Source : blog Paizo ; Auteur : James L. Sutter



Il y a un million de façons de mourir dans le Royaume des Seigneurs des mammouths. Les natifs de cette terre brutale sont les Kellids, peuple nomade ayant tiré le meilleur parti de ce monde primal. Amiri est l’une de ces barbares. Bien qu’ayant été bénie d’une combinaison d’indépendance et de puissance, l’enfance d’Amiri a toujours été un défi constant. Pour les gens de la tribu des Six Ours, les muscles et la bravoure n’étaient pas des caractéristiques idéales pour une femme. Pour la tribu, le rôle d’une femme était simple : élever les enfants, soigner les malades et tisser des liens avec les autres tribus. Les femmes étaient vues comme des ressources. Lorsqu’une tribu souhaitait créer une alliance, ils envoyaient des cadeaux en viandes, en fourrures, en trésors mais aussi en jeunes femmes. Amiri ne se voyait nullement comme du bétail et chaque fois qu’elle le pouvait elle essayait de surpasser ses frères et cousins. Lorsqu’un chasseur sortait et ramenait un caribou, elle faisait de même et en ramenait deux. Lorsqu’une bande de pillards orques tombait par erreur dans leur territoire de chasse et qu’un héros tribal en tuait quatre, elle prenait sur elle et en tuait six. Son sens constant de la compétition ne lui avait apporté que peu d’amis : ses frères étaient à la fois intimidés par sa férocité et subjugués par sa beauté, tandis que ses sœurs savaient qu’à chaque fois qu’elle allait contre la tradition, ils seraient tous punis.

Lorsque finalement Amiri atteint l’âge de la majorité, sa réputation s’était répandue bien au-delà de la tribu des Six Ours. Les autres tribus se mirent à l’appeler la « Chef douce » des Six Ours, un nom qui l’humiliait presque autant que sa tribu, suggérant qu’ils étaient faibles pour avoir permis à une de leur femme de devenir si forte et indépendante. Aucune des autres tribus ne voulait avoir affaire à elle. Sa présence continuelle au sein des Six Ours causa maintes querelles entre des tribus autrefois amicales, et ainsi les ancêtres déterminèrent qu’il n’y avait plus qu’un seul choix : Amiri devait mourir. Le seul problème venait de la croyance répandue selon laquelle l’assassinat d’un membre de la tribu était le plus grand des tabous et le plus sûr chemin vers l’enfer.

L’occasion de se débarrasser de leur encombrante sœur se présenta assez tôt, lorsque le mot vint qu’une tribu de géants du froid avait été aperçue dans les montagnes voisines. Les anciens organisèrent une troupe de guerre pour partir en reconnaissance dans les montagnes et repousser les géants, et ils s’assurèrent qu’Amiri fasse partie de l’expédition. Etonnée mais fière d’avoir finalement été choisie Amiri ne remarqua pas la manière dont les ainés sourirent à son empressement de se mettre en route. Les anciens savaient que l’esprit de compétition d’Amiri lui ferait rapidement perdre la tête et ils chargèrent en secret le reste des chasseurs de l’aiguiller vers une telle situation. La troupe de guerre se dirigea vers les contreforts de Kodar et il ne fallut pas longtemps avant qu’ils ne trouvent des preuves du passage des géants. Un matin, le chef de la bande se précipita dans le camp, brandissant au dessus de sa tête un poignard de la taille d’un bras humain. Le guerrier clama avoir tué à lui seul un géant et avoir pris sa dague, ce qui lui valut les acclamations de la troupe pour son habileté et sa bravoure. Amiri mordit à l’hameçon et annonça qu’elle reviendrait avant le crépuscule avec une arme encore plus grosse. Elle ne pouvait alors savoir que l’imposante dague faisait en réalité partie d’une machination : les guerriers l’avaient amené avec eux pour servir d’appât et inciter ainsi la jeune femme à tomber dans leur piège insensé.

Mais ce que la troupe n’avait pas anticipé est qu’Amiri trouve bel et bien un géant du froid. Après avoir erré dans les montagnes, elle arriva à coté d’un immense corps au pied d’une falaise : le géant, mort, reposait là depuis plusieurs semaines et à ses cotés gisait son immense épée bâtarde. Bien qu’Amiri sache qu’elle n’avait pas tué le géant, elle savait également que tout ce dont elle avait besoin était son épée en guise de preuve. Les siens ne discuteraient certainement pas sa valeur avec un tel trophée entre ses mains. Pourtant, lorsqu’elle eut retrouvé l’endroit où elle avait laissé le reste de la troupe, le camp était vide. Préoccupée et inquiète que ses compagnons aient put être victimes des dangers de la région elle suivit leur piste, les rattrapant à mis chemin du camp tribal. Cependant, comme elle se rapprochait du campement elle réalisa que quelque chose n’allait pas : ils étaient en train de parler d’elle, et ils riaient.

Rampant invisible jusqu’à la lisière du camp, elle réalisa qu’elle avait été dupé. Elle les entendit se moquer de ses manières, de la façon dont elle était tombée dans leur ruse, et comment elle devait à présent cuire dans la marmite d’un géant. Qu’ils semblaient heureux et à l’aise à l’annonce de sa mort n’était pas ce qui rendait Amiri furieuse. C’était la preuve que son propre peuple la voyait comme une dupe. Les yeux flamboyants, Amiri entra dans le camp et brandit sa nouvelle épée, proclamant qu'elle les surpassait tous. Les autre guerriers, choqués de la voir en vie, se remirent rapidement à rire tout en soulignant qu’elle pouvait à peine manier une arme aussi pesante. Sa fureur grandissant, Amiri souleva l’arme et tenta d’adopter une pose menaçante, mais la taille de l’arme lui fit perdre l’équilibre et elle trébucha, au plus grand amusement des autres barbares. C’en était trop. Avec un rugissement, Amiri bondit sur ses pieds. Sa rage remplissait son corps, obscurcissait sa vision, gagnait sur son âme. Deux barbares furent décapités par son immense épée avant même de réaliser que la mort était venue. La bataille fût rapide et brutale. Amiri ne remarquait pas les coups qui s’abattaient sur elle, avançant implacablement d’un traitre à l’autre en les tranchants en deux.

Lorsque sa rage se calma finalement, Amiri réalisa ce qu’elle avait fait. Elle savait que les chasseurs avaient certainement mérités leur sort, mais ils étaient ses proches. Le fait que pour elle les raisons de leur assassinat soient valides ne changeait pas les liens du sang. Elle savait qu’elle avait coupé ces liens, et ainsi elle tourna le dos aux corps sans vie, confiante qu’ils seraient découverts par une autre troupe assez tôt. Tandis qu’elle se dirigeait vers l’Est dans les terres de l’Irrisen et les étendues inconnues, son cœur était pour la première fois libre : son futur n’était plus prisonnier des traditions de la tribu. Elle en vint à apprécier son épée surdimensionnée, et même si elle ne pouvait vraiment la manier correctement que lorsque la rage sanguinaire l’emportait, elle était devenue une part d’elle-même au même titre que son indépendance farouche ou que son cœur ardent. Elle ne se considère plus à présent comme un membre de la tribu des Six Ours, mais ne parle jamais des circonstances qui l’ont obligé à fuir sa contré natale. Certaines choses valent mieux ne pas être dites.