'après-midi passa rapidement. De la ville étaient montés des musiques et des chants, des cris de liesse et autres joyeusetés associées aux jours de fête. A la nuit tombée, les décorations scintillaient de mille feux, alors que la fête d'Armasse battait encore son plein, tandis que les soldats continuaient leurs rondes incessantes, guettant le moindre indice d'une attaque imminente.

Dans les campements alentours, l'ambiance était bien moins festive, et tout comme chez eux, des barricades et autres défenses improvisées fleurissaient de toute part.

Enfin, la capitaine Matthiesen arriva au campement. Elle regarda au passage les défenses érigées à la hâte d'un air neutre. Comme d'habitude, il était difficile de lire sur son visage ce qu'elle pensait vraiment.

Arrivée à la yourte de Bors, elle attendit qu'on l'annonce, avant d'y entrer. Là se trouvaient le trio dirigeant, ainsi que les invités d'Ig'drodan. « Bonsoir. Il est temps d'y aller. » annonça-t-elle sans cérémonie ni ambages.

Elle salua d'un hochement de tête les trois chefs, puis ressortit de la yourte et attendit dehors que les Champions et la mystique la rejoigne. Dès que ce fut fait, elle se remit en route pour la cité fortifiée sans un mot, toujours économe en paroles.

Au passage des portes principales, chacun put voir l'échange interrogateur entre les vigies en poste, comme s'ils étaient surpris de voir entrer des sarkoriens dans la cité, mais aucun n'osa dire un mot à la capitaine. Visiblement, la simple évocation de son nom était suffisamment respecté pour que nul ne lui pose de question ou lui rappelle les règles de sécurité. Quelques ordres plus tard, six soldats escortaient la petite troupe à l'intérieur de la ville.

La rue principale qui traversait le premier district leur sembla fort différent de leur première entrée en ville - pour ceux qui l'avaient déjà visité quelques jours auparavant. Entre l'obscurité de la nuit et les lampions festifs, il était difficile de dire si elle paraissait plus ou moins glauque qu'en plein jour sans décorations ni illuminations. Elle était en revanche moins puante, des odeurs d'encens venant couvrir les odeurs d'égouts sous-jacents, et quasi déserte.

Une fois passé le second rempart, l'explication fut prompte à surgir : les habitants semblaient tous réunis ici tellement la foule était compacte, des attroupements se formant autour de spectacles de rue, de contes historiques, et de joutes amicales. Les plus érudits d'entre eux concernant les fêtes mendeviennes savaient que c'était là d'ailleurs une des activités fétiches d'Armasse, les guerriers aguerris formant le temps d'une semaine sans distinction toute personne voulant essayer au moins une fois dans sa vie de tenir une arme entre ses mains. La capitaine et les soldats fendirent la foule sans ralentir le pas, tout en s'assurant que le groupe les suivait bien et que personne ne se perdait en chemin.

Cette fois-ci, ils traversèrent le troisième district - moins agité mais également en fête - pour enfin entrer dans le quatrième et dernier, le Vieux Kenabres. Là encore plus qu'auparavant, les regards choqués des citoyens se posaient sans cesse sur les arrivants, les activités perdant de leur attrait le temps de leur passage, suivis de chuchotements aux accents outrés. Sans s'en soucier, la capitaine les mena jusqu'à une immense cathédrale de pierre, dont le clocher de cuivre vert était illuminé magiquement, tout comme les incroyables vitraux représentant divers terribles démons emprisonnés. « Vous pouvez nous laisser soldats. Je vous remercie. » enjoignit-elle leur escorte à prendre congé.

A peine eurent-ils tourné les talons qu'elle frappa à la porte à l'aide du lourd heurtoir, et un jeune prêtre en tenue cérémoniale ne tarda pas à venir leur ouvrir. Il les enjoignit à les suivre, visiblement pas surpris de l'identité de ses visiteurs tardifs, et les mena au travers de la magnifique cathédrale jusqu'à une grande pièce gardées par vingt hommes d'armes aux mêmes armoiries que la capitaine, et où se trouvaient déjà Maître Ig'drodan et le Commandant Miles Semple.

« Bienvenue, et merci d'avoir répondu présents à notre demande. » les accueillit le commandant, tandis qu'Ig'drodan se contenta de les observer. « Nous allons pouvoir rejoindre Monseigneur Henderson. »

Kristen ne s'était pas franchement attardé sur la liesse environnante. Pour lui, les énormes cités Mendeviennes étaient de toute façon synonymes d'opulence, de laxisme et de décadence... Un peu plus, un peu moins, cette fête n'était qu'une manifestation supplémentaire de l'inconscience de ce peuple : alors même que la guerre la plus meurtrière de leur histoire risquait d'éclater, ils dansaient et buvaient!
Quelques regards lassés et des essoufflements agacés ponctuèrent la route du grand guerrier si on y prêtait attention. Pour autant, il tenta de masquer un maximum d'émotions : sa stature et son smilodon suffisaient largement à dénoter avec le reste de l'environnement.

Enfin, face au commandant et vraisemblablement un puissant magicien, il se contenta, à l'image de Moïrïn, de répondre laconiquement :
« Bonsoir à vous. Évitons de perdre du temps, chaque seconde pourrait être vitale. »

Jormung observait avec intérêt le contraste entre les quartiers alentours qui se préparaient aux pires guerres tandis que plus au centre la fête battait son plein, bien que pas suffisamment pour qu'on les ignore, comme en témoignèrent les nombreux regards de travers.
Le demi-orque était plutôt reposé, tel une montagne, il avait laissé le vent le caresser toute la journée dans une sorte de méditation, il était prêt et avait en conséquence préféré se reposer avant l'attaque que d'espérer maîtriser une énième botte secrète de dernière minute, la marche en ville faisant office d'échauffement tandis qu'il jouait discrètement de ses muscles ou faisait rouler ses poignets et son cou pour préparer ses muscles et nerfs à un assaut surprise.

Il souriait. La situation était cynique par ses paradoxes, dehors, les plus pauvres et nomades serviraient de chair à baliste tandis qu'à l'intérieur, les pauvres pouvaient exceptionnellement se prendre le temps des fêtes pour des hommes d'arme d'un certain rang. Il perdit son sourire lors de son arrivée au dernier quartier, non à cause de la négativité qui suivait leur passage, mais sous les vitraux, une merveille comme il en avait rarement vu, prenant toute son attention jusqu'à ce qu'il manqua de peu de marcher sur la personne devant lui, sous l'arrêt soudain de la capitaine : ils y étaient. Il observa un bref instant ceux qui les invitaient avant de couper son court propos en plusieurs plus brefs encore.


« Commandant. »
« Maître. »
« Merci. »

Dès qu'elle eu mis les pieds dans la cathédrale, Móirín se mit à peiner à contenir sa curiosité. Plus encore lorsque la mosaïque s'enfonça dans le sol pour révéler un escalier permettant d'atteindre un sous-sol caché. De toute évidence, les Iomedéens avaient eux aussi leurs secrets.

La prophétesse suivit le mouvement sans poser de question pour l'instant, mais elle ne pouvait s'empêcher d'examiner les alentours d'un regard curieux. De quand datait tout ça? Pourquoi avoir réalisé ce souterrain secret, et espéraient ils qu'il échapperait aux démons? Elle ne savait pas grand chose sur Saint Clydwell, mais le Saint était de toute évidence important dans leur foi.

Elle s'arracha tant bien que mal à sa contemplation, pour répondre aux paroles de monseigneur Henderson avec une détermination portant un soupçon d'élan héroïque.
« Il se pourrait en effet que ce soit notre dernière chance de partager ces mesures de protection. Je dispose de quelques modestes compétences en matière de magie. J'ignore si je peux me rendre utile, mais si c'est le cas, considérez moi comme à votre disposition. »

Comme tous les hyperactifs, Zorg détestait attendre. Attendre était, pour son esprit impatient, presque aussi douloureux que monter à cheval l'avait été pour ses fesses. Il constatait que, depuis qu'il avait été approché par les Sangs-Hurlants, il maîtrisait beaucoup moins bien son agenda qu'auparavant. Sentant bien qu'il était devenu un personnage important, de surcroît au beau milieu d'un événement historique, il ne doutait pas que ce genre de contrainte allait de pair avec la fonction, mais cette pensée n'était malheureusement que d'un faible réconfort. Le Champion du Feu tua le temps en vérifiant la bonne tenue de ses composantes de sorts et de ses parchemins, et à tenter de coucher sur le papier une idée qui lui était venue après son retour du passé, une sorte d'intuition qu'il lui fallait formaliser pour savoir si elle était juste ou non. Mais sa fébrilité l'empêchait de se concentrer correctement, aussi abandonna-t-il bien vite. Il en vint, finalement, à se coucher sur le dos et à soliloquer avec Kyppyk juché sur son ventre.

Lorsque la capitaine Matthiesen revint les chercher, il enfila prestement son sac à dos pour la suivre. Avant cela, il s'approcha du trio Bors-Ulf-Soniela. « Et bien... J'évalue à 63,24 % les chances qu'on se revoit après la bataille, alors... euh... Bonne chance à vous, et euh... au clan, tout ça... » Bredouilla-t-il en se tortillant, les mains derrière le dos comme un élève devant ses professeurs, « Et je voulais vous remercier pour votre accueil, et euh... votre patience... Hem... » Aveu que Kyppyk, perché sur son épaule, approuva ostensiblement de la pince. « Enfin, moi aussi j'ai du m'adapter, hein... Vous imaginez, catapulté du jour au lendemain en terre inconnue, avec des autochtones, vous imaginez les ressources que ça demande ? Non, sans me vanter j'ai vraiment assuré, » s'objecta-t-il à lui-même dans un retournement complet d'attitude, ponctuant ses propos d'une moue approbatrice. Il prit une grande inspiration et reprit. « Bon bah... Voilà voilà voilà. He he. C'est pas tout ça mais je dois y aller. Alors, ben... Bonnes continuations et... Amusez-vous bien... Enfin, je veux dire "amusez-vous bien", dans le sens "ouaiiis on va casser du démon", mais bien sûr on ne va pas réellement s'amuser... Hem. Bon bah on se revoit, euh... peut-être, hein ? » Conclut-il avec un grand sourire crispé, dévoilant ses larges chicots jaunis ou noircis par le tabac. En se retournant, il passa près d'Aksana qui avait perçu une partie de l'échange, et lui glissa « ça va, j'étais bien ? »



Si Zorg était certainement partiellement fou, il ne l'était pas suffisamment pour ignorer qu'il y avait des moments où l'on ne pouvait pas déconner, et traverser Kenabres assiégée dans le pas de la capitaine Matthiesen était un de ces moments. Le Champion du Feu qu'il était se demandait si elle-même n'était pas la Championne du Froid, tant son expression et sa raideur le glaçaient jusqu'aux os. Je me demande si elle faisait des bonhommes de neige quand elle était petite... Se dit-il, mais il évacua bien vite l'idée de poser la question à la sévère et glaciale capitaine.

A son grand mécontentement, Zorg ne perçut pas grand chose de la fête dans les rues de Kenabres, entouré d'une double rangée d'humains et assimilés, tous deux fois plus grands que lui et qui lui bouchaient la vue. Mais ses yeux s'illuminèrent lorsqu'ils arrivèrent en vue de la cathédrale. Parce que c'était un édifice magnifique, mais surtout parce que c'était certainement la fin de leur périple. « Pas fâché qu'on s'arrête, j'en ai vraiment plein les... » dit-il à voix haute avant d'avoir vu devant qui ils s'étaient arrêtés. « Oh, Maître Ig'drodan. Commandant Semple. Je ne vous avais pas vu. Ravi de vous revoir, » Fit-il en bombant le torse, ce qui eut pour effet, un peu plus bas, de découvrir légèrement son ventre. Il est vrai qu'il s'était un peu empâté ces derniers mois...

Mais même lui était écrasé par la solennité de l'instant, et il résolut de parler le moins possible et de se tenir dans un coin pour ne pas gaffer. Il apprécia cependant d'un œil connaisseur le déploiement du passage secret, qui semblait être une merveille de précision. Arrivé dans la salle secrète, il salua timidement le prélat Henderson et écouta bien sagement ses paroles. Il semblait que, contrairement à ce qu'il avait cru, on ne les avait pas fait quérir pour leur demander leur aide mais pour leur transmettre le secret du rituel. Zorg songea un instant à sortir son carnet de notes mais il se souvint de la réaction de Soniela à l'occasion du rituel dit "du sachet de thé", ainsi qu'il l'avait nommé. Et il s'agissait alors d'un rituel tout à fait mineur. Je me demande ou est Wesley en ce moment. J'espère qu'il va bien... Se demanda soudain le gnome, à propos de son ancien camarade et ami.

Modifié par un utilisateur jeudi 26 août 2021 00:39:47(UTC)  | Raison: Non indiquée

e Haut Prêtre laissa chacun s'approcher et lui répondre avant de poursuivre, répondant notamment à Móirín et Aksana. « J'ai nul besoin de votre aide pour accomplir le rituel, mais je vous remercie. » répondit le monseigneur Henderson. « Celui-ci sera long et éprouvant pour moi, car il durera jusqu'à minuit. Je n'aurai pas la possibilité de me défendre. Et compte tenu des circonstances, ce moment viendra probablement... »


« Et lorsque ce moment viendra, nous devrons tous protéger monseigneur Henderson au péril de notre vie. » reprit le commandant. « Il n'y aura pas de seconde chance. Même si je doute que les démons parviennent à venir jusqu'ici, nous devons prendre toutes les précautions. »


« C'est pourquoi j'ai insisté pour que vous soyez présents. » daigna enfin parler Ig'drodan. « Votre statut quelque peu "particulier" pourrait bien nous être profitable dans ce conflit. » Il désigna la salle de sa main griffue. « Placez-vous comme vous le souhaitez. Et prions pour que le rituel puisse être mené jusqu'au bout sans interruption. »



Le temps passa lentement. Le Haut Prêtre, placé au centre, avait les yeux rivés sur une horloge hydraulique, attendant visiblement un moment précis pour entamer le rituel. Enfin, il prit son symbole sacré en main, et commença à psalmodier. Le pentacle se mit à luire faiblement. Autour, le commandant, la capitaine et le magicien semblèrent se tendre, comme redoutant que le moment tant redouté arrive enfin. Mais le liquide continua à s'écouler en silence dans l'horloge, sans qu'aucun bruit extérieur ne vienne troubler la quiétude des lieux.

La tension palpable laissa bientôt place à une forme d'impatience. Le commandant faisait les cents pas en vérifiant régulièrement le fil de sa lame en un bruit métallique qui faisait crisser des dents Ig'drodan, qui de son côté tapotait nerveusement un rouleau à parchemin de ses griffes en regardant inlassablement et régulièrement l'horloge hydraulique, comme si cela pouvait lui permettre d'avancer plus vite.

Connaissance ingénierie DD15 pour connaître et comprendre le fonctionnement des horloges hydrauliques. Si réussite :

Modifié par un utilisateur mercredi 1 septembre 2021 22:20:33(UTC)  | Raison: Non indiquée

L'attente était interminable, le temps s'écoulait au rythme des gouttes qui tombaient une à une dans la clepsydre, Aksana essayait de prendre son mal en patience, cherchant à faire abstraction du bruit métallique de la lame du Commandant sortant et entrant nerveusement dans son fourreau ou celui des tapotements d'ongle sur le parchemin que serrait un peu trop fort l'Archimage dans sa main.

Les psalmodies du Prêtre avaient un effet lénifiant, à tel point que la chamane entra dans une torpeur méditative. Elle sentit soudain son corps chuter brutalement, alors que des visions du passé envahirent son esprit, elle revivait les combats sanglants entre les Sangs Hurlants et les Démons, l'odeur de la sueur, du sang et des viscères l'envahirent mais aucun bruit ne rompait le silence assourdissant. Une tache sombre dans le décor. Un endroit qui lui restait inaccessible, une zone de ténèbres insondable.

Soudain un son cristallin éclata en mille morceaux. Les combattants, hommes comme démons, se fissurèrent et se brisèrent en une myriade de fragments comme des reflets de miroirs brisés pour se fondre dans le néant. Des tentacules de ténèbres rampaient et envahissaient l'espace autours de la samsarane...

Des ténèbres grouillantes sortit une griffe, puis une autre, puis dix autres, puis des centaines de griffes lacéraient l'obscurité prête à vomir la horde de créatures abyssales qui s'y cachait.

Les jambes flageolantes, Aksana rouvrit brutalement les yeux dans la salle des prières, le souffle légèrement saccadé. Minuit ne devait plus être loin, le Haut Prêtre continuait la cérémonie, imperturbable. Elle inspira profondément, à en juger par la position de chacun, elle ne devait pas avoir eu plus de quelques secondes d'absence.

D'une voix un peu plus éraillé que d'ordinaire, elle brisa le silence de la pièce :

« Ils arrivent... préparez-vous... »

Le trouble d'Aksana n'avait pas échappé à Móirín, même si la devineresse était plongée dans l'observation du rituel pour essayer d'en saisir les principes. Et à voir sa pâleur et sa démarche soudain titubante...était suffisant pour faire office de signal d'alarme. Móirín avait eu suffisamment de visions elle même pour savoir que ce n'était pas un avertissement à prendre à la légère.

Elle tira la hache à sa ceinture.
« Soyez sur vos gardes! »

Bien qu'admiratif devant la complexité de l'horloge, combinée à la magie d'un prêtre qui semblait on-ne-peut-plus maîtriser son rituel, le colosse Sarkorien ne pouvait s'empêcher une critique intérieure, comme une forme de jalousie.
Comment cette croyance, abreuvée de mécanismes aussi subtiles, pouvait-elle finalement mieux protéger les terres avoisinantes là où la Foi en la Nature, Mère de toute vie et source de tant de diversité, n'était parvenue à défendre les landes de Sarkoris face aux démons? Et c'est en se répétant inlassablement cette question, dans ses propres mots, que Kristen avait trouvé la patience après la surprise du passage secret et l'exaltation de la reconnaissance que les Mendéviens portaient à leur groupe de "barbares"!
Ses réflexions l'avaient dans un premier temps quelque peu décroché du monde qui l'entourait. Tapotant la tête de son tigre à dent de sabre, il ruminait intérieurement :
Au final, un seul homme et cette magie maintiennent la Pierre de Garde... Pourquoi nous, malgré nos shamanes, on n'y est pas arrivé? Et pourquoi nous montrer ça maintenant si on peut pas le refaire plus tard? D'ailleurs... est-ce qu'il y aura un "plus tard"?...

Un moment en proie au doute, il resta les yeux dans le vague, assis en tailleur... Puis en s'agenouillant devant Leikkaus, il passa un de ses puissants bras autour de son cou en murmurant à ses oreilles truffées de poils roux :
« Tout va bien aller, tu verras! »
Sachant pourtant pertinemment qu'il se mentait à lui-même, les propos de la samsarane vinrent confirmer ses inquiétudes.
Mais il n'était pas temps de flancher : chacun avait un rôle à jouer et le sien était de faire parler toute sa bestialité au service de la protection des vivants!
Empoignant sa lourde hache aux doubles lames largement affutées depuis le début de l'après-midi, faute d'avoir réussi à trouver une meilleure occupation, Kristen se releva sur ses appuis et marqua un temps d'arrêt. Dans cette posture avec son armure d'écaille et ses peaux sur le dos, il avait vraiment quelque chose de terrifiant, l'air d'une bête sauvage prête à chasser. Ses yeux fixèrent les escaliers alors que le magicien donnait de plus amples informations et, comme par réflexe, le pisteur renifla rapidement deux fois de suite l'air ambiant. Puis il siffla brièvement : le smilodon vint se poster à ses côtés, ayant lui aussi changé foncièrement d'attitude. L'allure de gros matou s'en était allée, laissant place à un fauve carnacier au regard glacial.

Seule une phrase d'un ton rauque et déterminé vint compléter la démarche de Kristen qui approchait de l'entrée :
« Aksana, il vaut mieux se mettre à l'abri : peu importe ce qui arrivera par ces marches, nous allons les bloquer. » acheva-t-il en alternant un signe de tête vers la Guide puis vers Jormung.

La magie et la mécanique qui prenaient place sous ses yeux le plongeaient dans une certaine perplexité, tant celui lui semblait loin des pratiques de son clan, même de celles des orques, tant la nature semblait loin, et la main des pratiquants, soumise à des puissances planaires extérieures.

Mais aujourd'hui, cette considération lui était secondaire. Bien qu'il rechignait à le reconnaître, le plus important était qu'ils gagnent, et pourquoi pas qu'ils vivent un autre jour, pour sortir Ilse de la prison qui était la sienne. Aujourd'hui, l'ennemi leur emboîtait le pas, et venait les chercher, les débusquer, là où ils s'étaient terrés comme des rats en espérant qu'agiter secrètement leurs petites pattes permettrait de sauver le Mendev.

Kristen bougea le premier, hochant de la tête face à Jormung. Le bâtard psalmodiant une brève mais ferme prière à la foi verte tandis qu'il prenait place à son tour aux portes, prête à cueillir tout fruit qui s'aventurerait dans son jardin.


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