Ceci est la traduction d'un article de blog paru sur le site de Paizo et écrit par James Case.Les plus lointains souvenirs de Korakai concernent les vagues qui roulent sur la mer. Quand il était encore dans son œuf, sa famille a quitté la contrée d’origine des tengus, le Kwanlai, et s’est tout d’abord déplacée vers l’ouest en direction de la ville portuaire de Goka avant d’embarquer à bord d’un navire pour se rendre dans la région de la mer Intérieure afin d’y trouver une vie meilleure. Comme de nombreux immigrants provenant du Tian Xia, ils se sont dirigés vers Absalom. Cependant, ce n’est pas dans la Ville au Centre du Monde qu’ils se sont établis mais sur l’île voisine d’Erran.
Korakai a éclos et grandi sur les côtes de cette île ; il a couru pieds nus sur les plages et les rochers. Chaque jour, sa mère plongeait sous les vagues et retenait sa respiration pour récolter des coquillages, des algues et d’autres ingrédients que Korakai emmenait ensuite vers la taverne familiale. C’est là que son père concoctait des mets et des boissons, des spécialités tianaises, avistanaises ou mélangeant les deux origines. La taverne est rapidement devenue un lieu de rendez-vous incontournable pour les marins à quai. Tout en prenant les commandes et en apportant les boissons, Korakai entendait souvent des bribes d’histoires concernant des pays lointains qu’il rêvait de voir de ses propres yeux.
De temps en temps, des marins se plaignaient de vents contraires ou d’autres problèmes et se demandaient s’il y avait un fond de vérité dans les superstitions disant que les tengus étaient capables de repousser la malchance. Chaque fois qu’ils posaient la question, le père de Korakai répondait « Kora, va dire à ton grand-père qu’il y a quelqu’un pour lui ici. » Le vieux tengu aux plumes décolorées étaient bien connu des marins pour ses histoires animées et ses rituels permettant de dissiper la malchance. Même si Korakai se doutait que, la plupart du temps, son grand-père se contentait de faire son show, il savait que, chaque fois que le vénérable tengu demandait sa « cane de marche », un khakkhara, un bâton de prière garni d’anneaux qui se trouvait dans sa famille depuis plusieurs générations, il fallait s’attendre à assister à un spectacle digne de l’ancien Kwanlai. Quand son grand-père se mettait à glisser dans les airs et à tourbillonner en dansant sur le pont d’un navire, tenant un éventail de plumes magique dans une main et le bâton dans l’autre, même si Korakai n’avait qu’une connaissance partielle du langage tengu, il pouvait repérer des mots de pouvoir au sein des tintements des anneaux du bâton.
Un jour, Korakai demanda d’accompagner son grand-père lors d’un voyage en mer. Un ferry devait traverser le canal vers l’île de Kortos pour ramener des médicaments indispensables et ce malgré les signes annonciateurs d’une tempête, et le capitaine voulait qu’il y ait un tengu à bord. Au début, ils eurent l’impression de pouvoir éviter le pire, mais la mer se transforme en l’espace d’un clin d’œil. Une bourrasque soudaine souleva le navire, projetant quasiment Korakai par-dessus bord. Il tendit la main pour agripper quelque chose, et empoigna le bout du bâton de son grand-père. Pendant un moment, il empoigna le bâton, alors que son grand-père tenait l’autre extrémité… puis l’héritage familial se brisa. Korakai se retrouva avec un morceau de métal brisé en main. Les anneaux du khakkhara se répandirent dans la mer enragée, et Korakai tomba avec eux. Le goût du sel emplit son bec grand ouvert.
La lumière de la surface se fit de plus en plus distante, mais Korakai aperçut une ombre qui traversait les flots et se dirigeait vers lui : une silhouette emplumée tenant une gourde dans une main. Korakai tendit la main pour qu’elle puisse lui venir en aide mais la forme fut emportée par un courant mêlant eau et air, et Korakai crut apercevoir un homme barbu et une femme aux cheveux longs dans le courant en spirale. Une nouvelle fois, Korakai tenta de nager vers la surface, mais, à nouveau, des ombres vinrent se mélanger dans sa vision : une créature serpentine avec une crinière d’éclair et un voilier [NdT : poisson de genre istiophorus avec une haute nageoire dorsale] aux écailles de perle combattaient un dragon avec des griffes de sel et une force invisible qui faisait bouillonner l’eau en forme d’œil au regard sévère. Propulsé en arrière par leur conflit, Korakai se résolut à son destin et coula vers les profondeurs.
Il tomba pendant plusieurs minutes, pendant plusieurs heures, pendant une éternité, la surface n’était plus qu’un souvenir lointain. Sur un fond d’éclairs lumineux qui n’avaient aucun droit de briller dans les profondeurs de la mer, Korakai aperçut des dieux, des esprits et des choses plus anciennes encore. Mais il vit que chacune de ces formes, aussi puissantes soient-elles, était formée à partir des mêmes éléments, et se décomposait en ces mêmes éléments une fois sa tâche terminée. À ce moment précis, Korakai comprit quelque chose. Un coup de tonnerre carillonna à ses oreilles et il se retrouva à la surface de l’eau.
Une fois sur le pont, Korakai cracha de l’eau de mer. La tempête avait pris fin et, même si les voiles étaient déchirées, l’équipage était miraculeusement indemne. Les marins félicitèrent le grand-père de Korakai, pensant qu’il avait repoussé la tempête, mais les deux tengus savaient que cela n’était pas dû aux superstitions des dévoreurs de malchance mais à quelque chose de plus profond. La tempête n’avait pas pris fin ; elle s’était juste déplacée à l’intérieur de Korakai. Quand il lâcha le bâton désormais brisé, des étincelles dansèrent entre ses griffes.
Au cours des années qui suivirent, Korakai apprit à canaliser et à manipuler – mais jamais à commander – les pouvoirs qu’il avait découverts au cours de la tempête. Son grand-père vieillissant, Korakai participa de plus en plus aux activités du vénérable tengu et, lorsque celui-ci rendit paisiblement l’âme pendant son sommeil, un soir de printemps, des marins vinrent de tous les horizons pour voir Korakai retourner ses cendres à la mer et chaque navire déposer une lanterne en papier pour qu’elle vogue sur les vagues de son souvenir. Peu de temps après cela, Korakai décida de quitter l’île. Ses parents supportèrent sa décision ; après tout, ils avaient eux-mêmes traversé la moitié de Golarion autrefois, pourquoi s’opposeraient-ils à ce que leur fils fasse de même ? Emportant le bâton brisé de son grand-père, Korakai embarqua sur le premier navire en partance, payant sa place à bord en promettant la bonne fortune.
Aujourd’hui, Korakai sillonne le monde, mu par le simple désir d’admirer de nouvelles choses et de vivre de nouvelles expériences, mais espérant avant tout pouvoir visiter le Kwansai un de ces jours. Il écrit régulièrement à ses parents et envoie de l’argent pour la taverne quand il le peut, bien conscient que l'endroit où il a grandi n’est qu’à un océan de distance.
Modifié par un utilisateur samedi 27 juin 2020 15:06:01(UTC)
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