Jhod avait semblé sincère à Allister. Si le barde s'en était méfié lors de leur première rencontre, le prêtre lui apparaissait maintenant plus avenant. Et il lui avait aussi fait une promesse qu'il ne devait pas manquer. De plus, Andreï avait à moitié vendu la mèche.

« Effectivement, nous avons découvert ce qui pourrait ressembler au temple de vos visions. L'ours a été détruit et il ne semble pas qu'il y ai plus de dangers que les bêtes sauvages. En revanche, le temple est dans un très mauvais état. Nous pourrons vous y conduire lorsque nous retournerons dans le secteur. Je ne vous cache pas que je ne vous y enverrai pas seul, le chemin pour y accéder a peut être été en partie sécurisé, les dangers en forêt ne manquent pas, surtout pour un homme seul. Fût-il de la foi d'Erastil. »

Le barde allait tourner les talons et se diriger vers le groupe d'érudits qui sortaient de leur bains lorsqu'il ajouta « Ah, avant que nous ne l'oubliions... Nous avons aussi trouvé une statue représentant Erastil. Elle fait environ 4 m de hauteur mais a été à moitié envahie par la végétation. A proximité se trouve ce qui pourrait être le toit d'un vieux hangar ou d'une grange. Sauriez-vous nous dire à quoi ce type de constructions correspond ? Je vous avoue que mes connaissances dans le domaine de la religion d'Erastil sont quelques peu limitées sur ce sujet et nous n'avons pu déterminer de quoi il s'agissait. »
Allister observa le prêtre pendant qu'il formulerai sa réponse. Peut-être qu'avec cette découverte "non prévue", il se dévoilerait un peu plus qu'il ne l'avait fait jusqu'à présent.



Quelques minutes plus tard, il prit congé des deux adeptes du dieu à la tête de cerf et se dirigea avec un grand sourire vers les érudits. Ils n'avaient pas eu l'occasion de discuter pendant le trajet du retour et le barde avait une foultitude de questions à leur poser concernant ce qu'ils y avaient découvert.

« J'espère que ce bain vous aura fait le plus grand bien monsieur Devilla. L'eau chaude a dû vous manquer durant ce mois passé au milieu des marais. Est-ce que votre "pêche" - si vous voulez bien me passer ce terme - a été bonne ? Je suppose que vous revenez de votre expédition avec des carnets remplis d'informations. Je souhaiterais, et je pense que ma cousine se joindra à moi pour cette requête, pouvoir y jeter un oeil. Si vous 'y voyez pas d'inconvénient, bien entendu. Je ne voudrais pas vous priver de vos secrets et de vos trésors. Figurez-vous que nous avons croisé deux de ces créatures en forêt ! N'est-ce pas là une étrangeté que de les voir dans un milieu naturel qui ne devrait pas leur correspondre ? Nous les avons visiblement surpris alors qu'ils tergiversaient sur la direction qu'ils souhaitaient prendre. Ils devisaient en une langue qui m'est inconnue, mais j'ai pu retenir un mot : "Garoumelko" - ou quelque chose du genre. Sauriez-vous ce que ce terme signifie dans leur langage ? »

Jhod sembla plus que surpris quand Andréï commenta que le plan ressemblait à l'endroit où le groupe avait tué un ours. Il parut plus excité et réjoui à l'idée que ses rêves avaient un écho dans la réalité que choqué ou trahi par le semi-mensonge des explorateurs. « C'est… c'est vrai alors ? » demanda-t-il, la mine réjouie. Il se tournait tour à tour vers Andréï puis vers Allister et Erwanez en répétant sa question. « C'est vrai alors, l'ours… le temple… ils existent ? Érastil soit loué ! »

« Oui, oui, il faut absolument que vous m'emmeniez sur place. Peut-être… peut-être serait-ce possible de reconstruire le temple, d'en refaire un lieu sacré au milieu de la forêt ? Un lieu de pèlerinage peut-être… Ou établir une petite communauté dans la région ? Non, pas tout près, pour garder l'endroit pur, mais peut-être à une certaine distance ? J'ai… j'ai encore quelques contacts ici et là ; je pourrais peut-être rassembler quelques fonds. Oh, par Érastil, ce serait magnifique, oui… Magnifique, vraiment ! Je… Attendez ici un instant ! »

Jhod semblait avoir une bonne dizaine d'années en moins depuis qu'il avait appris la bonne nouvelle. Il se dirigea vers la chambre commune et revint quelques instants plus tard avec quelques rouleaux de parchemins qu'il tendit à Erwanez. « Ce n'est pas grand chose mais… c'est le moins que je puisse faire pour vous. Voici quelques parchemins dont vous aurez sans doute plus besoin que moi au cours de vos voyages. Et… et si jamais vous avez besoin d'une aide, d'un sort ou quoi que ce soit d'autre, n'hésitez pas à venir me trouver surtout ! » Jhod s'excusa ensuite et s'éloigna de quelques mètres du fortin avant de s'agenouiller dans la plaine et, visiblement, de prier.

Les parchemins qu'il avait tendus à Erwanez étaient tous précisément étiquetés. Ils avaient été visiblement achetés dans un temple, à Restov peut-être. Il y en avait 5 en tout ; on pouvait lire les mentions suivantes : anathème, compréhension des langages, convocation de monstres II, restauration partielle et sanctuaire.

Désabusée par l'intervention d'Andreï, Erwanez continua. « Ce que vous devez savoir également, c'est que lorsque nous avons tué l'ours, celui-ci est redevenu l'homme que j'avais vu dans mes visions. Sa mort, même lui devait la souhaiter, car c'était le seul moyen pour que l'âme de cet homme puisse retrouver la paix. Maintenant, je suis d'accord avec vous, j'espère que nous arriverons à recréer un lieu de pèlerinage pour Erasril et si nous pouvons conjuguer nos efforts, je suis sûr que nous aurons plus de chance d'y arriver. A ce propos, j'en informerai dés demain le temple de Restov. »

Voyant l'excitation de Johd face à la nouvelle, Erwanez se mit à penser qu'avec Allister, ils s'étaient peut-être trompés sur le compte de celui-ci. Johd pourrait jouer un rôle non-négligeable dans le renouveau du culte d'Erastil dans les Terres Dérobées, en tout cas son entrain pouvait laisser le présager. Elle fut touchée par le geste de Johd et le remercia pour son présent qui étaient d'une grande valeur pour la prêtresse. Elle se dirigea ensuite vers Allister qui discutait avec les érudits, laissant Johd à sa prière.

Gaëlan se frottait les mains. Tout était en train de se mettre en place pour son plus grand bonheur. Johd leur était redevable et il prendrait en compte leur remarque lorsqu'il s'agirait d'établir sa communauté forestière. Il fallait mettre encore en place beaucoup de choses. Les aventuriers allaient devoir engager un copiste pour mettre à jour de nombreuses cartes, et à l'aide d'Erwanez, ils allaient devoir découper la région en parcelle assez grande pour être exploités. Un flot d'opportunistes serait bientôt aux portes de cette terre et ils étaient le premier étalon de cette nouvelle société. Il allait falloir aussi créer une guilde de bûcheron pour exploiter cet immense vivier que représenter les Narlmarchs et favorisé l'arriver de forestier pour les maintenir sûre. Il faudrait aussi favoriser un tracé spécifique pour permettre le développement de route. Bref, les aventuriers avaient du pain sur la planche.

Tout en réfléchissant à l'avenir, Gaëlan croisa Oleg et l'interpella :

«  Hola Mon Sieur Oleg. Je ne vous dérange pas, j'espère, je souhaiterai parler affaires avec vous. Avez-vous des nouvelles des fournitures magiques que je vous avais commandé ? Les parchemins et le matériel d'écriture ? J'aurais aussi de nouvelles lettres à vous confier, si vous avez le temps...  »

Gaëlan partagea ensuite ses inquiétudes avec Allister et Erwanez :

«  Ne pensez-vous pas qu'il serai de notre devoir de commencé à produire des cartes en plus grandes quantités en vue de l'arrivée des futurs collons ? Signaler les routes les plus faciles et les plus accessibles, éloigner les individus des ressources dangereuses comme le filon d'or qui risque à lui seul de déclencher une marée humaine incontrôlable. Indiquer les meilleurs lieux pour l'installation de village ou de communauté et commencer à délimiter des parcelles de terre pour éviter les bagarres ? Vous me trouvez peut-être prétentieux ou encore arriviste, mais nous pouvons attendre de voir et il sera trop tard alors pour faire quoi que ce soit et améliorer, non pas optimiser entendez bien, améliorer les conditions de colonisation. Nous sommes en passe de voir quelque chose d'extraordinairement rare, quelque chose que personne n'a vu depuis que le chéliax s’est établi en Varisia. Nous pouvons faire en sorte que l'on se souvient de nous comme des acteurs majeurs de cette installation ou nous contenter du mandat d'exploration et laisser l'anarchie s'installer ici.  »

Erwanez écouta Gaëlan avant de répondre, « Je ne pense pas que la colonisation de ces terres pourra commencer tant que la menace du Seigneur-Cerf ne sera pas écartée une fois pour toute. Je n’ose à peine imaginer quelles seraient les conséquences si on commençait la colonisation et que les brigands s’en prennent aux premiers colons venant à peine d’arriver. Par contre, nous pouvons, et même nous devrions, commencer à planifier les premières décisions que nous devrons prendre quand celle-ci commencera. Pour ma part, je pense que nous devrions peut-être envisager la construction d’un avant-poste dans les plaines à l’est. Tout d’abord pour profiter de la mine mais aussi de la rivière et coloniser la forêt me semble une tâche beaucoup plus difficile même si c’est celle qui me tient le plus à cœur. Ensuite, reste à voir ce que nous allons faire dans les prochains jours. Est-ce que les historiens vont bientôt arriver ? Auront-ils juste besoin qu’on les accompagne sur le champ de bataille ? Si c’est le cas je l’ai déjà dit je pense que nous devrions aller dans les plaines à l’est. Il reste le problème de l’ours-hibou, de la créature de la mine et le conflit entre les kobolds et les mites. Ensuite, nous devrons concentrer nos efforts dans la découverte du camp du Seigneur-Cerf et de sa capture ou … » la jeune prêtresse ne termina pas sa phrase.

Les yeux d’Évan s’étaient allumés lorsque Svetlana avait évoqué une licorne. Il resta bouche-bée à écouter le peu d’informations qu’elle disposait. Puis, demeura quelques instants silencieux, aidant à la préparation de la sauce à la menthe tout en pensant à l’effet que pouvait produire une telle rencontre féérique. S’ils croisaient à nouveau Tyg-titter-tut et Perlivarsh, La Gerboise ne manquerait pas de les questionner à ce sujet. Il faudra leur porter ces délicieux gâteaux au miel et à la cannelle que fait Svet…

Une fois notre marmiton dégagé de la préparation de la biche, il alla rencontrer les gardes et ne sut trop quoi penser des rumeurs de sorcières ou d’anciens cultes démoniaques et/ou anthropophages. On était loin de la féerie de la licorne, les Terres Dérobées étaient saisissantes de contrastes.

Saluant les gardes et les remerciant pour la sympathique conversation, le halfelin décida de rejoindre les autres et en particulier Allister qui s’entendrait sûrement mieux que lui pour localiser le nord-ouest du Lac des Défenses et se remémorer ses cours d’histoire sur d’éventuels démons y étant rattachés.

Après lui avoir retranscrit la conversation, il poursuivit : « Allister ça te dit quelque chose tout çà ? Il faudra peut-être en parler aux historiens quand ils seront là ? »

Quand il eut écouté avec attention la réponse du cartographe, il se dirigea vers Gaëlan qui prédisait une expansion économique et démographique des Terres Dérobées.
« Je te laisse le soin d’organiser la région avec pragmatisme, je pense que l’essentiel est que tous les habitants soient libres et égaux. Mais, pardonne-moi si je saute du cocatrix à l’aboleth, que sais-tu sur les licornes ?  »

Les informations données par Svetlana rapportées, le halfelin sourit niaisement :
« Tu en as déjà vues toi des licornes ? Tu crois que je pourrais en monter une ? Je veux pas remplacer Sam hein ! Juste essayer… »
Le halfelin se gratta la tête…

Modifié par un utilisateur jeudi 2 décembre 2010 23:39:35(UTC)  | Raison: Non indiquée

19e jour de Desnus

C'est lors d'une matinée tout aussi douce, ensoleillée et chaude que la journée qui suivit que les aventuriers se réveillèrent. Les quelques conséquences et maux de tête dûs aux excès de la veille furent rapidement éliminés grâce à la préparation à base de radis de lune dont Svetlana avait le secret. Profitant du calme et de ce moment de repos, certains des aventuriers étaient restés dans les lits chauds et propres de l'auberge un peu plus longtemps qu'à l'habitude.

Allister avait profité de ce moment pour passer en revue, dans un demi-sommeil des plus agréables, les rumeurs qu'Évan lui avait rapportées la veille. Les histoires de sorcières dévorant des enfants étaient monnaie courante… même si, la plupart du temps, elles provenaient plutôt de l'ouest, de l'Irrisen, la contrée gelée de Baba Yaga, où, selon la légende, les sorcières enlevaient les enfants au plus sombre de la nuit pour dévorer leurs chairs et réduire leurs os en une poudre blanche qu'elles utilisaient comme farine pour leurs pains. Il n'avait jamais vraiment entendu parler de sorcières dans la Ceinture Verte mais… jusqu'ici, il s'était surtout intéressé aux régions du Brévoy, situées bien plus au nord.

La question de la licorne le laissait perplexe. S'il y avait un sujet qui avait donné lieu à de très nombreuses légendes, c'était bien celui des licornes. Certains les voyaient comme des êtres imaginaires alors que d'autres prétendaient qu'elles existaient bel et bien, mais qu'elles étaient à la fois très timides, très discrètes et très rares. Parmi les mythes associés aux licornes, il y avait bien sûr celui qui disait que ces créatures étaient si pures qu'elles pouvaient sentir la pureté des êtres qui l'approchaient et qu'elles ne se laissaient toucher que par les vierges et les puceaux. Un autre mythe disait que la corne de ces créatures fantastiques possédait des capacités régénératrices incroyables et pouvait même être utilisée, une fois réduite en poudre, pour redonner vie aux morts. Quant à la présence de licornes dans la région, le barde n'avait jamais rien entendu sur le sujet.

Quant à cette histoire de moines ou de prêtres maléfiques, là aussi, il pouvait s'agir de tout et de n'importe quoi. Les Royaumes Fluviaux étaient des terres régies par des lois très floues et changeantes, exception faites des commandements qu'on appelait communément "Les Six Libertés". À l'exception de certaines provinces, les gouvernements apparaissaient et disparaissaient trop rapidement pour que les historiens puissent consigner dans leurs rapports les noms de tous les seigneurs de guerre qui s'auto-proclamaient rois. Ce genre de climat était bien sûr propice à l'établissement de toutes sortes de cultes plus ou moins secrets et plus ou moins (souvent plus que moins, d'ailleurs) maléfiques. C'est ainsi qu'on avait même vu apparaître dans ces royaumes des divinités mineures d'aspect pas forcément très ragoutant mais suffisamment puissant pour susciter la crainte au sein des peuples (et donc de faciliter l'emprise de leur clergé).

Il y avait par exemple Hanspur, le dieu des eaux, des courants, des rats et des navires qui sillonnent les rivières et les marécages du bassin du Selen (le grand fleuve dont les affluents formaient les veines des Royaumes Fluviaux et qui reliaient ces contrées à l'Andoran, au Taldor et enfin à la mer Intérieur plus loin vers le sud). On le représentait souvent sous la forme d'un homme barbu et hirsute aux cheveux de roseaux ou encore d'un rat chevauchant un rondin de bois qui flotte sur l'eau. Il était très craint tant les voyageurs que par les sédentaires car, disait-on, lorsqu'il se mettait en colère, il coulait les bateaux et inondaient les plaines. Malgré son caractère des plus chaotiques, Hanspur pouvait aussi se montrer bienveillant envers ceux qui l'honoraient par les sacrifices adéquats. Ce n'était pas le cas de l'autre divinité propre aux Royaumes Fluviaux, Gyronna, la genaude colérique. Elle n'avait aucun "bon côté" et ne connaissait que la rage et l'hystérie. Le clergé de Gyronna était, dit-on, exclusivement constitué de femmes et celles-ci laissaient libre cours aux pires des côtés de la féminité : la vengeance, la destruction, la haine, le mépris, l'instigation de conflits pour n'en citer que quelques-uns. Les "sœurs noires" de Gyronna suscitaient encore plus la crainte que les fidèles de Hanspur, mais la plupart des dirigeants des Royaumes Fluviaux hésitaient à chasser ces trouble-fête, de peur que leur déesse ne se retourne contre eux, ou que les fidèles chassés ne parviennent à trouver refuge chez un voisin ou un ennemi (deux notions qui revenaient souvent au même) trop content de les accueillir et de les employer comme agents.

Finalement, le soleil était déjà assez haut quand tous les explorateurs se retrouvèrent dans le "coin cuisine" du comptoir. Jhod était déjà parti en forêt pour chasser, et Milès avait décidé de l'accompagner. Le jeune homme ne l'avait pas vraiment montré la veille, mais il avait été à la fois heureux et un peu déçu de la tournure des événements : après tout, les explorateurs avaient découvert le lieu qui correspondait aux rêves du prêtre mais ils n'avaient pas encore pu en apprendre plus au sujet de la disparition de son oncle aventurier. Jhod l'avait peut-être senti et s'était dit que c'était une bonne idée de changer les idées du jeune homme en l'emmenant chasser. Les gardes de faction étaient à leur poste, en haut des murs, Svetlana était occupée à faire un brin de ménage et Oleg, lui, s'affairait dans l'étable, nettoyant les boxes des animaux et changeant la paille.

La journée s'annonçait calme et reposante…

Modifié par un utilisateur vendredi 3 décembre 2010 14:16:24(UTC)  | Raison: Non indiquée

Devant l'insistance des cousins Mendvyed, les érudits — qui avaient décidé de passer une journée de plus au comptoir avant de reprendre le chemin de Restov — avaient évoqué brièvement leurs recherches. Ils avaient indiqués que, dans un premier temps, ils avaient été un peu déçus de ne pas trouver un plus grand nombre de bourbiérins sur place, au nord-est du lac. Ils avaient même trouvé quelques "villages" de bourbiérins (généralement de simples accumulations de monticules boueux abritant des sortes de cavernes où les batraciens s'abritaient) complètement abandonnés. Bien sûr, cela ne signifiait pas qu'il n'y avait plus aucun bourbiérin sur place (après tout, ils avaient dû quitter leur campement temporaire à cause d'une patrouille d'hommes-crapauds), mais, apparemment, un bon nombre des créatures de la région avaient migré vers le sud-ouest.

« C'est un comportement plutôt inhabituel, et même contre-nature, pour les bourbiérins voyez-vous, » avait précisé Delavilla, « car les marais ne constituent pas une zone des plus hospitalière. La vie est y est difficile et chaque portion de marécage offre un support limité. Les très grandes communautés sont quasi inexistantes chez les bourbiérins, tout simplement parce que leur milieu de vie ne fournit pas suffisamment de nourriture. C'est ainsi qu'ils sont plus ou moins contraints de se répartir en communautés plus petites disséminées ici et là, pour recouvrir et exploiter des régions plus grandes. »

« Non, » avait-il conclu en secouant la tête emphatiquement, « si les bourbiérins ont tous migré dans la même direction et vers la même destination, c'est qu'ils y ont été contraints pour une raison ou pour une autre. Les seules occasions où de tels rassemblements ont eu lieu, c'était pour faire face à des menaces que les tribus, en restant isolées, n'auraient pas pu vaincre. » Haussant les épaules, il fit part de son hypothèse « Maintenant, tout comme vous explorez cette contrée, j'ai entendu dire que d'autres groupes s'occupaient des terres à l'est et à l'ouest d'ici… je suppose que les bourbiérins se rassemblent pour combattre les intrus qui ont pénétré sur leur territoire à l'ouest. Mais, soyez rassurés, je ferai rapport de tout cela aux autorités de Restov, qui ne manqueront certainement pas de réagir comme il se doit ! »

Quant à la question de l'existence de traîtres au sein de la société des bourbiérins, Delavilla répondit que c'était tout aussi probable que dans n'importe quelle communauté plus ou moins primitive, où les plus puissants, les plus rusés ou les plus forts prenaient le pouvoir. « Vous savez, la notion de "traître" est toute relative, et le mot que vous avez entendu n'est pas des plus précis non plus. Si, dans une communauté dirigée par un bourbiérin puissant par exemple, un chamane utilise ses pouvoirs et son charisme pour s'emparer du trône, l'ancien chef devient un traître aux yeux du peuple. Mais si la tentative du chamane échoue, c'est lui qui devient le traître aux yeux des autres. Il y a fort à parier que ce Garu'um dont vous avez entendu le nom soit un prétendant au pouvoir ou un ancien dirigeant qui n'est pas parvenu à obtenir ou à conserver le pouvoir… ou encore qu'il s'agisse de quelqu'un qui s'est ouvertement opposé aux chefs d'une communauté. Ce n'est pas forcément un bourbiérin qui s'est retourné de manière violente contre les siens… même si je suppose qu'aucune hypothèse n'est à rejeter, naturellement. »

Allister se passa la main dans les cheveux en réfléchissant aux informations que venait de lui apporter Delavilla. « Ils sont donc trop nombreux et éparpillés pour que nous ayons une action efficace contre eux. De plus, d'après ce que vous venez de nous dire, il ne nous sera d'aucune utilité de courir après ce fameux Garu'um. Je pense qu'il faudra noter la présence des bourbiérins dans la région et y interdire l'accès à toute personne se présentant au comptoir. »

Alors qu'il s'installait à la table commune pour prendre une collation, Allister apprit que les historiens ne seraient pas présents avant quelques jours. Cela tombait bien, le groupe avait besoin de se reposer et de se préparer pour la prochaine campagne. Les choix qui s'offraient à eux étaient de deux types, soit ils continuaient à arpenter la forêt, notant avec précision leurs découvertes, soit ils choisissaient de terminer le travail qu'ils avaient commencé dans les plaines de l'est. A vrai dire, aucune des deux possibilités ne lui semblait meilleure qu'une autre. Il avait juste en tête qu'il faudrait amener Jhod jusqu'au temple et la troupe d'historiens jusqu'au champ de bataille - ce qui ne pouvait se faire avec des chevaux - et qu'ils auraient besoin de leurs montures pour aller dans le plaines. En conséquence, ils ne pouvaient faire les deux en même temps.

Ayant analysé le pour et le contre de chacune des solutions, il se décida pour terminer l'exploration de la forêt. Après tout, ils étaient principalement là pour cela et ils en auraient ainsi terminé avec la moitié du travail. Les monstres n'allaient pas partir entre temps et cela permettrait de finaliser la sécurisation des zones situées autour du temple. Néanmoins, alors qu'il s'en ouvrait à ses compagnons, il ajouté qu'il suivrait la solution qui recueillerait le plus de suffrages.

Erwanez apprécia ces quelques jours de repos avant de repartir vers l'exploration de la forêt. Elle en profita pour écrire une lettre à son temple pour leur faire parvenir les avancées de leur exploration. Elle mentionna ses visions, le combat avec l'ours, la statue et ses effet et l'aide qu'allait apporter Johd pour remettre en état le temple abandonné. Le reste du temps, elle parla avec Johd de tout ce qu'elle avait vu dans la forêt et essaya avec l'aide de Sveltana de faire la préparation avec les radis de lune. C'est dans ces moments-là que la bibliothèque du temple lui manquait le plus. Que n'aurait-elle pas donné pour s'assoir près d'un bon feu à lire quelques histoires sur les Terres Dérobées !

Modifié par un utilisateur lundi 6 décembre 2010 19:57:57(UTC)  | Raison: Non indiquée