La neige s'annonça très tôt cette année là, comme si elle était pressée de recouvrir de son blanc manteau les plaies laissée par la guerre. La terre avait souffert, les hommes aussi et un hiver précoce n'était pas pour arranger les affaires. Les réserves étaient au plus bas, aucun cheptel n'avait pu être reconstitué à temps, les bêtes étaient maintenant dans les étables au milieu d'énormes tas de paille et il faudrait attendre le printemps avant qu'elle ne sorte de nouveau. Le Sutercle, l'Arbenfield s'était endormis, comme paralysés par le froid et le gel, l'hiver fut rude cette année là, plus rude que les autres fois, plus dur comme pour infliger un ultime coup du sort à ceux qui avaient déjà tant soufferts. Il allait falloir se serrer les coudes et le baron Waldemar n'hésita pas une seule seconde pour puiser dans ses richesses personnelles pour acheter du ravitaillement à Pointesable, que marchands et pêcheurs allèrent chercher par la voie des rivières et de la navigation côtière. L'hiver serait une question de survie et tous n'y survécurent pas. Les plus faibles, les plus âgés, malgré les soins et les efforts, la Dame des Tombes avait décidé d'en rappeler plusieurs d'entre eux afin de comparaître devant elle. Le vent balayait les plaines et les collines, soulevant des nuages de neige glacée et aveuglant les voyageurs. La bonne nouvelle était que le commerce avait repris, surtout à Bourg et si le commerce reprenait, malgré la difficulté des voyages par ces temps difficiles, alors la croissance allait reprendre aussi. Mais que faisaient nos héros pendant ce temps là...

Frédrigo avait aidé Keldrim à chasser Marciàn avec un plaisir non dissimulé, charmant l’un des butors lui servant de gros bras pour le forcer à tanner le cuir fessier de l'ancien despote, pendant que piteusement, les trois larrons fuyaient le village sous les huées des habitants trop longtemps soumis à son diktat.

Il avait conseillé à Keldrim de s’assurer les services d’un rôdeur ou d’un homme des bois discret pour suivre ces bons à rien, connaître leurs faits et gestes, car il se méfiait par-dessus tout de l’ancien chef du village, un être méchant, cruel, avide de pouvoir et d’argent, et certainement ambitieux et peu désireux de se laisser chasser sans rien entreprendre par la suite.

Mais Il ne savait pas quelles suites Keldrim avait donné à son conseil, et maintenant que la neige était arrivée, il se terrait dans la salle des fêtes, à divertir les enfants par ses tours de magie.
Il tentait tant bien que mal de leur faire oublier qui un père mort au front, qui un grand frère rentré invalide ou grièvement blessé, qui un oncle ou un cousin porté disparu, racontant au coin du feu les exploits de Nadya et Armine de Bourg protecteur des faibles et opprimés de la ville, qui avaient initié la lutte contre le groupe du Masque, de Ferrèol et feu Saxifrag défenseurs des bois environnants et de la liberté, et comment Saxifrag l’avait sauvé lui Fredrigo lors d’une attaque, le sacrifice de Keldrim face à une meute d’orques hurlants, et son lent retour à la vie, Aquilone la jeune prêtresse de Sarenraé qui avait repris le flambeau, ou plutôt le cimeterre de flamme de son Eglise pour défendre Sutercle, les frères Mercant, Erik le taciturne et Ylvian le courageux qui s’en étaient restés à Bourg avant de partir pour le front, de Zaël le nouveau mage de la Tour Blanche qui les avaient aidés, ici et là, de Selim, ancien ennemi avec qui ils s’étaient alliés pour lutter contre les sbires et séides du terrrrrrrrrrrrrible mage noir Morgheddon, et ramener la paix entre les deux territoires voisins, ou encore Denmel Tanglethorn qui enquêtait sur la tragédie ayant frappé sa famille, mais avait mis de côté son histoire personnelle pour combattre lui aussi le Masque puis les hordes humanoïdes tapies au fond de la forêt, prêtes à fondre sur Khelgur.

De temps à autre, il parlait de ses propres exploits, tout en omettant quelques erreurs de jugement, mais toujours lorsque les oreilles de jolies femmes célibataires étaient à distance raisonnable pour entendre les enfants s’esbaudir, s’esclaffer ou applaudir ses propres exploits.

Il n’omettait jamais non plus de citer les hommes du village et des environs, ceux qui étaient revenus et plus encore ceux qui étaient restés sur les champs de bataille, louant leur abnégation, leur sacrifice destiné à les protéger eux, les enfants, les vieillards, les femmes, pour qu’après la guerre revienne la paix, qu’après l’hiver ressurgisse le printemps, qu’après les morts muets à jamais résonnent de nouveau les cris des nouveaux nés, l’espoir d’entendre de nouveau les rires et les chants dans les maisonnées, les fleurs et les moissons frissonnant aux vents d’été, les ruisseaux s’écoulant paisiblement dans les campagnes.

Mais c’est avec une certaine nostalgie qu’il pensait à ses aventures, tel un halfling qui aurait suivi, longtemps auparavant, des nains désireux de chasser un dragon de leurs terres ancestrales, et qui, revenu chez lui, commencerait à regretter de terribles rencontres avec des trolls, des gobelins, des araignées, la visite de palais ou cachots elfiques, ou encore des chevauchées à dos d’aigle haut dans le ciel pour échapper à des worgs agressifs...

Et puis il n’avait pas vraiment eu le temps de faire davantage connaissance avec Denmel, de l’aider dans sa quête, si toutefois c’était possible.

En outre, Morgheddon avait fui.

Il n’allait pas tarder à reprendre le chemin de Bourg, malgré les frimas hivernaux…


je teste le jeton avec boîte à outil - si c'est "trop", faut me le dire !!

Modifié par un utilisateur mardi 15 avril 2014 16:57:37(UTC)  | Raison: Non indiquée