Vianta s'assura que ses fils à clochette étaient correctement disposés autour de leur camp, et revint s'asseoir près du feu, grignotant quelques guignes sauvages trouvées en cours de route pendant que les flammes crépitaient. Elle se tourna vers Taira.
« Ca va aller? Je sais que tu n'es pas forcément habituée des forêts, et les arbres peuvent devenir oppressants avec le temps... »

Elle s'adressa aussi à leur guide.
« Et toi, Obérius...? Tu nous guides jusqu'en bordure des champs, c'est ça? Qu'est ce que vous savez sur les champs de lavande, et ce qu'il y a au delà...y'a des choses dangereuses dans les environs? »

Si le prêtre ne savait pas attraper le repas, une fois tout le monde assis, il devenait plus utile.

Les chasseurs avaient ramassé des baies, des racines et attrapé quelques lapins en route. Borvan se leva et sortit de son sac une planche de bois et un rouleau de tissu qui contenait un large choix de lames et de hachette.

« Allez, au boulot. Surveillez le feu pendant que je les vides. Pas trop de flammes. »

Il se lava les mains, suspendit les bêtes et posa son symbole divin juste dessous. Et en sifflotant, il se mit à faire sauter les entrailles. Le sang coulait et se déversait sur l'objet divin, qui fût rapidement rouge vif.

Une fois pelés et vidé, il découpa racines et baies et mélangea le tout à quelques abats choisies. Et voilà une farce de fortune qui remplit la panse des animaux. Ces derniers se mirent à digérer en rotissant sur le feu. Le prêtre s'assit prêt du feu, surveillant le repas.

« Ça fera l'affaire.

Des gobelins ? Méchant ça... Cons mais rusés. Faudra se méfier. Et on peut pas les contourner pour pas payer au retour, tes lavandes ? »

Vianta médita les réponses d'Oberius, grignotant ses dernières guignes. Les gobelins étaient une mauvaise nouvelle, mais pas exactement inattendue. Elle nota aussi la présence de tréant autour des champs de lavande, ce qui voulait dire que les fées risquaient selon toute vraisemblance de leur poser problème au retour. Magnifique. Bon, ils pourraient réfléchir à ça plus tard...dans l'immédiat....
« Qu'est ce que tu veux dire par "se débarasser de toi", Oberius...? Ta présence parmi nous est temporaire, non? »

La comptine et la sarabande de la fée provoquèrent chez Vianta un éclair d'agacement. Elle détestait ce genre de stupidités obscures, et clairement destinées à semer la confusion. Obérius l'énervait déjà et il n'était là que depuis moins d'une journée. Ce voyage allait se révéler plus long que prévu.
Grinçant des dents, elle lança au farfadet.
« Je commence à comprendre pourquoi Pywiwi voulait t'éloigner temporairement. Une réponse claire aurait été plus simple, non?  »

Installée légèrement à l’écart des nouvelles têtes -ni trop près, ni trop loin, quelques pas étaient amplement suffisants-, Vishnya ne faisait pas grand-chose, s’étirant de tout son long. Elle regardant le… sorte de petit rituel de Vianta avec curiosité, mais n’osa en toucher mot pour l’instant. Elle-même avait quelques petits rituels du genre -enfin, c’était plutôt des tics- lorsqu’elle travaillait sur ses œuvres. L’emplacement de chaque outil par exemple, ou le fait de remercier les objets. Ce genre de choses…

Remarquant que les nouvelles têtes étaient plus ou moins là pour la même chose qu’eux, autant proposer une alliance ? Il y avait bien assez de place pour tout le monde… Enfin, si Constantin était d’accord bien sûr. Vish n’abandonnerait pas son projet, mais s’il y avait moyen de satisfaire tout le monde, autant le saisir. Et elle n’était pas si dépendante de la réussite de cette entreprise que ça, au final.

«  Eh bien, pour être honnête, même chose que vous je pense. Explorer, cartographier, pacifier. Y’a p’têt moyen de faire un bout de chemin ensemble, si ça vous botte ? T’en dis quoi Consti ?
Vous avez aussi répondu à la proposition du Brévoy d’ailleurs ?

Quant au pourquoi, puisque c’est ce que tu as derrière la tête j’imagine… Pour ma part, je me cherche un coin loin où m’installer, au moins quelques temps. Un coin loin des lois de l’Est. Et l’endroit me parlait pas mal, une fois les ennuis d’ici dégagés. Et vous ?  »

Borvan se grattait le menton en admirant le butin des chasseurs. Quelques oiseaux variés, trois fouines et deux étranges écureuils verts mais visiblement sains. Ils avaient aussi trouvé des champignons et quelques herbes. Sacré énigme.

« Bon... Bah... On va voir ce qu'on peut faire. Vous m'avez trouvé un sacré assortiment, je vais faire mon possible pour rendre ça viable. On va faire potée ce soir, le mieux est encore de mélanger. »

Il commença alors à préparer le repas, comptant sur les autres pour préparer le feu. En même temps, il gardait un œil sur les blessés qu'il avait allongé non loin et qui dormaient, un linge humide sur le front.

Il était en train de fouiller dans les écureuils quand il leva la tête pour répondre.

« Un vrai drame Constantin. Et tes chevilles, ça va ?

Mais ouais, on a répondu au Brévoy. Personnellement je viens d'être intronisé et l’absence de guerres digne de ce nom n'aide as à se faire un nom parmi les gorumites. Donc je suis ici pour tester ma force et prouver au seigneur que je suis digne des pouvoirs qu'il m'accorde.

Drôle de bête ça... Il a les tripes à l'envers... Bah tiens Constantin, si t'es si malin : c'est quoi le nom de ce drôle d’écureuil que je suis en train de charcuter ?

Et sinon toi Gaston, tu suivais le Cerf pourquoi ? Juste la paye ? »

Vianta entretenait le feu tout en écoutant les histoires de ses compagnons de route. Le moins que l'on pouvait dire, c'est que Constantin avait de l'imagination. Elle ne savait trop quoi penser de lui...mais pour l'heure, sa présence ne la dérangeait pas. Quand aux motivations de Borvan, elles étaient prévisibles, mais solides. Et puis, elle savait ce qui l'intéressait et qu'elle pouvait compter sur lui.

Quand à Vishnya, à chaque échange, la chasseresse se sentait une certaine proximité avec la...nécromancienne?
« Et bien, le moins qu'on puisse dire c'est qu'on continue de se trouver des points communs, Vishnya! Taïra et moi avons fait un bout de route ensembles, et on a fait équip avec Borvan...J'ai répondu à l'appel du Brevoy avec la même raison que toi: j'avais besoin de mettre une bonne distance entre moi et la loi. Pour faire court, j'ai des soucis de famille.

Et puisque le Brevoy proposait de me payer pour ça... »

A la réplique de Constantin, Vish éclata de rire. Un rire peu bruyant -la voix de Vish ne portait pas bien loin- mais détendu. Il était assez étrange de voir une personne jusque-là cynique autant que sinistre, avec un crâne dessiné sur le visage qui plus est, rire de la sorte. Pas quelque chose de désagréable mais… pouvant être troublant.

«  HA ! Un vrai langage de politicien ! Je te reconnais bien là.
Et ne t’inquiète pas, je suis certaine que tu seras reconnu bien avant que je n’aie le temps de faire mumuse avec toi.  » lâcha-t-elle à son lointain cousin.

Elle écouta ensuite le Frère Borvan, répondant par simple «  Hum hum  » acquiesceur. La guerre, Gorum, tout ça… ça ne lui parlait pas des masses. Ce qui lui parlait, c’était plutôt les champs de bataille, une fois tout ça fini. Et encore, elle n’en avait jamais vu qu’à travers des livres…

Puis la nécromancienne se tourna vers Vianta, laissant s’échapper un autre sourire, mélange de fierté et de gêne cette fois-ci.

«  Ravie de l’apprendre ma grande !
Et je suis sûre qu’avec le temps, on en trouvera d’autres…  » répliqua-t-elle avec un rictus suggestif.

Puis elle se tourna vers Taira, appréciant le côté concis de l’yrch. Cependant… si Vish avait un minimum de matière grise, pour la jugeote, c’était une autre histoire. Le marquage au fer… ça lui évoquait de l’esclavage peut-être ? Quoiqu’il en soit, elle décida de ne pas soulever le sujet, pour l’heure.

«  Hum… Ouais, je vois.  » répondit-il simplement, acquiesçant vaguement de la tête.




Elle se tapa sur les cuisses, se relevant, puis se dépoussiéra les mains, les tendant vers le feu entretenu par Vianta. La chaleur… au fond, c’est ce qui lui rappelait qu’elle était vivante. Une douce sensation, une caresse invisible, pouvant se mouvant en douleur, si on était inconscient.
Après un moment d’égarement, elle s’éclaircit la voix avant de reprendre la parole.

«  Bon ! Mettons les choses au clair mes mignons. On n’a pas l’air d’être incompatibles…. Ça vous botte qu’on fasse équipe ? Y’a bien assez de terres par ici pour nous tous, et j’suis sûre qu’on pourrait s’entendre. J’suis même prête à vous laisser ma part du butin du Brévoy, si ça vous branche. Tout ce que je demande, c’est un carré d’herbe à moi, sur lequel on ne vienne pas me dire ce que j’ai à faire. Un coin pénard, où j’pourrais me prélasser.

Constantin, je te parle pour moi, mais ça te conviendrait à toi aussi ?  »

Cela aurait été mentir que de prétendre que la proposition de Vishnya prenait Vianta complètement par surprise. Mais elle ne réagit pas tout de suite, trop occupée à combattre le sang qui lui montait aux joues. La nécromancienne était d'une telle confiance en elle...Vianta n'avait pas non plus l'habitude de douter de ses actions, mais la franchise avec laquelle la Vishnya - flirtait, il n'y avait pas d'autre mot - avait le don de la destabiliser.

Elle profita de l'intervention de Constantin pour rebondir avec un sourire canaille, reprenant ses habitudes et plongeant ses yeux dans ceux de Vishnya. Elle avait toujours su faire preuve d'assurance, elle n'allait pas changer maintenant.
« Oh, je ne demande que l'occasion de pouvoir explorer ce que nous avons d'autre en commun...

Mais pour l'heure, je pense que nous avons cause commune! Ce serait un plaisir que de vous avoir à nos côtés!
Vous avez déjà pu le constater, mais je n'ai pas non plus besoin de grand chose. Ne pas avoir la loi sur le dos...mais si j'en ai l'occasion, un terrain de chasse m'intéresse! Je suis chasseresse, et également trappeuse de profession. »

Vish sourit à la remarque de Constantin, et sourit encore plus à celle de Vianta, haussant les sourcils d’un air intrigué. Elle avait peur que son esprit dissident n’interprète mal certaines informations… mais à en juger par le délicieux regard de cette dernière… sensiblement pas. Voilà qui s’annonçait des plus intéressants…

«  Oh, mais je suis sûre que nous trouverons cette occasion… d’exploration… ou de chasse.  » renchérit-elle une étincelle de malice et dans le regard, jouant sur les mots et la profession annoncée de Vianta, avant d’en revenir au reste du groupe.

Elle commença par rire à la réplique de Constantin, le gratifiant d’une tape dans le dos.

«  HA ! Je n’en doute pas de toi mon cher Consti. J’espère que tu dompteras une sacrée bête ! Et que je serais là pour voir ça.  » lui répondit-elle, toujours joueuse dans ses propos.


Elle se rapprocha un peu du feu, réchauffant ses pauvres mains

«  Une question indiscrète si vous le voulez bien. Une autre à vrai dire. Si vous étiez à la place du Seigneur Cerf, puisque c’est ce qui risque de nous arriver à terme, vous feriez quoi pour faire évoluer les choses dans le coin ? Vous avez déjà des idées en tête, ou c’est un peu trop tôt ?  » demanda-t-elle, curieuse, souhaitant savoir autant où elle mettait les pieds que comment s’intégrer.