Aux petites heures de l'aube, plein de courage, Joro se rend là où doivent aller les hommes quand nécessité fait loi, quand la Nature impose ses règles et que le Mwangi de naissance sait qu'il ne peut s'y dérober : derrière un arbre pour faire pipi.
Il est rapidement rejoint par l'autre natif, Jask Derindi, qui a toujours impressionné le jeune Halfelin par son regard plein d'intensité et de gravité. Cela a pour effet de faire perdre ses moyens au guide, qui essaie de trouver une amorce de conversation pour faire repartir le flot naturel.
« Euh, hem, bon matin Jask ! Comment s'est passé la nuit pour Gelik, il va s'en sortir sans trop de séquelles ? Est-ce que sa voix est touchée ?  »
Sentant qu'il y a encore matière à se soulager, Joro enchaîne.
« Je n'ai pas bien compris d'où vous viennent vos pouvoirs de guérison, vous n'êtes pas un chamane comme Marah ? Et comment se fait-il que vous vous soyez retrouvés aux fers sur ce bateau, alors que vous soignez les gens ? Dans ma tribu, les Zenj des rives de la Vanji, quand un villageois fait trop de bêtises, il est simplement chassé, on ne les enferme pas, car il devient alors une bouche inutile à nourrir. Vous êtes de quelle ethnie vous ? Et comment vous vous êtes retrouvé loin du Mwangi ?  »
Un nuage vaporeux monte dans l'air matinal alors que les mictions chaudes rencontrent les mousses fraîches, et que les hommes poussent un soupir d'aise.

Ayant pu terminer son office, Joro est ravi d'écouter le prêtre qui lui semble plus ouvert et amical qu'au premiers abords. Sa liberté recouvrée y étant sûrement pour beaucoup.
« Ah, Nethys hein ? Il est fort ? A quoi il ressemble ? Moi je vénère Madiba, Mère-Nature-Généreuse, qui nous porte et qui nous fournit tout ce dont nous avons besoin, et qui nous mange à la fin quand on est vieux ou avant si on est pas assez fort. Elle est partout, au Sargrave aussi, si tu veux changer, Madiba elle voudra bien, elle accepte tout le monde. »
A l'évocation d'un service, le halfeling ne met pas longtemps à répondre positivement tout en se re-fagotant; il est habitué à ce qu'on lui donne des ordres et des directives en tant que guide, donc lorsque c'est fait poliment il y a encore moins matière à refuser.

« Pour sûr qu'on peut faire ça pour vous M'sieur Jask ! Je peux en parler aux autres ? Car je ne suis pas sûr de bien retenir tous les noms que vous avez dit, et puis si on est plusieurs à ouvrir l’œil, on aura plus de chance de trouver l'épave et les papiers qu'il vous faut. »
Joro crache dans sa main et serre celle du prêtre pour matérialiser son engagement, puis il retourne au camp se préparer pour l'expédition du jour.

Parmi les premières personnes qu’Ileniel avait rencontrées sur cette île, il y avait Jask. Il lui était directement apparu comme quelqu’un d’attentionné qui s’était retrouvé là malgré lui. Lui parler ne sera pas un problème, mais elle devra s’assurer de sa loyauté et de sa précieuse aide. Après avoir parlé à Ishirou, elle partit en quête du guérisseur, et l’ayant trouvé…

« Jask, vous avez un instant ? J’aurais une tâche à vous confier. Cela ne bousculera pas vos habitudes, et vous êtes la seule personne qualifiée pour ce que j’ai à vous demander, hormis Marah, mais nous partons bientôt. »

Elle marque une pause et regarde autour d’elle pour s’assurer qu’ils étaient seuls.

« C’est à propos de Gélik. Il pense avoir été empoisonné par une personne du camp. Si c’est le cas, c’est la sécurité de tout le monde qui est en jeu. Est-ce que vous seriez capable de détecter si Gélik a bien été empoisonné ? Ou est-ce que vous auriez au moins une idée du genre de poison capable de créer une telle réaction ? »

La demie-elfe regarda un instant dans le vide. Elle était déterminée à mettre sa stratégie en œuvre, mais si Gélik avait tort ? Si elle ne trouvait aucune preuve que quelqu’un l’avait empoisonné ? On avisera le moment venu…

« Merci Jask. Prends soin des blessés, et… s’il te plait, ne parles à personne de cette histoire d’empoisonnement. Si quelqu’un est véritablement responsable, il est indispensable que cette personne soit le moins possible sur ses gardes. »

Sur ces paroles, elle salua Jask d’un signe de tête. Il était désormais temps de trouver Magthen et Sasha.