« Pfff... La politique, il va pas rester grand monde pour en faire une fois les démons dans nos terres... Je... Je suggérais juste ça pour sauver un maximum de vies... » commenta Kristen avec un air pataud tout en rebroussant chemin.
« Mais pas de problème Aksana-Kila : si c'est une mauvaise idée, comme le p'tit Zorg a l'air de penser, le chef Bors saura la mettre à la poubelle. »

La mine renfrognée Kristen parut abattu, la queue entre les pattes alors que Leikkaus venait se frotter à ses jambes - ce qui aurait probablement fait chuter la plupart des gens de stature "raisonnable". Observant les autres campements, le colosse sarkorien tenta de détecter des forces vives sur lesquelles ils pourraient éventuellement s'appuyer en cas de "gros pépin démoniaque".

e groupe prit congé de la capitaine, et pendant que celle-ci rentrait dans Kenabres - sans doute pour délivrer le message qu'ils venaient de lui livrer - les sarkoriens retournaient à leur campement, se demandant s'ils devaient alerter les autres campements ou non.

Finalement, la décision fut prise de ne pas en prendre, ou plutôt de la remettre entre les mains de Bors. Rentrant au campement, avec des regards tout aussi sympathiques qu'à l'aller, ils se dirigèrent vers la yourte du chef. Là, ils furent accueillis par Drahomir, qui avait reprit son poste de garde personnel du chef de clan. Il prit un air gêné tout en se mettant en travers de leur chemin, les empêchant d'entrer.

« Le chef est déjà avec quelqu'un... » leur dit-il. « Je crois que... ce n'est pas vraiment le moment. »

A peine eut-il terminé sa phrase que des voix s'élevèrent de l'intérieur de la yourte, et que sortit en trombe Rolf, le frère d'Ilse, bousculant presque Drahomir au passage pour se jeter sur Jormung.

« Toi ! » hurla-t-il, les larmes aux yeux, pointant son index sous le nez du demi-orque. « Toi ! Tu devais la protéger ! Tu avais une responsabilité envers elle ! » Il le repoussa des deux mains - enfin, du moins essaya-t-il avec un succès mitigé tant le demi-orque était un roc immuable.

Derrière lui, son père et sa mère sortirent à leur tour, les yeux embués de larmes. Ils posèrent un regard douloureux sur les Champions, Tamok prenant Lotta par l'épaule et la serrant contre lui, tandis que celle-ci cachait sa bouche derrière sa main tremblante.

e jeune Ditgarde recula de quelques pas alors que Jormung le relâchait de sa puissante étreinte. Au milieu des larmes qui coulaient sur ses joues, chacun pouvait lire dans ses yeux la haine qu'il avait pour le demi-orque. Son père vint poser une main apaisante sur son épaule, l'autre toujours autour des épaules de Lotta. Mais Rolf dégagea sèchement son épaule.

« Récupérer son âme ? A un dieu ? Belles paroles, Champion ! Nous verrons bien si les actes suivent. » cracha-t-il entre ses dents. « Mais tu as raison. C'est vrai, elle n'est pas morte. C'est bien pire que ça. » Il ne lâchait pas du regard l'élu de la Foi Verte. « Vu les tourments innommables qu'elle va endurer, j'espère que votre rituel, là, valait le coup. Mais si j'ai bien compris, on n'aura pas longtemps à attendre pour voir ce que valent nos Champions. C'est pour ce soir, hein ? » Il s'essuya le visage d'un revers de manche rageur alors que les larmes enfin commençait à se tarir. « C'est pour ce soir, et les autres crétins font la fête. » rajouta-t-il en élevant la voix, en désignant d'un vague geste du bras Kenabres. « Nous verrons bien ce qu'il restera de notre monde, de notre peuple, après le passage des démons. »

« Ça suffit, Rolf ! » gronda la voix de Bors de l'intérieur de la yourte. « Rentre chez toi pleurer ta sœur avec tes parents. Et sois prêt pour la bataille de ce soir. Si tu veux faire honneur à ta famille et à ton clan, c'est tout ce que tu peux faire pour l'instant. »

Le jeune homme serra les dents, et sans un mot de plus obéit, ses parents sur les talons. C'était rarement une bonne idée de discuter les ordres du chef.

Sans qu'il sorte de la yourte, Bors poursuivit. « Rentrez, Champions. Et toi aussi, Móirín. » Une fois fait, il soupira. « Vu la vitesse de votre retour, vous n'avez pas dû rencontrer les dirigeants de Kenabres. Je m'en doutais. J'espère toutefois que le message est passé, et qu'ils ne prendront pas nos avertissements à la légère. Je vous laisse vous préparer. Revenez me voir à midi, nous déjeunerons ensemble. D'ici-là, j'ai encore beaucoup à faire. »

Rolf étant aussi inconsolable qu'il était irrécupérable. Jormung se concentra sur une reprise de ses émotions et une orientation de ses pensées vers leur but immédiat. Mais étonnamment, la colère revint sur son visage presque aussi vite après la proposition de la capitaine Christa Matthiesen. Jormung allait commettre un impair en parlant, et se contenta de rester les bras croisés, les veines gonflant le long de ses muscles et ses tentes, la mâchoire serrée, attendant la réaction et la décision de leurs chefs.

Móirín préféra ne pas se mêler de la dispute entre Rolf et Jormung, même si elle partageait l'avis de ce dernier. Et puis, lancer des accusations comme le faisait Rolf sans chercher à faire quoi que ce soit d'autre qu'à blâmer quelqu'un, ce n'était pas ce dont ils avaient besoin en cette période de crise.

Tandis que la matinée avançait, elle retourna jusqu'à sa tente, creusant sous son lit de camp pour en dégager un coffret de bois. Elle en tira deux flasques et une baguette de bois noir, les rangeant dans sa sacoche.
« Je crois que je vais avoir besoin de vous... »



Móirín restait en retrait, les occasions formelles n'étaient pas sa tasse de thé et elle était douloureusement consciente de sa réputation, et préférait ne pas prendre le risque de ruiner ses efforts. Et la proposition de la capitaine était...intéressante. Elle se demandait bien pourquoi "maître Ig'drodan" s'intéressait à ce point à leur sort qu'ils doivent rejoindre la cité? Mais ils seraient peut être plus à l'abri derrière les murailles que dehors, d'un autre côté.

Zorg, non loin d'elle, ne manqua pas de faire connaître son opinion, d'une voix forte à défaut d'être claire. Móirín intervint après lui, le ton paisible.
« Je n'ai pas de titre officiel, mais "voyante" fera l'affaire...quand à cette annonce...mon destin est lié à celui des Champions, je le sens. Où qu'ils aillent, je les accompagnerai. »

Se gardant bien d'intervenir lorsque Rolf éructa toute sa rage sur Jormung, alors même que Kristen avait pris malgré lui la place de la jeune Ditgarde, le guerrier observa la scène quasiment en apnée de peur que les parents viennent lui parler. Affronter des hordes de démons, ça il en était capable : il avait le courage, la détermination et des années d'entrainement! Mais devoir faire face à la détresse et la peur d'une famille du clan, qui plus est face à la perte de leur enfant, une adepte notoire de la Foi Verte, là c'était surement trop pour lui. Au final, comme l'avait fait remarquer à juste titre le demi-orc, l'important était de trouver des solutions, en particulier tant qu'il y avait de l'espoir.

C'est donc une matinée quelque peu morose qui se déroula au sein d'un camp qui n'avait rien d'un village mais bien d'une structure militaire. Mais au moins, n'en déplaise à Kristen, peu de gens y cherchaient plaisir ou oisiveté. Le pisteur s'occupa de son équipement, en contrôlant tout ce dont il aurait pu avoir besoin dans la bataille. Puis il échangea lors d'une conversation rapide avec Drahomir les tactiques de défense envisagées, en particulier pour protéger le trio dirigeant.

Et enfin, le repas servant de prétexte à un regroupement politique du clan arriva. Kristen, assis à côté des autres Champions, dressa la tête en même temps que son smilodon une à deux secondes avant que la capitaine Mendévienne surgisse avec sa proposition. La nouvelle lui arriva comme un soulagement : faire fi de s'engraisser alors que chaque parti des Sangs Hurlants tentait de justifier sa présence et ses atouts ne le réjouissait pas franchement, en particulier à l'aune d'une des batailles probablement les plus violentes de l'histoire de Sarkoris!

« ... Et... s'ils ne sont pas au courant, est-ce qu'au moins ils ont des défenses en place? Pareil dans votre ville? » se contenta-t-il d'ajouter à la remarque d'Aksana de sa voix grave, tout en fixant Matthiesen pour s'assurer de sa sincérité.

Móirín pesa les paroles de la capitaine. De toutes évidences, les croisés prenaient la menace au sérieux. Bien, cela signifiait que d'une manière ou d'une autre, le message était passé.
« Dans ce cas, je crois que nous avons fait tout ce que nous pouvions pour nous préparer. En tout cas, en terme de diffusion d'information.

Reste à espérer que la cérémonie est aussi efficace que vous le pensez et qu'elle suffira à renouveler la protection des Pierres de Garde.

Pour l'heure, je ne peux vous apporter que mes prières. Il faut que j'économise mes talents pour la magie pour le moment où nous en aurons réellement besoin. »

Zorg, manifestement très excité à la perspective de ce qui les attendait dans la soirée, écouta attentivement la réponse détaillée de la capitaine Matthiesen, ponctuant chaque phrase ou portion de phrase de cette dernière d'un « mmh-hmm » approbateur qui, toutefois, s'avéra rapidement horripilant pour tout le monde. Il fallut l'intervention de Moirin pour lui faire cesser son manège.

« Des talents ? Quels talents ? » Réagit-il soudain en se tournant vers l'intéressée, comme s'il découvrait qu'elle n'était pas là pour vider les pots de chambre mais possédait des pouvoirs magiques. « Oh, ja ja, bien sûr, où avais-je la tête. Vos "talents", évidemment, » fit-il en mimant des guillemets avec ses doigts et en ajoutant un clin d’œil qui se voulait complice. « La voyance, tout ça. Hé hé hé. Enschuldigung Sie mir, Fraulein, j'ai bien suivi des cours sur les formes de magie mineures à l'Académie, mais avant de rencontrer vos compatriotes, j'ai peu eu l'occasion de fréquenter des pratiquants autochtones, ja ? » lui dit-il sur un ton emprunt de bienveillance et de supériorité.

« Et bien... Pour ma part, je suis prêt ! » Déclara-t-il à Aksana après que la capitaine eut pris congé d'eux. « J'ai... un peu peur, je dois l'avouer... Mais nous autres gnomes sommes peu sensibles à la peur, ja ? La curiosité l'emporte toujours sur la peur chez nous, c'est même ce qui nous définit. Je ne vous cacherai pas que j'ai hâte de voir quelques uns de ces démons de près. Et, par dessus tout, je me demande ce que maître Ig'drodan peut bien me... nous vouloir ! »

Modifié par un utilisateur dimanche 11 juillet 2021 22:06:59(UTC)  | Raison: Non indiquée

Ignorant complètement les prémices de guerre d'égo, Jormung profita de la perche tendue par Kristen pour dire ce qu'il pensait à présent qu'ils étaient seuls.
« Vraiment? La survie du clan? » Jormung se tut un instant en regardant au loin avant de reprendre.
« Notre clan sera à l'extérieur des murs. Sans nous, et sans nos alliés. Je sais bien que les démons puissants peuvent se téléporter où ils le souhaitent, mais les autres partiront du dehors vers le centre. Si la pierre de garde protège la cité, les nôtres seront assaillis de démons frustrés. Mais nous, nous serons prêts pour protéger les Mendeviens.

Ce détail mis à part, oui, ce sont de bonnes nouvelles. Espérons que nous soyons prêts, ou qu'à défaut, nous vendions chèrement notre peau. »

e chef de clan avait laissé les Champions répondre pour eux-mêmes, tout comme le reste des notables présents. D'acolyte de la chamane, simple membre de la tribu, voire très en marge de celui-ci, et même hors clan, ils étaient tous devenus de ceux qu'on laissait parler et qu'on écoutait. Mais sitôt la capitaine partie, Bors prit la parole à son tour.

« Je suis d'accord avec toi, Jormung. » commença-t-il. « C'est nous, et toutes les bannières présentes autour de Kenabres, qui allons subir le plus gros de l'attaque, sûrement. Je comprends ta frustration, ton sentiment d'injustice, et je le partage. Mais nous n'avons pas le choix. Kenabres ne peut pas tous nous accueillir. Et nous ne pouvons pas fuir. D'une part parce que ce n'est pas dans nos habitudes. D'autre part parce que nous sommes venus pour défendre nos terres contre un ennemi ancestral. Et enfin, parce que nous fuirions où ? Une fois les Pierres de Garde tombées, il n'y aurait plus aucun lieu sûr dans tout le Mendev. Nous ne pouvons qu'espérer tenir bon, et que les mendeviens parviennent, grâce à votre aide, à les réactiver. En attendant votre succès, nous défendrons chèrement nos vies. »

Ulf se leva, attirant l'attention sur lui. « Nous allons continuer à améliorer les défenses du campement. Comme le dit Jormung, les plus puissants savent se téléporter, mais pas les autres. Contre eux, des tactiques classiques tels que des barricades et des pieux pourront être efficaces. De plus, les premiers à être impactés seront Kenabres, puisque la cité se tient entre la frontière et nous. Nous aurons donc un petit temps supplémentaire pour nous préparer. »

Les chefs de tribu intervinrent à leur tour, dans ce qui fut rapidement un brouhaha incompréhensible, alors que certains renouvelaient leur allégeance et manifestaient leur envie d'en découdre, tandis que d'autres, plus frileux, demandaient à négocier qu'au moins les enfants soient mis à l'abri des remparts.

Soniela se leva à son tour, parlant d'une fois forte malgré sa voix éraillée par le temps, contrastant avec sa voix habituellement calme. « Nul ne sera plus à l'abri que proche des siens. » déclara-t-elle. « N'oubliez pas que les remparts aussi vont être assaillis, et croyez-vous que les mendeviens se soucient de protéger nos enfants ? C'est à nous seuls qu'incombe cette tâche. Nous ne pouvons compter que sur nous-mêmes, notre clan, qui, je vous le rappelle, est également notre famille par des liens immémoriaux. Nous sommes notre unique protection. » Elle tourna son regard transperçant vers chacun, avant de le porter vers les autres campements. « Au sein de la bataille, vous allez être amenés à combattre auprès d'alliés de circonstance. Nous aurons alors un ennemi commun, et nous devrons nous entraider pour les anéantir. Mais n'oubliez pas cependant que ce ne sont pas nos amis, et qu'en d'autres circonstances, ils pourraient même être nos ennemis. Ne faites confiance à personne d'autre qu'au clan. »

Son discours terminé, le silence était revenu autour des tables. Le repas se poursuivit dans un calme relatif, les discussions étant bien plus posées, alors que chacun tentait de se projeter dans l'affrontement qui aurait lieu le soir...