Le regard de Mérisiel s'était légèrement radouci, mais ses lèvres demeuraient pincées. Jhod était un homme bon et perspicace, peut-être avait-il raison sur ce paladin déchu, mais le fait que Mérisiel trouvait ce bandit séduisant la troublait et l'agaçait au plus haut point. N'était-elle donc qu'une péronnelle pour trouver attirant le premier bandit venu qui était un temps soit peu séduisant et qui semblait s'amender ?
Elle regarda Alendil et sa confusion s'accrut, ainsi que son air pincé. Aussi séduisant que soit son amant, il n'éclipsait pas totalement l'attraction que le paladin déchu exerçait sur elle malgré lui.
Mérisiel aurait voulu tuer sur place cet homme qui menaçait son tout nouveau bonheur naissant, mais elle se força à se calmer. Alendil était fort et rassurant, quant à ce bandit, il n'était rien. Rien !
Elle décida de l'ignorer purement et simplement et se concentra sur la tâche ardue qu'il leur restait à effectuer : débusquer le Seigneur Cerf de son repaire.

L'homme venait de subir une nouvelle défaite et avait perdu plusieurs hommes dont son second, mais il attendait des renforts. Sans doute n'allait-il pas se risquer hors du fortin. Mais si les renforts arrivaient plus tôt...

« Pour quand attend-il des renforts ? » demanda l'elfe au paladin déchu sans le regarder. Se tournant vers les autres elle ajouta : « Nous pourrions nous faire passer pour ces renforts pour pénétrer les lieux et les attaquer par surprise... »

Alendil étudiait le plan avec les indications de l'ex-lieutenant. Bien loin d'être un fin psychologue, et concentré qu'il était sur l'interrogatoire, il ne vit pas le débat intérieur qui rongeait sa dulcinée. Il reprit après Daine. « Ce qui m'inquiète aussi, c'est qu'ils attendent des renforts, tout simplement. Akiros, savez-vous d'où proviennent ces renforts ? Est-ce d'un vassal, d'un allié, ou d'un supérieur du Seigneur-Cerf ? Et en quelle quantité, et de quelle direction devraient-ils venir ? »

L'elfe, les yeux fixés sur le plan, passa sa main dans ses cheveux en bataille, ce qui n'arrangea pas sa coupe déjà bien ébouriffée. « Une vingtaine d'hommes, plus le Seigneur-Cerf et deux lieutenants, le tout bien barricadé dans un fortin de pierres à l'abri derrière une haute palissade en bois. Et des renforts qui arriveront d'ici une semaine... Il va nous falloir un plan astucieux et rapidement réalisable pour limiter les risques... »

Il se pencha un peu plus sur le plan tout en écartant une mèche qui tombait devant ses yeux. « Si on veut entrer dans leur camp, on va forcément se faire voir, et ils auront la supériorité numérique et la connaissance des lieux. Peut-être en les attirant hors du fortin...? Hmm... J'avoue que je sèche un peu... Quelqu'un a une idée ? »

Mérisiel émit un son dubitatif :« Nous n'avons guère de certitude quant à la route qu'emprunteront ces renforts. Espérer les intercepter avant qu'ils ne soient à proximité du fortin me semble hasardeux, même si je reconnais que ce plan consistant plus ou moins à faire le siège du fortin est le plus sûr. Il nous permettrait de choisir le terrain de l'affrontement et éventuellement d'affaiblir l'ennemi. Malheureusement s'ils font une sortie en masse nous serons en difficulté...
Alors qu'une attaque surprise, de nuit, devrait nous permettre d'éviter qu'ils ne se coordonnent et nous pourrions ainsi affronter nos ennemis les uns après les autres...
Mais des renforts seraient bienvenus. D'autant qu'il faudra nous assurer que la défense du comptoir soit correcte en cas d'échec de notre part. Seul un petit groupe discret et efficace peut réaliser la mission commando que j'ai en tête et les dangers seront grands.
Il faut frapper vite et fort à la tête. Nous attaquer directement au Seigneur-Cerf. Une fois celui-ci mort, nos ennemis devraient se débander en partie ou en totalité. En nous infiltrant dans le fortin par le Sud, nous aurions une bonne chance de parvenir à nos fins.
Il nous faudra définir un moyen d'entrer discrètement et une voie de repli dans l'hypothèse où tout tournerait mal. Des fumigènes et autres moyens de se protéger des flèches ennemis seraient aussi les bienvenus... »

L'elfe se tourna vers ses compagnons et notamment vers son amant. Ce qu'elle avait en tête serait dangereux, mais elle avait besoin d'action pour éviter de trop penser...

« Combien de temps nous faut-il pour parvenir au fortin ? De combien de temps disposerons-nous avant l'arrivée des renforts ? Ce serait déjà un bon point à déterminer. »

L'elfe observait sa carte, ainsi que le schéma de l'ex-paladin. Il s'adressa à Merisiel. « Daine a raison, assaillir le fortin de nuit serait difficile pour lui, Jal, et Valric. Il n'y aurait que nous deux qui ne serions pas gênés, et nous ne pouvons y aller en duo, nous ne ferions pas le poids face à leur nombre. Et puis, je suis assez agile, mais malgré tout, je ne suis pas un spécialiste de la discrétion... Quant à attaquer directement le Seigneur-Cerf sans s'en prendre à ses hommes, ce serait courir le risque de nous faire encercler, sans espoir d'échappatoire. Non, nous devons être plus prudents que ça... » Il sourit intérieurement à ses paroles. Lui qui avait tendance à foncer tête baissée au combat, tout comme son père le faisait d'après les récits - et les reproches - qu'il avait entendus par sa mère, il se prenait à faire preuve d'un peu de sagesse... Son regard resta un instant fixé sur celui de sa dulcinée, se demandant si sa présence dans sa vie était responsable de son changement d'attitude.

Il se secoua intérieurement, sortant de sa rêverie passagère. Ce n'était pas le moment de se psychanalyser, mais de monter un plan de bataille qui tienne la route ! Il reporta son attention sur Akiros. « Savez-vous par où doivent arriver ces renforts, et à combien s'élève leur nombre ? » Alendil sourit à Daine. « Je pense que tu as raison, notre meilleure chance est de tendre des embuscades à tout ce qui essaie de sortir ou de rentrer. Et s'ils sortent en force, nous pourrons nous enfuir et revenir les harceler plus tard. »

Il s'adressa ensuite à Kesten. « En revanche, pendant notre absence, il se peut qu'il tente d'envoyer des forces attaquer le comptoir. Nous comptons sur vous pour le défendre au mieux, en étant aussi vigilants que possible. Préparez des stocks de vivres, des munitions, et des pièges au cas où ils parviennent à pénétrer ici. Il se pourrait que vous soyez vous aussi assiégés... surtout si nous échouons... »

Alendil observa la carte, et reprit la parole. « S'ils viennent du sud, vu la forme du lac, il y a toutes les chances qu'ils arrivent par la rive est, donc d'ici. » dit-il en posant son long doigt fin sur la carte en H6. Si nous allons explorer la rive est au sud du fortin, nous devrions pouvoir trouver un endroit où tendre une embuscade aux renforts, peut-être récupérer de l'équipement, voire même une missive qui pourrait nous donner des informations, que ce soit sur le Seigneur-Cerf ou sur son recruteur dans les Royaumes Fluviaux.[/dit]

Il se redressa, et regarda tour à tour ses compagnons. « Sommes-nous d'accord sur le plan ? Empêcher les renforts d'arriver, et attaquer tout ce qui rentre ou sort du fortin ? Ce peut être long, mais bien moins dangereux qu'une attaque frontale. Une fois débarrassés du Seigneur-Cerf, nous nous seront occupés de la principale menace organisée de la région et n'aurons plus qu'à finir de l'explorer. » Alendil se redressa. « Si c'est d'accord pour tout le monde, reposons-nous aujourd'hui, et partons demain matin à l'aube. »

Daine hocha simplement la tête à la demande de confirmation de l'elfe. Il demanda ensuite: « Reste à savoir ce qu'on fait de lui... » Il désigna du pouce Akiros « Nous avions décidé de laisser une chance à ceux qui cherchent à se racheter on persiste dans cette voie? Si vous désirez vous rachetez bien sur. »

Daine quitta la salle qui servait de cellule avec un salut sec de la tête pour le prisonnier, il n'avait rien contre lui et ne voyait pas de raison de ne pas lui laisser une chance comme avait été donné au autres brigands.
Il alla chercher son barda et s'asseyant dans la cour, entrepris de s'occuper de l'entretiens de son équipement. Il réaffuta et graissa ses lames, redressa quelques choc dans ses armures, nettoya les cuirs.
La force de l'habitude et de la vie militaire transparaissait dans ses gestes, il observait aussi l'elfe se battre avec hargne contre le pauvre soldat.
Pas besoin d'être un génie pour voir que Mérisiel avait des problèmes probablement depuis longtemps, mais maintenant ses problèmes risquaient de devenir ceux de Daine, ce qui ne lui plaisait qu'a moitié. Si ils était tuables ça ne resterait pas des soucis longtemps si ils se présentaient, mais face à des problèmes personnels et ancrés dans ses compagnons il ne serait pas d'une grande aide.
Dans le doute il fit comme d'habitude, Daine garda le silence et se re concentra sur les taches de la vie d'aventurier.

En sueur et légèrement essouflée, Mérisiel jeta un salut de tête au soldat qu'Alendil avait congédié pour le remercier. Face à lui, elle ne répondit pas, sourit, rengaina sa lame et, le prenant par la main, entraîna son amant dans un recoin tranquille du fortin pour lui faire l'amour.

Si Alendil se trouvait à nouveau d'humeur à parler, elle devait lui dire :
« Ecoute, tout ça est très nouveau pour moi. Tu as failli mourrir et j'ai cru que la réalité se déchirait, l'instant d'après je... je ne sais pas toujours où j'en suis... Tu connais beaucoup de choses de moi et... je ne... je ne suis pas une gentille elfe bien élevée qui procède aux rituels et veille sur le territoire de notre race. Je suis un peu perdue parfois, je le sais... et je... je comprendrai que tu ne souhaites pas... devoir supporter tout ça. Mais... Enfin, fais comme tu veux. » elle se leva et se rhabilla tournant le dos à son amant, regrettant d'avoir dit ces choses qui lui paraîtraient incohérentes et redoutant qu'il décide de partir en la laissant là. Elle la guerrière aux nerfs d'acier, l'inflexible chasseuse de bandits, se mettait à agir de manière totalement incohérente.

Lorsqu'il la serra dans ses bras, Alendil se rendit compte à quel point Mérisiel était tendue en attendant sa réponse, mais elle se détendit et enlaça son amant, le serrant fort.

Aux paroles d'Alendil, Mérisiel resta un moment interdite. Devait-elle lui dire la même chose ? Le ressentait-elle ? En etait-elle sure ? Elle décida de prendre les choses simplement.
« L'amour... je... je l'ai fuis pendant longtemps et à dire vrai je ne sais pas vraiment ce que c'est, comment on est sensé être... Ce que je sais c'est que j'ai envie d'être avec toi, je suis bien, » elle sourit, « du moins bien mieux, quand tu es là et je n'ai pas envie que tu partes...
Restons ensemble cette nuit. » lui glissa-t'elle au creux de l'oreille en l'enlaçant et en pressant son corps contre le sien avant de le faire à nouveau basculer sur la couche.

Plus tard dans la nuit, alors que son amant dormait, le sommeil déserta le corps de la rôdeuse et celle-ci se glissa précautionneusement hors de la couche, frissonnante à cause du froid et elle passa un temps certain à se demander où elle en était vraiment.