Pour sa part, Oradin était peu convaincu qu’il parviendrait à résoudre un mystère. Dubitatif, il restait un esprit pragmatique et simple, un mâle d’action et de diplomatie, avec ou sans alcool. Il ne possédait pas la sagesse d’un prêtre ou l’intellect d’un savant. Il regarda Dame Florentia. Puis le groupe plus généralement. Ensemble, par contre… Il décida de croire aux paroles du farfadet, sans plus creuser. Après tout, il était un proche de confiance de Dame Xamara. De toute façon, suivre ses réponses lui gonflait le cerveau et donnait la migraine. Il surveilla donc d’un œil soupçonneux les activités alchimiques. Il avait bien remarqué ici ou là des traces noirâtres indéfinissables. Une explosion était si vite arrivée, avec ces choses-là !

Hélas, même suivre du regard ce diablotin lui donnait le tournis. Le lutin était un feu vivant, une forge suralimentée, une mule au galop. Légèrement nauséeux, il reporta rapidement son attention sur son verre. Il aurait bien aimé tremper à nouveau ses lèvres dans ce nectar. La tentation était grande. Pourtant, il hésita. La première gorgée l’avait amené plusieurs dizaines d’années en arrière, auprès de ses parents, avant l’esprit lupin. Les années bonheur à Magnimar. Le retour avait été ardue, empli de regrets. Qui sait où le breuvage l’aurait conduit, cette fois… Il abaissa son bras et descendit de son “tréteau-cheval”. La position avait fini par devenir inconfortable, même protégé par son armure. C’est alors qu’Ermold l’interpella.

Il observa avec curiosité le bras en métal manipulé par ce dernier. Aussitôt, il tenta de déterminer la nature du matériau, ainsi que les gemmes le parcourant. « Technomanchie ? Une manche métallique pour plonger son bras dans le feu le plus chaud ? Un outil pour forger ? » Son intérêt était soudain revenu. Suffisamment pour se concentrer sur la réponse du gnome, s’il n’était pas déjà passé à autre chose.

Fredrigo opina du chef.

Certes, il trouvait l'expérience du petit être amusante, mais il réalisait là ce que la magie pouvait également réaliser.
Il peinait à comprendre l'excitation d'Ermold pour cette technologie qui ne devait pas être simple à transporter et utiliser alors qu'il suffisait de sentir et utiliser les fluides magiques pour créer des effets parfois impressionnants.

Mais il répondit avec enthousiasme à la proposition.

« Oui, très bien, partageons un dernier verre pour trinquer à vos recherches avant de nous mettre en route ! »

« Encore cet alliage ! Ainsi, la capsule de transport et le bras sont technologiquement liés. Une magie inconnue, supposément perdue dans les limbes de l’histoire. C’est fascinant. Ce fondateur aux yeux d’argent devait venir d’un autre plan, d’où son avance technologique. Peut-être la navette pourrait nous guider vers cette dimension ? » Ses yeux brillèrent de convoitise. La convoitise pour partir dans une épopée qui s’annonçait passionnante et étrange, doublée d’une énigme sur un savoir disparu, à la recherche de techniques de forge incroyables.

D’un pas pesant, il s’avança vers le bras articulé autonome qui faisait moins de bruit que son armure pourtant bien briquée, et interrompit son mouvement d’une poigne ferme. Il le détacha de l’établi, le plia puis le déplia, lui infligea diverses torsions, le soupesa. Bref, il scruta l’objet sous toutes les soudures. Que donnerait son peuple pour connaître les secrets de fabrication de cette merveille ? À dire vrai, n’importe quel seigneur, marchand ou artisan forgeron donnerait cher pour découvrir ce secret. Conjugué avec cette science du mouvement autonome, le potentiel de ce matériau était ahurissant.

Il imagina des rangées de bras tirant des carreaux, des bras rechargeant les arbalètes, des bras remplissant des carquois, des bras tournant des roues de chariot amenant des cargaisons de carreaux, des bras … partout ! Et puis des jambes ... un corps ... une tête … des soldats aux yeux d’argent ! Sa mâchoire se crispa. Il secoua la tête pour chasser sa vision d’horreur d’un corps qui bouge mécaniquement. Mais pas un mort-vivant, non. Ceux-là au moins subissaient avec douleur le feu divin. Sa conscience réapparut derrière ses yeux gris acier. Il contempla la bras, admira la souplesse de ses articulations, caressa une dernière fois le métal puis le reposa calmement sur l’établi.

« Je n’ai plus soif. Ce secret serait bien trop dangereux entre de mauvaises mains, et si mon âge m’a appris quelque chose, c’est bien que le Mal trouve toujours son chemin jusqu’à de telles malédictions. » Il regarda intensément Ermold. « Promettez-moi, maître gnome, que vous garderez vos découvertes par devers vous. Notre civilisation n'est pas prête pour accueillir cette technologie, je suis certain que vous le comprenez. »

Rassuré, Oradin sourit et hocha la tête en signe d'approbation. Le farfadet avait un comportement dissipé, brouillon, mais son esprit était bien affûté et il avait le sens des responsabilités. Il anticipait comme lui les dérives sur l'usage de son automate et avait bien conscience de devoir protéger tous les objets de sa collection.

« Nous imaginons la même chose, Maître Ermold. Il faudra penser d'ailleurs à former un successeur à votre charge, nous ne sommes plus de la première jeunesse, n'est-ce pas ! »

Enfin, l'heure du départ avait sonné. Il récupéra tout son barda et fit un clin d'œil au loup, sans doute aussi heureux que lui de repartir : « ça y est, chef de meute, nous partons explorer, héhé ! »

Ferrèol avait assisté aux conversations, mélangé entre ses pensées et les commentaires des uns et des autres, il avait presque dormi debout. Ou à moins que ce soit la collation qu'il avait ingurgité qui l'ai rendu dans cette état?

Mais un mots l'avait fait sortir de sa somnolence, il venait d'une voix féminine. Il se redressa tout en posant ce qui lui avait servi de verre « Oui, allons y!! »

a pause rafraîchissement était donc terminée. Ainsi s’achevait la séquence accueil dans ce paradis verdoyant avec ses autochtones des plus… exotiques. Jetant des coups d’œil partout afin d’imprimer dans leur mémoire quelques détails confus du capharnaüm qui servait d’atelier de travail mais aussi d’habitat au faerie, un à un les aventuriers regagnèrent la surface, empruntant cet escalier raide sans garde-fou qui semblait grimper jusqu’au point culminant du tronc d’arbre pétrifié. Mais après une ascension pour le moins laborieuse, le palier de la sortie représentait une porte secourable vers une liberté retrouvée, sauf que… Après avoir remonté les trois marches précédant le seuil d’entrée, celles-là même où chacun avait diminué en taille à chaque marche, il semblerait que le phénomène inverse ne se produisit pas et ils étaient à présent de la même taille que leur hôte qui ne sembla guère le remarquer… – « Par ici, par ici, surtout ne me perdez pas de vue, je vous rappelle que c’est un véritable labyrinthe de maisons et de pièces en enfilades, point de ruelles ! » – et le voilà qu’il se précipitait et disparaissait déjà vers une ouverture sans attendre de réponse… L’espièglerie des faeries…

Du fait de leur petite taille, il était bien difficile de suivre le rythme de leur guide, cependant s’il y avait bien quelqu’un qu’il était difficile de semer, c’était bien Spectre. Son odorat permis plusieurs fois de choisir le bon passage, le bon escalier en bois, la bonne passerelle, la bonne enfilade de pièces, même si de temps en temps, E.L.N. semblait revenir sur ses pas lorsqu’il se rendait compte qu’il allait trop loin et on voyait sa tête rouquine passer par une ouverture et son mono-sourcil se lever en accent circonflexe l’air soucieux et d’une voix tout à fait naturelle – « Vous venez ? » – Jusqu’à parvenir aux abords de la plateforme délimitant ce que les locaux appelaient les ruines originelles. Celle-ci était une de ces surélévations située à l’ouest, isolant le quartier du reste de la Cité de Port-Ébène. Ermold déroula alors une échelle de cordes permettant de gagner la place principale. Leur hôte commença à leur désigner et commenter quelques points caractéristiques de la Cité, permettant ainsi à nos héros de se situer…

Sur la « MAP » de la cité :

• 1 – Le quartier des Conques – halls de chargement et de déchargement des Conques (navires sylmarins)
  
• 2 – Les Conques – Halls de fabrication et réparation des Conques
  
• 3 – Quartiers des marins
  
• 4 – La Grande Halle – véritable ville miniature sous dôme, anarchie défiant les lois de l’architecture, véritables souks très animés, mais on y trouve aussi de nombreux petits rassemblements autour du Défi.
  
• 5 – Le Sanctu-Arbre surmonté de la grande arène de l’Arachnobole
  
• 6 – Les ruines originelles – Là où vous êtes
  
• 7 – La demeure du Maître des Cordées

Voyant qu'ils ne reprenaient pas leur taille initiale malgré le passage des marches, Florentia posa directement la question au faerie. L'air relativement exaspéré.

« Dites-moi cher ami, vous n'avez pas l'impression d'avoir oublié quelques chose? Comme nous rendre notre taille initiale? Mes bombes ou les sorts de Fredrigo et Ferréol ne seront pas gênés, mais les armes d'Oradin et d'Asger, les griffes et les crocs de spectre et Ferréol eux subissent un vrai affaiblissement. J'espère qu'il ne s'agit pas d'une plaisanterie, car elle est de très mauvais goût...
La dernière fois qu'un de vos confrères s'est permis une blague de ce style, nous avons finit en traineau volant poursuivit par le prédateur des ombres alors que notre fournisseur de voyage, s'était simplement téléporté et nous attendait sagement à l'arrivée.
De même si votre objectif était de nous affaiblir avant notre mission, je constate que vous avez réussi et que notre amie commune sera ravie de savoir à quel point vous nous avez aidez dans notre mission... »

La sylphe était prête à supporter les bizarreries de certains mais elle remarquait que chacune de leur rencontre avec ces êtres joviaux et à la réputation fort sympathique se terminaient par un évènement chaotique à leur dépend.
Elle s'attendait presque à ce qu'il leur dise que ce serait mieux pour rencontrer le maître des cordées qui était encore plus petit et que donc il faudrait encore les réduire, ce qui arriverait en descendant l'échelle ou qu'il les regarderai, leur proposerait de conserver cette taille qui était beaucoup mieux adaptée, ou bien qu'il se taperait le front en disant qu'il était bête et qu'il l'avait oublier, ou bien un mélange de toutes ces possibilités.

« Je suis pour aller voir le maître des cordées »

andis que nos intrépides et courageux héros s'interrogeaient encore sur quelques détails afin de peaufiner leur plan d'action, E.L.N. semblait plongé dans ses réflexion, un doigt entre la lèvre supérieure et le nez et le monosourcil froncé, si on pouvait l'exprimer ainsi. Le ton de voix cinglant de Florentia sembla le sortir de ses pensées - « Je... HOOOOooo... OUI !.. Ho ho hoooo... Oui pardon, pardon pardon... Bien-sûr que vous allez retrouver votre taille normale... Durant la descente... Lorsque vous poserez le pied sur la plateforme en bas, vous serez exactement de la même taille qu'avant... En principe... Voyez-vous, il s'est avéré que certains ont fini légèrement plus grand qu'avant... Hoo de quelques pouces à peine tout au plus, généralement pas plus d'un, mais c'est très rare... Non, ce qui me préoccupait était comment Spectre allait pouvoir descendre... Parce que les grands loups ne descendent pas à l'échelle de corde, voyez ?.. Ca serait parfaitement incongru, hé hé hééé... Alors je me faisais la réflexion qu'il faudrait qu'Asger puisse retrouver sa taille normale afin de prendre Spectre sur ses épaules, mais durant la descente, même à taille normale, il risquerait de ne pas pouvoir supporter le poids et la taille croissante du puissant loup blanc... Alors je me demandais si je pouvais rapidement fabriquer une sorte de plateforme Manœuvrée avec des cordes, comme les ascenseurs de mines des nains, qui permettrait de descendre Spectre... Mmmmpfff voilà qui est fâcheux... Généralement les animaux ne viennent pas ici, ou alors ils volent... » - Soudain une sorte d'illumination le fit sursauter - « Personne ne saurais le faire voler par hasard ? Non ?.. Mmmmpfff... Ou alors... Oui je peux éventuellement concocter un quelque chose et alors il n'aura plus qu'à sauter et il sera aussi léger qu'une plume... Faut juste qu'un courant d'air ne l'emporte pas au loin et qu'il atteigne le sol avant la fin de l'effet... »

Tout heureux de partir en exploration, le nain dévorait le paysage et son environnement des yeux. Au vu des perspectives visuelles, il avait donc très vite remarqué que sa taille n’avait guère évolué. Il était habitué à circuler court sur pattes, mais là, tout de même… Il avait pensé que les effets de son rétrécissement s’arrêteraient d’eux-mêmes. Le plus tôt serait le mieux, et pourtant. Leur petite taille actuelle pouvait se révéler d’une aide précieuse, s’ils désiraient se montrer discrets. Surtout pour lui, en réalité.

Il en était là de ses réflexions lorsque Ermold leur apprit qu’ils retrouveraient leur taille originelle une fois sur le plateforme inférieure. La question semblait réglée. Il en subsistait cependant encore une autre.

Il se passa les pouces dans sa ceinture. « Comment nous rendre à la maison du Maître ? Elle semble perchée en hauteur comme ici. Y-a-t-il une plateforme ascensionnelle ? »

« Très bien, je crois que nous avons désormais tous les éléments en main pour poursuivre notre quête en ces lieux. Merci à vous, Ermold. Nous espérons vous revoir très vite ! » Il inclina la tête, la main droite sur le cœur.

Il se tourna ensuite vers le groupe. « Hé bien, messieurs dames, il est temps de descendre. Je vais passer le premier. Ainsi, si je tombe, je n’écraserai personne. » ajouta-t-il, les yeux brillant de malice. Puis il renchérit, regardant Asger plus spécifiquement : « tu crois que ça ira, pour Spectre ? »

Il ôta son sac à dos et vérifia que tout était bien fixé. Il s’agissait de ne rien perdre durant la descente.