Dès qu’ils purent discuter seule à seul, Tao laissa échapper un soupir rauque. Il évita encore le regard de Shiori, préférant se perdre dans les nappes grisonnantes du ciel de nuit. Mais contrairement à plus tôt dans la journée, ce n’était pas par lâcheté qu’il agissait ainsi, mais par regret.

Finalement, il se décida à prendre la parole, d’un ton monocorde.
« Cela faisait longtemps… n’est-ce pas Shiori ?
Excuse-moi pour mon comportement de tout à l’heure… Beaucoup d’eau a coulé depuis la dernière fois tu sais…  » dit-il, sortant la main pour effleurer les gouttes de pluie. Des gouttes qui ne semblait évoquer chez lui que tristesse et nostalgie.

« Je suis content de voir que tu ailles bien... » se contenta-t-il d’ajouter, attendant sans doute que son interlocutrice fasse le second pas.

A voir si la pluie efface le maquillage qu'il a sur les mains ?

Modifié par un utilisateur lundi 21 septembre 2020 23:18:45(UTC)  | Raison: Non indiquée

Un léger sourire se dévoile sur les lèvres de Tao. Léger mais crispé.
« Cela m’a surpris, désolé... Je n’imaginais pas te retrouver dans ce trou non plus, et beaucoup de choses se sont passées en "si peu de temps"...

Tu n’y aurais rien trouvé d’autre qu’une maison en ruines. Ma famille ne vit plus à Po Li depuis peu, nous sommes tous venus ici. Nous y avons conservé quelques amis… mais c’est tout. Il n'y a plus de Shù dans le royaume des oracles.
Yin-Se est une ville émergeante, c’est l’occasion pour nous de repartir sur de nouvelles bases. »

L’oracle se retourna alors vers la jeune femme.
« Et toi alors, que viens-tu faire ici ? Pourquoi traques-tu cette araignée ?  »

Soulagé par la tournure que prend l’échange, Tao se détend, relâchant les épaules. Visiblement, elle ne lui en veut pas, c’est déjà un bon point. C’était l’un des points qui le perturbaient depuis qu’il l’avait revu. En ce qui concerne sa sœur en revanche… Eh bien, s’il y avait une chance, autant la tenter.
« Je comprends… Je t’aiderai, si tu le veux.

Ceux qui s’en étaient pris à toi la dernière fois… Ont-ils un lien avec cette attaque de caravane d'après toi ? » ajouta-t-il, ravi d’avoir pu changer de sujet.

La réponse de la jeune elfe fit sourire Tao, un sourire sincère et chaleureux, effaçant de son visage l’amertume qui s’y lisait quelques instants plus tôt. Il entreprit de rassurer Shiori avec une citation qu’il jugeait de bon conseil, bien que ne sachant pas si cela réconforterait la demoiselle ou non.
« Non, sans doute pas… Et comme le disait le vieux sage Pao Lung, mieux vaut combattre sans espoir que de vivre sans désirs, ne penses-tu pas ?  » répondit-il doucement.

En revanche, la prochaine réponse de Shiori lui fait perdre tout sourire. Il se doutait que ce moment arriverait, et même s’il espérait qu’elle fasse allusion à autre chose, il savait qu’il ne pouvait pas repousser éternellement le moment des aveux, pas avec elle. Et mentir n’était pas dans ses intentions à l’heure actuelle, bien que la crainte obscurcissait son jugement. S’il avait encore eut un cœur, celui-ci battrait la chamade à l’heure qu’il est. Ses émotions étaient… troublées. S’il ressentait toujours les désagréments mentaux, telle que la sensation de bouche pâteuse, la paralysie et l’incapacité de dire quoi que ce soit, il ne ressentait plus les conséquences physiques qui en découlaient, son visage restant simplement inerte. Pendant un instant, il se sentit prisonnier d’une torpeur, avait de réussir à se concentrer sur sa main et le moment présent.

« Des yeux hein… Oui je m’en doute…
Avant toute chose, sache simplement que quoi que tu aies vu, ou cru voir, je suis toujours le même que la dernière fois… à l’intérieur.  » répondit-il, fixant sa main, dont le maquillage commençait à s’estomper pour laisser place à une chaire brunâtre.

« De mon côté aussi, certaines choses se sont mal passées. » se contenta-t-il de répondre, encore hésitant.

Modifié par un utilisateur vendredi 25 septembre 2020 00:21:30(UTC)  | Raison: Non indiquée

Tao soupire une fois de plus, trahissant une fois de plus sa peine ou sans doute sa résignation. Sans doute aurait-il préféré repousser cette discussion, encore et encore, mais au fond de lui, vraiment tout au fond, il n’avait qu’une envie : briser la glace. A force de jouer au jeu des masques avec tout le monde, il en était arrivé à se considérer lui-même comme un masque, une situation qui, si elle avait ses avantages, ne lui plaisait guère.

« Non... Ce n’est pas une histoire de confiance. C’est juste que…  » se contenta-t-il de répondre, encore hésitant.
Et après tout, était-ce l’affaire de la confiance que celle d’accorder celle-ci à un monstre ?
Cela dit, si j’étais réellement un monstre… sans doute n’en aurais-je pas conscience…

« Oui, excellente idée. Je te dirai tout. Tu vas en avoir besoin.  » affirma-t-il, peu convaincu, se forçant ainsi à franchir un point de non-retour afin de ne plus faire marche arrière.




Une fois au temple de Desna, après s’être assuré d’être suffisamment isolé, il proposait l’une des bouteilles de liqueur qu’il avait ramené de Po Li. Une excellente liqueur à base d’un mélange de mangues et de bananes, une composition d’un ami de la famille. Après quelques instants de silence, il avala un verre cul sec, sa mâchoire s’ouvrant de manière saccadée tandis qu’il ingurgitait le breuvage, puis se lança à l’eau… à sa manière.

« Inutile de tourner autour du pot…  » lâcha-t-il, présentant sa main au maquillage estompé, incitant Shiori à ce qu’elle la touche.

« Lorsque que nous nous sommes quittés… Je suis reparti au front. Mon incompétence nous a coûté mon père, mes frères, et… enfin presque tout.
Tu sais ce que c’est ?  » demanda-t-il, espérant que Shiori réussirait à mettre les bons mots sur sa nature de Shenxian.
 

Tao lâcha un autre soupire, mi-soulagé cette-fois ci. Au moins avait-elle compris et savait-elle sensiblement ce que cela impliquait.
« Non, ce n’est pas de ta faute !  » reprit-il d’une voix forte, reprenant du poil de la bête pour dissiper la culpabilité chez l’elfe.

Rien n’était joué… mais sa réaction était de bon augure. Tant mieux. Non pas qu’il eut pensé que la jeune femme changerait radicalement de caractère en apprenant la nouvelle, mais le doute persistait, et persistait encore un petit peu, d’une certaine manière. Un doute qui ne se dissiperait pas de sitôt, mais qui trouvait ses racines dans la psyché de Tao, et non dans la confiance qu’il plaçait en autrui. Au fond, il pensait toujours être devenu une sorte de monstre.

Il reprit de la boisson, laquelle semblait néanmoins lui faire de l’effet, malgré sa nature de Shenxian.
« Non, c’est de la mienne… J’avais les uniformes, j’avais mes gars, et j’avais un excellent plan… J’ai été trop confiant et imprudent… et voilà le résultat. »

Autre soupire, et autre gorgée de liqueur.
« Ce qui est fait est fait. Et j’ai eu de la chance d’une certaine manière, je ne devrais même plus être ici… Au moins ai-je pu te revoir.  » conclu-t-il en souriant maladroitement.

Modifié par un utilisateur dimanche 27 septembre 2020 11:43:48(UTC)  | Raison: Non indiquée

Légèrement stupéfait, Tao ne semble pas savoir quoi répondre dans un premier temps. Si la première question lui a souvent été posée par sa famille, sans trop savoir quoi y répondre non plus d’ailleurs, la seconde est d’autant plus gênante qu’il ne la comprend pas vraiment. Ou qu’il n’y a jamais vraiment songé du moins.

« Je vais bien.
Faire… comment ? Pour faire… quoi exactement ? Je n’ai pas vraiment le choix, je fais avec ce que j’ai. Au moins n’ai-je pas perdu ma famille, et pour le moment, je n’ai pas réellement d’autre objectif dans la vie que de m’assurer de leur bien-être. Enfin dans… ça.  » répondit-il, ne sachant s’il devait se considérer en vie ou non.

« Dans l’existence.  » finit-il par conclure, satisfait de sa formulation. Une manière de dire que vivant ou mort, il était là, et c’est ce qui comptait pour lui à l’heure actuelle.

« Je te ressers un verre ? »

Les questions de Shiori redonnent la sourire à Tao. Un sourire franc. Après ces quelques échanges, il était déjà rassuré sur l’image que Shiori avait de lui. Une image qu’il n’avait sans doute pas de lui-même, que cela soit juste ou non.

Il lâche un petit rire rauque.
« Haha ! Ce n’est pas idiot. Mais oui, ça me fait toujours de l’effet. J’ignore totalement pourquoi en revanche. Pour être honnête avec toi, j’ignore totalement comment ce… "nouveau corps" fonctionne.  »

Il lâche un petit sourire amusé, se souvenant d’une parole de sa mère. A l’origine de toute affection, on rencontre la curiosité.

« Non, ne t’inquiète pas… Eh bien… Hormis la désagréable sensation d’être un monstre… Les sensations de manière générale ne sont plus les mêmes, un peu comme si je vivais dans un songe ou à travers une vitre de verre… Tout semble… distant et chimérique… d’une certaine manière.
D’un autre côté, ce corps est plus… résistant et endurant. Il est fait pour j’imagine.  »

Il repose son verre et s’essuie le coin des lèvres.
« Et toi alors ? Qu’est-ce que tu as traversé depuis la dernière fois ? »

Voir les réactions de Shiori, lesquelles semblent ne pas avoir vraiment changées depuis la dernière fois, confortent Tao dans son choix de lui dire la vérité. Par mimétisme, il se gratta le cou, un geste en réalité dénué de sens, sans doute un reliquat de sa vie passée.

« En savoir plus ? Eh bien… Ce n’est pas le genre d’informations que le Lingshen laisse facilement circuler, ne va pas te mettre en danger pour ça… Mais si tu trouves quoi que ce soit, je suis preneur.  »

Néanmoins, si l’attention touche Tao, il est soulagé que Shiori accepte de se laisser glisser vers autre chose. Un autre sujet qui dérive bien vite faire une autre question, une question qui permit à Tao de réaliser qu’il n’était pas le seul à se laisser perturber par une interrogation.

« La manière dont tu es partie hein…
Humpf, ne t’en fais donc pas, on a tous nos raisons, et j’imagine que certains "manières" sont plus subtiles que d’autres…  » conclua-t-il sur un ton mesquin.

Il leva son verre vers l’elfe pour trinquer, le moral regonflé.

« Ce qui importe, c'est qu'aujourd'hui nous allons bien. A nous !  »

« Joli hein ? Quelle charmeuse…  » lâcha le géant avec un sourire bête.

S’en suit un moment de silence, un moment de flottement gênant. Tentant d’effacer le sourire idiot qu’il savait toujours accroché à ses lèvres, Tao entreprit de reprendre à boire. Ce n’était pas le choix le plus intelligent, ni le plus discret, mais au moins cela marchait. D’ailleurs, c’était aussi une manière d’occuper ce moment de silence, cela lui permettait de réfléchir à un nouveau sujet.

Maintenant qu’il y pensait, c’est vrai qu’il ignorait totalement pourquoi son nouveau corps réagissait à l’alcool, et alors qu’il ne ressentait plus le plaisir du liquide chaud se déversant dans son gosier. Et c’était également vrai qu’il ne s’était jamais réellement intéressé à ce pyjama de terre cuite, se contenant d’être fataliste… Mais l’heure n’était pas à la question, et il n’oserait de toute manière pas bondir sur Shiori en lui demandant ce qu’elle pourrait trouver, c’était déplacé.
D’ailleurs, en parlant de déplacement, un autre sujet lui vint à l’esprit. Un sujet qu’il fallait qu’il tente au moins une fois.

« Sinon… ça te plaît comme activité ? Pour gagner ta vie j’entends. Tu sais, si tu le voulais, tu pourrais te fixer ici, avec nous. Je suis certain qu’il y a fort à faire dans la région pour des gens de ton talent…  »

Peut-être que la proposition est maladroite, sans doute même, mais au moins était-elle faite.