L’église d’Erastil

À cette heure-ci, Matlam savait que Louis ne pouvait être qu’à l’église d’Erastil, de l’autre côté de la place. L’office du matin et les leçons de choses étant terminées, il était occupé à nettoyer et ranger les lieux dont les portes étaient toujours grandes ouvertes en journée. En franchissant le seuil, on croyait être toujours dehors. Les lieux étaient un peu plus sombres que l’extérieur, mais la lumière du soleil filtrait à travers de nombreuses pierres et tuiles mal scellées. L’air humait l’odeur du sous-bois, sûrement dû au sol en terre battue et au lierre qui grimpait à l’intérieur le long des murs et colonnes. Au fond, sous un puits de lumière naturelle, un grand autel de bois travaillé surmonté d’une paire de rameaux attirait tout de suite le regard. Dans la nef, des troncs d’arbres couchés servaient de banc et au bout de chaque travée, un petit autel était dédié à d’autres divinités dont Abadar, Desna, Sarenrae ou encore Gozreh.

D’abord surpris de la présence dans le petit temple, Louis prit un air réprobateur en voyant Matlam. Il s’avança vers lui, à moitié réprobateur, à moitié hésitant en le voyant accompagné d’une elfe inconnue.


« Matlam ! Tu as encore manqué les cours aujourd’hui. Ce n’est pas selon l’humeur que l’on vient à l’enseignement. Quand Grégorio entendra cela, tu peux être sûr que ta mère sera immédiatement informée. Et euh… bon, que ça ne se reproduise pas. »

Le jeune homme devait avoir à peine 2 ans de plus que Matlam, et l’exercice de la discipline semblait ne pas être son fort, surtout avec une forte tête comme celle-ci. Evacuant rapidement le sujet, il se tourna vers Alicyl.

« Je ne crois pas vous avoir déjà vue, mais je vous remercie de m’avoir rapporté ce garnement. Mmh, vouliez-vous également dire une prière ? »

Modifié par un utilisateur vendredi 3 mars 2023 18:38:37(UTC)  | Raison: Non indiquée

Matlam avait accompagné l’elfe jusqu’à chez frère Louis malgré les risques car il reconnaissait en Alicyl la clé pour débuter sa vie d’aventurier. Une elfe plusieurs fois centenaire (du moins, se l’imaginait-il) devait connaître mille et une aventures. Aussi lorsqu’elle l’interrogea sur son avenir, c’est assez naturellement que sa réponse vint : « Je veux devenir un aventurier et parcourir le monde. Je deviendrai riche et fort et les femmes connaîtront toutes mon nom. Je pourrai même choisir la plus belle d’entre elles pour devenir ma femme. Aussi, je pourrai boire de la bière et manger gratis dans toutes les tavernes, jouer aux dés et aux cartes jusque pas d’heure. Et les rois m’engageront pour une montagne d’or ! » Tout cela avait été dit avec excitation sur un rythme rapide et un peu décousu.

Le temps de reprendre sa respiration, il poursuivit « Mais j’ai grandi toute ma vie dans ce trou perdu. Y se passe jamais rien ici et ma mère veut pas que je parte du village. Mais comment je vais pouvoir devenir un aventurier célèbre si elle me laisse pas faire ? J’veux pas finir à la cuisine comme mon père. C’est nul, ça ! C’est le rôle de mes soeurs. Mais toi, tu saurais peut-être comment faire pour m’aider à convaincre ma mère. Je suis sûr que tu dois être une aventurière hors pair. T’as du charisme et de la prestance. D’ailleurs, t’as même réussi à voler la bourse du maire sans qu’il capte rien. Moi, j’ai la main leste aussi mais j’avais jamais vu ça. Et t’as fais comme ça dans un geste fluide » dit-il en mimant ce qu’il avait vu plus tôt.

« Tu saurais m’apprendre à faire ça ? Ça se trouve, ça me sera utile un jour ? Et mieux encore ! Si tu voulais bien que je devienne ton apprenti pendant quelques mois, je ferais tout ce que tu me dis de faire pour apprendre le métier. D’ailleurs, tu sais, je sais déjà tirer à la fronde. Mon père m’a appris quand on partait à la chasse. Je suis le meilleur tirer du village. Et je peux apprendre à manier l’épée. Je sais déjà faire quelques gestes. Je m’entraine en secret avec Alton à l’orée du village quand son père le laisse tranquille. Si tu veux, je peux même te faire une démonstration. Enfin, peut-être plus tard. Là, on va bientôt arriver chez le frère Louis. Purée, il est razoiiiiiiir lui ! Même quand je suis bien réveillé, il me fait piquer du nez. Et en plus, il se prend pour un grand et tout alors qu’il a que deux ans de plus que moi. Il fait genre « Matlam, le père Grégorio ne serait pas d’accord. »  « Matlam, tu dois m’écouter, blablabli, blablabla. » Et en plus, il dit rien d’intéressant ! Y me fatigue, j’te jure. Je préfère le père Grégorio. Au moins, lui, il sait blaguer et nous apprendre des trucs intéressants. Tu savais toi, que les sangliers étaient omi-onmi-… qu’ils mangent tout ? En plus, la laie peut avoir entre deux à dix marcassins ? Mais ça, ça dépend de son poids initial. C'est pour ça que notre village peut vivre. Nos chasseurs procurent les produirts de leur chasse à Nid-de-Faucon. C’est le père Grégorio qui me l’a apprit. Enfin bref, comme le père Grégorio est pas là, on n’a pas le choix. Moi, franchement, j’espère qu’il lui est rien arrivé. C’est vrai que la forêt est devenue dangereuse ces derniers temps. Si le père Grégorio est en danger, je veux vous accompagner pour aller l’aider. Et si on va sauver la cantatrice d’abord, ça me va aussi. Je connais un peu la forêt et ses dangers. »

Matlam s’était montré expansif avec Alicyl et s’était répandu en paroles à la question de l’elfe. Il y avait à boire et à manger, la réponse à la question donnée mais aussi malheureusement quantité de questions posées, dont celle de l’apprenti.



Le jeune homme fit une grimace discrète quand le frère Louis le morigéna. Lui parlait n’amenait rien et de toute façon, il n’avait aucune autorité sur Mat. Tout ce qu’il pouvait faire, c’était prévenir sa mère et il ne se priait jamais de le faire. Préférant écouter l’échange entre l’aventurière et le jeune ecclésiastique, il découvrit qu’Alicia portait un intérêt certain à un certain bouquin. Curieux, Mat attendait la suite de l’échange.

Curieux, le jeune Mat observait avec attention l'elfe. Il avait entendu dire que les elfes étaient beaux et cultivés, mais pour qu'une aventurière comme elle s'intéresse à un bouquin et vienne s'enquérir d'un ecclésiastique perdu au milieu d'un trou paumé comme Valsombre, ce livre devait être sacrément important. Presque malgré lui, il demanda à Alicyl : « C'est un livre magique ? »