Une fois son quart effectué avec le taciturne Matghen, Joro lance les préparatifs du petit déjeuner en ravivant le feu qui ne s'est pas éteint de la nuit, puis pendant que le porridge d'avoine au lait de coco et baies rouges de la jungle mijote, il nourrit les animaux et leur demande s'ils ont passé une bonne nuit. Lui-même semble encore un peu perturbé, peut-être le fait de dormir à terre après tant de nuit à tanguer dans un hamac ?
Revenu auprès du chaudron il termine la préparation en y rappant quelques épices venant d'une liane locale, puis remplit des bols et les distribue à ses compagnons d'infortune au fur et à mesure que le camp s'éveille. En comptant et recomptant les bols il s’aperçoit qu'un convive manque à l'appel. L'halflelin scrute rapidement les environs et remarque qu'Ishirou, le tianais, s'est encore isolé, un peu à l'écart, assis en tailleur sur une grosse pierre, et regardant l'horizon marin. Il prend leur deux rations puis va s'installer à coté de lui, regardant aussi dans la même direction, mais ne parvenant pas à voir ce qui s'y trouve d'aussi intéressant. La couleur de peau, et les yeux étranges du vieil homme le fascinent, aussi il ne peut s'empêcher de briser le silence au bout de quelques instants :
« Vous arrivez à y voir correctement avec des yeux comme ça ? J'imagine que vous vous êtes habitués depuis le temps. Mais tout le monde est comme ça de là où vous venez ? Et il y a des petites gens comme moi ou Sei dans votre peuple ?  » puis désignant le bol qui refroidit « Je sais pas si ce truc va vous plaire, vous deviez manger autre chose dans votre pays. Qu'est-ce qu'on y mange principalement ? Est-ce que vous avez de bonnes recettes que je pourrais apprendre pour vous faire plaisir un soir, et puis changer de l'ordinaire ? Moi j'adore goûter à de nouvelles choses !  » Joro s'arrête pour engloutir quelques bouchées de son petit déjeuner, et méditer de l'importance de sa dernière déclaration.

Ravi que le tianais lui réponde de façon aussi détaillée, le sourire de Joro s'élargit encore lorsqu'Ishirou lui parle des yeux de hiboux : « Oooh ! Je n'avais pas vu les choses ainsi ! C'est moi qui suis bizarre, c'est formidable !  »
Il se reconcentre cependant quand arrive son sujet de prédilection.
« Je pourrai vous faire du poisson cru monsieur Ishirou, c'est pas très dur, quand on en aura attrapé je viendrai le préparer avec vous. Et non, grâce à Madiba la Mère Pourvoyeuse, je n'ai jamais eu besoin de manger de la viande qui parle. Peut-être que c'est bon, les cannibales que j'ai déjà croisé avaient l'air en bonne santé, mais dans notre région ce n'est pas la coutume : chez nous, quand vous êtes invités à dîner, vous n'êtes pas le plat principal. » Le regard du halfelin se fait un peu lointain :
« Un jour peut-être vous viendrez visiter mon village, et vous pourrez venir manger plein de bonnes choses dans ma tribu, mais d'abord avant de pouvoir rentrer je dois devenir un très grand chasseur, très fort, le meilleur ! C'est pour ça que j'ai hâte de savoir ce qu'on va trouver comme gibier sur cette île inconnue. Et vous monsieur Ishirou, vous aussi vous aimez explorer des endroits inconnus et rencontrer des nouveaux trucs ? C'est pour ça que vous avez quitté votre pays ?  »

En sortant de la tente, Ileniel était déjà prête à trouver Matghen pour lui confier sa mission de surveillance. Mais diverses idées traversèrent son esprit en un instant, comme une illumination. La pirate avait tout appris de son capitaine, comment naviguer, trouver des richesses, les cacher, comment mentir, se battre, … Mais elle avait aussi appris à gérer un équipage, et le moment était venu de mettre son leadership et son charisme à l’épreuve.

Matghen était encore jeune, et rester une journée entière, voir plus, à la surveillance d’une tente ne semblait pas être la meilleure mission à lui confier si on voulait optimiser les effectifs. C’est alors qu’elle repensa à cet homme discret qui était avec eux, Ishirou.

Elle balaya le camp du regard et le trouva rapidement. Ileniel se dirigea alors vers lui s’assurant que personne d’autre ne se trouvait trop proche d’eux.

« Ishirou, je vais probablement perturber vos habitudes, mais j’aurais une tâche à vous confier. Elle n’est pas très différente de celle que Gélik vous avait confier, à savoir de la surveillance, à quelques subtilités prêts.

J’aimerais que vous vous mettiez en poste devant la tente des malades, et si quelqu’un y pénètre, vous l'accompagnez, et surveillez de près ce qu’il veut ou fait aux malades, particulièrement à Gélik. Ne m’en demandez pas la raison, je vous expliquerai cela en tant voulu. Je vous demande juste de me faire confiance pour le moment et d’accomplir cette tâche. Et si on vous pose des questions, dites simplement que c’est à ma demande. »

Ileniel parlait calmement, mais elle ne mâchait pas ses mots. Elle ne quitta pas Ishirou des yeux alors qu’elle lui donnait ses consignes et semblait lui faire confiance.

Ileniel sourit au tianais après qu’il eut accepté la tâche qu’elle lui avait confiée.

« Merci Ishirou. La vérité éclatera bien assez tôt, j’espère, pour que les choses soient meilleures. Je vous en dois une ! »

Elle hocha la tête pour saluer l’homme, et s’éloigna. Dans la suite de son plan de restructuration, Ileniel pensa à aller voir Jask, pour lui confier une mission à lui aussi, une mission qui relèverait de ses compétences.