au ludus, il y avait fort longtemps. Un étrange petit homme aux yeux bridés, venu d'une lointaine contrée, dans l'Est, et que se battait à mains nues avec une redoutable efficacité. Ce n'est pas l'épée qui tue, mais bien la main qui la tient. Seules les mains tuent. Une fois que tu auras compris cela, géant rouge, tu n'auras plus besoin d'armes. L'homme était mort depuis des lustres, dans l'arène, embroché par une lance. Que penserait-il de ce que Bhaal avait fait, des décennies plus tard, de son enseignement ?

Le demi-démon se ressaisit en même temps que son esprit revenait au temps présent. Il déposa un tendre baiser sur le front de la jeune fille avant de retourner à sa tâche, mais de façon beaucoup plus calme. « Je vais profiter de l'après-midi pour aller vendre tout ce fatras à la Carapace Dorée. Il y en a pour une petite fortune, alors j'ai demandé des gardes en plus des chameaux. On n'est jamais trop prudent dans cette ville de merde. Et puis, la dernière fois, j'avais repéré une armure à laquelle je voudrais rejeter un coup d’œil. Tu veux venir ? »


« Bien sûr. »
Elle regarda un petit instant Bhaal manipuler à nouveau les objets mais de manière plus calme puis soupira.
« Tu n'as pas répondu à ma question, tu sais ? Qu'est-ce qui s'est passé aux Délices de Dalgur pour te mettre tellement en colère ? Ne me fais pas croire que c'est Nedjémibrê Chihili, ça s'est passé là-bas, déjà sur la route tu rongeais ton frein. »


Bhaal s'interrompit dans sa tâche sans se retourner. Alia ne le lâcherait pas tant qu'il ne lui aurait pas dit ce qu'il avait sur le cœur et, si par malheur il s'enferrait dans son silence, il ne parviendrait qu'à lui faire de la peine... Ce qui était hors de question. Il devait s'y faire : ils ne pouvaient rien se cacher l'un à l'autre, et se nourrissaient tous deux d'une absolue honnêteté l'un envers l'autre. C'était l'un des effets inattendus de leur amour fusionnel. Il fallait l'accepter.

« Je... C'est rien, » commença-t-il par dire. « Je veux dire, c'est pas tellement ce type, ni le combat de ce midi, c'est... C'est tout ça, » fit-il avec un geste évasif de la main. « Tout va tellement vite, j'ai parfois l'impression de perdre pied. Toi aussi, je le sais. Mais moi, j'ai mon petit caractère, » dit-il avec un sourire un peu las. « Comme disait Kardswann : "j'ai toujours été violent et agressif". Je suis pas tellement content de moi, si tu veux savoir. Par rapport à tout à l'heure. Donc... Ça me met de mauvaise humeur d'avoir été de mauvaise humeur pour rien, voilà. »


Elle ne put s'empêcher de sourire en écoutant les explications de Bhaal, il avait cependant raison sur un point, elle aussi avait souvent l'impression de perdre pied. Bhaal devenait souvent sa bouée de sauvetage, trop souvent même. Elle fit les quelques pas qui la séparait de son fiancé et se colla contre son torse, l'oreille contre son cœur, comme à ce qui était devenu son habitude.

« Je comprend, oui. Si tu me dis qu'il n'y a que ça, je veux bien te croire, mais... s'il-te-plait, Bhaal, même si ça te semble ridicule, n'hésite pas à me dire quand quelque chose te déplait, je... ne comprend pas certaines choses. Je n'ai jamais eu à faire attention à quelqu'un d'autre que moi. »
Elle redressa le visage et plongea ses yeux verts dans les jaunes de son fiancé, extrêment sérieuse. Puis un sourire mutin éclaira ses traits.

« Un petit caractère ? » Elle gloussa. « Violent et agressif, oui c'est vrai. Un vrai guerrier. » Elle passa un doigt le long du visage du tieffelin, s'attardant sur ses lèvres viriles. « C'est aussi pour ça que je t'aime, mon beau gladiateur. »


Les yeux baissés vers sa compagne, Bhaal sourit en l'enlaçant tendrement. « Et je t'aime parce que tu es la femme la plus belle et la plus douce du monde, » répondit-t-il, « et moi je suis l'abruti le plus chanceux du monde. Pourquoi tu es avec moi, je crois que ça me dépassera toujours. Mais j'ai cessé de me poser la question. »

Il inspira fortement avant de soupirer. « Écoute, je suppose qu'il n'y a que ça. Déformation professionnelle, j'imagine. Au ludus, les nouveaux prenaient toujours cher. Et souviens-toi de nos premières conversations, avant que... Avant qu'on soit ensemble. Le premier soir, près du feu... Tu semblais tellement te contrôler... Pas un mot plus haut que l'autre, tout à fait comme lui. Je voulais voir qui tu étais vraiment, je t'ai dit des trucs horribles pour te faire sortir de tes gonds. Tu es partie pour aller pleurer, seule dans le désert. Piye est passée me voir, après. J'étais... Pas fier de moi. Exactement comme maintenant. Je regrette, mon amour. Je ne te l'ai jamais dit, je sais que c'est pardonné depuis longtemps, mais je regrette, » acheva-t-il dans un murmure. Il ne la regardait plus mais baissait les yeux.


« Chuuuuuuut... tu n'as pas à t'en vouloir. Tu avais eu raison de me dire ça, ça m'a fait mal sur le moment, c'est certain, mais ça m'a fait grandir aussi. Comme lorsque tu m'as dit qu'il fallait que la petite fille devienne la Guerrière, je ne pense pas être devenue Guerrière mais je ne suis plus une enfant. » Elle passa la pulpe de son pouce sur le front du guerrier, doucement, puis sur les paumettes, cherchant à détendre ses traits crispés.

« J'ai bien compris que tu mettais Nedjemibrê à l'épreuve, que tu essayais de le secouer pour voir ce qu'il y avait derrière sa façade d'extrême politesse et je ne pourrais pas t'en vouloir pour ça, mais c'est justement ça que je n'ai pas compris. Il ne s'est pas démonté, il t'a répondu de manière qui m'a paru correcte mais tu étais encore en colère. C'est cette colère que je ne comprend pas. Je ne m'attendais pas à ce que tu lui tapes dans le dos mais au moins que tu retrouves ton calme... »


« Boarf, » fit le géant en haussant les épaules, « C'est bien parce qu'il ne s'est pas démonté que ça m'a énervé encore plus. Il n'y a pas de bonne manière de répondre. Tout ce que je voulais, c'était le voir lui, pas cette image bien propre qu'il donne de lui. On part en expédition demain, et on ne sait pas ce qu'il va se passer. J'aime savoir avec qui je me bats. Mais ce bonhomme, j'ai l'impression que j'aurais pu lui taper dessus, il n'aurait pas renoncé à son espèce de calme à la con. Une vraie statue. On dirait qu'il est encore plus froid que Nemlak. Il me fait un peu flipper. »


Alia secoua légèrement la tête de gauche à droite en le regardant.
« Tu serais resté, tu l'aurais vu perdre son masque. Oh ça a été plus que bref et il s'est immédiatement repris mais il a été décontenancé un instant quand je lui ai dit que je l'aiderai à gagner sa liberté. » Elle leva la main devant elle, prévenant toute interruption. « Et je le ferai. » Elle se détacha de son fiancé, lui tournant légèrement le dos alors qu'elle continua à parler d'une voix plus triste.

« Il n'appartient au Prince Jawad que depuis un an, juste après qu'il ait commencé à avoir sa magie, si j'ai bien compris. Mais il est esclave depuis 16 ans et n'avait pas de pouvoirs avant, il n'avait rien d'autre que son apparence. Je sais ce qu'un maître veut dans ce cas là. »


Bhaal contemplait sa fiancée, silencieux. Une nouvelle fois, sa candeur et sa bonté l'amenaient à aider un quasi-inconnu à qui elle ne devait rien. Comment pouvait-elle manifester une telle générosité, elle à qui on avait tout pris ? C'était là le grand mystère d'Alia et une des raisons pour lesquelles il l'aimait tant et l'admirait. Il y avait là des leçons à tirer pour sa propre vie, lui qui avait si longtemps été totalement centré sur son malheur.

Mais la dernière remarque d'Alia le tira de ses pensées. « Tu veux dire que... Il s'est fait prendre les fesses pendant quinze ans ? Putain... Je préfère avoir été gladiateur... » Sans aller jusqu'à éprouver de la compassion pour l'homme à la peau d'ébène, Bhaal admettait qu'un tel passé justifiait qu'on arbore un masque. N'était-ce pas ce même masque dont se parait Alia quand elle dépassée par ses angoisses ?


Elle regarda à nouveau son fiancé avec un sourire las. « Je ne sais pas ce qu'était sa vie ni ce qu'on a exigé de lui. Mais je ne connais pas un seul esclave avec la moitié de sa beauté qui n'est servi son maître ou maîtresse de manière intime. Et ce n'est pas parce que c'est une maîtresse que c'est plus facile. »

Elle revint vers son fiancé et releva son visage pour bien le regarder. « Je ne dirais pas que Gladiateur était plus facile mais puisqu'on reparle de notre première conversation, je te le disais, toutes les blessures ne laissent pas de cicatrices visibles. »

Elle posa un bref baiser sur les lèvres de son fiancé et ajouta « Laisse-lui une chance. »


Le géant rouge fixa la jeune fille et, après un instant, hocha la tête. « D'accord, d'accord, je vais lui foutre la paix, à ton protégé. J'espère juste qu'il saura ce qu'il doit faire quand ce sera le moment... »

Il reporta son regard sur les chapelets d'armes et d'armures à moitié encordés. « Bon, allez... Tout ça ne va pas se faire tout seul et j'aimerais autant partir tôt. On a une longue transaction à faire avec ce type, là... Malthus... Le gérant de la Carapace Dorée, tu te souviens ? Un demi-elfe borgne avec un bandeau rouge ? Bref. On en a pour toute l'après-midi, je pense. »

Modifié par un utilisateur dimanche 1 octobre 2017 09:49:35(UTC)  | Raison: Non indiquée

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Offline vaidaick  
#85 Envoyé le : lundi 4 décembre 2017 17:48:46(UTC)
vaidaick
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Célestin, Jyll et Agathe : Du réveil à la messe


5ème Érastus 4709 - Du Palais des Maîtres du Pacte au Temple de Sarenrae, matinée


Jyll sentait bien que Célestin n'avait pas tout dit, mais comme la femme compréhensive et réconfortante qu'elle était, s'était contenter de l'enlacer et de le chérir jusqu'à ce qu'il s'endorme, d'un sommeil lourd et profond. Au réveil, Jyll le regardait, allongée de côté, en ricanant.

« Tu ronfles. Tu devais être exténué... » Elle passa sa main dans les cheveux de Célestin, tout en s'approchant de lui. « Hier, tu n'as pas dit le plus important. As-tu trouvé ton nom ? » Elle essayait de sourire malgré l'incertitude de la question et le risque de rappeler à son aimé sa douloureuse soirée.

Jyll concentra son attention derrière Célestin et sembla prendre peur, se reculant d'un bond en attrapant les draps comme une armure, laissant Célestin nu comme un ver. La créature, de petite taille malgré son corps humanoïde, s'envola du perchoir d'Agathe pour venir faire du vol stationnaire juste devant eux, au dessus du lit. « N'ayez pas peur, c'est moi, Agathe ! Je ... je ne comprends pas ce qui m'arrive ! »



Célestin se réveilla d'une nuit sans rêve. Il s'était rapidement assoupi après un bon bain relaxant, et se réveillait plutôt reposé, alors que, compte tenu des évènements de la veille, il s'était attendu à faire cauchemars sur cauchemars, et à se retourner dans son lit toute la nuit. Commençait-il à s'habituer aux combats, aux meurtres, à la mort ? Jusqu'à quel point ses aventures l'avaient-elles changé ? Il se remémora une phrase de Vlausta : « Je pense que trop de combats vous joue des tours Célestin, beaucoup de gens sensés ne se risqueraient pas contre des créatures-garous sans une très bonne raison. » Il n'avait jamais eu à risquer sa vie jusqu'à peu. Mais depuis Kelmarane, c'était presque devenu son quotidien. Et pire, il en arrivait presque à trouver ça normal. Autrefois, jamais il n'aurait pu s'endormir en sachant qu'un puissant magicien comme Xul rôdait encore. "Autrefois", et pourtant, ce n'était que quelques mois en arrière...

Il se rendit soudain compte que Jyll le regardait et lui avait parlé, mais, perdu dans ses pensées, il ne lui avait toujours pas répondu. « Oh ! Euh... Pardon my love, je... J'étais ailleurs... » lui sourit-il, comme pour la rassurer. Il s'apprêtait à répondre à sa question, lorsqu'elle regarda derrière lui, et lui arracha les draps en reculant d'un bond. « Qu'est-ce que...? » balbutia-t-il en se retournant, prêt à incanter le premier sort qui lui venait à l'esprit pour les défendre contre un assassin, ou que savait-il d'autre. Mais il ne s'agissait nullement d'un ennemi, seulement de... « A... Agathe ? Mais... Mais.... Qu'es-ce qui...? » T'arrive... Elle vient de le dire, elle n'en sait rien ! Ressaisis-toi ! Il fronça les sourcils, regardant autour de lui. La voix correspondait bien à son amie, mais son corps ! Ses ailes demeuraient celles d'une colombe, tandis que sa tête et son corps était devenu celui d'une femme ! Tout son corps ? Non... Ses pattes conservaient leur apparence de volatile. Mais quel était encore ce maléfice ?
« Oh mon ange ! » dit-il avec compassion en reportant son attention sur elle. « Je... Je ne comprends pas non plus, mais... Nous allons trouver ! Nous allons comprendre ! Laisse-moi juste le temps de m'habiller, et allons au temple de Sarenrae ! Il y a forcément une explication ! »
Il jeta un regard un peu perdu à sa compagne, puis se leva d'un bond. Tant pis pour les ablutions du matin, l'affaire était urgente ! « Mon Soleil, tu viens avec nous ? Je te raconterai le reste en cours de route ! » dit-il tout en s'habillant en hâte. « Tu ne te souviens pas avoir user de magie de métamorphose, mon ange ? Tu n'as rien fait de particulier dont tu te souviennes ? Et... Est-ce que ça te fait mal ? »


Jyll s'habilla rapidement, attrapant ses vêtements de la veille avec précipitation. Agathe, ou ce qui semblait être Agathe, réfléchissait aux questions de Célestin. « Non ! J'ai ... je me suis réveillé et j'ai senti ce pouvoir en moi. Je me sens comprendre la magie mieux qu'avant. C'est très déstabilisant de me voir ainsi ! » dit-elle en se regardant bouger dans le miroir. Tandis que Célestin rassemblait ses affaires pour aller au Temple, un détail le fit rapidement tiquer. Le sac qui contenait le corps du défunt familier de Vlausta n'était plus là. Plus là du tout.


Célestin resta quelques secondes penché au-dessus de son sac. C'était évident, le petit corps n'y était plus. Et pourtant, il observait, comme s'il allait réapparaitre subitement de nulle part. « Le... Le familier de Vlausta... Il a disparu ! » finit-il par articuler en regardant Agathe comme si elle pouvait lui apporter la moindre explication... ce qui n'était évidemment pas le cas ! « Je... Il... y a peut-être un rapport... » Il secoua la tête, visiblement perturbé. « Allez, dépêchons-nous ! » dit-il en sortant en trombe, Jyll et Agathe à sa suite.


Les locataires comme les esclaves semblaient s'inquiéter de ce soudain remue-ménage, mais Célestin parti si vite accompagné de ses dames que nul n'eut le temps de lui poser la moindre question.


Parcourant les rues comme un citadin, semblant se faufiler dans les rues comme un natif du coin, il se dirigea jusqu'à l'Église, où les gardes le reconnurent. S'arrêter un instant lui permit de voir comme la rue dévisageait dans son ensemble la nouvelle Agathe, comme une créature exotique, rare, et avec un prix. Il rentra d'autant plus vite, accédant à la Nef ou Nilasan et Vechna priaient ensemble. Nilasan sembla prêter l'oreille, mettant une main devant son front pour mieux le discerner, tant sa malédiction brimait sa vision. Elle posa l'autre main sur l'épaule de Vechna, pour attirer son attention vers Célestin, auquel elles faisaient signe d'avancer.


Ce ne fut qu'une fois en ville que Célestin se rendit compte que dans sa précipitation, il n'avait prévenu personne d'où ils allaient, de ce qui arrivait, et qu'ils se baladaient dans les rues de Katapesh sans escorte, avec tous les regards de convoitise que l'étrange changement d'Agathe amenait.

Mais ils parvinrent sans encombre jusqu'au temple. Pendant tout le trajet, il s'était posé la question de la nouvelle nature d'Agathe. Évidemment, elle n'était plus physiquement un animal - d'autant plus qu'avant cela, elle n'en était déjà pas tout à fait un dans le fond. Aucune créature magique de sa connaissance n'avait cette forme-là non plus. Il y avait bien les agathions qui avaient des caractéristiques à la fois humanoïdes et animales, et notamment l'avoral, auquel Agathe sous cette forme particulière ressemblait un peu en version miniature. Mais aucune de ses idées ne le satisfaisaient totalement.

Il se dirigea rapidement vers Nilasan et Vechna, tentant de ne pas se montrer trop affolé. « Bonjour. Veuillez m'excuser de vous déranger en pleine prière, mais nous avons un petit problème... » Il tourna son regard vers Agathe en poursuivant. « Jusqu'à cette nuit, Agathe était une colombe. Une colombe particulière, certes, mais physiquement, c'était une colombe. Or là... Elle s'est réveillée ainsi ce matin, sans qu'aucun de nous ne comprenne ce qui lui arrivait... » Se tordant un peu les doigts d'angoisse, il les regarda tour à tour. « Sauriez-vous ce qu'il lui arrive ? »

Toutes deux regardaient vers Agathe, prises d'une certaine perplexité.

«  Je n'ai jamais vu espèce semblable, mais comme vous l'aviez dit, vous êtes doués de pouvoirs magiques particuliers, ainsi que votre famille. Si un esprit ou une entité veille sur vous, il est possible qu'elle est accordée sa grâce en décuplant les facultés de votre colombe, comme une bénédiction. Ou que quelqu'un veille sur vous. »



Vechna ajouta en regardant attentivement Agathe. «  Ou que cet oiseau n'en a jamais vraiment été un, et se révèle, peut-être malgré lui, sous son vrai jour. Cela arrive avec certains serviteurs des Cieux, envoyés en mission. Resterait à savoir laquelle, si c'était ça. »



Célestin hocha la tête aux deux réponses, l'air un peu perdu. « Si ce n'était qu'une question de pouvoir, Agathe en gagnait déjà en même temps que moi. Il n'y avait pas lieu de changer sa morphologie. Je... Je ne sais pas trop, mais... Je me disais qu'elle ressemblait un peu à un avoral. De la taille d'une lyrakien. Et puis... Elle a toujours été spéciale. Peut-être... Peut-être avez-vous raison, Vechna. Peut-être est-elle envoyée par les Cieux... Je l'ai toujours appelée mon Ange, parce que c'est toujours ainsi que je l'ai vue. Peut-être n'est-ce pas qu'un surnom... » dit-il en posant un regard aimant sur la petite créature qui s'était posée, comme à son habitude, sur son épaule.
« Peut-être... Je ne voudrais pas déranger plus, mais... J'ai besoin de savoir. Nous avons besoin de savoir. Pensez-vous que le Père Adrastus pourrait nous recevoir ? »


Nilasan se dépêcha, courant vers la partie du temple où se trouvait l'homme à la fonction la plus haute du lieu.

Vechna observait Célestin, lui souriant avec gêne. «  Je n'ai toujours pas de nouvelles de la créature qui m'a ... qui doit vous amener la fille d'Alia. »





L'homme arriva rapidement, les traits plissés par la contrariété. Il toisa Célestin de haut en bas avant de se radoucir comme s'il venait juste de le reconnaître. « Célestin, soyez le bienvenue. C'est la personne dont me parlait Nilasan. C'était votre familier, qui a ... changé. » Agathe hoche de la tête sans prononcer un mot, inquiète quant au regard inquisiteur du Padre. « C'est une bien étrange créature que vous amenez ici. Les familiers gagnent souvent en facultés mentales quand le lien s'établit avec leur maître. Là, il y a une sorte d'énergie latente étrange. Cette créature ne m'est pas connue, on dirait un mélange improbable entre une créature du plan des Cieux et celui de l'Air. C'est très surprenant ! Et elle ne se rappelle de rien ? »


Célestin regarda Nilasan partir en courant, se disant qu'il n'aurait jamais osé en faire autant lorsqu'il officiait au temple de Solku - sauf urgence vitale, bien entendu. Vechna le sortit de sa réflexion, et il la regarda d'un air gêné. « Oh... J'espère que ça ne vous causera pas d'ennuis... Mais j'espère aussi que nous aurons rapidement des nouvelles. Le Prince Jawad et la princesse Roveshki envisagent de retourner rapidement à Kelmarane... » S'il était déjà inquiet pour Agathe, son inquiétude redoubla pour Alia et sa fille.
Mais bien vite, son attention se reporta sur le Père Adrastus, qui arrivait, l'air mécontent. Toutefois, son air se radoucit en les voyant, et Célestin s'inclina bien bas. « Monseigneur, veuillez me pardonner pour le dérangement, mais je me suis naturellement tourné vers mon temple pour répondre à mes questions... ésotériques. » Il regarda Agathe suite à la question du prêtre. « Elle ne semble avoir aucun souvenir d'une transition particulière. Elle s'est... simplement réveillée comme ça. »


Il fronça les sourcils sous l'effet de la réflexion. « Cependant, ce que vous me dîtes m'interpelle. Je prie Sarenrae depuis toujours. Et il y a effectivement une puissance supérieure de l'air qui, je le sais depuis peu, veille sur moi... Nefeshti, si vous la connaissez... Vous pensez qu'elle puisse être à l'origine de ce changement ? »


Le vieil homme, constitué comme un géant ulfe malgré son âge, semblait n'avoir aucune certitude. « Pas plus que vous je ne lis dans le cœur des Puissances, mais c'est possible. Je connais l'histoire du génie que vous venez de nommer, c'est à la fois une bénédiction et un sombre présage si elle place en vous sa confiance. Elle est liée à des guerres dans la région qui ont fait leur lot de malheurs. »



Agathe agitait ses ailes, faisant de petits tours comme pour réfléchir dans les airs. « Je ne sais pas vous aider Père mais maintenant que vous abordez cette idée, c'est vrai que je me sens bien en vol, plus encore qu'avant. Je ne sais pas si c 'est lié ou si ce sont ces grosses pattes qui me dérangent au sol ... »



Célestin s'inclina devant le vénérable prêtre. « Eh bien... Je ne vais pas vous prendre plus de votre précieux temps. J'espère que nous aurons des réponses en temps voulu, puisque ce changement a forcément une raison d'être... » Le sorcier se tourna vers Agathe. « Crois-tu que tu pourras te contenter de si peu de réponses ? Sinon, peut-être pourrions-nous investir des moyens magiques pour contacter Nefeshti...? Mais ce sera coûteux... » termina-t-il, visiblement embêté pour son amie.


L'homme observait le juvénile sorcier, avec un amusement que Célestin prit rapidement pour de la nostalgie. Peut-être la vivacité du jeune homme lui rappelait-il ses premiers pas dans le monde dangereux du Katapesh. «  Votre destin ou votre lignée semble avoir de l'importance pour quelqu'un ou pour quelque chose. C'est une bénédiction qui a parfois un prix lourd à payer. Faites attention à vous trois, et pour vous trois. » dit-l'homme, qui semblait lire comme des auras autour d'eux.
Agathe elle, volait en cogitant.

« Je m'en contenterai, tant que je n'attendrai pas aussi longtemps que toi pour savoir! » dit-elle un peu taquine, pour qu'il voit comme elle ne se sentait pas mal.
« Je ... je crois qu'il m'est possible de contacter celui ou celle qui a fait ça. Il faudra que j'essaye quand nous serons au calme un long moment, j'essayerai de communier avec lui ou elle, il faudra que tu me dises Célestin ce que tu voudras que je lui demande. »


Le jeune sorcier regarda son amie, interloqué. « Tu sais faire ça ??? » lui demanda-t-il d'une voix rendue aigue par la surprise. Tentant de reprendre contenance, il reprit sur un ton plus adapté à un temple. « Dans ce cas, nous allons y réfléchir ensemble, mon ange. » lui sourit-il.
Puis il se tourna vers le Père Adrastus. « Merci Monseigneur pour votre aide et vos avertissements. Nous en prendrons compte. Nous allons prendre congé de vous, mais avant, je tiens à porter assistance au temple. Je dispose de capacités de guérison que je peux mettre au service de ceux qui en auraient besoin, si vous permettez que je vienne en aide à vos fidèles. Et j'aimerais également faire un don au temple. » termina-t-il en sortant 10 pièces de platine de sa bourse.
Consacrer deux heures de son temps au temple qui avait tant fait pour eux lui paraissait être un minimum. Il lui faudrait ensuite aller trouver des outils d'artisanat adaptés à la taille d'Agathe : maintenant qu'elle avait des mains, elle pourrait créer ses propres vêtements, et s'habiller comme elle le souhaiterait. Enfin, il voulait se renseigner sur la création d'une école d'art. Mais peut-être devrait-il d'abord voir avec Alia ce qu'elle en pensait. Ensemble, ils pouvaient faire de Kelmarane une ville d'art. Et l'art, c'était un excellent moyen d'éveil spirituel pour la population, sans compter l'attrait que cela provoquait chez les riches...


Le père Adrastus remercia Célestin, et fut étonné par la démonstration de guérison de Célestin, qui soignait les fidèles comme les autres, à la manière d'un puits dont la source ne tarissait pas. «  Votre don sera une merveille pour Kelmarane. »
Célestin eut la joie de mettre ses dons à profit pour des gens qu'ils ne connaissaient pas, et n'avaient aucun ordre à lui donner, aucun danger vers lequel l'envoyer, et dont les yeux trahissaient un profond océan de remerciements.

En revanche, Célestin put s'étonner de recueillir si peu de fidèles. Malgré la proximité de conviction, la plupart des gens semblaient, pour ce genre de besoins, se rendre plutôt chez Abadar, quitte à payer, mais en espérant attirer sa bonne faveur sur leurs finances, centre de la vie de beaucoup de hères.

La création d'une école d'arts semblait intéresser les rues où Célestin portait son verbe, et plusieurs artistes ou apprentis artistes semblaient disposer à quitter la ville pour se lancer à Kelmarane (ou pour y lancer leurs enfants). Restait à voir quand ils comptaient partir, et quand accepter ce genre de candidatures.

Célestin, Jyll et Agathe, quelque peu rassérénés, décidèrent enfin de rentre au Palais, non sans avoir pris les adresses des artistes qui s'étaient montrés intéressés, et leur avoir promis de leur écrire dès que l'école verrait le jour. Célestin avait d'ailleur profité de l'incroyable talent d'un outilleur sylphe pour acheter à Agathe de merveilleux outils de couturier et de joaillier adaptés à sa taille.
Enfin, ils rentrèrent. Ils n'avaient pas vu passé la matinée, et s'étaient absentés bien plus longtemps qu'ils ne l'avaient prévu. A la tête visiblement soulagée de plus d'un esclave qu'ils croisèrent, ils comprirent que leur départ précipité, sans explication, avait dû semer un peu de panique, et que leur retour appellerait certainement des questions. Mais pour l'heure, ils n'aspiraient tous les trois qu'à un peu de repos...

Modifié par un utilisateur lundi 4 décembre 2017 18:13:48(UTC)  | Raison: Non indiquée

Entre ce que je pense, ce que je veux dire, ce que je crois dire, ce que je dis, ce que vous avez envie d'entendre, ce que vous croyez entendre, ce que vous entendez, ce que vous avez envie de comprendre, ce que vous croyez comprendre, ce que vous comprenez, il y a dix possibilités qu'on ait des difficultés à communiquer. Mais essayons quand même. - Edmond Wells.
Offline Lematou  
#86 Envoyé le : mardi 5 décembre 2017 09:41:25(UTC)
Lematou
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4ème Érastus 4709, de retour de l'annexe du Palais des Maîtres


Ce qui semblait être une balade entre un maître et son esclave était en réalité bien plus familier et empathique. Le Prince connaissait son serviteur et voyait bien à sa tête que la soirée était plus terrifiante encore que ce que Célestin en avait dit. Il le voyait à la façon presque imperceptible qu'avait son œil droit de se plisser, d'une légère contrariété. Et une légère contrariété de Nedjemibrê, c'était une grosse contrariété pour le commun des mortels.

« Je suis heureux que tu sois toujours vivant. Et eux aussi, car la Princesse tient beaucoup à Célestin, plus qu'à tous les autres réunis, moi y compris. On te doit certainement une fière chandelle. Comme tu le sais, je souhaitais te libérer ton travail accompli à Kelmarane, mais cette demi-orque me permettrait, en prenant ta place à mes côtés, de te libérer avant qu'on ne parte, si elle accepte. Ça te permettrait de choisir d'y aller, tout comme ça te permettrait de gagner ta vie en homme libre. La Princesse a des alliés, mais en a-t-on jamais assez? » Avant même qu'il ne puisse répondre, le prince leva la main pour ajouter quelque chose, d'un geste théâtral que Nedjemibrê savait être la manifestation d'un faux oubli.
« J'oubliais avant ça, y a t'il quelque chose que je dois savoir sur ce qui s'est passé et qui n'a pas été dit? »

À l'évocation par le Prince de sa libération, Nedjemibrê ne put empêcher son cœur de faire un bond. S'il fit tout son possible pour n'en rien laisser paraître, il était certain que Jawad le perçut - l'homme était trop fin pour rater l'expression d'une telle émotion. Avant de répondre, l'homme à la peau d'ébène pris un temps de réflexion ; en réalité, il profita de ce temps pour se calmer et reprendre contenance. Nedjemibrê se douta que le Prince jouait sur ses émotions pour mieux lui faire vider son sac. Mais il ne lui en tint pas rigueur. De toute façon, il n'y avait pas grand chose d’omis à révéler :
« Rien qui soit d'une grande importance, Prince. Célestin a épargné certains détails macabres à la Princesse... J'aurais fait de même à sa place... Il y a tout de même quelques faits qui méritent d'être détaillés, votre Grâce. Comme vous l'apprendrez bientôt, au plus tard le jour de son mariage, je pense pouvoir vous révéler le patronyme, de Célestin découvert grâce à Vlausta : Kracauvitch. Une vieille famille Ustalavienne. Je vous le dis car ce nom a peut-être des implications que nous ne soupçonnons pas... Ou que Vlausta ne nous aura pas narrées. Mais je pense que s'il y a danger, c'est de l'organisation thuvienne qu'il émanera. Vlausta nous a lié à sa mort et, même si ce Xul n'en a rien vu, nous faisons des coupables idéaux. Migawala en est la seule témoin. Si l'organisation décide de se venger... Cela pourrait aussi retomber sur la Princesse ou même sur vous. Je pense qu'il faut se renseigner sur eux au plus vite, pour être prêts.  »

Nedjemibrê marqua une pause, réfléchissant. Régler avec le Prince la question des derniers évènements en premier lui permettait de tempérer l'effet de la griserie que les mots « choisir » ou encore « homme libre » avaient provoqué.

« Même si la menace me semble moindre que celle de l'organisation thuvienne, il faudra aussi porter à l'avenir votre attention sur la famille Canoli - du moins s'il reste des survivants, votre Grâce. Vlausta leur a arraché la reconnaissance de dette par le meurtre et la contrainte. Maintenant qu'il est mort lui aussi, ce qu'il reste de la famille pourrait vouloir exercer sa vengeance sur ceux qui lui sont liés, de près ou de très loin... Reste le corps que nous avons ramené : la dépouille de Pryia Akashite. Nous ne savons pas grand chose sur elle, si ce n'est qu'elle a servi Vlausta loyalement. Certainement moins longtemps que Migwala, mais peut-être pas de la même façon, ni pour les mêmes besognes... C'était une magicienne puissante. Quoi qu'il en soit, à la fin, comme l'a raconté Célestin, elle nous a sauvé alors que nous étions coincés entre deux feux. Aussi, Prince, avec votre permission, je pense lui offrir les derniers rites demain ; c'est le moins que je puisse faire. »

Nedjemibrê laissa à nouveau filer un instant, puis, le plus humblement qu'il lui était possible, il remercia le Prince : « Je vous servirai tant que vous le jugerez nécessaire, votre Grâce. Sans votre protection, je serais mort ou manchot... Si Migwala accepte votre proposition, c'est avec joie que je me rendrai à Kelmarane en homme libre afin d’épauler la Princesse dans la reconstruction de la ville - si tel est son désir. L'aventure que j'ai eu avec ses conseillers m'a montré à quel point ils étaient dignes de confiance et capables. Je serai honoré de pouvoir œuvrer avec eux, en homme libre... » Nedjemibrê se tu, pensif. Et peut-être aurais-je alors l'opportunité de chercher Eorwë... Ou... De savoir d'où je viens...

Le Prince attrapa son menton, plongé dans d'intenses réflexions.
« Karçauvitch ... ça ne me dit rien. Il faudra voir avec Migwala ce qu'est cette organisation, et si elle pense qu'on peut négocier. Si on a son témoignage sous serment magique et qu'on peut payer ou être tranquille, ça peut en valoir la peine. Et tu as raison, ça vaut le coup de se renseigner. Les Canolis, on devrait pouvoir leur faire comprendre qu'on les a débarrassé de celui qui en a tant tué. On paye la dette en passant sans les intérêts, et on devrait pouvoir être biens. Pour cette Pryia, j'ai foi en ton jugement, si tu estimes qu'il faut le faire, fais-le, et dis au clergé que je paierai ce qu'il y a à payer. Je t'aurais bien dit de lui enlever ses possessions magiques pour mieux assurer ta propre survie mais je crois que tes croyances vont contre ça. Ce que je respecte aussi. J'irai essayer de voir cette Migwala demain. Quelqu'un la suit déjà pour savoir où elle va crêcher. »

Nedjemibrê esquissa un sourire, comme pour lui-même, évitant de sourire directement au Prince :
«  Oui, il faut être prudent, votre altesse.  » Puis, prenant un air sibyllin, Nedjemibrê se tourna vers le Prince Jawad, et, parlant de Pryia, déclara : «  On ne sait pas de quoi elle pourrait avoir besoin dans le Grand Au-Delà... Et certaines de ses possessions lui sont peut-être très précieuses... Elle voudra alors les avoir, là-bas... »

« En tout cas, je vous remercie en son nom, vôtre Grâce.  »Changeant de sujet, Nedjemibrê affirma au Prince, presque chuchotant, plus par habitude que par précaution : « Votre grâce, si vous avez besoin de moi pour délivrer discrètement de l'or ou des messages, il faudra en profiter tant que nous sommes encore ici. Je pense à la famille Canoli. Vous savez que ce genre de tâche m'est facile... » Sur un ton d'excuse, Nedjemibrê ajouta : « Mais si votre grâce me l'autorise, j'aurais besoin de ce qui reste de cette nuit pour me reposer avant... »

Et sur un ton plus badin, peut-être un tantinet effronté, tout en cheminant au côté du Prince, l'homme à la peau d'ébène demanda : «  Que cela arrive bientôt ou plus tard, je suis curieux de savoir comment vous allez présenter l'offre de mes services à la Princesse, votre grâce... Ou plutôt, pardonnez ma franchise mais... Y aura-t-il quelques termes ou conditions sous-jacente à votre offre ? Ce que je comprendrai et ne remettrai pas en question, votre grâce. Mais comprenez ma curiosité ; cela fait tellement longtemps que je suis... que je suis de service qu... qu'il m'est difficile d'envisager ma libération sous le jour d'un acte gratuit... »

Au fur et à mesure de son interrogation, le ton de l'homme à la peau d'ébène était devenu de moins en moins badin. Il espérait n'être pas aller trop loin mais il avait besoin de savoir... Aussi avait-il pris le risque. Nedjemibrê n'osa pas regarder le Prince en face. Marchant toujours aux côté de son maître, l'obligé du Prince Jawad guetta sa réponse, du coin de l’œil.

«  Tu peux te renseigner sur ces Thuviens, mais des Cannoli, j'en fais mon affaire. Le développement de Kelmarane nous met dans les bonnes grâces des Maîtres du Pacte, je pourrais en jouer aisément pour leur faire comprendre qu'il faut tourner la page. » Il se tourna vers Chihili, le regardant droit dans les yeux. «  Je n'ai rien prévu pour toi là-bas. Nemlak va se vouer au commercer et à ses recherches au Temple de Nethys, il ne sera plus disponible pour d'autres choses. La Princesse a vu comme tu peux t'entendre avec les siens, elle en profitera, dans le bon sens du terme. Je n'ai pas prévu d'offre pour toi, c'est à toi de savoir ce que tu voudras offrir. Ce que je sais pas contre, depuis le début, c'est que quelqu'un qui peut déplacer de lourds objets par la pensée comme tu le fais est l'atout le plus inestimable pour développer une ville vite, et à moindre coût. Même les ouvriers te verront comme un saveur par les dos que tu épargneras. » dit-il en souriant.

«  Je pense aussi que cette ville, un peu comme Solku, sortira du lot. Bâtie par d'anciens esclaves et des proches d'esclaves, elle ne risque pas d'avoir le goût prononcé pour le marchandage de la chair, même s'il risque d'être présent.  »

Le Prince venait d'assurer qu'il n'y aurait pas de contrepartie cachée. Nedjemibrê voyait quant à lui, dans cette proposition, un intérêt sous-jacent du Prince : plaire à la Princesse en lui présentant un ouvrier utile. Mais après tout, à quoi bon faire la fine bouche ? Et puis l'idée plaisait à l'homme à la peau d'ébène. Construire... Défaire, reconstruire... À l'évocation par le Prince de ce qui l'attendait sans doute à Kelmarane, Nedjemibrê se mit à repenser avec nostalgie aux années passées parmi les Badawis. Établir un campement temporaire pour quelques nuitées, puis le démonter pour bouger à nouveau. C'était un mode de vie que l'obligé du Prince avait réellement apprécié. S'il n'avait jamais aidé à construire autre chose que des tentes ou des facilités provisoires, l'idée de bâtir quelque chose de plus pérenne, de plus monumental lui parlait étrangement. Sans savoir trop pourquoi, il y avait là pour Nedjemibrê quelque chose qui touchait au sacré... Et si les notions en maçonnerie et en ingénierie de l'homme à la peau d'ébène, couplées à sa capacités à diriger les objets par sa seule volonté, avaient pu être utiles aux Badawis, Nedjemibrê se sentait dorénavant capable de les utiliser à plus grand échelle.

Quand le Prince eut fini, son obligé hocha du chef : « Qu'il en soit ainsi, votre Altesse.Votre générosité vous fait honneur ; l'âme qui partira pour le Grand Au-Delà demain vous en saura certainement grée... Et une fois les derniers rites apportés à la dépouille de dame Akashite, j'irai quérir des informations sur Xul et l'organisation thuvienne, votre Grâce. » Sur ces paroles, Nedjemibrê se mura dans le silence, le visage bloqué dans un demi-sourire, l’œil rêveur. Libre... Bientôt... Et à moins que le Prince ne le sollicita, c'est ainsi, joyeux et silencieux, qu'il trotta à ses côtés, le pas léger, jusqu'au palais.

Le Prince observait Nedjemibrê, et avait l'air touché (ou de se jouer) des sentiments qu'il tentait de dissimuler.
«  De rien. Je préfère l'enterrer elle que n'importe lequel d'entre vous. Va te reposer, même le soleil a besoin de repos chaque jour. Bonne nuit Nedjemibrê. »

L'air las mais l’œil indéniablement pétillant, Nedjemibrê hocha à nouveau du chef : «  Bonne nuit, votre Altesse. »
Offline Guigui.  
#87 Envoyé le : dimanche 21 janvier 2018 10:31:36(UTC)
Guigui
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Nedjemibrê, Célestin et Agathe : L'enterrement de Pryia


5ème Érastus 4709, début de soirée - Katapesh, temple de Pharasma


Célestin et Nedjemibrê avaient pris congé avec l'aide de quelques serviteurs pour amener la dépouille de Priyah jusqu'au temple de Pharasma. Ce dernier, au sud de la ville, dévoilait un édifice au toit bombé grand, mais sans fioriture, aux fresques murales extérieures dévoilant les différentes de la vie, puis de l'au-delà, avec les nombreuses destinations de l'âme, des plus heureuses aux plus funeste. Derrière s'étalait des murs qui étaient des arches funéraires et autres caveaux, et dehors des rangées de tombes, avec des morceau de bois pour ceux avec un peu de moyen, et aux plaques de marbre arrondies pour les plus fortunés, tranchaient par leur calme avec le reste de la cité.

Le bâtiment n'était pas gardé, ils passèrent la porte, saisis un bref instant par le volume sonore du lieu qui était bien plus élevé que ce à quoi ils s'attendaient de dehors, là, à leur gauche, plusieurs salles voyaient se mêlaient les cris de douleurs et les expressions de joie, de petites familles, des couples ; et même parfois l'infortune d'avoir nulle présence, entouraient les lits où des prêtres et prêtresses aidaient à mettre au monde.

Le temps de contempler le miracle de la vie, une femme s'approcha d'eux, le regard sérieux, arborant encore sur son crâne les tatouages rituels faits par brûlure de la tribu des Bojwanhi, une tribu kéleshite vivant de trafics d'esclaves et de pillages. « Bonjour, vous êtes les envoyés du Prince ? Soyez les bienvenus. Il ne m'a pas donné le détail de ce qu'il souhaitait, doit-on l'enterrer ou brûler son corps? Souhaitez-vous une cérémonie, une oraison? »


Célestin venait à peine de rentrer à l'annexe du Palais avec Jyll et Agathe métamorphosée, lorsqu'il croisa Nedjemibrê. Il lui adressa un signe de tête, et dit quelques mots à son aimée. « Je dois repartir mon Soleil, j'ai promis d'être présent à la cérémonie d'enterrement de dame Akashite. Je reviendrai vite... A tout à l'heure my love. » Il l'embrassa chastement, et se dirigea vers l'homme à la peau d'ébène, Agathe sur son épaule. « Allons-y ! » annonça-t-il avec un léger sourire de convenance.

Sur le chemin, Célestin expliqua sa disparition soudaine du midi, et la métamorphose encore inexpliquée d'Agathe. Il espérait trouver les réponses, et Agathe pensait pouvoir les quérir directement auprès de la source... Mais ils se devaient de bien y réfléchir, avant d'utiliser ce pouvoir rare et précieux.

Enfin, ils arrivèrent au temple de Pharasma. Ce n'était pas un lieu auquel il était habitué. Il ne connaissait qu'assez peu ce culte, et n'ayant pas eu la possibilité d'enterrer son père, ses frères, ni ceux d'Almah, il n'avait encore eu aucune expérience personnelle à ce sujet. Le peu qu'il en savait demeurait dans les livres, simples connaissances théoriques...

Il regarda la femme s'approcher, et hocha lentement la tête affirmativement. « Bonjour. Je suis Célestin Karcauvitch, conseiller de la princesse Almah Roveshki de Kelmarane. » Il se garda de présenter Nedjembrê, ne sachant quelles étaient ses liens exacts avec le prince. « Nous n'étions pas des proches de dame Priya Akeshite, mais nous avons estimé qu'elle méritait que son âme soit recommandée à Pharasma. Pour être honnête, je n'ai aucune idée de ce qu'il convient de faire pour une étrangère à qui on doit malgré tout probablement la vie sauve... Que nous conseillez-vous ? »


Pendant que Célestin disait au revoir à sa belle, Nedjemibrê ne put s'empêcher de fixer la surprenante créature perchée sur l'épaule gauche du jeune sorcier, place où trônait habituellement Agathe. La chose était gracile, belle à regarder. Mais surtout, il y avait quelque chose en elle de familier pour l'homme à la peau d'ébène... Sans s'en rendre compte, et avant même de penser à demander à Célestin qui pouvait être cette chose, Nedjemibrê apostropha la petite femme ailée d'une voix chuintante : «  మంచి సమావేశం ! నా పేరు సగంచేయికాదు. నాకు గౌరవం ఎవరు ? » Aérien :
À peine l'homme à la peau d'ébène avait-il chuchoté ces mots qu'il entendit Célestin mentionner à sa promise qu'il s'agissait d'Agathe... Agathe ?! C'était donc elle ? Nedjemibrê ne connaissait cet oiseau que depuis quelques jours : autant dire qu'elle lui était inconnue. Et pourtant, cette forme... Un troublant sentiment de déjà-vu s'emparait de Nedjemibrê, sans qu'il puisse préciser sa pensée ou son souvenir... Confus, et se sentant tout de même un peu ridicule de n'avoir pas compris qui c'était, il n'insista pas plus et resta coi le temps que Célestin soit prêt à partir. Mais pendant tout le trajet jusqu'au temple de Pharasma, l'homme à la peau d'ébène, troublé, ne put s'empêcher d'observer Agathe à la dérobée. Il aborderait surement le sujet plus tard. Pour le moment, il y avait d'autres chats à fouetter - ou plutôt, à enterrer...

Le temple de Pharasma n'avait jamais trop impressionné Nedjemibrê, comme s'il avait l'habitude de structures plus majestueuses ou plus imposante. Ou comme s'il était un habitué des rites de la mort... Célestin, qui semblait lui un peu mal à l'aise, avait pris les devants. Peut-être dans l'idée de palier à son trouble ? À la proposition de la prêtresse, Nedjemibrê ne put retenir une grimace de répulsion : «  brûler son corps ?  ». Quelle horreur ! Comment Pryia jouirait-elle de sa vie d'après une fois réduite en cendres ? Et puis cela lui rappelait par trop la terrible fin choisie par Vlausta... Non, ce ne serait pas une incinération. D'un ton d'autorité qui ne lui était pas habituel, Nedjemibrê répondit à la prêtresse : « Salaam, prêtresse. Je suis Nedjemibrê, l'envoyé du Prince Jawad. Nous ne disposons pas d'assez de temps pour rendre hommage à dame Akashite comme elle le mériterait, aussi une oraison suffira. Nous l'enterrerons cependant ( ... et devrons passer outre le rituel de l'ouverture de la bouche et une digne préparation au grand voyage... Puisse Pharasma accueillir avec pitié cette pauvre âme... Après tout, Ses façons ne sont pas celles d'Osiris... ). Et je vous aiderai à la toilette et à la préparation du corps... » Nedjemibrê se tourna alors vers Célestin, lui souriant gentiment : « Ne vous sentez pas obligé de participer à cette étape, si vous ne le voulez pas. »


Célestin sourit à Nedjemibrê. « Je suis là parce que je désire rendre hommage à cette femme qui m'a apporté de nombreuses réponses à des questions qui demeuraient ancrées en moi depuis mon enfance, et à qui nous devons également probablement la vie. Je ne m'égare pas dans le sentimentalisme, je sais pertinemment que ce n'était pas une femme de bien... Mais elle m'a suffisamment apporté pour que je lui rendre hommage. Je participerai évidemment à l'intégralité du rituel nécessaire à la recommandation de son âme. »


La femme ne put dissimuler sa stupeur devant le ton autoritaire (passager) de Nedjemibrê. Elle les écouta avant d'intervenir une fois qu'ils eurent finis leur échange. « Je ne pense pas, si sa réputation est vraie, qu'elle était une habituée des bonnes œuvres... mais ça n'est pas à nous de juger cela, c'est à la Dame des Tombes. Souhaitons-lui la clémence. Je vais voir avec les sœurs et frères pour préparer rapidement les rites. »

Un serviteur vint leur ramener un thé au jasmin, le temps qu'ils patientent. Les adeptes de Pharasma jonglaient ici entre la vie et la mort avec une aisance déconcertante, sans manifester de dégoût ou de peine face à la fin du cycle en cours.
Elle revint avec deux femmes et deux hommes, emportant le corps de Priya vers le jardin, où plusieurs tombes étaient préventivement creusées dans la terre glaise. Conformément au dogme, elle n'était pas entourée à l'écart dans un coin réservé aux parias ou autre, mais bien au milieu de la foule des âmes en route vers le Jugement.
Elle prit alors la parole tandis qu'ils maintenaient le corps au dessus du sol.

« Au nom du Clergé de Pharasma,
Je voudrais vous remercier chaleureusement de votre présence à nos côtés aujourd'hui. En effet, l'accompagnement de cette âme égarée, qui semble sur la fin de sa vie, avoir fait preuve de fraternité, permettra d'adoucir le passage de son âme de l'autre côté. Sa mort, aux circonstances douloureuses et tragiques, nous pousse à nous rappeler la violence et la brutalité qui entourent nos existences, la fragilité du lien qui sépare les deux mondes.
Orpheline, la vie comme la mort ne lui ont fait aucun cadeau, puisse la Dame des Tombes guider son âme au lieu qui lui sierra le mieux. Remercions les présents, comme les absents ayant eu une pensée, un geste pour elle, preuve que son séjour parmi nous ne sera pas passé inaperçu, et qu'l guidera chacun à tirer les enseignements qu'il pourra. »

Elle les regarda, comme pour les inviter, s'ils le souhaitaient, à ajouter quelque chose.


Nedjemibrê fixait, dans une immobilité respectueuse, le corps de Pryia suspendu au dessus de sa future - et éternelle - demeure. ... tu sais bien que ton père se trouve dans la salle de purification, à la charge des mains d'Anubis. Tu ne peux le voir maintenant ! ... Il faut attendre, Nedjemibrê. 32 jours déjà se sont écoulés : il en reste encore 28 avant qu'il ne puisse quitter la Belle-Maison... Ne fais pas l'enfant, Nedjemibrê ! Tu es en âge de comprendre. Reprends- toi ! Arrête de pleurnicher !...

Le regard de la prêtresse, les invitant à réagir s'ils le voulaient, sorti l'homme à la peau d'ébène de sa torpeur. Il hésita un instant, cherchant ses mots, puis, soudain, sans qu'il sache d'où elle venait, sortie de sa bouche une étrange litanie :

«  Հարգանքի տուրք ձեզ, ճշմարտության վարպետ, մեծ աստված: Ես եկել եմ ձեզ, իմ տեր, ես ներկա եմ ձեր մտքի մասին մտածելու համար: Ես գիտեմ, քեզ, ես գիտեմ, քո անունը, ես գիտեմ, անունը հարյուր-քառասուներկու աստվածների, որոնք ձեզ հետ դահլիճում Ճշմարտության, որոնք ապրում են կալանքի տակ մեղքի, եւ կերակրել նրանց օր արյունով - ի առջեւ հատկանիշների գնահատում: Երկակի հոգին սիրուհի ճշմարտության քո անունը, եւ դուք գիտեք, վարպետները ճշմարտության, Ես բերում եմ ձեզ, որ ճշմարտությունը, եւ ես հեռու ձեզ չար:
- Ես ոչ մի չարագործ չեմ արել:
- Ես չեմ դժգոհ իմ հարազատներին:
- Ես ճշմարտության վայրում ոչ մի կեղտոտ բան չեմ արել:
- Ես չգիտեի չարի հետ: Ես չէի վիրավորվել:
- Որպես տղամարդկանց առաջնորդ, ես երբեք չեմ արել աշխատանքից դուրս: Իմ անունը եկել է գերակայության նավակը, իմ անունը հասել է գերակայությունը փառքերը, լիություն ու պատվիրանները. Ոչ վախ եւ ոչ աղքատ, ոչ ցավոտ, ոչ դժբախտ:
- Ես չեմ արել, որ ատում են աստվածներին:
- Ես չհանդիպեցի ստրուկին իր տիրոջ կողմից:
- Ես քեզ սոված չեմ արել:
- Ես չեմ լսում:
- Ես չեմ սպանել:
- Ես հրամայեցի սպանել սատանայի:
- Ես ոչ մի մարդու չեմ ստում:
- Տաճարների դրվագները չեմ տուժել:
Ես չեմ նվազեցրել աստվածներին օծված նյութերը:
- Ես չեմ վերցրել մումիաների հացերը կամ շերտերը:
Ես պոռնկություն չունեմ:
- Իմ կրոնական թաղամասի քահանայի հետ ամոթխած արարք չի արել:
Ես չեմ լցրել, ոչ էլ պակասեցնում եմ մատակարարումը:
-Ես ճնշում չեմ գործադրել մասշտաբի ծանրության վրա:
- Չափից քաշք չեմ քաշում:
- Ես չեմ տեղափոխել կաթը նորածնի բերանից:
- Ես արոտավայրում կենդանիների նկատմամբ վերահսկողություն չեմ վերցրել:(modifié)
Lematou - 19/01/2018
- Ես աստվածների թռչուններին չեմ բռնել:
- Դիակները ձուկ չտվեցին:
- Ջրհեղեղի ժամանակ ջուր չեմ խփում:
- Ես չեմ շեղվել հեռուստաալիքի ընթացքը:
- Մինչեւ ժամանակը չեմ կրակել:
- Ես չեմ ընտրում իրենց ընտրությունների աստվածներին:
- Ես չէի կանգնում աստծո ուղու վրա, որին մասնակցում էին նրա ելույթներում:
Ես մաքուր եմ, մաքուր, մաքուր: Ես անպարտ եմ մաքրության մեծ, որը որովհետեւ ես եմ քիթը վարպետի շունչ, որն ամրացնում է խելացի օր հաշիվը տված, որ վերջին օրը երկրորդ ամսվա տնկում սեզոնի նախքան այս երկրի վարպետը: Ես տեսնում եմ, որ ես իրականացվում է Ուջդա տարվա համար: Այն տեղի չի ունենա, սխալ ինծի դէմ է այս սենյակում Ճշմարտության, որովհետեւ ես գիտեմ, որ անունները աստվածների հետ են ձեզ դահլիճում Ճշմարտության. Այսպիսով, ինձ ազատիր նրանցից »


Ancien osiriani :


Comme en transe, Nedjemibrê scandait son incantation, avec la même aisance qu'un prêtre rompu de longue date aux offices. Quand il eut fini, il marqua une pause et son visage se détendit, comme s'il était d'un coup soulagé d'une grande tension. Nedjemibrê ajouta alors simplement, la voix comme ensommeillée : « J'espère que son âme sera séparée de ses péchés et que son jugement sera clément. »(modifié)
Au fond, l'homme à la peau d'ébène ne savait pas pourquoi il avait eu besoin d'accompagner ainsi le départ de l'âme de Pryia. Elle n'était pas quelqu'un d'important pour lui. Mais parfois, des souvenirs surgissaient malgré lui et le poussaient à agir d'une étrange façon. Il haussa les épaules en regardant Célestin, l'air de dire : «  Je ne sais pas trop ce qui m'a pris...  » et attendit de voir si le sorcier avait lui aussi quelque chose à ajouter.


Célestin se rendit compte soudainement qu'il n'avait pas grand chose à dire au sujet de la défunte. Il ne la connaissait presque pas, et elle lui avait causé plus de tort qu'autre chose. Cependant, malgré tout, il se sentait un devoir envers elle. Un sentiment ambyvalent qui le laissait perplexe. Mais il fut rapidement sorti de ses pensées par une soudaine litanie en une langue étrangère provenant de Nedjemibrê. Il le regarda avec surprise. Décidemment, cet homme ne cessait de l'étonner... Et, semblait-il, de s'étonner lui-même, compte tenu de son haussement d'épaule.

« Je n'ai rien à ajouter. Je souhaite juste que son âme trouve la paix, malgré le mal qu'elle a pu faire de son vivant. » déclara simplement le sorcier.


La femme écouta la longue litanie de Nedjemibrê, et Célestin pu lire dans ses yeux qu'elle avait pris tout ça pour un manque de respect, sans le dire ni intervenir. Elle semblait en comprendre chaque syllabe.

« Je le souhaite également, seule Pharasma peut maintenant décider de son destin. Nous allons nous occuper du reste, merci à tous deux d'être venus accompagner son âme et rendre hommage à sa personne. » dit-elle en leur serrant la main, tout en les accompagnant doucement vers la sortie, sans geste brusque.

Modifié par un modérateur mardi 19 juin 2018 23:52:52(UTC)  | Raison: Non indiquée

Bhaal reste à l'ombre en BM-96 | Zorg allume le feu en S-210 | Darmrok fait la guerre en N-211
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#88 Envoyé le : dimanche 21 janvier 2018 10:32:17(UTC)
Guigui
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Évidemment, Nedjemibrê n'avait pas remarqué la désapprobation dans le regard de la prêtresse. Aussi, l'homme à la peau d'ébène la remercia tout naturellement pour son office. « Salaam...  » la salua-t'il, effectuant une légère révérence, une fois qu'elle les eut reconduit à la sortie. Une fois dehors, le regard de Nedjemibrê se porta sur Agathe. Il l'observa un moment puis demanda, invitant tout autant du regard la créature que Célestin à lui répondre : « Que vous est-il arrivé, Agathe ? N'étiez-vous donc pas un oiseau hier encore ?...  » Puis, pour préciser ce qui le troublait, l'homme à la peau d'ébène ajouta, presque pour lui-même : « C'est curieux... Bien curieux. Depuis que je suis revenu de la maison de Vlausta, la voix du Chihili est différente. Je comprends mieux ce que chuchotent les vents... Et, comment dire... C'est comme si la nouvelle apparence d'Agathe m'était en quelque sorte... familière... »


Lorsqu'il vit que la prêtresse désapprouvait le discours de Nedjemibrê, Célestin n'en laissa rien paraître. Lui, en tout cas, n'en avait pas compris un traître mot, mais ce n'était pas le moment de demander des explications, d'autant plus que cela ne semblait pas porter à conséquence. Il se laissa donc raccompagner vers la sortie, et remercia la prêtresse pour le temps qu'elle leur avait consacré.


Le silence se fit un moment entre l'homme à la peau d'ébène et Célestin. Agathe, juchée sur son épaule, dévisageait Nedjemibrê. Elle avait parfaitement compris chacun de ses mots - une des capacités qui s'étaient révélées avec son changement d'apparence. « Je ne le sais pas exactement. » répondit-elle avec franchise. « J'avais l'apparence d'une colombe, mais j'étais déjà différente de ces oiseaux en de nombreux points. Mais maintenant... De nombreuses choses ont changé. Mon physique est le plus évident, mais je comprends également bien mieux... » Elle s'arrêta, comme pour chercher le mot qui convenait, avant de laisser tomber un « tout. » L'ange miniature haussa les épaules. « Je suis bien plus à l'aise avec la magie, et ne me contente plus d'être une sorte de conduit d'énergie pour Célestin. » dit-elle en faisant apparaître sans effort ni incantation quatre petits feux follets lumineux. « Je comprends même des langues que je n'avais jamais entendues auparavant. Comme ce que vous avez dit tout à l'heure, à l'enterrement de Priya. Ce sont des croyances bien différentes des religions habituelles... » Elle révoqua les lumières d'une simple pensée. « Mais que voulez-vous dire en disant que mon apparence vous paraît familière ? Vous avez déjà vu d'autres créatures comme moi ? Et... Vous pensez que je suis liée aux vents ? »


Nedjemibrê écouta Agathe, hochant la tête par moment. Il écarquilla légèrement les yeux, surpris, lorsqu'elle usa de magie d'une manière qui ressemblait fort à la sienne. À la question de celle qui autrefois avait été un oiseau, il répondit, l'air un peu mal à l'aise : « Je dois admettre que je n'en sais rien... Votre apparence me rappelle... J'ai déjà vu, je crois, des êtres de l'Au-Delà qui vous ressemblaient. Enfin... » Nedjemibrê marqua une pause dans ses explications, songeur. Puis, levant les yeux vers Célestin et Agathe, il lâcha : « En réalité, je ne saurai vous dire si je l'ai rêvé ou si je m'en souviens... Mon passé m'est... pratiquement inconnu ; hormis quelques rêves - ou sont-ce des souvenirs ?... Parfois un souvenir ressurgit, comme un rêve éveillé...  » S'adressant plus particulièrement à Agathe cette fois, toujours mal à l'aise, l'homme à la peau d'ébène ajouta : « La prière que j'ai prononcé tout à l'heure... J'ai le sentiment d'avoir déjà officié ce genre de cérémonie. Lorsque ce fut à moi de parler, la prière m'est intégralement revenue et s'est imposée à moi, comme étant les mots à invoquer pour le repos de son âme... C'est la langue de l'ancienne Osirion. Ma langue natale... Du moins, ai-je le sentiment qu'elle l'est... » Nedjemibrê en avait sans doute dit trop - ou pas assez. Mais de toute sa vie, du moins durant la partie de sa vie dont il se rappelait de bout en bout, il ne s'était confié que rarement à ce sujet. Plissant les yeux, l'homme à la peau d'ébène scruta les réactions du duo qui lui faisait face.


Ce fut Agathe qui réagit la première. « Vous voulez dire que... Vous avez peut-être eu des vies antérieures dont vous vous souvenez ? Comment serait-ce possible ? Cela signifierait que votre âme n'est pas passée devant le jugement de Pharasma, non ? »


Célestin hésita à poursuivre l'idée d'Agathe, avant de prudemment énoncer son raisonnement. « Il existe quelques cas... Les samsarans... Mais vous n'en avez pas l'apparence... Les extraplanaires, mais ils ont une seule et unique vie, et non des fragments de vie pour autant que je sache. Et ceux qui... ont passé un pacte... avec les diables... » termina-t-il en regardant Nedjemibrê à la dérobée, sans oser le faire en face.


Nedjemibrê avait haussé les sourcils et les épaules à la question d'Agathe - manière de dire qu'il n'avait pas de réponse. Mais l'hypothèse de Célestin et ce qu'elle impliquait... L'osirien réfléchit un instant avant de demander : « Un... Pacte ? Veux-tu dire que j'aurais pu vendre mon âme par le passé et tout oublier - ou presque ?...  » Nedjemibrê était tombé sur d'autre pistes pour s'expliquer ce qu'il était ; et son absence de souvenirs. Mais celle-ci, nouvelle, et qui pouvait très bien s'ajouter à ce que l'homme à la peau d'ébène pensait savoir sur lui-même, lui faisait peur. « Un pacte avec les diables... Si tel est le cas, mon âme est maudite... Y a t'il un moyen d'en avoir le cœur net, Célestin ? »


Célestin se rendit compte de l'horreur qu'il venait de dire à l'osirien. Ce n'était sur le moment qu'une hypothèse lancée en l'air, à laquelle il ne croyait pas vraiment, plutôt une manière de dire que les possibilités étaient multiples. Mais celui-ci paraissait prendre ceci un peu plus à cœur que ce qu'il avait prévu. Aussi, ce fut avec un air gêné qu'il lui répondit. « Je... Je l'ignore. Je veux dire, j'ignore si votre âme est maudite. Ce n'est qu'une hypothèse, Nedjemibrê. Une parmi tant d'autres. Il y a certainement des moyens de savoir si vous avez passé ce genre de pacte. En contactant une entité supérieure par exemple. » Célestin pinça les lèvres, avant de poursuivre. « Et si c'était le cas... Tout ce que je sais, c'est que les contrats sont signés par les deux parties - généralement un diable des contrats et un mortel - et que chacun en garde une copie. Mais si vous disposiez d'un contrat, vous le sauriez... malheureusement, rien n'empêche le mortel de se séparer de son contrat, donc ce n'est pas vraiment une réponse fiable... Ensuite, par le contrat signé, le mortel vend son âme au diable, tandis que celui-ci lui offre ce qu'il désire... si possible par des moyens pervertis ou détournés, puisque ce sont des créatures perfides et maléfiques. Il se peut qu'il y ait des clauses de sorties, généralement presque impossibles à réaliser, qui permettent d'annuler un contrat. Mais le moyen le plus aisé... si on peut dire... est de détruire les deux contrats. Sachant que le second est généralement gardé par le diable lui-même, voire dans les Enfers pour les contrats les plus importants. »

Le jeune homme s'arrêta de marcher, le temps de capter toute l'attention du serviteur du prince. « Mais je le redis, ce n'est qu'une idée lancée en l'air. C'est un sujet que je connais relativement bien... trop bien à mon goût... » sourit-il, l'air gêné, « et c'est pour ça qu'il m'est venu à l'esprit. Mais il existe d'autres hypothèses, auxquelles je n'ai pas pensé, ou que je ne connais même pas. Alors oubliez ma sottise, voulez-vous ? Et racontez-moi plutôt ce que vous savez... et ce que vous désirez dire, surtout. Ce ne doit pas être un sujet évident à aborder, je le conçois. Et nous pouvons en changer, si vous le préférez. »


Nedjemibrê, quelque peu soulagé par les explications de Célestin sourit au jeune sorcier. « S'il y avait un pacte... Je ne l'ai plus. Et au vu de ma vie, j'espère bien que tu te trompes : sinon, mon ancien moi aurait signé un bien mauvais contrat...  » plaisanta le tempestaire. Il n'était pourtant pas tout à fait rassuré ; puisqu'il ne savait rien de son passé, l'hypothèse évoquée par le jeune sorcier pouvait très bien s'avérer vraie... « Ne pas savoir d'où je viens ni qui je suis - ou qui j'étais - me fait me sentir... comme incomplet. » soupira sombrement l'homme à la peau d'ébène. « J'imagine que cela te parle, toi qui viens de découvrir ton nom... J'espérais qu'Agathe, dans cette nouvelle forme, m'apporterait... En fait, je ne sais pas trop quoi. Comme je ne sais pas vraiment par quel bout commencer, il m'est difficile de fait la part des choses entre les bribes de rêves et les esquisses de souvenirs... Peut-être, un jour, tout cela fera-t'il enfin sens ? » Nedjemibrê, était encore troublé par la façon dont Vlausta s'était adressé à lui la vieille « Shaabti...  ». Cela consolidait certains des soupçons de l'homme à la peau d'ébène, soupçons dont il détestait au plus haut point les implications... Il ouvrit la bouche, pour s'en ouvrir à Célestin. Et puis se ravisa. Le jeune homme venait tout juste de trouver son nom et l'homme à la peau d'ébène décida finalement de ne pas l'embêter avec ses propres soucis. Le jeune sorcier devait avoir envie de profiter des jours à venir l'esprit léger et en paix - et peut-être même préparer son mariage. « Heureusement pour moi, les voyages à rallonge dans le désert m'ont appris la patience.  » s'amusa-t-il, avant de sauter du coq à l'âne, intéressé : « et toi ? Maintenant que tu connais ton nom, que comptes-tu en faire ? »


Célestin sourit. « Me marier. » dit-il comme si cela allait de soi. « Fonder une famille. Une famille avec un nom. Et reprendre mes activités auprès d'Almah. Puis léguer mon savoir à mes enfants, qui seront au service de ses enfants... »

Le jeune homme se prit soudain à rire. « C'est désespérément banal, n'est-ce pas ? Après ce que nous avons vécu ! Mais couler des jours simples et heureux, c'est tout ce à quoi j'aspire. Nous vivons dans un monde de violence, de complots, de trahisons... J'ai à la fois envie de tout faire pour le changer, et de rester dans ma bulle et l'ignorer. Je crois qu'à Kelmarane, je peux faire les deux, à mon échelle. Vivre une vie paisible, auprès de mon épouse, de ma princesse, et de mes autres amis. Et développer cette ville pour qu'elle devienne un symbole de liberté, de seconde chance, pour tout ceux qui voudraient s'investir dans son futur. Que de là irradie la beauté du cœur et de l'esprit, à travers la rédemption, l'acceptation des autres, et l'artisanat, vecteur de tant de belles émotions.  »

Il éclata de nouveau de rire, et se remit à marcher. « Quel utopiste ! Mais ce serait tellement beau... Et vous, quelles sont vos envies ? Vos projets ? Viendrez-vous vous installer pour un temps à Kelmarane ? »


La joie de Célestin se révéla communicative. Nedjemibrê, oubliant le triste évènement auquel ils avaient décidés de se prêter, souriait chaleureusement aux éclats de rire et au discours pleine d'espoir du jeune sorcier. « Banal ? Non, je ne crois pas...  » rétorqua le tempestaire. « Ce sont là de forts beaux projets que les vôtres, Célestin. Et, tout utopistes qu'ils puissent être, je vous souhaite qu'ils se réalisent. » dit l'osirien, en portant le poing à son cœur.

« Pour ma part... » L'homme à la peau d'ébène réfléchissait tout en parlant. Esclave depuis tant d'années, cela faisait bien longtemps qu'il n'avait envisagé le futur, osé rêver de projets ou laisser s'exprimer ses désirs... « ... si sa grâce le Prince Jawad me rend la liberté - car il en a récemment évoqué la possibilité - j'avoue que j'aimerais bien m'installer dans la Kelmarane que vous venez de me décrire. Ou du moins, contribuer à sa réalisation. » s'amusa l'osirien. Puis son regard se perdit un instant dans le vague, loin, ou plutôt dans le passé. « Si un jour, je deviens vraiment libre de mes choix, avant de m'installer quelque part, il est quelqu'un que je voudrais essayer retrouver. Son chemin a été séparé du mien, il y a quelques années... Oui, voilà ce que je ferais...  » souffla-t-il, comme se parlant à lui-même, tout en s'adressant à Célestin.


Célestin continuait à sourire aux paroles de Nedjemibrê, bien loin des considérations de l'enterrement de Pryia qui venait d'avoir lieu seulement quelques minutes auparavant. « Oh ? » s'exclama-t-il. « Félicitations pour votre future liberté alors ! Et... Est-ce impoli de vous demander qui est cette personne ? » s'enquit-il, visiblement intéressé par en apprendre plus sur l'homme du prince.


« Non, je suppose que non...  » répondit Nedjemibrê, apparemment gêné. L'homme à la peau d'ébène réalisa alors qu'il en avait trop dit ou pas assez. Et qu'il s'il ne voulait pas paraître grossier, il lui allait falloir boire le lait qu'il venait de tirer... Mais l'osirien craignait d'offusquer Célestin en développant certains détails... Aussi se contenta-il de lui raconter que « C'était avant que j'entre au service de son altesse le Prince Jawad. Elle et moi avons été esclaves dans la même maison. La tâche était dure. Très dure... Nous passions le peu de temps libre que nous avions ensemble, en catimini. Elle me racontait son pays : des terres lointaines où poussent d'immenses et vertes forêt, entrecoupées de riches vallées herbeuses. La Varisie... Sa façon de parler de son pays me transportait à chaque fois. C'était... magique. » Nejemibrê, un peu ailleurs, souriait, prenant un plaisir manifeste à se remémorer ces histoires de paysages imaginaires... Revenant au présent, plus sombre, il ajouta : « Et puis j'ai été revendu à un autre maître - encore pire que le précédent - et je l'ai perdue de vue... Elle aussi a sans doute été revendue depuis. Elle valait plus que son pesant d'or... Un jour, j'espère que je pourrais la retrouver en ayant les moyens de racheter sa liberté... »

Modifié par un utilisateur samedi 17 novembre 2018 21:32:48(UTC)  | Raison: Non indiquée

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#89 Envoyé le : dimanche 21 janvier 2018 10:50:56(UTC)
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9 Erastus 4709, quelque part entre Katapesh et Kelmarane


Les secousses de la route finissaient, comme le bruit et la poussière, par se faire oublier, tandis que la petite fille observait en se cachant à moitié derrière l'un des rideaux pour contempler le désert.
L'endroit l'intriguait vraiment. Elle demanda à ses parents, de cœur ou de sang : « c'est parce qu'on est beaucoup qu'on n'est pas attaqué par des araignées ou des vers? »


Installée dans le chariot couvert, à l'abri de la poussière du désert, Alia somnolait, bercée par les cahots de la route, le regard tourné vers sa fille. Elle ne se lassait pas de la regarder et s'émerveillait à chaque fois de la beauté de l'enfant.

Lorsque la voix de Vélanya retentit, posant sa question, la jeune mère sursauta et vint à ses côtés admirer le désert. « Des vers et des araignées ? C'est ce qu'il y a là d'où tu viens ? Ici, il n'y en a pas normalement, il y a des gnolls, des scorpions, des vautours, mais rien d'assez gros pour attaquer une caravane de notre taille. Tu habitais dans le désert alors ? »

Elle regardait la fillette, curieuse mais également inquiète de la réponse, elle n'avait pas encore osé l'interroger sur le monde d'où elle venait, préférant la laisser prendre ses marques, s'habituer à son nouvel environnement. Ici, à l'ombre de la carriole, l'endroit paraissait propice à la discussion.


Bhaal avait commencé par protester lorsqu'on lui avait proposé de voyager en chariot, avec sa famille, plutôt qu'à dos de dromadaire. C'était un des privilèges réservés aux conseillers de la princesse, comme celui de ne pas avoir à monter sa tente, mais le demi-démon avait encore tendance à se méfier du confort. D'un côté il l'appréciait, autant pour lui-même que comme la marque la plus tangible de leur rapide ascension sociale, mais d'un autre côté il sentait que trop de confort l'éloignait de la Bête... Et de ce qu'il était vraiment. Mais la journée était vraiment chaude et il n'avait pas eu à se faire trop prier pour monter dans le chariot, s'allonger sur les coussins avec Alia et somnoler dans la touffeur de la mi-journée en se désaltérant avec du raisin.

Il remua vaguement et sourit lorsque la petite fille hasarda une autre de ses questions à la fois naïves et inquiétantes. Où avait-elle bien pu vivre pour que les attaques d'araignées géantes ou de vers soient à ce point monnaie courante pour être connues d'une petite esclave ? « Hem... Et bien... » commença-t-il en se redressant à moitié en s'extirpant de sa somnolence, « Dans le genre vers, y'a bien les attrapeurs des sables. Ils nagent sous le sable et nous repèrent au bruit. Et les araignées trouvent souvent refuge dans les ruines qu'on trouve ici et là. Ta maman et moi, on en a déjà rencontré, pas vrai Alia ? » Fit-il en se tournant vers sa compagne, se remémorant leurs premiers combats ensemble. « Mais ta maman a raison, ne t'inquiète pas. On est trop nombreux. Même le plus crétin des attrapeurs des sables sait qu'il ne faut pas attaquer les caravanes, » reprit-il avec un rire jovial.



Velanya s'inquiétait tandis que son père écarlate racontait, se cachant derrière le rideau, comment les enfouisseurs détectaient leurs proies au bruit, mais il la rassura rapidement par le reste de ses propos. Elle sortit de sa médiocre cachette avec un léger sourire, comme un enfant qui maîtriserait déjà, comme beaucoup de son espèce, un sens du théâtre et de la comédie qui n'avaient rien à envier aux adultes payés pour cela.

L'enfant réfléchissait à la question de sa mère, cherchant ses mots.
« ...Oui, c'était un désert, avec des vents chauds qui brûlent la peau par le sable et les petits cailloux qu'ils déplacent. Mais on se déplaçait pas par le sol, on passait dans des tunnels roses, comme de la peau, pour se rendre où on devait m'emmener. C'était marrant, comme un grogloban ! » dit-elle à son tour avec un rire jovial.


Alia fit les gros yeux à Bhaal alors que le discours de celui-ci effrayait la petite mais se mit à sourire quand sa fille sortit de sa cachette comme au spectacle. Écoutant la description de son monde, la danseuse essayait de se représenter l'endroit d'où venait la petite et ne put s'empêcher de demander : « c'est quoi un... grogloban ? »



Sa fille pavanait, étonnée. « Tu as jamais vu un grogloban ? Tu dois grimper tout en haut du grogloban et là tu te laisses descendre très vite jusqu'en bas !
Dis maman, tu faisais quoi en m'attendant ? Et pourquoi j'ai un nouveau papa ? Mon ancien papa il est mort ? »




Alia répondit à la première question en riant devant la joie de sa fille : « non, je n'en ai jamais vu. Je ne savais même pas que ça existait. »
Puis elle redevint plus sérieuse devant les nouvelles questions.
« Ce que je faisais en t'attendant ? Eh bien... je... » Elle se mordilla la lèvre, comment expliquait ce qu'était une esclave de plaisir à une petite fille ? « Je... dansais pour mes maîtres. Quant à ton père... je ne sais pas où il est, je ne l'ai jamais vraiment connu tu sais. Ton nouveau papa est le seul homme que j'ai jamais aimé. »

Elle regarda un instant le paysage et questionna à son tour. « Et toi, ma chérie ? Tu faisais quoi là bas ? Comment se passaient tes journées ? »
Elle se mordilla plus fortement les lèvres, inquiète de réveiller de mauvais souvenirs, mais elle voulait savoir.


Grogloban ? Tunnels roses comme de la peau ? Bhaal avait un esprit pragmatique qui n'imaginait pas toujours très bien, surtout quand ce qu'on lui décrivait ne ressemblait à rien de connu, aussi échoua-t-il assez largement à se représenter le monde d'où venait Velanya.

Étrangement, lui qui pouvait se montrer tonitruant restait relativement coi devant la petite, non pas distant mais passif. Il souriait, répondait par des interjections mais parlait peu. En réalité, il l'observait.

Une petite fille comme Velanya était probablement l'être le plus étranger à ce qu'il était qu'il pouvait rencontrer, et sa vie d'avant ne lui avait permis que très rarement d'échanger avec des enfants, aussi craignait-il secrètement de dire des bêtises et de fâcher Alia. En attendant d'en apprendre plus sur les enfants, Bhaal avait résolu d'observer celui qu'il avait sous la main. « Mmmh mmmh » se contenta-t-il de dire, le regard vague, sans que l'on sache s'il s'adressait à la mère ou à la fille.


La petite était étonnée « C'est une grande chance de servir les maîtres maman, moi je les servais aussi ! »
Elle se tourna vers Bhaal. « Oui, c'est un vert géant dans lequel on va et ça le chatouille alors ça aide à descendre ! » dit-elle en rigolant, se couvrant la bouche de sa main comme par timidité.


« Un ver géant dans lequel on... rentre ?? D'habitude c'est plutôt les vers qui nous rentrent dedans mais... d'accord, » fit Bhaal, résigné à croire la petite sur parole. Il lui paraissait inutile de lui servir tout de suite un discours sur les bienfaits de la liberté, elle avait certainement du être endoctrinée comme la plupart des enfants esclaves. Cela viendrait en son temps. « Et... Ils étaient comment, tes maîtres ? Et tu les servais en faisant quoi ? »


« Mes maîtres ils m'ont appris plein des choses. Je sais servir, je sais aussi faire la prière sacris... ficielle. Je nettoie les gens avant qu'on les sacrifie, je remplis les verres, je donne du sang aussi, ou je prends celui des gens. Et toi tu avais un maître ? »


Silencieux, Bhaal fixa la fillette un court instant avant de penser à répondre, tant les conclusions qu'il pouvait tirer de ses propos heurtaient le sens commun. « Euh... Ben... Oui, j'avais un maître. J'étais gladiateur. Je combattais dans l'arène. Des hommes ou des animaux... Et puis la princesse Almah nous a rachetés, ta maman et moi, et c'est comme ça qu'on s'est connus. Et quelques temps après, elle nous a affranchis. Nous sommes libres, maintenant, et tu vas bientôt l'être aussi. Tu n'auras plus de maître, » déclara-t-il avec un bienveillant sourire. « Ça te fait plaisir ? »


Un long frisson glacé descendit le long de la colonne vertébrale d'Alia lorsqu'elle écouta l'explication de la fillette sur ce qu'elle avait appris de ses maîtres. L'entendre parler de sacrifice, de sang avec cet indifférence rendait Alia très mal à l'aise, espérant de tout coeur que l'enfant saurait redevenir innocente et surtout compatissante. Elle attendit la réponse de sa fille à la question du gladiateur avec appréhension.


« Je suis contente de retrouver Maman ! » dit-elle presque en criant, se jetant dans les bras de sa mère, lui dévoilant à nouveau sous ses tissus le relief de ses blessures.
« Je suis pas sûre, les maîtres ça permet de manger, boire, s'amuser parfois, au lieu de mourir tué par des monstres ! »


Alia recueillit son enfant dans les bras et la serra contre elle, protectrice. « Moi aussi, je suis très contente de te retrouver ma chérie. Mais ici, on n'a pas besoin de maître pour manger, boire ou s'amuser. Et les monstres ne te tueront pas, je serai toujours là pour te protéger, et ton papa aussi. »

Elle lui sourit et reprit. « Tu verras, on sera libre et on sera heureux tous les trois. »


« Maman, pourquoi le Maître il a fait comme si il était vous et qu'il m'a puni?  » demanda-t-elle en plongeant son regard dans le sien.



La question prit la jeune mère de court, elle regarda Vélanya qui la fixait de ses grands yeux. « Je ne sais pas, ma chérie. Ils savaient qu'en faisant ça, nous souffririons tous, et ce sont des êtres qui aiment faire souffrir les autres, mais ils n'ont pas réussi. Nous sommes plus fort qu'eux et nous sommes ensemble, les cauchemars vont disparaitre et ça ne sera plus qu'un très mauvais souvenir. »


Surpris par le cri de l'enfant, Bhaal sursauta légèrement, craignant une nouvelle crise, mais se détendit lorsqu'il devint évident qu'il s'agissait d'une fausse alerte. Il assista néanmoins à l'échange avec un certain malaise et l'impression d'être de trop dans ce chariot. Il conserva sa contenance en buvant une longue gorgée d'eau et en faisant mine de s'intéresser à ce qu'il se passait à l'extérieur, mais il n'y avait rien d'autre que le désert infini et la marche interminable.

Le gladiateur prit alors une grande inspiration et contempla de nouveau le couple formé par la mère et son enfant. Elle allaient bien ensemble, et la petite avait clairement quelque chose de sa mère, sans être pourtant son portrait craché. Et lui, quelle était sa place dans ce tableau ? La petite l'acceptait bien et il ne doutait pas qu'Alia lui ferait toute la place nécessaire, mais saurait-il la prendre, lui ? Il était déjà passé en quelques semaines de la solitude à la vie de couple, et cela n'avait pas été sans heurts... Comment élever un enfant qu'on ne connaît pas ? Comme être un bon père ? Comment être père, tout simplement ?

Bhaal extirpa de son esprit ces lancinantes questions, sachant pertinemment que le temps constituait la seule réponse valable. Remuant légèrement, il hasarda. « Hem... Si ton maître était un de ces décharnés à bandelettes comme celui qui t'a amenée au temple, on nous a prévenus : c'est tous des enc... euuuh... Ce sont tous des méchants ! » Corrigea-t-il au dernier moment, sans réaliser l'incongruité de surveiller son langage auprès d'une enfant qui semblait avoir vu et connu les pires horreurs.


«  ils étaient vraiment bizarres. » dit-elle, plongeant son regard dans le néant, avec la peur qui semblait prendre emprise sur elle, la boule au ventre.
«  ils peuvent disparaître et être ailleurs le temps de compter jusqu'à deux! Ils ont une drôle d'odeur, surtout Celui qui ne Doit être Nommé. Ils sont pas méchants, y sont crulels. On devait affronter des monstres de Leng sans arrêt, des grosses araignées, des vers, des démons ... »


« Ma chérie... »
Alia serra sa fille contre elle comme pour conjurer les souvenirs des cruautés qu'elle avait endurées.
« C'est fini. Tu ne les serviras plus jamais. »


A nouveau, l'impression de ne pas être à sa place s'empara du demi-démon, tandis que mère et fille se figeaient dans une tendre étreinte destinée à conjurer les mauvais souvenirs et les souffrances du passé. Mais au fond de lui, il savait qu'il ne tenait qu'à lui de prendre sa place et son rôle dans ce qui était désormais sa famille, et de ne plus être de trop. Il se redressa, quittant le tas de coussins sur lesquels il était affalé depuis trop d'heures maintenant, et s'approcha doucement d'Alia et de sa fille, en prenant soin de ne pas les bousculer dans cet espace exigu.

Puis, doucement, il étendit ses grands bras pour les enlacer toutes deux, se serrant lentement contre Alia en posant son menton sur sa tête, humant sa chevelure et y déposant un baiser comme il avait l'habitude de le faire. Sa grosse main s'attarda sur le dos de la fillette, et il frissonna lorsqu'il sentit sous la tunique les reliefs des plaies infligées. Mais cela importait peu maintenant : ils étaient, enfin, tout à fait réunis.

Modifié par un utilisateur lundi 22 janvier 2018 22:29:48(UTC)  | Raison: Non indiquée

Bhaal reste à l'ombre en BM-96 | Zorg allume le feu en S-210 | Darmrok fait la guerre en N-211
Le combat à allonge
Le bloodrager abyssal
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Offline Lematou  
#90 Envoyé le : samedi 27 janvier 2018 12:56:05(UTC)
Lematou
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Célestin et Agathe : Communion avec son Créateur


7ème Érastus 4709 - Sur la route de Katapesh à Kelmarane


Célestin et Agathe se trouvaient dans le chariot, sur le retour pour Kelmarane. Ils venaient d'assimiler ensemble une nouvelle magie permettant de faire jaillir un puissant jet d'air sous les pieds d'un adversaire, et le jeune sorcier se détendait en lisant un nouveau chapitre de l'énorme livre Les Cours de la Pierre et de la Flamme du grand Abdul Ibn Zarwat.

Agathe observait l'extérieur, pensive. Ses airs, les mimiques de son visage et les postures de son corps, que Célestin réapprenait à connaître, étaient désormais incroyablement proches des humains, et si elle paraissait bien s'en accommoder, pour le jeune homme, les choses étaient moins aisées. Régulièrement, il s'attendait à voir la colombe d’antan à ses côtés. Même si la sensation d'étrangeté ne durait qu'une fraction de seconde, elle demeurait ancrée là, bel et bien présente.


Soudain, le petit être se retourna vers son ami, et vint voleter jusqu'à lui. « Dis-moi, mon petit enfant des cieux... » commença-t-elle. « Tu ne penses pas que nous pourrions tenter de contacter... l'entité qui m'a métamorphosée ? » demanda-t-elle, l'air peu sûre d'elle. « Nous avons le temps, et j'aimerais savoir ce qu'il m'arrive, et pourquoi ça m'arrive. Et qui m'a fait ça aussi. J'aimerais comprendre, tout simplement. Je n'ai jamais été une colombe normale, nous le savons. Mais j'étais une colombe, symbole de Sarenrae. Mais là... Là... je ne sais plus ce que je suis censée être. Je ne sais même pas s'il existe d'autres créatures comme moi, ni à quelle race j'appartiens. Je me suis très bien adaptée à ma nouvelle forme. Elle est plutôt pratique, d'ailleurs. Mais ça n'a pas changé que ça. Mes pouvoirs sont différents, bien plus forts qu'avant. Et puis, surtout, j'ai changé... à l'intérieur. Je veux dire... Mon mode de pensée a changé. Je me posais moins de questions, avant. Je me contentais de te suivre, de t'aider, d'être le conduit de tes pouvoirs, celle qui faisait le lien entre la source de tes pouvoirs et toi. Et je n'avais pas vraiment de pouvoirs propres à moi. Mais tout ça a changé, subitement. j'ai évolué, et j'ai besoin de réponses... Mais je veux les avoir avec toi, ces réponses... Tu veux bien ? »


Célestin avait relevé la tête à l'approche de son amie de toujours, et dès qu'il vit son expression, il sut qu'elle avait besoin de toute son attention. Il nota mentalement la page à laquelle il se trouvait, et referma le livre avant de le ranger consciencieusement, tout en écoutant le discours plein de questions de la petite créature.

« Je te comprends, mon ange. J'attendais que tu me le demandes. Je ne voulais pas te forcer à... remettre en question ta nouvelle nature. » lui sourit-il avec douceur. « D'autant plus que je m'interroge tout autant que toi... J'ai toujours tenu pour vrai que nos pouvoirs venaient de Sarenrae. La maîtrise de la guérison, de la lumière et du feu ne pouvait provenir que d'elle. Mais récemment et peu à peu, ils ont subtilement changé. Je peux voler. Je peux invoquer une sphère aqueuse. Et des tempête de neige. Ce ne sont pas des pouvoirs habituels pour un sarenite. Et toi, maintenant, qui devient une... mini ange... Et Nefeshti qui a ressuscité nos amis... Je me demande si elle ne serait pas à l'origine de certains de nos pouvoirs, de nos changements... Et pourtant, je vois mal une djinn, aussi puissante et noble soit-elle, se permettre de venir empiéter sur le domaine d'une déesse. Car c'est ce que nous sommes, je pense : je crois que nous entrons dans les plans cosmiques de Sarenrae, et que nous sommes Ses outils sur cette terre. Et quand bien même... L'eau ne fait pas partie de ses éléments, les djinns sont les génies de l'air... ça n'expliquerait qu'une partie de ce qui nous arrive... Moi aussi, j'aimerais comprendre, mon ange. Alors si tu peux obtenir des réponses, je suis de tout cœur avec toi. » l'encouragea-t-il en souriant.


Agathe semblait hésiter, son vol avait un rythme décousu qui manqua plusieurs fois de la faire se cogner au mobilier. « Je n'ai jamais essayé de contacter d'entité si puissante... Comment dois-je m'y prendre ? Je veux dire, qu'est-ce que je peux ou dois lui demander d'après-toi ? »

C'était étrange pour Célestin de la voir demander son avis alors que d'ordinaire, la situation était inverse.
Écoutant les conseils de celui qu'elle accompagnait depuis des années, elle se concentra et, bien que Célestin ne parvenait à déceler la moindre présence, il semblait bien qu'Agathe échangeait, communiait avec quelque chose ou

Agathe hochait de la tête à une personne à la fois absente et inconnue, marquant une pause après chaque réponse. «  Ce n'est pas Nefeshti qui te donne tes pouvoirs. » Une pause. «  Je ... suis bien un serviteur de Sarenrae. » Agathe regardait Célestin, comme pour voir si quelque chose lui venait.


Célestin hocha gravement la tête à la révélation d'Agathe. Ainsi, ils ne s'étaient pas trompés : bien que ses pouvoirs ne soient pas divins, contrairement aux prêtres et aux oracles, ils provenaient bien de la déesse. Cette information engendrait mille aux autres questions, à base de "pourquoi", mais pour avoir entendu parlé des communions, il se doutait qu'aucune ne trouverait réponse : seules des questions simples auxquelles on pouvait répondre par oui ou par non trouvaient grâce aux yeux - ou plutôt aux oreilles - des dieux.

Ainsi, il se contenta d'essayer d'extrapoler la raison qui avait poussé sa déesse à ainsi modifier Agathe. « Demande-lui... Par la Déesse-Ange du Soleil ! C'est étrange de te demander de lui parler ! » s'exclama-t-il, quelque peu troublé par cette communion mystique interposée. Le sorcier tenta de se reprendre. « Demande-lui... Si ta transformation a pour but de nous aider à défendre Kelmarane contre les armées du Roi Charognard. Et aussi... Puisque tu veux savoir à quelle race tu appartiens... Moi, je pense que tu es une ange... Demande-lui si c'est le cas, mon ange. » lui sourit-il avec douceur.


Agathe se paralysa sur l'épaule de Célestin un instant, secouant la tête comme contrariée par ce qu'elle apprenait. «  Ce n'est pas Nefeshti qui te donne tes pouvoirs, mais ça n'est pas Sarenrae non plus. »

«  Pour Kelmarane, l'entité me dit "En partie". Et oui, je suis bien un ange. Je ne comprends pas tout, mais l'entité ne semble pas avoir envie de me répondre en détails. »


Célestin se figea, les yeux exorbités, la bouche entrouverte. « Co... Comment...? Je... Je ne comprends pas... Tu es une servante de Sarenrae... Mais mes pouvoirs ne proviennent pas d'elle ??? Mais...? Mais de qui alors ??? »

Le jeune homme était perdu. Ce qu'il tenait pour acquis depuis des années semblait soudain lui échapper. « Tu... Tu penses pouvoir lui demander de qui il s'agit ? Je ne vois pas qui d'autre pourrait bien s'intéresser à moi...? »


Agathe secoua frénétiquement la tête. «  Je ... je crois que j'ai eu une réponse, avant que le lien ne se coupe. J'ai eu pour réponse un ... ricanement. » dit-elle aussi perplexe qu'apeurée.




Comme il s'en doutait, le lien mystique n'avait pas duré longtemps. Cependant, ça avait été suffisamment intense pour qu'Agathe en ressorte visiblement bouleversée... tout comme Célestin, d'ailleurs. « Un... ricanement...? Mais... Je n'y comprends rien ! Si tu es censée être une servante de Sarenrae, et que mes pouvoirs ne proviennent pas d'elle mais d'une autre entité, pourquoi as-tu obtenu le pouvoir de communier avec cette entité et non avec Sarenrae ? C'est... incompréhensible ! »

Le jeune homme se passa la main dans les cheveux, remettant une mèche rebelle en place, qui retomba quelques secondes après devant ses yeux. « Encore des mystères... Et je sens qu'une fois de plus, les informations seront difficiles à obtenir... » Il soupira. « Au moins, on sait ce que tu es, et de qui tu tiens ta transformation... C'est déjà ça... »

Modifié par un modérateur mardi 19 juin 2018 23:36:28(UTC)  | Raison: Non indiquée

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Offline Guigui.  
#91 Envoyé le : dimanche 28 janvier 2018 10:40:30(UTC)
Guigui
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La montagne, ça vous gagne


Pics d'Airain, du 16 au 22ème Érastus 4709


Les cinq partirent de nuit, dans une discrétion quasi totale, leurs proches leur ayant souhaité bonne chance non aux murs de la ville mais chez eux, loin des regards de potentiels espions.

Nedjemibrê avait ainsi pu découvrir un trio de nouvelles connaissances, composé de Dashki, un homme qui sentait la mort à vingt mètres (mais dont Bhaal pouvait certifier qu'il faisait des efforts en matière d'hygiène), élevé par des gnolls au point de pouvoir en imiter le pas (et l'odeur) ; Khem, qui était le frère de Jyll (et son antithèse sur le plan de la jovialité affichée), ainsi que l'ami, le maître ou le compagnon de Rhondar, un lion qui semblait plutôt intelligent, comprenant leur langue et qui, à écouter Bhaal, avait encore grandi et grossi durant leur absence.

Nedjemibrê, en tant qu'aide du Prince que Khem ne semblait pas apprécier, avait été reçu avec un certain scepticisme, n'ayant pas d'arme avec lui, et ce fut la confiance que Bhaal lui renouvela publiquement ainsi que l'étonnante acceptation de Rhondar, qui ne manifestait pas de méfiance à son égard, qui eurent assez tôt fini de les convaincre.

Khem et Dashki avaient vu venir la petite troupe gnoll lors de l'assaut, et ne voyaient vraiment pas ça comme une tentative ayant la moindre chance de succès, c'était un envoi à la mort pour les gnolls.

Leurs expéditions journalières le confirmaient, rien ne les menaçait à moins d'un jour de marche. Mais cette fois-ci, c'était bien au-delà qu'ils souhaitaient s'avancer.
Ils n'avaient parcouru que plusieurs centaines de pas quand Khem s'arrêta, vérifiant à nouveau tout son matériel avant de reprendre la route, tout en demandant : « vous voulez qu'on fasse le tour des terres ou qu'on se dirige vers son palais de poilus ? Les Pics d'Airain sont vastes, à moins de partir un mois, on va devoir faire des choix ou se séparer. »



Bhaal était content d'avoir retrouvé Khem, dont le caractère sauvage et taciturne lui convenait assez bien, et un peu moins Dashki qu'il considérait avec un mélange de pitié et de dégoût, mais un dégoût qu'il s'efforçait de dissimuler pour ne pas ruiner les efforts de Khem qui avait pris l'homme sous son aile.
Il était également heureux de s'affranchir du climat parfois pesant qui régnait dans sa maison depuis que la petite Velanya y avait emménagé. Il avait rêvé d'avoir une famille et, maintenant qu'il y était, il avait de nouveau l'impression d'être enchaîné. Chaque nouvelle crise de la petite martyre produisait des effets délétères sur le moral d'Alia et la jeune femme, comme à son habitude, cachait son véritable état derrière une posture aussi neutre que fausse, et que Bhaal ne supportait plus.

Le géant rouge avait beau se dire que Célestin et Jyll seraient d'une meilleure aide que lui pour aider Alia à passer ce cap difficile, il ne pouvait cependant se départir d'une certaine honte. En partant crapahuter dans la montagne, même pour de bonnes raisons, il se comportait comme un lâche qui fuyait ses responsabilités. Il avait pourtant voulu tout cela, il avait accepté l'idée de devenir le père de la petite, mais il y avait un monde entre l'idée et la réalité de la chose, surtout quand elle n'était pas idyllique. A cela s'ajoutait, après les semaines d'enfermement et de promiscuité passées à la capitale, un besoin impérieux de voyager dans un espace vide d'hommes et vide de bruit. Il se disait qu'il avait tout simplement besoin de souffler un peu, de faire le point, de se changer les idées avant de revenir vers celle qu'il aimait. C'était sans doute vrai, mais la honte était toujours là, et il avait eu beau embrasser tendrement sa compagne et lui promettre qu'il reviendrait vite, il n'arrivait pas à se débarrasser de son malaise.

Chassant ses pensées moroses, il s'arrêta à son tour, à la suite de Khem. « Se séparer, non, » répondit-il sur un ton définitif, « et on n'a pas de bouffe pour un mois. Je propose qu'on se dirige vers la Montagne Pâle et qu'on s'approche aussi près que possible sans déclencher l'alerte, histoire de voir s'il y a des mouvements de troupes, ou si on peut identifier des étendards de tribus. Comme m'a fait justement remarquer ton futur beau-frère, je suis pas spécialement discret, alors n'hésite pas à me laisser quelques centaines de mètres derrière toi si tu penses que c'est plus prudent. Je suis là avant tout pour sauver vos petits culs si les gnolls veulent vous prendre en levrette, » conclut-il avec un grand sourire carnassier, découvrant une double rangée de crocs.



Avant de partir, Nedjemibrê vérifia son paquetage. Il revêtit ses vêtements sobres, bien moins voyants que ce qu'il avait l'habitude de porter. Une cape en lin de couleur bistre, presque sable, camouflait celle, plus voyante, que Célestin avait encore embellie lors de leur voyage pour Kelmarane. Kelmarane que l'homme à la peau d'ébène avait à peine visitée qu'il la quittait déjà. C'était rapide mais les évènements s'enchainaient et savoir où en étaient les gnolls pouvait se révéler d'une importance capitale. Il y a peu de plaisir à visiter une ville ruinée par la guerre...

Nedjemibrê n'avait personne à qui faire ses adieux, aussi fut-il le premier prêt le jour du départ : bien avant l'aube. L'accueil plutôt froid de Khem laissa l'homme à la peau d'ébène indifférent. Ils partaient en mission, pas en voyage d'agrément. Nedjemibrê s'était alors contenté de saluer l'homme d'une façon neutre, tout en surveillant son énorme lion du coin de l’œil. Mais le fauve, sans doute plus sociable que son maître, sembla accepter l'homme à la peau d'ébène sans faire de chichis. Ce qui, il faut l'avouer, rassura grandement Nedjemibrê, peu habitué à côtoyer de si près des bêtes d'une telle taille sans qu'elles soient attachées...

« Salaam... » Lorsque Bhaal exprima la confiance qu'il avait en l'obligé du Prince Jawad, ce dernier réprima un sourire de fierté et se contenta de sobrement hocher la tête en guise de remerciement. Le dénommé Dashki grommela quelque chose que Nedjemibrê ne comprit pas. Mais, à tout hasard, il sourit en retour, tout en demandant aussitôt aux vents de couvrir l'odeur du grogneur. Les présentations faites, ils étaient prêts à partir...

Lorsque Khem discuta du plan de route, après Bhaal, Nedjemibrê répondit : « je ne connais pas les environs, aussi je ne me prononcerai pas sur la direction à prendre. Ce que Bhaal propose me semble bien. Et j'espère que nous pourrons éviter les patrouilles. Si nous avons maille à partir avec des gnolls, nous serons repérés... Une patrouille manquant à l'appel, ça se remarque... Si vous voulez, je peux prendre les devants avec le plus discret d'entre vous. Je suis très difficile à trouver si je le souhaite... »



Hochant de la tête, ils se mirent en route, alternant des périodes pendant lesquelles ils restaient groupées et où Khem décrivait la région à Nedjemibrê et ce qu'il risquait de voir, avec d'autres où, s'approchant de points sensibles, Nedjemibrê prenait les devants. Longeant la rivière pâle à une centaine de pas du bord, le sable laissa rapidement place à une région rocailleuse, tout aussi aride, raison pour laquelle ils restaient assez proches de l'eau, évitant de mourir de soif.

Le bruit de l'eau adoucissait quelque peu l'ambiance de la marche, plutôt avare en paroles, avec pour seul dialogue le bruit des pas sur les pierres et les cailloux, qui invitait chaque soir à se délester de ses chaussures. Rhondar y progressait comme un poisson dans l'eau, totalement dans son élément, contribuant à éloigner les prédateurs qui ne manquaient pas dans la région.

Entre deux monts, en fin de journée, Khem s'arrêta pour demander : « on peut bifurquer vers la gauche pour aller vers le camp de la sorcière grise, une chef gnoll si vous voulez, ou alors on trace. Comme on n'a pas de suceur de livre magique, on peut même marcher une partie de la nuit si vous voulez qu'on essaye de faire au plus vite. »



A mesure qu'ils progressaient dans la montagne, Bhaal prit conscience que ce que lui avait dit Célestin était vrai : n'étant pas doué pour se déplacer discrètement, Bhaal était, de fait, relégué à l'arrière, pendant que Khem et Nedjemibrê ouvraient la voie. A mesure qu'il remettait en cause sa propre utilité dans cette expédition, le sentiment de fuite ne lui apparut que plus clairement. Tout ceci le plongeait dans une assez méchante humeur dont il ne pouvait pas, heureusement, gratifier ses coéquipiers vu qu'ils étaient presque toujours devant lui.

« Cette sorcière grise, tu penses qu'on pourrait parler avec elle ? Ou ça va forcément être le bain de sang ? » Répondit-il à Khem pendant la pause, « je veux dire : le Roi Charognard, c'est qui pour elle ? C'est son roi ou bien... ? »



Khem regardait au loin comme s'il pouvait voir à travers la roche pour mieux réfléchir.
« Dashki m'a dit que, comme toutes les tribus ici, elle était inféodée au Roi. Certaines le sont plus que d'autres mais elle l'est grandement. On peut-être laisser ton ami s'approcher s'il est vraiment discret, puis tracer. »



Nedjemibrê appréciait cette randonnée dans les montagnes. Cela faisait des années qu'il n'avait plus eu l'occasion de se promener ainsi, dans la nature. À vrai dire, c'était même la première fois qu'il arpentait réellement des hauteurs - autrement qu'en rêve ; les badawis préféraient faire pérégriner leurs caravanes sur le plancher des vaches et Nedjemibrê n'avait jamais escaladé que des dunes. La gueule de dix pieds de longs que Face de Piment tirait depuis le départ ne diminuait pas l'enthousiasme de l'homme à la peau d'ébène. Et puis ils ne se faisaient vraiment face qu'aux haltes. Nedjemibrê était alors désolé pour lui. Mais il n'en disait rien, espérant que leur voyage apporte des réponses à l'irascible. L'homme à la peau d'ébène avait l'habitude de voyager en économisant ses paroles ; mais il proposait toujours un thé, lorsqu'ils avaient l'occasion de faire halte et que faire du feu ne leur semblait pas trop risqué. Ce rituel permit peut-être à Bhaal de se changer un peu les idées, en pensant à autre chose qu'à lui-même. Il but sans doute quelque fois de ce qu'il qualifiait de « boisson pour fillette ». Ce à quoi Nedjemibrê répondait avec un agaçant sourire sibyllin - et silencieux.

Lorsque Khem leur fit sa proposition, Nedjemibrê hocha simplement la tête, sans mot dire. Il regarda un moment au loin, dans la nuit. Puis il répondit : « cela me convient. Je dois pouvoir m'approcher suffisamment pour repérer des mouvements de troupes, si troupes il y a. Décrivez-moi d'avance l'endroit et je saurai me débrouiller. » Nedjemibrê réfléchit un instant, esquissa une moue dégoûtée. Les vents couvrent mon odeur, mais on ne sait jamais... et ajouta : « Dashki, pourriez-vous me prêter votre manteau ? Je m'en recouvrirai : il est plus discret en ces terres que ma cape de voyage... »



Voyant que la proposition de Khem semblait convenir à l'osirien, Bhaal se contenta d'écarter les bras, paumes vers le ciel, en guise d'accord, l'air de dire "c'est vous qui voyez". Le demi-démon savait en quoi il excellait et aussi en quoi il n'excellait pas, aussi faisait-il confiance à ses compagnons plus aptes que lui à l'infiltration, sans chercher à jouer de sa position de conseiller de la princesse.



Le puant prêta son manteau tandis que la silhouette de Nedjemibrê se flouta tel le vent du désert sous la chaleur brûlante. Il s'approcha de plus en plus, jusqu'à ce que la distance, couplée à ses dons, suffisent pour le camoufler presque parfaitement. Nul doute qu'il faudrait une vue digne des prédateurs les plus alertes pour le repérer (ou une maladresse des plus infortunées).

Après quelques longues minutes de marche aux aguets, attentifs à ses propres sons, l'homme au Chihili put constater le camp de gnoll : des dizaines de tentes à base de cuir animal ou de linges poisseux regroupaient des dizaines de gnolls, une bonne cinquantaine au moins, qui préparaient du feu par petits groupes, tandis que huit des leurs montaient une garde plutôt sérieuse et bien pensée. Là, au cœur du lieu, un trône fait d'os assemblés avec des lanières de cuir, avec des crânes d'humanoïdes à la naissance des accoudoirs, accueillait une femelle affublée d'une longue robe aux tons marrons. Mais la surprise pour lui fut dans son apparence : ce n'était pas une gnolle, mais bien une humaine. Qu'est-ce qu'une humaine pouvait bien faire là, à diriger des gnolls ? À ses pieds, le corps d'un gnoll, qui semblait mort depuis longtemps, porteur de nombreuses marques, dont il était, à cette distance, difficile de distinguer si elles avaient été faites avant ou après sa fin.

La femme semblait observer les cicatrices et marques sur la peau, comme si elle cherchait à y percer un mystère des plus complexes, tant elle était encore concentrée dessus malgré la patience de l'homme des tribus à attendre un évènement plus marquant que celui auquel il assistait.

Nedjemibrê resta un instant immobile, tel une pierre, à observer le manège des gnolls et surtout, leur surprenante reine. Khem ne l'avait pas prévenu d'une chose pareille ! Était-ce parce que c'était tout à fait normal, ou bien y avait-il eu une succession récente ? Le corps au pied du trône faisait plutôt pencher l'homme à la peau d'ébène pour la seconde interprétation... Nedjemibrê décida de ne pas rester trop longtemps ; il ne comprenait malheureusement pas la langue des gnolls, aussi écouter ce qu'ils se racontaient auraient été de peu d'utilité. Par acquis de conscience, il décida de faire un tour rapide du campement, tout en restant à une distance prudente des gnolls qui montaient diligemment la garde. Puis, il s'en retourna là où il avait laissé ses compagnons, par un chemin détourné - on est jamais trop prudent.



Une fois ses compagnons retrouvés, Nedjemibrê leur décrit ce qu'il avait vu : le campement gnoll, la reine sur son trône d'ossements, l'ambiance martiale et organisée... « ...mais je n'ai encore jamais combattu de gnolls. Ceux-là m'ont semblé bien plus déterminés et capables que ceux que je connais - ceux qui survivent dans le bidonville de Katapesh... Si leur armée est nombreuse, je crains que Kelmarane ne soit vraiment en danger. Il faudrait pousser plus avant dans leur territoire pour essayer de repérer des mouvements de troupe. Qu'en pensez-vous, Bhaal ? Croyez-vous que cela soit possible, Khem ?... »



« Ce que j'en pense ? » Répliqua Bhaal qui avait attendu le retour de l'osirien assis sur une large pierre plate, « j'en pense que tu fais comme Alia : tu ne peux pas t'empêcher de vouvoyer les hommes libres, c'est plus fort que toi. Quelle saloperie, l'esclavage ! » Maugréa-t-il en se levant avec lassitude. « Pour le reste, Je suis d'accord. Je n'en sais pas tellement plus que toi sur les gnolls, mais ça me rappelle ce qui s'est passé à Kelmarane avec Kardswann : ils ne semblent pas si réticents à accepter un humain pour chef, pourvu que celui-ci montre sa force en butant le chef précédent. C'est d'ailleurs mauvais pour nous : des chefs humains pourront peut-être les amener à agir différemment à la guerre. On risque d'avoir des surprises, et j'aime pas trop les surprises... »



Dashki précisa : « je ai jamais vu la sorcière mais elle est chez d'eux ici depuis longtemps en années. Le chef des chefs, le Roi Charognard, il est bien un gnoll. »
Rhondar semblait s'agiter, comme si l'odeur de gnolls à la ronde commençait à lui chatouiller le museau.
Khem leva les bras à hauteur d'épaules. « Perdons pas de temps alors, on y va. »

Modifié par un utilisateur samedi 3 février 2018 17:27:01(UTC)  | Raison: Non indiquée

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#92 Envoyé le : dimanche 28 janvier 2018 10:42:37(UTC)
Guigui
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La route se poursuivit pendant plusieurs jours, les forçant parfois à bifurquer loin du fleuve pour éviter des patrouilles d'une dizaine de gnolls. L'hésitation avait été forte d'en attaquer une pour obtenir des informations mais les patrouilles étaient dotés de plusieurs cornes d'alerte, ils risquaient ainsi de prévenir tout le monde de leur présence, et indirectement, de leur mission.

Les soirées sans pour autant leur ficher les jetons ne leur permettait pas de bien dormir. L'éloignement et le confort y tenaient leur part, mais les hurlements de gnolls nocturnes étaient plus proches qu'à Kelmarane, plus stressant encore, cette fois, ils se trouvaient au milieu des communications, clairement en territoire ennemi.

La présence de Rhondar, la bête qui animait Bhaal, l'étrangeté de Nedjemibré, et les présences de Dashki et Khem avaient éloigné tous les prédateurs potentiels, si ce n'était la gigantesque silhouette d'un aigle, ou d'un autre oiseau, grand comme cinq ou six hommes. La majorité avait décidé de se cacher entre de gros rochers à l'ombre, pendant une bonne heure, avant de reprendre leur route. D'après Khem et Dashki, il s'agissait d'un Hrulk, un oiseau à deux têtes qui prend des proies aussi grosses que des bœufs.

Les deux rôdeurs, qui semblaient avoir développé un début de camaraderie malgré la répugnance qu'inspirait souvent Dashki, profitaient de la route pour développer un peu le monde des gnolls qui les entourait.

«  La tribu que nous venons de visiter s'appelle Le Cercle. Il y a aussi la tribu nomade d'Al'Chorhaiv, une tribu spécialisée dans les poisons et les scorpions, qui arpente les terres sans relâche et les Vermicreux, spécialisés dans l'espionnage et la discrétion.

Ce sont les tribus majeures à notre connaissance. Il y a d'autres tribus mineures, les Chasseurs d'Al'Vohr, Les Esclaves du lézard, les Ghulveis, et les Sordaiv. On peut-être deux ou trois cents gnolls et flinds en dehors de la Demeure de la Bête, plus les patrouilleurs, et ceux sur place. »

Nedjemibrê put en apprendre un peu plus sur ceux avec qui il voyageait, Dashki, qui semblait être un orphelin élevé par des gnolls, qui avait ensuite essayé de s'en éloigner, avant d'être rattrapé par son passé, obligé de les aider pour survivre. Il finit par trouver un statut quo lui permettant de vivre à Kelmarane pendant que le reste de sa tribu presque entièrement décimée s'en alla vers des terres plus lointaines.
Khem lui, était le frère de Jyll. C'est lui qui l'avait protégé après la mort de leurs parents, jusqu'à il y a peu, où elle tomba amoureux du "Grand Célestin". Il avait pratiqué le mercenariat avec elle et c'était la raison de son arrivée à Kelmarane, dépêché pour aider les maigres troupes sur place.

Les jours passants, ils arrivaient en haut de la Montagne Pâle. Les vents sifflaient sans arrêt, hurlant par moments, et le ciel c'était noirci, non comme un bref orage, mais comme un climat constant, qui rappelait d'un certain côté la Voûte Céleste et sa région : en pire.

«  On devrait plus être très loin. On essaye de s'approcher du pic, on essaye de trouver un passage par les côtés? »



Après des jours de crapahutage dans la montagne et des nuits peu reposantes, les envies de grand air de Bhaal commençaient à être satisfaites au-delà même de ses désirs, et il se prenait à souhaiter pouvoir se téléporter à Kelmarane pour retrouver Alia. Plus ils approchaient de la Demeure de la Bête et plus le paysage et le temps devenaient sinistres. Les compagnons en conçurent un sentiment de danger imminent et permanent qui générait une pénible tension nerveuse. Ils étaient désormais au cœur du territoire ennemi, et chacun comprenait que la moindre erreur pouvait signifier leur mort à tous.

Khem semblait déterminé à les mener jusqu'au coeur même des terres du Roi Charognard. Bhaal lui faisait évidemment confiance, car si quelqu'un parmi eux était capable d'évaluer ce qui séparait l'audace de la folie, c'était bien le rôdeur. Il opina du chef.
« On est venus jusqu'ici, alors oui. Plus on ramènera de renseignements et mieux ce sera. Par contre, j'imagine qu'à partir de maintenant, la moindre perlouze est interdite. Je te cacherai pas que je suis pas fier, là. Quel pays ! »


Nedjemibrê était très attentif aux explications des rôdeurs sur les gnolls. Pour tout dire, leur expédition qui se rallongeait de jour en jour, sans qu'ils croisent la moindre armée, mettait les nerfs de l'homme à la peau d'ébène à l'épreuve. Certes, en habitué aux repérages, Nedjemibrê connaissait la tension inhérente aux visites discrètes en territoire hostile... Mais il n'avait jamais expérimenté quelque chose d'aussi long. Quelques jours, un petite semaine tout au plus, suffisaient généralement pour glaner suffisamment d'informations avant de vider une maison sans trop de risques. Chaque nuit, Nedjemibrê interrogeait Dashki sur le sens des cris nocturnes des gnolls, redoutant à chaque fois que le puant leur révéla qu'ils étaient désormais repérés... Si les rôdeurs paraissaient à leur aise, les jours s'accumulant, l'humeur de Face de Piment était en train de virer de la grogne au morose.

Espérant gagner du temps et écourter leur périple, quand Nedjemibrê partait en avant repérer les dangers, plutôt que de faire demi-tour, l'homme à la peau d'ébène manifestait Chihili. L'amalgame de pierres volantes filait alors en rase-motte jusqu'au reste du groupe et les avertissait que le chemin était sans danger par trois loopings rapides, avant de retomber inerte au sol.

Quand les gnolls hurlaient trop pour qu'ils puissent dormir, Nedjemibrê proposait à Bhaal qu'ils s'entraînent, histoire de ne pas rouiller - et aussi de s'occuper l'esprit. Parfois, Chihili prenait le rôle de cible mouvante ; une fois touché et vaincu, il suffisait d'un instant à Nedjemibrê pour le manifester à nouveau. Parfois, Nedjemibrê demandait à Bhaal de l'attaquer, pour pratiquer ses esquives...

C'est au cours d'un de ces entraînement, peut-être le deuxième, ou le troisième, que Nedjemibrê demanda à Bhaal : «  Alia, ne te manques pas ? » Depuis quelques jours, l'homme à la peau d'ébène tutoyait le demi-démon. Et ce soir-là, c'était la première fois qu'il lui posait une question aussi intime. Nedjmibrê marqua un silence, perdu dans ses pensées. Puis il ajouta : « Moi aussi, quelqu'un me manque... La vie nous a séparé, mais il n'y a pas un jour sans que je pense à elle. J'ai perdu sa trace à Katapesh... Mais une fois libre - si le Prince tient sa promesse, j'espère avoir l'occasion de partir à sa recherche...  » Nedjemibrê marqua à nouveau un silence, perdu dans ses pensées - ou embarrassé par sa confidence impromptue. Se secouant, il lança : « Désolé ; je ne sais pas pourquoi je te raconte cela maintenant. Ce n'est pas le moment : nous avons une armée à trouver et une ville à sauver !  » Nedjemibrê sourit dans le noir, ses dents de perles semblant presque briller : « Et pour l'instant : en garde ! C'est à moi d'attaquer !...  »

Bhaal leva le fer de sa bardiche à hauteur de la tête de l'homme à la peau d'ébène et attendit son assaut. Il comprenait désormais pourquoi le prince Jawad le qualifiait de "coriace". Nedjemibrê n'était pas seulement coriace par l'esprit, ayant fait preuve à la Voûte Céleste d'un sang-froid qui avait laissé le gladiateur admiratif, il l'était également physiquement. N'ayant rien à envier à Alia en termes d'agilité et de réflexes, il s'avérait également plus difficile à atteindre, même sans armes, que ce à quoi le gladiateur aurait pu s'attendre.

Après quelques passes d'armes, ils firent une nouvelle pause. A cette occasion, appuyé sur sa bardiche, le géant rouge hasarda en maugréant, les yeux fixés sur un point loin dans la montagne, la teneur de ses propos contrastant avec le ton employé : « peut-être que tu me parles de ça parce qu'on est en train de devenir potes. »

Après un silence, il reprit en se tournant, cette fois, vers son interlocuteur. « L'amour... J'avais aucune idée de ce que c'était avant de connaître Alia. Pourquoi elle m'a choisi, ça... Je crois que je pigerai jamais. Mais le soleil se lève et se couche avec elle. Oui, elle me manque, bien sûr. J'ai voulu venir pour prendre un peu de champ, mais elle m'a manqué dès la première nuit dans la montagne. Je préférerais dix fois crever que de la voir souffrir, ou... » Mais, réalisant qu'il se confiait un peu trop, le demi-démon ne jugea pas opportun de continuer. « Allez, p'tit bibelot, t'as pas encore assez mangé de poussière, » fit-il en reprenant sa position.

Le train-train des nuits difficiles et les journées éprouvantes suivit son cours... Jusqu'à ce que...


Lorsque Khem les mis face à un choix, Nedjemibrê avait aussitôt eu envie de répondre : «  Lequel de ces deux chemins est le plus rapide ? ». Mais il se retint. Il ne connaissait pas le terrain, ni les gnolls. Difficile de se prononcer... Et même si l'homme à la peau d'ébène commençait à en avoir raz le turban de leur équipée sauvage, il leur fallait aller jusqu'au bout.

Aussi, à l'instar de Bhaal, il répondit, de sa voix grave et posée : «  Prenons celui de ces chemins qui, d'après vous, est le plus susceptible d'être emprunté par l'armée des gnolls. Ils faut que nous repérions leurs troupes - si troupes il y a. »


Khem réfléchit un instant, tandis que même Rhondar semblait quelque peu agité.
«  Ici on est chez eux, je pense pas que l'armée, si y en a une, s'emmerde à passer par des coins casse-gueules ou sinueux. »
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#93 Envoyé le : dimanche 28 janvier 2018 10:44:14(UTC)
Guigui
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Avec une discrétion surhumaine, Nedjemibrê grimpa les trois cents pieds qui le séparait des sommets, où se trouvait la dite Demeure.

Tel le château de sable d’un enfant négligemment façonné devant les vagues affamées léchant le rivage, le temple oublié se dressait là, niché dans les rochers de la montagne Pâle, ses tours et ses dômes décrépis se prélassaient dans la sombre et noire lueur du crépuscule exotique d’un ciel de montagne orageux. L’envergure d’une telle création semblait inconcevable en un lieu si éloigné isolé, et, pourtant, il n’était pas difficile de comprendre pourquoi un cadre aussi spectaculaire avait été choisi.

En effet, il semblait peu probable pour qui visait les sombres secrets du monde, qu'il exista un lieu plus sombre et menaçant à des jours de marche d'ici. Parmi les pierres brisées et les fontaines asséchées, des arbustes épineux et secs perçaient la couche de terre battue parsemée de fragments d’os. Le temple semblait presque désert, si ce n’était une inquiétante impression d’effroi et les quelques dizaines d’avertissements sanglants suspendus aux murs extérieurs, qui prennent la forme de corps décapités alourdis d’essaims de mouches noires. Plusieurs silhouettes semblaient se déplacer vers l'entrée de la Demeure.

S'approchant à ses risques et périls, il reconnut les silhouettes comme étant celles de gnolls, encapuchonnées pour limiter les vents et pluies de la région.

De ces six gnolls, deux étaient aux aguets, ne le décelant pas pour autant, tandis que les quatre autres portaient un corps ou un cadavre, qui semblait être celui d'un gnoll, mais il n'en était pas absolument certain, car le corps était bien grand et gros comme deux hommes. De toute sa carrière dans le désert, il n'en avait jamais vu de tel.

Les portes, grandes ouvertes, et à la taille qui rappelait celles de la Voûte, dégageaient une forte lumière qui tranchait avec les ténèbres qui entouraient le lieu.

Son attention se détourna vers une silhouette qui semblait arpenter le ciel avec une remarquable discrétion. Sous la pression, il reconnut rapidement ce qu'était la créature, et la dangerosité qu'elle représentait. Le Roi Charognard avait mis le prix, ou était béni par certaines sombres puissances, car c'était à un Vrock qu'il avait à faire.

Le Vrock semblait scruter très attentivement les environs, comme s'il sentait leur présence, tandis que les autres gnolls rentraient dans le bastion, suivis d'un second gnoll anormalement grand, à la démarche maladroite, cette fois-ci debout : et bel et bien énorme.

Nedjemibrê prit le risque de faire le tour des murs à défaut de s'approcher de la Demeure.

Se fiant à ses sens et sa perception anormalement haute des courants, il se synchronisait avec les points cardinaux afin de savoir exactement par où il devrait passer si il revenait à nouveau plus tard en passant par les montagnes, pour arriver à un point particulier.

De loin, il avait repéré plusieurs annexes. Au Nord-ouest, deux petits minarets gardaient l'entrée d'une construction de pierre avec un dôme. Malgré un vent conséquent, il crut déceler quelques bruits trahissant une présence, sans pouvoir en identifier l'origine. Au Nord-est, un minaret surplombait un passage ouvert qui semblait s'engouffrer dans les entrailles de la Bête, avec pour seul bruit le vent qui s'y infiltrait.
Continuant vers l'est il remarqua près de l'imposante construction centrale trois minarets, mais le volume et la hauteur des pierres alentours ne lui permettaient pas de voir si elles étaient dotées de portes ou non.
Il passa ensuite devant de grandes escaliers qui bifurquaient comme des serpents, avec des gardes sur les hauteurs. à voir comme ils se déplaçaient, il était certain qu'ils se déplaçaient sur des créatures de monte, sans pouvoir savoir ce que c'était à cause aussi bien de la distance que de la hauteur des murs.
Finissant vers le sud, il repartit vers la direction sud-est sur un temple au dôme de bronze, dont un pan du mur s'était effondré pour laisser un grand passage béant et ténébreux. Dans la courée autour, d'étranges objets entre le brun et le noir semblaient y pousser.

Finissant sa longue inspection, qui ne manquait pas de mettre en stress le trio resté plus loin avec leur compagnie félin, qui s'était elle étendue au sol, il remarqua un dôme qui devait être (ou été devenu) un poste de garde, l'endroit avait été fortifié, des ajouts de planches ou de pierres, avec de petits espaces pour observer s'étaient greffés à des murs pleins de mosaïques usées bleues.

Les endroits qui permettaient d'entrer dans la Demeure étaient certainement multiples, il lui semblait presque impossible avec tant de bâtiments qu'il n'y ait qu'une entrée par le centre. Peut-être même d'autres, dans les montagnes.

La silhouette de Nedjemibrê se dessina enfin dans l'horizon de ses compagnons. Son expédition avait été particulièrement longue cette fois.

Arrivé à leur hauteur, l'homme à la peau d'ébène s'offrit une rasade d'eau et, après s'être désaltéré, leur raconta, de sa voix tranquille : « Désolé : l'attente à du être longue... Mais le Roi Charognard s'est trouvé un puissant gardien. Un tanar'ri majeur, un vrock, plane au-dessus de l'entrée principale et surveille les environs. À cause de ce que je sais de l'acuité de ces créatures, il m'a paru plus sage de faire un grand tour... » L'homme à la peau d'ébène leur détailla tout ce qu'il avait vu : les gnolls d'une taille anormale ainsi que les divers entrées - toutes gardées - et la topologie des lieux.

« ... je ne crois pas que nous ayons la moindre chance de nous infiltrer dans la forteresse, ni même de l'approcher, sans nous faire repérer. Mais il est peut-être possible - même si très risqué - d'explorer les environs dans l'espoir de trouver une éventuelle entrée secrète. Je ne serais pas étonné qu'une telle bâtisse en possède, quelque part, dans la montagne...  » L'homme à la peau d'ébène marqua une pause et reprit : «  Mais nous pourrions y passer des jours sans jamais rien trouver.... Il est peut-être temps de rebrousser chemin ? Nous savons que la fameuse armée n'est pas encore en mouvement : nous ne l'avons pas croisée. De ce que j'ai vu, le gros des forces du Roi Charognard est probablement en poste ici. Et nous avons quelques informations sur la Forteresse. Sans doute suffisamment pour préparer, à Kelmarane, un plan pour la prendre d'assaut... » Nedjemibrê interrogea alors Bhaal, qui, après tout, avait initié leur mission : « Qu'en pense-tu ? »

Le temps passait et Nedjemibrê ne revenait toujours pas. Bhaal, qui n'était pas patient d'ordinaire, faisait les cents pas au pied du gros rocher derrière lequel ils s'étaient abrités, communiquant sa nervosité à ses compagnons.

« Mais qu'est-ce qu'il fout, bordel de bordel ? J'espère qu'il s'est pas fait choper, » répétait-il, mais bien que son cœur ne voulut pas l'entendre, la raison lui dit que si tel avait été le cas, ils auraient entendu un concert de hurlements et de jappements, les gnolls n'étant pas des créatures particulièrement discrètes. Il souffla longuement en voyant revenir l'osirien après un temps qui lui parut interminable, ce qu'il ne manqua pas de reprocher à l'intéressé.

Après que Nedjemibrê leur eut raconté son inspection par le menu, le géant rouge se gratta le menton un long instant, tandis qu'il réfléchissait. « J'en pense que si on se fait choper ici, on est morts. Et avec ce démon dans les airs... Ça ne servira pas Kelmarane si on offre un dernier combat pour l'honneur, parce qu'on aura voulu pousser trop loin notre chance. On devrait rentrer. On a déjà appris beaucoup de choses. On sait que les troupes du Roi Charognard ne font pas mouvement, donc soit il est fin prêt pour la guerre, soit il n'est pas prêt du tout. On sait qu'il a un puissant démon à son service, et celui-là je n'aimerais pas le voir planer au-dessus de Kelmarane. On sait qu'il a des espèces de gnolls géants. Il compte sans doute s'en servir comme troupes de choc. Et grâce à toi, on connaît son repaire. Ce que tu as vu, il faudra que tu le gardes au frais dans ta mémoire, Nedj, et que tu en fasses le plan sitôt qu'on sera rentrés, avec le relief autour. A moins que tu aies du papier sur toi, mais j'ai pas l'impression. En tout cas, on n'est pas venus pour rien. »
Il sembla réfléchir encore un instant avant de se tourner vers les deux rôdeurs pour solliciter leur avis. « Khem, Dashki ? »

Khem gérait bien le stress de l'attente malgré son regard sombre, tandis que Dashki lui, stressait de plus en plus, au bord de l'instabilité.

Soulagé au retour du nouveau venu, il écouta son compte-rendu, et semblait hésitant sur la marche à tenir.
«  Si y a un passage secret, on y gagnerait à le trouver, mais si y a un passage secret, il est sûrement gardé. Ça me fait chier, mais on ferait mieux de rentrer. Si le démon nous chope alors qu'on cherche un passage à flanc de montagne, on sera mal. »


Dashki acquiesça vivement, semblant assez flippé par le lieu et les découvertes de Nedjemibrê.


Nedjemibrê hocha du chef aux propos de Face de Piment. Pendant que Khem donnait à son tour son avis sur la situation, l'homme à la peau d'ébène en profita pour esquisser un plan grossier des lieux dans le sable.

Le montrant aux autres, il leur expliqua : « Voilà à quoi ça ressemble...  » Quand ils eurent tous pu observer le tracé des lieux, commenté par Nedjemibrê, l'homme à la peau d'ébène le balaya de la pointe de la botte. Il ne voulait pas laisser une trace aussi évidente de leur passage et surtout, de leurs intentions, en plein territoire ennemi...

« Puisque notre décision est prise...  » Nedjemibrê se redressa d'un bond gracieux et commença à récupérer les affaires qu'il avait laissé avec ses compagnons - on est toujours plus discret sans sa popote qui tintinnabule. «  ... je suis d'avis de partir tout de suite. Bhaal et moi pourrons vous guider dans le noir, au besoin. Je suis sûr que le vrock ne m'a pas repéré, mais s'il lui prend l'envie de faire un tour.... Il m'a tout de même parut nerveux ; et un peu trop vigilant à mon goût. »


Le retour fut assez hâtif. Après avoir repéré le terrain à l'aller, le retour consista à faire attention aux patrouilles, et à supporter la douleur du voyage, faible au départ, mais qui commençait à se faire sentir aux pieds et aux dos. Même en résistant aux éléments, le soleil avait tapé sur leur peau pendant des jours, et le voyage de par sa rapidité prélevait son lot de coups de barre.

Détail qui n'échappa pas à Bhaal et intrigua Nedjemibrê, Dashki semblait vraiment pressé de rentrer pour faire part de ses découvertes, surtout à la princesse. Comme Bhaal le comprit vite, il était toujours amoureux, bien qu'il fut certainement l'un des individus avec le moins de chance de concrétiser quoi que ce soit.

Khem s'ouvrit un peu plus au retour, permettant à Nedjemibrê que sous son apparence entre la défiance et la froideur au départ se cachait un déconneur bon vivant. Il semblait que, tout simplement, il n'était pas très à l'aise avec "les gens qui pétaient dans la soie", et qu'il l'eut pris pour l'un d'eux, de par son rang et son maître.

Il était au final assez proche de Nedjemibrê, un bosseur sans relâche, qui n'aimait pas se plaindre, ou fanfaronner.

Il leur fallut près d'une journée de moins pour rentrer. La fatigue était contrée par le décor de plus en plus familier qui les menait vers chez eux. Bhaal retrouverait son aimée et son jardin, Nedjemibrêt aurait peut-être enfin son logement pour lui de prêt.

Déjà, le sourire sur les ouvriers et gardes en disait long sur la joie de les voir de retour, tous, et vivants.


La suite : 23ème Érastus 4709, Kelmarane
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Offline UrShulgi  
#94 Envoyé le : jeudi 15 février 2018 11:44:58(UTC)
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L'homme Pressé

Kelmarane, du 19 Érastus 4709


Le départ de Bhaal, du frère de Jyll, de Nedjemibrê (et dans une bien moindre mesure, de Dashki) ne manquaient pas de créer une certaine inquiétude dans le reste du quatuor, comme chez d'autres. Alia avait heureusement la chance d'avoir sa fille pour elle, qui découvrait son futur jardin, sa maison, et les cours d'eau. Célestin lui profitait enfin de sa maison avec sa chère et tendre, et essayer de faire avant les choses pour l'Église, dont la remise en chantier avait déjà bien progressé en leur absence. Oh, il y en avait encore pour des mois, mais déjà le lieu était praticable pour des messes dans la sécurité.

Célestin passa voir Alia et Velanya, buvant le thé de l'après-midi, quand ils purent remarquer de l'agitation en ville. Un étranger semblait être arrivé sur Kelmarane, porteur de mauvaises nouvelles et désireux de voir les représentants de la ville.Alia était heureuse de recevoir Célestin, les retrouvailles avec Vélanya se passaient bien mais la petite avait encore des crises de terreur qui épuisaient sa mère d'autant plus qu'elle était seule pour les affronter.

Elle n'avait fait aucun reproche à Bhaal mais elle ne pouvait s'empêcher de lui en vouloir un peu, elle avait conscience que son escapade dans les montangnes était une fuite, il avait besoin de s'éloigner d'elle et de sa fille. Elle ne pouvait s'empêcher de penser qu'il l'abandonnait. Oh, elle avait bien conscience que la situation était difficile, surtout pour lui. Depuis l'arrivée de Vélanya, elle était moins disponible pour lui, donc elle comprenait très bien qu'il ait besoin de s'éloigner, mais... elle se sentait seule.

L'arrivée de Célestin était d'autant plus la bienvenue. Elle était en train de raconter les découvertes de Vélanya de leur monde quand il entendirent les rumeurs de la ville. Sans hésiter et sans concertation, les deux adultes se levèrent et se dirigèrent vers la ville afin de savoir ce qu'il se passait.
Célestin profitait de leur retour avec bonheur, avec Jyll et Agathe. Il essayait de retrouver ses marques - assez veinement, puisqu'il savait pertinemment qu'il leur faudrait très bientôt affronter les gnolls. Mais malgré tout, retrouver un semblant de vie "normale" lui faisait le plus grand bien.

Il s'inquiétait également pour Alia. Bhaal s'était échappé de ses obligations envers Alia. Et en cela, il ne comprenait pas son ami. C'était lui qui avait poussé Alia à retrouver sa fille, lui qui était à l'origine de leurs retrouvailles, et il aimait Alia plus que tout être au monde. Et malgré tout, alors qu'elle avait besoin de lui en cet instant difficile compte tenu des circonstances, il trouvait le premier prétexte venu pour s'éloigner. Pourquoi ? Avait-il peur de ne pas être à sa place ? Voulait-il laisser mère et fille se retrouver seules et former des liens sans lui ? Ou la raison était-elle toute autre ?
Quoi qu'il en fut, Célestin décida d'aller voir Alia, afin d'au moins lui apporter sa présence. Il discutèrent, surtout de Velanya, presque comme si de rien était. Il souriait, écoutant la nouvelle mère parler de sa fille avec passion. Mais bien vite, leur discussion pris fin. Un étranger arrivait en ville, et cela semblait causer bien des émois. Un simple regard leur suffit pour se décider, sans un mot, à aller voir de quoi il retournait.

Ils firent un détour par la maison de Célestin afin de confier à Jyll la garde de Velanya, lui expliquant brièvement au passage où ils allaient. Puis ils se rendirent à l'entrée de la ville. Agathe était perchée sur son épaule, comme à son habitude. A l'approche de l'homme, Alia lui jeta un coup d'œil furtif, auquel il répondit par un léger hochement de tête. Oui, cet homme lui paraissait également étrange. Étrange et familier. Était-il possible qu'il s'agisse de l'un des Cinq Vents ? Et si le réveil des gnolls cachait quelque chose de plus puissant, plus ancien...? Cela expliquerait la présence de l'un d'eux ici... Un de plus...

À l'extérieur de la ville principale, de l'autre côté du pont, près de l'ancien moulin, l'homme s'entretenait avec les quelques ouvriers qui semblaient profiter de leur moment de pause pour manger tout en écoutant l'étranger.
Ce dernier était assez déconcertant, entouré d'une sorte d'aura doré, qui ne faisait que mettre en avait une sorte de pureté spirituel que semblait son accoutrement mi voyageur du désert, mi Sarenite.


Les papyrus qui pendaient à ses mains traçaient des sortes de symbole dans l'air tandis qu'il parlait (tout en gesticulant), s'arrêtant alors que les ouvriers se retournaient vers les conseillers fraîchement arrivés, écourtant leur repos pour retourner à la tâche en engloutissant les restes de leur bol de soupe. Le mystérieux Sarenite s’inclina gracieusement bien bas, le tatouage de soleil sur son front semblant presque rougeoyer.


« Salut à vous, si j'en crois le comportement des âmes qui m'entouraient, Maîtres de la Cité. C'est bien ce que vous êtes, n'est-ce-pas? »


Alia s'approcha curieuse de l'étranger, l'homme était vraiment singulier et impressionnant par sa simple présence. Il dégageait une impression de puissance et de sainteté déconcertante.
Elle jeta un coup d'oeil à Célestin, partageait-il cette impression ? Lorsque l'homme les salua, elle lui rendit un salut aussi respecteux et bas.
« Salutations à vous et bienvenue dans cette citée nouvellement libérée. Nous ne sommes pas les Maîtres de la Cité mais nous sommes leurs conseillers. Je m'appelle Alia et la personne qui m'accompagne se nomme Célestin Karcauvitch. Pouvons-nous savoir à qui nous nous adressons et ce que vous venez faire en ces lieux ? »



La voix d'Alia le sortit de ses pensées, et il salua le voyageur. « Bienvenue à Kelmarane. La Maîtresse de la cité est la Princesse Almah Roveshki. » Le jeune lui fit signe de les suivre. « Peut-être souhaitez-vous vous désaltérer ? » s'enquit-il, tandis qu'Agathe observait magiquement l'étrange sarenite.
L'étranger fit un signe de tête en remerciement de l'information de Célestin, et de la proposition d'accompagnement qui en découla. Il gesticula en revanche pour manifester son refus de boire.


« Merci bien mais je ne manque jamais d'eau. Je vous suis par contre bien volontiers. »
Il se tourna vers Alia, la dévisageant comme s'il essayait de lire en elle, semblant même un peu nerveux.
« Oh, je ne suis qu'un voyageur du sable et des broussailles, étudiant de toutes choses sur lesquelles Sarenrae estime juste de briller, et parfois porteur involontaire de mauvaises nouvelles, qui me parviennent par les vents, les ragots, ou par mes yeux. Je me nomme Bismal, enchanté. »

Déambulant dans les rues de la ville en pleine reconstructions, ils se dirigèrent jusqu'au Palais, dont la rénovation battait son plein. Là, Almah semblait déjà avoir été mise au courant de cette potentielle visite, attendant le voyageur, et son escorte locale, dans son salon de fortune. Les sièges étaient certes princiers, mais les murs, la poussière, et le manque de mobilier ne pouvaient camoufler la précarité encore présente du lieu. Garavel était là, droit comme un i, juste derrière Almah, qui leur fit signe d'avancer et de s'asseoir, réservant un sourire pour Alia et Célestin.L'étranger resta debout.


« Je ne voudrais point vous vexer Princesse, mais je préfère rester debout, il me faut continuer à arpenter les terres avec un repas des plus maigres, je ne voudrais pas m'habituer au confort. Je suis Bismal, je suis un prête mais je n’appartiens pas à une unique congrégation. Je ne raille pas du tout ces prêtres qui choisissent de demeurer à un endroit et de se vouer à un seul établissement, car ils fournissent un service nécessaire mais ... je ne suis pas à l’aise si je reste au même endroit.

Je suis un voyageur, comme je l’ai dit à vos conseillers, et j’ai arpenté les sables tourbillonnants d’Osirion, les velds les plus occidentaux du Nex et une grande partie de notre bien-aimé Katapesh entre-temps. J’ai vu bien des choses au cours de mes voyages et j’ai apporté à beaucoup la parole et la rédemption de la Fleur de l’aube. Mais j’ai également, hélas, beaucoup appris en matière de cruauté et de guerre, et ce sont ces sujets qui concernent les avertissements que je vous apporte aujourd’hui. »
dit-il en marquant une pause, comme pour s'accaparer toute l'attention.

« Vous vous êtes distingués en vainquant les Kulldis. Vous savez peut-être que les rumeurs évoquant la libération de Kelmarane ont à présent parcouru le pays jusqu’à la côte et, tandis que nous parlons, vous jouissez des fruits de cette réussite, qui prennent notamment la forme de transactions commerciales et de dons par l'état.
Mais ces nouvelles n’ont pas atteint que des oreilles amies, également hélas celles d'ennemis. Le roi Charognard sait ce que vous avez fait aux Kulldis et, bien qu’il ne vous ait pas immédiatement rendu la pareille, j’ai entendu de terribles rumeurs au cours de mes voyages. Des rumeurs de tribus gnolls se regroupant sur les lointaines pentes de la montagne Pâle, de tribus unies sous une même bannière : l’emblème du roi Charognard !
J'ai d'ailleurs croisé un survivant de caravane qui a été attaqué par des gnolls, et à réussi à prendre la fuite tandis que des gnolls grand comme deux hommes avait découpé en deux ses dromadaires et ses mercenaires.
Ma voie n’est pas une voie guerrière. Sarenrae enseigne la rédemption et le pardon, mais je sais bien que nombreux sont
ceux qui ne poursuivent pas ces fins et que la guerre est souvent inévitable. Et pourtant, parfois, d’autres voies sont possibles.

Les gnolls ont toujours été une espèce querelleuse et si le roi Charognard est parvenu à unir ces tribus, alors son verbe doit être puissant, en effet. Aussi, bien que penser à la mort de toute créature vivante me désespère, si celle du roi Charognard signifie que les tribus gnolls se retireraient, une guerre pourrait être évitée. Peut-être faudrait-il l'abattre avant qu’il ne lève haut les étendards de la guerre, et de la vengeance. »
Almah était impassible, se tournant vers Alia et Célestin leur laissant le temps de dire quelque chose si ils le souhaitaient (et à elle, de trouver ses mots)


Célestin écoutait le dénommé Bismal d'un air grave. Il hochait la tête régulièrement, l'encourageant ainsi à continuer son discours. Il ouvrit toutefois de grands yeux à l'annonce de gnolls grands comme deux hommes : cela ne correspondait pas à ceux qu'ils avaient rencontré jusqu'alors...

« Eh bien... » commença-t-il sans vraiment savoir ce qu'il allait dire. Il avait l'impression qu'Almah lui demandait son avis, mais malgré ses aventures récentes, il demeurait toujours aussi démuni face aux choses de la guerre. « Les gnolls sont déjà venus nous délivrer leur message. Cependant, peut-être allez-vous pouvoir nous éclairer sur le sujet : savez-vous s'il a d'autres ennemis contre qui il compte dresser ses troupes ? Le fait qu'il lui faille tant de temps pour mener ses hommes contre Kelmarane laisse suspecter un contretemps... Et j'aimerais bien savoir lequel, car nous pourrions peut-être le tourner à notre avantage... »


Alia écoutait avec attention ce que leur racontait leur curieux visiteur. Il n'y avait rien de bien nouveaux dans ce qu'il annonçait : le Roi Charognard n'avait pas apprécié la prise de Kelmarane et ne comptait pas en rester là. Tous les habitants de la ville le savaient et s'ils l'ignoraient l'accent mis sur la reconstruction rapide des défenses de la ville devait leur mettre la puce à l'oreillle.
Il y avait néanmoins une information, si c'en était bien une et non une exagération, qui la fit sortir de son mutisme et questionner à la suite de Célestin :
« Des gnolls grands comme deux hommes qui coupent des chameaux en deux avec leur lame ? Est-ce possible ? Ne serait-ce pas plutôt un récit exagéré d'une personne effrayée ? »


L'homme écouta attentivement les deux conseillers. Il semblait moins luire, comme de peur d'incommoder la princesse.«  Vous avez raison Alia, c'est peut-être une exagération. Ce que je sais, c'est qu'en me rendant là où il disait avoir été attaqué, j'ai bien vu les corps des montures, en grande partie mangée, mais dont les entailles étaient trop grandes pour des épées de notre taille. Il a peut-être cru voir des gnolls gigantesques alors qu'il s'agissait d'une autre créature. Je sais que le Roi Charognard et la tribu Charogne ont quelques ennemis dans les rangs de leurs alliés, qui n'attendent qu'une faiblesse pour prendre le dessus, mais je sais aussi que la faiblesse qu'ils attendent tardent à se montrer depuis des années. La tribu des Trois Gueules a essayé de prendre la tête il y a de cela un ou deux ans, et a du fuir la Montagne Pâle, presque entièrement décimée. »


Almah se leva, faisant les cent pas tandis qu'elle répondait.

« Si ce que vous dites est la réalité, c'est des plus inquiétants. Je préparerai les défenses de la ville tandis que j'enverrai des patrouilles dans les prochains jours. Nous pourrons peut-être trouver un moyen de l'attaquer par une porte dérobée. »


L'homme jouait avec les tresses de sa barbe. «  Si plus qu'attendre, vous souhaitez agir, j'ai déjà entendu parler de grottes qui abriteraient un passage pour la Demeure de la Bête, datant de l'époque où les génies se battaient, avant que les gnolls ne s'en emparent. Je ne sais pas où il est exactement, ni si il comporte toujours un chemin, ni où il mènerait exactement. Cela serait dans la Gueule de la Montagne, l'une de ses excroissances dont on dirait qu'elle a des sommets en forme de crocs.
Je ne peux en revanche attester de son existence, je ne suis pas assez fou pour m'y aventurer, du moins seul.
Si vous le permettez Princesse, avant de reprendre la route pour chercher des maisons ou tentes isolées à prévenir, j'aimerai me sustenter dans votre ville, et faire quelques provisions. Bien sûr, je paierai. »

La Princesse regarda l'un des serviteurs de la pièce, tout en lui répondant.
«  Je vous fais don de cette nourriture essentielle prêtre Bismal, si jamais vous décidiez d'une halte plus longue, le temple de Sarenrae se ferait un plaisir de vous loger. »
« Votre gentillesse vous honore Princesse, mais cette nourriture sera déjà un geste des plus appréciés. Je ne peux hélas me permettre de traîner de peur de voir des innocents être prévenus trop tard. Mon sommeil peut attendre, surtout avec cette nourriture. »
Suivant l'esclave qui l'attendait pour l'amener à ses repas, il ajouta en direction des conseillers.
« Soyez prudents. Si il a réussi à monter à la tête des gnolls, et à les faire changer de Lamashtu vers Rovagug, il doit être puissant, malin, ou les deux à la fois. »



Alia avait écouté attentivement le discours du pélerin, quand il fut sur le point partir et s'adressa de nouveau à Célestin et elle, elle le salua et lui répondit :
« Grand merci pour ces informations, protégé de la Fleur de l'Aube, nous essaierons de les utiliser le mieux possible. » Puis elle se tourna vers Almah et le sorcier : « Nous devrions aller voir ces grottes le plus tôt possible, mais attendons déjà le retour de nos éclaireurs, leurs informations couplées à celles-ci permettront peut-être d'y voir plus clair. »


Célestin sourit avec bienveillance aux paroles d'Alia. « Oui, cela va de soi ! Mais... C'est bien trop dangereux pour laisser nos soldats y aller... Tu as conscience que ce sera un travail pour nous ? Es-tu déjà prête à...? » Le sorcier laissa sa phrase en suspens, se retournant vers le sarenite errant. « De Lamashtu à Rovagug ? Comment ça ? Ceux qui détenaient Kelmarane semblaient prier Lamashtu... Du moins, nous avons combattu une prêtresse de Lamashtu... » demanda-t-il perplexe.


Almah jeta un regard noir à Alia quant elle mentionna les éclaireurs déjà partis. L'homme afficha une fausse surprise.
« Oh votre altesse, je n'avais pas compris que vous aviez déjà pris les devants. »
Il se tourna vers Célestin, songeant à ce qu'il venait de dire.
« et bien je ne saurais vous expliquer sa présence, mais je peux vous confirmer que le Roi Charognard vénère bien Rovagug, ainsi que les siens.
C'est une partie de la base de son pouvoir. On dit qu'il y a longtemps, il a abandonné la fois en Lamashtu pour un dieu plus fort, un dieu de guerre et de destruction. Comme il avait survécu et gravissait les échelons sans être de la foi, il a fini par avoir de plus en plus de fidèles acquis à sa cause et changeant de foi. Il n'est pas impossible que certains fidèles de Lamashtu continuent de le servir. C'est une information importante que vous donnez ici, il y a peut-être une alliance. »



Célestin émit un sourire à l'attention d'Almah, visant à apaiser les tensions. Puisque l'information avait été lâchée, autant poursuivre sur cette voie... « Pardonnez-moi d'insister, Bismal, mais nos éclaireurs ne devraient probablement pas tarder à revenir. Ne voudriez-vous pas les attendre et savoir ce qu'ils ont à dire ? Cela permettrait d'une part de confronter vos connaissances respectives, et d'autre part ils auront peut-être glaner des informations qui vous permettrons de vous diriger au bon endroit pour prévenir les populations. De toute façon, il semblerait que ce soit Kelmarane qu'ils visent, spécifiquement. S'il regroupe son armée, il n'y a aucune raison pour que des gnolls errants agressent les environs. Au contraire, dirais-je. De plus, il est notoire que les gnolls habitent les montagnes alentours. Il est guère possible de ne pas entendre leurs hurlements. Croyez-vous qu'il soit urgent que vous les préveniez... Et les prévenir de quoi, au final ? »


« Je comprends Célestin, et vous n'avez pas tort, mais vous supposez qu'ils reviendront, et vite. S'ils ne reviennent pas, en plus de leur mort, ce sont de nombreuses personnes qui seront mises en danger par un avertissement tardif ... d'autant que nous risquons de savoir qu'ils ne reviendront pas qu'avec les gnolls présents ... je préviens chacun de ce qui semble se préparer, car comme vous le dites, les gnolls ici hurlent chaque nuit, quelque soient leurs projets. Car une fois Kelmarane prise, ou si justement ils échouent, ils ne s'arrêteront peut-être pas là. Mais je peux repasser ici dans quelques jours, si vous le souhaitez. Si vos éclaireurs sont rentrés, ça sera l'occasion de bavarder. »

« Soit... » laissa tomber Célestin. « Si effectivement vous pensez pouvoir revenir d'ici quelques jours, ce sera avec plaisir que nous confronterons ce que vous aurez pu apprendre de plus à ce que nos éclaireurs auront vu. »


Alia resta silencieuse à la fin de la conversation, le regard noir de la Princesse lui avait rappelé qu'elle n'avait aucun talent pour les conversations à demi-mots où chaque phrase voulait en dire une autre et où on jaugeait l'adversaire à travers ses réponses.
La discussion voyant arriver sa fin, elle ajouta néanmoins :
« Merci pour ces renseignements et nous serons heureux de vous revoir dans quelques jours... »
Elle hésita sur la fin, mais renonça à compléter ses paroles, craignant de faire un nouvel impair.


L'homme fit une révérence aérienne avant de partir. Alia comme Célestin purent remarquer qu'il avait, discrètement, regarder la garde du cimeterre d'Alia, et semblait avoir tiqué. Almah semblait des plus perplexes. Elle patienta pour s'assurer qu'il serait bien assez loin avant d'ajouter.
«  C'est une bien mauvaise nouvelle mais je n'ai pas pour autant pleinement confiance en cet homme. Je pense que nous attendrons le retour des nôtres avant de décider quoi que ce soit. Merci à vous de me l'avoir ramené, je m'en vais en parler à Zastoran, Nemlak, et Undrella, qui en sait peut-être un peu plus sur les gnolls de la région et leur façon de procéder. »
Dit-elle en se levant, les enserrant autour des épaules alors qu'elle les accompagnait jusqu'au dehors, où leurs chemins se séparèrent.
Qui sème le vent ... est déjà d'un bon niveau.
Offline Guigui  
#95 Envoyé le : samedi 17 novembre 2018 22:34:02(UTC)
Guigui
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Alia et Bhaal : le bain


23ème jour d'Erastus 4709, Kelmarane


près un baiser sur la joue douce de Vélanya, Alia et Bhaal sortirent de la maison de Jyll et Célestin où ils laissaient la petite fille pour la nuit. Une proposition de leur ami qui supposait, à raison, que le tieffelin et l’aasimar avait besoin d’intimité pour leurs retrouvailles.

Main dans la main, silencieux, ils avançaient vers leur maison dont les travaux avaient bien avancés. Si tout n’était pas encore achevé, le gros œuvre était fini et les pièces d’habitation étaient devenues enfin agréables, les quelques meubles étaient sobres mais raffinés.

Une fois à l’intérieur, Alia sentit une nervosité l’envahir, elle était heureuse du retour de Bhaal qu’elle avait attendu avec impatience et crainte, mais elle ne pouvait s’empêcher de lui en vouloir. Pas d’être parti en mission, elle savait qu’il avait besoin du danger pour se sentir vivant et puis s’il avait créé une guilde de mercenaires ce n’était pas pour rien. Mais elle lui en voulait d’avoir fui. Son départ avait été une fuite, et c’était elle qu’il avait voulu fuir.

Comme à son habitude, elle décida de n’en rien montrer. Son fiancé s’approcha d’elle pour l’enlacer, elle se déroba, se dirigeant vers le grand escalier.

« Tu dois être fatigué, je t’ai préparé un bain tout à l’heure, logiquement l’eau doit être encore chaude. »


Le bras puissant de Bhaal retomba le long de son corps, comme un appendice devenu inutile, tandis que sa fiancée se dérobait à son étreinte. Il la regarda se diriger vers l'escalier, surpris mais non étonné : il connaissait bien sa compagne, bien qu'ils ne fussent ensemble que depuis moins de trois mois, et les quelques signes qu'il avait pu glaner ça et là depuis son retour s'accumulaient. Elle avait quelque chose à lui reprocher, et il n'y avait pas besoin d'être archimage pour comprendre que cela avait à voir avec sa petite escapade avec Khem, Nedj et Dashki.

Le géant soupira de lassitude. Il était fatigué et il avait mal partout, et particulièrement au dos, aux jambes et aux pieds. Ils avaient vraiment trop forcé l'allure pour revenir, et les corps avaient souffert. Faire le trajet de retour en un jour de plus aurait déjà été considéré comme une marche forcée par bien des soldats. Il se serait bien passé d'une scène de ménage pour son retour, mais il savait qu'il faudrait en passer par là. Il ne faisait que récolter ce qu'il avait semé. Aussi résolut-il de suivre sa compagne dans l'escalier en claudiquant, sans rien dire. Un escalier n'était pas un endroit convenable pour se faire morigéner par sa future femme. Il lui fallait donc attendre un moment plus propice. Comme dans une baignoire, par exemple...


Alia précéda Bhaal jusqu'à la salle d'eau où une baignoire encore vide les attendait. Une lourde chaleur embuée envahissait la pièce, un feu ronronnait dans une vaste cheminée chauffant des récipients remplis d'eau brulante.
Alia s'avança dans la salle, prit un pot en terre dans une étagère sur le côté, elle plongea la main à l'intérieur et jeta quelques poignées d'herbes dans la baignoire. Puis elle souleva les récipients remplis d'eau l'un après l'autre et les versa dans la cuve.
Pendant tout ce temps, elle ne regarda pas son fiancé, concentrée sur les gestes domestiques qu'elle avait mille fois réalisés pour d'autres, cherchant la perfection de chaque geste.


Désormais attentif au moindre signe de sa compagne, Bhaal ne la quittait pas des yeux. Il resta à l'entrée de la salle d'eau, hésitant à entrer compte tenu de la couche de poussière et de crasse dont il était recouvert. Finalement, il résolut d'ôter ses affaires là où il était, et de les déposer dans le couloir. Tandis qu'Alia officiait, préparant son bain comme un prêtre préparerait une cérémonie sacrée, il entreprit de délacer sa cuirasse qu'il déposa doucement au sol en prenant garde de ne faire aucun bruit qui risquerait de perturber le rituel. Puis il retira sa chemise, ses caligae de cuir, ses braies qu'il portait remontées aux genoux, et enfin son pagne. Il se tint là immobile, masse de muscles rouges entièrement nue, à observer la jeune fille exercer son art. Mais il n'avait pas l'opportunité d'en profiter entièrement car elle restait tête baissée, concentrée sur sa tâche comme l'esclave qu'elle avait été, sans chercher à le regarder ou à lui parler. Et chacun de ses gestes gracieux se transformait alors en un reproche silencieux. Que voulait-elle lui dire exactement ?

Finalement, quand ce manège devint une souffrance pour lui, il s'approcha d'elle, aussi prêt qu'il pouvait sans la toucher, et murmura. « Je suis revenu, mon amour. Je... J'avais besoin de réfléchir. Il ne faut pas m'en vouloir d'être parti... Les choses sont claires, maintenant, tu comprends ? » Hasarda-t-il en même temps qu'une main sur l'épaule de la jeune fille.


« Je ne t'en veux pas. »
La jeune fille avait parlé les mâchoires serrées, démentant par son attitude ses paroles.
« Tu es parti parce que ta présence était plus importante là bas qu'ici, non ? Khem et Dashki ne pouvaient pas s'en sortir sans toi, c'est bien ce que tu as dit ? Je savais que tu ne pouvais pas rester loin du danger très longtemps., je l'ai accepté depuis que je me suis donnée à toi. »
Elle reposa un broc un peu brutalement, alors qu'elle lui tournait le dos, elle ajouta comme pour elle-même : « Je n'aurai juste pas cru que deux jours étaient déjà trop pour toi... »


Bhaal encaissa stoïquement la charge de sa compagne. Il préférait mille fois cela à cette attitude neutre, soumise et silencieuse qu'elle avait parfois quand les choses n'allaient pas, quand elle faisait ce qu'elle avait toujours appris à faire, ce qu'on lui avait appris à faire pendant ses longues années de servitude... Quand elle était cet espèce d'automate qui était tout sauf Alia.

Il prit une grande inspiration avant de répondre, d'une voix calme et mesurée dans laquelle la gravité transparaissait. « Écoute... Je ne veux rien d'autre que vivre en paix ici, avec toi. Avec toi et elle. J'ai eu besoin de prendre l'air voilà. Il y a tellement de choses qui se sont passées... Mes... Mes "parents"... La Source Unique... Ta mort, la mienne... Cette épée qui s'enfonce dans ta chair, encore et encore... Cette voix que j'ai entendu dans les Abysses... Notre retour... Cette bestiole sortie tout droit de l'Enfer... Célestin... Vlausta... Tous ces morts... Je suis habitué à la mort, m'enfin quand même... Et la petite... On ne saura jamais vraiment ce qu'ils lui ont fait, on ne peut que l'imaginer... Être son père... L'entendre hurler de terreur, la nuit... Cet enculé à bandelettes a tout gâché... Et moi, c'est quoi ma place, dans tout ça ? Je... Tout est allé tellement vite... J'ai eu besoin d'être un peu seul, de tracer la route avec des mecs... Être concentré sur l'instant présent, ne plus gamberger... Et puis... Avec Velanya... Je crois... Je crois que j'ai eu peur. »

C'était cela. Il l'avait dit, tête baissée, la voix réduite à un murmure. Il n'y avait pas vraiment eu d'intimité possible pendant le voyage de retour, et il n'avait pas trouvé de moment propice pour mettre des mots sur ce qu'il ressentait. Mais le fait qu'ils soient désormais trois et non plus deux avait été plus difficile à appréhender que la perspective d'aller se faire trucider dans n'importe quel endroit dangereux du pays.

« Tu comprends ? »


« Ce que je comprend, c'est que toi tu as pu partir, tu m'as laissé seule. Tu crois être le seul à avoir souffert de tout ça ? »

Elle le regardait franchement maintenant, ses yeux lançaient des éclairs.

« Moi aussi j'ai souffert de tout ça ! A chaque fois que Velanya hurle de terreur, c'est comme si on arrachait une partie de mon âme... » Sa voix se brisa... « Mais moi, je n'ai pas pu partir... je suis restée ici, seule, pour affronter les souvenirs et sa douleur... Seule... Tu m'avais dit que tu serais là quand j'en aurai besoin mais tu as fui... »


« Hé ho ! » Fit Bhaal d'une voix grondante, qui commençait à trouver que cela suffisait. N'avait-il pas admis sa faiblesse ? N'avait-il pas parlé à cœur ouvert ? Qu'est-ce qu'Alia voulait de plus ? Il s'était imaginé qu'un peu de contrition suffirait à obtenir le pardon de son aimée, et trouvait injuste que ses aveux ne soient pas suffisants. « Ça va peut-être aller, les reproches ? Je me suis fait trouer la peau pour que tu retrouves la petite, si tu veux bien t'en souvenir ! Qui t'a poussé à la chercher ? Qui ne voulait pas en entendre parler ? Tu ne fuis jamais, toi, peut-être ? Quand quelque chose ne va pas, tu es la première à fuir. Tu prends ton sourire énigmatique, tu joues ta petite comédie, plus rien ni personne ne peut t'atteindre, même pas moi. J'ai peut-être fui dans la montagne, mais toi, tu fuis en toi-même ! »

A ces mots, il écarta sa compagne sans douceur pour enjamber le rebord de la baignoire et d'effondrer d'un coup dans l'eau brûlante, son grand corps faisant déborder l'eau qui se répandit tout autour. Il se pencha en avant pour plonger la tête dans l'eau et la ressortit en s'ébrouant, se frottant le visage avec les mains pour en évacuer la crasse du voyage. Il s'affala ensuite en arrière, l'air bougon, les bras le long de la baignoire, s'immobilisant soudainement et mettant fin à toute cette agitation.

Il sentit sur lui le regard d'Alia qui, restée en arrière, état comme pétrifiée. Il se passa à nouveau la main sur la visage et, au bout d'un instant, sa voix de basse, désormais calme à nouveau, brisa le silence. « Je ne suis pas parfait... Je... J'essaie de faire au mieux... Je voulais que tu retrouves Velanya, que tu sois à nouveau toi-même, mais... Ça ne s'est pas passé comme je l'espérais. Au final, on continue de souffrir, même si c'est pas de la même manière. Je... » Il leva la main droite comme pour aider les mots à sortir, mais ils restèrent coincés dans sa gorge nouée. « Tu as raison de m'en vouloir. Je n'ai pensé qu'à moi. Je n'ai pas vu que... Non ! Je n'ai pas voulu voir que tu avais besoin de moi... »

A nouveau le silence se fit, seulement ponctué par le clapotis de l'eau et le tintement des gouttes qui tombaient du visage du gladiateur. Puis il se redressa lentement pour s'asseoir, le dos voûté, la tête basse. « Je te demande pardon... »


Alia resta un long moment figée, recevant de plein fouet les paroles assassines du géant rouge, une colère froide l'envahissait à mesure qu'il parlait. Mais son petit manège dans la baignoire l'empêchait de répondre. Enfin, il s'immobilisait, elle prit sa respiration mais il l'en empêcha de nouveau en reprenant la parole.

Elle le regarda un long moment, tête basse, dos vouté dans l'eau fumante. Sa colère retomba, ils étaient vraiment pathétiques tous les deux... Elle s'approcha de la cuve et s'assit sur le sol mouillé, s'appuyant sur le bois, visage en sueur tourné vers l'homme qu'elle aimait.

« On n'est vraiment pas doués tous les deux... » Elle lui fit un pauvre sourire contrit puis elle parla à voix basse, pensive. « On s'empêche tous les deux de montrer nos faiblesses. Toi tu hurles, tu tues quelqu'un, tu prouves que tu es fort, moi je fuis en moi-même comme tu dis. Je cache mes émotions pour que personne ne puisse les utiliser contre moi... Quand Vélanya est arrivé, j'étais heureuse, vraiment, je le suis toujours mais... c'est compliqué, ses anciens maîtres ont fait ce qu'il fallait pour gâcher nos retrouvailles. Cela va mieux, ses crises de terreur sont de plus en plus espacés mais... elles sont toujours aussi violentes. Je ne sais pas si elles disparaitront un jour, si c'est ma présence qui les provoque... je ne sais pas... » Elle s'interrompit un instant, la gorge nouée, puis reprit la voix un peu éraillée. « Mais je ne voulais pas le montrer aux autres, pas après tout ce qu'on a fait pour la récupérer. Ils ont entendu les hurlements pendant le voyage, cela suffit. Je suis heureuse d'avoir retrouvée ma fille, c'est tout ce qu'ils ont besoin de savoir. »

Elle regarda son amant franchement.

« Tu n'es pas les autres. Je voulais te parler, te dire ce que je ressens mais... je ne sais pas comment faire. Alors j'ai attendu. Attendu que tu fasses le premier pas, que tu me demandes comment j'allais et que tu m'engueules parce que je te mentais, parce que toi tu sais quand je dissimule les choses. Mais tu ne m'as pas posé la question et tu as accepté que je te souris comme aux autres... »


Bhaal releva légèrement la tête et regarda sa compagne en lui souriant tristement. Il hocha la tête. « Oui, c'est vrai... » Murmura-t-il, « même si ça serait plus simple si je n'avais pas besoin de te houspiller pour que tu me parles. Enfin, je suppose que nos vies d'esclaves sont tellement gravées en nous qu'on ne sait pas faire autrement. J'espère que le temps nous y aidera. Après tout, ce dont on manque le plus en ce moment, c'est de temps... »

Il prit une nouvelle inspiration avant de poursuivre, les mots sortant difficilement de sa gorge. « Je t'ai fait défaut, mon amour. Je ne peux pas te promettre que ça n'arrivera plus jamais, mais ça n'arrivera plus pour ça. Je veux dire... Ma petite balade m'a fait du bien. J'ai eu besoin de ça pour me rappeler qu'il n'a pas de vie qui vaille la peine d'être vécue loin de toi. Tu m'a manqué presque dès le départ, et pendant tous ces jours et toutes ces nuits, je n'ai pensé qu'à toi... Et au moment où je te retrouverai. J'ai eu peur à cause de la petite, mais je n'ai plus peur maintenant. Je suis prêt à vivre avec toi... avec vous deux. Je suis prêt à être son père. Je suis prêt à être ton homme... Ton mari. Enfin, si tu veux toujours de moi, » hasarda-t-il en guise de conclusion en la contemplant de ses yeux jaunes.


Un grand sourire naquit doucement sur les lèvres de la jeune fille, elle regardait son homme le regard brillant de joie, hochant la tête vigoureusement.
« Oui ! Oui bien sur que je veux toujours de toi. Tu es le seul... le seul qui compte, le seul qui n'ait jamais compté. »
Elle noua ses doigts à ceux de Bhaal qui reposaient sur le rebord de l'étuve et les serra fortement.
« Marrions-nous avant de partir. Je ne sais pas ce qu'il va se passer ensuite mais si je dois mourir, je veux porter ton nom, je veux être à toi. Totalement. »


Bhaal ne pouvait détacher son regard du visage rayonnant de sa bien aimée. Enfin, il la retrouvait, la vraie Alia, joyeuse, heureuse et libre, débarrassée de sa souffrance. Elle était tellement belle, un ange venu du ciel, venu pour lui. Il ressentit, à cet instant, tellement d'amour pour elle qu'il se crut sur le point d'exploser. N'en pouvant plus, il l'attrapa par le cou et précipita son visage sur le sien pour écraser ses lèvres sur sa bouche. Il se pencha tellement que la cuve manqua verser, mais il se recula au dernier moment en un réflexe salvateur, provoquant un éclat de rire de la jeune fille. Souriant à son tour de sa mésaventure, il attrapa son bras pour l'attirer à lui et la faire tomber dans l'eau, ce qu'elle fit en poussant un cri de joie et de surprise mêlées.

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#96 Envoyé le : samedi 17 novembre 2018 22:38:19(UTC)
Guigui
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Nedjemibrê et le Prince

27ème jour d'Erastus 4709, Kelmarane

Alors que le cortège marital parcourait le chemin entre le temple et l'arène, Nedjemibrê suivait le Prince Jawad de près, assurant sa protection, comme toujours. Comme les autres, l'homme à la peau d'ébène était touché par la liesse du moment. Et quand bien même il faisait bien attention à rester vigilant, ne perdant pas de vue ses obligations, il se sentait plus léger qu'à l'accoutumée. Ses yeux se mirent à flâner, suivant les lignes délimitant les champs de pesh, emportant bientôt ses pensées vers d'autres horizons. Des horizons lointains... Trop lointains... Hors de portée ?... Nedjemibrê pensa à sa vie d'avant, parmi les Badawis ; il était libre, alors. Il pensa à Aïsha... Il pensa à Eorwë... Il pensa aux douces promesses prononcées, juste avant l'aube, après l'amour, avant que les devoirs de la vie d'esclave ne les séparent. Il pensa à la disparition d'Eorwë...

Son absence lui devint encore plus pesante que d'habitude... Nedjemibrê serra les dents ; les muscles de ses mâchoires ondulèrent sous la peau d'ébène. Il fallait qu'il se reprenne. Le Prince comptait sur lui. Et l'homme à la peau d'ébène espérait que le Prince le libérerait. Faire bonne figure.... Mais plus l'obligé du Prince Jawad se forçait à rester de marbre, plus ses pensées se jouaient de sa volonté et l'emmenaient loin, ailleurs, demain. La force de l'émotion dégagée par le mariage était en train de fêler la carapace d'ébène...

Un souvenir, ou un rêve, frappa d'un coup à la mémoire de Nedejmibrê : ... ton émotion t'a trahi, Mulatu. Tu es d'un grossier ! Tu crois vraiment que je vais te donner ce que tu me demandes, alors que tes désirs, tes desseins, sont tellement évidents ?! Tu sous-estime mon intelligence, Mulatu... Et ma cruauté ! Ces terres ne seront jamais tiennes ! Tu ne pourras pas faire aboutir ton petit complot, que l'administration de ces lieux aurait bien aidé... Tu resteras un raté, Mulatu...

Une goutte de sueur glacée chatouilla le dos de Nedjemibrê alors qu'il reprenait ses esprits. Était-il cet homme ? Lui fallait-il vraiment jouer double jeu avec le Prince ? Ce souvenir, aux allures d'avertissement, perturbait Nedjemibrê... Il réfléchissait... Quand tous eurent pris place dans les arènes embaumant le lilas, et que le défilé des cadeaux commença, Nedjemibrê osa enfin s'ouvrir au Prince :

« Votre Altesse, veuillez excuser votre obligé : je crains que le moment soit mal choisi... Mais je voudrais m'entretenir avec vous de quelque chose d'important... D'important pour moi, votre grâce. » Nedjemibrê avait tenté de s'adresser au Prince sur un ton neutre, protocolaire. Mais il savait bien sa voix devait trahir son émotion. Et tant pis. Il avait fait le choix d'être franc. Malgré ce que lui suggéraient ses souvenirs, il ne louvoierait pas comme le serpent.


Le prince était occupé à boire une coupe de vin, congédiant Zastoran qui conversait avec lui quant il vit Nedjemibrê s'approchait, d'un pas typique des moments où il voulait s'entretenir avec lui. Il avait l'oreille attentive aux nouvelles qu'allait amener son serviteur mais remarqua rapidement qu'il n'était pas venu là pour autre chose que lui-même. « Parle, Nedjemibrê, je t'en prie. Marchons un peu pour nous mettre à l'écart. » dit-il en attrapant une autre coupe, qu'il lui tendit.


Tel un automate, Nedjemibrê prit la coupe offerte sans même la regarder. Il inclina néanmoins la tête en signe de remerciement ; la déférence polie étant devenue, au fil des années passées à servir, une seconde nature. L'homme à la peau d'ébène emboîta le pas au Prince.

Une fois qu'ils se furent suffisamment écartés, Nedjemibrê se racla la gorge, et, fixant le Prince de ses yeux d'onyx, il lui déclara : « Votre Grâce, vous savez que d'ici quelques jours, nous allons partir pour une périlleuse mission. Une mission dont certains d'entre nous pourraient ne jamais réchapper...  » Nedjemibrê, l'air grave, marqua une courte pause. Des éclats de rire et des mélodies joyeuses fusaient alentour. Une liesse à laquelle l'homme à la peau d'ébène était pour l'instant hermétique. Encore plus décidé à ne pas y aller par quatre chemins, il reprit : « Votre Grâce, j'ai repensé à la promesse que vous m'avez faite à Katapesh. Si je dois bientôt être jugé par Osiris, je voudrais que ce soit en homme libre. Je vous dois la vie et, par tout ce qui est sacré, je vous en serai éternellement redevable, votre Grâce. Mais si Migwala a accepté de me remplacer auprès de votre Altesse, accepterez-vous à votre tour de me libérer de notre accord avant que je ne parte pour la Montagne Pâle, votre Grâce ? »


Le prince leva un sourcil, non par énervement ou vexation, mais par surprise, sourcil qui se rabaissa presque aussitôt tant le prince ne laissait quel quelques instants de faille avant de se reprendre. Il regarda les étoiles, un long silence comme second compagnon.
« Pourquoi est-ce que cela t'importe-t-il autant soudainement? Tu n'es pas homme à précipitation ou à avoir de vives montées émotionnelles. » questionna-t-il en redescendant son regard vers lui.


Les narines de Nedjemibrê se dilatèrent alors qu'il exhalait un peu de la tension qui l'habitait. Le Prince avait raison : ce n'était pas naturel pour l'homme à la peau d'ébène d'afficher ses émotions - et d'habitude, il était plus que patient. D'habitude, par instinct... Un instinct guidé par des souvenirs évanescents dont Nedjemibrê se demandait toujours s'ils étaient bien à lui...

Nedjemibrê soutint le regard du Prince - non par défi mais plutôt pour s'afficher franchement, face à face - et lui répondit d'une voix grave : « Votre Grâce, je ne sais pas à quel point vous êtes renseigné sur mon passé. Peut-être savez-vous qu'avant d'être esclave, j'ai été un homme libre. Mais même lorsque j'étais libre, j'ai vécu en me laissant porter par les autres ou par les évènements... Je n'ai jamais rien entrepris de mon propre chef... »

Nedjemibrê marqua une courte pause - pour combattre son instinct qui lui soufflait sans relâche de biaiser, ou de se taire, qu'il allait être trahi - avant de reprendre, d'une voix peut-être un peu trop vibrante : « Aujourd'hui, j'ai vu deux anciens esclaves se marier. D'anciens esclaves qui ont décidé de risquer leur liberté et leur bonheur chèrement acquis, leurs vies, pour défendre cette cité. Aujourd'hui, j'ai pris conscience que je désirais, moi aussi, prendre en main mon destin, votre Grâce. Aujourd'hui, j'ai réalisé qu'à me laisser porter, à attendre, je me fuyais moi-même... Je vous dois la vie, votre Grâce - ou à tout le moins, mes mains. Et cela, je vous en serai éternellement redevable, vôtre Grâce. Mais aujourd'hui, j'aimerais pouvoir partir affronter les perfidies que Set placera sur mon chemin de mon propre chef, plutôt que de m'y sentir contraint par mon obligeance envers de vous, vôtre Grâce. Je voudrais pouvoir le faire en mon nom, pour cette cité et pour ces gens... Quoi que vous décidiez, votre Grâce, j'ai donné ma parole : j'irai à la Montagne Pâle. J'irai affronter le Roi Charognard en son domaine. Mais selon ce que vous déciderez, ce ne sera pas pour les mêmes raisons... » L'homme à la peau d'ébène se tut. Nedjemibrê - qui n'y avait plus prêté attention - se sentit envahit par le brouhaha joyeux de la fête. En cet instant, chaque note de musique, chaque rire, chaque éclat de voix, se gravaient dans sa mémoire comme autant de brandons. C'était sans doute la première fois que l'homme à la peau d'ébène exprimait franchement sa volonté, et si l'évènement aurait sans doute paru de peu d'importance à tout un chacun, Nedjemibrê se sentait à vif.


Le prince semblait avoir la désagréable impression de ne pas écouter Nedjemibrê tant il regardait ailleurs sans réagir à ses propos. L'intéressé comprit bien que fort heureusement, il était simplement en train de considérer sa requête.

«  Je comprends. Plutôt, j'imagine. J'essaye d'imaginer. Tu sais, chaque esclave que je croise, malgré l'ordre perpétuel de la pratique, et le bénéfice que j'en tire, me fait me poser de nombreuses questions. J'ai peut-être sauvé tes mains mais tu as sauvé ma tête à plusieurs reprises, la dernière fois encore à l'auberge pour la réunion. Si tu sens un appel tel que tu prends le risque de venir m'en parler, eh bien ... aussi peu commode me soit d'être entouré d'une demi-orque, je ne peux que concéder à ta requête. Et cela fait, j'aurais une question pour toi. Une question que je souhaite donc te poser non comme Maître, mais comme personne.
Qu'es-tu vraiment ? »
Demanda-t-il en tournant à l'inverse toute son attention et son regard sur lui.


« ... je ne peux que concéder à ta requête. » Nedjemibrê avait failli se pincer pour se convaincre qu'il n'était pas saisi par un de ces étranges rêves éveillés. Heureusement, l'homme à la peau d'ébène ne se laissa pas emporter par la vague d'exultation qui l'envahissait et parvint à garder contenance. Cela lui fut d'autant plus facile que la question du Prince le mit mal à l'aise : presque une douche froide. « Qu'es-tu vraiment? » Il n'avait pas demandé qui mais quoi... Que ce soit grâce à des recherches sur le passé de Nedjemibrê ou simplement parce qu'il était sagace, le Prince avait posé la question...

Nedjemibrê lui avoua spontanément, l'air grave : « Je... Je n'en suis pas sûr, votre Grâce...  » Une réponse des plus vagues, mais l'homme à la peau d'ébène n'aurait pu en donner de plus franche. Alors que les sourcils royaux se haussaient, Nedjemibrê tenta de jeter un peu de lumière sur l'obscurité de sa nature :

« Ne soyez pas offensé, vôtre Grâce. Je ne biaise pas. Je vais vous conter ce que je sais ; mais cette histoire vous paraîtra certainement des plus étrange. C'est pourtant la mienne....  » Avant de poursuivre, Nedjemibrê se rapprocha du Prince, afin de n'être entendu que de lui. L'homme à la peau d'ébène parlait bas. «  Je suis né il y a une trentaine d'années dans le désert. Mon apparence était alors en tout point semblable à celle que j'ai aujourd'hui : j'étais déjà cet homme qui se tient devant vous. J'avais certainement un passé mais je l'ai perdu. Je ne sais rien de ce qui m'est arrivé avant cette naissance, de qui j'ai pu être... Quelques brides de ce passé me reviennent bien en rêve. Parfois. Des souvenirs qui appartiennent à un temps qui n'est plus de cette époque. Du temps où l'Osirion vénérait d'autres dieux... Du temps où les Pharaons régnaient sur le monde... Je suis peut-être très ancien... Ou tout cela n'est peut-être qu'un maudit songe qui me poursuit... Vous comprendrez mon trouble et mon incertitude, votre Grâce. Mais il y a une chose dont je suis sûr : le temps glisse sur moi. Ma nature n'est certainement pas... humaine. » Nedjemibrê marqua une pause avant de continuer : « Ces dernières années, les rêves se font plus présents... M'ont poussé à me demander... Comme vous le savez, j'ai eu accès à... l'intimité de quelques riches demeures. Je n'ai pas seulement pillé leurs biens : quand j'ai pu, j'ai aussi parcouru leurs livres rares. » Nedjemibrê s'offrit une longue respiration, presque un soupir, avant de lâcher, l'air renfrogné : « Vous m'avez demandé ce que j'étais, votre Altesse... Je crois que je suis un Shaabti...  » L'homme à la peau d'ébène avait presque craché ce dernier mot, comme s'il l'avait vomi. « Vlausta...  » « Vlausta aussi semblait le penser...  »


Le prince, exceptionnellement, ne cachait pas sa stupeur. «  Cela ne m'étonne qu'à moitié. Je n'ai jamais vu d'humain faire ce que tu fais. Je ne sais ce qu'est un shaabti. Ce nom ancien me dit quelque chose, mais plutôt de l'ordre du folklore, comme une sorte de monstre. Ce que tu n'es pas. C'est une histoire à la fois tragique et dotée d'une grande bénédiction. Ne pas savoir d'où l'on vient est une chose terrible mais ne pas vieillir quand le corps est dans la force de l'âge ... ça devrait te laisser de découvrir ce qu'il en est. Ce que je te propose, homme libre, si tu l'acceptes, dès ton retour, quand tu le voudras, et si Kelmarane ne nous bloque pas, nous irons à Solku ou à Katapesh, pourquoi pas en Osirion, lire ce qu'on pourra sur les Shaabti ou sur ce qui te passera par la tête. C'est quand même plus confortable de lire d'anciens textes quand on en a le droit ... même si ça doit être moins stimulant, n'est-ce pas? »


« Ne pas vieillir, c'est à la fois une bénédiction et terrible, vôtre Grâce. Les gens meurent autour de vous... Mais vous, vous restez là. Condamné à la solitude. Enfin, je n'ai pas tant vécu que ça me soit arrivé si souvent. Mais c'est ainsi que sont les choses... ...et ce pour quoi je redoute l'amitié. » avait répondu Nedjemibrê, l'air sombre. Mais sa liberté nouvellement acquise le transportait suffisamment pour que l'osirien ne broie pas du noir longtemps. Souriant à pleines dents au Prince, les yeux pétillants, Nedjemibrê ajouta : « Je ne saurais jamais assez comment vous remercier, votre Grâce ! Avoir l'opportunité d'en savoir plus sur ce que je suis... Voilà qui comblerait un grand vide.  » S'il n'était retenu par une longue pratique de la bienséance, l'homme à la peau d'ébène en aurait pris le Prince dans ses bras. Grisé par cette suite d'évènements (être libéré, avoir pu se raconter sans avoir été pris pour un monstre), Nedjemibrê se permit d'ajouter : « Mais avant d'en savoir plus sur mon compte, votre Grâce - car comme vous l'avez si bien remarqué, j'en ai le temps - il est une autre personne qui m'intéresse. Ne m'en veuillez pas, mais avant de partir avec vous, j'aimerais essayer de savoir ce qu'elle est devenue. Dès que je rentrerai, à moins que d'autres devoirs m'appellent, j'aimerais retourner à Katapesh quelques temps et devrais dès lors, et d'autant, repousser notre voyage, vôtre Grâce. »

Le prince fit un signe de la main, comme pour dire à Nedjemibrê qu'il pouvait disposer. Ce geste aurait pu être pris pour un ordre méprisant mais il connaissait plutôt bien ce dernier : il signifiait que la curiosité l'amènerait où il ne souhaitait pas se rendre, et préférait ainsi lui laisser une part de ses secrets, et de ses buts, pour lui.

Modifié par un utilisateur samedi 17 novembre 2018 23:58:13(UTC)  | Raison: Non indiquée

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Offline Guigui  
#97 Envoyé le : dimanche 27 janvier 2019 20:30:50(UTC)
Guigui
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Alia et Bhaal : vamos a la playa (1ère partie)


Le soir, quelque part dans Kakishon


a nuit était tombée et, après un repas moins frugal que ce qu'ils avaient pu craindre, notamment grâce aux fruits et crustacés que la nature luxuriante de ce plan leur avait offert au cours de la journée et qui avaient fort bien complété leurs rations, chacun vaquait à ses occupations avant le repos. Bhaal, en raison de son état, avait été dispensé des tâches logistiques pour cette fois. Alors que le camp retrouvait un semblant d'ordre et que les reliefs du repas étaient jetés au loin pour ne pas attirer la vermine, le géant rouge restait assis, pensif, face à la mer, sa jambe gauche allongée devant lui.

Il avait pu voir la mer lors de leur séjour à Katapesh, mais cette mer-ci n'avait rien à voir. Il n'y avait nul port, nul navire à l'horizon et nulle cité derrière eux. Seulement le vent, le bruit du ressac et le ciel illuminé d'étranges étoiles. Lui qui n'avait presque rien vu du monde en raison de sa servitude découvrait là un univers totalement inconnu de lui. Quelles que fussent ses pensées à cet instant, il se massait la jambe par moment, presque sans y penser, signe que la douleur était toujours là.


Le repas terminé, Alia s'employa à organiser leur campement pour la nuit, cherchant à s'occuper et ne surtout pas penser. Comme souvent, s'occuper de choses insignifiantes lui faisaient du bien, puisqu'elle ne pouvait pas maitriser les grands événements de sa vie, elle pouvait au moins maîtriser de petits détails. Mais il n'y avait pas grand chose à faire et elle se retrouva très vite désœuvrée.

Faisant quelques pas vers le rivage, elle s'arrêta, admirant l'horizon se miroitant sur l'eau, savourant la légère brise caressant sa peau. Elle se baissa et se déchaussa, profitant de la sensation du sable fin sur ses pieds.

Son regard se posa naturellement sur la grande silhouette rouge qui se détachait de façon incongrue dans le décor. La jambe tendue devant Bhaal lui rappelait combien il devait souffrir. Physiquement et mentalement. Pour quelqu'un de fier comme son époux, c'était difficile de se sentir diminuer.

Elle marcha jusque lui, s'assit à ses côtés juste un peu en arrière et enlaça son torse puissant de ses bras, collant sa poitrine contre le dos musculeux de son mari et posa sa tête contre son épaule. Elle resta immobile et silencieuse, profitant juste de la présence de l'homme et l'assurant de son soutien, quoi qu'il arrive.


Le fracas des vagues sur la grève masqua le pas léger d'Alia jusqu'à ce qu'elle s'assoie à côté de Bhaal et l'enlace tendrement. L'espace d'un instant, son corps se détendit alors qu'il s'abandonnait à cette étreinte. Mais soudain, il se souvint qu'il avait ôté son armure. Malgré la légèreté de celle-ci, elle le gênait aux épaules et, la lassitude aidant, il avait éprouvé le besoin d'être totalement libre de ses mouvements. Ce geste imprudent dans un endroit dont ils ne savaient encore rien avait une autre conséquence, bien plus fâcheuse pour le géant rouge. Elle allait le sentir. Elle allait se rendre compte.

Mû par une peur irraisonnée, le gladiateur se raidit et se redressa d'un coup. Manifestement gêné, il s'éloigna d'Alia en prenant appui sur ses bras. Il y avait à peine une coudée entre eux, désormais, mais c'était comme un abîme. Son visage exprimait de l'embarras, mais plus que cela : de la peur. De la honte.

Il ne vit pas son regard, mais il sentit sa femme se figer. Il ne voulait rien lui dire, mais il ne pouvait la laisser croire qu'elle était la cause de cela. « C'est... Pardon... C'est pas contre toi, » murmura-t-il, sans savoir comment s'en sortir.


Décontenancée par son brusque rejet, elle regarda Bhaal et fut encore plus surprise par l'expression de celui-ci. Elle plissa légèrement les yeux, cherchant à comprendre, ses excuses balbutiantes l'étonnèrent et l'inquiétèrent encore plus. Cherchant son regard, elle plissa encore plus les yeux, cherchant à sonder son âme.

« Que se passe-t-il, Bhaal ? Ce n'est pas ta blessure, n'est-ce pas ? Il y a autre chose... Quoi qu'il se passe, je serai toujours là, tu le sais. »


Bhaal sentait le regard de sa femme sur lui et plus elle le fixait, cherchant son regard, plus il avait la tentation de fuir les grands yeux verts. « Je serai toujours là, tu le sais. » Le savait-il ? Serait-elle toujours là lorsqu'elle comprendrait que le chemin qu'il empruntait était sans retour ? Serait-elle toujours là lorsqu'elle verrait ?

Pour autant, il savait que c'était inéluctable. Il ne pouvait rien lui cacher, surtout quand le chemin en question était gravé dans sa chair. Malheureux comme les pierres, il n'arrivait pas à choisir entre baisser les yeux vers le sable ou les jeter au loin, vers l'horizon. Mais sans jamais oser la regarder. Et pourtant, il lui fallait répondre.

« Ecoute, » commença-t-il, hésitant, « j'ai pas seulement été mordu quand on est arrivé ici. Il s'est passé autre chose. Comme lorsqu'on a découvert que je pouvais doubler de taille. Ou quand mes... mes cornes se sont mises à pousser quand la Bête est là. » Il s'interrompit un instant, le temps de trouver la force, enfin, de regarder sa femme dans les yeux. « Tu te rappelles quand je t'ai dit que tu te détournerais peut-être un jour de moi avec horreur ? C'est pas fini. La... La transformation continue. Jusqu'où ça va aller ? A quel moment tu va te demander ce que tu fais avec un tel monstre ? Je... » Mais il ne put continuer, les mots s'étranglant dans sa gorge. Submergé par l'émotion, il détourna à nouveau le regard vers la mer, sur le point de pleurer.


Avec appréhension, Alia attendit patiemment que son mari parle, elle sentait que ce qu'il s'apprêtait à lui dire était important et très certainement grave. Qu'est-ce qui pouvait faire aussi peur à un homme comme Bhaal ?
Puis il parla. Elle se doutait bien que l'épreuve qu'il avait subit lors de leur traversée l'avait marqué plus qu'il ne l'avouait mais elle n'aurait cru qu'il s'agissait d'une marque physique. Lorsqu'elle le vit se détourner d'elle, honteux, et les larmes aux yeux, elle n'y tint plus et l'enlaça de nouveau.

Elle sentait bien qu'il se crispait comme s'il redoutait ce contact, elle le regarda alors de nouveau et comme il détournait encore le regard, elle prit son menton dans une main et tourna le visage pourpre vers elle, l'obligeant à la regarder.

« Bhaal, je suis ta femme, jamais je ne t'abandonnerai et jamais je ne me détournerai de toi avec horreur. Tu sais pourquoi ? Parce que lorsque je te regarde, je te vois, toi, tel que tu es vraiment. Je vois l'homme merveilleux que tu es et je vois ton amour. Je t'aime, Bhaal, ce n'est pas ton apparence que j'aime. Me suis-je jamais détournée de toi ? »

Elle fit une pause, le temps de poser ses lèvres sur celles masculines de l'homme qu'elle aimait, comme pour sceller ce qu'elle venait de dire.

« Montre-moi. Nous affronterons ça ensemble, montre-moi, n'aie pas peur. »


Plongeant ses yeux humides dans ceux de sa compagne, il s'accrocha à ce regard comme s'il était le dernier rempart contre sa propre corruption. Il hocha la tête, vaincu. Ou était sa propre peur qui était vaincue ? Se détachant de sa bien-aimée pour libérer ses mouvements, il retira lentement sa chemise. Là, sous le tissu, les puissants muscles saillaient, désormais soulignés par des excroissances brun-rouges, comme des dents, sur les épaules, les bras, dans le dos et sur le torse. Elles suivaient les lignes de ses os et, dans son dos et sur ses pectoraux, naissaient sur de larges plaques de cuir durci. C'était comme une armure, une armure à même le corps, fabriquée avec de la chair vivante.

Incapable de soutenir le regard de sa femme, il baissa à nouveau la tête, attendant son jugement.


Alia s'écarta un peu, laissant Bhaal enlever sa chemise et dévoiler ce lui faisait peur à ce point. Lorsqu'elle vit les excroissances sur son corps, elle retint de justesse un cri de surprise, comment cela avait-il pu apparaitre aussi rapidement ?

« Ca te fait mal ? »

Les marques étaient étranges et dérangeantes à regarder mais la jeune fille s'inquiétait principalement pour celui qui les portait. Il avait à nouveau le visage baissé comme un accusé attendant sa condamnation à mort. Son cœur se brisa en le sachant aussi perdu et malgré son appréhension, elle tendit la main vers le corps du gladiateur.

Ses doigts tremblaient légèrement et elle faillit s'arrêter à mi-chemin mais se força à toucher une des excroissances, convaincue que c'était le seul moyen de rassurer l'homme qu'elle aimait. Elle posa la main sur l'épaule gauche masculine et effleura la boursouflure. Du bout des doigts d'abord puis, surprise, avec un peu plus d'insistance. « On dirait simplement ta peau, plus rugueuse mais c'est juste ta peau. »

Elle caressait maintenant son épaule avec tendresse. « C'est étrange, c'est certain, mais tu vois ? Je n'ai pas fuit en hurlant. » Un léger gloussement ponctua sa dernière question alors que sa main descendait le long de l'épaule pour glisser vers le torse.


Cette fois, ce fut au tour de Bhaal de scruter sa compagne, de chercher de la peur dans son regard, de guetter un frémissement de dégoût. Mais non, rien de tout cela n'habitait la danseuse, il en était certain. A cause de - ou grâce à - ses années de servitude, elle était passée maître dans l'art de dissimuler ses émotions, mais Bhaal la connaissait trop bien désormais, et il pouvait déceler le sourire distant, inexpressif et énigmatique qui la caractérisait lorsqu'elle voulait cacher quelque chose. Mais il ne percevait que de la surprise, et même de l'amusement. Elle ne le repousserait pas. Pas cette fois, en tout cas. Pas encore.

Mû par un élan d'amour inconditionnel et passionné, il saisit doucement la main qui le caressait avant de se jeter dans les bras de sa propriétaire, la serrant assez fort pour l'étouffer mais desserrant son étreinte quand il se rendit compte qu'il s'oubliait. « Oh, mon amour... Mon amour... » Fut tout ce qu'il parvint à dire pendant un moment.

Avec la passion, un puissant désir d'elle monta en lui. Il était enivré par son odeur, et ses caresses lui rappelaient qu'entre leur voyage à travers la montagne, les nuits de veille dans les profondeurs du monde et la promiscuité avec leurs compagnons, ils n'avaient pas fait l'amour depuis un certain temps. Tremblant, il se força à se modérer, à limiter ses caresses et ses baisers, conscient que leurs amis étaient tout près.


Emportée par la passion de son amant, Alia répondit avec ferveur à la passion masculine. Savourant la chaleur du corps du géant rouge, elle s'énivrait de son odeur. Dans les bras de son époux, elle oubliait tout, sa culpabilité, sa tristesse, la conviction d'avoir abandonné sa fille, toutes les mauvaises émotions se dissipaient sous la ferveur maritale.

Petit à petit, il la serra moins fort, réfréna ses ardeurs, laissant la jeune femme haletante. Elle gémit de frustration, le souffle court, les joues rouges et les yeux brillants de désir.


Bhaal sentit que sa femme était au moins aussi frustrée que lui de ne pouvoir aller au bout de son désir. Il jeta un œil vers le bosquet d'arbres sous lequel, à la lueur du feu, Nedj et Célestin devisaient à voix basse sans leur prêter attention. Si les amants cédaient à leur instinct, il leur faudrait s'éloigner, sur cette plage dont ils ne savaient rien, sinon que le pays était habité par des hydres et des serpents géants. Et ils étaient sans armure.

Le gladiateur scruta à nouveau le bosquet, gêné par ce que leurs amis pourraient penser de cela. Il soupira. « Et merde ! »
Soulevant sa femme sans grand effort entre ses bras puissants, il se mit debout lestement malgré sa blessure et commença à s'éloigner le long de la plage, à la recherche d'un coin tranquille. Après ce qu'ils avaient vécu, après ces longues journées de sang et d'horreurs diverses, ils avaient besoin de se sentir à nouveau pleinement vivants.


Soulevée sans effort par son mari, Alia s'enroula autour de lui, parsemant son visage de baisers fiévreux. Elle savait qu'il essayait de trouver un endroit où ils pouvaient être discrets et elle adhérait pleinement à cette idée. Pas tant pour elle, elle n'était pas de nature pudique, ou plutôt elle avait été éduqué à ne pas l'être, mais jamais Bhaal ne donnerait la pleine mesure de sa passion s'il pensait que leurs deux compagnons pouvaient les surprendre.

Tournant la tête, elle désigna une rangée de palmiers qui bordait la plage non loin de leur campement. De la paume, elle tourna le visage de Bhaal afin qu'il voit ce qu'elle montrait et indiqua d'une voix grave et lourde de désir. « Là. Ca sera parfait. Il ne devrait pas y avoir de danger, le campement est encore visible. »

Alors que les pas du géant bifurquèrent vers l'endroit désigné, elle entreprit de lécher la peau salée de son amant à la naissance du cou.


Bhaal hâtait le pas pour trouver un endroit adéquat, sa douleur à la jambe pour le moment oubliée, quand le contact de la langue experte sur sa peau le rendit soudain fou de désir. C'était comme si une décharge avait parcouru tout son corps. Il pressa encore l'allure avant de déposer en hâte sa compagne. Il ne prit même pas la peine de s'allonger, ou d'en faire de même pour elle. Il la voulait tellement ! Retirant son pagne, le dernier vêtement qui lui restait, exposant au vent marin son sexe dressé, il l'embrassa furieusement, d'abord sur la bouche, puis le cou, avant de chercher à accéder à d'autres endroits de son corps, plus voluptueux et plus intimes, encore cachés par ses vêtements. Il résista à l'envie de les lui arracher pour aller plus vite.

Modifié par un utilisateur dimanche 27 janvier 2019 21:46:54(UTC)  | Raison: Non indiquée

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Offline Guigui  
#98 Envoyé le : dimanche 27 janvier 2019 20:31:45(UTC)
Guigui
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Alia et Bhaal : vamos a la playa (2nde partie)



ovée contre Bhaal, le souffle encore rapide, Alia caressait d'une main paresseuse la peau de l'homme qui venait de lui faire l'amour avec passion, suivant du bout des doigts le dessin des excroissances nouvelles. L'esprit divagant, elle repensait à la dernière fois où elle s'était sentie dans cet état de léthargie heureuse : c'était à Kelmarane, avant leur départ.

Kelmarane.

Penser à la ville chassa la brume de bien-être dans laquelle elle se trouvait, comment allaient-ils ? Que se passait-il ? Vélanya faisait-elle encore des cauchemars ? Pensait-elle à sa mère ou l'avait-elle rejetée de ses pensées car elle se pensait abandonnée ?

De nouveau, la culpabilité d'avoir laissée sa fille nouvellement retrouvée et surtout d'avoir prononcée la rune qui les avait amenés sur ces iles l'envahit. Elle se figea un instant, mais ne voulant pas troubler Bhaal qui s'était suffisamment torturé l'esprit ces dernières heures, elle cacha son trouble et reprit le manège de ses doigts de façon néanmoins un peu plus mécanique.


La puissante poitrine de Bhaal se soulevait et redescendait en de lentes et profondes inspirations, tandis qu'il se remettait de sa passion désormais assouvie. Malgré l'épreuve vécue lors de la découverte du parchemin de Kakishon, la découverte de ce royaume si vivant, si vert, lui faisait le plus grand bien après les jours passés dans les souterrains putrides de la Demeure de la Bête. Lui qui n'avait rien connu du monde, il découvrait là un nouvel endroit somme toute bien plus agréable à vivre que tout ce qu'il avait connu de Katapesh, y compris Kelmarane.

La cité de la princesse Almah était sa maison, désormais, et il avait versé son sang pour que ce soit sa maison. Kelmarane allait devenir une grande et belle cité, où lui et sa famille seraient traités en grand honneur, comme des personnages importants. Mais pour l'instant, ce n'était qu'une cité en construction au milieu du désert, adossée à des montagnes grouillantes de gnolls - Roi Charognard ou pas. Il n'y avait pas la mer à Kelmarane, ni de forêts regorgeant de nourriture. Et il n'y avait pas non plus ce ciel étrange où il ne reconnaissait aucune étoile, aucune des constellations que Khem lui avait montrées. Et, évidemment, il n'y avait pas de gnolls paisibles avec qui il était possible de s'asseoir et de partager une pince de crabe et du lait d'amande.

« C'est quand même un bel endroit, » murmura-t-il, inconscient des affres dans lesquelles Alia replongeait en pensée. « Cette mer, ces plages, cette forêt... Si l'histoire est vraie, ce Nex s'est aménagé une jolie petite retraite. S'il n'y avait pas Kelmarane et la petite, on pourrait vivre ici. Juste nous trois. Sans personne pour nous emmerder, sans politique, sans responsabilités. Et on irait prendre le thé chez les gnolls, » dit-il en riant. « Ça serait la belle vie. On serait... libres... »


La voix grave de l'ancien gladiateur sortit Alia de la légère torpeur sombre dans laquelle elle était plongée, elle regarda autour d'elle, évaluant ce que Bhaal disait.

« Libre ? Méfie-toi de ce qui est trop beau, c'est souvent illusoire et le retour à la réalité n'en est que plus amer. » Là où son mari voyait un paysage idyllique, elle ne voyait qu'illusions trompeuses et prison dorée. « La cage est belle, mais les barreaux sont bien solides même si on ne les voit pas. »


Bhaal resta silencieux un instant, réfléchissant aux paroles de sa femme. Après tout, il savait déjà qu'elle avait raison. « C'est vrai, ma belle, » admit-il en riant, « je n'étais pas sérieux de toute façon. » Il se tut, admirant encore un moment la voûte étoilée. « Tu sais, parfois ce qui semble trop beau arrive vraiment. Regarde nous. Notre histoire. Notre amour. »

Il pencha la tête en avant pour embrasser sa femme sur les cheveux. « Il y a quelques mois encore, on était des esclaves, promis à une vie...Une vie qui n'est pas une vie. Et nous voilà maintenant, libres, riches, mariés et maîtres de nos vies. Bien sûr, on s'est méfiés. On s'est méfiés d'Almah, parce que c'était pas possible qu'une maîtresse soit aussi bonne pour nous. Et je me suis méfié de toi, ou plutôt je me suis méfié de notre amour, parce que c'était pas possible que ce soit aussi beau et que ça arrive à un type comme moi. Mais je ne me méfie plus désormais. Je veux dire... Peut-être que de grands malheurs nous attendent, peut-être que les dieux reprendront ce qu'ils nous ont donné, peut-être que ma mère viendra me chercher et te tuera, ou peut-être que je finirai par me transformer en une espèce de démon qui te brisera le cœur. Je ne peux pas être sûr que ça n'arrivera pas. Peut-être que c'est trop beau et qu'il y a un prix à payer. Mais je choisis de croire que non. Je choisis de croire que je maîtrise la Bête, et que je ne deviendrai jamais un démon. Je choisis de croire que mon serment de mariage a un sens. Que je t'aimerai non seulement pour la vie mais pour l'éternité, et que même dans la mort j'irai là où tu iras, mon amour. »


Alia releva la tête, écoutant le discours passionné de Bhaal, elle lui sourit et embrassa doucement les lèvres de son mari.
« Je t'aime. Et je te suivrais pour l'éternité également, tu m'as l'air bien parti pour aller au paradis. Mais cet endroit... je ne l'aime pas. Je ne veux pas être ici, je n'aurais jamais du prononcer la rune, nous aurions dû déjà être rentrés à Kelmarane, au lieu de ça... Nous sommes ici sans savoir ce qui se passe là bas et surtout sans savoir qui a pris notre place. »

Elle regarda de nouveau la végétation qui les entourait, et murmura d'une voix sombre : « si par ma faute, il se passe un malheur à Kelmarane ou si Vélanya... je ne me le pardonnerai jamais. »

Regrettant aussitôt d'en avoir dit autant, elle se releva vivement, ajustant sa tenue. « On devrait rejoindre Célestin et Nedjemibrê avant qu'ils s'inquiètent. »


Soudain inquiet pour Alia dont il connaissait la propension à se mortifier, le géant rouge se leva à son tour et prit sa douce main dans la sienne. « Ils savent très bien pourquoi nous nous sommes éloignés, mon amour. Ils ne s'inquiéteront pas, » lui dit-il en souriant. « Écoute... Je comprends ton inquiétude, je suis inquiet moi aussi, mais il faut garder raison. Kelmarane est à une semaine de voyage de la Demeure, et tu as entendu ce qu'Agathe a dit à propos du temps ici, à Kakishon. Si nous étions restés là-bas, nous serions à peine partis. Pour le reste, je continue à penser que c'est Vardishal qui nous a envoyés ici, et non toi. Je ne peux pas croire que tu aies prononcé une rune dans une langue que tu ne connais pas, ça n'a pas de sens. Ce "Javoule" dont ont parlé les gnolls est forcément le Javûhl de la légende, l'adversaire des Templiers. Nous sommes les nouveaux Templiers, Alia. Vardishal est en toi et tu portes son arme. Nous avons libéré Kardswann et grâce à nous il a pu retrouver son honneur. La princesse Nefeshti nous a ramenés à la vie parce que Célestin a intercédé auprès d'elle. Et nous avons combattu les séides de Rovagug par deux fois, maintenant. Comme eux, jadis. »

Le géant rouge se tut, l'espace d'un instant, regardant la mer déferler sur la grève. « Je ne sais pas pourquoi nous sommes ici, mais je suis presque sûr qu'il y a une raison. Nous avons une mission à accomplir. Je préférerais être de retour à la maison, avec nos amis, et serrer la petite dans mes bras. Je préférerais être tranquillement allongé, à l'ombre, dans notre jardin. Parce que, je vais te dire, j'ai beau aimer ça, mais je commence à en avoir marre de me battre. J'ai envie d'être un peu tranquille, avec toi et la petite. Voilà de quoi j'ai envie. Mais on ne peut pas... Pas encore. Mais je te promets qu'on va sortir d'ici et rentrer chez nous. On va trouver un moyen, sois-en sûre, » déclara-t-il d'une voix qu'il espérait assurée, en déposant un nouveau baiser sur les cheveux d'Alia.


Alia fit un pas en arrière, le discours de Bhaal n'eut pas l'effet escompté, au lieu de l'apaiser, il ravivait une ancienne colère. Elle se savait injuste mais ne put s'empêcher d'attaquer : « Tu en as marre de te battre maintenant, mais il te faudra combien de temps cette fois pour repartir dans les montagnes avec Khem ? » Elle fit quelques pas, ressentant le besoin de mettre de la distance entre eux deux. « Ne promet pas ce que tu ne saurais tenir ! On ne sait pas comment rentrer, on ne sait pas même si on le pourra ! Combien de temps ont mis ceux que nous avons remplacé ? Le temps que Kelmarane chute et que le monastère tombe en ruine ! Et pendant ce temps... pendant ce temps... Vélanya... » Elle s'interrompit, ne pouvant continuer, les sanglots dans la gorge l'empêchaient de parler. A travers les larmes, elle regardait son mari, ne sachant plus contre qui elle était en colère. Elle était effrayée et ne sachant comment gérer sa peur, elle se défoulait contre le gladiateur.


Surpris par la soudaineté de l'attaque, Bhaal tenta de bredouiller quelque chose mais Alia ne lui laissa pas le temps de parler. L'espace d'un instant, il trouva le procès fort injuste, mais les larmes d'Alia achevèrent de le convaincre qu'elle était surtout malheureuse et perdue. Ce n'était pas la première fois qu'elle s'en prenait à lui pour ne pas s'en prendre à elle-même. Il soupira avant de s'avancer vers elle d'un pas décidé.

« Alia ! » Fit-il en la saisissant par les épaules et en la fixant de ses yeux jaunes, « ressaisis-toi ! Il n'y a qu'une chose à faire maintenant qu'on est là, c'est essayer de sortir... Et se torturer et se lamenter ne sert à rien, alors arrête de gamberger ! On est dans un endroit inconnu et probablement hostile, malgré les apparences. J'ai besoin de toi. Pas de la petite fille éplorée mais de la guerrière ! Ici et maintenant, Alia ! »


Happée par le regard jaune, Alia se calma légèrement, la respiration saccadée, elle reprenait son souffle pendant que les paroles de son époux résonnait dans son esprit.

« Je ne suis pas une petite fille, je ne le suis plus, mais je ne suis pas une Guerrière, il n'y a que toi qui m'a jamais vu dans ce rôle. Je suis simplement une mère et... j'ai peur, Bhaal. Je ne supporte pas de la perdre à nouveau. »
Elle se colla contre le corps puissant de son mari et enfouit le visage contre son torse, respirant l'odeur viril de l'homme qu'elle aimait.

« Je suis désolée, je ne suis vraiment pas à la hauteur, mais j'ai peur... Je me sens si impuissante. Je voudrais être la Guerrière mais... je n'y arrive pas. »


Alors qu'il refermait ses grands bras autour de sa femme, Bhaal se demanda pourquoi il ne ressentait pas son angoisse à propos de Velanya. Contrairement à Alia, il n'avait pas tellement peur de la perdre. Il avait le sentiment d'être désormais son père, mais il ne se définissait pas en premier lieu comme tel. Bien sûr, il ne l'avait pas portée dans son ventre pendant de nombreux mois. Il ne lui avait pas donné naissance, ni ne l'avait allaitée avant qu'on ne la lui arrache. Son absence n'avait pas laissé en son cœur une plaie ouverte, comme elle l'avait fait pour la danseuse. Mais néanmoins, un profond sentiment de culpabilité l'envahit. S'il ne ressentait pas ces choses, était-il tout de même digne d'être son père ? Quel genre de père ne s'inquiète pas pour son enfant ?

« Bah, c'est peut-être moi qui ne suis pas à la hauteur, » murmura-t-il, ne sachant que dire. « Je... Je comprends ce que tu ressens, Alia. Je ne peux pas me mettre complètement à ta place, mais j'essaie, » continua-t-il en passant sa grosse main le long du dos de la jeune femme. « Écoute... On a confié la petite à Jyll, et c'est pas seulement pour lui lire des histoires. On lui a confié parce qu'on sait tous les deux qu'elle fera ce qu'il faut si jamais le pire arrive. Parce qu'on a confiance en elle, et en Almah. Elles protégeront notre fille le temps qu'on revienne. J'en suis sûr, » déclara-t-il d'une voix qui se voulait assurée.



Comme à son habitude, la présence réconfortante de Bhaal fit son effet, entre ses bras, Alia se calmait. Toujours blottie contre son torse, elle acquiesça de la tête aux paroles de son mari. « Tu as raison, bien sur, mais... quand il s'agit d'elle, je n'arrive plus à réfléchir. Après l'avoir cru perdue pour toujours, j'ai tellement peur... elle est si fragile. »

Elle releva le visage et plongea dans les yeux jaunes : « Et si elle m'oublie ? ou si elle me déteste parce que je l'ai abandonné ? »


« Tu ne l'as pas abandonnée, » répliqua Bhaal d'un ton sévère en baissant les yeux vers sa femme, « tu es partie te battre. Pour protéger Kelmarane, ta maison, ta fille. Elle est en âge de comprendre ça, tu sais. Et de toute façon, je suis sûr que Jyll saura trouver les mots pour qu'elle comprenne. » Il soupira. « Je suis sûr que tous les soldats en campagne se posent les mêmes questions que toi à propos de leur famille, mon amour. "Pourquoi les ai-je laissés ?" "Pourquoi ne suis-je pas auprès d'eux ?" Ce sont des questions que toute mère - et que tout père - sont en droit de se poser. »

Tenant toujours sa femme contre lui, le géant rouge se laissa de nouveau happer par la contemplation de la mer, et des étoiles au-dessus d'elle. « Allez, viens, » fit-il d'une voix grave et douce, « Nos amis nous attendent. Et il faut que je récupère mes fringues, » ajouta-t-il en riant, réalisant qu'il était encore nu comme un ver.


Se reposant de nouveau sur le torse de son mari, Alia se laissait réconforter. Il avait raison, bien sur, mais cela ne rendait pas la situation plus facile à vivre. Prenant sur elle, elle s'écarta, se frotta les yeux afin d'en effacer les dernières larmes et sourit doucement à Bhaal.

Lorsqu'il s'écarta afin de prendre ses vêtements, elle le retint de la main. « Attends. » Elle s'approcha, se hissa sur la pointe des pieds, et posa ses lèvres sur celles de son époux. « Merci. Merci d'être toi. » Elle appuya son baiser, frôla la bouche masculine du bout de la langue et ce qui devait n'être qu'un baiser rapide se transforma en baiser plus fougueux.

Modifié par un utilisateur dimanche 27 janvier 2019 21:54:55(UTC)  | Raison: Non indiquée

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Offline vaidaick  
#99 Envoyé le : dimanche 31 mars 2019 12:57:03(UTC)
vaidaick
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Nedjemibrê et Célestin : Un autre couple dans la nuit


Le soir, quelque part dans Kakishon


Alia et Bhaal s'étaient écarté, à la recherche d'un peu d'intimité. Un besoin que Nedjemibrê comprenait bien. Leur petit groupe venait de passer moult jours sur le qui-vive et dans la promiscuité - adversité oblige. Et, si l'archipel recelait certainement sa part de dangers, la nuit était tranquille ; et l'ambiance propice à en profiter pour souffler un peu et se détendre. Nedjemibrê se perdit dans ses pensées, absorbé dans la contemplation du feu avec lequel il jouait, animant une brindille en guise de tisonnier. Puis, mu par une habitude acquise pendant la répétition des nuits dans le désert, le tempestaire se leva subitement pour farfouiller dans son paquetage et en sortir de quoi faire du thé. La bouilloire chauffait doucement sur le feu quand l'homme à la peau d'ébène se rappela l'existence de Célestin. Il adressa un sourire au jeune - et silencieux - sorcier. « Voudras-tu du thé, Célestin ? » demanda le tempestaire, simplement.


Le jeune sorcier était perdu dans ses pensées, alors qu'il occupait ses mains et son esprit sur l'avancée de son travail sur le fourreau de tempête, qu'il avait promis depuis maintenant longtemps à Alia. Celle-ci s'était éclipsée avec Bhaal, ayant certainement besoin de se retrouver seule avec lui pour parler de sa nouvelle malédiction. Car si Sarenrae l'avait sauvé de Rovagug, l'histoire ne lui rappelait que trop celle de Jyll.

Jyll... Son Soleil lui manquait terriblement en cet instant précis, et ses pensées s'envolèrent vers elle. « Si seulement tu pouvais être à mes côtés... » murmura-t-il alors que Nedjemibrê s'affairait sur son sac et en ressortait des objets que Célestin, trop préoccupé par ses pensées, ne chercha même pas à reconnaître. L'homme à la peau d'ébène s'assit proche de lui, auprès du feu, puis finit par s'adresser à lui. « Voudras-tu du thé, Célestin ? »

Le sarenite releva la tête, s'ébrouant légèrement pour revenir au moment présent, continuant malgré tout son travail sur le fourreau. « Pardon ? Oh ! Oui, volontiers ! » répondit-il alors que les mots parvenaient péniblement jusqu'à sa conscience. Il replongea le nez sur son travail, avant de le relever, ses mains continuant machinalement leur travail avec une précision incroyable. « Nedj... Tu ne t'inquiètes pas pour Chihili ? » lui demanda-t-il tout de go.


Nedjemibrê prit un instant pour réfléchir à la question de Célestin. Est-ce que Chihili lui manquait ?...

Après tout, cela ne faisait que quelques jours que Chihili avait manifesté une vraie personnalité et qu'ils faisaient réellement connaissance. Mais l'homme à la peau d'ébène réalisa que le petit trublion avait toujours été là, avec lui - ou en lui ? La vision, le rêve, qu'il avait eu dans les cavernes des salamandres lui avait suggéré un début d'explication sur leur relation, leurs origines. Et, il fallait bien l'avouer : « ... Oui. À vrai dire, je me sens comme... Si une partie de moi était manquante. » avoua-t-il, à mi-voix, sur le ton de la confidence.

Versant l'eau chaude sur les feuilles de thé et de menthe dont il avait fourré une modeste théière de métal décorée de motifs badawis simples, le tempestaire ajouta : « Et, oui, je m'inquiète un peu. J'ai senti mon "lien" avec lui qui... devenir de plus en plus ténu et... finalement disparaître. C'est... pour le moins dérangeant. » remarqua Nedjemibrê qui se rendait compte qu'il n'était pas aussi indépendant qu'il voulait se l'imaginer, tout en commençant à verser le thé de très haut, afin d'en faire s'exprimer la saveur.

« Est-ce semblable pour Agathe et toi ? Si ça n'est pas indiscret, de quel genre est la relation qui vous lie ?... »


Célestin sourit légèrement et brièvement lorsque Nedjemibrê lui décrivit ses sensations, jusqu'à ce qu'il lui pose une question similaire en retour. A ce moment-là, la mine du jeune homme se fit plus songeuse, alors que ses sourcils se fronçaient sous la réflexion qu'engendrait la phrase de son ami.

« Je... A vrai dire... Je n'en sais rien... » avoua-t-il autant à son ami qu'à lui-même. « J'ai cru le savoir. Enfin, j'ai cru en avoir une idée approximative, plus exactement, et ça m'allait bien comme ça. Avant de venir à Kelmarane, tout était plus simple. Mais depuis, plus j'en apprends sur elle et moi, et moins je sais qui nous sommes. »

Il posa son regard sur le mouvement hypnotique de la théière et du fin flux de liquide qui en découlait. « Avant qu'Agathe n'entre dans ma vie, je ne disposais d'aucune affinité avec la magie. C'est lorsque je l'ai rencontrée que cette magie s'est exprimée. Elle provenait de cette petite colombe, sans qu'elle-même ne soit capable de l'utiliser. Comme si elle était un... catalyseur... J'ai toujours été un fidèle de Sarenrae, et Agathe m'a offert des pouvoirs de guérison. Je pensais - j'espérais - qu'elle était une de ses envoyés. Même si je sentais que quelque chose était étrange : elle m'octroyait des pouvoirs profanes, et non divins. Mais ce n'était qu'un détail... Cependant... J'en ai appris plus sur ma famille, m'ouvrant de nouvelles questions... encore... Et Agathe s'est transformée... Tu l'as vu toi-même. Elle n'est plus comme avant, et pourtant, c'est toujours elle. Plus assurée, avec des pouvoirs dont elle ne disposait pas auparavant. Et surtout... »

Célestin se tut un instant, plongeant dans des souvenirs pas si anciens, mais qui lui paraissaient déjà lointains. « Surtout, elle et moi n'avons pas la même source de puissance. J'ignore pourquoi et comment. Lorsque nous sommes revenus de Katapesh, elle a contacté une entité. Habituellement, celle qui répond est celle qui offre les pouvoirs à l'appelant. Mais là... L'entité lui a dit qu'elle était bien une servante de Sarenrae, mais que ce n'était ni Sarenrae ni Nefeshti qui me donnaient leurs pouvoirs. Et, chose étrange, ce n'est aucune des deux - ou de leurs bras droits - qui lui a répondu. »

Le jeune sorcier frissonna malgré la chaleur du feu. « Et... Lorsque nous avons tous rêvé, après notre retraite face au Roi Charognard, une entité m'a contacté. Une entité dont j'ignore tout, mais qui semble être celle qui me donne ses pouvoirs. Pourquoi, et qui est-elle ? Quel est son rôle dans la métamorphose d'Agathe, et dans notre relation ? Est-ce elle, ou Sarenrae qui m'a envoyé Agathe ? Et dans quel but ? Moi qui me plaisait à croire que je pouvais soigner les plus graves blessures grâce à la Déesse-ange du Soleil par l'intermédiaire de la colombe Agathe, symbole de la paix et de l'amour, moi qui passait du temps auprès des prêtres sarenites pour leur apporter notre aide, fier d'être son instrument ! Je me suis fourvoyé sur toute la ligne ! »

Baissant la tête sur son œuvre, qu'il avait délaissé quelques temps, plongé dans ses cogitations, il reprit sa tâche, un léger sourire désabusé aux lèvres. « Ma seule certitude concernant Agathe et moi, dorénavant... c'est qu'elle est mon amie, et que je suis le sien. Nos liens de cœur sont authentiques, j'en suis convaincu. Mais pour nos liens magiques... » Il secoua la tête de dépit sans finir sa phrase, et la releva vers son ami, l'air contrit. « Mais je t'embête avec mes états d'âme, pardonne-moi. »


Nedjemibrê buvait tranquillement son thé, à l'écoute, pendant que Célestin s'épanchait.

Le tempestaire comprit combien le sorcier vivait lui aussi dans l'incertitude. Lui aussi, parce que Nedjemibrê ne l'était pas moins. D'ailleurs, dans le quatuor qu'ils formaient, qui ne l'était pas ? Ils avaient tous eu un rêve étrange dans les grottes de la Montagne Pâle. Tous, la même nuit... Nedjemibrê se demanda qui avait pu leur envoyer ces rêves ? Car il fallait bien que ces songes aient une origine commune, pour arriver de conserve... non ?

Nedjemibrê pris la parole, éludant la dernière question de Célestin – manière de dire que non, ça n'était pas le cas. « S'il y a quelque chose qui nous lie, dans notre petit groupe...  » remarqua Nedjemibrê «  … c'est bien l'obscurité qui voile nos origines - ou notre magie. Comme si nous avions été choisis pour cela... »
Nedjemibrê observa le feu un instant puis repris : « Et pourtant, nous ne prions pas les mêmes Dieux. Je donnerai cher pour savoir quelle entité – s'il n'y en a qu'une – tire les ficelles. Peut-être est-ce l'être mystérieux qui t'accorde tes pouvoirs ? Au fond, j'aimerais bien que ce soit elle – ou lui ; qui qu'il soit, je crois ses desseins bienveillants... »

Nedjemibrê scruta un instant les yeux de Célestin avait de reprendre : « Comment pourrait-il en être autrement, au vu de la nature des pouvoirs qu'il te confère ? Des pouvoirs qui créent des objets merveilleux, réparent les êtres... Et puisque qu'Agathe est liée à Sarenrae... L'ange de la miséricorde n'accepterait surement pas l'intrusion d'une entité malveillante chez une de ses servantes. Vraiment, j'espère bien qu'à travers toi, c'est lui qui veille sur nous... Et s'il t'a fourvoyé, du moins, s'il se cache, je suis persuadé que ce n'est pas par duplicité. La raison doit être autre... Les raisons des Dieux sont souvent impénétrables... »
Nedjemibrê sourit à Célestin tout en portant haut la théière, lui proposant à nouveau du thé. Puis le tempestaire s'en servit une seconde tasse. Concentré en apparence sur sa tâche, il réfléchissait.

Les raisons des Dieux... S'il y avait du vrai dans le rêve que Nedjemibrê avait eu – et il avait la forte l'intuition que c'était bien le cas - il était désormais missionné. Il sentait qu'il rencontrerait tôt ou tard son créateur. Et alors, il devrait...
Revenant sur le sujet des rêves, Nedjemibrê demanda à Célestin : « Si les Dieux t'avait donné pour mission de chasser un pêcheur... Disons une âme qui aurait voulu les berner en trichant avec la sentence de son jugement... Mais qu'il s'agisse probablement de celui à qui tu dois l'existence... Penses-tu que tu serais capable de... le renvoyer à son jugement dernier ? »


Célestin écoutait les paroles de son ami en hochant la tête. « Je me pose les mêmes questions. » admit-il. « Mais je ne partage pas tes certitudes sur l'entité qui me donne mes pouvoirs et qui a transformé Agathe. Je ne crois pas qu'elle soit mauvaise. Mais elle n'est certainement pas bonne non plus. Peut-être est-ce pour cela qu'elle peut s'entendre tout aussi bien avec Sarenrae qu'avec des créatures plus... sombres... Comme la mère de Bhaal. Ou avec un autre panthéon, comme tes dieux. »

Célestin termina sa tasse de thé, avant de la tendre à Nedjemibrê pour qu'il la remplisse de nouveau. Il attendit la fin du glougloutement de l'infusion coulant dans la tasse, s'apprêtant à reprendre, mais son ami le pris au dépourvu par sa question. « Euh... » C'était une excellente question, et pas un instant le sorcier ne s'était mis à la place de son ami et de son dilemme. Mais maintenant qu'il s'en ouvrait, le jeune homme ne savait que répondre. « La personne à qui je devrais mon existence... Pourrais-je la renvoyer à son jugement dernier ? Je n'en sais rien, Nedj... Je n'en sais vraiment rien... »

Il le savait, il parlait plus pour combler le manque d'argumentaire que pour répondre à son ami, tandis que son cerveau travaillait à toute vitesse afin de trouver une réponse plus satisfaisante. « Je pense que la question nécessite de connaître d'autres paramètres. Quels sont les liens qui m'unissent à mon créateur ? M'a-t-il créé par amour, ou par égoïsme ? S'est-il occupé de moi avec bienveillance, ou m'a-t-il abandonné à mon existence en attendant que je lui serve à quelque chose ? Si je sais ce que je suis pour lui, alors peut-être que je saurais ce qu'il est pour moi... Et que j'aurais ainsi ma réponse... » termina-t-il en portant la tasse à ses lèvres non sans souffler délicatement dessus afin de refroidir le liquide, son regard levé vers son ami afin de guetter sa réaction.


Nedjemibrê, qui n'avait sur le moment pas pris en compte la nature la mère de Bhaal, n'avait pas envisagé l'entité autrement que bien intentionnée. À vrai dire, il continuait à se demander si l'entité (s'il s'agissait bien d'une même chose) n'interférait pas plutôt à troubler le lien ombilical... Bhaal avait changé... N'était-ce pas là l'influence du sang de sa mère qui s'étiolait ? Naturellement, ou y avait-il quelque chose – ou quelqu'un – d'autre à l'oeuvre ?...

La pensée de Célestin avait surpris Nedjemibrê mais le tempestaire comprenait les doutes du jeune sorcier. Et peut-être Célestin avait-il raison : peut-être que cette entité nourrissait-elle des dessins pas aussi bienveillants que l'homme à la peau d'ébène ne l'espérait. Quel pouvait être son but ?... Nedjemibrê se fit la réflexion que les voies des Dieux restaient, comme toujours, impénétrables... Faire fi de la question lui était bien commode – et rassurant. Et après tout, que pouvait-il faire d'autre ? C'est en haussant légèrement les épaules et en affichant un sourire mi-malicieux, mi résigné, qu'il avait répondu à Célestin : « Et bien, je vais me raccrocher à cette idée : si elle n'est pas bonne, cette entité, qui qu'elle soit, n'a pas l'air non plus d'être un mauvais bougre... »
Leur discussion avait amené le tempestaire à se questionner sur sa propre nature, sur les influences extérieures (ou intérieures) qu'elle subissait et, dès lors, à réfléchir à la mission qui lui avait assignée. En rêve. Mais, même si cette vision n'était pas tout à fait vrai et que les Dieux n'avaient pas fait de lui l'instrument de leur vengeance pour avoir été floués – après tout, même puissant, il s'agissait d'un rêve - Nedjemibrê savait qu'il devrait un jour ou l'autre rencontrer son créateur. Un jour, il lui faudrait des réponses. Et Lui seul savait.

Les questions du Tempestaire avait jeté Célestin dans le trouble. C'est du moins ce que cru deviner Nedjemibrê dans le silence du jeune sorcier.

« Je vois ce que tu veux dire... Enfin, je crois... » avait répondu l'osirien, la mine sombre, au jeune sorcier quand celui-ci lui répondit.

Le feu crépita, occupant un silence, puis Nedjemibrê reprit : « S'il m'a bien fabriqué pour endurer à sa place la sentence de ses péchés, il est facile d'imaginer que ce dut être par égoïsme ou lâcheté... Et que, dès lors, puisqu'il m'a sacrifié, on pourrait dire que je ne lui dois rien... Mais...  »

À nouveau, le tempestaire marqua un silence, avant de faire entendre à nouveau sa voix grave. Dans ses yeux d'onyx, les lueurs du feu se reflétaient de façon un peu plus intense qu'un instant auparavant. Embués par l'émotion, peut-être ?
« Mais... Si je me plie à la volonté des Dieux, et que je renvoie son âme devant leur tribunal... j'aurais l'impression de me parjurer moi-même. J'ai été créé... ou plutôt, disons-le : fabriqué... Je ne suis pas né d'un ventre, ni ne suis le fruit de l'amour. J'ai été fabriqué comme leurre... Je suis un instrument. Depuis que je me suis éveillé, d'autant que je me souvienne, j'ai toujours cherché à faire le bien. Malgré les souvenirs et les cauchemars qui m'assaillaient sens cesse et m'enjoignaient à devenir un mauvais homme. Ses souvenirs... J'ai choisi. Mais si j'obéis à cette injonction des Dieux... Porter leur volonté ici-bas, n'est-ce pas là redevenir un instrument ? J'aspire à la liberté : je ne veux plus être l’instrument de quiconque. Je crois qu'il n'y a qu'à cette condition que j'existerai enfin... Lorsque je rencontrerai mon créateur, je crains qu'on ne me laisse pas de choix... Lui ou les Dieux... Alors que ce que je désire réellement, c'est d'être libre. Briser le lien... Le recréer ? Peut-être... Au fond, je n'en sais rien... Mais comme je l'entends... »
Réalisant qu'il soliloquait un peu trop, Nedjemibrê se tourna vers Célestin et lui sourit.

« Vouloir me dépêtrer du fil à la patte qui me lie à un « père » pesant ; et aucune idée du comment... Au fond, bien que j'ai l'apparence d'homme, je ne suis encore qu'un enfant !... Les badawis m'auraient surement moqué et enjoint à aller chercher du bois pour alimenter le feu... » s'amusa-t-il.
Alors qu'il se levait pour joindre l'acte à la parole, le tempestaire demanda néanmoins à Célestin : « Toi, à ma place, obéirais-tu aux Dieux ? Sinon, que ferais-tu ? »


Célestin se leva également, accompagnant Nedjemibrê dans son mouvement. « Peut-être tiens-tu là une idée à creuser ? » s'aventura le jeune sorcier. Voyant le regard interrogateur de son ami, il entreprit de développer ce qui lui était venu à l'esprit. « Puisque tu as été créé, et que tu dois passer au jugement dernier à la place de ton créateur... C'est que ton existence est liée à la sienne. Alors... Peut-être y a-t-il un moyen de modifier ceci, de couper ce lien afin de gagner ta liberté totale ? J'ignore comment tu as été créé, mais ça nécessite sûrement de la magie extrêmement puissante, et peut-être de l'alchimie. Si nous trouvions ce rituel et que nous l'examinions, peut-être pourrions-nous trouver une solution ? Qu'en penses-tu ? »


L'homme à la peau d'ébène se mit à fixer le feu ravivé, comme s'il allait lui apporter des réponses. Il resta ainsi, silencieux, pendant un moment puis repris la parole : « Je ne sais pas à quel point ou par quel magie nous sommes liés... Et peut-être qu'il y a un moyen de nous délier... Si le rêve que j'ai eu dans les cavernes sous la Montagne Pâle est vrai, alors je suis déjà passé au jugement à sa place. Et son stratagème a échoué. Ce pourquoi je suis là... Le « lien » qui me trouble, est autre. »
Nedjemibrê remua le feu, le faisant crépiter, avant de développer : « Vois-tu, Célestin, mon créateur... Il est aussi mon semblable, mon... frère. Ses souvenirs sont les miens... Nous avons eu la même enfance, la même vie antérieure. Même si c'est par procuration en ce qui me concerne, je n'en ai pas d'autre. »

La voix de Nedjemibrê se fit plus vibrante à mesure qu'il s'épanchait : « Si je n'avais pas été recueilli par les badawis, quand je suis dans le désert, et si ses souvenirs avaient fait refait surface plus tôt alors, je serai probablement redevenu ce qu'il était. Mais -ça ne s'est pas passé ainsi. J'ai eu de la chance. Depuis que je suis né dans le désert, parce que j'ai été aidé, j'ai toujours cherché à faire le bien en retour. Et plus encore lorsque j'ai commencé à me rappeler ses souvenirs. Avec un tel passé - même si je réalise maintenant que ça n'était pas vraiment le mien, à l'époque je ne le savais pas - j'ai toujours eu le sentiment de devoir me racheter... Ce qui ne m'a pas valu que de belles rencontres. »

Nedjemibrê sourit de manière sibylline à Célestin, éludant la digression qu'il s'apprêtait à commettre, avant de poursuivre. « Je me demande... Mon créateur, depuis qu'il m'a envoyé à sa place assumer ses péchés, s'il avait saisi cette chance ? Vivre comme il a vécu, c'est beaucoup de souffrance. Mais je crois qu'il ne savait pas vivre autrement... S'il avait changé ? Puisque moi, j'ai grandi différemment, alors que nous avons les mêmes racines, peut-être est-il meilleur à présent ? Et s'il ne l'est pas... Le discours que tu as tenu au vieux marchand d'esclave que nous avons libéré des geôles du Charognard m'a fait réfléchir, Célestin... Peut-être, malgré la volonté des Dieux, qu'une nouvelle chance lui serait profitable ? Et puis, je ne suis pas un assassin... Et n'ai aucune envie d'en devenir un... Même pour les Dieux... Peut-être que lui ne me laissera pas le choix. Mais moi, puis-je lui laisser une dernière chance ? »

Nedjemibrê marqua une pause, réfléchi, puis ajouta, amusé : « Ou serait-ce juste naïf et stupide ? »


Célestin émit un léger rire étouffé à la question de son ami. « Bhaal te dirait certainement que oui ! » s'amusa-t-il. « Et peut-être aurait-il raison... Mais je continue de croire que chacun, ou presque, peut changer, évoluer, devenir meilleur, si on lui en laisse la chance. Car ce que je retiens de ton histoire, c'est que tu as eu une chance que ton créateur n'a peut-être jamais eue. Et puis, qui sait ? Peut-être t'a-t-il volontairement laissé proche de cette tribu, afin que tu n'aies pas le même destin que lui ? Peut-être souhaitait-il vivre par procuration une vie meilleure ? Ou peut-être n'était-ce que pour tromper les Dieux... Nous ne le saurons sans doute jamais. Le sait-il lui-même ? »

Rivant à son tour son regard sur le feu hypnotique, il poursuivit. « Le passé forge chacun d'entre nous, mais nous n'en sommes pas prisonniers pour autant. Alors... Découvrons ce que nous pouvons sur ton lien avec ton créateur, découvrons ce que nous pouvons sur lui, et sur toi. Et surtout, découvrons comment te libérer de ce qui te pèse tant. Derrière ton masque de marbre, il y a bien trop de souffrances... » se désola le jeune homme, sincèrement compatissant.
Entre ce que je pense, ce que je veux dire, ce que je crois dire, ce que je dis, ce que vous avez envie d'entendre, ce que vous croyez entendre, ce que vous entendez, ce que vous avez envie de comprendre, ce que vous croyez comprendre, ce que vous comprenez, il y a dix possibilités qu'on ait des difficultés à communiquer. Mais essayons quand même. - Edmond Wells.
Offline Guigui  
#100 Envoyé le : mercredi 22 avril 2020 12:16:11(UTC)
Guigui
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Alia et Bhaal : ô sombres héros de la mer...


Kakishon, jour indéterminé, le soir


Cette scène intervient à ce moment.

a soirée était déjà bien avancée, et le petit feu que Bhaal avait bâti donnait des signes de faiblesse. Les braises rougeoyantes accentuaient les reliefs des visages autour de lui. Petit à petit, les conversations s'étaient faites plus rares, les voix s'étaient muées en chuchotements, et chacun s'occupait seul ou avoir celui ou celle qui lui était le plus proche : Célestin avec Agathe, Nedjémibrê avec Chihili, Pyrrha avec Minuit, Alia avec Bhaal. Les manières entre les deux amants s'étant faites plus câlines et plus intimes, le chat Spooky, impérial, s'était éloigné pour méditer à son aise sur le destin de l'univers.

Pourtant, quelque chose perturbait la complicité entre Alia et son mari. La jeune femme ne pouvait s'empêcher de jeter des coups d’œil à la dérobée vers Pyrrha et son serpent. Bhaal le remarquait, jetait un coup d’œil à son tour, puis fixait Alia en une tentative muette pour comprendre ce qui traversait l'esprit de sa femme. Pyrrha, elle, semblait ne se rendre compte de rien, occupée à prendre soin de son animal.

Au bout d'un moment, Bhaal décida que ce petit manège avait assez duré. Il interrogea sa femme du regard, qui lui répondit de même, car leur union était telle que, pour certaines choses, il n'avaient pas besoin de se parler pour se comprendre. Le géant rouge se leva lentement, s'épousseta, avant d'annoncer de sa voix de basse, en aidant sa femme à se lever : « On va se promener un peu. Profiter de ce ciel et de cette mer, si on doit les quitter bientôt à jamais. »



Alia emboita le pas à son mari, la main posée délicatement sur le bras musclé de l'ancien gladiateur. Elle resta un petit moment silencieuse, savourant l'instant, le sachant de courte durée.

Son regard se posa de nouveau sur la nouvelle venue et elle étouffa un soupir d'agacement, tournant brusquement le visage pour ne plus voir la petite silhouette.



Bhaal marchait le long de la grève, Alia à son bras, sa jambe boiteuse imposant son rythme aux deux amants. Le géant rouge n'avait plus la démarche, puissante et féline, d'autrefois. C'était, en un sens, comme s'il était devenu subitement vieux. Le pansement que Célestin lui refaisait tous les jours ne cessait pas d'exsuder une humeur noirâtre, polluée, impie. Et, parfois, bien qu'il essayât de le dissimuler au mieux, un rictus de douleur venait assombrir son visage.

Finalement, prenant une inspiration, il résolut de briser le silence reposant dans lequel le couple s'était installé. « Alors comme ça... tu l'aimes pas trop, la nouvelle... » C'était autant une question qu'une affirmation.



Alia sourit, amusée par la question directe de Bhaal, c'était tellement lui, pas de fioriture, droit au but. Cependant, son sourire ne dura pas.

« Comment le saurais-je ? Je ne la connais pas. Mais je suis simplement étonnée que vous l'acceptiez aussi facilement alors qu'elle arrive d'on ne sait où et avec une histoire à peine crédible. »



Bhaal secoua la tête tout en contemplant l'horizon vers lequel ils marchaient tous les deux. « Non non, mon amour, » répliqua-t-il gentiment, « je t'ai observée toute la soirée. Y'a un truc chez elle qui te plaît pas. Tu la mates tout le temps. Comme si tu voulais savoir quelque chose. »



« Je ne crois pas en son histoire, voilà ! » Elle s'immobilisa brutalement, comme pour ponctuer sa phrase. « Elle se baladait dans la Montagne Pale et s'est retrouvée comme par hasard entrainée dans le vortex qu'on a créé. Et toi, tu y crois ? »



Bhaal, forcé de s'immobiliser aussi, baissa les yeux vers sa bien-aimée. « Je crois qu'elle est passée par où elle dit qu'elle est passée, oui. Elle a donné des détails. On a laissé la Montagne exactement comme elle l'a dit. Personne ne pourrait savoir ça sans avoir marché dans nos pas. Quant au vortex... » A cette pensée, il eut de nouveau la sensation fugace des mâchoires de la Bête sur sa cuisse, et une ombre passa sur son visage. « On ne sait pas ce qu'il est devenu après notre départ. Il est peut-être toujours là. Peut-être qu'elle s'est approchée de trop près. Aspirée. En tout cas, y'a pas de meilleure explication à sa présence ici. Y'a pas d'autre moyen d'arriver ici. Le parchemin était la seule porte. »



« Mais évidemment qu'elle est passée par là où elle dit ! Mais pourquoi ? Qu'est-ce qu'elle faisait là ? Qui va à la Montagne Pâle ?  »
Elle ne put dissimuler un soupir d'exaspération.



« D'accord, d'accord, » fit le géant rouge en plaçant sa main devant lui, autant pour temporiser que pour se protéger. Il savait comme Alia pouvait s'emporter facilement, surtout ces temps-ci. Être privée si vite de sa fille qui lui avait été arrachée si longtemps était probablement la pire chose qui pouvait arriver, et le caractère de la jeune femme en pâtissait. Tout se passait comme si, à mesure que lui-même apaisait sa colère à ses côtés, elle devenait plus impatiente, écorchée... enragée. Cette pensée le fit frémir.

« Écoute, elle a dit qu'elle avait eu des visions. On ne l'a pas interrogée là-dessus, on aurait peut-être du, d'ailleurs. Mais pour en avoir eu moi aussi, et plusieurs fois, je sais à quel point ça peut être puissant. A quel point ça peut te commander. Tu le sais aussi, d'ailleurs... » dit-il doucement en passant sa grosse main sur le doux visage de la danseuse.



La jeune femme pencha le visage contre la main du demi-démon, souriant, légèrement apaisée.

« Oui, je le sais. Mais pourquoi a-t-elle attendu si longtemps avant de se manifester ? Pourquoi nous suivre comme une assassin prête à surgir dans l'ombre ? Ce ne sont pas les occasions de se présenter qui ont manqué. »



Bhaal inspira profondément. « C'est vrai, » admit-il. « Mais peut-être qu'elle voulait savoir si on était dignes de confiance ou non. J'avoue que je ne comprends pas comment elle a pu nous suivre partout où on est allés sur notre navire magique. Chez les protéens, par exemple. Ou peut-être qu'elle ne l'a pas fait. J'en sais rien. T'as raison, y'a des zones d'ombre... »

« Mais en admettant qu'elle nous cache quelque chose... Pourquoi elle ferait ça ? On n'a pas tant d'ennemis que ça. A part Jhavhul et ses sbires... Qui irait nous poursuivre à travers les plans ? Et pourquoi faire ? »



Elle acquiesça alors que Bhaal soulevait les zones d'ombre, puis alors qu'il posait ses dernières questions, elle s'éloigna de lui, agacée.

« Mais je ne sais pas ! Ce n'est pas parce que je ne sais pas qu'elle n'est pas envoyée par quelqu'un ou qu'elle n'est pas là volontairement. Je n'ai pas oublié le funeste cadeau de mariage qu'on a trouvé sur notre seuil, le jour même de notre union. Je ne pense pas que Xul, le fournisseur de Vlausta nous a oublié et qui sait s'il n'a pas envoyé quelqu'un terminer ce qu'il n'a pas su faire. Alors oui, elle a besoin de nous pour partir, elle n'avait peut-être pas prévu ce changement de plan, personne ne l'avait prévu mais... pour quelqu'un qui dit ne pas être douée pour la diplomatie, elle sait bien choisir ses phrases en tout cas. »

Elle termina, lèvres pincées.



Bhaal regarda sa femme, un instant, silencieux. Il hésitait sur les mots à prononcer, craignant de déclencher une nouvelle colère. Finalement, il répondit d'une voix calme, caverneuse, posée. « Tu sais, je crois qu'aucun espion ne pourrait nous la faire à l'envers longtemps, désormais. La magie de Célestin, s'il décidait de l'utiliser, percerait toutes les illusions. Et Agathe peut communier avec... je sais pas qui... mais en tout cas nous procurer des réponses sûres. On peut leur demander de faire ça. Et Pyrrha... Je peux lui parler si tu veux. »

Le demi-démon avait fait cette proposition sans réfléchir et le regretta immédiatement. Après tout, que pouvait-il bien faire pour confondre la duergare, si elle mentait ? De quels talents en la matière pouvait-il bien se prévaloir ?



Alia poussa un soupir, hésitante.

« Oui, on peut faire ça. Mais... Tu connais Célestin, il est toujours prompt à faire confiance à tout le monde. S'il peut interroger Sarenrae, ça me rassurerait, oui. Tu peux aussi aller lui parler, tu en sauras peut-être plus. Mais je veux bien reconnaitre une chose, elle a besoin de nous pour sortir d'ici. Sur ça je veux bien la croire, elle a besoin de nous. »



« Ce qui veut dire que si elle nous veut du mal d'une façon ou d'une autre, elle ne fera rien tant qu'on est coincés ici, » compléta Bhaal. « On peut donc lui faire confiance au moins avec cet...Obhérak. Quant à Célestin... Tu as raison, mais il ne refusera pas. Il cherchera toujours à nous protéger, et il ne courra pas le moindre risque que quelque chose se mette entre nous et Jhavhul. Surtout maintenant qu'il sait... » Le demi-démon hésita et sa voix se fit plus basse. « Qu'il sait d'où il vient. »

Oh, comme Bhaal connaissait cette sensation ! Comme il l'avait ressenti en son temps, ce vide insonsable ouvert sous ses pieds, lorsque Rayan Xhobadi lui avait fait la révélation de ses origines ! Au moins Célestin pouvait-il se prévaloir d'un ancêtre honorable. Au moins un...



Alia fit oui de la tête doucement à mesure qu'elle écoutait Bhaal, « Bien sur, Je ne voulait pas dire que Célestin ne le ferait pas, c'est un ami fidèle, jamais il ne nous mettra en danger, c'est juste qu'il refuse parfois de voir la réalité des mondes et qu'il préfère toujours envisager le meilleur chez les autres. C'est sa grande force, moi, je ne peux pas. Pas maintenant, pas dans ces circonstances. » Elle haussa les épaules, navrée.



Bhaal se plongea dans les yeux d'Alia, ces grands yeux verts dont il aimait tant l'éclat, pour essayer d'y trouver quelque ancienne souffrance qu'il aurait à soigner avec des mots. « Hey, » fit-il doucement en caressant ses cheveux, « on rentrera chez nous, ma belle. D'une manière ou d'une autre, on rentrera chez nous. Rien ni personne ne m'empêchera de couler des jours heureux avec toi, mon amour, là où nous l'aurons choisi. »



Fermant à demi les yeux, Alia savourait la caresse de Bhaal sur ses cheveux, elle s'appuya sur son torse puissant, soupirant. C'est d'une voix étouffée qu'elle ajouta : « Je crois que j'ai simplement peur. Tout me fait peur. Et l'arrivée surprise de Pyrrha ajoute à cette peur... »



Le géant rouge considéra un instant sa compagne avec un air soucieux. La peur avait été - en partie - le moteur d'Alia pendant la plus grande partie de sa vie, comme le sien avait été la haine. Elle l'avait guéri de sa haine, mais il n'avait pas su - pas encore - la guérir de sa peur. Il se sentit soudain impuissant et navré, incapable d'apporter à sa femme la sécurité d'esprit à laquelle elle aspirait tant, et à laquelle elle avait droit. Aucun des pauvres mots qu'il pourrait prononcer n'y changerait quoi que ce soit, car il y avait, objectivement, des raisons d'avoir peur.

La seule chose qu'il pouvait et savait faire, c'était de la prendre dans ses bras, de lui offrir au moins cela. Ce qu'il fit : il l'entoura doucement, tendrement de ses bras, invitant sa tête à rester reposée contre sa poitrine. « Là... Shhhhh... »

Modifié par un utilisateur samedi 25 avril 2020 21:51:08(UTC)  | Raison: Non indiquée

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