omme l’avaient pressenti nos jeunes héros, le trajet jusqu’à l’entrée du Sactu-Arbre fut de courte durée. Oradin puis Frédrigo attirèrent l’attention et l’écoute du Maître des Cordées qui si le serviteur d’Abadar avait juste reçu quelques commentaires comme – « Abadar ? Ce nom est complètement inconnu ici, je le crains… Comme je vous l’ai dit tout à l’heure, c’est le Khôtâh qui fixe les Lois et par là même c’est donc notre Dieu de la Justice. » – ou encore – « le Dragon-Léviathan… Nous le surnommons ici le Dévoreur de Navires… » - et enfin concernant la dernière question du prêtre – « Premier de Cordée ?.. Intéressant… Il est vrai que les cordes jouent un rôle essentiel dans notre activité, elles servent de gréement à nos navires, permettent les plongées et bien d’autres choses encore, sans elles, nous serions amenés à disparaître en vérité. Le titre de Maître des Cordées revient à la plus haute autorité de Port-Ébène, associé au rôle de Gardien du Sanctu-Arbre, des Traditions sylmarines, cela fait de moi la personne la plus importante de la cité… Après le Khôtâh bien-sûr… »

Mais s’il essayait de répondre avec bienveillance aux questions d’Oradin, le discours de Frédrigo sembla le surprendre davantage. Plusieurs fois, il le regarda avec des yeux ronds, comme s’il ne comprenait guère qui quoi donc où et il conclut avec les bras ouverts en signe d’incompréhension ou d’excuse – « Je suis sincèrement navré, mais je ne connais pas ces personnes que vous mentionnez… Dame Xamara, E.L.N., des Démons vous dites ? Est-ce dangereux ? Quant à cette Cité Cyclopéenne que vous et votre ami mentionnez… Si nous plongeons dans les profondeurs de l’Océan Vert pour pêcher des perles d’Ambre, nous ne sommes que rarement allés au-delà d’une centaine de brasses. Au-delà, la densité végétale diminue et nous risquons de tomber dans ce que nous appelons « les Abîmes Ténébreuses et Insondables », sans doute là où les arbres prennent racine comme vous dites, mais c’est aussi et surtout l’antre du Dévoreur de Navires. » – Puis comme pour terminer son discours – « Nous sommes arrivés, bienvenu au Sanctu-Arbre » – Fit-il en ouvrant la grande porte en bois sculptée.

Composée de deux battants, la grande porte devait faire une vingtaine de pieds de large sur une trentaine de haut. Elle avait été taillée semble-t-il directement à partir de l’écorce même de l’arbre, comme si on avait réalisé une découpe en surface puis creusé le tronc derrière pour créer une cavité. Les deux battants s’ouvraient vers l’intérieur et le fameux sanctuaire était une vaste alcôve creusée à même le tronc, avec une base semi-circulaire de près de 50 pieds de diamètre et des parois incurvée qui remontaient vers un plafond ogival culminant à environ 70 pieds. La décoration était plutôt austère, aucune fioriture, ni mobilier, simplement un grand espace au fond duquel un gigantesque visage de bois sculpté dans la paroi surmontait un basin rempli d’un liquide blanchâtre ou laiteux. Le Maître des Cordées s’approcha du bassin et avait l’air de se recueillir devant l’immense visage de bois qui avait plutôt des traits humains que sylmarins et qui avait pour seule coloration ou décoration ou fioriture, les pupilles argentées, ce qui expliquait sans doute pourquoi les sylmarins se fardaient tous les yeux de poudre argentée… Mais pour le groupe de nos héros, ce visage leur était plutôt familier, bien que plus vieux à priori que l'original qu'ils connaissaient…

Le Maître des Cordées parlait en sourdine comme s’il ne voulait pas déranger ou par respect – « Vous voici au Sanctu-Arbre, la Source de Vie, vous voici devant le Khôtâh, le Seigneur des Destinées et des Lois, c’est ici que les Symarins viennent chercher des conseils, des jugements, des lois et puiser l’Essence de Vie en échange de Perles d’Ambre… » - Il se redressa et se tourna vers le groupe en écartant les bras en signe d’ouverture – « L’Essence de Vie est notre seule nourriture et boisson. Elle nourrit notre corps physique et mental. Elle guérit nos maux physiques comme mentaux, elle est tout pour nous, elle est vitale pour notre survie, elle est aussi précieuse que rare. Aussi vous comprenez à présent que la recherche des Perles d’Ambre est essentielle à notre survie et que nous n’avons d’autre nourriture que l’Essence de Vie… »

Il garda le silence un court instant, plongeant le sanctuaire dans un pseudo silence perturbé par un très léger bruit de fond permanent qui semblait provenir d’au-delà de la paroi où trônait la statue. La salle était loin d’occuper tout l’intérieur du tronc, il y avait sans doute encore des espaces ailleurs, mais il n’y avait aucune autre ouverture visible que ce soit sur les parois ou de part et d’autres de la statue.



Le Maître des Cordées reprit la parole, toujours en sourdine afin de ne pas perturber la quiétude du lieu – « Notre commerce est basé sur le troc et vos métaux n’ont pas plus de valeur que leur poids. Seules les Perles d’Ambre sont précieuses. Ainsi tout ici se paye en Perle d’Ambre. Je peux vous emmener à la Grande Halle afin de trouver un navire qui acceptera de vous embarquer et vous irez sans doute à la pêche de Perles d’Ambre, afin de vous acquitter du prix de votre voyage ou tout service que vous demanderez. On les pêche au creux des orchinacres, de splendides fleurs parasites qui s’épanouissent loin de la lumière, à partir généralement d’une soixantaine de brasses de profondeur. Hélas, elles ne poussent que dans les eaux écumées par le Dévoreur de Navires, c’est son territoire de chasse et donc le prix à payer est parfois cher car nous risquons nos vis et celle de nos capitaines de navire et celle de nos équipages… Je puis vous aider à trouver un bon navire et éviter des négociations longues et fastidieuses afin de ne pas vous faire escroquer, mais n’importe comment, il vous faudra contribuer à la survie de notre peuple et donc de récolter des Perles d’Ambres… »

Aussitôt les portes ouvertes, le nain vidé de toute énergie chercha du regard un siège, un banc, un fauteuil, un bloc de pierre ou une racine, n’importe quel support pour s’asseoir et reposer ses jambes flageolantes. Mais le sort s’acharnait. Peut-être devrait-il déposer une obile à ce Maître des Lois, pour s’attirer ses faveurs ? C’est alors que son cerveau embrumé réalisa ce que ses yeux avaient à peine effleuré en entrant, avide qu’il était de trouver un siège. Il sursauta en revenant fixer son regard sur le visage de la statue.

E.L.N. leur avait expliqué. « L’homme aux yeux d’argent… Celui qui vous a tout appris… » Il écarquilla les yeux. « Ce serait l’pêchou ?! Que le grognar m’encorne ! Ça alors ! Je n’avais pas fait le rapprochement ! » Il s’esclaffa en se frappant la cuisse à plusieurs reprises. « Je savais bien qu’il cachait son jeu, ce gredin ! » Il se tourna vers le Maître des Cordées, tout sourire. « Nous le connaissons, votre Khôtâh, vous savez ? Un sacré marin ! » Le souvenir de son dernier aperçu s’imposa soudain avec fracas à sa conscience. Son visage reprit tout son sérieux. Il posa la tête de son marteau à terre, pour s’appuyer dessus. « Un héros comme on n’en fait plus. Il nous a tous protégé du démon. »

Il soupira. « Mais … comment vous parle-t-il encore, s’il a disparu depuis si longtemps ? » Le bruit de fond incessant qu’il percevait l’intriguait tout autant. « Et quel est donc ce son qui résonne en permanence, ici ? » Tout en parlant, il scruta intensément les parois. N’y-avait-il donc aucune issue, ici ?


Épuisé.

Asger avait eu beaucoup de mal à calmer Spectre, le présence de ces magnifiques mais quelques peu menaçantes araignées avait grandement contribué au stress de l'animal. Ce n'est donc qu'une fois à l'abri dans l'Arbre que le loup s'apaisa et put retrouver ses bonnes vieilles habitudes de reniflage de coins. Asger restait quant à lui bouche-bée devant la statue et ne s'arracha de sa contemplation silencieuse que lorsque le silmarin changea d'attitude.

Il répondit alors très calmement de sa voix rassurante: «  Nous ne révèlerons pas vos secrets, l'équilibre est bien trop important dans la nature. Nous voulons juste continuer notre voyage, c'est lui qui nous guide. » Il pointait de l'index la statue.

«  Et pour moi, maître Oradin, jusqu'à preuve du contraire, il n'est pas encore mort. Impossible. »

« Et je suis tout à fait d’accord avec toi, Asger, je suis certain qu’il est encore en vie, ce conspirateur ! Il est trop rusé et …  », il désigna la sculpture, « trop ancien pour disparaître aussi facilement, j’en suis persuadé.. » Il sourit à Asger en lui adressant un clin d’œil.

Le Maître des Cordées s’était interposé entre lui et la porte secrète qu’il avait repérée. Il leva le bras pour saisir doucement le sien au niveau du biceps. « Allons, du calme. Vous pouvez être rassuré, nous ne sommes pas des gredins. Votre secret sera bien gardé, je vous le promet. Croyez Dame Florentia : s’il y a quelqu’un qui peut vous aider, c’est bien nous. »

Puis il le lâcha et recula d’un pas. Sa main s’abaissa au niveau de son épaule, paume vers son interlocuteur. « Si vous ne souhaitez pas que l’on passe de l’autre côté, nous obéirons à votre volonté. Mais j’avoue que l’artisan en moi est très curieux de découvrir ce que cette porte cache. Et puis Abadar a guidé mes pas jusqu’à elle, c’est un signe que je ne peux ignorer. Ouvrez-nous le passage, vous ne le regretterez pas. C’est un marché gagnant-gagnant, parole d’Abadar ! »

Épuisé.

Fredrigo avait attendu d'entendre la suite, et dès que la porte secrète fut refermée, il se tourna vers le maître des cordées.

« Je sais que nul ici n'a envie de trahir le secret que vous venez de nous confier, ni de détruire quoi que ce soit ici, ni votre peuple, ni votre habitat, ni vos traditions séculaires.
Si ce secret sert à assurer la sécurité, la tranquillité et la santé de votre peuple, qui me paraît accueillant et paisible, je ne vois pas pourquoi j'entreprendrais quoi que ce soit qui puisse rompre cet équilibre.

Vous avez été franc avec nous, nous l'avons été avec vous, et tout comme vous avez fait en sorte d'assurer le bien de votre peuple par la tradition de votre ancêtre, notre mission poursuit un objectif similaire vis-à-vis de nos peuples, pour les protéger d'un danger dont le déferlement ne saurait tarder !

C'est pourquoi nous sommes venus solliciter votre aide, et comme le dit mon amie Florentia, si cela peut nous permettre en plus de vous être utile de quelque manière que ce soit, nous ne manquerons pas de le faire.

En attendant, le temps presse pour nous, tout du moins, il me semble, car le temps semble s'écouler un peu différemment par ici, et nous devons absolument nous rendre dans les profondeurs de l'océan vert, quitte à nous confronter au dévoreur de navires, et à trouver de nombreuses perles d'ambre que nous ne manquerons pas de vous donner.

Alors si vous pouviez faire armer un navire dès que possible, comme vous le suggérez, nous vous en serions reconnaissants ! »

En entrant dans le laboratoire, le visage de Florentia laissa deviner à ceux qui la connaissait ou à d'éventuels observateurs très attentifs une succession d'émotion: la fierté d'avoir eu raison quant à l'existence de ce laboratoire, l'emerveillement de cette vision suivit très rapidement de l'envie de tout toucher, tester, comprendre et finalement ses traits se durcirent voyant ce petit être roux au monosourcil s'activer qui en plus se moquait ouvertement d'eux...

Satanés Faeries... entre lui et le gnome du traîneau...


Elle s'adressa à l'alchimiste
«  En effet nous sommes plein de surprises, un peu comme vous, d'ailleurs... Vous pouvez nous expliquer pourquoi nous avons du consommés certains de nos pouvoirs, apprendre à voler à un loup et regarder maître Oradin s'épuiser tandis qu'il y avait un autre chemin, plus court et direct. Sans parler de la pression que vous avez fait subir au maître des cordées avec notre arrivée. On peut dire que vous aimer facilité la vie des personnes qui vont aller au feu...
Peut être que vous auriez en votre possession un élixir pour notre vaillant paladin qui s'est épuisé lors de votre blague, pour le remercier ou vous faire pardonner.... »
Ajouta-t-elle.

Ensuite elle se tourna vers le maître des cordées
«  Je vous ai donné ma parole et je la tiendrai, mais vous avez mentionné la maison de l'homme aux yeux d'argent, pouvons nous y avoir accès, nous avons besoin de savoir comment nous débarasser de ce dragon-léviathan et toute piste est bonne à suivre. »

En entendant la demande de Florentia à son sujet, il comprit qu'elle était soucieuse de son état de santé. Son jeune cœur bientôt centenaire accéléra le rythme. Sa barbe masqua le rosissement de ses joues. Il glissa, la modestie incarnée, faussement rassurant : « épuisé, épuisé, c’est tout de même un tantinet exagéré, ma Dame. Tout juste un début d'essoufflement. »

Le nain fronça les sourcils sous la rebuffade d’Ermold. « Désolé, je veux … mais ... » Il plissa brusquement les yeux au milieu de sa phrase. Il secoua la tête avec énergie puis se frotta les paupières. « Nom d’une fosse à grognars ! Vous essayez de m’embrouiller l’esprit avec vos carabistouilles. Ne me faites pas dire ce que je n’ai pas dit, compris ?! » Il saisit le verre à digestif tendu par la fée et l’avala cul-sec d’un geste vif. « Tout ceci », poursuivit-il en désignant le laboratoire d’un geste ample, « n’est pas une mauvaise entreprise en soi, je suis d’accord. Je salue même votre génie d’entretenir ainsi un tel héritage. Mais justement, dissimuler cette belle histoire que vous savez si bien défendre, c’est une carambouille, un point c’est tout ! Et je dis que ce peuple devrait savoir la vérité, groumpf ! … Bon, passons … Hmmm ! Ce n’est pas la boisson du siècle, mais ça fait du bien par où ça passe ! » ajouta-t-il le ton soudain radouci et l’un air songeur, tout en contemplant le godet.

Aux paroles du Maître des Cordées, son corps se ranima. « Encore un bateau, misère. Aussi ravi qu'un boit-sans-soif au milieu du désert… », soupira-t-il. « Mais oui, allons-y. Qu’attendons-nous ?! »

Épuisé.

Florentia se contenta de regarder le paladin et de lever un sourcil à l'évocation de son exagération. Avant d'ajouter, pour ne pas blesser la légendaire fierté naine.

«  Effectivement, maître Oradin, j'ai du me fourvoyer. Je vous pris de m'en excuser. »

Avant qu'elle n'ai pu demander à leur facétieux guide un godet de son breuvage dans l'optique de l'étudier, ce dernier avait disparu.

«  C'est la maison de votre ami? Y-a t-il des documents que nous pourrions consulter? Même à bord du vaisseau du capitaine Loriane, si nous manquons de temps ici. »

«  Dans tout les cas je suis prête à appareiller, dès que possible. »

andis que le groupe quittait le laboratoire, devançant le Maître des Cordées qui semblait les pousser vers la porte secrète en étant derrière eux et écartant légèrement les bras en un geste rassembleur, Oradin put constater l’effet miraculeux de l’Essence de Vie. D’un goût plutôt fruité et laiteux, d’une texture plutôt épaisse et légèrement granuleuse, il ne tarda pas à sentir ton son être de détendre et sa vigueur revenir tandis que tout son corps semblait se réveiller et se remplir d’ardeur et d’entrain. L’effet était comparable à un repos d’une longue nuit de sommeil régénérateur, plus aucune tension quelle qu’elle soit, plus aucune raideur musculaire, une énergie renouvelée, il était bel et bien réveillé et en pleine forme, n’avait ni faim, ni soif, ni sommeil, était prêt à déplacer des montagnes et dut réajuster son armure et ses vêtements suite à une gêne au niveau de l’entrejambe qui aurait pu le rendre rouge de confusion si la barbe rousse ne masquait pas les rougeurs qui étaient apparues sur son visage. Les yeux pétillants, ce fut d’un pas plein d’allant qu’il fit route vers leur prochaine destination.

Pendant ce temps, le maître des cordées répondit à Dame Florentia – « Des écrits ?.. A vraie dire… Non… L’Homme-Aux-Yeux-d’Argent, d’après ce que je sais, s’adressait à mes ancêtres en leur parlant dans leur tête. Ce n’est que très récemment que j’ai compris comment : par télépathie ! Il faut dire qu’à cette époque lointaine, mes ancêtres ne parlaient guère un langage intelligible, car leur conscience était tout juste éveillée… D’ailleurs… Cela me fait penser à quelque chose d’important… » - Il s'arrêta soudain et retourna fouiller dans le laboratoire tandis que le groupe se trouvait sur le pas de la porte secrète et revint après quelques instants en tenant une pomme parfaite en argent pailleté. Il la tendit aux héros – « J’imagine que ceci doit vous revenir… Il s’agit d’un héritage de l’Homme-Aux-Yeux-d’Argent, transmit à mon ancêtre qui l’a lui-même transmis à son successeur et ainsi de génération en génération jusqu’à moi. D’après ce que je sais, elle peut être séparée en plusieurs quartiers. Tous ceux qui possèdent un quartier peuvent communiquer ensembles par télépathie, sauf si les interlocuteurs ne se trouvent pas sur le même plan d’existence… Je crois que plus on la divise, plus la distance de communication se réduit. L’Homme-Aux-Yeux-d’Argent avait utilisé cela pour communiquer avec mon ancêtre et aujourd’hui elle doit vous revenir, afin que vous puissiez réussir votre mission. Bien allons-y ! »

Après avoir vérifié par un œilleton dissimulé que personne ne se trouvait dans le grand hall sacré du SanctuArbre, il ouvrit la porte secrète et tout le monde put se retrouver dans la grande salle à côté du bassin et de la tête de la statue de L’Homme-Aux-Yeux-d’Argent. Le Maître des Cordées referma prestement la porte secrète et vérifia qu’elle restait bien fermée et bien dissimulée, avant de prendre les devants vers la grande porte d’entrée qui donnait sur la grande place de Port-Ébène. Le groupe suivit leur guide et dehors la foule s’était dispersée, retournant à leurs occupations quotidiennes. Là-bas la Grande Halle grouillait de monde, son architecture complexe était une véritable bravade aux lois de la construction et du commerce avec ses venelles et ses passerelles jetées entre deux étals anarchiques dans une confusion la plus totale, là encore au Sud, il y avait le quartier des conques où s’amarraient les fameux Radeaux des Cimes et où s’affairaient marins, ouvriers et dockers, chargeant, déchargeant, réparant, entretenant, affrétant, accostant ou appareillant, le quartier toujours fourmillant et en mouvement, là-bas sur la droite, le quartier des marins et ses ruelles étroites sinuant entre les hautes façades de bois blanc ornementés de balcons ouvragés, de passerelles élégantes sous des dômes délicats et des terrasses ensoleillées, vers la cime du SanctuArbre, l’Arachnobole d’où provenaient des clameurs et où probablement se jouait le match du siècle, enfin la demeure du Maître des Cordées qui surplombait le quartier des marins, grand, imposante, une construction d’une grande splendeur, tel un manoir sur sa terrasse surplombant Port-Ébène et donnant plus de poids à son locataire…

Le groupe emboita donc le pas du Maître des Cordées en direction des quais et embarcadères. Sur son passage, les Sylmarins s’arrêtaient et le saluaient avec respect avant de retourner à leurs occupations. Ici un charmeur d’anguiliane avec sa flûte cristalline, là une diseuse de bonne aventure avec tous ses gri-gris, ici encore un mendiant agitant sa coupelle faisant teinter ses maigres aumônes, un peu plus loin, un jeune nobliau monté sur sa monstrueuse araignée poilue, le tout entouré de ses favoris complètement ébaubis se dirigeant vers l’Arachnobole, là un groupe de marins pressés de gagner leur quartier après une longue course dans l’Océan Vert, ici des dockers portant des marchandises vers la Grande Halles, bref arrivés sur les embarcadères, la foule était plus denses et beaucoup plus grouillante, telle une nuée d’humanoïdes aux traits légèrement arachnéens dotés d’une belle agilité, leur permettant d’esquiver au dernier moment, se frôlant mais jamais se percutant, leurs congénères tout aussi fortement occupés mais aussi ce groupe qui fendait la foule sans crier gare et qui n’était pas habitué à une telle activité. Parfois nos jeunes héros voyaient le Maître des Cordées croiser le regard d’un sylmarin et levait le doigt vers lui en guise d’avertissement et ce dernier remettait rapidement les mains dans ses poches plutôt que celles d’un autre voire celle d’un de nos héros, comme si le Gardien du SanctuArbre était capable de deviner un petit peu à l'avance ce qui allait indubitablement se passer.

Finalement, une dizaine de minutes plus tard, ils parvinrent à la coupée d’un Radeau des Cimes qui s’apprêtait à appareiller. Il était moins une, la coupée allait être enlevée, ainsi que les dernières amarres. L’équipage stoppa sa manœuvre à l’injonction du Maître des Cordée – « Attendez ! » – fit-il d’une voix qui couvrit les cris et le brouhaha des quais, ce qui fit venir une jeune femme sylarine toute de cuir vêtue avec une fine lame courbe glissée dans son fourreau maintenue par une ceinture lui serrant une taille toute aussi fluette. Sa tenue de cuir était très finement travaillée et ciselée, épousant parfaitement son corps telle une seconde peau, sans la gêner dans ses mouvements fluides et graciles. Ses yeux verts émeraude se plantèrent dans ceux du Maître des Cordées, puis dans chaque membre du groupe qui le suivait, sa belle chevelure rousse semblait légèrement flotter derrière elle, agités par le vent nettement perceptible ici. Autour du cou, elle portait un simple collier formé d’une lanière de cuir supportant une bonne trentaine de petits bâtonnets de bois sculptés. La main sur la garde de son épée, elle interpella le Maître des Cordées tout en le saluant avec respect – « Holà Maître des Cordées, que me vaut l’honneur et le privilège de votre visite au moment d’appareiller ? » – Sa voix claire était marquée par les claquements de langue sur le palais, caractéristiques de « l’accent des sylmarins », mais nul doute qu’aux oreilles de certains, elle sonnait comme une merveilleuse mélodie…

Tandis que les marins maintenaient le radeau à quai et la coupée en place, leur capitaine débarqua et se planta devant le Maître des Cordées, attendant sans doute une explication ou une sentence, avait-elle commis un crime dont elle ignorait encore l’existence ? Mais ce dernier sembla vite apaiser les éventuelles craintes et d’une voix calme et sans élever la voix, il s’adressa à elle en aparté. Durant leurs échanges, la capitaine tourna plusieurs fois le visage vers le groupe, puis visiblement leurs échanges prirent fin lorsqu’ils se serrèrent la main ou plutôt la main sur l’avant-bras de l’autre en guise d’accord – « Bon vent à vous Capitaine Loriane, je suis certains que votre mission sera couronnée de succès ! » – Puis il se tourna vers le groupe – « Hé bien il est temps de nous dire au-revoir, nos chemins se séparent ici. Vous êtes entre de bonnes mains, le meilleur capitaine de Port-Ébène et son équipage est le plus expérimenté. Je ne doute pas un instant que vous réussirez à atteindre votre destination. » – Il fit un pas en retrait et leur désormais nouveau guide s’avança vers eux en s’inclinant comme s’ils étaient des rois – « Bienvenus sur la Déferlante, étrangers. Tant que vous serez sur mon Radeau des Cimes, vous êtes sous ma responsabilité et mes invités d'honneur et il me revient de vous emmener et vous ramener sains et saufs. Prenez place à bord, je vous dirais où vous pouvez vous vous installer afin de ne pas gêner les manœuvres de l’équipage. » – Elle écarta la main en direction de la coupée…

La Déferlante, comme tous les Radeau des Cimes sylmarins, ressemblait à une sorte de grand parapluie retourné avec une vigie en haut du mât central, des haubans reliés sur trois hauteurs de chaque « armature » du « parapluie », de deux échelles de corde permettant de grimper sur la large plateforme de la vigie qui ressemblait à une petite plateforme ronde en bois, cerclée d’une rambarde de sécurité et couverte d’un toit en chaume, pouvant aisément accueillir une demi-douzaine de personnes. Une vergue inclinés et articulée autour du mât principal supportait un couple de voilées triangulaires qui pouvaient être plus ou moins inclinées et tournées pour être au plus près des vents porteurs et propulseurs, grâce à d’ingénieux systèmes de cordages et des poulies simples, doubles ou triples formant le gréement du navire. Vu la taille de celui-ci il semblerait évident qu’il y ait un pont inférieur ou une câle sous le pont principal, sans doute pour stocker la marchandise. Le pont principal en lui-même était encombré par le nécessaire de vie à bord et de réparation du navire. Il y avait notamment de grandes gaffes qui devaient presque être aussi grande que le diamètre central du vaisseau. Sur le pont, une cinquantaine de sylmarins s’affairaient à la manœuvre et se tenaient prêt à appareiller.

Oradin : n’est plus épuisé.

"CLANG"

Le bruit du poing du nain tapant sur sa coquille attira le regard de la Sylphe et l'air gêné ainsi que le teint du paladin ne laissaient que peu de doute quant à l'effet provoqué par l'élixir, en plus de la diminution de fatigue distinguable par un maintient plus droit, retrouvant la légendaire raideur des paladins.
Cet enchaînement évoqua une idée auprès de l'alchimiste, une potion permettant au personne en mal de virilité de regagner vigueur et énergie, évidemment il lui faudrait un nom évoquant cette puissance mais suffisamment discret pour ne pas empêcher les potentiels acheteurs d'oser en demander.
Un nom d'une langue exotique, un nom d'animal puissant dans l'imaginaire comme un tigre, peut être du style de vyaaghra dans cet ancien langage mais en retravaillant le nom, pour garder la sonorité mais en l'écrivant plus simplement, enfin ce n'était qu'un projet de plus dans la tête de Florentia qu'elle plaça dans un coin de sa tête.

Toujours fut-il qu'elle nota l'amélioration de l'état du paladin qu'elle gratifia d'un léger sourire et d'un hochement de tête.

« Vous semblez avoir récupéré de votre essoufflement maître Oradin, c'est une bonne chose.

Communiquer par télépathie? c'est formidable! »

Elle prit à son tour un quartier de la pomme, le rangea et commença à essayer de rentrer en contact avec ceux ayant aussi un quartier de pomme.

Un... Deux...

Combien faut-il de nain pour creuser un cylindre de 3 mètres de diamètre sur 6 mètres de long dans du granit?

Un... Deux...



Elle suivit ensuite le groupe en direction des quais, commentant ce qu'elle voyait mentalement, comme à son habitude, sans se douter qu'elle risquait de polluer les pensées des autres chanceux détenteurs de morceaux de la pomme d'argent.

Finalement en voyant leur engin de transport, elle décida de changer de vêtements pour être plus à l'aise sur le navire, elle tripota ses manches et grâce à leur magie, elle se retrouva vêtue à la mode marin, ce qui lui semblait plus logique pour un voyage en bateau.

«  Au revoir Maître des Cordées et merci de votre aide. »

Répondit-elle à leur guide une fois que celui-ci leur dit au revoir.

Puis elle se tourna vers la capitaine.

«  Merci de nous accueillir capitaine. Je suis Florentia. »