Le père d'Arylith était le souverain d'un royaume elfique sur le déclin contigu à une nation humaine prospère. Si les deux peuples avaient réussi pendant plusieurs décennies à maintenir une paix fragile, seule une alliance de sang pouvait les unir durablement. Après de longues négociations, il fut convenu que le souverain elfe épouserait une des filles du roi humain.
Loin d'apprécier le charme de cette race trop exubérante à ses yeux, l'elfe ne choisit pas sa dulcinée pour sa beauté mais pour la mélancolie qui se dégageait d'elle. En effet si trois des quatres filles du roi humain débordaient de joie, de rires et rivalisaient d'audace pour séduire l'elfe; l'une d'elles ne se manifestait que lorsqu'on l'y obligeait et ne semblait trouver d'intérêt que dans la lecture d'ouvrages poussiéreux de la bibliothèque royale. Il jugea qu'elle serait la moins à même de dépérir rapidement dans le royaume elfique où la vie s'écoulait à un rythme bien différent. Les noces furent célébrées et pour la première fois depuis longtemps le roi humain vit sa fille esquisser un sourire.
La princesse s'acclimata au delà de toutes les espérances des deux peuples réunis et de cette union un matin d'hiver naquit une demi-elfe , aux cheveux blancs comme la neige et aux yeux gris comme la cendre. Dans les semaines qui suivirent, le souverain elfique se trouva atteint d'un étrange mal et malgré l'assistance des meilleurs prêtres humains, les druides elfes ne purent le sauver du flétrissement qui s'était emparé de ses organes. C'est ainsi qu'une simple humaine se retrouva à la tête d'une nation elfique.
Depuis ce jour, chaque hiver apporta son lot de maux et préleva son tribut parmi les elfes. Tant et si bien que la reine finit par être l'objet des rumeurs les plus infâmes. Certains voyaient en elle une sorcière et bientôt une grande partie de son peuple se retrouva à brandir faux et torches en une implacable procession vers le palais royal.
Sachant que son temps était compté, la reine au comble du désespoir fit appel à des puissances dont elle avait acquis la connaissance au cours de nombreuses nuits blanches passées à traduire les runes de grimoires plus anciens que le peuple elfe lui-même. Elle implora des heures durant la déesse des maladies d'épargner son peuple tandis que les échos des combat qui se déroulaient dans le château s'amplifiaient. Elle finit par perdre conscience et sombrer dans un sommeil doux et rassurant comme elle n'en avait connu depuis la mort de son époux. Une femme à la longue chevelure de jais lui apparut en rêve. Ses jambes étaient couvertes de cicatrices mais sa beauté n'avait pas d'égale. Elle promit à la reine que son peuple n'aurait plus jamais à se soucier de la maladie, en échange de son âme et de la vie de sa fille. La reine n'était pas en position de refuser et accepta l'odieux marché que la princesse pâle scella en posant tendrement ses lèvres sur celles de la reine.
Lorsque la reine rouvrit les yeux, elle sentit la morsure du feu sous ses pieds et se rendit compte qu'elle était attachée. Tout autour d'elle de la fumée et son peuple la regardant brûler. La dernière image qu'elle perçut fut celle d'une ombre encapuchonnée, au loin sur les collines, emportant sa fille.


Recueillie par une prêtresse d'Urgathoa, Arylith fut élevée par des adoratrices du culte de la déesse. Contrairement à ce que l'on aurait pu croire, la prêtresse n'essaya pas de la tromper où de lui cacher les tragiques évènements qui avaient conduit à son adoption. Bien au contraire, cette vérité se révéla omniprésente dans son quotidien et la haine d'Arylith n'eut de cesse de croître. Une haine aux multiples visages.
Chaque jour Arylith en vint à mépriser un peu plus la faiblesse des hommes et des elfes, l'ignorance et la stupidité qui émanaient d'eux ainsi que l'impuissance de leurs faux dieux,. L'âme damnée de sa mère corrompue par l'influence d'Urgathoa lui apparaissait parfois en songe et l'exhortait à se venger de ceux qui avaient entrainé sa déchéance.
Arylith grandit à l'abri des regards; de majestueux temples érigés en l'honneur d'Iomédae, de Cayden Cailéan ou encore de Serenrae illuminant de leur magnificence la ville dans laquelle elle était obligée de se terrer. Plusieurs années s'écoulèrent avant qu'elle n'eut le droit de quitter la crypte où les adoratrices se réunissaient afin de prier et de sacrifier au nom de leur déesse. Elle ne vit la lumière du jour que lorsqu'elle eut appris à camoufler sa dévotion à l'instar des sectatrices. Roturières, aristocrates, femmes du peuple, vierges effarouchées ou mégères accomplies; toutes avaient en commun une haine profonde des mâles, de leurs religions et de leurs lois misogynes. Pourtant dès lors qu'elles réapparaissaient en surface, elles endossaient leur rôle et s'attachaient à n'éveiller aucun soupçon. Des macabres orgies qui se déroulaient en la présence des morts ne subsistait qu'une légère langueur dans leur corps lorsqu'elles rejoignaient leur foyer.
Arylith faisait preuve d'une grande force, tant physique que mentale , d' une insatiable soif de vengeance et d' une cruauté qui ne demandait qu'à s'exprimer. Durant de longues années elle se perfectionna sous la férule de la prêtresse au maniement des armes, elle aiguisa ses sens et apprit à traquer les infidèles. Elle accomplit avec succès de nombreuses missions pour son ordre jusqu'au jour où la prêtresse, non sans regret, l'autorisa à voler de ses propres ailes.
Urgathoa avait d'autres projets pour Arylith que de rester dans l'ombre. Arylith avait un peuple à soumettre, un trône à reconquérir. Peut-être le temps était-il venu pour le monde des vivants d'affronter l'ire des ténèbres ...