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Offline Dalvyn  
#1 Envoyé le : jeudi 16 décembre 2010 21:46:24(UTC)
Dalvyn
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Magnimar, le premier jour du mois de Gozran

ans la famille Kovack, il y avait une grande et longue tradition marine. La plupart des héritiers mâles de cet arbre généalogique chélaxien avaient servi comme capitaines, soit sur un navire marchand, soit sur un navire de guerre. Alizandru Kovack tirait une certaine fierté de ce fier héritage et il était bien décidé à faire tout son possible pour l'honorer. Il se tenait près du gouvernail, sur le pont supérieur arrière du Jenivère, le bateau qu'il commandait depuis bientôt vingt ans et examinait son équipage occupé à effectuer les derniers préparatifs avant le départ.

Chaque membre de son équipage avait une tâche à accomplir, une tâche que le capitaine lui-même lui avait assignée en fonction de ses capacités. Les plus forts s'occupaient de charger la cargaison et les bagages des voyageurs. Aux plus intelligents, dont faisait partie son second Anton Dévers, il avait confié la tâche de vérifier que toutes les marchandises étaient bien à bord. Aux plus attentifs et minutieux, il avait demandé de vérifier l'état du navire, de sa coque, de ses cordages, de ses voilages, et la solidité de la barque de secours amarrée au centre du pont principal.

Le Jenivère avait passé les trois dernières semaines au port de Magnimar pour divers travaux d'entretien et quelques menues réparations. Il devait donc être normalement parfait état mais… il valait mieux en être certain et vérifier. Alizandru Kovack tourna la tête vers l'est et scruta l'amoncellement chaotique d'échoppes, de commerçants à la sauvette, de charrettes encombrées et de badauds qui formaient le Marché des Voiles. Aucune trace des trois voyageurs qui avaient prévu d'embarquer. Il leva les yeux vers l'Arvensoar, l'immense tour de garde qui dominait celle qu'on avait surnommé, à juste titre, la Cité des Monuments, et estima qu'il y avait encore une bonne heure avant de lever l'ancre.



Le capitaine Kovack épousseta le revers de l'uniforme marin qu'il avait choisi de porter pour l'occasion. C'était celui de son père, celui qu'il portait lors de chaque départ, puis il quitta le pont supérieur, descendit quelques marches pour atteindre le pont principal. Il salua d'un hochement de tête les marins occupés à vérifier la barque de secours et se tourna vers son second. « Anton, tout est en ordre avec la cargaison ? » demanda-t-il. « Oui, capitaine. Et nous avons quasiment terminé de tout charger. » répondit le jeune homme. Les marins étaient en effet occupés à glisser les dernières caisses vers la soute, via une trappe qui était située au centre du pont et qui donnait accès aux cabines situées sous le pont et à la cale située plus bas encore.

Satisfait de voir que tout était en ordre, Alizandru Kovack continua de traverser le pont et entra dans sa cabine. Il alla chercher sa rapière et l'ajusta à ses côtés. Oh, c'était bien plus pour se donner une certaine prestance et respecter les coutumes… mais il tenait à être impeccable pour recevoir les voyageurs, et surtout l'un d'eux. Quelques minutes plus tard, on frappa à la porte de sa cabine. C'était Anton, le second. « Capitaine, deux de nos voyageurs sont là. » Alizandru répondit d'un hochement de tête et se dirigea vers le pont.

Il alla tout d'abord saluer l'érudite varisienne qui avait devait voyager avec eux jusqu'au Sargava — les règles de bienséance en vigueur tant au Taldor qu'au Chéliax voulait qu'on adresse d'abord la bienvenue aux femmes, à moins qu'on ne soit en présence d'une homme portant un titre de prince, de roi ou d'empereur, ce qui n'était pas le cas — puis il se tourna vers l'homme aux tempes grisonnantes. Il fit claquer le talon de ses bottes tout en serrant la main de l'homme d'une poigne qu'il voulut franche et en le regardant droit dans les yeux. « Bienvenue à bord du Jenivère, madame et monsieur. Mon second va vous escorter jusqu'à vos cabines respectives qui se trouvent juste sous le pont, pendant que mes hommes vont vous apporter vos bagages. »

Le capitaine suivit l'homme et la femme du regard. Lorsque le premier était venu réserver une place à bord du Jenivère quelques semaines plus tôt, il avait fait une forte impression sur Alizandru : celui-ci avait reconnu en lui la prestance, l'assurance, le ton sévère et le regard dur d'un chevalier infernal, un ordre de combattants extraordinairement loyaux qui faisait la fierté de son Chéliax natal. L'homme semblait trop âgé pour être encore en activité, sans doute était-il l'un des rares chevaliers infernaux à être parvenu à vivre assez longtemps pour pouvoir retourner jouir d'une retraite bien méritée au Chéliax. C'est surtout pour lui qu'Alizandru avait tenu à mettre les formes lors du départ. Et il avait bien l'intention que le voyage se déroule parfaitement jusqu'à leur arrivée à Pezzack, où l'homme grisonnant devait quitter le navire.

Le troisième voyageur, un Varisien qui était venu réserver une place la veille, arriva ensuite. Alizandru le salua poliment et demanda une fois encore à son second de l'escorter vers sa cabine.

Une bonne demi-heure plus tard, Alizandru sortit de sa cabine pour donner le signal du départ. Mais, à peine avait-il ouvert la bouche pour demander à un de ses marins, un robuste Ulfe à la musculature impressionnante, de retirer la planche qu'il entendit une voix aiguë lancer depuis les quais « Attendez, attendez ! Il vous reste encore une place à bord ? » Le capitaine se tourna vers la source de la demande. C'était un gnome, un noble ou un riche d'après ses habits, qui courait vers le ponton. Il restait plusieurs cabines de libre et, même si cela ne suffisait pas, il y avait encore un peu de place dans la partie de la cale où les marins étaient logés. Le capitaine répondit donc « Oui mais nous partons sur le champ, nous ne pourrons pas attendre plus longtemps pour que vous fassiez livrer vos bagages. » Le gnome, tout sourire, était déjà à bord du Jenivère avant que le capitaine n'ait terminé sa phrase. Il répondit simplement « Aucun problème, mon bon ami. J'ai tout ce qu'il faut sur moi ! »

Alizandru Kovack jeta un regard étonné au petit sac de voyage que le gnome tenait dans sa main puis il haussa les épaules. « Très bien, alors. Anton, amenez notre quatrième voyageur à sa cabine s'il vous plaît. » Après tout, le capitaine n'avait ni le temps ni l'envie de perdre plus de temps en parlottes inutiles : il y avait un fier chevalier infernal à bord, et il était bien décidé à montrer que la capitaine du Jénivère, tout aussi chélaxien, s'arrangerait pour que le navire ne prenne aucun retard.

Le capitaine lança alors un ordre, que les marins répétèrent après lui. « Ramenez les amarres et hissez la grande voile ! » Et, lentement, à la manière d'un molosse qui se met peu à peu en mouvement, le Jenivère quitta le port de Magnimar.
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Offline mass  
#2 Envoyé le : vendredi 17 décembre 2010 19:44:11(UTC)
mass
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Les vents étaient bons et la mer peu agitée, le navire fila dans les courants droit vers sa prochaine escale, le port marchand de Kintargo au Chéliax. Les différents voyageurs virent les monuments colossaux et mystérieux de Magnimar disparaître à l'horizon. Des mouettes hurlaient, on ne sait, si c'était pour souhaiter bonne chance à ces courageux personnages qui osaient défier l'océan Arcadien ou tout simplement pour se moquer d'eux. Mais au bout d'une journée, les oiseaux et toutes traces de vie terrestre disparurent pour laisser place à l'immensité bleue de la mer.

Le voyage fut agréable et sans anicroches. Après tout, le départ de Magnimar avait eu lieu le premier jour du mois de Gozran, qui était naturellement dédié au dieu des vagues et du ciel, un dieu qui pouvait se montrer capricieux mais qui avait une importance toute particulière pour les marins : après tout, les flots supportaient les navires et les étoiles du ciel permettaient de les guider. On considérait d'ailleurs que le premier jour du mois de Gozran était un excellent moment pour les voyages en mer.

Le capitaine Kovack et son équipage faisaient parfaitement leurs boulots, la seule ombre au tableau était les moments des repas : le cuisinier, qui ne devait pas être là pour ses talents de cuistot, Rambar Terillo, était un homme taciturne, qui se disait originaire de Senghor et qui était abonné aux soupes liquides et épicées. L'avantage était que ceux qui n'avait pas le pied marin et le cœur au bord des lèvres n'avaient pas grand chose à rejeter par dessus bord. Malgré le fait que le régime soupe n'était pas apprécié par grand monde, celui était presque obligatoire après deux où trois jours en mer, car le capitaine voulait préserver les rations en cas de problème.
D'ailleurs ce fut une raison d'un altercation entre le second Alton qui ne comprenait pas pourquoi on avait engagé un tel cuistot, et le capitaine qui on nom de la disciple n'acceptait pas que le second et l'équipage derrière lui ne mettre en question ses ordres et ses choix.
Le troisième jour, un banc de dauphin, suivit le bateau l'accompagnant sur quelques miles. Avec sa bonne humeur habituelle, le capitaine Kovack dit à ses passagers que c'était un bon présage pour la suite du voyage, un signe de Gozreh a ne pas en douter.

Les passagers s'étaient de suite habitué à Gélick Aberwhinge le gnome qui était monté à bord en dernière minute à Magnimar. Il était toujours bien habillé, comme s'il avait apporté une garde robe de noble avec lui, et il avait toujours une histoire longue, mystérieuse… et peu crédible à raconter.

C'est dans la journée du 9e jour de Gozran, que le Jenivère accosta dans la ville de Kintargo. Elle y fit escale pendant deux jours. Les marins chargèrent et déchargèrent quelques caisses de marchandise stockées dans la cale, mais personne ne monta à bord. Étrangement pour une ville de Chéliax, Kintargo semblait être très cosmopolite, même si on voyait souvent des gardes infernaux inspecter les bateaux. D'ailleurs, juste avant de partir, deux gardes infernaux se présentèrent devant le Jenivèr. Le capitaine les fit monter à bord mais, du fait de la présence d'un vieux chevalier, l'inspection ne dura pas très longtemps et le bateau put lever une nouvelle fois les amarres. C'était le 11e jour du mois de Gozran.

Cette fois-ci, la direction ne fut pas de prendre la pleine mer, mais de suivre les côtes du Chéliax. Le Jenivère croisa de nombreux navires, de toutes sortes : des petites embarcations de pécheurs jusqu'à de gros galions qui portaient fièrement le drapeau rouge et noir aux armoiries de la maison Thrune. Le voyage ne dura que cinq jours ; le temps était toujours idéal, et les voyageurs attentifs purent même voir les sommets du Perchoir du Diable, une chaîne de montagnes dont le nom et les légendes associées pouvaient donner quelques frissons. Le 16e jour de Gozran, le bateau accosta dans le port de Pezzack. Ce port niché au milieu de collines acérées semblait en état de siège. Le chevalier infernal, dans ses rares moments d’éloquence, avait expliqué que Pezzack était considéré comme une ville rebelle, où des hommes très dangereux fomentaient divers complots visants la sédition et essayaient de remplacer l'ordre établi par le désordre. L'ancien chevalier infernal ajouta, avec une teinte de regret, que, si ces bons à rien ne bénéficiaient pas l'aide de mystérieux êtres ailés provenant du Perchoir du Diable, cela ferrait longtemps qu'ils se balanceraient au bout de la corde d'un gibet.

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Le capitaine avait déconseillé aux passagers de descendre à Pezzack s'ils n'avaient rien à faire dans cette ville, car l'ambiance n'était pas au mieux. Le vieux vétéran des chevaliers infernaux quitta le navire, un départ que la plupart des autres voyageurs à bord du Jénivère ressentirent comme un soulagement. D'ailleurs, le gnome lâcha quelques bons mots bien (ou mal — cela dépendait du point de vue) pensés sur l’espèce en voie de progression au Chéliax qu'étaient les armures grimaçantes ; c'était ainsi que le gnome surnommait les défenseurs de la nation qui avaient vendu leur âme aux diables. Quant au capitaine Kovack, il répondit simplement aux commentaires du gnome par un raclement de gorge assez neutre puis se retira dans ses quartiers

On déchargea plusieurs caisses et tonneaux de marchandises à Pezzack et on en chargea quelques-unes. Cet échange de marchandises fut assez rapidement terminé mais le Jenivère resta quand même à quai plusieurs journées de plus. Quand on posait des questions au capitaine, il donnait des réponses évasives. Cela faisait trois jours, que le bateau était à quai et tout le monde commençait à être nerveux à bord. Le soleil commençait à descendre sur l'océan Arcadien, donnant à la mer de magnifiques teintes oranges, et quelques étoiles commençaient à apparaître dans le ciel. Profitant des ombres qui s'allongeaient, un homme encapuchonné monta à bord et se dirigea droit vers la cabine du capitaine avant de s'y engouffrer. Dix minutes plus tard, il ressortit et descendit dans sa cabine, puis le capitaine apparut à son tour et donna l'ordre du départ. Les marins se mirent au travail dans une disciple bien rodée, et le Jenivère partit pour sa prochaine destination, la ville de Corentyn. On n'avait pas vu réapparaitre le mystérieux personnage.

Cette fois-ci, le bateau ne suivit pas la côte mais contourna le golfe de la Gueule des enfers, pour ensuite tirer droit vers Corentyn. Cela rallongeait le voyage de quelques jours mais on expliqua aux passagers que le golfe était peu sur : les superstitions (que Gélik traita de "foutaises d'adorateurs des diables") disaient que, dans ce golfe, on pouvait tomber dans des tourbillons qui n'étaient rien de moins que des portes vers les enfers. Et comme sur le bateau personne n'avait l'intention de voir Asmodéus en personne, on suivit la coutume et on fit ce long détour.

L'homme mystérieux qui était monté à bord à Pezzack n'était pas sorti de sa cabine de tout le long du voyage, qui avait quand même duré douze jours. La première moitié du voyage s'était déroulé paisiblement : le climat était clément et les plupart des autres passagers passaient de nombreuses heures sur le pont. C'était entre autre le cas d'Iéana, la Varisienne embarquée à Magnimar. Elle s'installait souvent à l'extérieur et lisait ou prenait des notes. Elle s'était présentée comme une érudite passionnée par les anciennes ruines, qui avait passé plusieurs années à explorer celles de la Varisie et qui avait décidé d'élargir ses horizons en s'intéressant aux ruines du Sargava.

La malheureuse Varisienne avait commis l'affront de se montrer peu intéressée par les histoires farfelues du gnome cependant, et ce dernier n'hésita pas une seconde à montrer son mécontentement en inventant de nouveaux récits à son sujet, récits qu'il prenait bien soin de murmurer sur le ton de la conspiration, bien loin des oreilles de l'érudite. « Vous voyez comment elle se tient toujours à l'écart, le nez perdu dans ses bouquins ? À mon avis, il s'agit d'une espionne chélaxienne. Écoutez bien ce que je vous dis… elle est là pour nous observer et faire un rapport sur chacun d'entre nous, pour le compte de ces adorateurs des diables ! Prenez bien garde à ce que vous faites et dites quand elle est prêt de vous ! »

Au milieu du trajet, il avait commencé à pleuvoir, et une légère houle avait indisposé les estomacs les plus fragiles. Le climat et la maladie se combinaient donc pour inciter la plupart des voyageurs à se cantonner dans leur cabine. Puis le Jenivère accosta enfin, le 29e jour du mois de Gozran.

La ville de Corentyn était située sur la pointe sud du Chéliax. La première chose que l'on remarquait était le début d'un ancien pont gigantesque qui, selon les rumeurs, reliait les deux continents à une certaine époque. De nos jours, une partie du pont s'était effondrée dans la mer. On remarquait aussi les nombreuses garnisons qui étaient dispersées dans tous les faubourgs de la cité, ce qui lui avait valu le sur nom de Cité aux Neuf Fortins. Les passagers allaient pouvoir prendre l'air et surtout se dégourdir les jambes sur la terre ferme. Un peu avant d'arriver au port, le capitaine Kovack précisa qu'il avait beaucoup d'affaires à régler en ville et qu'il fallait renouveler les stocks de nourriture ; l'escale serait donc d'une assez longue durée. Il était bien sûr dit que les voyageurs dormiraient sur le navire s'ils n'avaient pas les moyens de se payer une auberge.

A l'arrivée, on vit enfin sortir l'homme mystérieux de sa cabine. Il descendit sur le quai sans échanger un seul mot. Le capitaine Kovack disparu lui aussi, sans doute pour mener ses affaires avec les autorités locales. Une grande partie de la cargaison chargée à Kintargo et Pezzack fut déversée dans des entrepôts du port et remplacée par de nombreuses caisses et tonneaux qui devaient passer d'un continent à l'autre.

Le bateau repartit le 6e du mois de Desnus, la période de l'année dédiée à Desna, la déesse de la chance et des voyageurs. Juste avant le départ, les passagers purent voir monter un Garundais menotté et encadré par deux chevaliers infernaux parés d'une armure noire et luisante dont l'avant ressemblait à une gueule de diable grimaçant. Les deux chevaliers infernaux, accompagnés par le capitaine Kovack, descendirent le prisonnier jusqu'à une cabine. Les deux chevaliers infernaux remontèrent ensuite sur le pont et, après avoir remis un vieux sac à dos au capitaine, quittèrent le navire, leurs lourdes bottes de métal heurtant le bois du pont avec une régularité et une force toutes deux impressionnantes.

Modifié par un utilisateur samedi 18 décembre 2010 14:20:47(UTC)  | Raison: Non indiquée

Offline Dalvyn  
#3 Envoyé le : samedi 18 décembre 2010 14:37:10(UTC)
Dalvyn
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Le 6e jour du mois de Desnus, le Jenivère quitta le port de Corentyn. Il lui fallut deux bonnes heures pour naviguer prudemment entre les récifs qui protégeaient les alentours marins de la Ville aux Neuf Fortins. Le vaisseau longea pendant plusieurs minutes l'immense arche de pierre, l'Arche d'Aroden, qui reliait autrefois l'Avistan et la Garund et qui avait permis aux troupes chélaxiennes de conquérir une portion tout au nord du Garund. Aujourd'hui, il ne restait plus que des fragments de cette arche, de sorte qu'il n'était plus possible de traverser d'un continent vers l'autre sans se mouiller les pieds ou prendre un navire.

Bien vite, le Jenivère se retrouva au large et, emporté par des vents favorables, filait à vive allure vers le sud-sud-ouest. C'était un moment-clef du voyage, du moins d'un point de vue théorique car, en pratique, le changement était plutôt graduel. Mais c'était le passage du "continent du nord" vers le "continent du sud", de l'Avistan vers le Garund. Pour certains, c'était un voyage vers des terres exotiques et, pour d'autres, un "simple" retour à la maison. Le Jenivère longea la côte ouest du Rahadoum pendant trois jours avant de s'en écarter plus nettement et d'obliquer vers la pleine mer. Pendant près d'une semaine, les voyageurs ne virent plus aucune côte à l'horizon et c'était seulement grâce à la position du soleil le jour et des étoiles la nuit que le capitaine Kovack et son second parvenaient à maintenir le cap exact qui mènerait le navire jusqu'à sa prochaine destination.

À bord, le train-train quotidien continuait. Le gnome avait décidé d'étoffer ses récits au sujet de l'érudite varisienne ; selon lui, elle était non seulement une espionne chélaxienne mais aussi la véritable propriétaire du Jenivère, ce qui signifiait que non seulement elle surveillait chacun des passagers et qu'elle rédigeait un rapport précis mais, qu'en plus, c'était elle qui avait véritablement le pouvoir à bord, car c'était auprès d'elle que le capitaine Kovack prenait tous ses ordres en secret ! Le Garundais qui avait été amené à bord par des chevaliers infernaux ne quittait quasiment jamais sa cabine. De temps en temps, le capitaine l'escortait vers le pont pour qu'il puisse prendre l'air et se dégourdir les jambes quelques minutes. Alizandru Kovack demandait alors aux autres voyageurs de se tenir à l'écart et, avec une attitude stricte mais courtoise, permettait au prisonnier garundais de jouir de quelques courtes minutes de liberté. Quant aux soupes… malgré les nombreuses plaintes de l'équipage, elles restaient toujours aussi épicées et peu ragoutantes.

Tout comme le changement de continent, le changement d'attitude du capitaine ne fut pas très frappant au début mais, depuis que le vaisseau avait quitté l'Avistan (et les côtes chélaxiennes), Alizandru Kovack semblait moins intéressé par ses tâches. Oh, il continuait à donner des ordres, à s'occuper de ses hommes et à organiser la vie sur le Jenivère, de sorte que tout restait parfait, mais il semblait parfois plus… distant. Peut-être était-ce depuis le départ du chevalier infernal à la retraite d'ailleurs ? C'était peut-être simplement parce que le cœur du capitaine chélaxien se trouvait plus au nord et qu'il appréciait moins les contrées exotiques du Garund. Ou peut-être que ce qui semblait être de la distraction à première vue était en fait une sorte d'inquiétude sourde face aux dangers des futures destinations du Jenivère ?

Car, même si la vision dont les voyageurs purent profiter quelques jours plus tard en arrivant en vue du port d'Ilizmagorti, le 16e jour de Desnus, avait tout du paradis, tous connaissaient la réputation de l'endroit, et celle-ci avait de quoi inquiéter. L'île qui abritait la ville d'Ilizmagorti, l'île de Médiogalti, était une terre verdoyante et colorée perdue au milieu d'un océan aux eaux d'un bleu turquoise. Plus le Jenivère se rapprochait de sa prochaine escale et plus on pouvait admirer l'épaisse jungle, à la fois sauvage, mystérieuse et pleine de vie, qui recouvrait la quasi-totalité de l'île. Le port d'Ilizmagorti se présentait comme un îlot de civilisation perdu au sein de la nature sauvage, mais ceux qui connaissaient l'endroit savait que cette civilisation pouvait se révéler encore plus dangereuse que les terres qui l'entouraient.

Dans les pays civilisés, on désignait cette ville comme "le port des rebuts de la mer". D'autres, par contre, l'appelaient "la Perle Noire des Tropiques". C'était un port de pirates, de contrebandiers et d'autres individus épris d'une certaine forme de liberté. Il se murmurait également que le véritable pouvoir à Ilizmagorti reposait entre les mains d'un mystérieux culte d'assassins appelés les Mantes Rouges, qui aurait des agents infiltrés à tous les niveaux de la société. C'était d'ailleurs pour cela que le conseil qu'on associait souvent à Ilizmagorti était de ne jamais maltraiter qui que ce soit, car on ne pouvait jamais dire si la prostituée qu'on tabassait, le marchand avec lequel on marchandait de manière trop violente ou le gosse des rues qu'on repoussait pour se frayer un passage n'était pas, en fait, une Mante Rouge.

L'escale dans cet étrange port ne dura que deux jours au cours desquels de nombreuses caisses furent chargées dans la cale du Jenivère, des marchandises dont il valait sans doute mieux ignorer la provenance exacte. La plupart des voyageurs et des marins suivirent le conseil que le second, Anton Devers, leur avait donné à leur arrivée à Ilizmagorti et ne quittèrent pas le navire pendant ce temps-là. Trois personnes montèrent à bord : une jeune femme rousse d'humeur sombre, un Mwangi portant une rapière ornée qui contrastait avec ses habits dépareillés et un petit homme dont les paroles étaient toujours affables mais dont le regard froid trahissait une certaine cruauté.

Modifié par un utilisateur samedi 18 décembre 2010 22:05:51(UTC)  | Raison: Non indiquée

Offline Dalvyn  
#4 Envoyé le : samedi 18 décembre 2010 21:30:49(UTC)
Dalvyn
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Le Jenivère transportait une grosse cargaison et on sentait qu'il allait moins vite. En quittant le port d'Ilizmagorti, le 18e jour de Desnus, il se dirigea vers l'ouest pour contourner l'île de Médiogabalti. Là encore, c'était un détour beaucoup plus long que le trajet en ligne droite… mais ce dernier passait bien trop près de l'ouragan perpétuel qu'on appelait l'Œil d'Abendégo et qui, s'il fallait croire ce qui se disait, était apparu à la mort du dieu Aroden. Le détour n'avait pas que de mauvais côtés cependant : il permit aux voyageurs d'admirer sous quasiment toutes les facettes la magnifique jungle qui recouvrait l'île. Cette fois-ci, il n'y avait plus aucun doute : les plaines et les forêts de conifères et d'arbres caduques de l'Avistan étaient bien loin !

Après avoir contourné l'île, le Jenivère poursuivi en ligne droite vers le sud-est et les îles des Entraves, le repaire des "Pirates libres" qui, disait-on, étaient les seuls à pouvoir naviguer en toute sécurité dans l'Œil d'Abendégo. Pendant toute la traversée, les passagers purent voir à l'est les tornades et les dépressions causées par l'ouragan magique. De temps en temps, des éclairs zébraient l'horizon et les vrombissements des cyclones arrivaient jusqu'à eux sous la forme d'un murmure quasi imperceptible mais qui, vu la distance, témoignait de la violence des vents.

La femme maussade et l'homme au regard froid qui étaient montés à bord à Ilizmagorti ne semblaient pas se connaître… ou peut-être se connaissaient-ils et ne s'appréciaient-ils pas, car ils semblaient faire tout pour ne pas se croiser. En fait, il n'adressait pas vraiment la parole à qui que ce soit : la mauvaise humeur de la première tenait la plupart des autres voyageurs à l'écart et le regard froid du second avait exactement le même effet. Le capitaine Kovack, lui, semblait de moins en moins concentré. Le gnome bavard disait que c'était la faute de l'érudite qui était montée à Magnimar : il était sur que ces deux-là étaient amants ! Bien sûr, une semaine auparavant, il parlait d'elle comme d'un agent envoyé par le Chéliax pour surveiller les passager du Jenivère (un bateau dont elle était d'ailleurs propriétaire) et qui se rendait d'ailleurs au Sargava pour espionner les institutions du Baron Utilinus, le Grand gardien de l'ancienne colonie chélaxienne !

Le voyage se poursuivait. Cela faisait déjà plus de cinquante jours que certain avait embarqué et cela commençait à peser sur le moral. C'est dans la matinée du cinquante huitième jour, le 28e jour de Desnus, que l'on put voir les quelques baraquements qui constituaient la petit ville d'Ollo, le village le plus à l'ouest de ce groupe d'îles que l'on appelait les Entraves, repère de pirates et de hors-la-loi. C'est d'ailleurs, dans cette petite ville qu'une étrange elfe monta dans sur le navire, elle avait quelque chose de sauvage en elle.

Les nombreuses caisses qui avaient été embarquées au Chéliax et en Ilizmagorti furent, pour la plupart, déchargées dans cette petit ville. De plus, on expliqua aux passagers que l'escale serait assez longue car il fallait se déclarer à une sorte d'administration pirates, pour que le Jenivere n'aie pas d'ennui dans les eaux des Entraves. Les voyageurs eurent donc droit à une longue escale qui dura sept jours et au cours de laquelle de nombreux et variés "marchands" amenèrent jusqu'au Jenivère des caisses de "marchandises" à la provenance plutôt douteuse. Pour la sécurité du navire, de son équipage et de ses voyageurs, sans doute valait-il mieux ne pas poser trop de questions…

Ce n'est que le 4e jour du mois de Sarénith que le navire reprit la mer en longeant les îles des Entraves. Le voyage entre les trois villes où devait faire escale le Jenivère ne serait pas long ; il ne fallut d'ailleurs attendre que trois jours pour voir dans le ciel les fumées qui marquaient leur destination suivante. Quent ressemblait à Ollo, petit village de pirates. On disait que le gouverneur de cette ville était une femme du nom de Tessa Fairwind. La plupart des marins semblaient comme réjouis à l'avance par cette escale, comme s'ils l'attendaient avec une certaine impatience non dissimulée. Il faut dire que Quent était surtout connu pour son temple de Calistria, qui avait le petit nom de la Maison des Baisers Volés et où de nombreuses prostituées sacrées de la déesse vendaient leurs charmes pour quelques pièces d'argent. Au grand désespoir de la plupart des marins, le capitaine Kovack décréta que l'escale de Quent ne durerait pas aussi longtemps que celle de sa petite sœur, Ollo. À peine les marins arrivés le 7e jour de Sarénith avaient-ils pu profiter des plaisirs de la déesse Calistria qu'ils devaient déjà repartir pour le plus grand des ports des Entraves, et sa capitale, Port-Péril. Juste avant de partir une jeune femme avenant à la peau très pale monta sur le navire. Il n'y avait aucun doute à son sujet : elle portait tous les attributs d'une prêtresse de Sarenrae, au grand désespoir des mâles du navire qui auraient certainement préféré une prêtresse de Calistria.

Ainsi, le 9e jour de Sarénith, le Jenivère repartit-il. C'est le 12e jour de Sarénith que tout le monde put voir effectivement que Port-Péril était l'endroit-clé des Entraves, une sorte de capitale, là où le gouverneur n'était rien d'autre que le monarque craint de toutes les Entraves, le " Roi de l'Ouragan". Contrairement aux autres ports, la ville se trouvait sur le continent du Garund plutôt que sur une île. Pour certains passagers, c'était la première fois qu'ils purent mettre un pied sur ce continent.

À Port-Péril une demi-elfe au regard sévère monta sur le navire.
Offline Dalvyn  
#5 Envoyé le : samedi 18 décembre 2010 22:31:33(UTC)
Dalvyn
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Le 15e jour de Sarénith, le Jenivère quitta Port-Péril et rebroussa chemin à travers la baie du Risque. Quelques minutes à peine après le signal du départ, une terrible pluie avait commencé à tomber sur la région et divers éclairs étaient apparus dans le ciel, zébrant la tapisserie bleu-nuit dont le ciel s'était paré. Port-Péril était construit sur le continent, à un endroit dominé par une falaise au sommet de laquelle se trouvait le Fort Danger, la place-forte du "Roi de l'Ouragan". En temps normaux, la forteresse qui surplombait l'endroit était déjà impressionnante, mais les éclairs qui faisaient ressortir sa silhouette sombre en faisait un spectacle d'autant plus terrifiant.

Heureusement, en suivant les côtes du Garund vers l'ouest, le navire sortit assez rapidement de la zone de tempête et, bien vite, le climat devint plus clément et plusieurs passagers en profitèrent pour sortir prendre l'air sur le pont… ou se remettre des désagréments que la violente tempête et les secousses qui avaient agité le navire leur avaient causés.

C'est dans ce cadre plus ou moins idyllique que se déroula un évènement qui fut évoqué encore et encore à de nombreuses reprises parmi les marins au cours des jours qui suivirent : un des marins, un petit homme mal rasé à l'hygiène douteuse et surnommé (à juste titre) "Le Putois" avait tenté de s'approcher de la femme à l'air sévère qui était montée à bord du Jenivère à Port-Péril. Par la suite, le Putois avait toujours refusé de révéler les paroles exactes qu'il avait tenues à la femme (mais, vu le manque qui se faisait déjà ressentir à bord après le départ de Quent et la réaction qui avait suivi, on pouvait aisément deviner). Toujours est-il que la demi-elfe en question avait décoché un coup de pied dans les parties intimes du rustre suivi d'un coup de poing qui avait propulsé le marin plusieurs mètres vers l'arrière. Après l'évènement, toutes les têtes s'étaient naturellement tournées pour observer la scène.

Les témoins avaient réagi de manières fort variées. Le capitaine Kovack s'était raclé la gorge d'un air distrait sans trop porter d'attention à l'évènement. La plupart des marins étaient restés abasourdis et bouche bée pendant quelques secondes avant d'éclater de rire. L'homme au regard froid qui était monté à bord à Ilizmagorti avait observé la scène sans broncher. La rousse à l'humeur maussade qui elle aussi venait d'Ilizmagorti avait ri — c'était peut-être la première fois qu'elle avait ri depuis qu'elle était montée à bord du Jenivère. Le gnome avait immédiatement interjecté « Oh, ça c'était un coup bien senti. Vous devriez aller vous laver les mains de suite, madame ! » tout en se pinçant le nez. L'érudite Varisienne (à la fois agent secret chélaxien, propriétaire du navire et amante du capitaine), elle, regardait sans comprendre : le nez plongé dans ses livres, elle avait raté la scène. Quant au second, le demi-elfe Anton Dévers, il s'était avancé pour aider le Putois à se relever et avait souris à la femme en disant « Madame, au nom de tout l'équipage, permettez-moi de vous remercier pour cette leçon de courtoisie ! ». La femme en question, elle, s'était contentée de quitter le pont d'un pas décidé. Elle avait regagné sa cabine en n'en était quasiment plus ressortie de tout le voyage.

Six jours plus tard, le 21e jour du mois de Sarénith, le Jenivère arriva aux abords du port de Baie-Sanglante. Si les jungles d'Ilizmagorti, les cyclones de l'Œil d'Abendégo et les pirates des Entraves n'avaient pas suffi à donner un goût exotique au voyage, Baie-Sanglante, leur première destination située dans l'Étendue Mwangi, le ferait à coup sûr. La première caractéristique remarquable fut le changement de couleur de l'eau sur laquelle le Jenivère naviguait. Les nuances de bleu allant du turquoise au bleu foncé avaient cédé la place à des teintes variant entre le pourpre et le rouge foncé. Le capitaine Kovack rassura les passagers : « C'est un phénomène naturel, n'y voyez rien de magique ou d'effrayant. Les eaux du fleuve Vanji véhiculent une grande quantité de fer et c'est cela qui donne cette coloration rougeâtre à ce fleuve ainsi qu'à la mer autour de Baie-Sanglante. » Il ajouta même que, selon ses sources, c'était de là que l'endroit tirait son nom.

Mais si l'étrange couleur des eaux intrigua plus d'un voyageur étranger, le spectacle qui les attendait leur coupa carrément le souffle. Le port de Baie-Sanglante avait en effet été construit sur et autour d'une vaste mangrove dominée par un gigantesque arbre qui devait avoir plusieurs milliers d'années. Des pontons de bois zigzaguaient dans tous les sens pour relier les quais où les navires pouvaient accoster et les nombreux bâtiments construits sur pilotis. Des ponts sinueux suspendus à des lianes et d'autres cordages permettaient d'accéder aux édifices construits en hauteur sur la circonférence du mastodonte végétal. C'est dans cet étrange décor des plus exotiques que le Jenivère vint doucement s'enfoncer.

Baie-Sanglante était une ville animée où on trouvait toutes sortes d'habitants : des Mwangis comme des colons. Le fleuve Vanji ne se contentait pas d'y amener des eaux riches en fer : il servait également d'importante voie commerciale reliant les nombreuses exploitations situées plus loin dans les terres et ce port à partir duquel les trésors prélevés (pillés ?) dans l'Étendue Mwangi pouvaient être acheminés vers les riches collectionneurs avistanais. C'était donc un lieu riche en érudits et étudiants de l'histoire et de la géographie locale, comme les Éclaireurs, mais aussi en pillards et marchands moins scrupuleux, comme le Consortium de l'Aspis. Sans grande surprise, on chargea et déchargea une grande quantité de marchandise des cales du Jenivère pendant l'escale de quatre jours. Deux voyageurs montèrent également à bord du navire à cet endroit : un tianais d'apparence âgée dont les cheveux gris étaient rassemblés en une queue de cheval et qui portait à sa ceinture un magnifique katana qui contrastait avec son armure des plus communes et une femme Mwangi portant divers colifichets tribaux.

Le 25e jour de Sarénith, le Jenivère se remit en route. Le soir du départ, le cuisinier de bord avait dû sans doute trop insister sur les épices (encore plus que d'habitude) pour camoufler le goût de viande avariée ou l'absence totale de goût de sa soupe, de sorte que le second, Anton Dévers, n'avait pu s'empêcher de s'exclamer « Par tous les diables, mais tu veux nous empoisonner, Rambar, c'est… immangeable ! » Le cuisinier s'était contenté de poser bruyamment la marmite sur la table et de quitter le mess. Mais une voix s'était élevée, une voix qui avait coupé court à toutes les conversations, une voix qu'on n'avait pas vraiment l'habitude d'entendre à bord : celle du petit homme au regard froid monté à bord à Ilizmagorti. Il dit simplement « Croyez-moi, mon ami, je suis un expert en ce domaine. Cette soupe n'est pas empoisonnée. » Le reste du repas se déroula dans un silence lourd et sinistre… que personne n'osa briser.

Les jours qui suivirent, le Jenivère se déplaça lentement en suivant la côte ouest de l'Étendue Mwangi et le calme revint à bord. Pour une raison ou pour une autre, de nombreux passagers passaient la plupart du temps dans leur cabine : la demi-elfe sévère de Port-Péril semblait vouloir éviter toute autre rencontre depuis son altercation avec le Putois, le prisonnier chargé à Corentyn restait silencieux et observait le large chaque fois qu'on lui permettait de sortir, l'érudite varisienne restait plongée le nez dans ses bouquins une grande partie de la journée, et même le gnome semblait à court d'histoires à son sujet. Depuis sa remarque lors du repas épicé, tout le monde semblait éviter (encore plus qu'avant) le petit homme au regard froid, et cela semblait lui convenir. Seule la femme d'Ilizmagorti semblait un peu moins maussade que lors de son arrivée à bord. Quant au Tianais de Baie-Sanglante, il aimait visiblement passer du temps à méditer, seul, en regardant les eaux ou la côte qui défilaient paresseusement.

Enfin, le 2e jour du mois d'Érastus, le Jenivère accosta au port de Senghor. C'était une toute autre chose que Baie-Sanglante : ici, la ville était ceinte de murs protecteurs à la fois hauts et extrêmement épais et ornés de buttoirs et de tours de garde, des protections semblables à ce qu'on aurait pu s'attendre à trouver dans les ports-capitales de l'Avistan mais inspirés d'une architecture bien différente. Les voyageurs les plus érudits purent préciser que c'était un des nombreux mystères de l'Étendue Mwangi : on ne savait ni qui avait construit ces protections ni pourquoi, ni même quand… mais une chose était claire : elles semblaient complètement disproportionnées par rapport aux dangers que Senghor encourait, ce qui laissait penser à de nombreux sages qu'il s'agissait là de vestiges datant d'une civilisation très ancienne dont les ennemis devaient posséder d'incroyables navires de guerre.

L'escale à Senghor ne dura que trois jours. Le petit homme au regard froid descendit du Jenivère ici. La plupart des marins et des voyageurs ressentirent comme une sorte de soulagement en le voyant quitter le bord, non pas qu'il se fut montré gênant ou malpoli ni même menaçant (du moins, pas explicitement), mais rares étaient les personnes à qui cet individu ne faisait pas froid dans le dos. Même le capitaine Kovack sembla pousser un soupir de soulagement lors de son départ.

Le 5e jour d'Érastus, le Jenivère reprit la mer pour la dernière fois, en direction de sa destination finale : Éléder. Le capitaine expliqua qu'il fallait suivre la côte puis traverser la Baie du Désespoir pour rejoindre la capitale du Sargava, ce qui devait prendre huit ou neuf jours. Il régnait comme une excitation à bord : le Sargava était la destination de tous les passagers qui étaient encore à bord et, parmi ceux-ci, certains avaient passé plus d'une centaine de jours sur le navire. Sans doute étaient-ils pressés de mettre pied à terre, de découvrir cette nouvelle contrée et ses promesses, ou de retrouver la région qu'ils estimaient être "chez eux".

Ou peut-être étaient-ils simplement impatients d'en avoir fini avec ces soupes immondes sans autre goût que celui des épices ?
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par Dalvyn 16/12/2010 21:46:31(UTC)
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