Yaseitora reprit immédiatement son apparence originelle, sans la moindre difficulté apparente.
« Rien de particulier...mais j'effraie moins les villageois. Et puis, c'est une habitude de se fondre dans la population. Il serait dommage de ne pas exploiter mes talents pour la métamorphose, non? D'autant que j'ai la chance d'avoir un peu plus de variété à ma disposition que vous. »

Yaseitora demeura silencieuse en écoutant les explications de Jing, mais les derniers détails semblèrent l'intriguer...
« Des recherches sur la magie? Je n'y connais absolument rien, en dehors peut être de sa dangerosité, et des moyens de se défendre. Comme sujet d'expérimentation, alors? »

Elle étrécit les yeux.
« Je ne suis pas certaine d'apprécier ça, mais je me trompe peut être...Qu'attendez vous de moi dans le cadre de ces..."recherches", exactement? »

L'oni acquiesça, hochant la tête pensivement en signe d'assentiment.
« Pourquoi pas? Je suis curieuse de la manière dont fonctionne votre magie... »

Yaseitora laissa échapper une exclamation de surprise lorsque Jing retira son masque, et que l'oni découvrit ses trois yeux. Elle ne dit rien, mais étrécit les yeux, scrutant Jing attentivement. Elle ne sortit de son examen que lorsque Jing lui rappela qu'elle devait l'examiner. Toujours sur ses gardes, elle retira néanmoins les vêtements qu'elle portait, sa veste aux manches amples et le pantalon matelassé qu'elle portait d'ordinaire sous son armure, ne gardant qu'un morceau de tissu autour des reins pour conserver un semblant de pudeur. L'oni eut un sourire goguenard.
« Sans vouloir vous offenser, vous êtes un peu faiblarde à mon goût. »

Cela dit, elle ne semblait pas vraiment se préoccuper de la nécessité de voiler sa forme. Quasi-nue, plusieurs éléments sautaient aux yeux. D'une part, une partie des caractéristiques physiques de l'oni se transféraient de forme en forme, notamment ses cicatrices. En se concentrant, Yaseitora était cependant capable de les effacer, mais si elle se contentait de suivre son instict, elles demeuraient présentes. Par ailleurs, et peut être le plus important, Jing parvint à isoler en partie les principes qui gouvernaient les pouvoirs métamorphes des onis. Les onis étaient, d'une certaine manière, de purs esprits, incarnés sur le plan matériel. Par conséquent, leur âme et leur corps ne faisait qu'un. Ils avaient créé une enveloppe corporelle de prédilection, généralement liée à leur puissance et à leurs affinités avec une race humanoide particulière (les hobgobelins dans le cas des Ja-Noi comme Yaseitora). Mais leur forme était liée à leur volonté, et par conséquent, ils pouvaient la modifier par un simple effort de volonté.

A force de recherches, Jing parvint à entrevoir une possibilité...elle même étant métamorphe, elle comprenait les instincts liées à la métamorphose et les processus mentaux correspondants. Par magie, elle devait pouvoir reproduire certains caractéristiques des onis, en particulier leur capacité à régénerer leur forme...

Yaseitora sourit de toutes ses dents.
« Je...vois. En fait, je pense qu'une partie du principe m'échappe, mais j'imagine qu'il est toujours plus compliqué d'appréhender les mécanismes derrière un phénomène qui est pour moi instinctif. Je n'ai pas souvenir d'avoir consciemment choisi cette forme, c'est simplement celle qui m'est venu naturellement. Je serais intéressée d'en apprendre plus, si vos recherches aboutissent. »


Hiver 4719 - Mine de Siyin, contreforts des Montagnes Soyeuses
Une fois ses projets à Yin-Se bien engagés, Jing entreprit de réaliser la promesse qu'elle s'était faite et quitta le village pendant quelques semaines, prenant la route des mines pour passer une partie de l'hiver au sein de la tribu du Pic Blanc, découvrant les pratiques et les habitudes de cet autre clan.

La première chose qui la frappa était que le clan du Pic Blan paraissait bien plus primitif que son propre clan. La plus grande partie du clan tissait, autant des vêtements que des cordages, des tentures, et surtout des pièges. Les aranéas du Pic Blanc survivaient principalement de la chasse d'autres créatures aux alentours de leurs cavernes: sangliers, lièvres, faucons, cerfs, et autre gibier, mais également ce qu'ils pouvaient pêcher dans la rivière souterrain traversant la mine. Certains patrouillaient aussi les montagnes aux alentours, éloignant ou éliminant les menaces potentielles pour la tribu, lorsqu'ils en avaient les moyens. De manière générale, la tribu subsistait, mais stagnait.

Hei Bai Shuang, leur shaman, avait de nombreuses responsabilités. Elle était à la fois la chef, la guérisseuse, la juge, et la dépositaire de l'histoire et des rites de la tribu. C'était elle qui présidait aux cérémonies de deuil des morts de la tribu, récentes et anciennes, conduites à chaque nouvelle lune. Elle même faisait le deuil d'une soeur, l'ancienne shamane, emportée par les jorogumo peu avant que la tribu ne soit forcée à l'exil.

Le temps passé à discuter avec Hei Bai Shuang lui appris cependant beaucoup. La shamane possédait une connaissance parcellaire des rituels de son clan, n'étant pas destinée, à la naissance, à devenir shamane. Mais elle avait tout de même connaissance, outre les rituels de bénédiction et d'apaisement des esprits, d'un rituel permettant à celui qui l'accomplissait de discerner les mensonges.

La shamane de la tribu du Pic Blanc, Hei Bai Shuang, se révéla très intéressée par le rituel que Jing accepta de lui apprendre.
« Intéressant...Cela pourrait nous permettre de nous défendre et d'éviter les surprises...je pense que je saisis le principe, mais il faudra que je pratique pour être certaine de parvenir à maîtriser le processus. Mais je suis toujours intéressée par de nouveaux moyens de contacter les esprits pour requérir leur aide. A Shenmen, ce sont des alliés des plus précieux pour qui sait attirer leur attention et s'attirer leurs bonnes grâces. »


Hei Bai Shuang se révéla très intéressée par la nouvelle de la présence d'une jeune jorogumo si loin au Sud. Au cours de cette conversation, elle appris à Jing ce qu'elle savait sur les jorogumo. D'après ce que sa tribu avait pu glaner au cours de leurs escarmouches avec les yôkai, la société jorogumo était organisée selon une structure matriarcale et des règles lâches. Les jorogumos agissaient soient seules, entourée de leur cabale de servants et d'agents manipulés par charme ou menace, ou en cliques dictée par des confluences d'intérêts. Les plus puissantes prenaient un ascendant naturel, mais les jorogumo avaient aussi tendance à entrer en compétition lorsque les ressources étaient rares. En particulier, elles se disputaient les esclaves les plus intéressants, ou uniques. Les jorogumo solitaires avaient aussi tendance à s'infiltrer au sein de société d'êtres qu'elles considéraient comme inférieurs, profitant de leur influence pour dominer la communauté, et l'exploiter pour ses propres buts. Elles partageaient toutes leur poison, et leur talent pour la malédiction et la métamorphose, mais certaines étaient plus puissantes encore. En particulier, les jorogumos qui dominaient Shenmen depuis la cité souterrain de Yin-Shichasi étaient bien souvent capable d'une puissante magie, ce qui en faisait des adversaires plus redoutables encore.

La shamane s'inquiétait également des difficultés que les membres de sa tribu auraient à s'intégrer au sein de Yin-Se, et requis les conseils que Jing pourrait lui donner.

En observant le fonctionnement de la tribu, il apparu assez rapidement à Jing que la reproduction était une affaire sérieuse. D'après les dires de la shamane, les jeunes ne survivaient pas facilement dans les rudes conditions des montagnes Soyeuses, et la tribu protégeait jalousement ses oeufs des prédateurs et des menaces. Ils veillaient entre autre à séparer les jeunes aranéas à l'eclosion pour limiter au maximum les risques qu'ils s'entretuent. Ensuite, lorsque la sauvagerie présente à la naissance laissait place à une curiosité moins dangereuse, la tribu élevait les enfants collectivement. Il n'y avait donc pas de véritable structure familiale, la tribu se substituant à la famille.

En revanche, sa quête d'esprits brillants fut un peu plus délicate et pas vraiment couronnée de succès. Certains, en particulier les femelles adultes les plus jeunes, démontraient cependant une véritable curiosité et buvait ses paroles. A terme, il serait peut être possible de leur enseigner ce qui leur manquait, mais pour l'heure, la plupart des aranéas de la tribu du Pic Blanc étaient avant tout formés à la survie et à la chasse dans ces montagnes peu hospitalières.

Hei Bai Shuang médita avec attention les propositions et les plans de Jing. La shaman paraissait à la fois intéressée et un peu inquiète des risques encourus.
« Nous avons fuis jusque là pour préserver nos traditions. Je dois admettre ne pas être ravie des risques qu'elles peuvent encourir...Mais si nous en faisons rien, notre tribu s'éteindra et nos traditions avec elle. Je pense que vos propositions sont raisonnables. Nous apporterons nos ancêtres, nos esprits et nos dieux à ce...Cercle de Pierres, et partagerons notre savoir avec ceux qui le voudront. Je pense en effet qu'un rôle spirituel me conviendrait mieux, mais comprenez que les miens se référeront d'abord à moi si ils cherchent une solution à leurs problèmes.

Ces aranéas dont vous parlez...elles font parti de votre clan? Est ce que vous envisagez de joindre nos tribus, à l'avenir? »


« Des batraciens...? Oh, vous voulez dire les aveugleurs? Ce sont des créatures qui vivaient dans ces cavernes, parmi les plus intelligentes, et surtout les moins agressives. C'est par nécessité que nous les employons, ils sont très utiles contre les monstres qui remontent parfois des profondeurs de la rivière, et aussi contre d'éventuels agresseurs. Ils nous aident à chasser, en échange d'abri et de nourriture. Nous les élevons, d'ailleurs. Mais je crains que nous ne devions abandonner la pratique, les aveugleurs ne sont pas à l'aise en pleine lumière. »


Concernant les travaux de la mine, les quelques conduits ouverts sont assez sûrs, les aranéas se sont assurées que cela ne s'effondrerait pas. Mais certaines parties de la mine sont inutilisées depuis longtemps, et il y a des travaux structurels à réaliser pour s'assurer que la mine ne s'effondrera pas quand l'exploitation reprendra. Il faut aussi déblayer les débris bloquant les rails, et poser de nouveaux rails par endroit.

Dans l'ensemble, cependant, tu penses qu'une très large majorité de ce qui est ici est récupérable, et les talents d'architecte de Jing lui permettent d'envisager des changements à la construction, basés sur les progrès du dernier siècle.
Il y avait des économies substantielles à réaliser ici...

Tu pourrais réduire le coût des innovations de la mine de 4 BP à 2 BP grâce à ton don et à tes jets.

Fû, de son côté, explorait les mines avec enthousiasme, s'efforçant cependant de rester à distance des aveugleurs, qui n'appréciaient pas vraiment sa présence. La chauve souris se glissait dans les tunnels, mais la plus grande partie de ce qu'elle rapportait à Jing n'était pas extrêmement passionant...Même si elle ramena une pierre bleutée, brillante, à Jing.

Modifié par un utilisateur dimanche 6 octobre 2019 19:47:56(UTC)  | Raison: Non indiquée

La shamane paru sentir la douleur encore vive provoquée chez Jing par la perte de son père, et s'approcha un peu d'elle, posant une main hésitante sur son épaule, mais s'arrêtant dans son geste pour s'assurer que Jing ne s'y opposait pas.
« Je comprends ce que vous traversez. Il est difficile de perdre quelqu'un d'aussi proche. Ma soeur me manque, à moi aussi. Si vous voulez en parler, je serai honorée de vous écouter.

Je vois que vous avez de grands projets pour l'avenir, en tout cas...et je dois admettre que je suis heureuse que ma tribu en fasse partie. Nous...n'avons pas l'habitude des contacts avec les humains, même ceux qui vivent encore à Shenmen. Nous aurons sans doute besoin de vous pour prendre contact...j'ose espérer que ce que nous savons de ce pays sera une juste contrepartie. Vous avez raison sur le principal: ensembles, nous avons de meilleures chances.

Les aveugleurs ne peuvent pas vraiment quitter les mines, du moins pas longtemps, mais peut être que certains de nos dresseurs pourraient revenir avec vos mineurs, pour aider à habituer les aveugleurs à leur présence, et les dresser à protéger la mine?

La rivière...j'admets ne pas savoir exactement d'où elle vient et où elle ressort. Personne n'a réussi à la suivre d'un bout à l'autre, elle est presque entièrement souterraine par endroit. Mais je pense qu'elle doit rejoindre la Shuiwai qui coule vers le Nord-Nord-Ouest. Pourquoi? »

La shamane haussa les épaules d'un air un peu contrite.
« Dans ce cas, je crains que la rivière ne vous convienne pas...il est peut être possible de s'en servir comme moyen de transport, mais je ne vois pas comment, même si je ne suis pas une spécialiste... »

Elle écouta ensuite la légende relatée par Jing, attentive.
« Ce n'est pas tout à fait ce que racontent nos légendes...l'histoire commence d'une autre façon, racontant l'histoire d'un bûcheron qui s'aventurait souvent seul dans la forêt. Un jour, il échappa sa hache dans une rivière, près d'une cascade, et alors qu'il cherchait une solution pour la récupérer, un fil de soie la déposa près de lui. Il remercia "l'esprit de la rivière", et s'en fut.

Plus tard, il revint auprès de cette rivière pour abattre un arme, mais au milieu de son dur labeur, s'endormit. Il se réveilla en sentant des fils de soie sur lui, et, ne voulant pas troubler l'araignée, déposa délicatement la soie sur une souche près de lui. Mais à ce moment là, la soie se tendit et arracha la souche.

Au cours de ses visites suivantes, l'homme rencontra sur place une charmante jeune femme, avec qui il se lia rapidement d'amitié, partageant avec elle de nombreux moments de proximité.
Mais au récit de cette rencontre, une aranéa de passage dans son village demanda à l'accompagner, craignant que la créature ne soit un yôkai. Et lorsqu'ils atteignirent la cascade, un filet de soie surgie des eaux, tentant de piéger l'aranéa, qui se défendit par magie.

Elle confirma ses craintes: la jeune femme rencontrée par le jeune homme était une jorogumo, un esprit araignée...et elle était dangereuse.

Mais, refusant d'écouter l'avertissement, le jeune homme revint à la cascade...on ignore ce qu'il est advenu de lui, mais peu après, le village fut ravagé par une couvée de Jorogumo...les conteurs s'accordent souvent sur le fait que l'attraction de l'humain pour la jorogumo a causé sa mort et la multiplication de ces monstres.

La morale de notre version de la légende tiens à peu de chose...elle met en garde contre l'apparent charme des Jorogumo, mais surtout contre l'imprudence des humains jouant avec des forces qu'ils ne comprennent pas. »

La shamane offrit un de ses rares sourires.
Nous ne fréquentons plus les humains serait plus juste. Ils n'ont jamais vraiment été maîtres de ces terres, c'est vrai, mais à la période qu'ils appellent l'Empire de Lung Wa, les basses terres et jusqu'aux contreforts des montagnes comptaient des villages, et même plusieurs villes. Mais comme toujours, leur impatience et imprudence a causé leur perte.

Hei Bai Shuang pesa un long moment sa réponse à la seconde question de l'architecte.
« Nous n'avons jamais vécu au sein du Bois des Voix, mais au moins une autre tribu y vivait, cependant. Nous n'avons plus de nouvelles depuis plus d'un siècle. Quand au Pic Blanc...nous avons du partir face aux Jorogumos, j'ignore si la région est de nouveau sûre. Mais un jour, peut être. Peut être que nous pourrons y retourner, et découvrir ce qui est arrivé à ma soeur. »

Elle plongea son regard dans celui de Jing.
« Pensez vous que cela soit possible? Qu'un jour, nous pourrons reprendre nos terres? »