Welcome Guest! To enable all features please Connexion ou Inscription.

Notification

Icon
Error

Options
Aller au dernier message Aller au dernier message non-lu
Offline Rhajzad  
#1 Envoyé le : dimanche 17 juin 2018 15:19:19(UTC)
Rhajzad
Rang : Habitué
Mécène: Merci de ton soutien !
Inscrit le : 22/10/2013(UTC)
Messages : 1,211
Chroniques de LanceDragon

Campagne Mythique pour 8/12 joueurs de niveau 5 à 15 couvrant la Guerre de la Lance Afin de profiter au mieux de l'histoire, merci de suivre les conseils de lecture qui suivent.
N.B. Les chapitres non retranscris n'empêchent pas de suivre l'histoire principale. Et si certains souhaitent consulter ces vieux parchemins... je (Rhajzad) dois pouvoir les retrouver quelque part... Tongue


Index :
Introductions à lire... avant le chapitre 1 :
- Lunedor, Rivebise et Sturm
- Laurana
- Flint, Tanis et Tasslehof
- Caramon, Kitiara et Raistlin

Introduction à lire après la fin du chapitre 1
- Tika

Chapitre 1 - L'Auberge du dernier refuge

Chapitre 2 - Sur la route de Haven
Chapitre 2bis : Tanis et KitiaraSauvegarde non retranscrite.

Chapitre 3 - Vol vers l'infini... et Xak tsaroth
Chapitre 3bis Lunedor

Chapitre 4 - Xak Tsaroth, le chemin des morts
Chapitre 4bis : la boite de TasslehoffSauvegarde non retranscrite

Chapitre 5 - À l'air... libre ?
Chapitre 5 bis : le temps que les choses se Tass
Introduction Elistan
Sauvegarde non retranscrite

Chapitre 6 - Pax Tharkas

Chapitre 7 - Les dragons de l'espoir
Chapitre 7 bis Chevauchée fantastique
Chapitre 7 ter Traces

Chapitre 8 - Le Pic du crâne
Chapitre 8 - bis En route vers le Thorbardin
[size=3]Sauvegarde non retranscrite


Chapitre 9 - Le Thorbardin

Modifié par un utilisateur dimanche 9 septembre 2018 20:03:14(UTC)  | Raison: Non indiquée

Annonce
Offline Rhajzad  
#2 Envoyé le : dimanche 17 juin 2018 16:05:04(UTC)
Rhajzad
Rang : Habitué
Mécène: Merci de ton soutien !
Inscrit le : 22/10/2013(UTC)
Messages : 1,211
Intro: A la croisée des chemins
Année 348, Brunissement 7, jour du culte, 11ème heure.
Quelque part sur le chemin entre Solace et Que-Kiri...


***

Une légère brise transportait une feuille orangée. Elle virevoltait au gré des caprices du vent. La brise caressa les visages des deux habitants des plaines qui se réveillèrent, abasourdis. Ils remplirent leurs poumons d'un air frais et légèrement humide. L'herbe était sèche et froide au toucher. La dernière chose dont ils se souvenaient était le village de Que-Shu, ses habitants, une lumière bleue, puis... Plus rien. Un silence aussi profond que celui qui les entourait maintenant. Un goût de sang en bouche finit de raviver leur mémoire. Les derniers évènements au village défilèrent devant leurs yeux. Ils avisèrent leur corps, et à la place des bleus et des coupures, ils découvrirent une peau nette... mais les pierres avaient atteint les cœurs plus profondément que les corps...

Le soleil était bien bas et disparaissait doucement derrière les montagnes. Plus précisément derrière la ville de Solace. Le couple aperçut -venant du nord et des plaines- un homme bien bâti qui marchait vers la ville, et donc vers eux. Il portait une armure assez vieille et un casque à cornes. Sa démarche était fière et son pas, sûr...

***

Encore peu de temps et il y serait. Déjà au loin Sturm pouvait voir les énormes vallonniers dépasser largement au dessus des autres arbres. Leurs feuilles luisaient d'un rouge-orangé accentué par les reflets du soleil mourant. Le vent, léger et agréable, rafraichissait le corps du guerrier et de sa longue marche. Mais elle faisait aussi remonter l'odeur mélangée de sueur, de cuir et de métal jusqu'à sa moustache et son nez. Sa main caressa machinalement le pommeau de sa vieille épée froide. La bouche pâteuse et haletante, il n'aspirait qu'à une chose, une bonne chope de bière d'Otik. Encore peu de temps et il pourrait en boire dans une des meilleures auberges du continent !

Ses yeux se plissèrent pour mieux observer le chemin. A contre jour, sa vision était atténuée. Mais il put deviner deux silhouettes se levant à une cinquantaine de pas devant lui.


Rivebise ouvrit doucement les yeux. La lumière l'aveuglait mais ce qui l'inquiétait le plus, c'était son esprit qui ne voyait plus. Un trou noir béant persistait.
Il tourna la tête sur le côté, toujours gisant au sol. L'herbe était fraîche et lui caressait délicatement la joue sous les remous d'une brise de soirée. L'homme se redressa avec difficulté. Une main sur la tête, il tentait de faire disparaître cette migraine qui le tiraillait. C'est là qu'il aperçut le bâton ayant perdu ses étranges lueurs azurées posé à côté de lui. Il s'en saisit et un flash le frappa.

Que Shu... Lunedor... Epreuve, long voyage... Humiliation, lapidation... Une lueur bleue... Puis... plus rien...

C'est alors que Rivebise entendit une faible plainte sur le côté. Une femme magnifique, la peau blanche et les cheveux aux reflets dorés, était étendue sur l'herbe et semblait émerger elle aussi d'un long et douloureux traumatisme.

Lunedor !

Le puissant homme se réveilla complètement, se mit debout et se dépêcha à ses côtés. Il s'agenouilla tout près, et délicatement, il posa la paume de sa main sur une des joues de la belle, caressant doucement du bout de ses doigts les doux cheveux dorés aux nattes étalées au sol. Il la fixait de ses pupilles qui se réhabituaient peu à peu à la lumière du simple jour, après l'aveuglant éclair bleuté. Puis son regard se déplaça sur le corps de la femme. Aucune blessure n'était présente, ou presque : juste une, au milieu du front... Rivebise fut soulagé : même si il savait clairement que ce n'était pas le cas à l'intérieur, elle était visiblement en bonne santé. Puis, c'est lui qu'il examina à présent, remarquant la même absence de blessure... ou du moindre hématome !?

Il sourit enfin à sa douce. Il tendit son bras libre devant lui, le proposant à Lunedor comme appui pour se redresser.
Mais Rivebise tourna la tête. Quelque chose n'allait pas. Au loin, une silhouette s'approchait...

Le voyage avait été long. Sturm n’avait cessé de marcher durant cinq ans. Le nord, la Solamnie, il avait encore en mémoire ces vastes régions où il n’avait connu que l’échec. La chevalerie était déchue, les dieux absents, le domaine de Vingaard à l’abandon et son nom ruiné par les dettes.

Autrefois son pas était léger, aujourd’hui l’héritier de Lumelane portait sur ses épaules le poids de sa misère. Littéralement. Une armure de plaques ancienne, mais bien entretenue, recouvrait désormais son corps. C’était, avec son épée et son bouclier de bois, les seuls biens laissés par son paternel. Comme prisonnier d’un héritage trop pesant, Sturm avançait désormais d’un pas lourd.

Solace. Elle n’était plus très loin maintenant. Là-bas les autres l’attendaient. Le guerrier avait confiance en leur loyauté. Même après cinq ans, ses compagnons honoreraient leur serment. Plus que quelques pas avant de savoir. Peut-être que l’un d’entre eux avait réussi ? Pour retenir son impatience Sturm frictionna le bout de sa longue moustache brune. Tant d’espoirs concentrés en un seul objectif. S’il échouait encore… Non ! Cette fois ci il n’échouerait pas. Peu importe ce que cela puisse coûter. Dut-il errer sur le monde jusqu’à mourir de fatigue...

Il pressa son pas. Tant de souvenirs ici. Ils rejaillissaient au fur et à mesure du chemin. Il tenta de se rappeler du visage de chacun avant leur séparation. Il eut un sourire. Le premier depuis trop longtemps. Mais presque aussitôt il retrouva son air grave. Le visage de Kitiara lui était venu à l’esprit. Elle ne viendra pas, pensa-t-il. Du moins il l’espérait tout autant qu’il le craignait.

Le contre jour lui faisait mal yeux. Il mit sa main devant son casque à corne pour se protéger de l’éblouissante lumière du soleil. Devant lui deux silhouettes se tenaient sur le bord de la route. C’était probablement des voyageurs. Sturm les salua d’un signe tout en continuant sa marche.


La jeune femme commotionnée marmonnait en s'agitant :



La complainte de Rivebise

« Rivebise va mourir... !
Rien ne pouvait être pire !
C’était cette certitude inaffrontable,
Cette terrible vérité,
Cette injustice insupportable
Qui m’avait fait sauter !

Rivebise était revenu !
Secoué, épuisé, de douleurs perclus ;
Redressé devant Arrowthorn en un défi muet,
Brandissant bâton sculpté en vainqueur inattendu.
Prêt à briser sur le champ nos usages désuets
Pour moi, me prouvant son amour… et son étendue.

Rivebise va mourir ! … Avec moi !
Dans la fosse des condamnés, selon la loi.
Vous vouliez faire de moi votre déesse :
Autant alors m’arracher les yeux !
Impies, rendez moi aveugle à votre faiblesse :
Écrasez en moi esprit des aïeux et parole des dieux !

Rivebise restera derrière moi, et mes imprécations !
La première pierre fut lancée à mon front.
Donnant sans fléchir le signal de la lapidation,
Le chef Que-Shu jeta dans la fosse le bâton.
Sans hésitation, Rivebise l’attrapa ;
Dans le brouillard son bras protecteur m’entoura,

Rivebise… ne mourra pas… sans moi !
Me recroquevillant sur le grand sceptre de bois,
Sous l’avalanche qui déchirait nos corps,
Je l’étreignais sans remord.
Dans ses bras,
Dans mes bras...

Rivebise mourra vainqueur…
Je lui offre mon âme et mon cœur !
Père, et tous les autres, puissiez vous vous pardonner !
Mon aimé, je suis désolée…
Larme de sel et de sang mêlée
Sur bâton, nous fit disparaître, dans un éclair bleuté... »


Un bras protecteur…
Main douce contre la sienne… bonheur !
Un murmure inquiet…
Allongée sur tapis d’herbes sèches… douillet.
Paupières brutalement levées…
Regard à jamais teinté de cet éclair bleuté,
Lunedor jaillit du sol, sautant au cou de son fiancé :
«  Rivebise ! Tu ne m’as pas abandonnée !  »
La svelte nomade pressa contre son aimé
Son corps, ses bras, ses lèvres,
S’y soudant voluptueusement en un baiser
Gorgé d’amour et plein de fièvre…
Qu’il n’était pas près d’oublier !
Un moment d’éternité…
Avant qu’arrive l’étranger.
Bannie et en fuite, épuisée et heureuse, elle rit franchement,
Son destin devant elle et Rivebise… vivant !

Rivebise

Pour une fois, malgré l'apparent danger que pouvait représenter un étranger, Rivebise se laissa aller. Étreignant cette femme dont il se demandait encore comment il avait pu en conquérir le cœur, il profita de cette chaleur qui le troublait tant.

Le moment sembla durer une éternité et pendant ce temps, toute pensée négative de Rivebise disparut. Enfin, après épreuves éprouvantes physiquement autant que moralement, la plénitude tant attendue était là. Mais un bruit sourd ramena le guerrier sur terre. Un individu s'approchait.

Sans dire un mot, il décolla lentement ses lèvres de celles de Lunedor et tourna la tête. Un grand homme arborant armure et fière moustache passait. Rivebise le toisa avec agressivité et méfiance, se déplaçant machinalement sur le côté, petit à petit, afin de rester juste entre Lunedor et l'individu. Puis pour le dissuader totalement d'intentions malhonnêtes, Rivebise se mit debout pour laisser découvrir son immense carrure.

L'étranger fit un signe de tête: un simple salut. Le danger n'étant pas présent, Rivebise ralentit sa respiration et s'empressa d'aider sa douce à se relever.

Lunedor

Revenant sur terre de corps et d'esprit, la princesse bannie était aux anges.
Elle se redressa à l'invite du colosse aimé, reprenant contact avec la réalité.
Se plaçant aussitôt à son côté, elle inclina la tête vers le nouvel arrivé, écartant les mains en un universel salut désarmé.
Et plongea la sonde de son regard d'azur, apte à lire en les âmes*, dans les yeux du sombre moustachu, lui demandant en souriant :
« Bonsoir, messire, accepteriez vous d´éclairer deux étrangers fatigués et perdus ?
Quel est ce chemin ? Quelles proches étapes nous permettraient repos et hébergement ?...  »

Elle manqua défaillir, portant main à son front...
Véritablement épuisée, même si étonnamment intacte, sauf... cette marque définitive au milieu du front, de la première pierre encore vive, laissant filet de sang couler vers son nez... pour ne rien oublier !


Sturm

La route s’approchant des silhouettes, Sturm finit par mieux distinguer les deux voyageurs. Des gens des Plaines. L’homme était un géant, la femme une splendeur. Un couple étrange. Étrangement harmonieux.

Pleinement plongé dans ses pensées, le chevalier en fût sorti par l’appel de la fille aux cheveux d’or. Cette voix. Il stoppa net sa marche. Cette voix était un miracle. Il se tourna vers elle. Beauté fascinante. Au regard dur de l’homme à la peau brune, Sturm comprit qu’il était resté trop longtemps à observer la dame. Pour compenser la gêne de ce silence malvenu, le chevalier se lissa ses longues moustaches. Il essaya de répondre mais aucun son ne sortit. Cela faisait des jours qu’il n’avait parlé à personne. Puis cheveux d’or se porta la main au front et sembla défaillir. Quand il vit le petit filet de sang lui couler sur le nez, Sturm bondit vers elle pour la soutenir mais l’homme des Plaines, plus prompt, s’en était déjà occupé.

«  Damne ! Que vous arrive-t-il voyageurs ? Êtes-vous malades ?  »

Lunedor

Un brouillard devant les yeux, Lunedor sentit le soutien de Rivebise, qui faillit en lâcher le bâton mystère...
« - Non !  »cria t'elle...
Puis se ressaisissant, s'appuyant lourdement sur le bras offert, elle s'excusa, auprès de son homme, comme de l'étranger, tous deux inquiets :
« - Pardonnez moi, messire... ça va aller, mon beau pâtre, nous n´avons rien à cacher...  »
Se redressant en essuyant tâche vermeille, avec futile envie de miroir et d'eau fraîche, la blonde charismatique porta main à sa poitrine, en reprenant :
« - Je suis Lunedor, princesse des Que Shu... enfin... plutôt ´Ex-´ princesse dé-chue...  »
Cela lui déclencha un franc sourire, avant qu'elle reprenne :
« - Et voici Rivebise, nous venons de nous fiancer... contre l´avis des autorités des Plaines. Victime d´injustice flagrante, d´abus d´autorité...  »
Son ton était monté, elle commençait à trembler... ferma les yeux et soupira, avant de reprendre calmement :
« - Nous avons été blessés... bannis... nous sommes échappés... par miracle... destin nous a mené ici, à croiser votre chemin... puis je vous demander de nous aider ? Je ne saurai vous expliquer, messire, mais nous pourrons en parler, si vous le souhaitez, je ne crois pas que vous soyez là par hasard... seul en cette antique armure, avançant d´un pas pressé... mais plutôt par impérieuse nécessité, qui est en train de vous mener !?!  »

Sturm recula d’un pas et devint soudain méfiant. La femme parlait trop, elle racontait n’importe quoi. Aurait-elle simulé un malaise pour lui faire baisser sa garde ? Un couple de brigands jouant les voyageurs perdus. Une paire de roublards se faisant passer pour les princes d’une quelconque tribu des plaines afin de mieux dépouiller leurs victimes.

Non… Non, les yeux de « Lunedor » étaient honnêtes et naïfs. Peut-être était-ce la coutume de ces gens, d’étaler ainsi leur vie au premier étranger venu. Sturm ne connaissait que trop peu la culture des tribus des plaines. Il avait voyagé seul trop longtemps. Sa quête lui avait dévoré l’esprit et il avait maintenant beaucoup de mal a redevenir sociable. Ces gens là n’étaient pas hostiles. Juste perdus. Il finit par s’en convaincre en voyant les regards amoureux que se lançaient les deux oiseaux.

Posant son poing sur son cœur et inclinant légèrement la tête en signe de respect, le chevalier finit par répondre.
«  -Mon nom est Sturm de Lumelane voyageurs. Vous êtes sur la route qui mène à Solace. Là où moi-même je me rends. Si vous cherchez un gite pour la nuit, il y a là-bas une auberge des plus agréables. Selon votre souhait, je peux vous y conduire.  »

Rivebise

Qui était donc cette homme ? Rivebise n'en savait rien, mais d'après son accoutrement, certainement un guerrier. Ce n'est pas le genre de question que Lunedor se posait avant d'agir, comme si la confiance pouvait être donnée à n'importe qui.
Mais c'est quelque chose qu'admirait beaucoup Rivebise chez elle. Si elle n'avait pas provoqué leur rencontre, il ne serait pas avec elle aujourd'hui et sa vie aurait continué en absence de sens...

Quoi qu'il en soit, face à la faiblesse de la belle aux cheveux dorés, plusieurs fois le guerrier avait tenté de s'approcher pour lui venir en aide. Mais il ne suffit que de quelques regards pour le dissuader d'avancer.
L'heure était grave. Lunedor avait tout de même gardé des séquelles de leur altercation à Que Shu. Et pour Rivebise, ses blessures sont les siennes, ses larmes sont les siennes, bref, leur peine est la même. Il fallait trouver un lieu sûr pour qu'elle puisse récupérer, et dehors n'était pas une bonne idée, surtout quand on ne connait pas les environs.

Le puissant guerrier hâlé dut se contraindre à accepter les vœux de sa douce, et donc à suivre le fier moustachu jusqu'à cette fameuse auberge.

Il acquiesça rapidement d'un signe de tête en direction de l'homme. Puis délicatement, il se baissa quelque peu, passa le bras de la belle autour de son cou, et de son bras libre, il empoigna l'arrière de ses jambes aux courbes délicieusement galbées. D'un geste sûr, mais rempli de délicatesse, il souleva Lunedor. Maintenant dans ses bras, il la fixa un instant. Il s'attendait à une désapprobation de sa part, comme quoi elle ne voudrait pas le laisser marcher tout seul, ou qu'il ne devait pas être le seul à faire d'efforts...
« - Ce n´est pas discutable.  »
Rivebise ouvrit ainsi la bouche pour la première fois devant le guerrier. Puis, il sourit doucement à l'ange entre ses bras, avant de commencer à avancer vers leur guide afin que ce dernier les escorte jusqu'à cette fameuse auberge.

Lunedor

Si dans cette direction, l’ouest, ils allaient vers Solace… ils n’avaient pas le choix : à l’autre bout de la route, il y avait Que Kiri et le début des Plaines d'Abanasinie... territoire Que Shu !
Arrachée à ses pensées, Lunedor sentit la douce étreinte… derrière ses genoux ?!?
Et avant d’avoir pu protester se retrouva dans les bras de Rivebise. Le fier guerrier n’était pas loquace, mais avait l’art de la formule.
Sa franchise sans fioritures lançait abruptement sa pensée, toute en droiture. C’était d’ailleurs à l’origine de leurs ennuis, quand le berger sans fortune osa déclarer sa flamme pour la fille d’Arrowthorn, s’opposant au destin tracé qui devait faire d’elle le sujet du culte des Que Shu…
Si ce n’était pas discutable… ça ne l’était pas… pour l’instant.
Il n'était pourtant pas en meilleur état qu'elle, bien que ne portant aucun signe de blessure : elle démasquait sans erreur la pâleur en son visage bronzé, les joues creusées par les épreuves, les yeux fatigués... il devait être épuisé, mais elle savait comment le soutenir, sans entamer sa fierté :
« - Je peux marcher, tu sais… mais je suis tellement mieux au creux de tes bras…  »
Malgré son propre épuisement, elle rit doucement en ajoutant :
« - Pardonnez nous, sieur Lumelane, nous sommes très fraîchement fiancés… et il est très possessif. »
Se méprenant sur l’humeur sombre irradiant du moustachu vétéran, elle ajouta, avec prudente diplomatie :
« - Nous ignorons les usages en votre région, n´y voyez pas offense. Si vous voulez bien nous montrer où trouver refuge, nous pouvons vous dédommager… »

Sturm

Sturm admira l'action du dénommé Rivebise. A sa manière, primaire, il prenait soin de sa femme visiblement diminuée. Le géant mettait sa force au service de sa dame, c'était respectable. Avançant sur la route en direction de Solace le chevalier replongea dans ses souvenirs. Sturm n'était pas quelqu'un de très loquace. Il ne parlait qu'avec mesure. Quand cela s'imposait.

Un instant les paroles de Lunedor lui revinrent en tête. Elle avait parlé de destinée, c'était étrange. Sa quête obsessionnelle lui faisait ramener tout à ses recherches. Il voulut leur poser des questions. Avaient-ils des dieux là-bas, dans les plaines ? Avaient-ils vécu des choses mystiques ? Des expériences divines ? Possédaient-ils des reliques ? Peut-être plus tard. Il poserait ces questions plus tard.

Les grands arbres de Solace étaient maintenant en vue. Cela émut Sturm.

«  - Nous y sommes. Enfin. »

Rivebise

Rivebise avait ainsi marché. Il avait beau être fort et imposant, il avait beau avoir récupéré de ses blessures, la fatigue était là. Ses bras commençaient à se lasser de porter Lunedor. Mais il prit sur lui. Il devait la mener là où elle pourrait se reposer, elle en avait besoin. Lui aussi d'ailleurs. Pour toutes les fois où il avait fixé le regard de sa belle durant le trajet, il avait remarqué son reflet dans les prunelles étincelantes. Les joues maigres, le visage plus pâle que d'habitude. Rivebise n'était pas dans son meilleur jour, loin de là.

Mais les paroles de Lunedor vinrent caresser ses oreilles derrière ses cheveux emmêlés et décoiffés. Des mots si doux, il ne pouvait retrouver que la force. Il se redressa de nouveau et resserra son étreinte qu'il avait tendance à laisser aller au fur et à mesure que la fatigue se frayait un chemin dans les puissants muscles du guerrier.

Mais enfin, Solace était en vue. L'auberge ne devrait plus être loin et Rivebise touchait à la fin de son effort.

Il regarda Lunedor une dernière fois et lui sourit délicatement.
« - Nous y voilà...  »

Lunedor

Lunedor chantonnait pour soutenir son athlétique porteur... une main autour du cou caressant les boucles brunes, l'autre serrant contre elle le grand bâton finement sculpté, tandis qu'elle récitait d'un murmure inspiré, tendre mélopée pour le trio improbable uni par la destinée :.


La chanson de Lunedor

« Dans les prairies sans fin chante l´été.
Triste princesse aux boucles dorées
Aime le fils d´un roturier.
Grand chef nomade, son père rusé,
L´un de l´autre les a éloignés.

Dans les prairies sans fin chantait l´été,
Sous le vent ondulent les plaines séchées.
De lourds nuages gris, le ciel va se franger.
Au loin Rivebise a été envoyé.
Loin, très loin à l´est, en région inexplorée.

Pour trouver l´objet magique et sacré,
A l’aube du monde, créé !

Sous le vent ondulaient les plaines séchées,
De lourds nuages gris, le ciel est frangé.
O Rivebise, où t´en es tu allé?
L´automne va venir, ô mon aimé !
Assise au bord de la rivière argentée,
Je surveille le soleil à son lever,
Mais il s´élève seul, encore, en cette matinée.

Meurent en ces plaines les herbes desséchées,
Tandis que disparaît le vent d´été.
Il revient alors épuisé, l´esprit marqué, et effacé,
Yeux lourds comme de la noire obsidienne imprégnés,
Chancelant mais vivant, et porte à son côté,
Bâton d´azur limpide comme un glacier... »


Elle sortit de sa transe à la déclaration de son porteur, vivifiée, et le gratifia d'un rapide et délicieux baiser...
profitant de l'abandon ainsi provoqué pour sauter souplement à terre.
Leur respectable guide avait gardé silence, imperturbable et perdu dans ses propres pensées...
Oh ? Son action lui avait arraché un discret haussement d'un sourcil aussi broussailleux que sa brune moustache... Etait-ce le baiser ?...Elle devrait peut être modérer ces manifestations en public, les autres peuples étaient si... coincés !
Ou peut être l'interruption brutale de la ballade qu'elle venait d'inaugurer ?

« - Ah ! C´est comme si j´avais voyagé en carrosse princier !  »déclara t'elle avec un espiègle sourire vers son colosse, aussitôt ragaillardi. « Sieur Lumelane, pouvons nous abuser de votre générosité, et vous demander de nous conduire à l´auberge dont vous parliez, nous vous devons bien un verre... ou autre spécialité ! »
Elle passa un bras autour de la taille de son compagnon épuisé, tant pour le revigorer que lui faire retenir toute objection (c'était son tour de lui signifier que "ce n'était pas discutable !") lui confiant de l'autre main le grand bâton, avec... une curieuse hésitation pour s'en dessaisir.

La suite au chapitre 1...

Modifié par un utilisateur dimanche 17 juin 2018 16:16:29(UTC)  | Raison: Non indiquée

Offline Rhajzad  
#3 Envoyé le : dimanche 17 juin 2018 16:13:59(UTC)
Rhajzad
Rang : Habitué
Mécène: Merci de ton soutien !
Inscrit le : 22/10/2013(UTC)
Messages : 1,211
Intro : Une jeunesse trop vite achevée...
Année 348, Brunissement 5, jour du négoce ailé, veille mâtine.

***
Le sol était recouvert de douces feuilles. Tout le chemin en était parsemé. Un chemin? Seuls les habitants du Qualinesti étaient capables de voir que ce tapis écarlate formait un sentier. Elle avait souvent pris cette route qui menait hors de Qualinost en direction des collines boisées du nord jouxtant les plaines de Que-shu. Mais jamais elle n'avait prétendu sortir de cette forêt ancestrale. Au sommet d'un à-pic, elle lança un dernier regard vers la fabuleuse cité de Qualinost. Après, les monts cacheraient à tout jamais la ville de sa vision. Elle regarda une dernière fois les quatre fines tours qui ornaient les coins de la ville, telles des flèches scintillantes. Les pierres marbrées de blanc et d'argent des tours se reflétaient même dans la lueur des étoiles et de Solinari, la lune des robes blanches. Il n'y avait pas de murailles, et seules des arches délimitaient la ville de la forêt. Mais au fond, il n'y avait quasi aucune différence. La ville s'ouvrait dans la forêt. Quelques murs en quartz rose dépassaient ou se mêlaient aux arbres.

En dernier, ses yeux se posèrent sur la tour du soleil. Demeure de l'orateur du soleil, son père... Elle détourna son regard, et le vent lui arracha une larme.

***

Année 348, Brunissement 7, jour du culte, 12ème veille

Cachée sous une cape, une silhouette se déplaçait rapidement. Le soleil avait disparu derrière les montagnes, et seule sa lumière témoignait encore de son éclat. La traversée du défilé de Solace s'était déroulée sans accroc. La rivière en contrebas faisait remonter une légère brume entre les monts. La descente avait été beaucoup plus rapide que tout le reste de la route. Son cœur battait à tout rompre dans son torse lorsqu'elle découvrit la beauté du spectacle que lui offrait la vallée de Solace. Son peuple avait toujours aimé les arbres, et ces valloniers étaient des arbres majestueux. Perdue dans ses idées, elle n'aperçut pas tout de suite les deux gobelins qui gardaient le pont. Seul moyen d'atteindre Solace à moins d'être très doué pour la nage ! Le flot et le rugissement de la rivière distribuaient un air froid qui faisait frissonner même à plusieurs mètres des eaux.

Les deux affreuses créatures reniflaient et toisaient la nouvelle venue. Leur bouche se tordit pour exprimer ... de la haine ? un sourire ? Jamais elle n'en avait rencontré. En tout cas elle avait suffisamment entendu parler de ces créatures foncièrement fourbes et mauvaises...

Le vent fouettait le visage de la jeune elfe, celle-ci au galop allait avec détermination à son but. Il était là, tout proche, enfin..
Certes, elle avait jeté un dernier regard vers cette prison qui l'avait si longtemps tenue enchaînée à la couronne.
Certes, elle avait eu une dernière pensée pour ses parents dont l'amour avait fait office de geôlier.
Certes, elle avait pleuré.
Car oui, elle était triste, elle se sentait effrayée par ce monde inconnu et aussi par sa propre audace. Les larmes avaient coulé pour sa mère, son père et son frère mais aussi pour elle car inconsciemment elle savait qu'elle ne serait plus jamais la même, même si ce changement ne faisait que débuter.

Il vient un temps dans la vie, commun à tout les êtres vivants où il faut quitter l’œuf, se libérer, ouvrir ses ailes ou ses pétales, quitter la chaleur douillette du terrier pour sentir la morsure du froid, la douleur et la tristesse... en un mot : vivre. Plus d'armure, plus de chrysalide, il est l'heure pour le papillon de voir le monde, de commencer le processus inexorable, commencer à brûler sa vie au contact de l'univers.

Laurana ne le sait pas, elle n'est encore qu'une enfant mais poussée par un sentiment impérieux, un instinct primitif, elle commence à vieillir. Elle a brisé ses chaînes que pourtant elle aimait plus que tout et dévorée par la passion, elle a déployé ses ailes et s'est envolée.

Elle galope, vers un horizon sans limite, chaque sensation est une nouveauté, chaque sentiment a une puissance redoublée, elle découvre tellement, c'est pour elle comme une deuxième naissance. Elle se sent perdue comme dans une mer immense qui la porte dans son chaos de sensations mais elle voit un phare là-bas, elle sait qu'elle doit rejoindre sa lumière, elle veut y brûler à tout prix et ne se soucie pas de se briser sur les récifs. Son phare c'est Tanis et rien ne pourra l'arrêter, elle est portée par des ailes invisibles qui la propulsent vers son but, la tête pleine de son image, elle savoure par avance son plaisir.

Mais elle s'arrête et regarde deux horreurs verdâtres comme deux erreurs dans le paysage de pur bonheur qu'elle parcourait. Elle s'étonna de ce qu'ils stoppent son élan ne comprenant pas qu'on puisse vouloir l'empêcher de rejoindre Tanis alors qu'elle était si proche de lui.

« - Laissez-moi passer, gobelins, je suis armée et sais me défendre mais je suis pressée et consens à vous laisser une pièce si vous déguerpissez immédiatement.  »



Les deux gobelins se regardèrent mutuellement, puis leurs affreuses faces convergèrent vers l'elfe. Un des deux prit la parole : «  Une pièce ? Si toi proposer une pièce, toi pouvoir en donner plus !  »
Les deux sourirent, exhibant leurs dentitions marbrées de blanc et de noir, et émaillées de quelques vides...
« - Rester combien de jours? Toi descendre de cheval.  »

Venant de la ville, trois humains se dirigeaient vers le pont. Laurana, grâce à sa vue perçante, observa les armures de cuir clouté sales et les cheveux gras des trois humains. Sortir à cette heure-ci de la ville? C'était pour le moins surprenant... Eux aussi virent la femme. Et leurs yeux pétillants avaient deviné la beauté se cachant sous sa cape. Un sourire carnassier fendit leurs lèvres gercées. Ils accélérèrent.

Le gobelin s'était à présent rapproché et attrapa les mors du cheval. «  Oh, toi sourde? Moi demander toi descendre de cheval et donner à nous pièces d´acier pour passer ! Allez !  »

Voyant la détermination de la belle voyageuse, le gobelin cracha au sol : «  Bah, toi juste donner pièces et partir !  »

Le monde entier s'était donc mis d'accord pour l'empêcher de voir Tanis ou bien était-il seulement constitué de monstres, de prisons et de vagabonds lubriques ? Laurana voyait les visages grossiers et sales de ces hommes et elle n'avait aucun doute sur leurs intentions pour avoir déjà vu tant de fois cette expression, ils la désiraient et ne prendraient probablement pas le temps de discuter.

Elle était dans une impasse, il était hors de question qu'elle fasse demi-tour et pourtant elle ne se sentait pas de taille à faire face, seule, à trois hommes. Puis son regard descendit sur les deux petites créatures qui réclamaient à grand renforts de cris stridents leur pièce. Voilà la solution.

« - Hey mes amis, si vous m´aidez à débarrasser le pont de ces trois hommes qui s´en viennent et qui me veulent du mal, je vous donnerai le double de ce que je vous ai promis tout à l´heure et vous pourrez garder leur butin pour vous seuls. Qu´en dîtes vous ?  »
Qui l'eut cru : la princesse Lauralanthalassa Kanan tentant de s'allier avec des gobelins ?

Le gobelin se retourna pour voir les hommes qui arrivaient de l'autre côté du pont. Il les toisa quelques secondes avant de se retourner vers l'elfe. « - Hum, nous pas vouloir d´ennuis, toi garder ton argent et circuler !  »

Il relâcha le cheval, puis rejoignit son collègue de garde. Nerveux, ils lançaient tour à tour des regards depuis les humains vers l'elfe, et vice-versa. De gestes frénétiques de la main, ils lui faisaient signe de déguerpir.

Le cheval tapa du sabot dans la terre. Lui aussi sentait le danger immédiat. Il était visiblement prêt à en découdre. Les hommes ralentirent à peine leur marche...
« - Alors contentez-vous de ne pas me gêner, couards !  »

Laurana sentit son cœur battre plus vite, elle savait se battre, naturellement ! On lui avait appris, mais le danger réel, le regard effrayant de ces hommes, c'était autre chose qu'un simple entraînement. D'un geste, elle saisit une pièce de sa bourse et la jeta à quelques mètres, une seule pièce pour deux gobelins, voilà qui les occuperait le temps du combat.

Puis elle mit son casque sur ses cheveux ébouriffés par le vent, elle saisit son bouclier dans la main gauche et de la droite elle attrapa sa lance. Les hommes seraient bientôt à portée. L'elfe respira un grand coup, elle tremblait un peu. La lance fut levée puis fut d'un geste rapide propulsée vers celui des hommes qui se trouvait au centre.

Sa main n'avait pas failli et, malgré la peur, la lance suivit sa funeste trajectoire.

Les gobelins regardaient la pièce rouler à quelques pas d'eux. Leurs yeux pétillaient, mais se plissèrent rapidement. Les deux têtes se tournaient maintenant l'une vers l'autre, puis, en un éclair ils se lancèrent sur la pièce d'acier à l'aide de coups de poings et de griffes.

Au loin, les trois hommes à la mine patibulaire ralentissaient prudemment leur marche. Leurs yeux roulèrent des gobelins à la femme elfe. Ils échangèrent quelques mots entre eux puis reprirent leur marche plus doucement. Ils s'écartèrent l'un l'autre de deux pas. Celui de droite arborait une cicatrice qui coupait en deux son visage. Au milieu, un barbu au poil noir souriait. Mais aucune de ses dents n'était visible. Le dernier, bien plus jeune que les deux autres, flottait dans une armure un peu trop grande pour lui.

Le gobelin qui s'était adressé à Laurana mordit dans l'épaule de l'autre qui lâcha un cri. Et le premier récupéra la pièce avec un petit rire narquois.« (En gobelin) ça t´apprendra vermine !  » Le perdant grimaça en se massant l'épaule. C'est à ce moment que la fille de l'orateur envoya sa lance sur un des hommes. Aucun d'entre eux ne s'était attendu à une si rapide attaque. Et certainement pas celui du centre. La lance vint se figer dans son épaule droite qui fut projetée en arrière. L'homme était stoppé sur place avec un cri de douleur. Le sang commençait déjà à se propager sur sa tunique sous son armure de cuir clouté. Il tomba à genoux, et le jeune comparse vint le soutenir. Le balafré tira son épée courte et la colère se profila sur son faciès. Il se mit à crier et à charger vers la belle.

Les gobelins, surpris, avaient tourné leurs yeux vers Laurana. Le vainqueur des deux dit : « - Nous aider toi contre argent, d´accord ?  »
Sans attendre de réponse, les deux tirèrent leurs épées courtes et se placèrent de part et d'autre de Laurana. Ils ne voulaient pas se prendre la première frappe du bandit ! Mais à trois contre deux et demi... Il n'était plus question de courage, mais de savant calcul.

La cavalière tressaillit lorsque la lance se planta dans l'épaule du barbu, elle ne savait si c'était de la joie, de l'euphorie due à la montée de l'excitation en elle ou la simple vue du sang dont elle n'avait pas l'habitude. Après un court instant d'hébétement, passé à s'étonner de son geste, elle tira à son tour son épée.

Les deux gobelins avaient finalement décidé de se battre avec elle, la princesse se sentait rassurée, elle n'était plus seule.
« - Soyez certains que vous serez récompensés pour votre courage.  »

Le balafré était surpris de voir les deux insectes aux côté de l'impudente. Mais dans sa colère, la prudence fut sacrifiée sur l'autel de la vengeance. Il chargea la "femelle". «  AAAAARRRHHH !!!  »

Et il abattit son épée dans la cuisse de la belle. La lame, froide et douloureuse s'enfonça plus profondément qu'elle aurait cru possible. La douleur encore inconnue était atroce...

Un cri strident s'échappa de la bouche de la belle elfe, la douleur était insupportable ! Une horreur absolue qui oblitérait toute pensée. Une douleur qui finit par laisser la place à un autre sentiment atroce, la soif de vengeance.

Le sang coulait le long de sa jambe et la cavalière souffrait horriblement mais pour se soulager elle aussi ferait couler le sang.

Un sourire sadique était apparu sur le visage torturé de l'humain quand sa lame s'était enfoncée dans la cuisse de l'elfe. Les gobelins -face à la puissance du coup- avaient même hésité un instant, prêts à reculer. Mais la frappe de la jeune elfe avait eu pour effet de transformer le sourire en douleur et de redonner confiance aux gobelins.

Sa lame s'était enfoncée dans le côté du balafré. Elle avait transpercé le cuir sans ménagement, et le sang s'écoulait à présent de la plaie. L'épée de Laurana était -pour la première fois- maculée de sang. Une giclée de ce sang était venue maculer la cuirasse encore toute brillante.

Le barbu fit signe au jeune, et ce dernier retira son épée de son fourreau, puis se déplaça pour prêter main forte au balafré. Le blessé retira la pointe de la lance en étouffant un petit cri, puis il décampa discrètement en direction du lac, laissant ses deux comparses et l'arme en arrière...

Les gobelins ne pouvaient espérer meilleure fortune ! Ils frappèrent le balafré avec leurs petites épées courtes.
Le gobelin "mordu" réussit à donner un coup puissant sur le crâne du blessé, taillant une deuxième cicatrice sur son horrible visage. Quoique pour un gobelin, celui-ci n'était pas si moche... L'autre lâcha presque son épée, sans doute un peu effrayé par le jeune humain venu se camper devant lui.

Le balafré recula rapidement -mais en faisant très attention- car ses blessures le faisaient souffrir. Il n'avait vraiment pas envie de mourir. Il se retourna et vit que son "compagnon" avait pris la poudre d'escampette. Il grogna et murmura une insulte, et se mit en tête de fuir le plus loin possible...

Laurana avait senti son épée pénétrer les chairs du balafré et elle y avait pris un certains plaisir, mais déjà il s'enfuyait remplacé par un jeune homme, l'elfe allait le frapper mais elle arrêta son geste ravalant sa colère, son bras retenu par la pitié. Elle se contenta de lui hurler :
« - Lâche ton épée ou vois ce qu´il va advenir de toi !  »

Sur ces mots, Laurana frappa les flancs de son cheval ce qui eut pour effet de lui arracher une grimace de douleur et s'engagea sur le pont à la poursuite du balafré. Car la fureur du combat était toujours en elle et ce qu'elle avait épargné au jeune, elle allait l'offrir au fuyard qui l'avait blessée, qui avait osé toucher son auguste corps et y laisser sa marque. Il avait osé verser noble sang, il fallait qu'il paye. Elle leva son épée et chargea le balafré.

La jeunesse... est pleine de fougue ! Le jeunot n'écouta pas les bons conseils de l'elfe, mais au contraire profita qu'elle lui tourne le dos pour frapper Laurana. Sa lame vint se cogner sur la cape puis la cuirasse de la guerrière. Un petit son de ferraille retentit. Mais ce son n'inquiéta pas la cavalière qui, toujours montée, se précipita vers le fuyard ! Le cheval reniflait au rythme de ses sabots qui frappaient le sol. Les mouvements de la monture parfaitement en harmonie avec le corps de sa cavalière vinrent percuter le balafré. Les sabots s'enfoncèrent dans les mollets du vilain qui tomba à genoux en hurlant. Mais le cri ne dura pas plus d'un instant, car une lame fit craquer les os du crâne et le sang se répandit sur le sol. Le corps sans vie s'effondra avec un bruit sourd.

Le barbu, effrayé, retrouva une énergie bien enfouie et prit ses jambes à son cou. Il regardait parfois en arrière, apeuré.

Le jeunot tenta de frapper un des gobelins, mais sa lame vint se planter dans un petit bouclier en bois. Le choc fut accompagné d'un petit rire sournois alors que le deuxième gobelin se plaçait derrière le voyou. Les deux affreux s'amusèrent à piquer l'humain avec leurs petites épées mal affûtées. Telles des piques non mortelles, mais terriblement décourageantes, venues annoncer la lente fin d'un insecte pris dans une toile d'araignée...

Laurana voyant le corps s'effondrer à ses pieds fut soudain envahie par une foule de sentiments contradictoires qu'elle ravala aussitôt, il fallait agir vite. Elle revint sur ses pas et intima l'ordre aux gobelins de laisser le jeune homme puis elle s'adressa à celui-ci :

« - De tes deux amis, l´un est mort et l´autre est gravement blessé, le simple fait que tu aies essayé de me frapper alors que j´avais le dos tourné, que tu aies pensé pouvoir jouir de moi comme de n´importe quelle femme est déjà en soi un crime qui mériterait la mort... mais je consens à te pardonner : lâche ton épée et sers-moi de guide. Sinon tu serviras d´entrée au repas des gobelins de ce soir, où ton camarade sera le plat de résistance.  »

Cet imbécile ne méritait vraiment pas la grâce qu'elle lui faisait mais sa jeunesse le rendait sympathique aux yeux de Laurana, il s'était peut-être comme elle enfui de chez lui et avait été enrôlé par ces brigands. Elle ne pouvait se résoudre à l'abattre mais s'il s'entêtait que pourrait-elle faire si ce n'est l'abandonner aux gobelins ?

Le jeune homme serra les dents aussi fort qu'il serrait son épée. Sa main blanchit, puis il se détendit très légèrement. Les deux gobelins attendaient avec impatience que l'humain fasse un faux-pas. Le brigand se permit un regard en coin à ses deux tortionnaires puis répondit à la cavalière : «  Mouais, j´ai pas trop l´choix, i semble.  »

Il desserra son poing et la lame atterrit avec un bruit métallique sourd sur les pierres qui formaient le pont. Les gardiens du passage ne cachaient pas leur déception. Un des deux cracha au sol, mais aucun ne baissa sa garde. Le jeunot avança doucement vers l'elfe et passa à côté d'elle. Il s'arrêta et la fixa dans les yeux, absent.
« - Où qu´votre grandeur veut aller ? »

Il avait à peine fini sa phrase que les gobelins s'approchèrent, mécontents. «  Vous devoir payer nous ! Nous vouloir notre argent ET plus pour nettoyer !  » ils désignèrent le cadavre mutilé au sol. «  ET encore plus pour laisser vous partir avec prisonnier !  » Ils pointèrent le jeune du doigt.

Le jeune les fixait, puis tourna son regard vers la lance. Il la ramassa et la tendit à Laurana. Il attendait également sa réponse...

Les deux gobelins se parlèrent tout bas en attendant la réponse :
«  (En gobelin) - Qu´est ce qu´on peut demander de plus?
- Je sais pas, une prime pour nettoyer sa lance?
- Ou alors de pouvoir détrousser aussi l´humain? Il a peut être de l´argent?
- Ouais, on peut aussi faire les guides contre de l´argent.
- L´autre le fait gratuitement crétin !
- C´est moi que tu insultes espèce de limace débile !
- Je vais te...  »


La cavalière parut soulagée de voire le jeune homme abandonner son épée. Les deux gobelins par contre auraient sûrement préférer qu'il continue à se battre mais pour la première fois depuis qu'elle avait quitté son foyer, Laurana voyait un homme agir avec sagesse.

« - Gobelins, vous vous êtes battu avec honneur, ne salissez pas maintenant la haute estime que j´ai de vous, je vous paye, ce que je vous ai promis. Une pièce pour toi, une pièce pour toi et une troisième en récompense de votre bravoure et de l´honneur dont vous avez fait preuve en épargnant un prisonnier.  »

Elle avait glissé les deux premières pièces dans les mains tendues des créatures mais gardait encore la dernière dans sa main.

«  Pour ce qui est de nettoyer le pont, il est à vous que je sache et ce n´est pas là mon affaire cependant je vous laisse vous servir des richesses que pouvait posséder cet homme sans réclamer ma part du butin, de plus le fuyard est gravement blessé et si vous agissez bien vous pourrez sans peine le rattraper et ajouter ses possessions à votre trésor. Ce sont des cadeaux que je vous fais. »

Puis sans prévenir elle jeta la dernière pièce entre les deux gobelins, à eux de se départager.

Le jeune homme lui tendait sa lance qu'elle récupéra d'un geste vif. Laurana prit le temps de le détailler avant de répondre à sa question :
« - Sache que tu as fait le bon choix. Ces hommes étaient des couards et ils n´ont pas hésité à t´abandonner, alors que moi qui ne te connais pas, moi que tu as essayé de tuer alors que je te tournais le dos, je t´ai sauvé. Si tu m´es fidèle, alors tu n´auras rien à craindre, tu pourras me suivre si le cœur t´en dit ou suivre le chemin qui te conviendra loin de ces malotrus, gibiers de potence. »

En parlant Laurana se sentit peu à peu défaillir, sa plaie à la jambe saignait toujours et la douleur ne l'avait pas quittée.
« - J´aurai besoin que tu me guides vers un endroit où je puisse me reposer, me soigner, me nourrir et me renseigner. En chemin tu me diras ton nom et tu me conteras ton histoire et celle de ce village. Mais avant tout récupère ton épée tu en auras probablement besoin et je pense que tu ne me trahiras pas car tu as vu quel a été le sort de celui qui a osé me blesser.  »

Les deux gobelins stoppèrent directement leur discussion en entendant le mot "payer". Ils tendirent les mains pour recevoir leur dû, sourds aux belles paroles d'honneur de l'elfe. Quand vint la troisième pièce, le porte parole de l'équipe du pont haussa les épaules, faussement désintéressé. L'autre ne se fit pas prier et prit la pièce supplémentaire... Et fut surpris de voir son généreux chef se jeter sur le cadavre au sol à la recherche de la bourse du balafré ! Saisissant qu'il avait été dupé par l'autre, il le rejoignit en lui donnant des coups de coude afin d'être le premier à trouver la bourse. Ils recommencèrent à se chamailler...

Le jeune homme -après avoir récupéré son épée- et l'elfe s'éloignèrent. L'humain faisait crisser sa mâchoire, comme pour passer sa nervosité.
« - Oui, c´était des porcs, je n´sais pas trop pourquoi j´trainais avec eux...  » il haussa les épaules. Il avisa alors la cuisse de l'elfe. La lame avait déchiré les vêtements et, à côté de la plaie, la douce peau blanche de l'elfe était mise à nu. Le jeunot observait les deux.
«  - Une très vilaine blessure, m´dame, mais j´ne peux pas vous aider, j´y connais rien. Par contre pour vous reposer, y a l´auberge du dernier refuge. Mais, euh, j´préfère pas vous y accompagner. J´y suis, euh comme qui dirait, interdit de séjour à cause d´une bagarre. » Il marqua une pause puis continua : « Faut pas trop trainer à la tombée du jour, ou les gob´ vont nous créer des histoires !  »

Laurana avait du mal à se concentrer sur les paroles du jeune homme, la douleur ne faiblissait pas, par contre elle si ! Secouant la tête elle tenta de reprendre ses esprits et réussit grâce à un effort conséquent de volonté à refouler sa douleur.

« - Conduis-moi alors à cette auberge ! Je refuse de t´abandonner aux mains des gobelins. De plus j´ai peur que la tentation soit trop forte et que tu cèdes à l´envie de rameuter d´autres de tes anciens amis brigands, d´autant que tu me sauras blessée et connaîtras l´endroit où je serai. Je m´arrangerai donc avec l´aubergiste pour que tu restes avec moi, n´aie crainte, je saurai le convaincre.

Ceci dit tu n´as toujours pas dit ni ton nom, ni ton histoire, ni ce qui fait que des gobelins gardent l´entrée du village et que des brigands lubriques y puissent agresser les dames.  »


« - Euh, j'm´appelle Korlan m´dame. J´suis fils d´paysan. J´ai euh, quitté mes parents pour m´engager comme mercenaire. Et là je suis en congé. Faudra que d´ici demain je retourne à ma garnison à euh... Haven !  »

Ses yeux se tournaient parfois vers l'elfe, parfois vers la route. «  Si vous arrivez à convaincre Otik, tant mieux. Bah, avec un peu d´chance il a oublié ma gueule. » Il regarda rapidement l'elfe avant de se reprendre «  Ma tête, ´fin mon visage quoi.  » Embêté, il passa sa main sur son visage comme si le geste aidait à la compréhension.

Il passa rapidement à autre chose : «  Les gobelins sont là depuis quelques temps sur ordre du seigneur Hédérick. Ils sont là pour assurer la protection d´la ville ou quequ'chose comme ça ! Tu parles ! La sécurité. Ils volent nos bourses et demandent plus d´argent qu´on est censés en donner aux responsab´ d´la ville ! Alors faut bien trouver un aut´ moyen d´gagner sa croûte hein m´dame? Z´êtes pas d´accord?
Excusez mon langage d´la campagne, j´vois bien qu´vous êtes une grande dame. Z´avez pas d´escorte? C´est bizarre ...  »


Il marchait aux côtés de Laurana quand il s'arrêta devant un de ces énormes valloniers. De loin ils étaient déjà impressionnants... Mais en dessous c'était presque...étourdissant.

«  Voilà, on est arrivés. Pour vot´ cheval, y a une écurie juste ici.  » Il désigna une petite toiture émergeant du tronc sous laquelle étaient alignée une série de chevaux, mules et ânes. Un gobelin veillait sur les animaux.
«  J´peux lui amener votre bête si vous voulez ?  »

Laurana était maintenant blafarde, elle fixa d'un œil terne le gobelin et son écurie, elle n'avait aucune confiance dans la créature mais ne se sentait plus la force de trouver un autre lieu. Elle descendit de son cheval grimaçant et laissant échapper de temps à autre de petits gémissements. Une fois à terre elle dut s'accrocher à Korlan pour ne pas s'effondrer. Péniblement, ils montèrent ensemble les marches après que le jeune mercenaire ait amené son cheval à l'écurie.

« - Ne crains rien, je sais qu´il va venir en ce village un homme courageux et bienveillant, je suis venu ici à sa rencontre, il vous aidera probablement !  », murmura-t-elle d'une voix faible à l'oreille de Korlan.

Trop choquée pour pouvoir admirer le paysage elle se borna à se concentrer sur la vive brûlure qui lui déchirait la jambe à chaque pas.

Suite au chapitre 1...

Modifié par un utilisateur samedi 8 septembre 2018 18:25:10(UTC)  | Raison: Non indiquée

Offline Rhajzad  
#4 Envoyé le : dimanche 17 juin 2018 16:38:16(UTC)
Rhajzad
Rang : Habitué
Mécène: Merci de ton soutien !
Inscrit le : 22/10/2013(UTC)
Messages : 1,211
Intro : De vieux amis se retrouvent...

Année 348, Brunissement 7, jour du culte, 11ème heure.
La route entre Haven et Solace...


***
Les poils roux de sa barbe le grattaient. Cela faisait maintenant deux années qu'il la portait. Mais il avait encore quelque peu de mal à s'y habituer. Ses oreilles pointues trahissaient ses origines elfiques. Mais sa barbe l'en excluait. Les membres de ce peuple étaient imberbes. Il s'arrêta dans sa marche un instant, pour observer le paysage familier. Les flancs de montagne étaient couverts de la splendeur de l'automne. Dans la vallée, les valloniers étaient enflammés par les couleurs de la saison. Le ciel bleu se reflétait dans les eaux du lac Crystalmir. Au loin on pouvait entendre une mère appeler son fils pour le repas. La nostalgie prit le demi-elfe à la gorge... Tant de souvenirs, tant de...
Une voix sur sa droite interrompit ses réflexions. A plusieurs dizaines de pas, une silhouette lui semblait familière...
« - Ma maison est restée vide.  » grommela un nain. Il était assis sur une pierre, occupé à tailler un bout de bois. Il parlait pour lui-même.
« - Il y a probablement des fuites dans le toit et les meubles sont sans doute abîmés. Cette maudite quête est la chose la plus idiote que j´ai jamais entreprise. A cent quarante-huit ans, je n´ai donc rien appris !  »

***
Non loin de là, une troisième personne faisait la sieste dans les fourrés. A l'abri des regards, il profitait d'un petit repos avant de retrouver ses amis. L'odeur des feuilles épicées chatouilla ses narines, et des voix finirent de réveiller le joyeux luron. La bouche pâteuse à cause du sommeil et les yeux bien fermés à cause du soleil, il mit quelques instants à reprendre ses esprits. Sur son visage était posé quelque chose de léger et doux au contact de sa peau. Ouvrant les yeux, il découvrit une feuille teintée d'orange. De la même forme que toutes celles encore accrochées aux arbres au dessus de lui. Il entendit à nouveau des voix de l'autre côté des buissons, le long de la route... Écartant discrètement le feuillage, il découvrit un nain assis sur un rocher. Il grommelait et taillait un bout de bois. Un peu plus loin sur la route, un autre humanoïde l'observait. Une lueur émergea dans son esprit et il se rappelait du nom porté par le nain ! D'une main, il récupéra son hoopak...

La chaleur écrasait Tanis. La poussière du chemin lui prenait la gorge et s'incrustait dans sa peau. Sa barbe devait avoir tourné à l'ocre, à en juger par les démangeaisons qu'occasionnait les fines particules. En jetant un œil à son armure de cuir, il la vit tachée de vert, souvenir de la veille passée dans la forêt. Un décrassage en profondeur semblait s'imposer.

Alors qu'il pensait à ces détails, la vallée se déroula soudain sous ses yeux. Dans un flamboiement d'orange et de rouge, il admira le vallon, au creux duquel il avait rencontré ses compagnons. Il pouvait voir l'auberge d'ici. Ainsi que la maison de Flint, aussi bien que la maison de chaque villageois. Il se souvenait du nom de chacun, comme étant dépositaires d'une période heureuse de sa vie, où il n'avait rien d'autre à faire que chanter et tenir les livres de compte du nain.

Tels une vague, d'autres souvenirs remontaient. Kitiara... serait-elle là ? D'un air songeur, il fit tourner l'anneau qu'il portait au doigt. Elle avait promis. En face d'elle, il n'aurait jamais osé mettre sa parole en doute, mais elle était changeante, et peut-être avait-elle trouvé quelque chose qu'elle considérait plus digne de son temps. Il espérait de tout son cœur que ce n'était pas le cas.

Hiattki grogna. Il avait vite compris que la louve n'appréciait pas le contact des humains. Il ne mesurait toujours pas sa chance d'avoir trouvé Hiattki. Bien qu'il se répéta que vivre seul était ce qu'il préférait, l'absence d'un compagnon l'avait fortement peiné pendant trois longues années. Hiattki était une chasseresse, une meneuse. Elle était entrée dans son esprit comme on chamboule un jeu de cartes, et l'avait forcé à l'accepter comme compagnon de route et de vie. Il admirait sa force et son indépendance. De ce qu'il avait compris, elle l'accompagnerait, que cela lui plaise ou non. Ça lui avait plu, et ils cheminaient ensemble, depuis.

Ses yeux se reportèrent sur la vallée. Cinq longues années qu'il attendait ce moment. Cinq ans qu'ils étaient tous partis, à la recherche de preuves que les dieux ne les avaient pas abandonnés. La louve et lui amorcèrent la descente dans la vallée. Ici, presque rien n'avait changé. C'est comme si le temps n'avait pas d'emprise sur ce petit coin de terre. Un toit un peu plus abîmé, un enfant de plus dans la famille de Myra qu'il entendait appeler au loin, une maison de plus à l'est du village, ce sont là les seuls marqueurs du temps.

Lui et la louve s'enfoncèrent dans le creux flambant que formait la vallée. Alors qu'il regardait en loin dans le sentier en pente, une voix l'arracha à son élan mélancolique. Tournant brusquement la tête à droite, il vit Flint, taillant un bout de bois et marmonnant dans sa barbe. Lui non plus n'avait pas changé, apparemment. Le hélant de loin, il s'approcha de lui : «  Flint ! Comment vas-tu, mon vieil ami ?  »

Le nain se raidit sur son caillou. Sa tête tourna rapidement vers le demi-elfe, mais ses paupières se plissèrent à cause des rayons du soleil. Il recula machinalement sous les arbres, tenant fermement sa hache de ses deux mains boudinées. Il était calme, mais suspicieux. Il toisa l'inconnu de haut en bas, puis, quelques instants plus tard il demanda en hésitant : «  Tanis? C´est bien toi?  »
Il s'avança, reconnaissant son vieil ami : « Par ma barbe... et la tienne ! Pourquoi t´es tu laissé pousser cette barbichette ?  »
Il agita sa main devant lui «  Bah, de toutes manières ce n´est pas moi qui contredirait ce choix ! Ahahahah !  »
Il s'avança pour observer Tanis. Il s'arrêta en voyant le loup. «  C´est quoi... ça ?  » Ses yeux passèrent du demi-elfe à la louve et de la louve au demi-elfe. «  C´est une idée de tes oreilles pointues que de se coltiner un animal sauvage? Bref, en tout cas, j´ai voyagé dans des contrées dans lesquelles je n´aurais jamais dû aller. Et je n´ai rien trouvé. Une entreprise folle.  » Il secoua la tête. « Mais maintenant nous voilà de retour chez nous hein !  » Il sourit et donna une tape à l'épaule de son vieil ami. «  On va refaire le toit, rouvrir la forge, bref, reprendre notre vie d´avant !  ».
Tanis se figea au milieu de la phrase du nain. Il n'avait rien trouvé non plus.
Un espoir de perdu. Reste quatre.

Un tiraillement le prévint du danger immédiat. Sans entendre le reste de la phrase de bienvenue du nain, il se laissa tomber à genoux, entourant de ses bras l'encolure de la louve. Se penchant à son oreille, il lui murmura :
«  Hiattki, je te présente Flint. C´est un vieil ami. Il n´est et ne sera jamais ton ennemi. Calme-toi. Voilà. Arrête !  »
L'ordre avait claqué, alors que la louve s'était mise à grogner. «  Jamais ! Tu as bien compris ? Tu ne dois jamais attaquer Flint !  »
Relâchant son étreinte quelque peu, Tanis remonta presque timidement la tête. Les yeux fixés sur le visage du nain, il attendit la réaction de son ami et mentor.

Flint souleva un sourcil bien fourni en poils. Et il attendit calmement que Tanis en ait terminé avec sa bête.
« - Hé bin ! Si tu dois lui gueuler dessus comme ça tout le temps... Note que cela peut être utile si on ouvre une échoppe le jour du marché. Tu pourras me remplacer pour appâter les clients !  » Il partit d'un grand rire.
«  Enfin bon  »-Il secoua sa tête- « allons donc voir si nos amis sont arrivés. J´ai faim, mais j´ai surtout soif ! Et un nain qui a soif est particulièrement désagréable, tu le sais ! Mais jamais plus que quand il se retrouve face à un kender !  » Il laissa planer un silence, le regard perdu dans ses idées. « Je me demande si...  ». Il secoua sa tête en signe de "non" et termina sa phrase : «  Allons y !  »

Hiattki se mit à grogner. Ses babines se retroussèrent et ses oreilles s'aplatirent. Elle avait les yeux droit devant elle, fixant les broussailles derrière le nain. Flint se retourna vivement et tenta de déceler ce qui avait bien pu perturber la louve...

Pourquoi faut-il que je sois toujours dérangé ? Cette pensée furtive traversa l'esprit du kender en entendant des voix toutes proches.

De prime abord chagrine, sa pensée s'adoucit quand le doute fut dissipé.

Je reconnais ces voix !

Puis la joie se matérialisa en sons, sous forme de paroles :

«  JE RECONNAIS CES VOIX !!!  »

D'un geste souple et ample, le "petit homme" se redressa prestement, saisit son arme fétiche et récupéra sa rapière plantée à même le sol.

Un hoopak, puis une tête sortirent bruyamment des fourrés :

«  Flint et Tanis et.... !  » son sourire béat se mua en silence consterné à la vue de la louve qui semblait un "compagnon" plutôt pas raisonnable aux yeux du kender.
Ce genre de surprise avait le don de réveiller des instincts innés à sa race : la méfiance.

Sans vouloir afficher son appréhension, Tass' porta instinctivement une main à l'un de ses sacs puis en sortit vivement une pomme qu'il s' empressa de croquer.

« Ta nouvelle copine Tanis ?  »ajouta t-il avec un sourire narquois. « Je plaisante !  » puis son visage se fit plus dur alors qu'il cessa de feindre la surprise...
«  Moi non plus je n´ai rien trouvé ! Pas de dieux ! Des ennemis oui, de l´aventure et des voyages pour sûr, mais des dieux, que nenni !  »

Voulant évacuer les mauvais souvenirs qui étaient liés à ses échecs personnels, il enchaîna, son regard tourné vers le spectacle qui s'offrait à eux.
«  Après ces années, vous appréhendez ou quoi ? Qu´attendons-nous ? En plus, après cette petite sieste, j´ai une faim...de loup ! Et je meurs d´envie d´aller voir qui vous savez...  »

A bien le regarder, il semblait bien que l'âge n'avait pas trop marqué le kender de son empreinte. Il ne semblait guère avoir changé. Après tout, pourquoi changer ? Il portait toujours cette arme bizarre qui faisait la fierté de sa race ainsi qu'une rapière de fort belle facture.
Une armure de cuir cloutée parfaitement ajustée à sa taille ainsi que "quelques" sacs et des bottes hautes et souples de cuir de chevreuil venait finir d'habiller ce facétieux petit homme.

Flint eu un choc en voyant Tass.«  Par ma barbe, un kender !  »ses sourcils se froncèrent et il arbora un air très sévère.«  Et pas n´importe lequel, non. Par Reorx, Tasslehoff, le pire de tous les kenders qu´il m´ait été donné de rencontrer ! Tiens toi loin de moi et de ma bourse ! Je n´ai aucune envie que le contenu d´une de mes poches tombe "malencontreusement" dans un de tes sacs ! Ou encore que ce soit pour éviter que je "perde" un de mes bracelets que tu l´as mis au chaud dans ta besace... Tu finis de toutes manières par "oublier" que tu dois le rendre hein, gredin !  »

Son ton était sévère, mais de ses yeux il fixait le kender avec beaucoup d'estime. Jamais il ne le dirait ouvertement, pourtant tout le groupe le savait. Flint avait une grande affection pour Tass.

Tanis sentit une odeur bizarre, et Flint éternua. Avec le plaisir de s'être retrouvés, ils avaient baissé leur garde.
« - Un cheval ?  » demanda le nain sans s'adresser à quelqu'un en particulier. Et Tanis reconnut l'odeur puante. Celle d'un hobgobelin !

Tous les trois se retournèrent pour découvrir un hobgobelin assis sur son poney et qui les observait d'un air méprisant et dédaigneux.
« - Vous voyez les gars... » -lança le hobgobelin- « c´est ce genre d´idiots qu´on se coltine ici, à Solace. Un demi elfe, un nain et un kender... Quelle jolie famille !  »
Des rires gras retentirent dans les arbres derrière la créature. Cinq gardes de sa race, vêtus d'uniformes rudimentaires sur lesquels étaient dessinés en blanc un arbre surmonté d'une maison, arrivèrent à pied et prirent position de chaque côté du cheval de leur chef.

« - Bien...  »
Le hobgobelin se pencha sur sa selle. Le pommeau de son épée disparut sous la graisse de son gros ventre.
«  - Je suis le petit maître Toede, le commandant des troupes qui protègent Solace des éléments indésirables. Vous n´avez pas le droit de marcher à l´intérieur du périmètre de la ville après la tombée du jour. Je vous arrête. »
Il se pencha vers le hobgobelin le plus proche de lui :
« (En Gobelin) « Apporte moi le bâton de cristal bleu si tu le trouves sur eux.
S´ils résistent, tuez les !  »

Il tira sur les rênes, donna un coup de cravache à sa monture et partit au galop sur le chemin, en direction de la ville...

Hein ! Quoi ! Depuis quand la vermine se permet-elle de donner des ordres ? Et ici en plus ?
Guettant la réaction de ses compagnons, le kender se tendit naturellement, ses muscles bandés et le regard mauvais.
Et en plus ils gâchent des retrouvailles... Tss...Tss...Dangereux pour leur fragile santé ça...
D'un ton nonchalant, Tass' se retourna vers ses compagnons, l'air interrogateur :
« - Quand je pense que je dormais tranquille à l´aplomb de l´arbre, plongé dans mes rêves et accessoirement dans un océan de richesse... Enfin ! Bonjour l´accueil !  »

Dégainant sa rapière en guise de réponse aux menaces des hobgobelins, il regarda fixement le nain : «  Quant à me traiter de voleur.... Tu ne perds rien pour attendre ! Occupons-nous de ces faces d´abrutis malodorants et reprenons not´ discussion après ! Faisons vite, j´ai grand faim...  »

Tanis soupira. Le caractère trop bouillant de son ami n'avait pas changé d'un iota. Il n'avait pas envisagé la situation, et ne doutait pas une seconde, il tirait l'épée avant même de penser à après. Néanmoins, la réaction n'était pas si illogique. Depuis quand les hobgobelins contrôlaient-ils cet endroit ?

Clouant fermement la louve sur place pour ne pas qu'elle se rue sur l'immonde parodie d'humain, il lança au hobgobelin :

« - Et comment comptes-tu nous arrêter, au juste ? Vous n´êtes que 5. Chacun d´entre nous sommes largement capable de tuer deux piétailles telles que vous et de repartir tranquillement, sans une égratignure et la conscience en paix d´avoir servi la communauté. Prenez le large, et n´essayez donc pas d´assurer la sécurité. La seule protection que Solace devrait fournir devrait être contre vous et ceux de votre race.  »

Chaque mot lui brûlait la gorge. Il avait autant envie que Tass d'en découdre, autant envie de se jeter sur eux que Hiattki. Mais si proche de leur point de rendez-vous, ce n'était pas sage.De plus, malgré ses paroles assurées, ils revenaient tous d'un long voyage, et un duel avec la langue pour arme vaut mieux au voyageur épuisé qu'une discussion l'épée à la main. La meilleure solution était d'essayer de les chasser.
Il ne dit pas un mot de ce qu'il avait compris de leur conversation. Peut-être pourrait-il en apprendre plus ? Sans relâcher la pression sur Hiattki, il dégagea son épée du fourreau, prêt à dégainer.

« - Des gobelins?! A Solace?!  » cracha Flint «  Ce nouveau théocrate va devoir répondre de ses agissements !  »
Il leva son bras pour récupérer sa hache -nichée dans un étui en cuir dans son dos- qu'il venait juste de ranger. Puis, les deux pieds fermement plantés au sol, il se balança d'avant en arrière jusqu'à trouver son parfait équilibre.
« - Très bien, venez !  »

Décontenancés, les créatures échangèrent des regards inquiets. L'une d'elles jeta un coup d’œil torve vers la route où son chef avait disparu. Les gobelins avaient l'habitude sans doute d'intimider les colporteurs et les fermiers, mais face à trois adversaires armés et habiles au combat, c'était autre chose... Pourtant, la haine ancestrale qu'ils portaient aux autres races de Krynn prit le dessus. Ils tirèrent leurs longue épées courbes.

Flint s'avança d'un pas, les mains serrées sur le manche de sa hache. « Il n´y a rien que je déteste plus que les nains des ravins... A part peut être les gobelins !  »

Flint leur laissa à peine le temps de dégainer leurs lames. Il était déjà sur la créature la plus proche et il leva sa hache pour la frapper de toute sa force. « Crève pourriture !  » Des giclées de postillons terminèrent au passage sur le visage de l'hobgobelin. Puis ce fut au tour de la hache de s'enfoncer dans son crâne, abattant son faciès affreux au sol. « - Et de un !  »

Deux hobgobelins se dirigèrent vers Tanis et l'attaquèrent avec leurs lames courbes. Ils ne voulaient pas laisser les combattants les surprendre. Autant s'en débarrasser au plus vite ! Les deux coups déchirèrent des morceaux de vêtement de Tanis, et laissèrent deux trainées sanguinolentes sur le torse du demi-elfe. -7pv

Le pas vif et alerte, le kender se dirigea vers les ennemis puis vint amadouer la viande de la pustule sur pied qui se trouvait face à lui :
« - Prends ça dans la tronche, sac à fiente !  »

Tass' tenta de larder de part en part la victime toute désignée qui se présentait gentiment à eux...

L'arme du kender s'enfonça profondément dans la gorge du hobgobelin. Il abandonna son arme pour ramener ses deux pattes à son cou et tenter d'arrêter le flot de sang qui en coulait abondamment. Il tomba deux secondes plus tard, corps secoué de spasmes d'agonie... s'espaçant jusqu'à finir immobile.

Le hobgobelin en face de Tanis ouvrit grand les yeux en voyant l'efficacité du kender et celle du nain. En quelques secondes leur nombre était passé de 4 à deux... Son courage se mit à fondre bien plus vite que la neige au soleil...

Les deux traits brûlants surprirent Tanis. Comment avait-il pu même envisager de parlementer avec ces vermines. Le seul langage qu'ils aient jamais compris était celui de l'acier. Il avait été stupide d'essayer d'en essayer un autre. Enfin, il avait tout du moins tenté de ne pas faire couler le sang.

Sans autre pensée, il dégaina et porta une attaque du même mouvement ample, profitant du désarroi de la créature à la mort de son compagnon.

« - Ne t´en prends qu´à toi-même...  »

Le hobgobelin fut frappé par la lame de Tanis. Son épaule atteinte de plein fouet émit un craquement sinistre. Puis il beugla de douleur.

Les deux derniers hobgobelins qui n'avaient pas encore eu le temps d'attaquer foncèrent sur Flint avec leurs lames. Le cri qu'ils poussèrent ne signifiait qu'une chose : ils voulaient en terminer au plus vite avec le pauvre nain...
Flint esquiva le premier coup, puis se prit le second dans le bras. Etant solide, il ne se laissa pas perturber et il attaqua celui qui l'avait blessé. Sa hache le coupa littéralement en deux. Les morceaux tombèrent lourdement sur le sol. Les yeux se posaient des questions, sans doute : comment cela avait il pu finir si vite ? mais ils se figèrent dans l'expectative...

Hiattki, à la seconde où elle avait senti s'alléger la pression de Tanis sur ses épaules s'était ruée en avant. L'épée de son compagnon n'était pas ressortie de la blessure qu'elle se jeta sur sur le hobgobelin, tous crocs dehors. Tanis sentit se déverser en lui l'ivresse de la chasse, l'envie de la louve de traquer l'adversaire, l'envie de tuer.
Secouant la tête pour se détacher de l'esprit de la louve, il se remit en garde, attendant les réactions de l'humanoïde répugnant.

La louve arracha avec ses dents un morceau de tissu au niveau de la cuisse. Sans aucun danger pour le hobgobelin -si ce n'est son niveau social. Mais au vu de sa tronche, aucun risque que cela empire-.
Le hobgobelin se démena comme un beau diable. Il avait face à lui une louve, un guerrier et un kender armé. Il tenta bien de placer sa lame, mais les trois adversaires lui donnèrent du fil à retordre. Bref, aucun coup ne fut efficace et son visage commençait à présenter des signes de panique...

Il est un temps nécessaire à la parole et un temps pour l´action.

En l'occurrence les goujats qui avaient eu la mauvaise idée de déranger le trio payaient chèrement leur hardiesse inconsciente.

A peine le hobgobelin qui lui faisait face touchait le sol de tout son poids, la trachée artère en moins, que le kender enchaînait dans un mouvement souple et élégant sur celui aux prises avec Tanis et sa louve.

S´agirait pas non plus que le nain s´imagine les fumer tout seul sans partager avec les copains ! En voilà des manières !

La fine lame du kender pénétra dans les côtes du hobgobelin. Il plissa les yeux, se pencha du côté où il avait été heurté, mis un genou à terre, et s'effondra, mort.

Le hobgobelin n'avait pas encore touché le sol que Tanis lâchait sa lame, qui tinta sur le sol. Il n'avait jamais été à l'aise avec ces grands bouts de métal. Il saisit son arc, arme autrement plus élégante, et d'un seul mouvement souple, sortit, encocha et tira une flèche, qui vrombit vers le survivant de la patrouille.

Flint fixait le dernier hobgobelin encore vivant. Ses crocs dépassaient de ses lèvres, et un peu de bave dégoulinait de sa bouche. Ses paupières, de plissées, devinrent rondes en voyant ses compagnons tomber. Il regarda alors Flint, puis se figea... En même temps qu'une flèche lui traversa le cou. Il resta comme cela pendant trois longues secondes, essayant de bouger, de parler, mais il en était incapable. Alors le nain lui donna un violent coup de pied en grognant, et le corps sans vie tomba en arrière, soulevant quelque nuage de poussière sur le chemin...

« - On vous l´avait bien dit, saletés d´bêtes ! Ah, vous avez l´air finauds maintenant hein !  »
Il donna encore un coup de pied dans un autre cadavre. Puis il se retourna vers ses compagnons.
« Bon, on va voir nos compagnons à l´auberge?  » Il eut un sourire un peu forcé. Le doute était noté dans ses pupilles. Reverraient ils tous leurs compagnons? Allaient ils bien après toutes ces années?

Tanis rangea son arc et ramassa son épée. En l'essuyant sur le corps du hobgobelin, il se tourna vers Flint :
«  Nous allons à l´auberge. C´est pour ça que nous sommes là, n´est-ce pas ? » Sans attendre de réponse, il rengaina et se mit à examiner les deux longues coupures sur son torse. Rien de grave, et la lame ne paraissait pas empoisonnée. Il s'en remettrait vite. Un regard vers Flint et Tass le rassura sur leur état.
« On y va ? J´ai hâte de les revoir tous.  »
Chantonnant doucement pour lui-même, il se mit en route avec le kender et le nain.

Direction : le chapitre 1.

Modifié par un utilisateur samedi 8 septembre 2018 18:27:49(UTC)  | Raison: Non indiquée

Offline Rhajzad  
#5 Envoyé le : dimanche 17 juin 2018 16:42:08(UTC)
Rhajzad
Rang : Habitué
Mécène: Merci de ton soutien !
Inscrit le : 22/10/2013(UTC)
Messages : 1,211
Intro : Une chaumière bien familière...
Année 348, Brunissement 7, jour du culte, 12ème heure.

***
Deux hommes entrèrent par le sud de la ville. Ils s'avancèrent machinalement vers la place centrale. Plus précisément vers un vallonnier en particulier. Ce dernier se trouvait juste à côté de la forge, la seule bâtisse au niveau du sol. De la fumée s'échappait par sa cheminée.

Ils arrivèrent au pied de l'arbre géant, devant un escalier grimpant dans les hauteurs.
Il menait autrefois à une bâtisse, vide et délabrée à présent. Ils restèrent quelques instants murés dans un silence pieux, sans bouger. C'est alors que les bruits d'un marteau frappant le fer emplirent la place centrale de Solace. Les frappes secouèrent les deux hommes, les sortant de leur torpeur. Puis à nouveau le silence. Au travers d'une fenêtre de la forge un visage rond et barbu les dévisagea... L'homme écarquilla les yeux et bondit hors du bâtiment. D'une trentaine d'année, légèrement bedonnant et habillé avec un tablier en cuir, le forgeron sourit aux deux hommes. «  Caramon ! Raistlin ! Quel plaisir de vous revoir !  » Il s'approcha rapidement. Il aurait voulu prendre le guerrier dans ses bras, mais sa stature le retint. Il n'était plus un enfant ! L'odeur de cendre et de sueur emplit l'air. «  Cela fait si longtemps, je... Comment allez vous? Vous ne m´avez pas oublié ! C´est moi, Théros ! Votre ancien voisin !  »

Ils n'eurent pas le temps de répondre, un guerrier s'approchait directement sur eux d'un pas rapide et décidé, derrière le forgeron...

***
Le prix pour des bottes de bonne qualité pouvait parfois sembler exagéré. Mais en l'occurrence elle en avait eu pour son argent. Marcher aussi longtemps n'avait plus été dans ses habitudes depuis...
Des gouttes de sueur dégoulinaient le long de son visage, caché par son casque. Certaines d'entre elles atteignaient ses lèvres et laissaient un goût salé dans sa bouche. L'odeur typique de ces arbres gigantesques prit enfin le pas sur la sueur, une fois rentrée dans la ville de Solace. Un son répété de fer contre fer attira son attention. Elle se dirigea rapidement vers le centre de la ville et aperçut un homme sortir et se diriger vers...
Ces deux là !

Caramon fit un grand sourire à Théros et lui tendit sa main pour la serrer avec force.
« - Bien sûr qu´on t´a reconnu ! Et toi, comment vas-tu l´ami ? Y auraient-ils des choses qui sont arrivées à Solace ces cinq dernières années qu´on doive absolument savoir ?  »

Puis, d'un léger coup de coude à son frère, il lui glissa « Pour l´arrivée discrète on peut repasser...  »

Enfin, son regard fut attiré par le mouvement provoqué par le guerrier qui s'approchait. Ses réflexes le firent agir sans qu'il en prenne conscience et il fit un pas de placement pour s'interposer entre l'arrivant et son frère.
« - Toi, t´as intérêt à avoir des intentions amicales ! Sinon, je te coupe en deux. »

Les jambes endolories par sa longue marche, les yeux brûlés par le soleil mêlé de poussière qui s'abattait, implacable, sur les plaines d'Abanassinie, la jeune femme brune était enfin parvenue au terme de sa quête. Sa folle témérité l'avait une fois de plus poussée à agir sans réfléchir, et elle avait bien failli tout compromettre tant elle était pressée de le revoir. Mais après tout, la vie n'était-elle pas ainsi faite qu'il était impossible de tout prévoir, et qu'il fallait parfois se fier aux surprises que réservait l'instant ?

Cela faisait maintenant une journée entière qu'elle marchait, et le calme des plaines avait peu à peu eu raison de son assurance. D'un pas décidé et fier au début, la fatigue du voyage l'avait fait peu à peu douter du bien-fondé de son projet. Mais il avait suffit qu'elle aperçoive au loin des valloniers familiers pour que toute appréhension s'échappe : loin de la fureur des aventures qui avaient profondément bouleversé sa vie ces cinq dernières années, elle se retrouvait là, au calme, à la maison. Rien de mal ne pourrait lui arriver.

Malgré la poussière qui s'était emmêlée dans ses cheveux collés par la sueur, la transformant en laideronne, Kitiara pénétra de son pas décidé dans la ville. Elle avait bien des choses à l'esprit à cet instant précis, mais un bon bain était certainement en tête de ses priorités. Il lui suffirait de passer d'abord à la maison, et d'aller piquer un plongeon dans les eaux lipides du lac Crystalmir. La maison... Cela faisait cinq années qu'elle n'était pas passée en cet endroit, et elle se demandait bien dans quel état elle la retrouverait, non qu'elle y fut attachée, les choses de la vie étaient par nature changeantes, mais parce que l'occasion lui était donnée peut-être pour la dernière fois de revisiter son passé et son enfance. Non, malgré tous les efforts qu'elle faisait pour convaincre les gens du contraire, elle était loin d'être dépourvue de sentiments, et ceux-ci mettaient en cet instant tout son corps en ébullition.

Mille petits détails de Solace lui montraient combien le temps avait pu passer. Tel marchand était maintenant fermé, telle maison abandonnée, telle autre s'était au contraire agrandie. Alors qu'elle passait sur la place centrale, elle buta littéralement sur les jumeaux Caramon et Raistlin, ses demi-frères. Ils semblaient aux prises avec un fâcheux, un homme qui leur sautait littéralement dessus. Quoique démonstratif, ses intentions semblaient amicales, et Kitiara retomba de l'état d'alerte dans lequel elle était montée en un instant, dès qu'elle avait senti l'excitation du danger. Il était importun, mais pas dangereux. Son instinct de protection pour ses deux petits frères était toujours aussi vif.

Tandis qu'elle traversait la place rapidement pour se porter à leur rencontre, elle admira la robe de Raistlin : ainsi le mage avait-il réussi l'Epreuve, et trouvé sa voie. Ainsi, il pourrait enfin s'assumer et ne plus dépendre des autres. C'était là une nouvelle des meilleures.

La place était grande, mais les pas de Kitiara plus grands encore. En un instant, elle parvint à la hauteur des ses frères et les héla : « Caramon ! Raistlin !  » Il n'était pas certain qu'ils parviennent à la reconnaître, ainsi engoncée dans son armure d'écailles qui moulait avantageusement ses formes. Elle souleva son casque afin de donner de l'air à ses cheveux moites et aux magnifiques boucles d'oreilles bleues qu'elle s'était offert et qu'elle arborait en prévision de la rencontre. «  Enfin ! Vous voilà ! C´est...  » Elle désigna la maison en piteux état qui logeait dans l'arbre «  C´est tout ce qu´il reste de la maison ?  »

Elle n'avait pas l'air contrariée, mais sa question était aussi implicitement posée au forgeron. Même si l'homme n'était pas un architecte, peut-être saurait-il dire si leur demeure était encore habitable, ou s'il leur faudrait trouver un autre abri pour le soir.

Cinq ans.
C'était il y a cinq ans, que le groupe s'était divisé. Et maintenant, il était venu le jour de la rencontre, comme ils se l'étaient promis.

Les jumeaux arrivaient à Solace, se dirigeant vers leur ancienne maison. Apparemment, personne ne s´en était occupé. Le mage était à la fois content et mécontent. Content car personne n'avait touché à leur propriété, et mécontent car leur abri pour cette nuit était dans un état pittoresque. Arrivé devant l'escalier, ils furent surpris par Théros, le forgeron. Le jeune homme eut pour réflexe de cacher son visage avec sa capuche. Quand son frère le bouscula, il marmonna quelque chose, que seul lui pouvait entendre, et il valait mieux.

Puis, elle arriva. Kitiara, la demi-soeur des jumeaux. Entendant sa voix, le sorcier la reconnut tout de suite.
« - Salut, chère soeur. Cela fait longtemps.  »

Théros, ravi, serra la poignée de Caramon. Il grimaça face à la force du jeune homme, mais ne dit rien.
« - Hé bien...  » Il se retourna vivement, comme s'il avait peur qu'on lui tombe dessus. «  Que... !  »
Mais il soupira à peine discrètement en comprenant qu'il ne risquait rien. Non pas que la femme en question soit une novice. Mais il avait imaginé un autre danger derrière lui.
« - Kitiara ! Hé bien, on peut dire que la famille est réunie...ou presque  » termina-t-il en jetant un œil triste à la demeure délabrée des Majere. «  J´ai... Le jour où tous les deux se sont... endormis, j´ai tenté de garder un œil sur votre maison. Au cas où. Avec les difficultés je... je n´ai pas pu faire tout ce que j´aurais souhaité, mais il y a bien quelques pièces encore en état !  » Il se rapprocha de ses trois interlocuteurs et continua sur le ton de la confidence : «  Malheureusement, les hauts questeurs de Haven ont dépêché ici un nouveau responsable, Hédérick. » Il prononça ce nom presque en crachant. « Ils... récupèrent maintenant toutes les vieilles maisons afin de pouvoir fournir un logement aux gobelins !  » Il cracha par terre juste après avoir prononcé le nom de la race maléfique. «  D´ici peu de temps, la vôtre sera aussi confisquée... De plus, ils sont à la recherche de...  » Ses paroles furent interrompues par des pas. Il se retourna et découvrit avec horreur une patrouille de gobelins. Les créatures -bien connues des trois membres de la famille Majere pour les avoir souvent combattues- souriaient de toutes leurs dents pourries. Ils étaient cinq en armures rafistolées. Ils arboraient un dessin grossier d'arbre surmonté d'une maison -on aurait dit le dessin d'un enfant de quatre ans-, le symbole de Solace...

« - Qui vous être? Répondez ! Ou nous courroux !!!
Et... euh, quoi ça être ? Bâton ? Toi avec rouge donnez bâton, ordre seigneur Hédérick !  »

Les quatre autres créatures tirèrent leurs épées courtes.

Rapide comme l'éclair, Kitiara ne laissa pas le temps au grossier personnage de reprendre sa respiration qu'elle avait déjà dégainé son épée et lui en faisait tâter le fil contre sa gorge. Il y avait bien une chose qui était certaine, c'était que la guerrière avait un haut sens des priorités, et se faire apostropher comme une vulgaire paysanne par un demi-portion n'était pas dans le domaine du tolérable. Si Théros était assez loin dans la liste des personnes autorisées à venir troubler le cours de sa vie, le gobelin, lui, était carrément bon dernier.

Prenant son air des très mauvais jours, encore renforcé par sa chevelure plaquée sur son front de façon grotesque, elle toisa l'insecte malvenu qu'elle tenait en respect, et lui cracha au visage :
« - Toi, je ne te permets pas de venir m´interrompre, tu ne vois pas que je suis occupée ?  » Elle accentua un peu la pression de son épée contre la gorge du misérable afin d'être bien certaine de se faire comprendre.
« - Quant à nos noms, tu vas gentiment te les carrer où je pense, et le bâton de mon frangin avec !  » Ses dents d'une blancheur immaculées apparurent alors dans ce qu'un étranger aurait pu prendre pour un large sourire, mais qui n'était chez Kitiara que le plus beau prélude à l'acte de tuer. D'une lenteur calculée, et d'une voix mélodieuse qui tranchait brutalement avec les dures paroles qu'elle venait de prononcer, afin d'en accentuer l'effet, elle ajouta :
« - Mais tu vois, tu as de la chance : tu vas nous amener directement à ton seigneur Hédérick, et il va nous raconter lui-même tout ça. Je suis sûr qu´il sera beaucoup plus convaincant que ta sale face de cloporte écrasé !  »

Il était tout de même malheureux que depuis son retour elle dût prononcer plus de mots pour un vulgaire gobelin que pour ses frères !

La réaction de Kitiara avait surpris les cinq gobelinoïdes. Les quatre "gobelins de main" se regardèrent, déconcertés.
Le porte-parole senti la lame entailler sa peau verte. Il grimaça lorsque l'une de ses pustules éclata au contact de la lame. Sa petite tête rentra entre ses épaules alors que la guerrière le sermonnait. Il bégaya quelques mots incompréhensibles.

Les autres gobelins reculèrent alors prudemment. Le courage ne faisant pas parti de leurs qualités. Ils étaient cinq contre un forgeron, deux guerriers et un être étrange. Un combat bien inégal pour eux... Ils n'étaient pas deux fois plus nombreux que ces humains ! Ils reculèrent donc encore d'un pas.

Les petits yeux sournois face aux deux beaux yeux de la guerrière cherchaient une échappatoire.
«  Hm, j...je, euh, b...bon, ça pas Ba...bâton b..bleu hein, lui t..tout brun ! P..Pas possible lui n..nous rech...chercher. N...nous..p...partir  »
Il tourna difficilement sa tête vers ses "compagnons" et prit un air faussement rassuré :
«  H..héh..hé, » *glups*« , hein les g...gobs?  »
Les autres gobelins se regardèrent encore. Ils baissèrent leurs armes en tremblant et firent comme si de rien n'était -à priori peu doués en la matière- en reculant d'un air faussement calme.
« -V...vous p..ouvoir me lâcher hein ? Moi partir. Si v...vous vouloir voir Hédérick, lui grande maison euh, là bas.  »
De son doigt crasseux il désigna une des plus grande bâtisse perchée dans un des vallonniers entourant la place centrale. Elle était richement ornée.

Théros ne pouvait cacher sa joie, mais il ne voulait pas être trop ostentatoire. Les gobelins étaient des couards, mais avaient bonne mémoire !

Kitiara regarda avec mépris la vermine détaler dès qu'elle eut desserré l'étreinte de son épée. Son souffle ralentit tandis que la perspective d'une confrontation sanglante s'écartait. Son geste avait certes manqué de prudence, et à double titre. Sans doute valait-il mieux se plier aux nouvelles règles qui régissaient l'endroit, et accepter l'inévitable, et ses actions seraient certainement rapportées en bonne et due forme au nouveau maître des lieux, ce qui ne pourrait que provoquer des complications désagréables. L'autre maladresse était d'avoir attiré sur elle la sympathie de Théros. L'homme n'était pas assez stupide pour parler ouvertement, mais il était clair qu'il recherchait, comme tous les faibles, des héros qui vinssent le tirer des embarras dans lesquels il était. Et passer pour un héros était bien loin de ce dont Kitiara avait envie pour le moment, elle n'était pas sur cette terre pour redresser des torts, elle n'était pas là pour se faire remarquer, elle était là pour survivre, du mieux possible, elle était là pour transcender l'existence misérable que ce monde cruel voulait lui offrir. Et elle y parviendrait, coûte que coûte.

Sans accorder plus d'importance à l'incident qu'aux feuilles rouges et jaunes qui virevoltaient dans le crépuscule d'automne, noyant la scène dans un flamboiement incendiaire, elle remisa son épée au fourreau avec satisfaction, prenant soin de vérifier par des mouvements de va-et-vient que la graisse dont elle l'avait oint était toujours en place. Kitiara connaissait l'importance d'avoir un bon matériel et de l'entretenir, car c'était parfois ce qui pouvait faire la différence entre la vie et la mort.

Elle avait tant à dire à ses frères, tant à faire. Par où commencer ? Puisque Théros semblait enclin à de la sympathie pour ce qu'il venait de voir, autant pousser l'avantage. D'un soupir calculé, afin que sa moue de mépris put être prise pour du dégoût, elle le regarda droit dans les yeux et lui dit :
«  On dirait que ça a bien changé, ici ! Je ne savais pas que les gobelins étaient maintenant les maîtres de la ville. J´imagine que pour garder la maison, ça va pas être facile. Si tu en sais plus, ça m´intéresserait : ils sont là depuis quand, ils veulent quoi ? Tu comprends, je dois discuter de choses importantes avec mes frères, et j´imagine que si on ne va pas voir cet Hédérick après mon petit incident, ses gobelins vont encore nous chercher des noises, et en force, encore. Pas que ça me plaise de devoir temporiser avec un gratte-papier local, note bien, et j´ai d´ailleurs l´impression que tu ne le portes pas dans ton cœur non plus. Mais si on peut arracher quelques petites concessions, ce sera toujours ça de pris. Enfin, s´il est possible de discuter avec quelqu´un qui emploie des gobelins, bien entendu. Dis-moi, il est humain, au moins ?  »

Caramon, lorsque le forgeron évoqua sa mère décédée, laissa des pensées sombres l'envahir. Il repensa alors à l'épreuve de Raistlin et son visage se ferma brusquement. Dans ses yeux on ne pouvait rien lire juste un regard vide ...

Puis le présent reprit le dessus mais comme au ralenti. D'abord la joie de retrouver sa sœur, puis la stupeur de voir des gobelins à Solace et enfin la violente altercation. Incapable de réagir, il resta bouche bée quasiment figé sur place quand elle passa à l'action. Juste une pensée admirative se forma dans son esprit : Elle est toujours aussi efficace ! Mais comment fait-elle ?

Ce ne fut donc qu'après que les gobelins aient commencé à se replier qu'il sortit de son immobilité et de son silence. D'un air déterminé, il exprima son point de vue, emprunt de fascination pour son aînée. «  Whouahou, T´es toujours aussi rapide, sœurette. Je vois que tu impressionnes toujours les importuns !  »

Puis avec un sourire franc, il remercia le forgeron :
« Théros, merci d´avoir veillé pour nous sur la maison, je ne sais comment te montrer notre gratitude, mais je suis ton débiteur, ami forgeron.
Pour l´immédiat, je propose qu´on y entre poser nos affaires avant d´aller rendre visite à cet Hédéric.  »

Tout en parlant il observait les êtres verdâtres s'en aller, il réfléchissait à la situation actuelle et ce que cela impliquait. La présence de gobelins le contrariait. Que pouvaient-ils bien faire ici ? Et c´est quoi cette histoire de bâton bleu. Hum bizarre ...
Le plus ennuyeux était que si cette vermine dirigeait la ville, l'intervention de Kitiara allait inéluctablement provoquer de la rancœur ou pire une réaction de vengeance.

Tout en se dirigeant vers la demeure, il ajouta :
«  Au fait, ils sont nombreux, les gobelins, ici à Solace ?  »
Puis après une courte pause, qui n'avait pas laissé le temps à Théros de répondre, il reprit :
«  Tu as eu des nouvelles de nos amis, Tanis, Flint, Tasslehoff le kender ou Sturm ? Il avait été convenu qu´on essaie de repasser une fois par an, si on en avait la possibilité. L´un d´eux nous aurait-il laissé un message ?  »

Théros soutint le regard perçant de Kitiara. Ses yeux ne semblaient pas habitués à se baisser devant qui que ce soit. Mais dans son regard, nul défi, juste une vue franche et directe.
« - Il y a maintenant plusieurs semaines -sept ou huit-, que les questeurs nous ont envoyé Hédérick. Il a commencé à faire l´inquisiteur, vérifier la foi de ses "brebis"... A l´aide de coups de bâton !  »-Il marqua une pause en regardant vers la maison du haut responsable- «  Maudit soit-il...  »
« - Au début du mois de la récolte, il fut décidé -et appuyé par Hédérick- que la ville n´était pas suffisamment protégée. Les arguments se concentraient en force sur l´avancée d´une armée sur la région, mais aussi de "dissidents" à la "vraie" foi. Depuis, nous avons hérité d´un nouveau chef de garnison. Le petit maître Toede. » Sa bouche cracha littéralement le nom honni. « Un hobgobelin ! Vous rendez vous compte? Ceux que l´on combattait, devenu nos protecteurs, cette racaille ! Ces petits merdeux de...  » il leva son poing qu'il abattit dans sa paume, comme si c'était un gobelinoïde qu'il écrasait...
«  Bref, quand ils ne sont pas deux fois plus nombreux, il suffit de hausser un peu la voix, de montrer sa détermination, et ils ne cherchent pas trop de noises. Mais dans le cas contraire...
Le pire, c´est que ce Héderick, humain de son état, semble lui-même ne pas trop porter les hobgobelins et gobelins dans son coeur... A n´y rien comprendre !  »
Il leva les bras pour les laisser retomber en signe d'impuissance. «  Mais méfiez vous de lui, c´est un manipulateur et un opportuniste. S´il le peut, il vous emmerdera... Autant l´éviter. Les gobelins ne vont rien lui dire. Ils auront sans doute trop honte d´avoir été chassés sans combattre.  »
Il posa ses deux poings sur ses hanches.
« Bon, il vaut mieux ne pas rester trop longtemps dehors, à la tombée du jour nous n´avons plus le droit de circuler dans le village. Les gobelins sont plus nombreux à sortir une fois la nuit tombée. C´est pour cette raison qu´ils n´étaient que cinq... Allez déposer vos affaires dans votre maison, nous pourrons encore discuter demain. »
Il indiqua de la main leur ancienne maison.
«  Oh,  »-il se tourna vers Caramon- «  je n´ai aucune nouvelle de vos amis, sincèrement désolé. Mais sans doute devriez vous plutôt aller pour ça à l´auberge. Mais dans ce cas je vous conseille de soit dormir à l´auberge, soit d´être très discrets quand vous quitterez Otik et Tika !  » Sur le dernier nom il fit un clin d'oeil en direction des frangins. Ou bien n'était ce qu'en direction de Caramon ?

Alors que Kitiara regardait Théros, sans prévenir, elle allongea un coup de poing appuyé dans l'épaule de Caramon qui chancela sous le choc. «  Eh oui, frérot, je ne me suis pas empâtée ces dernières années, moi !  ».
Elle sourit à son frère, puis revint à Théros.
Elle n'était pas non plus du genre à baisser les yeux la première, même si elle savait que les petits cons qui ne savaient jamais plier faisaient souvent les délices de la boucherie une fois les batailles engagées. L'idéalisme était souvent une tare irrémédiable. Mais l'homme devant lequel elle se tenait était brave, et même s'il n'était pas son genre, avoir affaire à des gens tout simplement honnêtes était parfois reposant. Aussi le gratifia-t-elle d'un hochement de la tête en assentiment à ses paroles précieuses. «  Ne vous en faites pas, Théros, une armée a toujours besoin de forgerons, et vous êtes trop précieux ici pour que les questeurs puissent gaspiller votre talent. Ces histoires de foi me dépassent complètement, mais il est vrai que les rumeurs de guerre circulent un peu partout sur Ansalon. Des temps troublés viennent, et il va falloir s´y préparer, ou à défaut, s´y faire. Mais d´après ce que je comprends, il vaut sans doute mieux aller discuter dès maintenant avec Hédérick, s´il n´aime pas les gobelins, on trouvera certainement un terrain d´entente. Il n´est sans doute lui-même qu´un pion dans tout ce qui se trame. Quoi qu´il en soit, merci pour vos conseils !  »

Elle soupira. Décidément, les choses allaient vite, trop vite pour elle qui était habituée à dominer les situations et à toujours avoir une longueur d'avance. Elle secoua la tête pour dégager quelques mèches de cheveux, ce qui fit tinter ses boucles d'oreilles. Décidément, un bain serait bienvenu, quelle poussière. Mais il lui fallait jouer à présent contre la montre, car le soir risquait d'être déplaisant à plus d'un titre. Elle se tourna alors vers ses frères qu'elle accompagna jusqu'au pied de la cahute en hauteur. Si Caramon parvenait à se hisser là-haut, cela serait signe que les marches étaient solides, et que Raistlin et elle pourraient lui emboîter le pas sans crainte.

Dès qu'ils furent hors de portée des oreilles de Théros, elle commença à leur parler :«  Eh bien, Caramon, tu as forci, je trouve. Pas fait assez d´exercice ces dernières années ?  » Elle fit mine de lui allonger un nouveau coup de poing, mais arrêta son geste avec un sourire en voyant le regard de son frère. Elle avait toujours eu des rapports assez francs avec lui, et elle se posait facilement en maître d'armes : après tout, c'était elle qui lui avait appris les rudiments du métier, même si le garçon empâté qu'il était avait parfois du mal à appuyer ses coups suffisamment pour faire plier ses adversaires, comme s'il ne savait pas qu'un combat n'admettait que deux issues : gagné, ou perdu.
« - Il va falloir que tu me racontes tout ça !
Et toi, Raist´, regarde-toi, quel changement ! ainsi donc tu as survécu à l´épreuve ?  »
enchaîna-t-elle.
« Et ces robes rouges, quelle en est la signification, frangin ?  »
A vrai dire, si Caramon était resté relativement identique à lui-même, Raistlin l'intriguait au plus haut point. Ses yeux tout d'abord étaient changés, et le nouveau regard qu'il portait la mettait vaguement mal à l'aise. Elle se demandait quel rôle le frêle Raistlin allait jouer dans ce qui se préparait. Si ces cinq années avaient changé à ce point quelqu'un qu'elle connaissait aussi bien au point d'en faire un étranger, dans quel état retrouverait-elle le reste de ses compagnons ?

« - Écoutez, avant qu´on aille plus loin, il faut que je vous fasse un aveu : vous savez que je suis partie avec Sturm vers le Nord. Eh bien, avant qu´on se retrouve à l´auberge, je préfère vous prévenir que ça ne s´est pas très bien passé. Je n´ai pas très envie de le revoir tout de suite, et j´espère parvenir à me tenir devant lui. Mais pour tout dire, il m´a l´air d´avoir été un peu perturbé par ce qu´on a découvert.

Vous savez, je l´ai accompagné à la recherche des chevaliers solamniques. Ce que nous avons découvert était pitoyable : partout, le simple nom des chevaliers suffisait à nous attirer l´hostilité des gens. L´ordre a peut-être été puissant et respecté autrefois, mais aujourd´hui, ce ne sont plus que des petits seigneurs qui jouent aux chevaliers en laissant pourrir le peuple. Ils se sont complètement discrédités, et ne sont plus que l´ombre d´eux-mêmes. Pire, certains les suspectent même de se livrer au pillage pour redorer leur blason.

Vous imaginez bien entendu le choc que cela a fait à Sturm ! Lui qui était si ardent de servir une cause juste a vu tout ce en quoi il croyait s´effondrer sous ses yeux. Il n´est pas parvenu à encaisser le choc, et je ne suis parvenue à rien faire pour le réconforter. C´est pas faute d´avoir essayé. Peu à peu, il a sombré dans une sorte de mélancolie, et s´est refermé sur lui-même. Nous avons fini par nous disputer, violemment. Je voulais l´attirer vers le fracas de la bataille pour lui changer les idées, mais lui continuait à vouloir mener son enquête, ce qui ne faisait que l´enfoncer davantage. Nous nous sommes alors séparés. Il n´avait plus toute sa raison, et je ne sais pas s´il l´a retrouvée depuis.
Voilà, je préférais vous avertir... Je me fais du souci pour lui, mais je ne suis pas sûre d´avoir envie de le croiser. »


Elle, d'habitude si sûre d'elle, semblait affectée par son récit, ses mains en tremblaient légèrement, et son regard fixait un point au loin, comme si ses frères étaient à présent très loin d'elle et qu'elle revivait les instants pénibles qu'elle évoquait dans le crépuscule automnal.

(La suite au post suivant)

Modifié par un utilisateur dimanche 17 juin 2018 16:48:19(UTC)  | Raison: Non indiquée

Offline Rhajzad  
#6 Envoyé le : dimanche 17 juin 2018 16:44:39(UTC)
Rhajzad
Rang : Habitué
Mécène: Merci de ton soutien !
Inscrit le : 22/10/2013(UTC)
Messages : 1,211
(Suite de "Une chaumière bien familière")

Après la brève interruption des gobelins, et que les frères et leur demi-sœur aient échangé quelques mots, Raistlin remercia à son tour le forgeron.

Pendant la montée des escaliers, il fit remarquer à sa sœur :«  Des gobelins, quoi de plus pathétique...  »
Quand elle lui fit remarquer qu'il avait réussi l'épreuve, il sentit monter la fierté en lui.
«  Oui, ma sœur, j´ai réussi l´épreuve.  » Des souvenirs remontèrent à l'esprit du sorcier... Détournant son regard, il continua :
« Le rouge désigne la neutralité. Je pourrai tout expliquer, mais cela prendrait trop de temps.  »

Puis entendant le récit de la guerrière, le mage retourna son regard vers celle-ci et arqua un sourcil :
« Vraiment ? Intéressant...  » dit le pratiquant de l'Art en écoutant Kitiara parler de son voyage avec Sturm, puis il marqua une pause et rajouta : «  Vous n´avez rien trouvé sur les anciens dieux ?  »

Le jeune guerrier fut surpris par le coup de poing gratuit de sa sœur mais il se maîtrisa et se refusa à répliquer. Il avait forci, certes mais au sens propre, sa puissance musculaire était maintenant tout à fait exceptionnelle. Et s'il n'y prenait garde, il pourrait l'assommer d'un seul coup.
Ce qui le perturba le plus fut la nouvelle compassion de Kitiara, et envers Sturm en plus. Elle avait dit :
«  Je me fais du souci pour lui  » c´était pas son genre ça ! Mais que s´était-il donc passé avec Sturm? Vu son caractère fougueux tout était possible avec elle. Sturm avait du en baver...


Arrivé au pied de l'arbre, il fut pris d'une impulsion et ne put s'empêcher de prendre Kitiara dans ses bras en la serrant avec vigueur. Ça c´est pour le coup de poing !

«  Ça fait du bien de te revoir. Ne t´inquiète pas pour Sturm, sœurette. C´est un ami, c´est pas comme si vous étiez mariés ou que sais-je. Je suis sûr qu´il a oublié et t´a déjà pardonné.  »

Puis il avisa son frère, lui fit un clin d'œil et le précéda pour monter les escaliers. Tout en grimpant, satisfait de sa réaction, il ne put s'empêcher alors de repenser au propos de Théros et son air entendu Quoi Otik et Tika ? Je ne vois pas ce qui le fait sourire. Quant à la gamine, c´est vraiment pas mon genre, une rouquine pleine de taches de rousseur, pas même vingt ans. Non mais pour qui il me prend ? Il ne compte pas que je les prenne au berceau des fois !

Arrivé sur le seuil, il ouvrit la porte et pénétra à l'intérieur. Il inspecta rapidement les lieux, jeta son sac à dos et son équipement sur la table et déclara :
« - Bon, on dépose nos frusques inutiles ici et on va s´en jeter une à l´auberge ? Otik a sûrement des nouvelles à nous donner. A moins qu´on ne dorme là-bas si on veut éviter les problèmes de couvre-feu, auquel cas autant tout garder avec nous.
Personnellement, c´est pas une bande de gob qui va me faire peur ! Mais c´est vous qui décidez.  »


L'accolade virile de Caramon ne prit pas tout à fait sa sœur au dépourvu. A vrai dire, elle était contente de voir que le plus fragile d'entre eux - car elle ne se fiait pas aux apparences et savait bien que la vraie fragilité est morale et non physique - ne se laissait pas abattre, et pour complaire à son frérot, elle s'était laissée prendre dans l'étau des bras puissants tout en rendant l'accolade à son tour. Elle se fendit même d'une bise sur la joue du guerrier massif, avant de se dégager avec une vivacité toute féline. «  Ça fait du bien de vous revoir, oui ! Un peu de fraîcheur, un bon bain, et la vie serait parfaite. » Elle se racla la gorge avant de reprendre, comme si la pilule ne passait décidément pas. «  Bon, pour Sturm, la question n´est pas trop de savoir s´il me pardonne. C´est plutôt de savoir si je peux lui pardonner, à lui ! Je sais que tu ne peux pas comprendre ça, mais il m´a fait jouer les nounous ! Les nounous ! Tu me vois, moi, faire la nounou, materner un gros guerrier qui a perdu ses illusions ? Et quand aux idées bizarres qu´il a en tête, j´espère juste que ça ne va pas plomber l´ambiance, et qu´il ne va pas nous entraîner dans son délire.  » Caramon ne comprendrait jamais complètement sa sœurette, mais il était visible qu'elle en avait soupé elle aussi. Et il savait que la famille était importante pour elle, et que ce qu'elle leur disait là était certainement bien plus proche de la vérité que tout ce qu'elle pourrait dire une fois qu'ils seraient réunis à l'auberge.

Kitiara fit un geste vague de la main en écoutant Raistlin. Elle garda son sérieux tandis qu'il parlait de ses robes rouges, et l'impression se fit en elle que le mage ne semblait pas avoir envie d'en parler plus. Les épreuves qu'il avait subies devaient être pénibles, et il serait toujours temps d'approfondir la question plus tard. L'éclat qui était passé dans ses yeux valait bien plus que le plus long discours, et la sœur savait bien que les liens qui l'unissaient à ses frères étaient tels qu'ils remplaçaient souvent les paroles pour leur compréhension mutuelle. Elle se contenta donc d'acquiescer en finissant son geste comme pour couper court :
«  Oui, très bien, tu me raconteras ça plus tard, quand le temps nous en sera donné.  »

Une chose était certaine, il ne fallait jamais sous-estimer ni le pragmatisme, ni l'intelligence de Raistlin, comme le prouvait sa dernière remarque, qui portait en elle une curiosité qui semblait dépasser de loin le simple objet de la question. Mais sa requête était après tout bien légitime, et Kitiara ne voyait pas de raisons de s'y dérober, surtout que les éclaircissements d'un mage pourraient en l'occurrence être des plus utiles, fût-il en robes rouges.

« Pour répondre directement à ta question, c´est non, techniquement, nous  », elle appuya sur le "nous", « n´avons pas trouvé trace des anciens dieux. Sturm était si préoccupé par ses chevaliers que nous avons perdu bien du temps à suivre cette piste qui ne menait à rien. En revanche, quand je  », et elle appuya sur le "je" de la même manière qu'elle l'avait fait pour le nous «  suis partie de mon côté, j´ai glané des informations très intéressantes. Malheureusement, je n´ai pas pu aller jusqu´au bout de la piste car je suis tombée malade entre-temps, mais voici ce que j´ai réussi à glaner du côté des seigneurs de la guerre à qui j´ai loué mon épée. » Elle regarda avec intérêt la tête que faisaient Raistlin et Caramon à ce moment-là, et sembla satisfaite de captiver ainsi son auditoire. Elle ménagea même une pause oratoire afin d'être certaine d'avoir leur plus grande attention, car ce qu'elle allait leur révéler était d'importance.

« Comme vous le savez, nous sommes donc partis à la recherche de la fameuse "magie qui guérit" des anciens textes. Pour ma part, j´avoue ne jamais avoir trop cru à ces fadaises, et j´avais d´autres préoccupations que de partir à la recherche de contes de fées : il fallait que je trouve de quoi subvenir à mes besoins, et seule mon adresse à l´épée m´a permis à la fois de gagner ma pitance, mais aussi le respect de tous ces mâles que la vue d´une femme seule affolait. » Elle sourit à moitié, comme si elle se remémorait tous ceux à qui elle avait pu, de façon cinglante, leur faire payer des remarques déplacées. Mais elle n'oublia pas d'affranchir ses deux frères sur la suite de ses aventures, qui concernait au plus haut degré leur quête commune.

« Toujours en est-il allé que j´ai fini, au détour d´une conversation qui ne m´était pas adressée entre mon patron, à qui je servais de garde du corps, et un envoyé de l´est, par entendre parler d´une magie spéciale : un seigneur de la guerre était paraît-il en train de rassembler une armée, et il usait de sortes de sortilèges pour gonfler le moral de ses troupes, ou réduire les défenses de ses adversaires. Qui plus est, il semblait le faire alors que par ailleurs il portait un harnois fort lourd. J´aurais aimé en savoir plus, mais évidemment, dès que j´ai posé des questions, je me suis faite lourder. J´ai naïvement demandé s´il s´agissait de la magie qui guérit, mais on m´a répondu que non, c´était de la magie qui tuait. Enfin, l´envoyé a répondu ça, ce qui ne veut à mon sens pas dire grand chose, mais mon patron n´avait pas l´air d´humeur à ce que j´intervienne dans la discussion. Sans doute que le regard de l´envoyé sur mes charmes ne lui a pas plu. Enfin, tant pis pour lui...

Bref, j´en ai retenu que là-haut, dans le nord, il y avait quelque puissance magique à l´œuvre. Et j´ai la conviction que c´est la direction dans laquelle il faut aller maintenant. Je suis revenue ici pour vous en faire part. Qu´en dis-tu, Raistlin ? Tu penses que cette magie pourrait être ce qu´on cherche ? Tu penses qu´elle pourrait être plus puissante que la tienne ?  »


Kitiara avait parlé avec une grande conviction, comme si une flamme intérieure la poussait à vouloir retourner approfondir ce qu'elle avait entendu. Elle s'était mise à parler à voix haute, et en aurait presque oublié ce qu'elle avait projeté de faire à l'instant d'avant... mais se ravisa bien vite. « Ah tu vas boire un coup, Caramon ? Je te rejoins sous peu, je vais voir cet Hédérick, histoire de tirer tout ça au clair. Raist´, tu viens avec qui ? »

Caramon buvait les paroles de sa sœur. La dernière remarque le prit au dépourvu et il balbutia en guise de réponse «  Euh, bien sûr que je vous accompagne chez Hédérick. Mais après on va boire ! Enfin moi c´est ce que je compte faire. »
Laissant ses affaires, il leur emboîta le pas, après avoir pris tout de même son épée et son bouclier. Je ne sais les intentions de ce mec, mais je préfère être paré.

Entrant dans la maison, Raistlin posa son sac sur le sol. Et regarda sa sœur tout en l'écoutant. Pendant le récit de la guerrière, il détourna son regard. À la fin du récit, il déclara :
« Je ne sais pas de quel genre de magie, il s´agit. En aurais-tu entendu plus ? Cela pourrait m´aider à l´identifier.  »
Ensuite, la femme proposa à ses frères d'aller rencontrer Hédéric.
« Que veux-tu savoir de cet homme ?  »
Il entendit ensuite la réponse de son frère, et il grimaça.

La petite famille entreprit la longue ascension vers leur ancienne demeure. La porte n'émit aucune résistance, et rapidement le trio s'en fut à l'intérieur. Ici et là restaient une table, des armoires, quelques outils de dépeçage ayant appartenu à leur père, des ustensiles de cuisines, et tout un tas de petits objets de leur enfance.
Le tout aurait très bien survécu au temps si le toit au dessus de l'escalier ne s'était pas effondré. Permettant à la pluie, aux animaux et à la pourriture de venir tisser leur toile dans la masure. Ayant eu l'habitude de bivouaquer, les frères hésitèrent à laisser leurs affaires maintenant, sans être certains de passer la nuit ici.

Raistlin, Caramon et Kitiara refermèrent donc la porte derrière eux, descendirent les marches en admirant la vue sur le centre de Solace. Cette vue qu'ils avaient eu tous les jours pendant plus de quinze ans.

Ils traversèrent la place pour aller frapper à la porte de cet Hédérick. Mais l'entrée était gardée par quatre gardes humains bien armés. A leur accoutrement et leur visage, des étrangers à Solace. Même pas de Haven ou des Plaines.

« Halte ! Où allez vous comme ça? C´est la demeure du seigneur Hédérick. Il ne reçoit personne à cette heure ci.  »
Il avisa le trio avec respect pour la femme et la montagne, mais ne montra aucun intérêt pour Raistlin.
« Si c´est pour du travail, revenez demain. Je suis certain qu´il en aura pour vous. »

Kitiara avait laissé ses frères faire l'inspection de la demeure familiale, qui après tout leur appartenait deux fois plus qu'à elle, dont le père était parti batifoler bien des années auparavant pour ne jamais revenir. Elle n'aimait pas les ruines, ni les taudis, et l'aspect extérieur lui suffisait pour se convaincre que sa part d'héritage correspondante n'irait pas chercher bien loin, voire, que la demeure serait un véritable gouffre financier.
Pour aider ses frères, elle pouvait peut-être leur mettre le pied à l'étrier, mais vu l'ampleur des travaux à faire, elle ne se voyait pas devenir bricoleuse à temps plein : du temps, elle n'en avait pas tant que ça à revendre, et le sien ne pouvait qu'être mieux employé. En attendant, il devraient certainement passer la nuit à la dure, voilà tout. Ce ne serait ni la première, ni la dernière fois !

Elle fut assez surprise de voir Caramon changer d'avis pour aller voir Hédérick, mais après tout la demeure du maître des lieux se trouvait sur leur route, et elle ne voyait pas d'objection à ce qu'il l'accompagne. Raistlin, comme à son habitude, ne perdait pas une occasion de s'informer et d'apprendre. Mais Kitiara était trop fine guêpe pour perdre le plaisir d'un suspense qu'elle aimait à entretenir soigneusement. Elle se contenta de hausser les épaules en serrant les lèvres en un rictus : « Si j´étais magicienne, je n´aurais pas besoin de tes avis... » Elle allait ajouter comme à son habitude « petit frère », mais il y avait quelque chose à la fois dans la notion de petit et dans la notion de frère qui semblait devenu inapproprié concernant Raistlin. « De toutes façons, je n´ai pas vu la magie en question à l´œuvre, donc je ne peux pas en dire plus, si ce n´est qu´il va falloir y retourner pour en apprendre davantage. J´ai du interrompre mes recherches pour venir vous voir. Et j´espère que nous repartirons tous ensemble cette fois-ci. Enfin, si vous jugez que c´est une option utile pour vous, je ne force personne à me suivre. Ah, mais nous y voilà !  »

Ils étaient en effet parvenus devant les quatre gardes qui avaient l'air de connaître leur affaire. Un combat ne tournerait pas forcément à leur avantage, et il faudrait utiliser d'autres moyens de persuasion. L'un des gardes était suffisamment regardable pour que Kitiara daigne s'adresser à lui en particulier. Évidemment, pour ce genre d'approche, la présence de ses deux frères était plus une gêne qu'autre chose, et comme à trois ils se heurteraient à une fin de non recevoir, Kitiara passa alors en mode solo. Pour le bien de tous.

« Caramon, Raistlin, merci de m´avoir accompagnée jusqu´ici, je vous rejoins sous peu.  » Elle prononça ces mots d'un ton autoritaire, qui voulait aussi dire en clair aux gardes qu'elle n'était pas n'importe qui pour se permettre d'avoir un mage comme garde du corps. Après tout, Caramon lui pardonnerait, et Raistlin n'y ayant aucun intérêt personnel devait s'en moquer.

Elle s'adressa ensuite aux gardes directement en les regardant droit dans les yeux :
(En Orque) « Je vois que vous faites bien votre travail. Maître Hédérick est en sécurité avec vous. Félicitations, soldats ! » Elle espérait qu'ils parlassent l'argot des mercenaires, ou que du moins l'un d'entre eux le comprenne.
(En Orque)« Il s´agit en effet de travail, mais pas d´un simple emploi de mercenaire. Je suis en mission, et j´ai fait une longue route pour parler avec Hédérick, et d´affaires qui ne peuvent pas attendre. Tout ce que je peux vous dire, c´est que c´est au sujet du bâton bleu. J´espère que vous ne ferez pas attendre maître Hédérick, qui serait certainement contrarié d´apprendre demain matin que j´ai du attendre !  »

Les gardes cachèrent à peine leurs surprise de voir une femme diriger les deux autres hommes. Mais ils ne firent aucun commentaire à ce sujet. Tout d'abord surpris d'entendre l'argot des mercenaires, les gardes hochèrent la tête d'approbation quand Kitiara les félicita pour leur sérieux. A l'exception du porte-parole qui s'attendait -avec raison- à une suite. On ne flattait que pour demander quelque chose ensuite...

(En orque)« - La bâton bleu ? Dans ce cas je comprends parfaitement !  » Le soldat pris un air légèrement moins élevé pour se remettre en position de garde. (En orque)«  En effet, il ne voudra pas attendre. Mais comme je vous l´ai dit, il n´est pas ici. Mais vous pourrez le trouver à l´auberge. Il..hum, se désaltère après une longue journée. » Il hésita un instant. (En orque)«  La journée fut difficile pour sa seigneurie. Et je pense qu´il est allé prendre un peu de ... bon temps. Mais à vous de voir. Je peux vous accompagner jusqu´à l´auberge pour vous le présenter. Mais, l´auberge est facilement visible d´ici. » -il désigna un arbre un peu plus gros que les autres- (En orque) « Et je pense que l´auberge est bondée. Vous n´aurez aucune difficulté à trouver quelqu´un qui vous désignera le seigneur Hédérick. Après si vous préférez que je vous accompagne... »

Caramon comprit l'allusion de sa sœur et répondit simplement : « Bien compris, maîtresse, on vous attend, le temps de votre entretien. »
Ses propos directs et ton ferme laissaient paraître un profond respect envers un supérieur : c'est homme était semble-t-il plus qu'un simple mercenaire, probablement comme un garde du corps qui connaissait son métier. Faisant un pas en arrière, il se mit en position d'attente, comme un garde en faction.


Si le guerrier fit preuve d'un comportement militaire, le mage se contenta de se retourner, suivi de son jumeau.
« Nous vous attendons ici. » parla le mage, à l'intention de sa demi-sœur.
La voix du mage était silencieuse et effrayante pour qui n'était pas habitué, c'était en quelque sorte la participation du sorcier pour cette scène.

Kitiara dévisagea le garde, tâchant de se rappeler de son visage.
(En Orque) « Bien, mon ami, je vous revaudrai ça. Pour ce qui est de trouver Maître Hédérick, ces deux-là me suffiront ! A bientôt !  ». Ce dernier mot était dit avec ce léger sous-entendu que l'homme prendrait certainement pour du flirt, et qui lui ménagerait peut-être un allié. S'il se faisait des idées, tant pis pour lui.

Elle se tourna alors vers Raistlin et Caramon et leur dit d'un air soulagé :
«  Il est à l´auberge. Il semblerait bien que tous les chemins y mènent, décidément ! Allons-y donc. »
Dans la fraîcheur du crépuscule, et malgré sa journée de marche, elle se sentait étonnamment bien. Ce n'était pas parce qu'elle n'avait pas perdu la main, et que la petite scène avec les gardes l'avait distraite de problèmes plus immédiats, non. C'était qu'elle était avec ses deux frangins, et qu'elle se sentait particulièrement invincible en leur compagnie.
D'un pas ferme, elle monta à l'assaut de l'auberge sans plus se soucier des appréhensions qui avaient été les siennes en ce début de journée.

La suite au chapitre 1 !

Modifié par un utilisateur dimanche 17 juin 2018 16:49:04(UTC)  | Raison: Non indiquée

Offline Rhajzad  
#7 Envoyé le : dimanche 17 juin 2018 17:33:13(UTC)
Rhajzad
Rang : Habitué
Mécène: Merci de ton soutien !
Inscrit le : 22/10/2013(UTC)
Messages : 1,211
Intro : Songe d'une nuit d'automne - 1/3
Année 348, Brunissement 8, jour du culte, à peu près 1ère veille.

Tika

Otik

Tika et Otik travaillaient dans l´auberge comme chaque jour, et la soirée ne faisait que commencer. L´auberge du dernier refuge étaient une des meilleures auberges de Krynn, et ce pour plusieurs raisons. Premièrement la situation géographique de Solace qui en fait une plaque tournante entre les gens des plaines au nord et ceux des villes au Sud, ainsi que les elfes. Ensuite, et pas des moindres, une auberge en hauteur située dans un vallonier n´était pas chose courante. Et finalement l´accueil chaleureux qui était offert à toutes et à tous par Otik Sandath, propriétaire de l´établissement.

Une odeur de bière mélangée avec celle des patates épicées d´Otik planaient dans la salle. Toutes les tables -ou presque- étaient occupées, et le brouhaha incessant des discussions animées et des différentes sortes de vaisselles qui s´entrechoquent -assiettes, chopes, couverts- forçaient les clients à crier afin de se faire entendre par Tika. Son plateau en fer forgé des initiales "FF" -Flint Forgefeu-, l´ancien forgeron de la ville, transférait la chaleur des plats qu'il supportait jusqu'à la main agile qui le retenait. Les doigts collaient quelque peu à cause du surplus de bière qui avait coulé des chopes précédemment livrées à une table de paysans dont les yeux roulaient vers des points précis de l´anatomie de la serveuse.

Tika

Quelques minutes -et plateaux- plus tard, un gars sacrément costaud fit son entrée dans l´auberge. Sa carrure semblait familière. Repoussant un client qui lui tirait quelque peu le tablier pour se faire entendre sa commande, elle se dirigea vers un point où elle pourrait mieux observer le nouveau venu. Ce qui se passa bien mieux qu'elle ne l´aurait cru car elle se retrouva en face de lui, à moins de 50cm d´elle. Lorsqu'il la reconnu, son visage s´illumina d´un sourire et il la prit dans ses bras. Cette étreinte agréable dura quelques intenses secondes avant qu'il ne la relâche, toujours souriant, en lui disant : « Hé bien jeune fille, tu as bien grandi ! Cela te fait quel âge? 14? 15? » L´esprit de Tika sembla faire un tour à l´extérieur de son corps en passant autour des deux tourtereaux, volant par dessus les têtes des clients de l´auberge en des cercles de plus en plus rapides. Ce tourbillon emporta Tika qui sembla tomber, tomber, tomber, tomber, ...

Le choc fut tellement rude que sa tête la compressait, mais elle était incapable d´ouvrir les yeux. Les paroles de Caramon semblaient tourner en boucle et se répéter à l´infini. Tout à coup ils furent stoppés par trois frappes sur le front de Tika. « Toc-toc-toc » Cela se répéta jusqu'à...

Jusqu'à ce que la belle ouvrit un œil puis l'autre. Les souvenirs de la nuit précédente lui revinrent immédiatement à l'esprit. Les compagnons qui s'étaient retrouvés. Leur fuite -aidés par Tika- à travers la ville. La poursuite jusqu'au Lac par les gardes et les gobelins, et le retour au calme vers le milieu de la nuit avec quelques interrogatoires rapidement passés. Puis le retour à sa maison pour un repos difficile à concrétiser...

Otik

« Toc-toc-toc »

« Tika ! Ouvre moi, vite ! » la voix étouffée d'Otik parvint aux oreilles de la belle au vallonier dormant. Un rêve, ce n’était qu’un rêve… Un horrible cauchemar… Son cœur battait la chamade à un rythme effréné alors que ses mains tremblantes frottaient ses yeux encore collés par le sommeil. La chute lui avait paru si réelle et ces mots raisonnaient encore à ses oreilles, s’insinuant comme un insidieux poison dans le brouillard de ses pensées.

« Toc-toc-toc » L’espace d’une seconde elle songea, les mains plaquées contre ses tempes, à hurler pour faire cesser ce tambourin qui martelait sous son crâne puis elle réalisa, abasourdie, que ces bruits étaient bien réels. Que… Qui…
Otik écrit:
« Tika ! Ouvre moi, vite ! »
La voix semblait lointaine, mais elle la reconnut aussitôt : son patron était à sa porte, pressant. À cette heure ?

Tika

« Voilà, voilà… J’arrive ! », lança-t-elle en sautant au bas de son lit, la voix éraillée. Sans prendre la peine d’allumer la moindre chandelle, après tout elle était chez et connaissait parfaitement la position de ses meubles, elle se précipita à sa porte, manquant de tomber en marchant sur l’une de ses bottes qui trainait dans le passage. Étouffant un juron, la jeune femme se remémora la soirée précédente. Cela aurait dû être un soir de fête : le retour tant attendu des compagnons, de Caramon... Mais ce ne fut malheureusement pas le cas. D’abord ces deux abrutis qui avaient manqué de finesse avec l’aînée des Majere, puis cette elfe qui perdit connaissance dans un grand cri, l’étrange bâton de cette femme des plaines qui soignait les blessures… Et, ensuite, tout s’était enchaîné. Vite, trop vite ! Et voilà qu’ils étaient tous partis, Otik et elle facilitant leur fuite. S’ensuivirent des heures à répondre aux mêmes questions pour toujours donner les mêmes réponses… Il ne fallait pas s’étonner si maintenant elle n’avait presque plus de voix ! L’épuisement avait été tel qu’elle s’était débarrassée de ses vêtements un peu n’importe comment en rentrant chez elle avant de s’effondrer sur son lit, espérant un repos mérité qui prenait visiblement fin bien trop tôt…

« Que se passe-t-il ? » La jeune femme qui ouvrit la porte n’offrait pas son meilleur profil à son visiteur nocturne : ses boucles rousses étaient emmêlées au dessus de sa tête ; des cernes violacés sous ses yeux verts -le regard mauvais d'une personne que l'on sortait trop tôt de son lit- dissimulaient une partie de ses tâches de rousseur ; elle portait une chemise débraillée, qui protégeait à peine sa féminité, lui arrivant à mi cuisse, en guise de chemise de nuit… Otik aurait presque pu ne pas la reconnaitre si elle ne portait pas autour de son cou le seul souvenir qu’elle conservait de son père : un anneau doré accroché à une chaine. L’air terriblement frais de cette nuit d’automne la prit à vif et finit de la réveiller. Elle s’écarta prestement de l’ouverture, laissant son patron -son père de substitution- pénétrer son antre alors qu’elle attrapait un plaid suspendu à un crochet à côté de sa porte et s’enroulait dedans, attendant la réponse à sa question. Otik insista encore en frappant contre la porte et en appelant Tika à se dépêcher. Lorsqu'elle ouvrit la porte, c'était un Otik aux cernes prononcées et aux yeux rougis par le manque de sommeil qui se tenait là. Ses vêtements étaient les mêmes que la veille au soir, le tablier encore tout taché par l'huile de cuisson et la mousse des bières servies. L'odeur des épices, de la bière et de la sueur emplit les narines de la belle. Son patron était encore tout essoufflé, comme s'il venait de grimper les marches menant à sa maison quatre à quatre. Derrière les larges épaules, le soleil commençait à chasser la nuit, et annonçait une nouvelle journée. Celle ci se teintait de gris au vu des nuages qui parsemaient le ciel.

Otik

Très rapidement Otik attrapa le bras dénudé de sa pupille en la poussant à l'intérieur de la maison. Sa main calleuse tenait fermement Tika mais aucune agressivité n'émanait de l'aubergiste. C'était un geste de protection. Il ferma la porte derrière lui tout en parlant et en jetant des coups d'œil inquiets vers l'extérieur. Il n'avait même pas vérifié qu'il s'adressait bien à elle. Mais une seconde de doute précédant sa phrase lui apprit qu'Otik avait fini par regarder à qui il parlait : « Je-reviens-directement-du-conseil-des-questeurs ! » Il reprit rapidement son souffle après avoir lâché le bras de la jeunette. Il se dirigea vers la fenêtre qui se trouvait juste à côté de la porte d'entrée et continua, pas du tout préoccupé par la tenue de Tika : « Ils-ont-discuté-toute-la-nuit ! ... Ils cherchent un bouc émissaire... et ces deux chiens ! » -il frappa de son poing dans sa paume- « Tu sais, les deux salauds qui ont créé des problèmes à la femme des plaines et à la sœur de Caramon, Fruds et Girkal ? » -ses yeux fixaient Tika droit dans les siens, projetant plusieurs petits films dans la mémoire de la serveuse. Elle avait du elle-même mettre dehors ces deux pervers qui avaient tenté à maintes reprises de balader leurs mains sur son corps- « Ben les deux ont témoigné mordicus que t´avais aidé les fuyards ! » -de la colère, son expression se mua en tristesse- « J´ai bien essayé de dire que c´était moi et que tu n´avais rien à te reprocher. Mais les membres du conseil ont avancé que j´essayais de te protéger et que je n´avais rien à voir dans l´histoire ! » -Il s'approcha et prit les mains de Tika dans les siennes, les larmes aux yeux- « Je... notre auberge, tu...  » Les mots moururent dans sa gorge. L'utilisation du terme "notre" était chargé de sens. Otik considérait Tika comme sa propre fille même s'il n'en avait jamais parlé ouvertement, et l'auberge du dernier refuge était autant sa maison que celle d'Otik. Il savait aussi que, vu la situation, elle n'y remettrait sans doute plus jamais les pieds. Et cette séparation, cette déchirure était douloureuse pour l'homme d'âge mûr qu'il était. Lui qui n'avait jamais eu d'enfants. Cet instant sembla perdurer jusqu'à ce qu'Otik le brise : « Vite, prépare tes affaires ! Les gardes ne vont pas tarder à arriver ! Je viens directement du conseil qui s´est tout juste terminé. Ils doivent être en train d´informer la garde ! » Il se retourna vers la fenêtre, l'air inquiet, scrutant les moindres recoins. Mais pouvait-il encore seulement voir quelque chose? Ses yeux étaient totalement remplis de larmes...

Tika

Tika fut surprise par l’entrée d’un Otik à court de souffle, tant par sa brusquerie -même si c’était dernière n’était nullement tournée à son encontre- que par sa mise qui n’avait pas changé depuis la veille, lorsqu’ils s’étaient quittés. Que Diable a-t-il pu se passer cette nuit..? Elle ouvrit la bouche pour lui en faire la remarque mais l’attitude inquiète -pour ne pas dire affolée- de son patron l’empêcha de sortir la moindre remontrance. Sentant la confusion dans ses propos, elle essayait de comprendre où il voulait en venir quand son coup de colère la fit sursauter. Ces deux-là, elle les connaissait bien. Leurs regards salaces, surtout, dès lors que sa poitrine avait commencé à se former, leurs crasses mains baladeuses, juste freinées dans leur élan par les grognements du tenancier jusqu’à ce jour où elle fût suffisamment assez forte pour se débrouiller seule et démît le pouce de cet enfoiré de Fruds… Ces images refluèrent à sa mémoire pour venir s’écraser contre la réalité qui se dessinait dans les yeux d’Otik…
Non ! Ce cri résonna dans sa tête alors qu’elle restait muette, abasourdie par la nouvelle et qu’il prenait ses mains dans les siennes, larges et calleuses, chaudes et réconfortantes. Le temps parut s’arrêter pour la jeune femme alors que les rouages de son cerveau se mettaient en branle et assimilaient les informations qu’ils recevaient. Par deux fois, elle cligna des yeux, bouche bée. «  Mais… Que..? J’peux pas… » Incrédule, elle ne savait plus comment réagir, un étrange voile opaque commençait à couvrir son regard…
Puis la voix, impérieuse, de l’homme s’éleva à nouveau sous son toit et Tika comprit l’urgence de la situation. Un déclic dans son cerveau et elle se mit en action. Partir ? Abandonner Otik ? Elle ne le voulait pas. Pas plus qu’elle ne voulait donner raison à ces deux sales pervers. Mais elle savait qu’il avait raison. La situation aurait été différente, elle serait restée pour se justifier… Mais même. Avec son passé, quand bien même Otik l’avait protégée et que peu étaient au courant, cela aurait été trop risqué… « Oui ! Tout de suite… » Son corps agit alors tel un automate. Elle courut à sa chambre, ses yeux désormais habitués à l’obscurité environnante, ramassant sa botte au passage, ouvrit vivement son armoire et en sortit un sac à dos poussiéreux. Sans réfléchir, elle le remplit avec les premières choses qu’elle attrapa d'une main à commencer par le plaid qu’elle avait sur les épaules, retrouvant dans un tiroir de sa commode un jeu de couteaux qu’elle croyait oublié depuis longtemps, des outils dont elle ne s’était plus servie que pour ouvrir des serrures coincées…
Courant à sa pièce principale, elle ouvrit un placard d’où émanait d’agréables odeurs d’épices, fourrant son sac avec ce qu’il lui tombait sous la main. Ses doigts, alors, touchèrent un objet froid et lourd. Machinalement, elle l’amena à elle : une large poêle à frire, cadeau de son patron lorsqu'elle s’était installée ici, elle aussi marquée d’un FF comme la plupart des objets en métal de l’auberge… Elle la regarda un instant, devinant son contour plus qu’elle ne le vît dans cette pénombre du petit matin, releva la tête vers le dos voûté d’Otik qui, inquiet, montait la garde à sa fenêtre, revint à ce qu’elle tenait en main…et l’ajouta à son barda déjà bien chargé. Dans sa garde robe, elle avait attrapé un vieux pantalon de cuir et ignorait si elle pouvait encore entrer dedans. Sautillant au milieu de la pièce pour l’enfiler en vitesse, elle prononça enfin les mots qui se bousculaient à ses lèvres « Et toi ? Que vas-tu faire ? » Elle souffla en se redressant. « Pour l’auberge… Et ils vont savoir que tu m’as prévenu… » Son talon claqua contre le plancher quand elle eut fini de glisser son pied dans sa botte. La seconde en main, son sac accroché à une épaule, elle avança en claudiquant jusqu’à lui, posant une main sur son épaule. La gorge serrée, elle dit « Je… Qu’est-ce qui va se passer maintenant ? »

Otik

Otik avait bien fait de se retourner vers la fenêtre. Non seulement pour cacher ses larmes, mais surtout pour s'épargner la vue de sa protégée dont la foule de sentiments se dessinaient rapidement sur le visage. Il s'essuya les yeux d'un revers de manche et ponctua les fouilles de Tika par des grognements caractéristiques. Ceux qu'il faisait quand il était à la bourre dans son travail à l'auberge.
Cite:
« Et toi ? Que vas-tu faire ? »
Un nouveau grognement se fit entendre. « Essayer de te mettre à l´abri avant que ces foutus gardes n´arrivent ! »
Cite:
« Pour l’auberge… ils vont savoir que tu m’as prévenu… »
Il se retourna et observa la jeune fille avec un mélange de tendresse et de tristesse :
« Ne t´inquiète pas pour ça. De toutes manières qui d´autres qu´Otik ... -ou Tika !- pour tenir l'auberge ! Je ramène trop de clients et... » sa voix mourut et il lança son bras en arrière, et fit demi-tour, comme pour balayer ses paroles sans importances. Il se figea à la fenêtre, et ses muscles se raidirent... « Ils...ils sont là... » Il se retourna, blême, vers sa pupille. Après un court instant il vint embrasser sur le front Tika puis lui dit : « Vite, la porte arrière ! » -qu'il désigna du doigt- « Je vais les retarder... » et il se tourna vers la porte qu'il ferma à clé. Il se retourna pour voir Tika partir en lui enjoignant de se dépêcher par des gestes de la main.

Tika

Un instant plus tard, la porte principale de la maison fut secouée par des coups que Tika entendit à travers toute la maison. Elle jeta un coup d’œil rapide à l'extérieur mais ne vit rien. Elle posa ses pieds sur la passerelle en bois qui reliait les maisons entre elles, et se dirigea dans le sens contraire aux visiteurs indésirables. Elle ne fit que quelques pas qu'elle se retrouva face à deux gobelins. Elle se retourna et aperçut deux gardes humains derrière elle. Aucune échappatoire... Le sol se trouvait à plusieurs dizaines de mètres en contre-bas, et une chute serait fatale...

Le silence… Cet assourdissant silence qui précédait les moments de tension. Voilà ce qui emplissait présentement l’esprit de la belle, là, sur cette passerelle, coincée entre deux groupes d’individus qui ne le voulaient certainement pas du bien. Ce silence l’empêchait de réfléchir correctement, ses mains tremblaient et sous elle, ce vide si attirant, si effrayant.

Tika

Otik… Son patron, son mentor, son protecteur... Toutes ses pensées étaient tournées vers l’homme qui avait prit de grands risques pour lui permettre de fuir l’injustice du Conseil et, à cet instant, tentait de protéger sa fuite…laquelle virait au cauchemar ! Comment avait-elle fait pour ne pas voir ces gobelins qui arrivaient ? Ou ces hommes qui fondaient sur elle ? Ses yeux embués, son cœur battait la chamade. Il lui semblait que sa vie était tombée dans une sorte de spirale, un tourbillon où tout lui échappait...
Arrêtée dans son élan, elle tenta de reprendre le contrôle de ses sens. Elle ferma les yeux une demi-seconde pour prendre une grande inspiration. Elle ne pouvait pas se laisser capturer comme ça. Elle devait tenter quelque chose… Elle jeta encore un coup d’œil devant elle. Les gobelins, petits et furieux, seraient un réel problème. Les hommes, derrière, restaient des hommes d’armes. Avec un peu de chance, ils étaient encore moins éveillés qu’elle ; les réflexes encore endormis… Il suffirait de les surprendre… Sa décision précise, elle se pinça les lèvres, déglutit et… se retourna pour courir vers les deux hommes qui s’avançaient vers la passerelle. Arrivée à leur hauteur elle plongea -pieds en avant- et tenta de glisser entre les jambes de ses messieurs…

La belle Tika s'élança vers les deux gardes humains. Ils se préparèrent à la recevoir, mais elle glissa entre leurs jambes. En quelques pas elle allait se débarrasser d'eux. Leurs yeux rougis et les cernes qui soutenaient leurs regards ébahis en disait long sur leur état physique.

Tika

Elle était passée ! Contre toute attente, elle avait pu franchir le barrage de ces deux hommes.
Elle se retourna, prête à prendre ses jambes à son cou ...
Tout n'était donc pas perdu, l'espoir était en train de renaître dans le cœur de Tika dont le visage s'anima malgré elle d'un demi-sourire...pour buter face à d'autres gardes humains et gobelins qui venaient pour l'arrêter et que de fortes poignes la saisissent par les bras. Son univers s'effondra.

La jeune femme voulut se défendre, protester, mais ils étaient trop nombreux et une gifle bien sentie calma ses ardeurs. C'était peine perdue. Des mains solides lui attrapèrent les bras, et l'odeur de la sueur sèche envahit son nez. Les gardes lui attachèrent les mains dans le dos, et la soulagèrent de ses affaires ainsi que de ses armes...
Sans ménagement les gardes humains poussèrent Tika à descendre les marches pour rejoindre le sol. Des gobelins aux yeux mauvais se trouvaient un peu partout, comme s'ils vérifiaient que tout se passait bien. Les gardes passèrent le relais à deux des gobelinoïdes. Les créatures serraient maintenant les bras de la belle en se faisant un plaisir d'enfoncer leurs ongles dans sa chair.
Un peu plus loin, un étrange convoi était en attente. Une énorme cage sur roue -dont la porte était ouverte- se trouvait entourée par la population de Solace. Hommes, femmes, enfants étaient tenus à distance par un cordon de gobelins aux ordres de Toede, l'immonde gobelin à tête de crapaud. Son fouet claquait :
«  Reculez !!! J´ai dit : reculez ! Sinon vous aurez droit au fouet ET à la cage comme cette traîtresse, cette folle par qui le malheur va arriver !  »
Les visages se tournèrent alors tous vers Tika quand un enfant la désigna du doigt, tirant sur la robe de sa mère qui mit sa main devant sa bouche, retenant ses larmes. Quelques personnes toisaient durement la serveuse pour sa folie, sa traîtrise qui risquait d'amener la destruction sur Solace à cause de ce bâton bleu. Mais la plupart des autres visages étaient tristes, révoltés ou présentaient de l'incompréhension.
Toede se tourna à son tour, et son visage se fendit d'un sourire carnassier. Il talonna sa monture pour se rapprocher :
« Ah ! On fait moins la maline ! Maintenant qu´on va se retrouver interrogée par les questeurs de Haven ! Allez hop ! Dans la cage ! Le carrosse de mâaaadame attend »

Une voix s'éleva d'au milieu de la foule : « Laissez là ! »
Une autre répondit : « Oui, elle ne voulait pas mal. »
Puis encore d'autres s'élevèrent. Même les gobelins reculèrent devant cette foule en colère...
«  Assez ! » cria Toede en faisant claquer son fouet à quelques centimètres des villageois les plus proches.
« Ceux qui se montreront rebelles à l´ordre de Solace seront châtiés sévèrement ! » Ses yeux foudroyaient le moindre de ceux qui osaient le regarder. La plupart finirent par baisser la tête. Toede se redressa, fier :
« - Ah ! Vous êtes redevenu sages et intelligents. Qu´il fait bon vivre ici !
- Laissez là je...  »
la voix d'Otik à une trentaine de mètres de là fut stoppée par un bruit mou. On venait de le frapper. Son visage était traversé par une coulée de sang. Il s'était sans doute débattu mais les gardes avaient eu raison de lui. Ils traînèrent son corps inconscient en direction de l'auberge, et Tika fut poussée par les gobelins jusque dans la cage. Ils la projetèrent violemment et fermèrent la porte qui fut verrouillée par un cadenas dont la clé fut remise à Toede. Ce dernier la récupéra en regardant Tika. Il montra bien la clé quand il la rangea dans sa poche afin qu'elle comprenne que c'est LUI qui contrôlait sa liberté.
Il se détourna alors vivement, fit claquer son fouet et cria :
« Allez ! En route ! Bougez vous, gens de Solace ! »
Le chariot se mit en branle, tiré par deux chevaux, et accompagné de deux cochers gobelins. Six gardes -quatre devant, deux derrière- entouraient le chariot. Toede lui-même à cheval fermait la marche. Dans la foule, les enfants se serraient contre les robes de leurs mères. Un bébé se mit à pleurer très fort, et les hommes de la ville suivirent la procession comme s'ils assistaient à un enterrement. Quelques uns osèrent regarder Tika dans les yeux, mais la plupart se détournèrent.

Tika

La fatigue revint au galop, l'adrénaline due à l'urgence s'évaporait désormais comme neige au soleil et elle n'avait d'autre choix que de laisser ses malotrus la pousser dans les escaliers où, au moins, elle serait sur la terre ferme.
Sans un mot, le visage fermé et la mâchoire crispée, elle avançait la tête penchée en avant, dissimulant ainsi sa joue rougie et, surtout, les larmes de rage qui lui montaient aux yeux.
Le souffle court, elle releva la tête lorsque les gardes passèrent la main aux gobelins, serrant les dents avec fierté lorsque leurs ongles pénétrèrent ses chairs et jetant un regard noir derrière le voile de ses larmes vers le grotesque Toede et son stupide fouet, sans vraiment comprendre où son cortège l'emmenait. Tournant la tête vers le public, elle vit l'enfant qui la pointait du doigt. Elle inspira et trouva la force de lui sourire comme on la trainait vers cette cage roulante.

La foule grondait et Tika guettait du regard un signe, un geste.
Otik... Ses pensées la ramenèrent à son patron : était-il là ? Avait-il seulement pu s'en sortir devant les gardes ?
Mais l'harangue de tête de crapaud calma ceux qui avaient des choses à dire... excepté une voix. Otik !
Tika tourna vivement la tête vers l'homme. « Otik !  »
Horrifiée par ce qu'elle vit, elle réagit vivement, sans réfléchir, cherchant à se libérer des doigts griffus qui la maintenaient. Elle se jeta en avant, hurlant : « Salauds ! »
Mais c'était peine perdue et elle ne put que voir le corps de son protecteur traîné en direction de son auberge.
Puis elle fut jetée comme une malpropre dans la cage tandis que l'affreux gobelinoïde la narguait. Elle cracha tout le ressentiment qu'elle pouvait à sa face, l'émeraude de son regard virant au noir haineux.
Péniblement, Tika se releva alors que le cortège se mettait en route. La jeune femme ne voulait pas donner le plaisir de paraître faible malgré la situation. Tant bien que mal, elle se redressa, la tête bien droite. Elle chercha dans la foule les deux pervers qui devaient se réjouir de la situation ; elle voulait qu'ils sentissent tout le mépris qu'elle avait pour eux, sans se rendre compte que ses joues étaient mouillées du torrent de larmes qu'elle ne pouvait maîtriser...
Le chariot et sa sombre procession s'éloignaient petit à petit. Dans la foule, aucune trace des deux lascars. Soit ils avaient autre chose à faire comme retourner se coucher, compter leurs pièces d'acier ou tout simplement n'avaient ils pas eu le courage de se montrer et d'assumer leur fourberie. Cette dernière option était la plus probable...

En quelques minutes, le convoi se retrouva sur la route de Haven. La sortie du village atteinte, les gobelins diminuèrent le rythme par deux. Sans doute désiraient ils se préserver pour la longue marche... Le chariot atteint le pont qui enjambait les gorges de Solace -qui finirait par rejoindre Blanche-rage puis enfin la Nouvelle mer- et s'arrêta. Seul le bruit assourdissant des flots se faisait entendre. Tika n'eut qu'à suivre les regards des gobelins pour comprendre la raison de cet arrêt. Dans le ciel, au-dessus du lac, plusieurs explosions fantastiques se succédaient les unes aux autres. L'incompréhension se lisait sur les visages. Après quelques secondes, les déflagrations cessèrent. Les gobelins regardaient un peu partout autour d'eux, les mains crispées sur les hampes de leurs lances. Plusieurs minutes passèrent. Toede finit par faire claquer son fouet :
[En Gobelin] « Allez en route tas de larves ! On va pas rester ici à attendre la fin de la journée !!!  »
Les cochers remirent le chariot en mouvement, et la garde -toujours nerveuse- suivit.

Impuissante, Tika resta un long moment à regarder disparaître le village de Solace, jusqu’à ce que ce dernier ne fut plus qu’un point, se tenant tant bien que mal aux barreaux de cette cage brinquebalante. Toutes ses pensées étaient tournées vers son protecteur, espérant qu’il s’en sortirait malgré tout. Après tout, lui n’était pas dans cette cage…
Accrochée à cette idée vaguement rassurante, la jeune femme reporta alors son attention sur ses geôliers, maîtrisant mal une grimace de dégoût tant ses créatures n’avaient pas la faveur de son estime, notamment l’immonde tête de crapaud qui se pavanait fièrement sur sa monture et dont les claquements du fouet lui faisaient grincer des dents à chaque fois qu’ils retentissaient.
Et qu’ont-ils fait de mes affaires ?, songea-t-elle tout à coup alors que son regard passait d’une face hideuse à l’autre. De sa position, elle chercha dans le cortège si, par un grand miracle, ses tortionnaires avaient eu l’idée d’emmener des preuves de sa traîtrise avec eux… Enfin, pour ce que ça m’avancera… Ce n’est pas ça qui me sortira d’affaire ! Mais elle avait besoin de se raccrocher à certaines petites choses concrètes comme celle-ci et elle scruta les rangs de gobelins jusqu’à ce que le cortège s’arrêtât brusquement.
« Qu’est-ce que… » Manquant de tomber à la renverse, son regard suivit ceux des gobelinoïdes qui encadraient le chariot, tous tendus à l’extrême, les yeux levés au ciel. Le spectacle était impressionnant et, aussi bref fut-il, il était difficile de s’en détacher, les explosions scintillantes se reflétant dans les prunelles d’une Tika ébahie. Malheureusement, ces déflagrations ne furent pas d’un grand secours pour la jeune femme qui fut propulsée, une fois de plus, au fond de la cage lorsque celle-ci redémarra avec brutalité.

Après plus de deux heures, le chariot fit à nouveau une halte. C'était un plaisir. Le chariot n'avait pas été prévu pour le confort des passagers. Et il était impossible de se reposer à cause des incessantes secousses dues aux ornières qui parsemaient la route. Une voix non gobeline parvint aux oreilles de la prisonnière :

?

« Je t´ai demandé si tu m´entendais ! »
Levant les yeux, elle découvrit un vieil homme habillé d'une toge qui avait été autrefois blanche, et coiffé d'un chapeau pointu de la même teneur que sa robe. Il semblait menacer un chêne avec son bâton.
« Je t´ai dit de bouger ! J´étais sur cette pierre, assis tranquillement, à lire un livre très intéressant qui euh, bref, je reposais mes vieux os en profitant d´une petite éclaircie, et toi, tu as eu le culot de me faire de l´ombre ! Je t´ordonne de te déplacer que je puisse à nouveau en profiter ! » -l'arbre ne répondit pas plus qu'il ne bougea- « Quelle insolence !!! Je... je vais te... » -il donna plusieurs coups de bâton dans le tronc de l'arbre.
Toede fit signe à ses soldats : « « Mettez moi ce vieux fou dans la cage, ça fera un peu de distraction... » »
Les gardes saisirent le vieil homme qui commença à leur donner des coups de bâton très faibles jusqu'à ce que les gardes lui retirent son "arme".
« Mais laissez moi tranquille ! C´est cet arbre que vous devez arrêter ! La raison? Son crime? Cacher la lumière du soleil ! Et je... » -ils jetèrent sans ménagement le vieil homme dans la cage puis la refermèrent- « Oh, mais quelle brutalité ! » -Il releva la tête et son chapeau lui tomba sur les yeux- « Qui a éteint les lumières !!! Je .. Ah ! Je vous l´avais bien dit de vous méfier de cet arbre ! Maintenant on y voit plus rien et... » -le convoi se remit en mouvement, et une roue passa dans une ornière, secouant toute la cage et propulsant l'humain sur son postérieur- « Aie ! je euh... » - son chapeau se remit en place et il regarda autour de lui, surprit. Une douce odeur d'épices se dégageait de ses vêtements- « Hum, bon, humpf... » il regarda Tika un instant, lui fit un sourire, puis se leva, secoua ses vêtements et remit son chapeau en place. Puis il tendit la main vers la jeune femme : « Bonjour mademoiselle, à qui ai- je l´honneur? Je me présente, je suis... euh...  » - tout en tenant la main de la prisonnière, il releva un doigt sur son menton et leva les yeux au ciel, comme s'il y cherchait une réponse- « Je euh, -comment je m´appelle déjà- Ah oui ! Fizban !  » Il sautillait sur place comme s'il avait fait la découverte du siècle ! « Ma foi, je suis bien content de vous accompagner dans ce voyage, nous n´aurons pas besoin de marcher. Quel luxe ! Mais je vous en prie, installez vous, faites comme chez vous !  ».

La suite au post suivant...

Modifié par un utilisateur samedi 8 septembre 2018 20:36:22(UTC)  | Raison: Non indiquée

Offline Rhajzad  
#8 Envoyé le : lundi 18 juin 2018 19:02:23(UTC)
Rhajzad
Rang : Habitué
Mécène: Merci de ton soutien !
Inscrit le : 22/10/2013(UTC)
Messages : 1,211
Songe d'une nuit d'automne 2/3 (suite)

Tika

Grommelant, soudain submergée par la fatigue, la jeune femme tenta de se caler dans un coin de son sinistre carrosse -là où les cahots se faisaient le moins sentir- le dos contre des barreaux trop durs, ses genoux entre ses bras. Ballottée, elle chercha vainement à pouvoir s’assoupir, le front sur les genoux, quand une voix humaine la tira de sa somnolence.
Cite:
Fizban avait dit : « Je t´ai demandé si tu m´entendais !  »

La scène lui paraissait saugrenue. Un fou ! Mais cela semblait amuser Toede et avant que ni elle ni le pauvre hère ne comprissent quoi que ce fut, le vieil homme était jeté manu militari dans la cage en compagnie de la belle, son étrange chapeau sur les yeux.
Celle-ci voulut l’aider à se redresser mais la rencontre d’une roue avec une nouvelle ornière la repoussa dans le fond de la cage, tandis que l’homme y voyait à nouveau clair. Il sourit. Bien qu’étrange, la jeune femme trouva l’homme touchant et lui sourit en retour alors qu’il s’approchait d’elle, la surprenant à nouveau en lui saisissant la main.

Fizban

Il s'assit à même le sol comme s'il s'agissait d'un volumineux fauteuil confortable, les bras soutenus par des accoudoirs... qui n'existaient pas. « Bavardons un brin, voulez vous ? » -sans attendre de réponse il enchaîna- « Je peux vous le dire, cette forêt est vraiment magnifique, il y a des euh hum, j´ai oublié le nom, mais il y a des fleurs absolument ma-gni-fi-ques ! Et que dire des oiseaux ! Certains n´existent qu´en ce lieu ! Si vous saviez la chance que nous avons ! Car elle n´est pas ouverte à tous ! L´eau y est pure et douce à boire, et les plantes aromatiques y sont nombreuses » -dit il avec un clin d'œil, comme s'il faisait une confidence digne d'intérêt- « Et sinon, comment ça va chez vous? Comment va ce bon vieux râleur d´Otik? Il me semblait avoir des maux de tête la dernière fois, serait-ce à cause d´une nouvelle épice qu´il aurait testée ? »
Il approcha sa tête et son torse comme s'il allait faire une confidence : « Vous savez, je l´ai aidé à mettre au point sa recette ! » -il fit un nouveau clin d'œil- « Bah, je dois vous ennuyer avec mes histoires, vous qui êtes jeune... Quelle âge déjà ? 19 ans ? » -il mit sa main devant sa bouche comme s'il avait dit une bêtise- «  Oh, excusez moi, c´est inconvenant de parler de l´âge d´une femme ! »

Tika

« Heu… En…enchantée ! », bredouilla-t-elle en écarquillant les yeux, faisant craquer les sillons séchés qui couraient sur ses tâches de rousseurs. Elle n’eut pas le temps de poursuivre que déjà, il repartait sur une nouvelle tirade, s’installant dans leur prison sur roues comme on s’installerait tranquillement sur son fauteuil dans son salon. Ce type a un problème, visiblement…
N’ayant guère d’autre choix, elle s’assit en tailleur devant lui, gardant un œil interrogatif sur son vis-à-vis, essayant de suivre son babillage.
« Otik ?  » Elle faillit crier lorsqu’il prononça le nom de son patron, portant soudain sa main à ses lèvres. Ses sourcils se froncèrent et elle avança son visage vers l’homme, jetant un coup d’œil vers les gobelins. « Il va… Comment vous… » Mais déjà il repartait vers de nouvelles « confidences », lâchant au passage son âge. À elle. Elle se recula subitement, surprise, et dévisagea le vieillard.
« Co… On se connait ? » Son visage avait prit une expression mutine, les sourcils froncés, tout comme son nez fin, faisant danser les tâches de rousseur sous ses yeux cernés.
« Qui êtes-vous au juste ? Comment vous me connaissez ? Et Otik ?  », lâcha-t-elle enfin, sur la défensive, lorsqu'elle put en placer une.

Le chariot avançait inlassablement. Les chevaux étaient robustes et leurs muscles bien développés, contrairement aux gobelins à pied qui peinaient de plus en plus et finirent tous par être dépassés par la cage. Toede prit la tête du convoi, et rappelait régulièrement à sa piétaille :
«  C´lui qui traîne trop loin, j´le fouette jusqu´à c´qu´il chiale ! »
Ce qui faisait son petit effet...

En les regardant passer ainsi que Toede, Tika ne vit absolument aucune trace de ses affaires. Elle en était maintenant sûre : son sac n'était pas avec eux !

Fizban

Cite:
Tika avait dit : « Heu… En…enchantée ! »
Les yeux de Fizban pétillèrent d'intérêt. Il répondit quelque part au milieu de ses divagations :
« Oh, vous êtes magicienne alors? Intéressant, intéressant...  »
Cite:
Tika avait dit :« Qui êtes-vous au juste ? Comment vous me connaissez ? Et Otik ? »
Le vieil homme assis dans le chariot fronça les sourcils : « Comment ? » -il se releva péniblement- « Je ne me suis pas présenté? Avec l´âge j´en oublie les règles de la politesse !!! » -il fit une légère courbette en se présentant- « Fizban, pour vous servir demoisel... » -en se relevant, son chapeau lui retomba devant les yeux- « Ah non ! Pas encore ! Je... ah oui... » -il remit son couvre-chef en place en accompagnant le mouvement d'un léger grognement et d'une moue impatiente. Une fois le tout en place il enchaîna- « Si je connais Otik ? Mais... » -il fronça à nouveau les sourcils- « ... je viens de vous parler de lui ! » -son visage crispé se détendit pour exprimer un doute- « Ou bien était ce à ce vieux fou qui me faisait de l´ombre? » -se demanda-t-il en retirant son couvre chef, révélant une calvitie bien développée sur le front et le dessus du crâne qu'il gratta énergiquement- « Étrange... »

Son regard se détourna pour se poser sur la gauche du chemin, vers l'ouest : « Ah ! Nous voilà arrivés !  » dit-il en désignant du doigt une série de pins regroupés au milieu des feuillus bordant le chemin. Il s'adressa aux conducteurs du chariot : «  Veuillez arrêter le carrosse s´il vous plait ! Nous voilà arrivés à destination !  » Les gobelins de prime abord surpris se mirent à rire sans répondre au vieillard. Fizban fit alors un pas depuis l'arrière de la cage et se retrouva face à Tika, gêné : «  euh, excusez moi euh... Votre nom déjà ? » puis sans trop faire montre d'une grande patience en vue de la réponse, il alla taper dans les barreaux sous les fesses des gobelins : « Oh, vous m´avez entendu !? » Les gobelins rirent de plus belle, accompagnés par Toede et l'arrière-garde. Remettant son couvre-chef en place, il se tourna vers Tika : « Je suis désolé de vous demander cela, mais hum, auriez vous un peu de fiente de chauve souris sur vous? J´aimerais ouvrir cette porte là. » Il désigna la porte solide de la cage.

Tika

Magicienne… Que raconte-t-il ? Tika cherchait à déchiffrer le visage de son interlocuteur, essayant de repérer une quelconque logique à ses babillages incongrus. Secouant la tête, ses boucles auburn dansèrent autour de son visage -où les derniers traits enfantins tendaient à disparaître- pour se déposer avec douceur sur sa poitrine alors qu’elle cherchait dans sa mémoire où elle aurait rencontré cet étrange olibrius. À l’auberge, assurément, mais quand ?
Elle ne pouvait s’empêcher d’écarquiller les yeux, pantoise devant ses sauts de phrases intempestifs, indécise sur les réponses à lui donner ou soupirant d’exaspération lorsqu’elle accourut vers lui pour l’aider à nouveau et qu’il la regardait, encore, comme s’il venait de la voir pour la première fois. Mais il la surprit vraiment quand, frappant contre les barreaux, il demanda à arrêter le "carrosse" car arrivé à destination…
Voulant arrêter la mascarade, et ne supportant plus les rires de ces néfastes gobelins, la jeune femme inspira et s’avança vers le vieil homme, une main tendue vers lui. « Non, attendez… »
Elle n’eut pas le temps de poursuivre que déjà il se retournait vers elle, demandant de la fiente de chauve-souris. Sa main suspendue dans l’air, elle arrêta son geste et eut un mouvement de recul. « De la...quoi ? » Son front se plissa d’incompréhension. Puis, se ravisant, elle soupira en écartant les bras, agitant doucement sa tête de gauche à droite. « Non ! Ils m’ont pris mes affaires…
N’avez-vous donc pas remarqué que ces malotrus nous ont enfermé pour nous mener à une destination qu’il ne siéra qu’à ces affreux ??  »
, fit-elle un brin désinvolte, la tête légèrement penchée sur le côté…

Fizban

Le temps sembla se figer autour de Tika et de Fizban. Le vieil homme fixait maintenant la jeune femme droit dans les yeux. Dans ses pupilles dansait un reflet, celui de la prisonnière. Et Fizban posa ses mains de part et d'autre de ses boucles rousses, créant un poids sur chacune de ses épaules qu'elle n'aurait pu imaginer pour de si vieux membres. Il approcha son visage et lui murmura d'un air sérieux : «  La destination importe peu, seul compte le voyage ! ». Le reflet dans ses yeux sembla parcourir...
Et tout cessa quand Fizban détourna le regard en annonçant : « Tant pis, je vais devoir improviser alors... » -il se lissa sa vieille barbe- « Ah, au fait ! » -il secoua son corps et passa sa main dans un des plis de sa robe- « Je pense que vous pourriez utiliser cette arm... » -il sembla surpris de ce qu'il découvrait au toucher- « Mais ce n´est pas... » abasourdi il sortit une petite poêle. Son visage afficha la stupéfaction de la découverte. « Oh, ce n´est pas ce que je... Bon, tant pis... ça devrait faire l´affaire... ». Il mit la poêle dans les mains de Tika et ajouta : « Il faudra donner un grand coup de poêle !  » -il mima avec ses mains le geste- « Dans la serrure ! » -il releva le doigt pour mettre en garde- « Mais pas avant que j´agisse ! ». Il se retourna pour faire face à l'arrière de la cage, laissant Tika dans son dos.

Les gobelins se demandaient bien pourquoi le vieil homme faisait de grands gestes avec ses mains et s'exprimait dans un langage inconnu de tous. Mais ils redoutaient plus le fouet de Toede que la folie d'un vieillard... Ils continuèrent donc à marcher derrière le chariot tranquillement.

Tout à coup, Fizban pointa la serrure, et une boule jaune-orangée fut propulsée de son index et vola jusqu'au cadenas... où elle explosa en une gerbe de feu géante ! Tika eut à peine le temps de se cacher derrière le vieux bonhomme en tirant sa cape devant ses yeux pour se protéger ! La déflagration fut suivie immédiatement par des cris d'horreurs et une odeur de chair calcinée atteint les narines de la belle.

Les barreaux à l'arrière de la cage étaient tous rougis par la chaleur de l'explosion, ainsi que le cadenas qui était encore fermé. Au-delà des barreaux, le chemin et l'herbe étaient noircis par le feu, et six petits corps tous calcinés gisaient au sol. Au dessus, les deux gobelins qui guidaient les chevaux s'étaient retournés et poussaient des petits cris stridents en remuant sur place et en désignant les corps... Toede cria : « Mais que...?! »

De Fizban, il ne restait que le chapeau pointu sur le sol de la cage. Un des bords avait pris feu, et de la fumée se dégageait au travers des fibres depuis le dessous du couvre-chef.

Tika

Le poids sur ses épaules avait surpris la jeune femme plus qu'elle ne l'aurait cru, aussi avait-elle écarquillé légèrement les yeux...pour se retrouver plongée dans son regard à lui !
"La destination importe peu, seul compte le voyage !" Cette phrase à peine murmurée avait résonné dans sa tête comme une litanie lancinante, le temps s'étant suspendu autour d'eux, et s'était répercutée encore et encore sans qu'elle pût en saisir toute l'essence malgré ses tentatives...jusqu'à ce qu'il fût détourné. Et sans rien y comprendre de plus, tout s'était enchaîné à une vitesse surréaliste ; tout comme l'apparition de cette petite poêle qu'il lui avait fourré dans les mains avant de s'en retourner vers le fond de la cage qui fut tout aussi rapidement le théâtre d'une terrible déflagration qu'elle n'avait compris qu'à la dernière seconde, évitant de justesse de brûler l'émeraude de ses yeux.

Le spectacle était ahurissant. Devant elle -tenant une petite poêle en main- ne restaient plus qu'un chapeau fumant, un cadenas rougeoyant et les corps calcinés de la troupe gobelinoïde en arrière plan.
Et maintenant..?
La voix de Toede retentit derrière elle. Tika n'osa pas tourner la tête par-dessus son épaule, son regard allant de son "arme" au cadenas...au regroupement d'arbres, non loin, qu'avait indiqué le dénommé Fizban quelques instant plutôt. Si je pouvais les atteindre... Mais il est à cheval...et armé d´un fouet !
Si seulement il n´était pas à cheval...

Elle leva les yeux une demi-seconde, au-dessus de la cage. À deux mètres, maximum... Les barreaux sont assez resserrés... Si j´pouvais... Non, c´est complètement dingue.
Mais après tout ! Et puis mieux vaut tenter quelque chose que de subir la brûlure de son fouet...

Une idée folle venait de lui traverser l'esprit. Tellement saugrenue qu'elle pouvait, peut-être, avoir ses chances...
Un dernier regard vers les arbres puis elle ferma les yeux. Elle prit une grande inspiration.

Imitant le geste de l'étrange mage, elle porta un violent coup avec sa poêle contre le cadenas et, à son grand soulagement, ce dernier céda.
Déjà elle entendait l'affreuse tête de crapaud réagir derrière elle. Mais elle avait décidé de le surprendre. La porte ouverte, elle sauta...pour attraper les barreaux au-dessus d'elle et tenter par un mouvement de balancier avec son corps de grimper au-dessus de la cage !

Les roues arrières du chariot avaient été carbonisées elles aussi. Dès que Tika eut escaladé la cage, ces dernières s'affaissèrent, enfonçant l'essieu dans la route, et stoppant au passage le "carrosse". Même en ayant utilisé un tissu pour sa main, la belle pouvait sentir la morsure du feu sur sa peau. Elle en avait connu d'autre avec la cuisine. Au mieux sa peau resterait rouge pendant un ou deux jours, au pire elle aurait une cloque...

Les deux gobelins se levèrent en tirant leurs épées courtes, puis avancèrent en direction de Tika. Le premier se dandina sur les barres jusqu'à Tika et prit une posture défensive. Derrière lui, son collègue fit deux pas, puis rapetissa d'un coup lorsque son pied glissa. Son entrejambe prit un coup de barre et lui coupa le souffle. Quand il put récupérer, il vociféra en direction de Tika : [En gobelin]« Espèce de... @#§ç&*µ »
Son compagnon n'avait pas remarqué jusqu'alors qu'il se retrouvait tout seul en face de Tika. Il déglutit péniblement en regardant l'humaine...

Toede fit tourner sa monture et frappa avec la poigne du fouet son cheval. Il se dirigea alors vers la cage et avisa la disparition de Fizban. Sa bouche s'entrouvrit : « un mage...  ». Sa figure verte pâle devint un peu plus blanche et il frappa encore plus violemment de sa cravache sur le cheval en criant : « Ho ! » -au passage, il rajouta en direction des deux gobelins- « Couvrez ma glorieuse retraite ! » et son cheval partit à toute allure en direction de Solace...

Tika

Tika vit déguerpir avec un certain étonnement, visible sur son visage, l'affreux et pleutre crapaud vers Solace. La jeune femme cilla un instant pour reprendre le cours de ses pensées. Elle avait grimpé là dans le cas où il aurait voulu l'attraper et avait compté sur le fait qu'il viendrait la harceler pour tenter de lui sauter dessus et lui "emprunter" sa monture. Sale lâche !
Elle tourna lentement la tête vers la créature qui se tenait face à elle, tout en cherchant comment se sortir de la situation. Avec un mouvement mesuré, elle leva au-dessus du gobelin la poêle qu'elle avait en main, resserrant sa prise malgré la brûlure. Les sourcils froncés, elle darda un regard sévère sur son adversaire.
Serrant les dents, elle dit en détachant chacune de ses syllabes : « Tu ferais mieux de faire comme ton chef, si tu ne veux pas terminer comme tes petits camarades et finir à la casserole !  »
Elle n'était pas une guerrière, même si elle savait se défendre, et préférait que ces gobelins déguerpissent d'eux-même plutôt que de devoir se battre...

Toede galopait maintenant à toute vitesse sur la route. En quelques instants il disparut à un angle du chemin. Le gobelin devant Tika cligna des yeux, hésita un instant, puis sauta de la cage jusqu'au sol et se rattrapa sur ses petites jambes. Dès qu'il eut repris son équilibre, il détala à toute vitesse dans la même direction que Toede. Son collègue avait toujours la jambe coincée entre les barreaux, et tentait de retirer son pied, en vain. Il devenait de plus en plus nerveux en regardant Tika. Son pied frappait les barreaux à chaque fois qu'il essayait -en force- de le remonter. Il accéléra le mouvement, et sa peau devenait de plus en plus rouge... Une image revint à Tika, celle d'un illusionniste qui avait un singe et qui l'accompagnait partout. Un jour le singe s'était enfui et personne n'arrivait à l'attraper. Par contre, des vivres disparaissaient régulièrement dans la réserve d'Otik. Le sage fit faire une boite en bois dans laquelle des cacahuètes étaient entreposées. Une seule petite ouverture permettait de passer la main. Le lendemain on retrouva le singe la main dans le "sac". Il tenait une pleine poignée de cacahuètes et avait essayé toute la nuit de se dégager la patte. Les contours de son petit bras étaient rouges et il s'était blessé. Mais pas une seule fois il avait pensé à lâcher les cacahuètes pour se libérer... Même quand on vint pour l'attraper ! Dans le cas présent le gobelin n'avait qu'à tourner le pied... Mais son cerveau n'avait pas eu le déclic...

Tika

« Humpf... » À peine remise de la surprise que lui provoqua le succès de son coup de bluff, le regard de la jeune femme tomba sur le second gobelin coincé entre les barreaux de la cage. Tika avait du mal à contenir le rire qui montait à sa gorge devant la pitoyable scène à laquelle elle assistait.
Mais elle ne pouvait s'attarder car déjà Toede n'était plus qu'un point dans le paysage ; combien de temps mettrait-il à revenir avec des renforts sous quelques prétextes mensongers de son invention ? Elle ne pouvait rester plus longtemps en ces lieux... Décidant d'éviter la créature coincée, elle avança jusqu'à l'avant de la cage dans l'idée de descendre par le siège des conducteurs.
Sautant souplement au bas de son "carrosse", la jeune femme s'apprêtait à libérer les cheveux qui le tiraient, espérant ainsi avoir un moyen de locomotion plus rapide (et éventuellement une monnaie d'échange à un quelconque village), quand elle se retourna soudain. Interpellant le gobelin coincé :
« Hep, toi ! J´ai ma dose de gobelins grillés, alors je vais être sympathique avec toi : Tu lâches ton arme et je t´explique comment sortir de là, d´accord ? »

Les chevaux se tenaient tranquilles. L'un d'eux grattait de temps en temps le sol de sa patte. Plus loin sur la route tout semblait calme, si ce n'est qu'une pluie battait les feuilles orangées et se rapprochait de Tika. Derrière le chariot, le gobelin en fuite disparut à son tour derrière la végétation. À mi-chemin entre le gobelin disparu et Tika se trouvait le bosquet indiqué par "feu" Fizban dont le chapeau n'avait pas encore bougé de place. Ce souvenir pesa à nouveau sur les épaules de la belle. Comme si elle portait le poids du monde. Il faut dire que la nuit avait été courte et que cette sensation devait sans doute venir de courbatures récoltées la veille.

Le gobelin se figea, l'air sidéré. Puis, lentement, il tourna son doigt vers son torse puis se retourna pour voir si c'était bien à lui que Tika s'adressait. Avisant qu'il était vraiment le seul présent il bégaya :
« Euh, moi euh, lâche arme, d´accor´ ! » -il lança son épée courte de l'autre côté de la cage, par terre.- « Toi dire gentil avec moi, hum, tenir promesse? Moi...plus arme ! » -il leva ses deux paumes jaunâtres vers le ciel pour montrer qu'elles étaient bien vides- « Toi, promets hum... pas griller moi ? »

Tika

Un demi-sourire s’épanouit sur les lèvres de la jeune femme alors qu’elle sentait s’insuffler dans son être un étrange sentiment de satisfaction, de puissance, qui lui donna presque le tournis. L’espace d’une seconde, elle se souvint du visage de Kitiara Uth Matar, l’aînée des Majere, lorsque la veille au soir elle avait soumis sous sa botte les deux pervers qui avaient osé les insulter, elle et l’étrangère au bâton bleu tant convoité. Était-ce donc ce qu’on ressentait en ce cas ? Un frisson parcourut Tika et elle secoua la tête brièvement avant de pousser un petit soupir alors qu’elle reportait son regard sur la créature prise au piège de la cage qui avait vainement recommencé à tirer sur son pied. Il mériterait presque que je le laisse là…
La jeune femme sauta au bas de la carriole et alla ramasser l’arme jetée au sol. Elle l’étudia une seconde et releva la tête vers le gobelin auquel elle répondit enfin. « Je n’ai qu’une parole !
Bon, si tu veux sortir de là, tourne ton pied ainsi, parallèlement aux barres.  »
Elle lui montra par des gestes comment le positionner. « Ensuite, tu le tires et hop ! Tu es libre… »
Elle eut à peine le temps de finir sa phrase que déjà l’être tremblant avait dégagé son pied. Il hésita un instant, observa la rouquine qu’ils avaient encagée plus tôt, puis sauta à son tour et sans se retourner, il s’enfuit à la suite de son collègue aussi vite que son pied endolori le lui permettait.

Modifié par un utilisateur samedi 8 septembre 2018 20:36:57(UTC)  | Raison: Non indiquée

Offline Rhajzad  
#9 Envoyé le : lundi 18 juin 2018 19:02:39(UTC)
Rhajzad
Rang : Habitué
Mécène: Merci de ton soutien !
Inscrit le : 22/10/2013(UTC)
Messages : 1,211
Songe d'une nuit d'automne - 3/3 (suite N°2 et fin)

Désormais seule sur cette route, une vague odeur de charogne brulée empestant l’atmosphère, une grande sensation de vide s’empara d’elle. La tête lui tournait et elle dut s’appuyer contre les barreaux. Mais dès que sa main toucha le métal, sa paume lui fit atrocement mal et elle l’ôta en vitesse. Voyant l’état dans lequel elle s’était mise, elle arracha les manches de sa chemise et se fit des bandages de fortune. Quand elle eut fini, le gobelin claudiquant n’était plus qu’une ombre au lointain. Elle était seule. De son compagnon d’infortune, il ne restait qu’un chapeau… Un chapeau ? Comme son regard tombait sur le couvre-chef fumant, elle décida de le récupérer. Pourquoi ? Elle l'ignorait. Peut-être pour garder quelque chose de concret et d'être sûre qu'elle n'avait pas rêvé la déflagration et tout le reste...

Alors seulement elle se rapprocha des chevaux de bâts. Fort heureusement pour Tika, ces bêtes semblaient dociles. Elle défit leur harnachement, prit le longe de l’un et grimpa sur le second. Grimper à cru n’était pas son fort, mais elle préférait avoir mal à l’arrière-train plutôt qu’aux pieds, tout en espérant pouvoir parcourir une plus grande route avant qu’on ne se lançât à sa poursuite. Oui, mais par où maintenant ?
Je ne peux pas retourner à Solace et n’ai nul autre endroit où aller… Au bout, c’est Haven. Mais c’est par là qu’ils voulaient m’emmener…
Son regard se porta à l’Ouest, vers un bosquet d’arbres. Il a dit que c’était là la…destination… C’était quoi son nom déjà ? Fiz… Fizban ! Un fou, certes, mais un fou efficace… Il y avait peut-être un semblant de vérité dans ses délires…
Sans plus attendre, Tika pressa ses genoux sur les flancs de sa monture et se dirigea au petit trot en direction de ce bosquet.

Tika

Qu’importe la destination, seul compte le voyage ou un truc comme ça… Avançant vers son destin, elle ne prit pas garde aux larmes qui s’échappaient de ses émeraudes inondant ses joues et y collant ses mèches auburn…
Elle avait ramassé le chapeau. Ce dernier dégageait la même odeur épicée que le vieux fou, et ce répit olfactif fit oublier un instant les émanations désagréables des cadavres. Elle se dirigea ensuite vers les chevaux qui attendaient paisiblement... Lorsqu'elle monta sur le cheval, elle eut une étrange impression de gêne. Sa mémoire lui revint et lorsqu'elle avait sauté au bas de la cage, elle avait senti un contrepoids dans son dos. Elle avisa ses épaules et se rendit compte que des lanières en cuir étaient posées sur chacune d'entre elles. Dans son dos elle portait un sac. Et pas n'importe lequel : son sac ! Et il était tel qu'elle l'avait rempli...

Après cette étrange découverte, elle s'avança avec sa monture jusqu'au bosquet de pins. Les arbres avaient l'air tous à peu près normaux et il y en avait une bonne trentaine. Le bosquet semblait s'ouvrir en un chemin d'aiguilles fraîchement tombées qui zigzaguait entre les troncs sur une vingtaine de mètres. Les aiguilles craquèrent lorsque la cavalière passa dessus. Au bout de ce tracé se dessina une petite clairière. La verdure y était plus développée, car des feuillus l'entouraient. Elle s'engagea dans ce lieu, mais il semblait que ce soit un cul de sac. Elle fit un tour sur elle-même et découvrit que le chemin à travers les pins avait disparu ! Les chevaux semblaient toujours calmes, jusqu'au moment ou celui qu'elle montait sembla recevoir un coup et qu'il se cabra ! Heureusement, la jeune femme réussit à se tenir et resta sur le dos de l'animal. Juste après, tranquillement, il s'installa à même le sol et déposa sa tête dans l'herbe... Endormi. Son homologue eut la même réaction une seconde plus tard.

Une minute plus tard, Tika perçut une ou deux petites voix...
« - [...] malin de parler aussi fort, tu vois? Elle regarde dans notre direction !
- [...]
- Comment ça c´est moi qui parle fort? N´importe quoi !
- [...]
- Ouais, tu as raison, ça sert à rien de rester cachés...  »

Sortant de derrière un buisson, un drôle de petit bonhomme se présenta à l'autre bout de la clairière. Il salua de la main Tika en écartant bien les doigts. Il ne dépassait pas la hauteur d'une table, on aurait dit un elfe en miniature. Il se retourna vers le buisson d'où il était sorti et faisait signe de la main à quelqu'un de sortir. Mais il n'y eut aucune réaction. Il mit ses poings aux hanches et attendit encore un instant avant de secouer la tête et de se détourner pour rejoindre Tika. Il avançait en sautillant, les deux mains dans le dos. Sa démarche ressemblait à une danse et il sifflotait pour rythmer sa marche. Arrivé à hauteur de Tika, il la salua avec le même geste de la main aux doigts écartés. « Bonjour ! Vous êtes perdue? Parce que sinon le chemin il est juste derrière vous. » dit-il en se penchant et désignant du doigt la direction de la route par laquelle était passé le chariot. Le chemin à travers le bosquet était à nouveau là, visible. Le petit être avait toujours une main dans le dos, mais rien dedans. « Vous savez, y a rien d´intéressant par ici hein...  » Il regardait tout autour de la clairière comme s'il la découvrait avec Tika.

Tika

Il semblait à Tika que la découverte du chemin au travers du bosquet et son avancée au son des crissements des sabots sur les épines qui recouvraient le sol se faisait comme dans un rêve. Les couleurs des arbres qui l’entouraient lui arrivaient par le prisme de son regard embué de larmes, telles des tâches d’aquarelle diluées allant du roux à des verts plus soutenus en passant par divers nuances de bruns au fur et à mesure qu’elle avançait. Encore abasourdie par la découverte de son sac sur son dos en sautant au bas de la cage -elle aurait pourtant juré ne plus l’avoir lorsqu’on l’avait jetée à l’intérieur- elle n’avait même pas pris la peine de changer de vêtement ou même d’enfiler sa veste et ses bras étaient couverts d’une chair de poule légitime pour cette saison.
Mais elle n’en avait cure.
Ses pensées étaient tournées vers l’Auberge du Dernier Refuge. Cela avait été le sien, de refuge, ces dernières années. Le seul endroit où elle avait l’impression d’avoir une place. Un lieu de travail, certes, et tous savaient qu’Otik était un patron exigeant, mais un lieu de joie aussi, car tout exigeant qu’il était, Otik était un homme bon. Comme un père… À cette heure-ci, elle aurait dû être avec lui, à nettoyer les tables et s’assurer que tout serait prêt pour le prochain coup de feu. Il devait y en avoir, d’ailleurs, du travail…mais pas pour les bonnes raisons ; ce qui aurait dû être une soirée de fête avec le retour du groupe d’aventuriers qu’ils attendaient -et Caramon, surtout…bien sûr !- s’était transformé en une fuite -légitime- des frères Majere et de leurs compagnons. Fuite qu’elle avait soutenue, aidée même. Et pour cette aide, elle avait perdu tout ce qui avait fait sa vie depuis cinq ans…

À la pensée des amis en fuite, elle se demanda soudainement où ils pouvaient être en cette heure. Pouvait-elle seulement espérer les rattraper ? Les retrouver ? Ce fut cet instant que choisit sa monture pour effectuer une petite figure improvisée…
« Hé… Qu’est-ce qui t’arrive ! » Tika réussit de justesse à se maintenir sur la croupe de l’animal, mais ce dernier sembla trouver particulièrement à son goût l’herbe de la clairière sur laquelle elle venait de déboucher ; en tout cas suffisamment pour vouloir s’y coucher et…dormir !! Bien vite rejoint dans cette initiative par son camarade dont la jeune femme tenait toujours la longe…
« Hé ! Ho ! C’est vraiment pas l’heure vous savez…  »
Rien n’y fit. Les canassons dormaient et Tika porta machinalement sa main bandée à la tête pour la passer dans ses boucles auburn, incrédule face à la situation. Ce fut alors qu’elle entendit des petites voix dans les fourrés. Elle tourna la tête, le front plissé, dans la direction d’où les bruits venaient, immobile au centre de cette clairière où le chemin qu’elle avait emprunté semblait avoir disparu.
Une créature apparut alors, hésita, s’adressa à un être invisible tandis que Tika écarquillait les yeux devant cette surprenante apparition. Elle ouvrit la bouche, la referma comme cet sorte d’elfe format kender et encore, j’crois que Tass’ est plus grand… s’approchait en dansant et sifflotant.
Cite:
Le petit être avait dit :«  Bonjour ! Vous êtes perdue? Parce que sinon le chemin il est juste derrière vous. »
Étonnée, la jeune femme leva une main de la même manière et se retourna pour voir le chemin «revenu» tout en babillant : « Perdue ? Heu... Non… Enfin je… » Les paroles de Fizban lui revinrent en mémoire. N’ayant pas encore rabattu le bras qui saluait son vis-à-vis, son autre main se porta au chapeau qu’elle avait glissé à sa ceinture. Elle revint alors vers la petite créature :
« Pas sûre que par là ce soit une bonne idée. C´est-à-dire que… Un…ami voulait venir ici, mais il ne reste que son chapeau et… Je ne sais pas… J’espérais, peut-être… Oui, retrouver d’autres amis… Mais j’ignore où ils sont et… » » Ses sourcils se froncèrent à nouveau et elle se pencha légèrement vers son interlocuteur.
« Êtes-vous réel ou suis-je en train de rêver ?
Je veux dire… Tout cela est tellement fou. Ce qui est fou ne peut être réel, n’est-ce pas ?  »
» Voilà que je me mets à parler comme ce vieux fou ! Allons, ma fille, ressaisis-toi !
Elle se redressa et prit une grande inspiration avant de reprendre avec un petit sourire timide :
« Pardon, je raconte n’importe quoi ! Reprenons depuis le début si vous le voulez bien. Je m’appelle Tika, et vous ? »

Le petit être fixait de ses grands yeux ronds Tika sans ciller. « Pas sûre que ce soit une bonne idée de retourner en arrière ?! Bah, ici, c'est un fond de sac, de toute manière... » dit-il en haussant les épaules. « Et vous avez un ami? Mais il ne reste que le chapeau? Alors vous cherchez d´autres amis? » Il ramena un bras en dessous du coude opposé, et de la main il se lissait son petit menton, pensif. « Je pense que je ferais pareil... »
Son oreille pointue gauche se décala légèrement comme si elle écoutait...
« - [...]
- Bonne remarque !  »
dit-il en opinant de la tête en direction de sa gauche comme si quelqu'un lui parlait. Puis il se tourna à nouveau vers Tika- « Qu´est ce qu... »
Cite:
Tika avait demandé : « Êtes-vous réel ou suis-je en train de rêver ? »
«  Euh... » Coupé dans son élan, le petit être ne sut trop que répondre, puis se reprit : « Non non, pas encore... » dit-il, jovial.
Cite:
Tika a écrit :«  … Tout cela est tellement fou. Ce qui est fou ne peut être réel, n’est-ce pas ? »
« J´ai déjà connu des fous, ils étaient comiques !  » -Il se tourna sur la gauche- « On a bien rigolé hein !? »
- [...]
- Hihihi, oui !  »
Cite:
[couleur]Tika avait dit :« Pardon, je raconte n’importe quoi ! Reprenons depuis le début si vous le voulez bien. Je m’appelle Tika, et vous ? » [/couleur]
Le petit être se retourna vers Tika : « Joli nom ! Moi c´est Nim et lui là » -il désigna sa gauche du pouce- « ... c´est Pim ! »
Il souriait de toutes ses petites dents :
« - Dites, vous avez les mêmes tâches sur le visage que moi, et vos cheveux sont presque de la même couleur. On pourrait être de la même famille non ? Vous êtes mariée ? Des enfants ? Ils doivent vous ressembler non ? Pim et moi on se ressemble, on est de la même famille ! Et sinon i' sert à quoi votre grand rond noir avec une poignée? J´ai jamais vu quelque chose comme ça par ici !
- [...]
-Oh, et Pim demande s´il peut essayer le drôle de chapeau ! Voir le garder si vous le jetez, parce qu´il est assez vieux et usé. »


Tika

Contrairement à Nim -puisque tel était son nom- Tika ne pouvait empêcher ses longs cils de battre à un rythme régulier devant l’émeraude de ses yeux. Le coin gauche de ses lèvres remonté en un demi-sourire -creusant au passage une adorable fossette dans sa joue- elle renifla. Poussée tant par l’accumulation de fatigue nerveuse et physique que par l’inconfortable fait d’être quasiment pliée en deux pour regarder la petite créature dans les yeux, la jeune femme croisa ses chevilles et, dans un mouvement souple, s’assit en tailleur devant celle-ci.
« Enchantée ! », fit-elle avec sincérité avant d’ouvrir grand les yeux sous le flot de surprenantes questions qui se déversaient de la bouche de ce petit personnage. Ses épaules se secouèrent alors, comme lors d’un éternuement, tandis que sa cage thoracique se contractait…jusqu’à ce qu’il lui fût impossible de retenir l’éclat de rire qui naissait ainsi en son sein…
«  Pardon… Désolée… », réussit-elle à prononcer au bout d’un instant tout en portant une main à sa bouche pour essayer de se contenir.
Tika déglutit tant bien que mal et essuya du revers de son bandage de fortune une larme (de joie celle-ci) qui s’échappait au coin de son œil.
« Pardon. Mais vos questions m’ont…désarçonnée, je dirais.
Enfin, pour vous répondre, cher Nim, je ne crois pas que nous soyons de la même famille, mais tout est possible. Après tout, je sais peu de chose de ma famille. »

Sa voix s’éteignit doucement à la fin de sa phrase pendant qu’une boule se formait dans sa gorge et que son regard devenait fuyant. Machinalement, ses doigts se portèrent à l’anneau qu’elle portait à son cou et dont elle ne se séparait jamais. Mais elle chassa bien vite cet élan de nostalgie inopportun pour revenir à son interlocuteur.
« Et non, je n’ai pas d’enfant ; je suis trop jeune pour ça !
Et je ne suis pas non plus mariée même si j’ai un amoureux…  »

Les mots semblaient franchir seuls la frontière de ses lèvres et elle s’interrompit soudain en réalisant ce qu’elle venait de dire alors que le visage de Caramon apparaissait à son esprit.
« Enfin, » reprit-elle,«  il n’est pas vraiment au courant et je ne suis pas sûre que ce soit réciproque mais…heu… j’l’aime bien et…
mais passons !
Ceci...  »
Elle souleva vivement la petite poêle pour la montrer, la tenant comme pour la poser sur un feu ou une plaque de cuisson, non sans avoir secoué la tête pour se débarrasser de l’image qui flottait devant ses yeux. « ... est une poêle. Cela sert à faire cuire les aliments que nous, les humains, consommons. On met les ingrédients dedans, un peu de gras avec, pour pas que ça attache, et on pose le tout sur un feu ou un poêle à charbon… Si vous le souhaitez -et si l’on a le droit de faire un feu par-ici- je peux vous faire une démonstration ! »
Reposant l’objet à même le sol devant elle, Tika retira l’étrange chapeau qu’elle avait glissé à sa ceinture. Le portant à son visage, elle ferma les yeux et huma les odeurs d’encens qui s’en dégageait. Non, je ne suis pas cinglée… Tout cela est étrange, mais bien réel, en fin de compte !! Puis elle rouvrit ses paupières et dirigea son regard vers les buissons où le dénommé Pim devait se cacher.
« Je veux bien laisser le sieur Pim essayer ce chapeau s’il daigne se montrer ! » La jeune femme affichait un large sourire avenant. Puis elle revint à son vis-à-vis. « Je n’avais pas l’intention de le jeter ; il me permet de prouver que je n’ai pas totalement rêvé tout ce qu’il m’est arrivé depuis ce matin.
Mais si votre ami souhaite le garder après essayage et bien… nous verrons bien ! »
, conclut-elle d’un clin d’œil.

Le petit être écouta Tika sans perdre son sourire. Son visage se muait à la teneur des paroles de la serveuse du dernier refuge. Il se contenta de hausser les épaules d'indifférence lorsque Tika lui apprit qu'ils n'étaient pas de la même famille. Il remarqua assez vite l'anneau au cou et le montra de son petit doigt « Oh, ça brille ! ». Mais ce n'était qu'une remarque et il écouta la suite en secouant sa tête au rythme des paroles de la jeune fille. Il fut interloqué quand elle parla de Caramon : «  Ben ! S´il ne sait pas, i´faut lui dire qu´il est amoureux ! C´est comme moi quand j´avais du pollen sur le nez. Heureusement Pim était là pour me le faire remarquer...  »
Cite:
Tika a écrit :« Mais passons ! »
Il fit oui de la tête et pris un air sérieux. Il se pencha en avant afin de bien observer l'étrange objet. Il écouta à nouveau très attentivement et au fur et à mesure des explications, ses yeux s'agrandirent et il se remit droit. Son petit corps bougeait de gauche à droite : « Génial ! C´est une idée des dieux !  » -Il se tourna vers "Pim"- « Tu as vu, ça sert à faire à manger ! » -Il s'adressa à nouveau à Tika- « Vous pouvez nous faire goûter ? On a jamais essayé quelque chose comme ça. D´habitude on mange tous les fruits comme on les trouve dans la nature, on n'a jamais tout mélangé ! Et euh, c´est quoi un feu ? Mais je suis -presque- certain que c´est pas interdit ici ! »
Cite:
Tika a écrit : « Je veux bien laisser le sieur Pim essayer ce chapeau s’il daigne se montrer !  »
« Oh, bien sûr ! » Il se tourna vers Pim : « Allez arrête de faire le râleur et montre toi ! »
« - Pfff pas poss'b d'pas f'r com' toi t'l'as dé'cidé hin? »
À trois mètres du duo Tika-Nim, juste à côté d'un arbre, commença à se dessiner les contours d'un être et de son siège. Au bout de quelques secondes les couleurs apparurent et finalement Tika pu voir celui qui se faisait appeler Pim.

La créature était vraiment minuscule. Sa taille était à peu près la moitié de celle de Nim. Il portait de vieux vêtements de laine et il sourit en direction de l'humaine. Il sauta en bas de son champignon et attrapa une brindille au passage. Il la mit en bouche avec un air assuré et s'approcha tranquillement pour voir le chapeau. Il n'était clairement pas à sa taille, et il pouvait aisément se mettre sous le chapeau sans même que l'on sache qu'il s'y trouvait !
« Laichez moi voir ch'te choje... » -Il examina le chapeau d'un oeil expert, et Nim, légèrement en retrait, mit ses deux mains devant sa bouche pour se retenir de rire-
« Hum, intérechant ! » -Il retira la paille de sa bouche- « J'veux bien vous l'échanger contre -hum- une de mes possessions. Qu'e' k'vous z'en dites ? »

Tika

Tika n'avait pas relevé le fait qu'il serait judicieux de parler à Caramon de ce qu'elle ressentait car pour elle, c'était tout sauf une bonne idée. Surtout après le rêve -le cauchemar plutôt- de sa dernière courte nuit. Non, s´il n´est pas capable de voir ce qu´il a devant lui, je... Oh et puis, flûte. De toute façon, je ne suis même pas certaine de le retrouver alors pas besoin d´y penser.... La jeune femme préféra se concentrer sur ses explications, plus vivantes, du maniement de la poêle.
Cite:
Nim avait dit : « Et euh, c´est quoi un feu? Mais je suis -presque- certain que c´est pas interdit ici ! »
Il ne connait pas le feu... Wahou !! Elle écarquilla les yeux devant sa réponse mais elle avait déjà commencé à répondre à celui qui voulait "essayer" le chapeau.
Lorsque Pim apparut, Tika fut encore plus surprise de découvrir une créature encore plus petite que la précédente, au langage mâchouillé et à l'allure nonchalante. Il pouvait aisément disparaître sous le chapeau et personne n'aurait su qu'il était là. Tout en se demandant ce qu'étaient réellement ce petits êtres, elle ne pouvait s'empêcher de sourire devant l'étude minutieuse qu'opérait le dénommé Pim sur la coiffe de Fizban. Un coup d’œil discret à son voisin lui fit comprendre que ce dernier trouvait la situation tout aussi comique qu'elle...
Cite:
Pim a écrit : « Hum, intérechant ! -Il retira la paille de sa bouche- J'veux bien vous l'échanger contre -hum- une de mes possessions. Qu'e' k'vous z'en dites? »
La proposition semblait très sérieuse alors la jeune femme prit son menton entre ses doigts et leva les yeux au ciel, une moue très sérieuse sur le visage, faisant mine de réfléchir.
« Humm.. Je ne sais pas trop. Il faudrait que je réfléchisse.  » Son regard d'émeraude revint vers le lilliputien. «  Qu´avez vous à m´échanger qui pourrait avoir une valeur digne de cette échange ?  »

Pim remit sa paille en bouche et plongea son regard et sa petite main dans une besace qu'il tenait sur le côté. Nim regardait par dessus l'épaule de Pim, juste derrière lui avec une moue de curiosité non dissimulée. Du sac, la minuscule main présenta quelques objets : une bille marbrée noir et rouge, une petite cloche en argent, une flûte en bois noir, une perle, une plume blanche et un petit sac en cuir noir.
« Voilà ce que ch'possède. -un à un il présenta les objets en les tenant par deux doigts- Une petite bille agrechive -cha che voit aux couleurs-, une cloche des matines, une flûte des bois, une jolie perle, une plume que cha chert à faire des mechages, et enfin... -Il ferma le poing et avec ses deux mains fit un large cercle comme pour impressionner un public- ...de la poudre pour dichparaître ! »
De ses deux petits yeux grands ouverts, il fixait -amusé- Tika en attendant sa réaction. Derrière lui Nim prenait une moue impressionnée, même si, sans aucun doute, il connaissait déjà la collection de son "frère".

Tika

Tandis que Pim auscultait sa besace, la jeune femme sortit son vieux manteau de son propre sac car, maintenant qu'elle était assise dans cette clairière avec ces étranges personnages Pas sûre qu´ils soient réellement frères, ces deux-là..., elle commençait à ressentir la fraîcheur sur ses bras nus et l’adrénaline de sa "fuite" étant retombée, sa peau s'était recouverte d'une chaire de poule légitime.
Lorsque que le petit bonhomme au brin d'herbe lui présenta ses diverses possessions, Tika se pencha vers lui et prit un air attentif et concentré, le coude posé sur son genou et tenant son menton entre deux doigts.
« Hum, hum...  », fit-elle régulièrement, regardant tour à tour le chapeau de Fizban et les divers objets Il y a là des choses bien intéressantes... À dire vrai, je ne souhaites pas faire un choix ou, pire, le déposséder de sa "fortune"... Mais a-t-il seulement idée des utilisations qu´un esprit mal intentionné pourrait faire de ces choses ??
Finalement, après mûre réflexion, elle passa la langue sur ses lèvres et finit par dire, regardant la petite créature dans les yeux :
« Je vais être honnête avec toi, tout ce que tu as là m´a l´air des plus intéressants. Faire un choix m´est presque impossible, tellement ce serait malhonnête de ma part. Alors voilà ce que je te propose, cher Pim, je te laisse toi-même établir la valeur que tu donnerais à ce chapeau -qui n´est que sentimental pour moi- et te laisse me donner ce que tu préfères en échange. Cela te va-t-il ? »
La jeune femme, toujours assise en tailleur, s'était redressée et, croisant ses bras sur son ventre, attendit la réponse du petit être.

Pim et Nim écoutèrent d'un air sérieux la réponse de Tika. Ils gardèrent cette moue quelques longues secondes encore après qu'elle eut terminé de s'exprimer, immobiles. Puis, comme si quelqu'un avait claqué des doigts, ils sortirent tous les deux de leur torpeur. Pim regarda les différents objets, décontenancé, pendant quelques secondes, puis prit la parole -tout souriant- en tendant la perle : « Voilà, affaire conclue alors ! »
Sans attendre de réponse il récupéra le chapeau avec ses deux petites mains et... il disparut de la même manière qu'il était apparu aux yeux de Tika, non sans lui lâcher un clin d'œil complice.

Nim haussa les épaules ne sachant que dire. Le silence remplit la clairière quelques longues secondes. Nim regardait tout autour, les mains croisés dans le dos. La lassitude eut raison de son silence : «  Vous v´nez des villages humains non? On m´ a raconté qu´il y avait pas loin d´ici une ville dans les arbres, mais que c´était pas conventionnel c´est vrai? Moi j´habite avec ma famille dans la forêt, on a des terriers, des maisons dans les arbres et on s´amuse beaucoup à faire des jeux ensembles, pas cache-cache parce que sinon tout le monde gagne, alors on joue plutôt à se poursuivre dans les bois et à découvrir des... »

La conversation s'en fut encore mais semblait de plus en plus lointaine...

Tika

Elle avait attendu sagement la réponse que lui ferait la petite créature, bien qu'elle ne se fût pas attendue à ce que sa proposition les missent dans une telle perplexité. Aussi, après un temps qui lui parût interminable, elle sursauta légèrement quand enfin Pim prît sa décision.
Elle eut ensuite tout juste le temps de tendre sa main avec un petit sourire pour recevoir la jolie perle que déjà la petite créature s'emparait du chapeau et disparaissait comme elle était arrivée...
Elle haussa les sourcils « Rapide... » et observa d'un peu plus près l'objet qui reposait sur son bandage, se désintéressant quelques instant de celui qui était resté, Nim...
Le petit être babillard la tira de sa contemplation et bien que ses paupières s'alourdirent de seconde en seconde, elle conserva son doux sourire, hochant la tête pour confirmer ses dires par deux fois, tout en glissant machinalement la perle dans sa poche de pantalon.
Sa tête lui semblait lourde et la voix de la créature lui paraissait de plus en plus lointaine. J´ai vraiment pas assez dormi moi..., songea-t-elle alors qu'elle cillait pour la troisième fois et qu'elle se rendît compte qu'il lui fallait faire un effort de concentration pour parvenir à suivre ce que lui racontait Nim.
Mais tout son corps s'était engourdi.
Il lui était impossible de lutter plus longtemps.
Et lorsque ses paupières s'abattirent pour la quatrième fois, elle ne les releva pas, son corps s'affaissant doucement sur le côté...

La suite dans le Post#9 du chapitre 2 "Sur la route de Haven"

Modifié par un utilisateur samedi 8 septembre 2018 20:39:19(UTC)  | Raison: Non indiquée

Utilisateurs actuellement sur ce sujet
Guest (Masquer)
Vous ne pouvez pas poster de nouveaux sujets dans ce forum.
Vous ne pouvez pas répondre aux sujets de ce forum.
Vous ne pouvez pas effacer vos messages dans ce forum.
Vous ne pouvez pas éditer vos messages dans ce forum.
Vous ne pouvez pas créer des sondages dans ce forum.
Vous ne pouvez pas voter dans les sondages de ce forum.

| Pathfinder-fr v2 Theme by Styx31, with some icons from fugue
Propulsé par YAF.NET | YAF.NET © 2003-2024, Yet Another Forum.NET