Pour moi la règle qui a le plus d'impact, et qui modifie toutes les autres, c'est la
règle des critiques. Et en écrivant ce message je me rends compte que j'en fais un article complet... Tant pis.
Revenons aux critiques:
- On réussit une action de 10 ou plus: critique.
- On rate une action de 10 ou plus: échec critique.
(Le 1 et le 20 modifient "d'un cran" la réussite respectivement vers le bas ou le haut ; ça veut dire qu'une action "simplement réussie" sur un 20 naturel devient malgré tout une réussite critique, et une action "simplement ratée" devient un échec critique sur un 1).
Ça change
absolument tout.
Je vais donner deux exemples.
LES COMPETENCESUne aventure de niveau 1, un jet d'escalade pour le groupe: le MJ fixe la difficulté à 16 parce qu'il ne veut pas que ce soit trop facile. Tout le monde tremble. En effet, un personnage "doué" et "compétent" est entrainé, a un +5 sur son jet (+4 avec le max de Force et +1 parce qu'il est entraîné et au niveau 1). Donc sur un D20 on a:
- 1 échec critique
- 2-10 échec
- 11-19 réussite
- 20 réussite critique.
Jusque-là, ça va. Mais pour un personnage qui n'est pas aussi doué (tout le monde n'a pas 18 en Force!) ça se gâte carrément. Prenons un personnage avec une force de 12 (+1) et non entraîné en escalade ; donc sur un D20 on a:
- 1-4 échec critique- 5-14 échec
- 15-19 réussite
- 20 réussite critique.
Si vous lisez bien entre les lignes, un non-spécialiste a
20% de subir un échec critique (donc des conséquences potentiellement graves) sur n'importe quel jet, étant donné que le MJ prendra rarement la peine de demander des jets pour des DD triviaux. Et lorsqu'on adapte les DD avec les niveaux, c'est encore pire. En résumé,
toute action qui n'est pas faite par un spécialiste devient rapidement impossible ou potentiellement catastrophique.
LES JETS D'ATTAQUETout est calibré. Les personnages ont pratiquement les mêmes chances de toucher, soit autour de 10 sur 1d20, compte tenu de caractéristiques et d'équipements optimisés pour le combat. Chaque point au-dessus ou en-dessous de 10 a son importance, puisqu'il multiplie les chances de faire un coup critique, ou les risques de souffrir d'un échec critique. Cela revient à dire que sauf exception le premier coup touche sur 10+, le 2e sur 15+ et le 3e seulement sur un 20. Seul le Guerrier sort du lot puisqu'il bénéficie de meilleurs jets de maîtrise que les autres ; il peut donc faire des critiques sur 18+ au lieu de 20 à certains niveaux.
Bien entendu, comme tous les jets et les seuils sont modifiés par le niveau, cela veut dire que combattre un monstre au-dessus ou en-dessous de son niveau a instantanément des conséquences énormes (par exemple, avoir deux fois plus de chances d'infliger un coup critique en le touchant "de base" sur 9+ au lieu de 10+, ce qui donne un critique sur 19-20 au lieu de 20.) Le niveau est la caractéristique la plus importante d'un personnage. Il influe directement sur tous ses jets. Mixer des personnages de différents niveaux dans un groupe est donc la garantie de transformer quelques-uns en super-héros alors que les autres sont changés en lavettes.
L'autre truc qui a changé, c'est le
multiclassage et la puissance générale des classes.
EQUILIBRE DES CLASSESLes classes martiales ont été rendues plus intéressantes avec plus de manœuvres, mais elles ont été autrement affaiblies. Les Rangers et les Paladins ne lancent plus de sorts. Et leurs capacités "iconiques" ont été diminuées en devant désormais être achetées par des dons. Comme s'en plaignait un joueur, "en Pathfinder 1 mon Paladin de niveau 5 avait le châtiment du mal, l'imposition des mains, la grâce divine, l'immunité aux maladies et l'aura de courage ; en Pathfinder 2 il faut attendre le niveau 10 et avoir claqué tous ses dons entre-temps pour accéder à peu près à des capacités équivalentes ; et encore, elles sont plus faibles, à moins d'y investir encore davantage de dons".
La "simplification" et "l'alignement des règles" de Pathfinder 2 se font au détriment des capacités des personnages.
L'équilibre des classes n'a malheureusement pas été arrangé, puisque les lanceurs de sorts n'ont pas ces problèmes. Ils ont (un peu) moins d'emplacements de sorts et doivent toujours péniblement préparer leurs sorts dans chaque emplacement (on peine à imaginer l'intérêt d'une mécanique aussi désagréable en 2019) mais pour le reste ils continuent d'être capables de prouesses dont les classes martiales sont à jamais dépourvues. Ils n'ont besoin pour cela que d'une seule caractéristique, celle qui est liée au lancement des sorts (qui renforce aussi l'initiative pour ceux qui dépendent de la Sagesse).
N'oublions pas que les sorts ont droit aux réussites critiques, que ce soit pour les jets d'attaque ou pour ceux de sauvegarde. Là encore, les seuils sont liés aux rangs et à leurs "augmentations planifiées" (expert->maître->légendaire) qui sont quasiment les mêmes pour tous les lanceurs de sorts et qui sont alignées avec le bestiaire, de sorte que comme pour d'autres choses tout le monde reste absolument et totalement sur les rails.
Mention spéciale au prêtre "guerrier" qui réussit le tour de force de devenir un guerrier absolument minable ET un lanceur de sort tout aussi minable à haut niveau, grâce à des rangs de maîtrise décalés et affaiblis par rapport aux spécialistes.
MULTICLASSAGEEn une phrase: le multiclassage est mort. Se multiclasser en Pathfinder 2 revient à deux grands choix (tous les autres sont pires): être un combattant qui fait un peu de magie, ou être un lanceur de sort qui fait un peu de combat, ces deux choix affaiblissant considérablement le personnage.
Bien entendu, c'est toujours tentant de "jouer l'ouverture" et d'avoir un guerrier capable de lancer quelques sorts, ou un mage portant une armure. Le problème c'est que ce multiclassage n'offre pas (ou rarement, à très haut niveau donc en retard par rapport aux autres classes et au prix d'un don)
d'augmentation du rang de maîtrise avec les niveaux.
Ça veut dire pour simplifier que, à haut niveau, si vous portez une armure dans laquelle vous êtes "entraîné" votre CA sera 6 points plus faible que votre compagnon qui a une maîtrise "légendaire" de la sienne, ou 4 points que cet autre compagnon avec un rang "maître". Vous vous rappelez l'explication ci-dessus sur les seuils de réussite au D20 et les chances de coup critique? Se promener avec une CA inférieure de 4 points à ce que la mécanique de jeu attend, c'est se
prendre un coup critique sur un 15+ au lieu d'un 20 naturel... Les personnages qui se multiclassent pour porter une armure sont des cercueils ambulants. À certains niveaux ils ont même une meilleure CA en se promenant sans armure, puisque leur rang de maîtrise en CA sans armure, lui, s'améliore avec des maîtrises avancées fournies par la classe!
Tout ceci aurait pu être évité avec une simple phrase comme "Le rang de maîtrise du personnage passe à XXX
dans tous les types d'armure dans lesquels il est formé" mais non, c'était trop simple à écrire!
La même chose vaut pour les attaques de mêlée, évidemment. S'il venait à un mage-multiclassé-guerrier de haut niveau l'idée saugrenue de porter un coup d'épée plutôt que de lancer un sort, il ferait mieux d'y réfléchir à deux fois avant de prendre le risque de s'empaler sur sa propre lame. Situation liée aux probabilités d'échec critiques liés à son faible rang de maîtrise, et à la CA du monstre calquée sur son niveau.
Le seul multiclassage à peu près viable est celui d'un guerrier ou d'un paladin multiclassé en lanceur de sort, et qui utilise ce multiclassage pour faire des buffs.
Tous les gens qui écrivent que dans Pathfinder 2 "Le multiclassage c'est géniaaaal" n'ont soit pas lu les règles soit jamais joué un personnage multiclassé au-delà du niveau 10. À bas niveau quand tout le monde est juste "entraîné" ça fait illusion ; au-delà, plus du tout.
DIVERS ET VARIESLes autres trucs qui sont morts sont les compagnons animaux, castrés au point d'en être ridicules. Il faut attendre le niveau 8 (10 pour un Ranger) pour espérer monter en selle sur son ours si le personnage est de taille moyenne, et même ainsi la créature perd des capacités, puisque-ce-n'est-pas-un-cheval-comprenez-vous. On entre dans un salmigondis incertain de règles sur la portée des armes du personnage monté, parce que cette combinaison était sans doute trop originale pour avoir été playtestée.
Le crafting est obligatoire: hors du crafting, sauf si le MJ est un super bon copain, vous n'arriverez à rien. Le crafting n'est pas une option, il est nécessaire. D'où la quête des matériaux, qui ont eux-même été dérivés au point d'être ridicules (je ne veux pas de votre "mithril de base", manant! Il me faut du "mithril d'élite"!) tant dans ce jeu tout est lié au niveau.
CONCLUSIONBien qu'il serait absurde de dire que Pathfinder-2 est devenu un jeu de "low-fantasy" c'est effectivement ce qui se passe pour les classes martiales.
Le jeu est tellement sur les rails que les choix laissés au joueur sont quasiment cosmétiques, à moins de vouloir castrer son personnage (celui qui construit un guerrier avec 16 en force de départ s'engage à une vie de douleur).
Les lanceurs de sort continue d'être des super-héros à haut niveau, ils ont même des slots de niveau 10 maintenant, et peuvent employer différents
pouvoirs qui se régénèrent facilement.
Le Multiclassage est mort, soit. Je comprends que l'équipe éditoriale de Paizo ait choisi de mettre le holà à la principale source de combinaisons grosbills de Pathfinder 1, il faut bien l'admettre. Le seul problème c'est qu'ils ont jeté le bébé avec l'eau du bain, empêchant de créer des personnages touche-à-tout et versatiles, quitte à être
un peu moins bon dans leur domaine de prédilection. Paradoxalement,
le jeu renforce les spécialistes qui sont excellents dans ce qu'ils font et sont nuls dans tout le reste. Si vous aimez jouer des classes pures et considérez d'une manière hautaine les gens qui osent se multiclasser, ce jeu est pour vous (quoiqu'en D&D 5 le problème soit réglé en faisant tout simplement du multiclassage une règle optionnelle...)
Il y a pas mal de clarifications bienvenues (notamment pour les statuts "visible/détecté/etc") et pour les "modes d'aventure" mais l'empilement de mot-clés qui renvoient à d'autres mots-clés est assez rapidement indigeste. De nombreux seuils et statuts n'ont aucun sens ("Blessé 3"?) et respirent plus le MMORPG coréen ou la feuille d'impôts que l'aventure épique - une façon de tirer une frontière entre ceux qui savent de quoi on parle, et ceux qui regardent avec des yeux écarquillés ces mécaniques dénuées de sens.
Le combat est assez statique: d'abord on n'est jamais complètement sûr que le monstre auquel on fait face aura des attaques d'opportunité ou pas, mais ensuite le moindre pas de placement coûte une des trois actions du personnage. Après un positionnement rapide, le combat se limite donc à "frappe-frappe-lève-bouclier" pour les guerriers, ou "bouge-et-lance-un-sort" pour les lanceurs de sort, et c'est à-peu-près tout. Les règles de soin sont largement aussi ridicules que celles de D&D 5.
En fin de compte, Pathfinder 2 essaye de clarifier et de bien présenter pour des débutants un jeu finalement extrêmement mécanique, bourré de seuils et de règles spéciales (ex: ce qu'on a "le droit" de faire selon les degrés de maîtrise de chaque compétence) et finalement hors des standards populaires d'aujourd'hui. Je crains que les gens de Paizo ne se soient un peu coupés du monde et que le jeu ne soit un échec commercial. Je ne le vois en tout cas pas détrôner D&D 5e comme ils ont réussi à le faire comme Pathfinder 1 contre D&D 4e.
Modifié par un utilisateur mardi 24 décembre 2019 23:07:40(UTC)
| Raison: rang =/= niveau