Absorbée par le chef d’œuvre qu’elle tenait entre les mains, aucun mot ne pouvait rompre l’enthousiasme de Viz. Que cela soit une copie, un brouillon, un danger, ou que sais-je encore, c’était là l’œuvre d’une vie aux yeux de la sorceleuse.
«  Ne t’en fais pas, j’ai l’air d’une tête brûlée, je sais, mais je sais qu’elles sont mes limites. J’en ai… déjà fait l’expérience. Je te promets que tout se passera bien. L’appel des abysses est nettement moins séduisant quand le fait de les embrasser pourrait vous faire perdre définitivement la chose qui vous est la plus chère…

Merci pour ce très précieux cadeau. J’en prendrai soin, je te le promets !  » répondit-elle, sérieuse, déjà pressée d'aller consulter le contenu de la bête.

Thème de Viz : Où termine la grandeur et commence la folie

La journée avait été difficile pour Viz. Si les apparences pouvaient paraître radieuses à bien des égards pour la plupart des gens, la chéliaxienne était en plein tourment. A vrai dire, si on lui avait dit plus tôt qu’elle se sentirait mieux dans les marais immondes du Rahadoum ou les déserts étouffants que dans une ville, elle ne l’aurait jamais cru. Au mieux aurait-elle rit au nez de son interlocuteur. Et pourtant…

Il aurait été mal vu de dire qu’elle avait plus de considération pour les démons de tantôt que pour les dirigeants de cette ville. Tout ici sentait l'hypocrisie et l’égocentrisme exacerbant des victorieux, aux yeux de la sorceleuse. Comme si la victoire qu’ils avaient jadis remportée sur la Plaie du Monde n’avait été qu’une histoire dont la fin aurait été bâclée par l’auteur. Elle en venait même à penser qu’un amateur de littérature ne pouvait laisser une histoire se terminer de la sorte.

Assise sur le toit d’un atelier dans la troisième enceinte, une petite bouteille à la main, observant inlassablement le ciel au-dessus, l’horizon droit devant, et la vie urbaine en dessous, Viz se demandait ce qu’elle faisait là, et ce qu’elle devait faire. Elle n’en avait pas la moindre idée. Elle était perdue, au sein d'un tourbillon d'émotions qu'elle ne parvenait pas à comprendre. Charmer et tuer, c’était les seules choses qu’elle savait faire correctement. Et au-dessus de sa tête, une horloge invisible tournait à rebours. Soupir triste tandis que des larmes parcourent ses joues rosies.
«  Qu’est ce que je fais là, moi… ?  »

Elle en vient à repenser à ce qu'elle se disait jadis, et qui n'avait jamais totalement quitté son esprit : elle est un monstre chassant d'autres monstres. Mais en ce jour, quelque chose s'était fissuré dans la tête de la rouquine. Elle ignorait pourquoi, mais elle avait la sensation de se chasser elle-même. Et elle savait que, si elle ne faisait rien, cela finirait par arriver.

Son regard finit par se perdre sur le livre de Moire, méticuleusement posé à côté d’elle… Jusqu’ici, elle n’avait pas encore osé le feuilleter… Nombre de ses secrets pourraient certainement lui apporter une seconde lecture sur la situation, mais… Pour l’heure, elle n’osait franchir le pas. Elle allait le faire. Ce soir. Mais elle n’osait le faire. Mais pour l’heure, la seule chose dont elle avait besoin… C’était d’une épaule. Quelqu’un a qui parler partageant son ressenti. Quelqu’un qui oserait lui balancer une vérité en face, sans détour, qu’importe si cette vérité soit erronée ou non. Elle tremblait de tout son corps, n’osant franchir le pas également. L’air lui provoquait des frissons d’autant plus inconfortables. Mais là aussi, il fallait qu’elle franchisse le pas. Qu’elle affronte cette peur, pour ne plus jamais avoir peur.
«  Bon… Allez !  » se dit-elle à elle-même, la voix hésitante, se redressant et claquant des mains pour se donner du courage.

Elle ferma les yeux et se concentra. Le vent qui souffle… La foule qui parle… La chaleur du soleil sur sa peau… Puis plus profond… Cette colère qu’elle avait… Ce sentiment ressenti dans la forêt, contre la succube… Cette faim… Elle s’enfonça toujours plus profondément dans sa méditation, cherchant un contact… avec l’autre. Il fallait qu'elle lui parle. Il fallait qu'elle sache... et qu'Il sache.

Modifié par un utilisateur lundi 7 mars 2022 13:51:27(UTC)  | Raison: Non indiquée

Thème de Viz : Où termine la grandeur et commence la folie

Bien… la bête avait mordu à l’appât… Rien qu’à sentir l’air et l’ambiance autour d’elle, fleurie de miasmes et de malaisance, elle le savait. Il était là. Et lorsqu’elle ouvrit les yeux, elle en eut la confirmation.

Se fendant d’un rire nerveux hostile et d’un rictus, elle répondit à la créature du ton le plus attentatoire qu’elle pouvait, tout en s’efforçant de rester neutre. Après tout, dans ce duel, c’est elle qui était demandeuse. Point négatif dès le départ.
«  Te fout pas de moi. Ce n’est pas parce que cette ville empeste la suffisance arriviste que je t’apprécie pour autant.  »

Elle savait qu’elle était en bordure du gouffre. Elle le savait, et pourtant… afin de savoir nager, il fallait se jeter à l’eau, c’était un fait. Le détail étant que l’étendue d’eau en question était pourvue d’un siphon. Ce que la sorceleuse essayait tant bien que mal de faire, c’était de s’accrocher au bord, bien que la terre y soit friable, et de surmonter sa peur. Et Il le savait. Evidemment.
«  Je veux savoir ce que tu penses de cette ville et de ses dirigeants. Et de ceci.  » ajouta-t-elle en tapant du doigt sur la couverture du livre de Moire.

«  Je veux la connaissance. Je veux le pouvoir. Et… tu veux également que je l’ai, de toi. C'est ça, ou on clôt cet échange ici et maintenant. C’est donnant-donnant.  » tenta-t-elle.

Modifié par un utilisateur lundi 14 mars 2022 15:44:06(UTC)  | Raison: Non indiquée

Thème de Viz : Où termine la grandeur et commence la folie

Viz grinça des dents, incontrôlablement. Sans doute cette situation lui déplaisait autant qu’elle en avait besoin.
«  La bravoure ? Kss ! Quelle bravoure y-a-t-il à conter et vanter ses exploits ? L'effronterie face à un danger n'est pas de la bravoure, mais bien de la stupidité. Je préfère le conseil d’un aîné à la bravoure d’un cadet.

Je ne suis nullement impressionnée par le premier quidam venu me raconter ses exploits. Il n’y a aucun respect à cela ! Quant à cette soi-disant “Héraut”, il est beau son prestige, si elle a du temps à venir perdre dans ce petit jeu mondain…  » ajouta-t-elle avec bile dans la gorge. De tous, c’était cette tieffeline qui lui sortait le plus par les yeux. Pour la chéliaxienne, au mieux cela pouvait être comparé à une parade.


Son regard se fit d’autant plus haineux et foudroyant lorsque l’entité lui parla de son corps.
«  Ce corps n’est pas et ne sera jamais le tien !  » vociféra-t-elle.

Mais il marquait un point. Comprendre, c’était tout ce qu’elle désirait, au fond d’elle. Elle en était même venue à ne plus se comprendre elle-même, risible insecte qu’elle était à l’image du monde et de ses maîtres. Elle marqua une pause, ses yeux aigris et haineux portés sur la ville, bien qu’innocente.
«  Les paroles perdent parfois ce que le silence a gagné...  » ajouta-t-elle avec lassitude, repensant aux maîtres de cette ville.


Finalement, elle revient pointer son regard sur l’entité lui faisant face.
«  Qu’importe. Et oui, je sais de ce dont il s’agit. Je vais le lire. Je vais l’apprendre. Je vais le comprendre. Et je retournerai cette connaissance contre tous ceux qui se dresseront sur ma route.  » répondit-elle en serrant le poing.

«  Apprends-moi ce qui n’y figure pas. Apprends-le moi… et je repenserai à notre relation.  » conclua-t-elle, l’air sombre.

Thème de Viz : Où termine la grandeur et commence la folie

Méfiante bien qu’intriguée, Viz écouta ce que la créature avait à dire sur la “clique d’Iomédae”, se demandant pourquoi cette hypocrisie méritait le respect. Mais… elle marquait un point. Un demi-point plutôt. Grogner n’apporterait rien, tandis que profiter de leur apparence sympathie pourrait la mener plus loin sur la route… Il lui vint à ce moment une pensée fugace, mais terriblement présomptueuse et blasphématoire : si elle était à leur place, que ferait-elle ? Et comment faire pour être à cette place ? Et surtout…

Toute victoire marquante ne se fait qu’au prix du sacrifice. C’est ainsi. Si personne ne perd rien… La victoire est bien pâlichonne. Sauver un peuple d’une menace hypothétique et non présente, et ils vont acclameront un jour. Sauver le d’une menace ravageant leur contrée, et ils vont acclameront toujours. Mais… s’il en était ainsi… Iomédae et sa croisade n’avaient-ils pas à gagner qu’il reste des démons pour terroriser ces gens ? Après tout… sans démons, nul besoin de croisés. Et sans croisés, nul besoin de codes…

Ressortant de ses sombres pensées, l’attitude de Viz se faisait déjà plus amicale, bien que toujours méfiante et hostile.
«  Le lien a-t-il vraiment une quelconque importance ? Qu’il s’agisse de ma tête, de celle d’une autre, des Abysses, ou de la cave à fromages de la taverne de Roger le tavernier, en quoi cela a-t-il son importance ? Je ne t’imagine pas assez frivole pour déclamer ce genre de questions sans une arrière-pensée viciée. Me tromperais-je ?  »

Quant au livre… Touché. Doublement touché même. D’une part, cela signifiait qu’il ignorait l’échange avec Moire, ou feignait l’ignorer. D’autre part… elle sentait la curiosité dévorante de son colocataire. Voilà qui lui faisait une carte à jouer. Bien que curieuse également, elle joua le chaud et le froid, posant sa main sur la couverture.
«  *Devoir* vérifier ? Et… d’où peut-il bien venir, ce devoir ? Dis moi ce que tu cherches, et j’aurais *peut-être* l’obligence.  »

Thème de Viz : Où termine la grandeur et commence la folie

Viz lâcha un petit ricanement nerveux. C’était bien vrai. La connaissance était la clef de la voûte de la puissance. Ignorer le cycle, c’était admettre l’incapacité d’y mettre fin. Et… il fallait bien admettre qu’elle se reconnaissait dans les propos de la créature. Loin d’elle l’idée de souhaiter prolonger ou recommencer le cycle, mais il y avait une part de moisi chez les Iomédéens la poussant à comprendre les idéaux de leurs rivaux.

Son regard allant et venant entre le livre et la chose, Viz se fit pensive, vicieuse. Une idée lui traversa l’esprit. Une idée qui, à défaut d’être prudente -ce qui n’avait jamais été le fort de Viz- pouvait rapporter gros. Elle fit coulisser le livre, posa la main sur la tranche, comme pour l’ouvrir, avant d’arrêter son geste.
«  Lorsque tu dis “utile”, à quelles utilités penses-tu ? Qu’il s’agisse du vrai ou d’une copie, si tu souhaites le voir ouvert, il est donc élémentaire que son contenu t’intéresse, au prix même que tu t’attends à ce que je m’intéresse à ce même contenu...
Si tel est le cas… Voici mon offre. Le livre et ses secrets, et la quête de l’original si ce n’est qu’une copie, en échange de ton nom.  » demanda-t-elle, une lueur sombre, mais pas nécessairement mauvaise, au fond des pupilles.

Si la créature accepte l’offre, Viz ouvrira le livre.

Thème de Viz : Où termine la grandeur et commence la folie

Hésitante dans un premier temps, consciente d’être face à l’entité lui ayant pourri l'existence, Viz laissa peu à peu sa cupidité prendre le dessus… Et son espérance de pouvoir utiliser de telles connaissances contre cette créature, et pour empêcher que son sort n’arrive à d’autres. Se fendant d’un rictus satisfait, ravie si elle parvenait à soutirer son nom comme elle le demandait, l’ensorceleuse tendit la main.
«  Personne sur ce toit ne croit en la bonne foi. J’accepte.  »

Tandis qu’elle s’apprêtait à serrer la main de l’entité et que toutes ses pensées étaient désormais tournées vers le livre, elle sentit qu’elle était sur le point de franchir un point de non-retour, pouvant déboucher sur des conséquences dont elle n’avait même pas conscience… Espérons qu’elle ne se trompe pas…

Thème de Viz : Où termine la grandeur et commence la folie

Viz ne put s’empêcher de faire naître un rictus au coin de ses lèvres, consciente d’avoir fait un pas encore jamais atteint tandis qu’elle cherchait tant à approfondir ses dons qu’à lutter contre cette entité. Elle venait… d’ouvrir une porte, en quelque sorte. Une porte ancienne, oubliée, ignorée, menant sur une vérité qu’elle craignait, et que nombre d’autres âmes devraient craindre aussi. Car Viz était tout sauf quelqu’un de sensé. Bon fond, certes, mais pas raisonnable.

Quant à moi, mon nom est… songea-t-elle, avant de s’auto-interrompre.
«  Aucune importance. A nous deux mon mignon.  » conclue-t-elle, tentant d’ouvrir le livre.

Livre des Damnés - Démonique

La pression intense crissa presque parmi ses pensées, avant cesser soudain comme si les rouages d'une incompréhensible machine surnaturelle s'étaient débloqués. Le torrent de texte qui parcourait la page se clarifia immédiatement, ne laissa qu'une page de métal noir ornée d'une écriture blanche, comme de la fumée dansant doucement sur la page, ou des arabesques d'encre blanche dans une eau couleur de nuit.

La première page était devenu un index, mais Viz remarqua immédiatement un phénomène étrange...les rubriques de l'index n'avaient aucun sens, de simples volutes blanches tant qu'elles ne se focalisaient pas dessus. Ce n'est que lorsque qu'elle portait son regard sur une ligne qu'elle acquérait un sens: "Créatures des Abysses", "Démonologie appliquée", "Histoire des Royaumes Abyssaux", et ainsi de suite.

Plus encore, même si certains titres émergeaient du chaos de la page sans logique apparente, comme si le Livre des Damnés lui soumettait des suggestion, si un sujet traversait son esprit, le titre se consolidait immédiatement dans l'index. Il suffisait d'une pensée en tenant l'ouvrage pour qu'il lui indique où trouver l'information qu'elle cherchait.

Prise par le moment, elle effleura l'un des titres, et les pages s'animèrent d'elles-mêmes, se déroulant jusqu'au chapitre concerné dans l'ouvrage. Chacun d'entre eux débordait de tellement d'information que même sans souffrir de l'influence qu'elle avait pu sentir en ouvrant le livre, elle savait que retrouver des informations précises risquait d'être un défi...et malgré cela il était clair que ce volume du Livre des Damnés était une véritable mine d'information. Les pages métalliques paraissaient contenir tout ce que le multivers pouvait lui apprendre sur l'Abysse...peut être que c'était exactement cela qu'elle contenait, d'ailleurs...

Livre des Damnés - Démonique

Avec un son de métal caressant le métal, les pages tournèrent dans un flou fluide, s'arrêtant au début de la section "Démonologie Appliquée". Viz nota qu'elles n'étaient pas numérotées…probablement parce que l'ouvrage lui-même répondait aux désirs du lecteur. Les pages se couvraient à présent d'une écriture déliée, gracieuse, et parfaitement lisible en blanc sur le métal noir comme une nappe de pétrole.

La Démonologie Appliquée semblait se porter sur les types et catégories de démons, décrivant leur origine, leur évolution, leurs forces et faiblesses, leurs pouvoirs et leurs méthodes, ainsi que les méthodes traditionnelles pour les invoquer, et les manières d'exorciser une possession par chacun des types de démons. Certains, Viz connaissaient…les Dretchs, démons de la paresse, les Succubes, les Roru, les Abrikandilu, les Balor…d'autres, comme les Vesper, ou les Ruz lui étaient entièrement inconnus, et pourtant ils étaient détaillés ici en profondeur.

En revanche, cette section ne semblait pas concerner les éléments plus spécifiques, comme les domaines de l'Abysse, et surtout les démons individuels.

La voix de Yalabaëlle résonna de nouveau parmi ses pensées.
« Je n'arrive pas à croire que cet ouvrage et l'original…et pourtant…je suis surprise que tu puisses le lire sans difficulté. Et que tu ais pu mettre la main dessus pour commencer.

Comment est ce que tu as mis la main dessus, d'ailleurs? Ma mémoire n'est plus ce qu'elle était. »