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Offline Dalvyn  
#1 Envoyé le : mercredi 4 novembre 2020 23:53:57(UTC)
Dalvyn
Rang : Référent
Inscrit le : 15/12/2009(UTC)
Messages : 18,213
Ce qui suit est la traduction d’un billet de blog paru sur le site de Paizo et reprenant la première partie d’une histoire courte écrite par Liane Merciel, histoire qui se déroule à Otari, le patelin servant de ville de départ pour la future Beginner’s Box de Pathfinder 2 (à paraître le 11 novembre en anglais), les scénarios « Troubles in Otari » destinés à compléter la boîte d’initiation, ainsi que la campagne en trois volumes « Abomination Vaults ».



Le voile des quatre silences

« Allez, » dit Éleukas sur un ton réconfortant. « Plus qu’une cargaison et tu auras fini. »

« Plus qu’une cargaison, qu’il dit » grommela Wendlyn tout en étirant ses épaules couvertes d’égratignures et de poussière de bois. « Plus qu’une… Je ne sens plus mes bras et il veut me remonter le moral en me disant qu’il n’y a plus qu’une cargaison ? » répondit-elle.

« C’est toi qui as choisi une peine de travail plutôt qu’une nuit en cellule. » Les compagnies forestières d’Otari donnaient leurs déchets mal découpés, creux ou affaiblis par les termites en tant que bois de chauffe, à condition que les bénéficiaires utilisent leurs propres chariots pour emporter cette cargaison. La découpe du bois était l’une des peines de travail préférées du capitaine Longsaddle, car la garnison d’Otari avait constamment besoin de bois de chauffage et le surplus qu’ils n’utilisaient pas pouvait toujours être donné aux habitants trop malades ou infirmes pour découper leurs propres bûches. C’était un besoin constant et donc un travail sans fin.

« Ah ben bien sûr ! Une nuit en cellule, c’est une nuit en cellule ! Avec les rats, l’humidité, et de la bouffe horrible. Alors qu’ici, je profite de l’air frais et du soleil. Et, en plus, c’est toi qui te tapes tout le travail. » Wendlyn tira un autre tronc d’arbre creux jusqu’à la souche d’Éleukas et le laissa tomber au sol.

« Tu pourrais aussi arrêter de voler des choses, » fit remarquer Éleukas tout en soulevant le tronc pour le positionner puis en levant sa hachette. Une massue aurait été plus efficace, mais l’efficacité n’était pas le but premier d’une peine de travail. « Qu’est-ce que tu as pris cette fois-ci ? Une poignée de pièces dans les poches d’un marin ivre ? Ça en valait vraiment la peine ? »

C’était la première fois que ses paroles se rapprochaient autant d’une critique ouverte à l’encontre des larcins qui étaient devenus une habitude pour son amie. Éleukas retint sa respiration un court moment, craignant qu’il ne soit allé trop loin et qu’il n’ait mis leur amitié en péril. Pour combler le silence, il se mit à découper le tronc en plusieurs morceaux nettement coupés en lui assénant quelques coups précis de hachette.

Mais Wendlyn se contenta de hausser les épaules et de repartir vers la pile des déchets pour prendre un autre tronc. « Sans ça, quand aurais-je l’occasion de voir mon plus vieil ami ? J’ai l’impression que ces peines de travail sont les seuls moments où nous pouvons discuter. »

Piqué au vif, Éleukas se contenta de couper le nouveau tronc tout en pensant à une réponse. Il était vrai que, depuis qu’il avait rejoint la garde d’Otari, il n’avait pas guère eu l’occasion de passer du temps avec ses amis dans les tavernes, même si — ou peut-être parce que — il était une recrue récente et il avait pris du retard dans son entraînement. Il y avait constamment des nouvelles techniques à apprendre, des réflexions sages à apprendre des vétérans, et il se posait tellement de questions à propos de sa nouvelle vie qu’il avait parfois tendance à oublier de poursuivre sa précédente.

Il n’y avait en effet que pendant ces peines de travail qu’il avait encore l’occasion de la rencontrer, grâce au fait qu’Éleukas s’était débrouiller pour que ce soit lui qu’on charge de surveiller Wendlyn après sa dernière arrestation en date. Et c’était vrai qu’il s’était porté volontaire pour faire la plupart du travail, sans doute parce qu’il se sentait coupable d’avoir négligé leur amitié récemment, même si c’était elle qui était supposée changer d’attitude grâce au labeur.

« Je pourrais peut-être… », commença-t-il, mais Wendlyn l’interrompit en tournant brusquement son regard en direction de l’orée de la forêt juste derrière la scierie.

« Tu as entendu ? » Elle se raidit puis s’approcha silencieusement de la forêt comme un chien qui venait de renifler une piste.

Éleukas s’essuya le front et repoussa sur le côté des mèches bouclées de cheveux noirs trempés de sueur. Il n’avait rien entendu d’autre que les coups qu’il avait assénés pour couper le bois, mais son amie demi-elfe avait toujours eu une ouïe plus fine que la sienne.

« Non, » répondit-il, prudemment, quand un cri retentit.

Il s’agissait d’un hurlement de pure rage et, même si Éleukas n’aurait pas su dire s’il provenait d’une personne ou d’une bête, il savait que c’était un cri de bataille.

« Amène-toi. » Wendlyn s’était déjà élancée en direction des arbres. « Et amène ta hache. »

Éleukas ne perdit pas de temps à poser des questions. Otari était une petite communauté, où on aidait ses voisins quand ils en avaient besoin, et la forêt pouvait être bien dangereuses. Des kobolds, des animaux sauvages, ou pire. Certaines rumeurs évoquaient même des saboteurs prenant pour cible la chute à bois qui était au cœur de la vie économie d’Otari et, même si Éleukas n’y croyait pas vraiment, ce cri provenait de la direction de la chute.

Empoignant la hachette recouverte de sueur, il se mit à courir derrière elle.

Il chargea à travers le bois, le visage fouetté par les branches et les pieds parfois entravés par la végétation, tentant de garder Wendlyn dans son champ de vision. La demi-elfe se faufilait entre les arbres aussi facilement qu’une aiguille dans du tissu. Sans sa queue de cheval de couleur flambante qui remuait au sein de la verdure, il l’aurait perdue de vue. Wendlyn oubliait toujours d’attendre ceux qui étaient plus lents qu’elle.

Au loin, la bruyante silhouette de la Roue des Géants apparaissait au-dessus du sommet des arbres, craquant, grinçant et projetant de manière rythmique vers le ciel des nuées de gouttes d’eau tirée du Balbuzard, le fleuve dont elle exploitait la puissance pour emmener les troncs vers la mer. Ses claquements tonitruants noyaient tous les bruits inférieurs, comme les voix humaines, mais Éleukas n’avait plus besoin de guetter les cris : il pouvait voir la personne qui les avait poussés.

Non, pas la personne. Son cadavre.

Il sortit de la forêt et s’arrêta dans la clairière qui la bordait pour reprendre son souffle, observant l’angle inhabituel de son cou, le sang qui maculait les habits, les sinistres blessures béantes dans la gorge et dans le torse. Il n’avait en fait jamais vu une personne assassinée avant cela, mais il sut immédiatement qu’il était trop tard pour sauver l’individu. Et il savait que cette vision serait gravée à tout jamais dans sa mémoire : une chose pour laquelle il s’était entraîné, une chose à laquelle il s’était attendu, et une chose à laquelle il n’aurait jamais pu vraiment se préparer.

Le combat n’était pas terminé, même si la première victime était morte. Deux rats couverts de touffes de poils, aussi hauts que de grands chiens, menaçaient Wendlyn en montrant leurs crocs et en sifflant bruyamment. Le soleil vit de l’après-midi ne semblait pas les effrayer, pas plus que les coups d’épée courte qu’elle leur portait. Les rongeurs combattaient avec une coordination étonnante, le premier feintant pour attirer l’attention de Wendlyn et permettre au second de l’attaquer.

Éleukas n’avait jamais vu Wendlyn combattre, et il fut surpris par l’agilité avec laquelle elle maniait sa lame. Il avait supposé qu’il s’agissait surtout d’une arme d’apparat mais il était évident qu’elle avait reçu un entraînement digne de ce nom. Elle tenait bon face aux deux rats. L’un d’eux saignait au niveau de la mâchoire et l’autre arborait une longue blessure le long de ses côtes, mais, en retour, ils avaient eux aussi infligé plusieurs estafilades sinistres à Wendlyn.

« Je suis là ! » cria Éleukas, espérant les distraire. L’un des rats se retourna contre lui en renâclant. Il abattit sa hache mais rata sa cible. Le rat tenta de le mordre, ses dents acérées frôlant les poils de son avant-bras. La salive du rongeur l’éclaboussa comme une pluie chaude.

Réajustant sa position, Éleukas tenta une nouvelle attaque. Cette fois-ci, il avait pris en compte l’inertie de l’animal et porta un coup bas dans l’autre direction, mais l’arme n’arriva pas à l’endroit qu’il avait prévu. La hachette était conçue pour couper du bois de chauffage et était considérablement plus courte et plus petite que la hache de bataille qu’il avait l’habitude d’utiliser. Malgré tout, son attaque heurta l’arrière du rat.

Des craquements d’os retentirent et le rat tomba en couinant. Contrairement à ce à quoi Éleukas s’était attendu, l’autre ne prit pas la fuite. Il arqua sa colonne vertébrale, hérissa sa fourrure brune graisseuse et se mit à siffler plus bruyamment. Malgré ce spectacle, il semblait étonnamment peu enclin à les attaquer, préférant sauter d’avant en arrière en restant hors de leur portée plutôt que de s’approcher de l’un deux.

Une seconde plus tard, Éleukas comprit pourquoi. Il n’était pas seul. Quelque chose s’agita dans la végétation, s’approchant d’eux alors même que le rat crachait et renâclait pour les distraire.

« Tu t’occupes du rat, » dit Éleukas en se plaçant dos contre dos avec Wendlyn de manière à pouvoir se concentrer sur le nouveau danger.

Il était plutôt difficile à discerner à cause du feuillage… Éleukas aperçut une main noire déformée et griffue, avec une peau épaisse et luisante comme du cuir poli et des ongles incurvés ressemblant à des serres acérées. Son corps était une masse informe de fourrure humide ou de chiffons crasseux qui se fondait dans les buissons, de sorte qu’Éleukas avait bien du mal à juger de sa taille. Et son visage…

Quand il vit son visage, il se figea sur place. Il n’y avait pas de visage. Au-dessus de son cou se trouvait un vortex d’ombres qui semblait se déverser dans un néant infini.

Le vide au cœur de ce non-visage attira la conscience d’Éleukas vers ses profondeurs glaciales. Il se sentit emporté vers un endroit situé au-delà des pensées rationnelles, un lieu où il serait déchiqueté et dévoré si complètement que rien ne resterait de son esprit, de son âme ou de sa conscience s’il ne s’en extirpait pas.

Une terreur froide enserra son cœur. La peur se mit à engloutir son esprit morceau par morceau. Et puis, juste au moment où Éleukas rassemblait ses forces pour tenter, d’une manière ou d’une autre de s’extraire de l’emprise mortelle du tourbillon sombre, un nuage de poudre noire provenant des profondeurs de ce néant dévorant explosa dans son visage.

Il était devenu soudainement aveugle. Il ne voyait plus, il ne pouvait plus respirer. Un épais mur tiède extirpait l’air hors de sa bouche grand-ouverte. Éleukas tenta de hurler, mais ce lourd tapis de tiédeur enfonça son cri dans sa gorge.

Il tomba, suffoquant, et perdit conscience.






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