« Juste Gravius, s’il-vous-plait. » interrompit l’acteur, lorsque Shensen l’appela sieur Noxius. « Pas de titres entre nous. » ajouta t-il avant de la laisser reprendre ses questions et sa réflexion. Il s’étonnait au passage du peu de cas que faisait la belle de l’étalage de ses allégeances religieuses. Mais il n’ajouta rien de plus pour l’instant. Pour quelqu’un qui avait placé sa foi dans une déesse proscrite, Shensen semblait plutôt bien se porter. Elle ne craignait pas de les afficher et d’en parler. D’où lui venait cette confiance et cette bravoure (ou cette inconscience), il n’en savait trop rien. Mais cela devait venir de son statut et de son prestige qui lui donnait l’assurance nécessaire que Gravius ne possédait pas sur ce terrain-là. Lui n’aurait jamais agi de la sorte pensait-il en lui-même. Trop dangereux.

Arrivés devant la loge de la chanteuse, cette dernière l’invita à l’intérieur pour son plus grand plaisir. Le jeune débutant n’hésita qu’une demie seconde avant de franchir le pas de la porte. L’occasion était trop belle. Entrer dans la loge de la chanteuse relevait aussi bien du fantasme que du rêve. Si celle-ci ne montrait pas de signes de faiblesses évidents à l’instant, il n’aurait pas su quoi penser de tout cela. D’habitude, quand il voulait ramener une femme dans son lit, il lui fallait faire montre de patience, jouer au jeu de la séduction, du chat et de la souris, échanger des banalités tout en l’impressionnant durant quelques temps afin de réussir à se rapprocher d’elle. Mais sans vraiment comprendre comment, il avait réussi à sauter toutes ces étapes. Ne restait que la discussion à bâtons rompus entre une femme belle à se damner et un homme déjà conquis.

Tout à son joie intérieure, il examina chaque détail à l’intérieur de la loge avant de s’assoir face au secrétaire indiqué. Entre les affaires personnelles étalées ici ou là et l’odeur personnelle qui flottait dans l’air, il avait bien conscience d’avoir réussi à rentrer dans l’intimité de la chanteuse. Et cela prêtait à poser des questions personnelles ou à obtenir des réponses personnelles. Aussi commença t-il par répondre à celles de la chanteuse : « Je ne connais pas vraiment les Corbeaux d’Argent. Mais quand vous vous produisez dans la rue ou dans les tavernes, vous apprenez de drôles de choses. On vous montre des tours. On vous révèle des secrets. On vous apprend à tenir l’alcool. On se montre prodigue tant qu’on est diverti. Alors j’ai du apprendre et jouer de tout cela. » Tout en disant cela, il se tourna vers Shensen et après avoir capté son attention avec des gestes amples et délicats de ses mains, il fit apparaître une rose rouge dans sa main droite qu’il tendit ensuite à l’intéressée.


« Tenez » lâcha t-il avec un sourire. Ce fut à ce moment-là que l’artiste lui parla de l’Étoile d’Argent. Il acquiesça dont avec joie. « Très bien. L’Étoile d’Argent. Une heure avant l’aube. J’y serai. »

Par contre, l’elfe semblait se méprendre sur un point. « Ce n’est pas vraiment ma philosophie de vie. Juste quelques conseils de bon sens j’imagine. En fait, je suis plutôt du genre à vivre ma vie pleinement, et parfois un peu égoïstement sans trop réfléchir, ni créer trop d’attaches. Mais vous aviez l’air d’avoir besoin de conseils et il se trouvait que j’étais là. » Essayant d’estimer le temps qui s’était écoulé, il choisit de clore cette discussion en bottant en quelque sorte en touche. « Mais peut-être devriez-nous discuter de cela à notre prochaine rencontre. Le temps file, et le public va bientôt réclamer votre présence. Je ne voudrais pas vous mettre en retard. Qu’en pensez-vous ? » termina t-il malicieusement.

Gravius sourit en retour lorsque la jeune femme le remercia. Puis il resta un moment immobile à savourer l'instant. Jamais il n'aurait pensé la star si accessible. Finalement, il reprit ses esprits et la suivit pour aller sur scène.

Gravius regarda autour de lui à la question de Shensen. « Heu… non. Non, je crois pas. » Le ton était hésitant.

Dansant d’un pied sur l’autre, il n’osait avouer qu’il n’avait pas vraiment fait attention à ce détail. Bien sûr, il avait regardé deux ou trois fois par dessus son épaule. Mais il n’avait pas fait de détours, ni de pause dans des allées sombres, ni rebroussé chemin pour tromper d’éventuels espions. Encore rêveur de leur rencontre quelques heures plus tôt, le débutant se créait ses histoires sur la suite et n’avait pensé qu’à revoir son ainée dans le métier au plus vite. Avec un petit temps de retard, il ajouta « Je n’ai vu personne me suivre. Mais rentrons avant de trop attirer l’attention. Il ne fait pas bon trop trainer dehors à cette heure-là. »

Shensen pouvait détecter sa nervosité mais lui savait qu’il avait raison sur le fond. Du moins, il se l’imaginait. Il attendit donc que la cantatrice le laisse rentrer.

Gravius savait la cantatrice croyante. Mais de voir ce lieu caché et de se voir proposer de prier avec eux dès la première fois, le jeune homme se faisait l’effet d’un zélote fanatique. « Je… Je ne sais pas. » répondit-il en retour à la question de Shensen. Le jeune homme se demandait s’il n’avait pas mis son nez quelque part où il n’aurait pas du. Il ne connaissait personne et les enseignements de cette déesse lui étaient étrangers. Pourtant, la belle cantatrice le fixait de ses grands yeux dans lesquels il se noyait. Et plus il la regardait, plus il avait du mal à garder les idées claires. Inconsciemment d’ailleurs, un sourire mi-charmeur, mi-niais se peignait sur son visage.

Il fallut qu’un bruit dans la salle le ramène à ses esprits pour qu’il fournisse une réponse. « Je n’ai jamais été très porté sur la religion. M’engager comme ça sans rien savoir de votre culte me parait un peu… précipité. Est-ce que tu pourrais me présenter qui sont ces personnes qui nous entourent et m’expliquer quels sont les enseignements que cette déesse défend ? Je voudrais en apprendre plus sûr vous d’abord et savoir en quoi cette déesse t’a sauvé la vie. Ca m’aiderait à mieux vous comprendre et à me décider ensuite à prier avec vous. »

Bien sûr, le débutant aurait voulu impressionner par ses répliques, sa posture, sa présence et son charisme. Mais il devait se rendre à l’évidence. Pour l’instant, il n’avait que le choix d’apprendre à connaître Shensen. La séduction n’avait pas sa place en cet instant. Alors il fit de son mieux pour faire contre mauvaise fortune, bon coeur.

Gravius se relâcha lorsqu’il entendit la réponse de Shensen car son explication rendait tout cela moins sérieux, moins grandiloquent. Il n’était pas question d’adopter un culte pour sauver le monde, combattre le mal et tuer des démons. Il n’était question que de partager un moment ensemble et apprendre à connaître quelques personnes.

Rassuré, il se permit même de lâcher tout bas « C’est vrai qu’ils sont beaux » avant que la cantatrice ne commence les présentations. Il espérait n’être entendu que d’elle mais la salle n’était pas bien grande et les amis de la belle n’était pas bien loin.

Il fit tout de même comme si c’était le cas et salua amicalement en retour chaque personne qui lui était présentée.

Modifié par un utilisateur mercredi 12 décembre 2018 08:15:08(UTC)  | Raison: Non indiquée

Avec sa remarque chuchotée à mi-voix, Gravius imaginait faire rougir la belle cantatrice encore plus furieusement que la première fois. Cependant la réponse de la femme le prit au dépourvu. D’habitude, les compliments directs provoquaient une gêne accrue et une certaine indécision, comme si la jeune femme complimentée se retrouvait désarçonnée. Mais cette fois, Shensen avait pris le compliment de front et l’avait même confirmé. Quelle femme ! pensa Gravius en lui-même. Le jeune homme qui l’avait toujours admiré de loin ne se retrouvait pas déçu maintenant qu’il avait l’occasion de vraiment la découvrir.

Et alors qu’il s’imaginait placer quelque mot ici ou là auprès des autres présents avant de se joindre à la communion et éventuellement aux prières, la cantatrice le détrompa en prenant la parole pour annoncer quelque grave nouvelle au sujet de voleurs dans un conseil. Cela semblait bien loin à Gravius qui n’avait jamais été à Couronne d’Ouest. Mais il comprenait que cela avait une certaine importance pour les gens présents et que par conséquent, le moment était grave. Il se tût donc éviter de faire tâche.

Lorsque Shensen finit de parler et céda la parole, le débutant se permit de demander discrètement à la personne la plus proche, la dénommée Elvire : « Êtes-vous tous des voleurs aussi ? Je ne savais pas… » Gravius volait de surprise en surprise. S’il lisait correctement entre les lignes, les gens présents voulaient « rendre sa grandeur passée au Chéliax » mais quelle grandeur ? Et comment ? Lui qui n’avait été guidé que par l’envie d’égaler ses parents et de profiter de la vie en courant souvent de jupons en jupons se retrouvait soudain entouré de gens peu recommandable et pour des raisons plutôt sérieuses. Se retrouvant dans une situation inédite, il se demandait encore s’il devait rester pour les beaux yeux de la cantatrice ou plier bagage pour fuir cette réunion qui prenait des allures de conspiration.

Ce fut heureusement le moment où Elvire lui répondit.

Gravius commença à méditer sur les propos tenus par Elvire. Le conseil des voleurs, des alliés de circonstances ? Le jeune homme avait du mal à voir pourquoi et comment des gens guidés par le droit chemin pouvaient se retrouver alliés à de la racaille - parce que dans les faits, c’était le cas. Les voleurs étaient des tires-laines, des mendiants et des gamins servants d’informateurs, des gars parfois larges comme des armoires et qui se servaient dans des ruelles sombres sur des citoyens ayant bu un verre de trop, des jeunes femmes recourant à leur charme et leurs formes langoureuses pour tromper le mâle moyen ou encore des monte-en-l’air profitant de leur agilité pour passer par les toits et cambrioler les plus riches familles chez elle durant la nuit. - mais sans doute par courtoisie, Gravius garda cette pensée pour lui-même.

Ce qui l’intriguait plus en revanche, c’était l’oreille attentive que Shensen avait réussi à trouver en la personne du maire Bailinus. Gravius savait que ses parents la considéraient comme une personne plutôt juste malgré ses travers de politicienne. Mais lui ne s’intéressait que peu à la politique. Après tout, c’était pour les gens qui avaient du temps à perdre ou qui n’avaient rien à faire de leur vie. On n’obtenait jamais rien grâce à la politique à part plus de temps perdu, sauf si on était la personne au pouvoir. Là, on pouvait obtenir quelques à-côtés confortables. Mais lui préférait de loin profiter de sa vie simplement entre soirées, conquêtes et alcool.

Il fallut donc que le jeune homme commence une remise en question et assiste à l’office pour mieux comprendre la position de Shensen et surtout ses motivations. Comme l’étranger qu’il était, il se mit en retrait le temps de trouver sa place.

Gravius était un peu à court de mot, hésitant sur la conduite à tenir et sur quoi dire. S’il était honnête avec lui-même, il ne savait pas trop ce qu’il faisait encore là.

Il savait qu’il était dingue de cette femme qu’il avait commencé à aimer de loin. Il savait aussi que c’était une femme de caractère, qui modelait le monde à son image ou du moins qui l’imparfait par ses actions. Mais lui ? Lui, il était d’abord un épicurien, un coureur de jupons, un homme qui ne s’embrassait pas de grands principes. Une chope dans une main, une paire de dés dans l’autre, et une paire de fesses pour finir la soirée, c’était tout ce qu’il demandait. Il n’avait commencé à s’intéresser à elle que parce qu’une femme de son calibre ridiculisait la concurrence, et de loin. Puis son caractère et ses actions l’avaient accroché d’une manière qu’il ne parvenait pas à comprendre, ni à décrire.

Mais là, on rentrait dans la religion. Le fanatisme même. Importer une religion interdite au Chéliax et menacer l’équilibre des force en présence, c’était une chose qu’il ne savait pas vraiment qualifier. Ses parents lui avaient raconté la chute de l’empire et le sauvetage in extremis grâce aux Thrunes qui s’étaient tournés vers les diables pour gagner pouvoir, positions et finalement le trône. Mais quel sauvetage était-ce ? Côtoyer les diables au quotidien juste pour faire perdurer un pays, était-ce quelque chose de souhaitable ? Ne valait-il pas mieux qu’il chute pour laisser place à quelque chose de neuf en faisant table rase du passé ?

Tout ça le dépassait. Vraiment.

Prenant une inspiration, il regarda Shensen droit dans les yeux. La belle semblait aussi perdue que lui. Et malgré lui, cela réveilla un instinct protecteur chez lui. Il se mit donc à sourire discrètement. Pour l’instant, il décida de rassurer la cantatrice. « Je comprends. Moi-même, je voulais apprendre à mieux te connaître. Mais c’est vrai que je ne m’attendais pas à… ça. » fit-il en désignant son environnement d’un large geste du bras. « C’est quelque chose sur lequel je ne me suis jamais penché. A vrai dire, la religion ne m’a jamais intéressé. Les dieux sont des plus capricieux et je ne suis pas sûr de comprendre la raison pour laquelle nous leur prêtons allégeance. Mais… » Il laissa sa phrase en suspend un instant avant de terminer « … je veux bien en apprendre plus. Avec toi. » Il voulait comprendre ce qui l’avait amené à qui elle était actuellement.

Essayant de mesurer la portée des paroles de Shensen, Gravius acquiesça de la tête avant même de voir la main tendue. Pourtant, lorsque l'elfe lui sourit, les grands idéaux et les bonnes considérations s'évaporèrent pour ne laisser qu'une idée toute simple dans la tête de son interlocuteur. Je ne perd rien à dire oui. Ça m'aidera à me rapprocher d'elle.

Il prit donc sa main en répondant avec un sourire discret mais assuré. « Très bien. Voyons où cela nous mène. » Puis sans la lâcher, il la serra délicatement avant de se mettre à l'examiner à moitié comme un prétendant, mais aussi à moitié comme quelqu'un de juste curieux.

Je voudrai savoir si j'arrive à distinguer sa vie à travers sa main (psychologie). Est-ce que c'est une main d'artiste douce au toucher mais avec éventuellement des cales au bout des doigts si elle joue d'un instrument ou bien si c'est une main de guerrière avec cornes et cicatrices. Ou encore les deux ?
Le jet de psychologie est là pour voir si le manège avec sa main la trouble ou dans quelles dispositions elle se trouve.

« Et bien, je ne sais pas. C'est que c'est la première fois que je vois une main aussi intéressante. » répondit-il du tac-o-tac. « Sans être trop fine, elle reste douce et chaude. Et de fait, elle est confortable. Une fois qu'on l'a en main, il est difficile de s'en défaire. Ses doigts long et gracieux.

Et regarde. » ajouta t-il en examinant la main de Shensen, paume tournée vers le haut. « Là. Cette ligne-là qui commence à la base de ton poignet et qui remonte jusqu'à ton majeur est la ligne de la destinée. On voit à sa longueur que tu as déjà eu une vie bien remplie mais elle n'est pas prête de s'arrêter. Et là... » commença t-il tout en faisant courir son index sur les lignes de la main de Shensen.

Puis il s'interrompit comme s'il revenait à lui. Cependant, il avait surtout profiter de ce moment pour entamer un jeu avec la belle femme qui se tenait face à lui et il espérait voir quelque chose qui lui fasse dire que quelque chose s'était passé car d'habitude les filles de taverne restaient pendues à ses lèvres quand il leur disait la bonne aventure. De celles qui étaient intriguées à celle qui étaient définitivement séduites, Gravius avait fait de cette broutille un passe-temps et une arme de séduction tout à la fois.

La main de Shensen toujours dans la sienne et un sourire charmeur sur les lèvres, il la regarda droit dans les yeux afin de voir l'effet qu'il avait eu et s'il pouvait espérer continuer son petit numéro de séduction ou bien s'il devait rendre les armes pour l'instant et revenir vers elle avec une nouvelle approche la prochaine fois.